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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> MACOVEI v. ROMANIA - 28255/08 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 1152 (19 November 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/1152.html
Cite as: [2013] ECHR 1152

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE MACOVEI c. ROUMANIE

     

    (Requête no 28255/08)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    19 novembre 2013

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Macovei c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Corneliu Bîrsan,
              Luis López Guerra,
              Nona Tsotsoria,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 octobre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 28255/08) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Mihai Macovei (« le requérant »), a saisi la Cour le 6 juin 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme I. Cambrea, du ministère des Affaires étrangères.

    3.  Le requérant dénonce en particulier les mauvaises conditions de détention subies par lui dans les prisons de Bucarest-Jilava et Aiud.

    4.  Le 10 novembre 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1958 et est actuellement incarcéré à la prison d’Aiud.

    A.  La condamnation du requérant

    6.  Par un jugement du 3 octobre 2007, le tribunal départemental de Hunedoara condamna le requérant à 20 ans de prison ferme pour meurtre, peine assortie de peines complémentaires. Le tribunal jugea, après avoir analysé les preuves (procès-verbaux d’enquête, autopsie, témoignages, déclarations) que le requérant avait donné la mort à sa concubine. Afin de fixer la peine, le tribunal prit en compte le fait que le requérant était en état de récidive, ayant déjà été condamné à 10 ans de prison ferme pour un autre meurtre.

    7.  Ce jugement fut confirmé par la cour d’appel d’Alba Iulia le 17 janvier 2008 sur appel du requérant puis par la Haute Cour de cassation et de justice le 21 avril 2008 sur pourvoi en recours, à l’exception des peines complémentaires qui furent annulées.

    8.  Du 28 février au 19 juin 2008, le requérant fut incarcéré à la prison de Bucarest-Jilava. Depuis cette dernière date, le requérant purge sa peine à la prison d’Aiud.

    B.  Les conditions de détention dans la prison de Bucarest-Jilava

    1.  Les conditions de détention telles que décrites par le requérant

    9.  Dans une lettre du 17 septembre 2008, le requérant affirme avoir été placé dans une cellule dans laquelle il y avait selon lui beaucoup de rats et des toilettes sans cloisons et sans eau. Il affirme également avoir été placé par la suite dans une autre cellule, où les toilettes n’avaient pas d’aération et n’étaient séparées du reste de l’espace par aucune cloison, de sorte que les odeurs se répandaient dans la cellule. Il y avait également beaucoup de rats et de punaises dans cette cellule.

    2.  Les conditions de détention telles que décrites par le Gouvernement

    10.  Le Gouvernement produit la copie d’une lettre du 3 février 2011 de l’administration nationale des prisons (ANP), qui confirme que le requérant a été placé, à la prison de Bucarest-Jilava, dans les cellules no 511 (du 28 février 2008 au 18 mai 2008) et no 403 (du 19 mai au 19 juin 2008). Selon le Gouvernement, la cellule no 511, qui bénéficiait d’une bonne ventilation, était pourvue de deux fenêtres (135 x 62 cm et 135 x 135 cm respectivement) qui assuraient un éclairage naturel, d’un espace de rangement pour la nourriture, de deux toilettes, dont une séparée par un mur pourvu d’une porte. D’après les mêmes informations, la prison bénéficiait d’un système de chauffage ; les détenus avaient accès, deux fois par semaine, à un espace douche (comprenant 19 douches). En ce qui concerne l’hygiène, le Gouvernement affirme que, selon les informations fournies par l’ANP, les détenus étaient obligés de garder une bonne hygiène de leurs cellules et des toilettes. Au moins une fois par trimestre, une désinfection a lieu dans la prison. Le régime alimentaire dont le requérant a bénéficié dans cette prison répondait, selon le Gouvernement, aux normes imposées par le ministère de la Justice.

    C.  Les conditions de détention dans la prison d’Aiud

    1.  Les conditions de détention telles que décrites par le requérant

    11.  Dans la même lettre du 17 septembre 2008, le requérant dénonçait les mauvaises conditions de détention dans la prison d’Aiud, où il purge sa peine actuellement. Il se plaignait notamment de l’absence totale d’hygiène, d’une nourriture bonne « pour les cochons » et du très mauvais état des toilettes.

