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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> N.A. v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 13424/06 - Chamber Judgment (French text) [2013] ECHR 860 (24 September 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/860.html
Cite as: [2013] ECHR 860

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE N.A. c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

     

    (Requête no 13424/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    24 septembre 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire N.A. c. République de Moldova,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Luis López Guerra,
              Kristina Pardalos,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 13424/06) dirigée contre la République de Moldova et dont une ressortissante de cet Etat, Mme N. A. (« la requérante »), a saisi la Cour le 24 mars 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  La requérante, qui a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représentée par Me A. Briceac, avocat à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. Apostol, du ministère de la Justice.

  3. .  La requérante reproche aux autorités moldaves d’avoir manqué à l’obligation qu’elle estime être la leur d’identifier et de punir les personnes qui l’avaient violée et maltraitée.

  4. .  Le 25 mai 2010, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire.

  5. .  En vertu de l’article 47 § 3 du règlement de la Cour, il a également été décidé d’accorder d’office l’anonymat à la requérante.
  6. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  7. .  La requérante est née en 1984 et réside à Chișinău.

  8. .  Le 2 septembre 1997, elle fut victime d’un viol collectif commis par des adolescents qui s’étaient rassemblés dans un magasin désaffecté pour fêter un anniversaire et consommer de l’alcool. Parmi les jeunes présents sur les lieux se trouvaient I.M., A.G., D.B., A.M., I.B., M.S., S.C. et S.D. ; le plus âgé avait dix-sept ans à l’époque. La requérante était âgée de treize ans au moment des faits.
  9. A.  L’enquête pénale


  10. .  Le 4 septembre 1997, la mère de la requérante déposa une plainte pour le viol de sa fille auprès du parquet de Buiucani.
  11. 9.  Le 5 septembre 1997, à la demande du parquet, un médecin légiste examina la requérante et constata la présence d’ecchymoses et d’excoriations sur plusieurs parties de son corps. Il releva également une déchirure de l’hymen qui, selon lui, remontait à une date antérieure aux événements visés et impossible à déterminer avec précision.


  12. .  Dans sa première déposition, la requérante déclara avoir été violée par I.M., D.B. et les autres jeunes qui se trouvaient dans le magasin.

  13. .  Dans leurs premières dépositions, A.M. et A.G. indiquèrent s’être trouvés dans le magasin et avoir consommé de l’alcool. Ils n’évoquèrent nullement le viol de la requérante.

  14. .  Le 7 octobre 1997, le parquet ouvrit une enquête pénale.

  15. .  A des dates non précisées, les autorités engagèrent des poursuites pénales à l’encontre de I.M., A.G., D.B., A.M., I.B., M.S., S.C. et S.D.

  16. .  Le 13 octobre 1997, le procureur entendit la requérante en présence de sa mère. Dans sa déposition, la requérante déclara qu’elle s’était rendue, le 2 septembre 1997, au magasin désaffecté afin de retrouver son petit ami, D.B. Elle ajouta que plusieurs adolescents, à savoir I.M., A.G., A.M., I.B. et un autre garçon qu’elle ne connaissait pas, se trouvaient sur place et que, plus tard, D.B. s’était joint à eux. Elle précisa que tous, y compris elle-même, avaient consommé de l’alcool. Elle indiqua que, par la suite, six jeunes, à savoir trois jeunes identifiés par elle par leurs prénoms, un jeune qu’elle connaissait de vue et deux inconnus, étaient également arrivés au magasin. Elle mentionna que D.B. et elle s’étaient rendus, à un moment donné, dans une pièce sombre où D.B. lui aurait proposé une relation sexuelle à laquelle elle se serait refusée. Elle ajouta que, tour à tour, d’autres adolescents étaient entrés dans la pièce en refermant la porte, qu’ils l’avaient alors déshabillée de force, et qu’ils l’avaient violée sur le sol en béton. Elle précisa que I.M. l’avait violée en premier, suivi par A.M., I.B. et les autres garçons présents dans le magasin. Elle aurait perdu connaissance plusieurs fois après le viol et aurait été raccompagnée à son domicile par deux jeunes. Sa mère aurait découvert des blessures sur son dos le lendemain et elle lui aurait alors raconté ce qui s’était passé.

