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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FILIPPOPOULOS v. GREECE - 41800/13 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section)) French Text [2015] ECHR 1010 (12 November 2015)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/1010.html
Cite as: [2015] ECHR 1010

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    PREMIÈRE SECTION

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE FILIPPOPOULOS c. GRÈCE

     

    (Requête no 41800/13)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

    STRASBOURG

     

    12 novembre 2015

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Filippopoulos c. Grèce,

    La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

              András Sajó, président,
              Elisabeth Steiner,
              Khanlar Hajiyev,
              Mirjana Lazarova Trajkovska,
              Julia Laffranque,
              Linos-Alexandre Sicilianos,

              Dmitry Dedov, juges,
    et de Søren Nielsen, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 octobre 2015,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 41800/13) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Argyrios Filippopoulos (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 juin 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Me E.-L. Koutra, avocate à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par le délégué de son agent, M. K. Georghiadis, assesseur au Conseil juridique de l’Etat.

    3.  Le requérant allègue en particulier une violation de l’article 3 de la Convention en raison de ses conditions de détention.

    4.  Le 28 août 2014, les griefs concernant les articles 3 et 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1961 et à la date de l’introduction de la requête était détenu à la prison de Patras.

    6.  Le requérant subit, dans le passé, quatre opérations des vertèbres. Il souffre aussi d’insuffisance cardiaque en raison d’une sténose des aortes d’un taux supérieur à 70 %. Son taux d’invalidité fut fixé à 50 % par l’organisme grec de sécurité sociale et à 66 % par l’organisme belge d’assurance maladie « Liberale Mutualiteit » lequel lui verse une pension.

    A.  La mise en détention et la mise en liberté du requérant

    7.  Accusé de possession et de culture de cannabis, le requérant fut mis en détention provisoire le 29 septembre 2012 à la prison de Corinthe.

    8.  Le mandat de mise en détention du requérant, émis le 2 octobre 2012, précisait que le requérant, sans être toxicomane au sens de l’article 30 § 1 de la loi no 3459/2006, cultivait du cannabis sur 4 000 m² de sa propriété à des fins lucratives. Le mandat précisait que compte tenu du grand nombre de plants de cannabis cultivés par le requérant (ce que sa consommation personnelle ne pouvait justifier), il était probable que s’il était laissé en liberté, il risquait de commettre de nouvelles infractions.

    9.  Le 5 décembre 2012, le juge d’instruction près le tribunal correctionnel d’Aigion ordonna une expertise afin de vérifier l’allégation du requérant selon laquelle il était toxicomane. Le 13 février 2013, le rapport d’expertise rédigé par un neurologue-psychiatre constatait que le requérant était un drogué dépendant, dont la dose quotidienne dépassait 15 gr, et qu’il n’était pas possible de le désintoxiquer sans assistance médicale.

    10.  Par une décision du 4 mars 2013, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Aigion décida de prolonger la détention provisoire du requérant. Elle considéra que le rapport d’expertise n’était pas crédible car il n’était pas fondé sur un examen toxicologique du requérant ni sur un examen clinique dans un hôpital pour vérifier si au bout de cinq jours le requérant manifestait des symptômes liés à un état de manque.

    11.  Le 5 avril 2013, le requérant fut cité à comparaître à l’audience du 28 juin 2013 devant la cour d’appel criminelle de Patras.

    12.  Le 19 juin 2013, le requérant fut transféré à la prison de Patras en vue de l’audience précitée.

    13.  Le 28 juin 2013, la cour d’appel criminelle de Patras acquitta le requérant.

    14.  Le requérant fut mis en liberté le 1er juillet 2013.

    B.  Les conditions de détention du requérant dans la prison de Corinthe

    1.  La version du requérant

    15.  La prison contient 2 chambrées et 10 cellules. D’une capacité officielle de 40 détenus, elle en accueillait 96 à la date de l’introduction de la requête. Un couloir de 26 m² servait de dortoir pour 28 détenus. Toutefois, en cas de pluie et d’impossibilité pour les détenus de sortir dans la cour, ils se massaient tous débout dans cet espace.