    2.  Les conditions de détention telles que décrites par le Gouvernement

    12.  S’appuyant sur les informations fournies par l’ANP, le Gouvernement affirme que le requérant a été placé dans les cellules nos 426 et 416, qui mesuraient 7,81 m² et 23,82 m² respectivement et qui bénéficiaient d’un éclairage naturel et d’une bonne ventilation. Selon le Gouvernement, les cellules étaient pourvues de lits superposés, avec matelas et draps, d’une toilette avec fenêtre, d’une douche (avec de l’eau chaude deux fois par semaine). L’eau fournie dans les cellules était propre à la consommation et à partir de l’année 2007, après une série de réparations, il n’y avait plus de rats ni d’insectes. La prison d’Aiud bénéficie d’un système de chauffage et chaque cellule est pourvue d’un mobilier adéquat (deux armoires, une table et deux chaises). À titre d’exemple, il verse au dossier 13 photographies montrant une cellule avec deux lits superposés et l’intérieur de la prison. Le régime alimentaire dont le requérant a bénéficié répondait, selon le Gouvernement, aux normes imposées par le ministère de la Justice.

    D.  Les différentes plaintes formulées par le requérant

    13.  Il ressort des informations fournies par le Gouvernement que le requérant formula plusieurs plaintes devant le juge délégué de la prison d’Aiud. Une plainte concernant la violation du secret de la correspondance par les employés de la prison d’Aiud fut rejetée comme manifestement mal fondée le 9 novembre 2010. Une autre plainte, portant sur le faible débit de l’eau courante (potable et ménagère) dans la cellule du requérant fut accueillie le 13 octobre 2010 par le juge délégué, qui ordonna à la prison d’Aiud de remédier à ce dysfonctionnement. Une nouvelle plainte concernant, entre autres, le faible débit de l’eau du robinet et une amélioration du planning d’accès aux douches fut rejetée le 30 novembre 2010. Le premier grief fut rejeté au motif de l’autorité de la chose jugée et le deuxième en raison du respect par l’administration du programme hebdomadaire d’accès à l’eau chaude établi pour l’ensemble de la prison (dix minutes, deux fois par semaine). Le 15 décembre 2012, le requérant formula une plainte dénonçant la présence de moisissures dans sa cellule, les murs en étant couverts, selon lui, dans une proportion de plus de 50 % de leur superficie. Sa plainte fut rejetée le 7 décembre 2010 sans examen au fond, au motif qu’entre-temps, le 27 novembre 2010, le requérant avait été transféré dans une autre cellule. Plusieurs plaintes tendant la mise à disposition d’enveloppes et de timbres par l’administration de la prison d’Aiud furent rejetées comme mal fondées par le juge délégué au motif que l’administration lui en fournissait déjà la quantité nécessaire et que, pour d’éventuels besoins supplémentaires, le requérant avait la possibilité de s’en procurer.

    14.  Avec ses observations supplémentaires, le Gouvernement produit copie de plusieurs autres décisions de justice rendues à la suite de plaintes formulées par le requérant. Ainsi, le 9 juin 2011, le tribunal de première instance d’Aiud rejeta une demande du requérant visant au changement du régime d’exécution de sa peine de prison. Le 25 novembre 2011, le même tribunal ordonna au juge délégué de répondre à une demande d’informations formulée par le requérant, qui souhaitait connaître le nombre exact des plaintes de sa part enregistrées à partir de l’année 2009. Par un jugement du 18 janvier 2012, le tribunal de première instance accueillit partiellement une contestation du requérant visant à l’annulation d’une sanction disciplinaire et renvoya l’affaire devant le juge délégué pour examen d’une preuve. Le 25 janvier 2012, toujours à la demande du requérant, le tribunal de première instance annula une autre sanction disciplinaire (restriction du droit de visite).

    II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    15.  Les dispositions pertinentes de la loi no 275/2006 sur les droits des personnes détenues, ainsi que les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) rendues à la suite de plusieurs visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme ses observations à caractère général, sont résumées dans les arrêts Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 113-129, 24 juillet 2012) et Cucu c. Roumanie (no 22362/06, § 56, 13 novembre 2012).