  17. .  Le 14 octobre 1997, le procureur interrogea A.G. en présence de sa mère et d’un pédagogue. A.G. reconnut les faits. Il déclara que I.M. avait été le premier à violer la requérante, pendant que A.M. lui maintenait les jambes et quelqu’un d’autre les mains afin de l’immobiliser. D’après lui, tous, à savoir lui-même, D.B., A.M., I.B., M.S. et S.D., à tour de rôle, avaient ensuite violé la requérante pendant que les autres lui bloquaient les jambes et les mains. A.G. affirma également que, deux jours avant les faits, il avait décidé avec I.M. et D.B. de commettre le viol.

  18. .  Le même jour, le procureur interrogea A.M. en présence de sa mère. A.M. affirma s’être borné à consommer de l’alcool dans le magasin. Il déclara avoir appris quelques jours plus tard que la requérante avait été violée.

  19. .  Le 20 novembre 1997, le procureur interrogea D.B. Ce dernier reconnut que le viol avait eu lieu, mais qu’il n’avait pas eu de relations sexuelles avec la requérante. Il affirma lui avoir seulement immobilisé les mains et il désigna I.M., A.G., I.B. et A.M. comme étant les violeurs.

  20. .  Le 25 novembre 1997, entre 10 heures et 10 h 35, le procureur interrogea I.M. qui déclara avoir eu, le 2 septembre 1997, un rapport sexuel consenti avec la requérante.
  21. Une heure plus tard, le procureur interrogea de nouveau I.M. et celui-ci reconnut le viol. Il avoua avoir violé la requérante le premier et déclara que D.B avait été le deuxième. Il affirma ne pas être resté dans la pièce et ne pas savoir qui d’autre avait violé la requérante.


  22. .  Le 26 novembre 1997, le procureur interrogea A.M. en présence d’un pédagogue. A.M. reconnut que le viol avait eu lieu. Il affirma que la requérante criait et que les autres lui avaient immobilisé les jambes et les mains. Il déclara que I.M. avait été le premier à avoir un rapport sexuel avec la requérante, suivi, dans l’ordre, par D.B., A.G. et lui-même.

  23. .  Le 4 décembre 1997, le procureur confronta A.M. à la requérante. Celle-ci réitéra sa version des faits. A.M. la confirma en partie, déclarant notamment que I.M. puis lui-même et D.B. avaient eu des rapports sexuels avec la requérante contre son gré.

  24. .  Le même jour, le procureur confronta D.B. à la requérante. D.B. confirma le viol. Selon lui, I.M. avait été le premier à avoir des rapports sexuels avec la jeune fille, suivi par A.G., A.M. et lui-même. Il déclara qu’il n’avait toutefois fait que simuler l’acte sexuel. Il affirma enfin que I.B. n’avait pas participé au viol.
  25. La requérante quant à elle soutint que D.B. et I.B. l’avaient violée.


  26. .  Le 30 janvier 1998, le procureur recueillit une autre déposition de A.M. en présence de sa mère et d’un pédagogue. A.M. affirma cette fois-ci que I.M., qui aurait violé en premier la requérante, avait dit aux autres de faire de même et que A.G. avait alors obtempéré. Il ajoute que lui-même s’était ensuite exécuté mais en se bornant à simuler l’acte sexuel.

  27. .  Le 26 février 1998, le procureur confronta une deuxième fois D.B. à la requérante. Celle-ci réitéra sa version des faits. D.B. maintint ses affirmations, faites lors de la première confrontation du 4 décembre 1997, selon lesquelles il avait simulé l’acte sexuel.

  28. .  Le 10 mars 1998, le procureur confronta également une deuxième fois A.M. à la requérante. Celle-ci affirma de nouveau que I.M., A.G., A.M., D.B, I.B. et les autres l’avaient violée. A.M. déclara qu’il avait seulement simulé l’acte sexuel.

  29. .  Le 31 mars 1998, le procureur interrogea I.B. Ce dernier affirma avoir uniquement entendu les cris d’appel au secours de la requérante, en provenance de la pièce où elle se serait trouvée avec I.M. et D.B. Il déclara qu’il s’était ensuite absenté pendant environ deux heures et que, une fois revenu au magasin, il avait appris que la requérante avait été violée par I.M. et D.B.
  30. 26.  Le 28 avril 1998, le procureur en charge de l’affaire rendit une ordonnance de classement sans suite concernant D.B., A.M., I.B., M.S., S.D. et une personne non identifiée. Il prit en compte les dépositions de D.B. et A.M. selon lesquelles ils avaient simulé l’acte sexuel, et également la déclaration de I.B. selon laquelle il était absent du magasin au moment des faits. Le procureur souligna qu’il n’avait pas été possible, au cours de l’enquête préliminaire, d’interroger M.S., S.D. et un certain Sacha qui aurait été présent sur les lieux.

