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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ASIMAKOPOULOS v. GREECE - 22395/10 16934/11 - Committee Judgment [2014] ECHR 1098 (16 October 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1098.html
Cite as: [2014] ECHR 1098

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ASIMAKOPOULOS c. GRÈCE

     

    (Requêtes nos 22395/10 et 16934/11)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

    16 octobre 2014

     

     

     

     

     

    Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Asimakopoulos c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :

              Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
              Linos-Alexandre Sicilianos,
              Ksenija Turković, juges,
    et de Søren Prebensen, greffier adjoint de section f.f.,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 septembre 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 22395/10 et 16934/11) dirigées contre la République hellénique par un ressortissant de cet État, M. V. Asimakopoulos (« le requérant »), qui a saisi la Cour les 2 avril 2010 et 24 février 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme O. Souropani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

    3.  Le 13 septembre 2012, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

    EN FAIT

    A.  Le contexte de l’affaire

    4.  Le requérant est un ressortissant grec, né en 1937 et résidant à Athènes. Il est magistrat militaire à la retraite. Depuis 1978, il engagea plusieurs procédures administratives afin de contester de nombreuses décisions du conseil militaire des promotions en vertu desquelles il fut jugé non éligible à une promotion et finalement mis à la retraite.

    B.  Requête no 22395/10

    5.  Le 4 mars 1997, le requérant intenta un recours en annulation de la décision no 6/1996 du conseil des promotions des offices devant la cour administrative d’appel d’Athènes.

    6.  Le 9 juin 1997, il demanda l’ajournement de l’examen de l’affaire. L’audience fut fixée au 13 octobre 1997, date à laquelle la cour d’appel la reporta au 10 novembre 1997.

    7.  Le 30 janvier 1998, par son arrêt no 112/1998, la cour d’appel rejeta le recours comme infondé.

    8.  Le 26 mars 1998, le requérant interjeta appel devant le Conseil d’État.

    9.  L’examen de l’affaire fut ajourné à plusieurs reprises entre 1998 et 2009. Les 10 avril 2008 et 15 janvier 2009, des ajournements furent accordés à la demande du requérant.

    10.  Le 15 octobre 2009, la troisième chambre du Conseil d’État rejeta le pourvoi (arrêt no 3207/2009). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 6 novembre 2009.

    C.  Requête no 16934/11

    1.  Première procédure

    11.  Le 21 mai 1999, le requérant saisit le tribunal administratif de première instance d’Athènes d’une action en dommages-intérêts en alléguant que l’omission de l’administration de le promouvoir était illégale.

    12.  Le 30 juin 2000, par sa décision no 5635/2000, le tribunal rejeta l’action comme infondée.

    13.  Le 14 décembre 2000, le requérant interjeta appel.

    14.  Le 28 novembre 2001, la cour administrative d’appel le rejeta (arrêt no 5474/2001).

    15.  Le 24 juillet 2002, le requérant se pourvut en cassation.

    16.  Le 19 avril 2010, le Conseil d’État rejeta le pourvoi (arrêt n1225/2010). L’arrêt fut mis au net et certifié conforme le 5 octobre 2010.

    2.  Deuxième procédure

    17.  Le 29 avril 1999, le requérant saisit le tribunal administratif de première instance d’Athènes d’une deuxième action en dommages-intérêts en alléguant que l’omission de l’administration de le promouvoir était illégale.

    18.  Le 30 juin 2000, par sa décision no 6187/2000, le tribunal rejeta l’action comme infondée.

    19.  Le 9 décembre 2000, le requérant interjeta appel.

    20.  Le 28 novembre 2001, la cour administrative d’appel le rejeta (arrêt no 5476/2001).

    21.  Le 26 juillet 2002, le requérant se pourvut en cassation.

    22.  Le 19 avril 2010, le Conseil d’État rejeta le pourvoi (arrêt no 1229/2010). L’arrêt fut mis au net et certifié conforme le 5 octobre 2010.

    3.  Troisième procédure

    23.  Le 5 février 1999, le requérant saisit le tribunal administratif de première instance d’Athènes d’une troisième action en dommages-intérêts en alléguant que l’omission de l’administration de le promouvoir était illégale.

    24.  Le 29 octobre 1999, par sa décision no 9611/1999, le tribunal rejeta l’action comme infondée.

    25.  Le 3 décembre 1999, le requérant interjeta appel.

    26.  Le 19 septembre 2000, la cour administrative d’appel rejeta l’appel par son arrêt no 3497/2000.

    27.  Le 1er janvier 2001, le requérant se pourvut en cassation.

    28.  Le 30 juin 2010, le Conseil d’État rejeta le pourvoi (arrêt no 2345/2010). L’arrêt fut mis au net et certifié conforme le 20 septembre 2010.

    EN DROIT

    I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

    29.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DES PROCÉDURES

    30.  Le requérant allègue que la durée des procédures en cause a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

    « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

    A.  Sur la recevabilité

    31.  Le Gouvernement soutient que dans ses observations sur l’article 41 le requérant utilise des expressions « abusives » et « particulièrement outrageantes ». Il se plaint notamment des phrases « suscitant uniquement des rires » et « drôles de manière provocatrice », utilisées par le requérant pour décrire les arguments du Gouvernement. Ce dernier estime alors que la requête devrait être rejetée comme abusive.