    16.  Le requérant fut placé dans la cellule no 5 qui mesurait 15 m² avec 5 autres détenus. La hauteur des deux lits superposés dans la cellule était d’un mètre seulement et les matelas étaient vieux, sales et déchirés. Obligé de dormir par terre, le requérant affirme que son problème orthopédique s’était aggravé en raison de l’incapacité de la prison de lui fournir un lit, ainsi qu’un matelas adapté à son handicap. La toilette qui était à l’intérieur de la cellule mesurait 6 m², ce qui laissait 1,5 m² à 2 m² à chaque détenu, espace dans lequel étaient placés les lits et deux matelas par terre pour le cinquième et le sixième occupant de la cellule. Les toilettes n’avaient pas de porte, n’étaient pas ventilées et l’odeur qui s’en dégageait était nauséabonde et présente pendant les repas. Sans réfectoire, ni tables ni chaises dans les cellules, les détenus prenaient leurs repas debout ou assis sur leurs lits.

    17.  Les détenus étaient obligés de nettoyer eux-mêmes les chambrées et les cellules avec des produits achetés par eux-mêmes.

    18.  La nourriture était très insuffisante. Pour le petit-déjeuner, les détenus n’avaient que du thé. Il n’y avait de la viande qu’une seule fois par semaine et il n’y avait jamais de poisson. Vingt-huit détenus partageaient un réfrigérateur et une seule plaque de cuisson. Le requérant allègue, de surcroît, que la nourriture n’était pas adaptée à ses problèmes cardiaques.

    19.  La cour de la prison d’une superficie de 160 m², qui comprenait un terrain de basket, des appareils pour la gymnastique et un étendoir pour vêtements, était trop exiguë pour le nombre des détenus. Les murs de la prison n’étaient pas peints et étaient rongés par l’humidité.

    20.  Un médecin n’était présent que deux fois par semaine. L’infirmerie était vétuste et ne disposait d’aucun appareil médical. Les examens médicaux spécialisés devaient être effectués dans des cabinets extérieurs aux frais des détenus.

    2.  La version du Gouvernement

    21.  Le Gouvernement se fonde sur un document fourni par la prison même de Corinthe décrivant la prison et les conditions de détention.

    22.  La prison dispose de 2 chambrées et de 10 cellules. Il existe trois cours différentes : la première, de 200 m², réservée aux cellules no 1 à no 5 et à leurs 25-30 détenus ; la deuxième, de 200 m², réservée aux cellules no 6 à no 10 et leurs 25-30 détenus ; la troisième, de 500 m², qui accueille 40-50 détenus et qui dispose d’un terrain de football et d’un terrain de volleyball.

    23.  Le requérant séjourna dans la cellule no 5, à sa demande, pendant toute la durée de sa détention, afin qu’il soit avec des codétenus originaires de la même ville que lui. La cellule avait une surface de 15 m², toilette incluse.

    24.  L’occupation de la cellule no 5 à différentes dates était la suivante : au 4 octobre 2012 : 5 détenus ; au 1er novembre 2012 : 5 détenus ; au 16 novembre 2012 : 4 détenus ; au 1er janvier 2013 : 5 détenus ; au 1er février 2013 : 4 détenus ; au 1er mars 2013 : 5 détenus ; au 1er avril 2013 : 5 détenus ; au 1er mai 2013 : 5 détenus ; au 1er juin 2013 : 5 détenus et au 19 juin 2013 : 4 détenus.

    25.  Le hauteur des lits superposés faisait suite à la demande des détenus afin qu’ils puissent regarder la télévision de manière plus confortable. Les détenus détruisaient eux-mêmes leurs matelas ; pour cette raison, il fut décidé que la fourniture de nouveaux matelas serait facturée aux détenus.

    26.  Quant au couloir de 26 m², personne ne dormait dans celui-ci. Il était d’ailleurs équipé de tabourets et de tables pour que les détenus ne soient pas debout en cas de pluie. Les détenus cassèrent plusieurs tables à l’occasion de bagarres. Les chambrées 1 et 2 étaient dotées d’un grand réfectoire où les détenus pouvaient se rendre en cas de pluie.

    27.  Les murs et les bâtiments de la prison furent repeints à l’occasion d’une transformation récente d’une partie de celle-ci en local spécial de détention pour mineurs.