    Le procureur rédigea ses conclusions comme suit :

    « (...) compte tenu du fait qu’il n’a pas été possible d’obtenir suffisamment de preuves que D.B., A.M., I.B., M.S., S.D. et une certaine personne non identifiée, prénommée Sacha, eussent commis l’infraction réprimée par l’article 102 § 3 du code pénal, [le procureur décide] de clore la procédure pénale en raison de l’absence des éléments constitutifs de l’infraction. »


  31. .  A une date non spécifiée, le procureur inculpa I.M.

  32. .  Le 29 avril 1998, il inculpa A.G.
  33. 29.  Le 31 décembre 1998, il émit des avis de recherche à l’encontre de I.M et A.G.

    Par une ordonnance du même jour, il suspendit l’enquête contre eux.

    30.  Le 19 juillet 1999, un autre procureur, hiérarchiquement supérieur, annula l’ordonnance de suspension de l’enquête préliminaire du 31 décembre 1998 (paragraphe 29 ci-dessus) aux motifs qu’elle avait été rendue prématurément, sans fondement et illégalement. Il motiva sa décision par la nécessité d’interroger les proches des deux personnes inculpées et recherchées, d’effectuer des confrontations entre ces deux personnes et tous les suspects, et d’inculper tous les suspects.


  34. .  A une date non spécifiée, A.G. fut retrouvé par les autorités.

  35. .  Le 28 juillet 1999, le procureur en charge de l’affaire interrogea M.S. Ce dernier affirma être arrivé au magasin après le viol.

  36. .  Le même jour, le procureur interrogea A.G. en présence de sa mère et d’un avocat. A.G. déclara que la requérante avait été violée d’abord par I.M., puis par A.M., D.B., lui-même, I.B., M.S., S.C. et S.D.

  37. .  Le 26 août 1999, le procureur confronta A.M. à A.G. Les deux suspects déclarèrent que I.M. avait été le premier à violer la requérante et A.G. le deuxième. A.M. affirma être sorti de la pièce pendant les rapports sexuels de A.G. avec la requérante. A.G. quant à lui reconnut avoir violé la requérante et déclara que A.M. n’était pas entré dans la pièce. A.G. soutint enfin qu’il avait seulement vu I.B., M.S., S.C. et S.D. entrer dans la pièce où se trouvait la requérante, mais qu’il ne savait pas s’ils l’avaient violée ou non.

  38. .  Le même jour, D.B. fut confronté à A.G. D.B. modifia ses dépositions précédentes quant à la participation de A.M. au viol, niant avoir vu ce dernier commettre l’infraction, et il maintint avoir simulé l’acte sexuel. A son tour, A.G. renouvela sa déposition telle que faite lors de la confrontation avec A.M. (paragraphe ci-dessus) et il ajouta qu’il avait entendu D.B. affirmer avoir violé la requérante, mais qu’il n’avait pas vu ce dernier commettre l’infraction. D.B. et A.G. ne s’accordèrent pas sur l’heure d’arrivée de I.B., M.S., S.C. et S.D. au magasin et sur la présence de ces derniers dans la pièce où se trouvait la requérante.

  39. .  Le 29 septembre 1999, le procureur prononça un classement sans suite concernant S.C. au motif que la requérante l’avait mis hors de cause.

  40. .  Les 29 et 30 septembre 1999, le procureur inculpa A.G., D.B., A.M., I.B., M.S. et S.D. pour viol collectif commis sur une personne mineure.
  41. Lors des interrogatoires auxquels ils furent soumis, M.S. et S.D. nièrent les faits.

    38.  Le 30 septembre 1999, I.M. et D.B. étant introuvables, le procureur disjoignit la procédure les concernant des procédures visant les autres inculpés. La suite donnée à cette procédure n’est pas connue.


  42. .  Le 6 octobre 1999, le procureur dressa un réquisitoire à l’encontre de A.G., A.M., I.B., M.S. et S.D. Il fonda principalement ses accusations sur les dépositions de la requérante et sur celles de A.G.
  43. En 1999, à une date non spécifiée, le dossier fut renvoyé devant le tribunal de Buiucani.