    32.  La Cour rappelle qu’il peut y avoir abus du droit de recours lorsque le requérant utilise, dans sa communication avec la Cour, des expressions particulièrement vexatoires, outrageantes, menaçantes ou provocatrices - que ce soit à l’encontre du gouvernement défendeur, de son agent, des autorités de l’État défendeur, de la Cour elle-même, de ses juges, de son greffe ou des agents de ce dernier (Duringer et Grunge c. France (déc.), nos 61164/00 et 18589/02, CEDH 2003-II (extraits)). Il ne suffit pas que le langage du requérant soit simplement vif, polémique ou sarcastique ; il doit excéder « les limites d’une critique normale, civique et légitime » pour être qualifié d’abusif (Di Salvo c. Italie (déc.), no 16098/05, 11 janvier 2007).

    33.  En l’occurrence, la Cour considère que les termes utilisés par le requérant quant au contenu des observations du Gouvernement constituent des jugements de valeur à travers lesquels ce premier exprime son désaccord avec les arguments invoqués par le Gouvernement. Aux yeux de la Cour, les termes en cause ne sont pas ni outrageants ni provocateurs (voir en ce sens, Alexanian c. Russie, no 46468/06, §§ 117-118, 22 décembre 2008). Il convient donc de rejeter l’exception du Gouvernement tirée du caractère abusif de la présente requête.

    34.  La Cour constate, en outre, que ce grief n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Périodes à prendre en considération

    35.  La durée des procédures en cause est précisée dans le tableau ci-dessous.

     

    No requête

    Début de la procédure

    Fin de la procédure

    Durée de la procédure

    Instances

    22395/10

    4 mars 1997

    6 novembre 2009

    Douze ans et huit mois

    deux

    16934/11

     

     

     

     

    Première procédure

    21 mai 1999

    5 octobre 2010

    Onze ans et plus de quatre mois

    trois

    Deuxième procédure

    29 avril 1999

    5 octobre 2010

    Onze ans et plus de cinq mois

    trois

    Troisième procédure

    5 février 1999

    20 septembre 2010

    Onze ans et plus de sept mois

    trois

     

    2.  Durée raisonnable des procédures

    36.  Le Gouvernement procède à une analyse chronologique des procédures en cause et estime que les affaires ont été jugées en général dans des délais raisonnables. Il argue que les démarches devant les juridictions administratives ont eu lieu sans que des périodes d’inaction injustifiées n’interviennent. Il soutient en outre que le requérant est responsable des retards dans le déroulement de la procédure, en demandant l’ajournement de l’affaire dans la requête no 22395/10 à trois reprises.

    37.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010).

    38.  La Cour a traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Vassilios Athanasiou et autres, précité). Elle note que l’affaire ne présentait aucune complexité. Quant aux trois ajournements précités de l’affaire en ce qui concerne la requête no 22395/10, elle considère qu’à supposer même que ceux-ci puissent être attribués au requérant, il n’en demeure pas moins que même si on les déduit de la durée totale de la procédure, la période restant est excessive. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle considère qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

    39.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

    III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    40.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant allègue que les arrêts du Conseil d’État n’ont pas été suffisamment motivés. Il se plaint en outre de l’interprétation du droit interne opérée par le Conseil d’État. En ce qui concerne la requête no 22395/10, il se plaint, en premier lieu, de la non-exécution des arrêts rendus par les tribunaux administratifs sur son cas. En second lieu, il invoque l’article 1 du Protocole no 1 pour se plaindre d’une atteinte à son droit au respect de ses biens. Il allègue que le rejet de son recours par le Conseil d’État l’a privé de sa promotion et par conséquent de son droit à une pension plus élevée.

    41.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, la Cour, dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles en ce qui concerne l’équité des procédures en cause. S’agissant du grief tiré de la non-exécution, la Cour observe que le contenu de la requête par rapport à celui-ci est particulièrement confus. À supposer même qu’il remplisse les conditions de recevabilité prévues par l’article 35 § 1 de la Convention, ce grief n’est aucunement étayé. Quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, elle note que le requérant ne disposait pas d’un bien au sens de la Convention, puisque en formant l’action en dommages-intérêts contre l’État, il était en position de simple demandeur et ses prétentions n’ont pas été reconnues par une décision judiciaire ayant force de chose jugée (voir, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, série A n301-B).

    42.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    43.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    44.  Le requérant réclame 1 000 000 euros (EUR) pour chaque procédure au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

    45.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    46.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant, globalement, 7 300 EUR au titre du préjudice moral subi, plus tout montant pouvant être dû par lui à titre d’impôt.

    B.  Frais et dépens

    47.  Le requérant demande également 100 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes ainsi que devant la Cour. Il ne produit pas de copies des factures y relatives.

    48.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.

    49.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

    50.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette demande. En ce qui concerne les frais exposés pour les besoins de la représentation du requérant devant elle, la Cour note que le requérant ne produit pas de justificatifs y relatifs et rejette également la demande à ce titre.

     

    C.  Intérêts moratoires

    51.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide de joindre les requêtes et de les examiner conjointement dans un seul arrêt ;

     

    2.  Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de la durée excessive des procédures en cause et irrecevables pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 7 300 EUR (sept mille trois cents euros), plus tout montant pouvant être dû par lui à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 octobre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Søren Prebensen                                                   Mirjana Lazarova Trajkovska
    Greffier adjoint f.f.                                                             
    Présidente


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