    16.  Le CPT a dressé un état des lieux détaillé de la situation rencontrée dans les différents établissements pénitentiaires roumains visités en janvier 1999 et en juin 2006, dont la prison de Bucarest-Jilava. Dans son rapport publié le 11 décembre 2008 à la suite de sa visite en juin 2006 dans plusieurs établissements pénitentiaires de Roumanie, le CPT s’est montré très préoccupé par le fait que le surpeuplement des prisons demeurait un problème persistant à l’échelon national. Qualifiant d’« atterrantes » les conditions matérielles de détention dans certaines cellules de la prison de Bucarest-Jilava en raison, notamment, du surpeuplement chronique, du manque constant de lits, des conditions d’hygiène déplorables et de l’insuffisance d’activités éducatives pour les détenus, le CPT a recommandé aux autorités roumaines de prendre des mesures immédiates afin de réduire de façon significative le taux d’occupation des cellules. La direction de la prison a attiré l’attention de la délégation du CPT sur le fait que les conditions matérielles étaient « extrêmement médiocres » dans l’ensemble de la prison.

    17.  L’organisation APADOR-CH a effectué entre 2002 et 2011 des visites régulières dans plus de vingt prisons, y compris la prison d’Aiud. Un résumé de son rapport est disponible dans l’arrêt Iacov Stanciu précité (§§ 146-164).

    18.  Les extraits pertinents de la Recommandation no (2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes, adoptées le 11 janvier 2006, sont décrites dans les arrêts Enea c. Italie ([GC], no 74912/01, § 48, CEDH 2009, et Rupa c. Roumanie (no 1), no 58478/00, § 88, 16 décembre 2008).

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    19.  Le requérant dénonce les mauvaises conditions de détention subies dans les prisons de Bucarest-Jilava et Aiud. Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    20.  Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes, tirant argument des voies offertes par l’ordonnance d’urgence no 56/2003 et par la loi no 275/2006 sur l’exécution des peines, dont les dispositions prohibent, de façon générale, les mauvais traitements et la torture. Il renvoie à la jurisprudence Petrea c. Roumanie (n4792/03, §§ 33-36, 29 avril 2008) et Măciucă c. Roumanie (no 25763/03, §§ 18-19, 26 mai 2009). Il rappelle que le requérant a formulé plusieurs plaintes concernant les conditions de détention en vertu de la loi n275/2006, affirmant que celles-ci sont toujours pendantes devant les tribunaux internes.

    21.  Le requérant n’a pas formulé d’observations sur ce point.

    22.  La Cour note, au vu des renseignements fournis par le Gouvernement (paragraphes 13-14 ci-dessus), que les différentes plaintes formulées par le requérant concernaient les sujets suivants : la violation du secret de la correspondance, la mise à disposition d’enveloppes et de timbres par l’administration de la prison, le changement du régime d’exécution de sa peine d’emprisonnement, une demande d’informations, ou encore l’infliction de diverses sanctions disciplinaires. Quant à la demande visant à l’obtention d’une meilleure pression de l’eau courante dans la cellule, la Cour observe qu’une nouvelle plainte ayant le même objet fut formulée par le requérant par la suite, ce qui suggère que le problème dénoncé n’avait pas reçu remède. Or, cette deuxième plainte fut rejetée au motif qu’elle se heurtait à l’autorité de la chose jugée. Pour ce qui est de sa plainte visant la présence de moisissures dans sa cellule, la Cour note que les tribunaux l’ont écartée sans statuer sur le fond.

    23.  La Cour observe que, s’agissant des conditions matérielles de détention, le grief du requérant porte en particulier sur les mauvaises conditions d’hygiène. Elle rappelle à ce propos avoir déjà jugé, dans des affaires récentes dirigées contre la Roumanie au sujet de questions similaires, qu’au vu de la particularité de ce grief, l’action indiquée par le Gouvernement ne constituait pas un recours effectif à exercer au préalable par les requérants (voir Cucu, précité, § 73). Les arguments du Gouvernement ne sauraient mener la Cour à une conclusion différente dans la présente affaire.

    Partant, il convient de rejeter cette exception.

    24.  La Cour constate en outre que cette partie de la Requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    25.  Le requérant estime que les mauvaises conditions de détention qu’il subit dans les prisons de Bucarest-Jilava et Aiud constituent des traitements inhumains et dégradants, contraires à l’article 3 de la Convention.