    B.  La procédure pénale devant les tribunaux nationaux


  44. .  Par un jugement avant dire droit du 13 septembre 2000, le tribunal de Buiucani émit un avis de recherche à l’encontre de S.D. Du fait de l’absence de celui-ci, la procédure se déroula par défaut.

  45. .  Durant le procès, les quatre autres accusés nièrent les faits, tandis que la requérante maintint avoir été violée par les cinq accusés.

  46. .  Le 27 janvier 2004, la requérante se constitua partie civile et demanda 100 000 lei moldaves (MDL) (environ 6 200 euros (EUR)) au titre de dommage moral ainsi que 5 000 MDL (environ 310 EUR) pour les frais et dépens.
  47. 43.  Par un jugement du 2 mars 2005, le tribunal de Buiucani reconnut A.G., A.M., I.B., M.S. et S.D. coupables de viol collectif sur une personne mineure (article 171 § 2 b et c du nouveau code pénal). Il fonda sa décision principalement sur la déposition de la requérante et sur le rapport médicolégal du 5 septembre 1997 (paragraphe 9 ci-dessus). Le tribunal condamna les cinq accusés à une peine de cinq ans d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve d’un an. En outre, il fit partiellement droit à l’action civile de la requérante et il condamna solidairement les accusés à verser à l’intéressée les sommes de 10 000 MDL (environ 620 EUR) et 1 500 MDL (environ 93 EUR), respectivement au titre de dommage moral et de frais et dépens.

    A.M. et I.B. interjetèrent appel. La requérante, considérant les peines comme clémentes, interjeta également appel.


  48. .  Par un arrêt du 7 juin 2005, la cour d’appel de Chişinău rejeta l’appel de la requérante au motif que les articles 276 et 401 du code de procédure pénale (CPP) restreignaient son droit à interjeter appel. Elle releva que, selon ces articles, une victime pouvait interjeter appel d’un jugement quant à son volet pénal lorsque la procédure pénale pouvait être engagée seulement après sa plainte préalable (plângere prealabilă). Elle indiqua que, étant donné que le viol ne figurait pas dans la liste des infractions à même d’être instruites uniquement après dépôt d’une telle plainte préalable, la requérante n’était pas autorisée à interjeter appel quant au volet pénal du jugement de première instance.
  49. La cour d’appel accueillit en revanche l’appel de A.M. et I.B. Elle nota que l’ordonnance de classement sans suite du 28 avril 1998 rendue à l’égard de D.B., A.M., I.B., M.S. et S.D. n’avait jamais été annulée (paragraphe 26 ci-dessus). Elle infirma dès lors le jugement du 2 mars 2005 et, invoquant le principe non bis in idem, elle clôtura la procédure pénale engagée à l’encontre de A.G., A.M., I.B., M.S. et S.D.


  50. .  Le 3 août 2005, la requérante forma un pourvoi contre la décision de la cour d’appel. Elle soutint, entre autres, que le classement sans suite du 28 avril 1998 ne concernait nullement A.G. et que, malgré cela, la cour d’appel avait décidé de clôturer la procédure à son encontre.
  51. 46.  Le 21 décembre 2005, faisant référence aux articles 401 et 421 du CPP (paragraphe 49 ci-dessous), la Cour suprême de justice rejeta le pourvoi au motif que la requérante, en tant que victime, n’avait pas le droit de contester l’arrêt de la cour d’appel.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT


  52. .  L’article 102 § 3 du code pénal de 1961, en vigueur au moment des faits, était ainsi libellé :
  53. « Le viol commis en réunion ou le viol d’un mineur sont punis de cinq à quinze ans de privation de liberté. »


  54. .  Les passages pertinents en l’espèce de l’article 171 du nouveau code pénal en vigueur depuis le 16 juin 2003, dans sa rédaction antérieure au 24 mai 2009, se lisent comme suit :
  55. « (1) Le viol, c’est-à-dire le rapport sexuel obtenu en exerçant une contrainte physique ou psychique sur une personne ou en profitant de l’impossibilité pour celle-ci de se défendre ou d’exprimer sa volonté, est puni de trois à cinq ans d’emprisonnement.