    28.  Pendant la détention du requérant, l’aile où se trouvaient les cellules nos 6 à 10 était dotée d’un réfectoire. Initialement, le réfectoire était prévu pour les cellules no 1 à no 10 mais, pour des raisons de sécurité, les cellules nos 1 à 5 furent exclues et équipées de tabourets et de tables en plastique.

    29.  Le nettoyage des cellules était assuré par les détenus qui y séjournaient et celle des espaces communs par des détenus travaillant en tant qu’agent de surface pour des périodes de trois mois. Les produits de nettoyage étaient fournis par la prison une fois par semaine.

    30.  La prison était chauffée par des radiateurs qui fonctionnaient deux à trois heures par jour. Un chauffe-eau solaire assurait la fourniture d’eau chaude. En cas de grosse chaleur, les portes des cellules restaient ouvertes. Seules les chambrées 1 et 2 étaient équipées de ventilateurs au plafond. Les autorités de la prison autorisaient les détenus à posséder des ventilateurs ou des chauffages individuels.

    31.  En ce qui concerne l’alimentation, le menu mensuel prévoyait du poisson deux fois par mois, de la viande onze fois par mois, dont du poulet quatre fois par mois et de la viande hachée trois à quatre fois par mois. Le petit-déjeuner comprenait du thé la plupart des jours de la semaine et du lait les autres jours. Les détenus pouvaient acheter avec leurs propres deniers du poisson ou de la viande à la cantine de la prison ou au supermarché à l’extérieur.

    32.  Un fonds de charité fournit aux détenus indigents qui le demandent des vêtements ou produits d’hygiène personnelle, tels des shampooings, savons, rasoirs, dentifrices et brosses à dent. Lors de son admission à la prison, le requérant déclara qu’il recevait une pension d’invalidité et n’avait pas besoin du fonds de charité.

    33.  La prison dispose d’un dispensaire intégré à l’hôpital général de Corinthe auquel est détaché un médecin travaillant pour le Système de santé national. Pour des cas plus graves, les détenus étaient transférés à l’hôpital général de Corinthe. Les détenus pouvaient aussi se faire examiner par des médecins de leur choix, mais dans ce cas, ils devaient payer leurs honoraires. Le dispensaire était équipé de tout le matériel médical pour des soins de première nécessité et ne saurait être qualifié de vétuste.

    34.  Le requérant se rendit au dispensaire de la prison à dix-sept reprises : les 9 et 22 octobre 2012 et le 19 décembre 2012 ; les 10 et 15 janvier 2013, les 14, 21 et 26 février 2013, les 12, 21 et 28 mars 2013, les 9, 23 et 29 avril 2013, les 20 et 27 mai 2013 et le 17 juin 2013. Le médecin modifia son traitement pharmaceutique et recommanda son transfert dans un hôpital lorsque cela se fut avéré nécessaire (paragraphes 36-37 ci-dessous)). Tous les médicaments prescrits par le médecin étaient fournis au requérant sur une base quotidienne et seul un sur quatre était générique.

    35.  Le 20 décembre 2012, le requérant fut transféré aux urgences de l’hôpital général de Corinthe. Devant l’impossibilité de se soumettre à un examen spécifique des vaisseaux et des veines de ses jambes dans cet hôpital, le requérant fut admis le 10 janvier 2013 dans une clinique privée de Corinthe.

    Le 21 janvier 2013, le requérant refusa son transfert à l’hôpital de la prison de Korydallos, à Athènes, comme le lui recommandait le médecin du dispensaire. Le requérant signa une décharge à cet effet pour officialiser son refus.

    36.  Le 23 janvier 2013, le requérant fut à nouveau transféré à l’hôpital général de Corinthe où il fut constaté que son examen par un chirurgien vasculaire n’était pas impérieuse mais pouvait être fixé à une date ultérieure.

    37.  Le 16 mai 2013, le requérant fut admis au département cardiologique de l’hôpital général de Corinthe, d’où il sortit le même jour à ses propres risques et périls.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    38.  Pour le droit et la pratique internes pertinents, se référer à la décision Chatzivasiliadis c. Grèce (no 51618/12, §§ 17-21, 26 novembre 2013).

