TROISIÈME
SECTION
AFFAIRE VERGU c. ROUMANIE
(Requête
no 8209/06)
ARRÊT
(satisfaction
équitable)
STRASBOURG
9 avril
2013
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des
retouches de forme.
En l’affaire Vergu c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme
(troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Nona Tsotsoria,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19
mars 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
date :
PROCÉDURE
. A l’origine de
l’affaire se trouve une requête (no 8209/06) dirigée contre la
Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Ştefan Vergu (« le
requérant »), a saisi la Cour le 7 février 2006 en vertu de l’article 34
de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (« la Convention »).
. Par un arrêt
du 11 janvier 2011 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé que l’occupation
définitive d’un terrain de 903 m2 appartenant au requérant par l’Administration
nationale des routes constituait une expropriation de fait dépourvue de base
légale (Vergu c. Roumanie, no 8209/06, §§ 42 et 53, 11 janvier 2011).
. En s’appuyant
sur l’article 41 de la Convention, le requérant réclamait 50 000 euros (EUR)
au titre des préjudices matériel et moral subis et pour les frais et dépens
encourus.
. La question de
l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la
Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et le requérant à lui soumettre
par écrit, dans les six mois, leurs observations sur ladite question et notamment
à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem,
§ 61, et point 3 c) du dispositif).
. Le
Gouvernement a déposé un rapport d’expertise concernant la valeur du terrain.
Le requérant n’y a pas répondu.
A la suite du
déport de M. Corneliu Bîrsan, juge élu au titre de la Roumanie (article 28 du
règlement), le président de la chambre a désigné Mme Kristina Pardalos pour siéger en qualité de
juge ad hoc (article 26 § 4 de la Convention et
article 29 § 1 du règlement).
EN DROIT
7. Aux termes de l’article 41 de la
Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
. Le requérant
réclame 50 000 euros (EUR) au titre des préjudices matériel et moral subis
et pour les frais et dépens encourus dans la procédure interne. Cette somme
représenterait principalement la valeur de la parcelle de 903 m2
dont il a été privé. Il soutient que le prix de vente du mètre carré dans la
même zone se situait, en 2007, à environ 100 EUR.
. Le Gouvernement s’oppose à cette demande. S’appuyant sur le prix d’achat
de la parcelle par le requérant, en 2002, ainsi que sur les informations
fournies par la chambre locale des notaires, le Gouvernement estime que la valeur
actualisée de la parcelle litigieuse serait de maximum 311 EUR.
. La Cour
rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation
de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à
rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis
c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], nº 31107/96, § 32, CEDH
2000-XI).
. Elle rappelle
que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable)
[GC], nº 58858/00, 22 décembre 2009, la Grande Chambre a modifié la
jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les
affaires d’expropriation indirecte. En particulier, elle a décidé d’écarter les
prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur
des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour
évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l’Etat
sur les terrains.
. L’indemnisation
doit donc correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la
perte de la propriété. Ensuite, ce montant doit être actualisé pour compenser
les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intérêts
susceptibles de compenser, au moins en partie, le laps de temps qui s’est écoulé
depuis la dépossession du terrain et de prendre en considération la perte de chances subie par le requérant à la
suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay, précité, §§ 105 et 107).
. En l’espèce, la Cour note qu’en octobre 2002,
le requérant a fait l’acquisition d’un terrain de 20 000 m2,
dont faisait partie la parcelle litigieuse de 903 m2, pour la somme
totale de 165 millions lei roumains (ROL), soit l’équivalent d’environ 5 000
EUR. Il a perdu la propriété de la parcelle susmentionnée environ six mois plus
tard (paragraphes 8 et 9 de l’arrêt au principal). Compte tenu de ces éléments
et eu égard aux critères susmentionnés, la Cour, statuant en équité, estime raisonnable
d’accorder au requérant la somme de 1 500 EUR, tous chefs de préjudice
confondus.
B. Frais et dépens
. Le requérant
demande le remboursement de frais et dépens exposés devant les juridictions
internes, sans les chiffrer.
. Le
Gouvernement s’oppose à cette demande.
. Compte tenu
que le requérant n’a ni quantifié ni justifié les frais et dépens dont il
demande le remboursement, la Cour décide de ne lui allouer aucune somme à ce
titre.
C. Intérêts moratoires
. La Cour juge
approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la
facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois
points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser
au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu
définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 500
EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant
être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur, au
taux applicable à la date du règlement, tous préjudices confondus ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un
taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
2. Rejette la demande de
satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit
le 9 avril 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago
Quesada Josep
Casadevall
Greffier Président