    (2) Le viol :

    (...)

    b) commis en connaissance de cause sur un mineur ;

    c) commis par deux ou plusieurs personnes ;

    (...)

    est puni de cinq à quinze ans d’emprisonnement. »


  56. .  Les dispositions pertinentes en l’espèce du CPP sont ainsi libellées :
  57. Article 7 § 3

    « Au cours d’un procès, lorsqu’un tribunal constate que la norme juridique applicable est contraire aux dispositions de la Constitution et que cette norme est comprise dans un acte juridique susceptible d’être soumis à un contrôle de constitutionnalité, l’examen de l’affaire est suspendu. La Cour suprême de justice en est informée et elle procède à la saisine de la Cour constitutionnelle. »

    Article 401 : Les personnes qui peuvent interjeter appel

    « (1)  Peuvent interjeter appel :

    a)  le procureur, concernant les volets pénal et civil d’un jugement ;

    b)  l’accusé, concernant les volets pénal et civil d’un jugement (...) ;

    c)  la victime, concernant le volet pénal d’un jugement dans les affaires où la procédure pénale peut être engagée seulement après sa plainte préalable (...) »

    Le 20 mai 2008, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnel le paragraphe 1 c) de l’article 401 du CPP ; désormais, les victimes de toutes les infractions peuvent interjeter appel d’un jugement en ce qui concerne son volet pénal.

    Article 421 : Les personnes qui peuvent former un recours

    « Peuvent former un recours le procureur et les personnes mentionnées à l’article 401. »


  58. .  Les autres dispositions internes pertinentes en l’espèce sont résumées dans l’affaire I.G. c. Moldova (no 53519/07, § 30, 15 mai 2012).
  59. EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION


  60. .  Sans invoquer de disposition spécifique de la Convention, la requérante se plaint, d’une part, de l’ineffectivité de l’enquête pénale relative à sa plainte pour viol et, d’autre part, de l’impunité dont ses agresseurs auraient bénéficié. Etant maîtresse de la qualification juridique des faits (voir, par exemple, M.B. c. Roumanie, no 43982/06, § 44, 3 novembre 2011 ; R.I.P. et D.L.P. c. Roumanie, no 27782/10, § 49, 10 mai 2012, et Valiulienė c. Lituanie, no 33234/07, § 43, 26 mars 2013), la Cour estime que ce grief relève de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :
  61. « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité


  62. .  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes par la requérante. Il note que celle-ci, en tant que victime d’une infraction, n’a pas pu contester le jugement de première instance en raison des restrictions imposées par les dispositions de l’article 401 du CPP. Il estime cependant qu’elle aurait pu soulever une exception d’inconstitutionnalité, qu’un tel recours interne était effectif et qu’elle ne l’a pas utilisé. A ce titre, il fait valoir une autre affaire au cours de laquelle la Cour suprême de justice avait saisi la Cour constitutionnelle d’un renvoi préjudiciel à la suite d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée par la victime d’une infraction, et il indique que, dans une décision du 20 mai 2008, le juge constitutionnel avait alors déclaré inconstitutionnelles les dispositions en cause de l’article 401 du CPP.

  63. .  La requérante considère qu’elle a entrepris toutes les démarches internes susceptibles de remédier à ses griefs. Elle indique également que le droit moldave ne permet pas à un justiciable de saisir directement la Cour constitutionnelle et que seule la Cour suprême de justice dispose de cette prérogative.

  64. .  La Cour rappelle que, selon la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention, tout requérant doit, avant de la saisir, avoir donné à l’Etat responsable la possibilité de remédier aux violations alléguées, en utilisant les moyens judiciaires prévus par la législation nationale, pourvu qu’ils se révèlent efficaces et suffisants (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I). En effet, l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur font défaut l’effectivité et l’accessibilité voulues, et l’Etat défendeur est tenu de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi beaucoup d’autres, Dalia c. France, 19 février 1998, § 38, Recueil 1998-I).

  65. .  S’agissant du cas d’espèce, la Cour note que, dans le système juridique moldave, un justiciable ne bénéficie pas d’un accès direct au juge constitutionnel lui permettant d’inviter ce dernier à vérifier la constitutionnalité d’une loi. Elle relève que seule la Cour suprême de justice, saisie elle-même, à la Requête d’un plaideur ou d’office, par une juridiction connaissant du fond d’une affaire, peut saisir la Cour constitutionnelle. Dès lors, elle estime que pareille Requête ne peut s’analyser en un recours dont l’article 35 § 1 de la Convention exige l’exercice (voir, mutatis mutandis, Spadea et Scalabrino c. Italie, 28 septembre 1995, § 24, série A no 315-B, et Brozicek c. Italie, 19 décembre 1989, § 34, série A no 167).