    39.  L’article 75 du code pénitentiaire (transfert pour des motifs procéduraux) dispose :

    « Dans le cas de l’alinéa c de l’article 72, le transfert du détenu est ordonné par le procureur compétent près la cour d’appel ou près du tribunal correctionnel afin de faciliter l’instruction ou afin que l’accusé comparaisse devant le tribunal ou devant une autre autorité. Le même procureur veille pour le rapatriement rapide du détenu, qui n’est pas autorisé à déposer une demande de transfert dans une autre prison jusqu’à ce que le rapatriement ait eu lieu. (...) »

    III.  LES CONSTATS DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE

    40.  Le 21 juillet 2011, sur invitation du ministère de la Justice, le médiateur de la République se rendit à la prison de Corinthe afin d’examiner le caractère approprié de cette prison dans la perspective de faire transformer une partie de celle-ci en lieu de détention pour des mineurs de 15 à 18 ans.

    41.  Dans son rapport du 14 septembre 2011 au ministère, le médiateur constatait que la prison, d’une capacité de 60 détenus, accueillait à la date de la visite 90 détenus. Il soulignait que le phénomène récurrent de surpopulation des prisons grecques se retrouvait également dans cette prison et rendait les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire insupportables. La surpopulation dans les deux chambrées visitées était telle qu’elle constituait un traitement inhumain au sens de l’article 3 de la Convention.

    42.  Le médiateur recommandait, entre autres, que les installations devaient être rénovées de manière à pouvoir accueillir des mineurs. Les espaces étaient à tel point limités qui ne permettaient même pas le séjour en leur sein des adultes. Il faudrait avant tout régler les besoins en espace afin de faire disparaître les problèmes liés à la surpopulation et équiper les cellules afin qu’elles soient adaptées aux besoins des mineurs. La présence d’un médecin et du personnel médical était indispensable.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    43.  Le requérant se plaint de ses conditions de détention. Il allègue une violation de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    44.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours internes : le requérant n’a pas introduit une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, combiné avec l’article 3 de la Convention ou avec les articles pertinents du code pénitentiaire.

    45.  Le Gouvernement souligne qu’à la date de l’introduction de sa requête à la Cour, le requérant n’était plus détenu à la prison de Corinthe mais avait été transféré à la prison de Patras. Il n’était plus alors détenu dans les conditions dont il se plaint dans sa requête et il n’y a pas « situation continue » au sens de la jurisprudence de la Cour. Se prévalant de la décision Chatzivasiliadis, précitée, le Gouvernement affirme qu’en saisissant la Cour à cette date, le requérant ne visait pas à faire arrêter sa détention dans des conditions inhumaines ou dégradantes, qui était d’ailleurs interrompue par son transfert, mais à obtenir une indemnité pour dommage moral.

    46.  Le Gouvernement soutient, en outre, que le requérant aurait pu soumettre ses griefs relatifs à ses conditions de détention et à son traitement au sein de la prison, au conseil de la prison, ou au procureur près la cour d’appel chargé de surveiller le fonctionnement de la prison de Corinthe (sur le fondement des articles 572 du code de procédure pénale et 6 du code pénitentiaire).

    47.  Le requérant soutient que l’action prévue par l’article 105 précité est illusoire : la personne intéressée qui aurait introduit cette action devrait attendre six ans pour l’audience de première instance et encore six ans pour l’audience d’appel. Qu’il eût usé de ce recours avant ou après sa mise en liberté, on ne saurait le considérer comme un recours effectif. Le requérant mentionne une affaire dans laquelle la procédure relative à l’article 105 précité avait débuté en 1997 et onze ans plus tard, le Conseil d’Etat a renvoyée à la cour administrative d’appel sans que l’on sache si aujourd’hui, en 2015, elle a pris fin.

    48.  Le requérant affirme que la jurisprudence Chatzivasiliadis, précitée, n’augmentera pas les chances des détenus libérés de se faire indemniser dans un délai raisonnable pour leurs conditions de détention pénibles. D’ailleurs, si le Gouvernement cite des affaires dans lesquelles les tribunaux ont accordé une indemnité sur le fondement de l’article 105, il s’agissait de personnes détenues pour des dettes envers l’Etat et non des personnes détenus en méconnaissance de l’article 3 de la Convention.