    26.  Le Gouvernement considère que les conditions de détention subies par le requérant n’atteignent pas le seuil de gravité requis pour que l’article 3 de la Convention trouve à s’appliquer. Renvoyant à l’exposé des faits pertinents (paragraphes 10 et 12 ci-dessus), il considère que les autorités internes ont pris toutes les mesures nécessaires afin d’assurer au requérant des conditions de détention adéquates.

    27.  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, parmi d’autres, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 162, série A no 25, et Măciucă, précité, § 22).

    28.  La Cour rappelle également que l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure dont l’intéressé fait l’objet ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI). Elle rappelle enfin que, lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de prendre en compte leurs effets cumulatifs ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, no 40907/98, § 46, CEDH 2001-II).

    29.  En l’espèce, la Cour observe que le requérant se plaint des conditions matérielles de détention auxquelles il aurait été confronté dans les prisons de Bucarest-Jilava et d’Aiud pendant environ cinq ans et sept mois.

    30.  S’agissant des conditions de détention dans la prison de Bucarest-Jilava, la Cour estime que le requérant a suffisamment étayé son grief par lequel il entend dénoncer tout particulièrement les mauvaises conditions d’hygiène régnant dans cette prison. Elle observe à cet égard que le rapport issu de la visite du CPT de juin 2006 qualifiait les conditions de détention dans cette prison d’« atterrantes » (paragraphe 16 ci-dessus). Pour ce qui est des conditions de détention dans la prison d’Aiud, la Cour observe que le rapport établi par APADOR-CH dénonçait, outre un surpeuplement chronique, de mauvaises conditions d’hygiène - notamment la présence de poux -, le mauvais état des draps de lit, l’insuffisance du chauffage pendant l’hiver et la mauvaise qualité de la nourriture (Iacov Stanciu, précité, §§ 146-164).

    31.  La Cour considère que les conditions de détention décrites par l’intéressé, combinées avec la durée globale de sa détention dans ces deux prisons, à savoir, cinq ans et sept mois, peuvent constituer un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention. En outre, la Cour rappelle qu’elle a déjà conclu à plusieurs reprises à la violation de l’article 3 à raison des conditions de détention inappropriées dans la prison de Bucarest-Jilava à des périodes proches de celle où l’intéressé y était incarcéré (Banu c. Roumanie, no 60732/09 60732/09, §§ 36-37, 11 décembre 2012, Iacov Stanciu, précité, Flamînzeanu c. Roumanie, no 56664/08, 12 avril 2011). Quant aux conditions de détention dans la prison d’Aiud, la Cour observe que les constats à ce propos sont en partie confirmés par les tentatives du requérant d’essayer de remédier aux conditions d’hygiène inadéquates (paragraphe 13 ci-dessus) et ne sont pas utilement contredits par les arguments du Gouvernement.

    32.  Eu égard aux faits de l’espèce, et considérant les conditions dans lesquelles le requérant a été détenu pendant environ cinq ans et sept mois, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    33.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention le requérant se plaint d’un défaut d’équité de la procédure ayant abouti à sa condamnation pour meurtre. Sous l’angle des articles 8 et 34 de la Convention, il se plaint d’une entrave à son droit à la correspondance.

    34.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la Requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    35.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    36.  Le requérant réclame 1 million d’euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi en raison de la souffrance et de la détresse causées par les violations alléguées.

    37.  Le Gouvernement rappelle que les conditions de détention subies par le requérant n’atteignent pas, selon lui, le seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention. En tout état de cause, il estime que le constat éventuel d’une violation de l’article 3 de la Convention pourrait constituer une satisfaction équitable suffisante.

    38.  La Cour rappelle qu’elle a conclu en l’espèce à la violation de l’article 3 de la Convention. Elle considère que le requérant a subi, du fait de ses conditions de détention, un préjudice moral qu’il convient de réparer. Compte tenu des circonstances de l’affaire et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 8 000 EUR pour dommage moral.

    B.  Frais et dépens

    39.  Le requérant n’a formulé aucune demande à ce titre.

    C.  Intérêts moratoires

    40.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention concernant les conditions matérielles de détention dans les prisons de Bucarest-Jilava et d’Aiud et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention pour ce qui est des conditions matérielles de détention dans les prisons de Bucarest-Jilava et d’Aiud ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 novembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


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