  66. .  Partant, la Cour rejette cette fin de non-recevoir du Gouvernement.

  67. .  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
  68. B.  Sur le fond

    1.  Thèses des parties


  69. .  La requérante soutient que l’enquête concernant son viol n’était pas approfondie et que les autorités étatiques n’ont pas entrepris toutes les démarches qu’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour identifier tous ses agresseurs. Elle souligne qu’elle-même a pu en identifier seulement sept, que d’autres personnes avaient participé à son viol, mais que les autorités se sont limitées à poursuivre ces sept personnes. De surcroît, elle souligne que seules cinq de ces personnes ont finalement été traduites devant un tribunal, I.M. et D.B. ayant échappé aux poursuites pénales. La requérante regrette également de ne pas avoir été soumise à un examen psychologique par les autorités de poursuite.
  70. Elle allègue de plus que les charges à l’encontre des accusés ont été abandonnées exclusivement à cause d’une erreur de procédure commise par les autorités de poursuite, celles-ci ayant négligé de procéder à l’annulation de l’ordonnance de classement sans suite du 28 avril 1998.

    Enfin, elle soutient que le parquet, en omettant de former un recours contre la décision prise par la cour d’appel de clore la procédure engagée contre les accusés, a agi de manière incompatible avec les obligations positives qui incomberaient à l’Etat sur le terrain de l’article 3 de la Convention.


  71. .  Le Gouvernement considère que les autorités étatiques ont mené une enquête effective et que, à la différence de la requérante dans l’affaire M.C. c. Bulgarie (no 39272/98, CEDH 2003-XII), l’intéressée a pu interroger des témoins et participer à des confrontations, et que les accusés ont été reconnus coupables de viol en première instance. Il soutient en outre que, en procédant à la clôture de la procédure pénale menée contre les accusés, les autorités étatiques ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts en conflit, à savoir les droits de la requérante au regard de l’article 3 de la Convention et le droit des accusés au regard du principe non bis in idem.
  72. 2.  Appréciation de la Cour


  73. .  La Cour rappelle que l’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Cet article ne prévoit aucune restriction, ce en quoi il diffère de la majorité des clauses normatives de la Convention et, d’après l’article 15 § 2 de la Convention, il ne souffre nulle dérogation (A. c. Royaume-Uni, 23 septembre 1998, § 22, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, et M.C. c. Bulgarie, précité, § 149).

  74. .  La Cour rappelle également que l’article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir à toutes les personnes relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention et que cette obligation, combinée avec l’article 3 de la Convention, leur commande de prendre les mesures propres à empêcher que ces personnes ne soient soumises à des mauvais traitements, même administrés par des particuliers (A. c. Royaume-Uni, précité, § 22 ; Z et autres c. Royaume-Uni [GC], no 29392/95, §§ 73-75, CEDH 2001-V, et E. et autres c. Royaume-Uni, no 33218/96, § 88, 26 novembre 2002).

  75. .  La Cour rappelle de surcroît que, dans un certain nombre de cas, l’article 3 de la Convention entraîne l’obligation positive pour l’Etat de mener une enquête officielle (voir, par exemple, Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, § 102, Recueil 1998-VIII) et qu’une telle obligation ne saurait en principe être limitée aux seuls cas de mauvais traitements infligés par des agents de l’Etat (voir, mutatis mutandis, Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, §§ 48-57, CEDH 2002-I).

  76. .  La Cour rappelle également que les Etats ont l’obligation positive, inhérente à l’article 3 de la Convention, d’adopter des normes pénales sanctionnant réellement le viol et de les mettre en application au moyen d’une enquête et de poursuites effectives (I.G. c. Moldova, no 53519/07, § 42, 15 mai 2012).