    49.  Quant aux recours prévus par les articles 6 du code pénitentiaire et 572 du code de procédure pénale, le requérant souligne que le Gouvernement ne produit pas un seul exemple de détenu qui, s’étant adressé au procureur ou au conseil de la prison, a obtenu une réponse positive notamment pour des problèmes psychologique résultant de la dépendance aux stupéfiants et au défaut de traitement des détenus dépendants. En particulier, le caractère illusoire du recours prévu à l’article 572 précité est reflété dans la réponse donnée par le procureur à l’avocate du requérant, dans le cadre d’une autre affaire du même type concernant un autre détenu, selon laquelle le procureur se déclarait incompétent pour intervenir afin de faire améliorer les conditions de détention dans la prison de Corinthe.

    50.  La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention, qui énonce la règle de l’épuisement des voies de recours internes, est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (Scordino c. Italie (n1) [GC], no 36813/97, § 141, CEDH 2006-V). Elle rappelle aussi que, néanmoins, l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Elle réaffirme que ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues, et qu’il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 45, CEDH 2006-II).

    51.  La Cour rappelle également que, s’agissant des conditions de détention, elle a conclu dans les arrêts Vaden c. Grèce (no 35115/03, §§ 30-33, 29 mars 2007) et Tsivis c. Grèce (no 11553/05, §§ 18-20, 6 décembre 2007) que les requérants n’avaient pas épuisé les voies de recours internes, faute d’avoir utilisé les recours prévus à l’article 572 du code de procédure pénale (saisine du procureur chargé de l’exécution des peines et de l’application des mesures de sécurité) et à l’article 6 de la loi no 2776/1999 (saisine du procureur superviseur de la prison et saisine du conseil disciplinaire de la prison). Dans ces affaires, les requérants se plaignaient des circonstances particulières qui les affectaient personnellement en tant qu’individus et auxquelles ils estimaient que les autorités pénitentiaires pouvaient mettre un terme en prenant les mesures appropriées.

    52.  La Cour considère que pour autant que les griefs du requérant portent sur le défaut de soins en prison en tant que toxicomane et sur le manque de mesures prévues en matière de désintoxication du cannabis, problèmes l’affectant personnellement, celui-ci aurait dû s’adresser aux procureurs précités ou au conseil de la prison et aurait dû tenter d’obtenir d’eux une solution à ses problèmes. Elle accueille donc l’exception du Gouvernement pour autant qu’elle porte sur les soins dont le requérant souhaitait faire l’objet en tant que toxicomane.

    53.  En revanche, dans la mesure où le requérant allègue être personnellement affecté par les conditions générales de détention dans la prison, les recours prévus aux articles 6 et 572 précités ne seraient d’aucune utilité (Papakonstantinou c. Grèce, no 50765/11, § 51, 13 novembre 2014).

    54.  Quant à l’action en dommages-intérêts de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes pour un grief visant des conditions générales de détention prévalant au sein d’un établissement pénitentiaire, la situation peut être différente entre une personne qui a été détenue dans des conditions qu’elle estime contraires à l’article 3 de la Convention et qui saisit la Cour après sa mise en liberté et un individu qui la saisit alors qu’il est toujours détenu dans les conditions qu’il dénonce (Chatzivasiliadis, précitée, § 30). Elle rappelle aussi que le transfert d’un détenu d’un lieu de détention à un autre interrompt, en principe, la continuité de la détention en ce qui concerne les conditions de celle-ci et le délai de six mois, prévu à l’article 35 § 1 de la Convention, commence à courir à partir de la date du transfert au nouveau lieu de détention (Novinskiy c. Russie (déc.), no 11982/02, § 96, 6 décembre 2007 ; Maltabar et Maltabar c. Russie, no 6954/02, § 83, 29 janvier 2009 et Kanakis c. Grèce (no 2), no 40146/11, § 92, 12 décembre 2013). Toutefois, en principe, de courtes périodes d’absence, pendant lequel un requérant sort de la prison pour des soins ou pour les besoins d’une procédure judiciaire, n’ont pas d’incidence sur la continuité de la détention (Gorbulya c. Russie, no 31535/09, § 47, 6 mars 2014).

    55.  En l’espèce, la Cour note que le requérant a saisi la Cour le 25 juin 2013 alors qu’il avait déjà été transféré à la prison de Patras depuis le 19 juin 2013.