  77. .  Certes, il ne s’agit pas d’une obligation de résultat, mais de moyens. Les autorités doivent avoir pris les mesures raisonnables dont elles disposaient pour obtenir les preuves relatives aux faits en question, y compris la déclaration de la victime, les dépositions des témoins, les expertises et les certificats médicaux propres à fournir un compte rendu complet et précis des blessures et une analyse objective des constatations médicales. Toute déficience de l’enquête affaiblissant sa capacité à établir les responsabilités risque de ne pas répondre aux exigences de l’article 3 de la Convention (Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 134, CEDH 2004-IV (extraits), et Šečić c. Croatie, no 40116/02, § 54, 31 mai 2007). En outre, pour qu’une enquête puisse passer pour effective, il est nécessaire qu’elle soit menée avec une célérité et une diligence raisonnables (R.I.P. et D.L.P. c. Roumanie, no 27782/10, § 57, 10 mai 2012).

  78. .  En la matière, la Cour rappelle enfin que les exigences procédurales de l’article 3 de la Convention s’étendent au-delà du stade de l’instruction préliminaire lorsque, comme en l’espèce, celle-ci a entraîné l’ouverture de poursuites devant les juridictions nationales : c’est l’ensemble de la procédure, y compris la phase de jugement, qui doit satisfaire aux impératifs de cette disposition. Ainsi, les instances judiciaires internes ne doivent en aucun cas tolérer que des atteintes à l’intégrité physique et morale des personnes restent impunies. Cela est indispensable pour maintenir la confiance des justiciables dans le principe de légalité et assurer leur adhésion à l’Etat de droit, ainsi que pour prévenir toute apparence de complaisance envers des actes illégaux ou de collusion dans leur perpétration (voir, mutatis mutandis, Okkalı c. Turquie, no 52067/99, § 65, CEDH 2006-XII (extraits)).

  79. .  En l’espèce, la Cour note que, à la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Chişinău, la décision de classement sans suite du 28 avril 1998 a acquis force de chose jugée (paragraphe 26 ci-dessus). Elle relève que cette décision a été rendue en l’absence de mesures d’instruction conséquentes. En particulier, elle considère qu’il était impératif de pouvoir se forger une opinion sur la crédibilité de chaque partie, étant donné que la question clé était de déterminer quelles personnes, parmi celles présentes sur les lieux, avaient perpétré le viol. Elle estime que ce point aurait pu être résolu, d’une part, en interrogeant les personnes connaissant la requérante et les suspects, à savoir leurs amis, voisins, professeurs et toutes les personnes en mesure de fournir des indices quant au crédit à accorder aux différentes dépositions (voir, mutatis mutandis, I.G. c. Moldova, précité, § 43) et, d’autre part, en confrontant les unes aux autres toutes les personnes impliquées. Cependant, la Cour observe que presqu’aucune de ces mesures n’a été prise avant la décision de classement sans suite précitée. De surcroît, elle considère que les autorités de poursuite auraient également pu recourir à l’expertise d’un psychologue.

  80. .  La Cour accorde une importance particulière au fait que les autorités de poursuite ont elles-mêmes reconnu que l’enquête n’avait pas été menée à son terme à la date du 28 avril 1998. Notamment, elle relève que le procureur hiérarchiquement supérieur à celui chargé de l’affaire, dans sa décision du 19 juillet 1999 (paragraphe 30 ci-dessus), a considéré qu’il était encore nécessaire d’interroger les proches des inculpés et d’effectuer des confrontations entre tous les suspects et les inculpés.

  81. .  La Cour note que, après l’adoption de l’ordonnance de classement sans suite du 28 avril 1998, le procureur en charge de l’affaire a poursuivi, en se conformant aux instructions de son supérieur, les investigations à l’encontre de tous les suspects. Toutefois, il a omis d’annuler le classement sans suite en question. La Cour relève que cette omission a amené la cour d’appel de Chișinău à mettre fin à la procédure contre les cinq accusés en l’empêchant de se prononcer sur le fond de l’affaire. La défaillance en cause constitue, aux yeux de la Cour, un sérieux manque de diligence de la part des autorités de poursuite difficilement conciliable avec l’idée qu’elle se fait d’une enquête effective.

  82. .  En outre, la Cour constate que la cour d’appel de Chişinău a décidé de clôturer la procédure pénale à l’encontre de A.G. alors que ce dernier n’était pas visé par l’ordonnance de classement sans suite du 28 avril 1998. La Cour relève que l’instance d’appel s’est exclusivement fondée sur cette décision pour abandonner les charges contre tous les accusés. Elle note, d’une part, que A.G. était le seul des accusés à avoir reconnu, pendant l’enquête et en présence d’un avocat, sa culpabilité et, d’autre part, que la procédure à son encontre n’a jamais été classée par les autorités de poursuite. Force est donc de constater que rien n’empêchait la cour d’appel d’examiner l’affaire au fond en ce qui concerne cet accusé.

  83. .  Par ailleurs, la Cour note que la procédure pénale à l’encontre de deux autres inculpés, I.M. et D.B., a été suspendue le 30 septembre 1999 car ils demeuraient introuvables malgré des recherches menées par les autorités (paragraphe 38 ci-dessus). Elle relève que I.M., à la différence de D.B., n’était pas visé par l’ordonnance de classement sans suite du 28 avril 1998 et qu’une procédure par défaut pouvait être envisagée à son encontre, à l’instar de celle dirigée contre S.D. (paragraphe 40 ci-dessus). Elle note que I.M. a été interrogé pendant l’enquête préliminaire, qu’il a reconnu avoir violé la requérante et que, selon les dépositions concordantes des autres suspects et de la requérante, il avait été le premier à commettre le viol. Malgré ces éléments, la Cour constate que, depuis le 30 septembre 1999, date de la suspension de la procédure dirigée contre I.M., aucune action ne semble avoir été entreprise par les autorités pour le retrouver et que, en même temps, la procédure par défaut à son encontre n’a pas été engagée.

  84. .  A la lumière de ce qui précède, la Cour, sans statuer sur la responsabilité pénale des agresseurs présumés, estime que les investigations menées en l’espèce n’étaient pas conformes aux exigences imposant à l’Etat d’enquêter sur les faits dénoncés par la requérante et de les sanctionner. Par conséquent, la Cour conclut qu’il y a eu violation des obligations positives qui incombent à l’Etat défendeur en vertu de l’article 3 de la Convention.
  85. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


  86. .  Dans ses dernières observations présentées à la Cour le 5 juillet 2011, la requérante allègue que la défaillance des autorités nationales dans l’identification et la punition de ses agresseurs a également porté atteinte à ses droits garantis par l’article 8 de la Convention. Aux termes de cette disposition :
  87. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...) »


  88. .  La Cour constate que ce grief a été soulevé plus de six mois après la date de la décision interne définitive (paragraphe 46 ci-dessus). Partant, cette partie de la Requête est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
  89. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION


  90. .  Initialement, la requérante se plaignait en outre de la durée excessive de la procédure pénale menée à l’encontre de ses agresseurs. Elle invoquait l’article 6 de la Convention, ainsi libellé :
  91. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  92. .  Dans ses dernières observations présentées à la Cour, la requérante fait savoir qu’elle renonce au grief formulé sous l’angle de cet article. Dans ces conditions, la Cour n’entend pas examiner cette allégation.
  93. IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    76.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  94. .  La requérante réclame 70 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle dit avoir subi. D’après elle, ce préjudice résulte de la défaillance des autorités nationales dans l’identification et la punition de ses agresseurs, du fait qu’elle était mineure à l’époque des faits et de la nécessité pour sa mère et elle-même de déménager après son viol.

  95. .  Le Gouvernement réitère sa position selon laquelle il n’y a pas eu en l’espèce de violation des dispositions de la Convention. Par ailleurs, il considère comme excessive la somme réclamée et estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable.

  96. .  La Cour estime que la requérante a dû éprouver de la détresse et subir un traumatisme psychologique liés au moins partiellement aux défaillances constatées dans l’attitude des autorités compétentes (voir, mutatis mutandis, M.C. c. Bulgarie, précité, § 194). Statuant en équité, elle alloue à la requérante 10 000 EUR pour dommage moral.
  97. B.  Frais et dépens


  98. .  La requérante demande également 2 100 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour, à raison de trente heures de travail de son avocat pour un tarif horaire de 70 EUR. Elle produit un contrat signé avec son conseil aux termes duquel elle doit lui verser la somme de 2 000 EUR pour sa prestation de représentation devant la Cour.

  99. .  Le Gouvernement s’oppose à l’allocation de la somme réclamée, non justifiée à ses yeux.

  100. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, et compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR. Après déduction de la somme de 850 EUR versés par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire, la Cour accorde à la requérante 1 150 EUR.
  101. C.  Intérêts moratoires


  102. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  103. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention relativement à l’absence d’une enquête effective et à l’impunité des agresseurs de la requérante et irrecevable pour ce qui est du grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 6 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :

    i.  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    ii.  1 150 EUR (mille cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 septembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président


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