    56.  La Cour estime que dans les circonstances de l’espèce, elle doit examiner si ce transfert a rompu la situation continue de la détention du requérant et devrait être pris en compte pour conclure qu’il aurait dû introduire l’action de l’article 105 pour tenter d’obtenir une indemnisation pour conditions de détention contraires à l’article 3 dans la prison de Corinthe.

    57.  À cet égard, la Cour a jugé à plusieurs reprises que l’obligation pour le requérant d’épuiser les voies de recours internes s’apprécie en principe à la date d’introduction de la requête devant elle (voir, parmi beaucoup d’autres, Baumann c. France, no 33592/96, § 47, CEDH 2001-V).

    58.  Cependant, le transfert du requérant de la prison de Corinthe à la prison de Patras ne saurait être considéré comme un transfert ordinaire et définitif d’un détenu d’une prison à une autre. Ce transfert a eu lieu en l’espèce seulement pour des motifs procéduraux à savoir pour les besoins de la comparution du requérant à l’audience devant la cour d’appel criminelle de Patras qui était fixée au 28 juin 2013. À cet égard, l’article 75 § 1 du code pénitentiaire prévoit que c’est le procureur compétent qui ordonne ce type de transfert et veille aussi au retour rapide du détenu après la fin de l’audience. En outre, le détenu n’est pas autorisé à déposer une demande de transfert dans une autre prison jusqu’à ce que le retour ait eu lieu. Or, à la date de la saisine de la Cour et dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel criminelle, le requérant était censé revenir à la prison de Corinthe dont l’éloignement n’a été qu’occasionnel.

    59.  Dans ces conditions, la Cour considère que le cas du requérant ne relève pas de la jurisprudence Chatzivasiliadis précitée et que l’action indemnitaire fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil combiné avec les articles pertinents du code pénitentiaire, et également avec l’article 3 de la Convention qui est directement applicable dans l’ordre juridique interne, ne constituait pas une voie de recours qui aurait dû être intentée par le requérant à la date de l’introduction de la requête.

    60.  Par conséquent, la Cour rejette l’exception du Gouvernement pour autant qu’elle porte sur les conditions de détention générales du requérant à la prison de Corinthe.

    61.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

    B.  Sur le fond

    62.  Le Gouvernement se réfère à sa version des conditions de détention du requérant et souligne que même si celles-ci ne pouvaient pas être considérées comme totalement satisfaisantes, elles ne dépassaient pas le seuil de gravité nécessaire pour être qualifiées de traitement inhumain ou dégradant.

    63.  Le requérant se réfère à son récit concernant ses conditions de détention et affirme que le Gouvernement ne conteste pas vraiment la réalité de celles-ci, tant en ce qui concerne la surpopulation que les équipements des cellules de la prison. Il conteste les allégations du Gouvernement selon lesquelles les détenus disposaient de matelas neufs et que sa cellule était équipée de chaises et de tables. En ce qui concerne l’alimentation, le requérant réitère qu’il était obligé de prendre ses repas dans sa cellule et que ceux-ci n’avaient pas de valeur nutritionnelle suffisante : il n’a jamais consommé de poisson et le petit-déjeuner ne comportait que du thé ou du lait.

    64.  La Cour rappelle que l’article 3 de la Convention fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d’exécution de la mesure en cause ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000-XI, et Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 131, 22 octobre 2009).

    65.  S’agissant des conditions de détention, la Cour prend en compte les effets cumulatifs de celles-ci ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, nº 40907/98, § 46, CEDH 2001-II). En particulier, le temps pendant lequel un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important (Kalashnikov c. Russie, no 47095/99, § 102, CEDH 2002-VI, Kehayov c. Bulgarie, no 41035/98, § 64, 18 janvier 2005, et Alver c. Estonie, no 64812/01, § 50, 8 novembre 2005). Par ailleurs, lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, la Cour considère que le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément central à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 de la Convention (voir, en ce sens, Karalevičius c. Lituanie, no 53254/99, § 40, 7 avril 2005).

    66.  Ainsi, lorsqu’elle a été confrontée à des situations de surpopulation sévère, la Cour a jugé que cet élément, à lui seul, suffisait pour conclure à la violation de cette disposition. Il s’agissait, de manière générale, de cas de figure où l’espace personnel accordé à un requérant était inférieur à 3 m² (Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50-51, 21 juin 2007, Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007, Kadikis c. Lettonie, no 62393/00, § 55, 4 mai 2006 ; Sulejmanovic c. Italie, no 22635/03, § 43, 16 juillet 2009, et Torreggiani et autres c. Italie, nos 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68, 8 janvier 2013).

    67.  En revanche, dans des affaires où la surpopulation n’était pas importante au point de soulever à elle seule un problème sous l’angle de l’article 3 de la Convention, la Cour a noté que d’autres aspects des conditions de détention étaient à prendre en compte dans l’examen du respect de cette disposition. Parmi ces éléments figurent la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, l’aération disponible, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base. Aussi, même dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 m² à 4 m², la Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention dès lors que le manque d’espace s’accompagnait d’un manque de ventilation et de lumière (Moisseiev c. Russie, no 62936/00, §§ 125-127, 9 octobre 2008 ; voir également Vlassov c. Russie, no 78146/01, § 84, 12 juin 2008, et Babouchkine c. Russie, n67253/01, § 44, 18 octobre 2007), d’un accès limité à la promenade en plein air (István Gábor Kovács c. Hongrie, no 15707/10, § 26, 17 janvier 2012) ou d’un manque total d’intimité dans les cellules (voir, mutatis mutandis, Belevitskiy c. Russie, n72967/01, §§ 73-79, 1er mars 2007, Khudoyorov c. Russie, no 6847/02, §§ 106-107, ECHR 2005-X (extraits), et Novoselov c. Russie, no 66460/01, §§ 32 et 40-43, 2 juin 2005).

    68.  En l’espèce, la Cour note que requérant et Gouvernement s’accordent à reconnaître que le premier a séjourné pendant toute la durée de sa détention dans la cellule no 5 qui avait une surface de 15 m², toilette incluse. Á cet égard, le requérant allègue que la surface du WC s’élève à 6 m², allégation que le Gouvernement ne réfute pas dans ses observations. Dans ces conditions, il faut constater que la surface de la cellule no 5 s’élève à 9 m², après déduction de l’espace occupé par la toilette. Les allégations des parties diffèrent aussi quant au nombre de détenus placés dans cette cellule : six selon le requérant ; de quatre à cinq selon le Gouvernement, le nombre ayant fluctué à dix reprises selon ce dernier (paragraphe 24 ci-dessus).

    69.  Il apparaît donc que même avec une occupation de quatre détenus, l’espace personnel de chacun était inférieur à 3 m². Cet élément suffit à la Cour pour considérer que les conditions de détention du requérant s’analysent en un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. En outre, l’existence des tabourets et des tables plastiques dans la cellule no 5 (paragraphe 28 ci-dessus) est un élément qui a contribué à réduire davantage l’espace personnel du requérant.

    70.  La Cour relève encore certaines autres allégations du requérant qui n’ont pas été contestées par le Gouvernement, notamment le fait que les occupants des cellules nos 1 à 5, dont celle du requérant, ne disposaient pas de réfectoire pour prendre leurs repas ; l’absence d’intimité des détenus dans les toilettes en raison de l’inexistence de portes ; l’absence de ventilation dans les toilettes (paragraphe 16 ci-dessus).

    71.  Ces facteurs s’ajoutent aux effets de la surpopulation carcérale.

    72.  Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

    73.  Invoquant les articles 3 et 13 combinés de la Convention, le requérant se plaint qu’il ne disposait pas d’un recours effectif pour se plaindre de ses conditions de détention.

    74.  Le Gouvernement soutient que le requérant avait à sa disposition les recours prévus par les articles 6 du code pénitentiaire et 572 du code de procédure pénale, mais aussi par l’article 25 § 1 de la loi no 1756/1988 portant code des tribunaux qui investit le procureur adjoint près la cour d’appel détaché à la prison de Corinthe de veiller au respect des règles concernant le traitement des détenus et des conditions de détention dans la prison.

    75.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable. En outre, compte tenu de sa conclusion relative à l’exception de non-épuisement de voies de recours internes (voir paragraphe 60 ci-dessus), la Cour estime que celles mentionnées en l’espèce par le Gouvernement ne répondaient pas aux exigences de l’article 13 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition (voir, entre autres, Martzaklis et autres c. Grèce, no 20378/13, § 79, 9 juillet 2015).

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    76.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    77.  Le requérant réclame une somme de 34 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de la violation des articles 3 et 13 de la Convention, somme à verser directement sur le compte bancaire de son avocate. Il souligne que sa santé physique et mentale s’est détériorée en raison de ses conditions de détention à la prison de Corinthe, ainsi que de sa désintoxication du cannabis, forcée et non assistée médicalement.

    78.  Le Gouvernement soutient que les sommes réclamées sont excessives et non justifiées. Il affirme que le constat de violation constituerait une satisfaction suffisante. Toutefois, au cas où la Cour souhaiterait accorder une certaine somme au requérant, un montant de 4 000 EUR serait suffisant et raisonnable. Se prévalant de l’arrêt C.D. et autres c. Grèce (nos 33441/10, 33468/10 et 33476/10, § 84, 19 décembre 2013) et des arrêts y mentionnés, elle invite la Cour à rejeter la demande du requérant tendant à verser la somme réclamée sur le compte bancaire de son avocate.

    79.  La Cour considère que les circonstances qui l’ont conduite à conclure en l’espèce à la violation de l’article 3 sont de nature à provoquer désespoir, angoisse et tension. Le requérant est donc en mesure de se prévaloir d’un préjudice moral justifiant l’octroi d’une somme de  6 500 EUR. Cette somme sera à verser directement sur le compte bancaire indiqué par sa représentante.

    B.  Frais et dépens

    80.  Le requérant demande également 4 200 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour à verser directement sur le compte bancaire de son avocate. Cette somme a fait l’objet d’un accord conclu entre lui et son avocate et aux termes duquel elle sera versée à cette dernière au cas où la Cour constaterait au moins une violation de la Convention. En revanche, en cas d’irrecevabilité de la requête, aucune somme ne serait versée à l’avocate.

    81.  Le requérant demande, en outre, la somme de 1 300 EUR pour les honoraires de son avocat qui l’a défendu devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Aigion à l’occasion de la prolongation de sa détention provisoire (paragraphe 10 ci-dessus).

    82.  Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas produit les justificatifs légaux pour démontrer qu’il a engagé les frais dont il réclame le remboursement. Quant au prétendu accord conclu avec son avocate, il ne se réfère qu’à des frais et dépens totalement vagues et hypothétiques dont la réalité ne peut pas être établie. Qui plus est, le montant réclamé est excessif compte tenu du caractère écrit de la procédure et de l’absence d’audience devant la Cour. Si la Cour accordait au requérant un montant à ce titre, celui-ci ne devrait pas excéder 1 000 EUR. Enfin, quant à la somme de 1 300 EUR réclamée, il estime qu’elle n’a pas de lien de causalité avec la violation alléguée de l’article 3.

    83.  En premier lieu, la Cour estime qu’il n’existe pas de lien de causalité directe entre la somme réclamée au titre des frais pour la procédure de prolongation de la détention provisoire et la violation de l’article 3. En deuxième lieu, elle note que le requérant a conclu avec son avocate un accord concernant ses honoraires, qui se rapprocherait d’un accord de quota litis. Elle note aussi qu’il fournit devant elle une copie de cet accord. La Cour rappelle que ces accords peuvent attester, s’ils sont juridiquement valables, que l’intéressé est effectivement redevable des sommes réclamées. Pareils accords, qui ne font naître des obligations qu’entre l’avocat et son client, ne sauraient lier la Cour, qui doit évaluer le niveau des frais et dépens à rembourser non seulement par rapport à la réalité des frais allégués, mais aussi par rapport à leur caractère raisonnable (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 2000-XI ; Korkolis c. Grèce, no 63300/09, § 33, 15 janvier 2015). Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime raisonnable d’accorder au requérant 1 500 EUR pour les frais engagés pour la procédure devant elle, plus toute somme pouvant être due par le requérant à titre d’impôt, à verser sur le compte bancaire de son avocate.

    C.  Intérêts moratoires

    84.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de conditions matérielles de détention du requérant et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à verser directement sur le compte bancaire indiqué par leur avocate :

    i)  6 500 EUR (six mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 novembre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

       Søren Nielsen                                                                        András Sajó
            Greffier                                                                               Président

     


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