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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> RAIHANI v. BELGIUM - 12019/08 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Second Section)) French Text [2015] ECHR 1106 (15 December 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/1106.html Cite as: [2015] ECHR 1106 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE RAIHANI c. BELGIQUE
(Requête no 12019/08)
ARRÊT
STRASBOURG
15 décembre 2015
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Raihani c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Işıl Karakaş,
présidente,
Julia Laffranque,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier
de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 novembre 2015,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 12019/08) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant marocain, M. Zoubir Raihani (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 février 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me S. Kayembe N’Kokesha, avocat à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.
3. Le requérant allègue en particulier une violation de son droit d’accès à un tribunal (article 6 § 1).
4. Le 28 avril 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1963 et réside à Bruxelles.
6. Après le divorce du requérant et de Mme K., cette dernière, par requête déposée le 29 janvier 2004 devant le juge de paix du troisième canton de Liège, demanda une augmentation de la part contributive du requérant à l’éducation et l’entretien de l’enfant commun. Elle demanda également le bénéfice d’une délégation de sommes. Par ordonnance du 10 février 2004, prononcée par défaut à l’égard du requérant, qui purgeait, depuis le 29 novembre 2003, une peine d’emprisonnement au Maroc, le juge de paix fit droit à ces demandes.
7. L’ordonnance fut notifiée par le greffe au domicile légal du requérant par lettre simple du 12 février 2004, en application de l’article 1253quater b) du code judiciaire. Elle lui a en outre été signifiée, à la requête de Mme K., le 5 avril 2004, toujours au même domicile ; la signification n’ayant pas pu avoir lieu à personne, l’huissier de justice laissa une copie de l’exploit de signification à cette adresse. La délégation de sommes fut notifiée à l’Office national de l’emploi par courrier du 9 juin 2004.
8. Le requérant fut libéré au Maroc le 29 mai 2005.
9. De retour en Belgique, le requérant effectua, à une date non précisée, les démarches nécessaires pour pouvoir bénéficier du versement d’allocations de chômage.
10. Il résulte de l’historique des relevés d’allocations de chômage que les prestations de chômage pour le mois de juin 2005, se chiffrant à 486,85 EUR, dues en date du 12 juillet 2005, furent intégralement retenues par l’Office national de l’emploi. Sur les prestations de chômage pour le mois de juillet 2005, s’élevant à 936,25 EUR et dues en date du 5 août 2005, une retenue de 887,01 EUR fut effectuée. Sur les prestations de chômage pour le mois d’août 2005, s’élevant à 993,20 EUR et dues en date du 1er septembre 2005, une retenue de 292,40 EUR fut effectuée. À partir de ce moment, pour les mois suivants de l’année 2005, des retenues de 255,68 EUR sur des montants de 993,20 EUR furent effectuées.
11. Il ressort de la requête, telle que formulée par le requérant, que celui-ci fut « informé de l’existence de [la] signification » susmentionnée « deux mois après sa libération » et que c’est à ce moment qu’il réalisa qu’il était « victime d’une mauvaise foi procédurale ». Il décida alors de demander le bénéfice de l’aide juridique afin de pouvoir s’adresser à un avocat.
12. Le 14 juillet 2005, le requérant se vit désigner par le bureau d’aide juridique du barreau de Bruxelles un avocat pro deo. En date du 17 août 2005, le requérant se vit attribuer un nouvel avocat qui, le 29 août 2005, obtenait du greffe de la justice de paix du troisième canton de Liège une copie de la notification du 12 février 2004 de l’ordonnance du 10 février 2004.
13. Le 28 septembre 2005, le requérant forma opposition contre l’ordonnance du 10 février 2004. Il introduisit également une demande en suppression ou réduction de sa contribution alimentaire. Dans sa première requête, il soulignait qu’il n’avait pas été atteint ni par la convocation à l’audience du 10 février 2004 devant le juge de paix, ni par la notification du 12 février 2004 de l’ordonnance du 10 février 2004, en raison de son incarcération au Maroc. Ce n’était que postérieurement à son retour en Belgique, qu’il avait appris l’existence de sa condamnation par défaut. Il admit cependant que la signification avait été effectuée à une adresse qui, à l’époque, était son domicile légal.
14. Par jugement du 1er février 2006, le juge de paix, après avoir joint les deux causes, déclara l’opposition irrecevable pour être tardive. Il releva que dès le mois de juillet 2005, et encore le 5 août 2005, des retenues avaient été opérées en vertu du jugement du 10 février 2004 sur les allocations de chômage du requérant. Ce dernier aurait dû se renseigner afin de savoir sur base de quel titre ces retenues étaient opérées, et aurait dû former son opposition dans le délai légal d’un mois à compter de la deuxième retenue pour dettes d’aliments pratiquée sur ses allocations de chômage, soit avant le 5 septembre 2005.
15. Statuant sur la demande de réduction de la part contributive pour l’avenir, le juge y fit droit.
16. Le 6 mars 2006, le requérant forma appel contre ce jugement uniquement en ce qu’il avait dit l’opposition irrecevable. Mme K. forma un appel incident visant, notamment, à ce que la part contributive du requérant soit fixée à un montant supérieur.
17. Par un jugement du 19 avril 2007, le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel, confirma le jugement attaqué en ce qu’il avait déclaré l’opposition irrecevable. Il déclara, en outre, recevable mais non fondée la demande en suppression ou en réduction de la part contributive formulée par le requérant, au motif que ce dernier restait en défaut d’apporter la preuve d’un élément nouveau, précis et suffisamment important qui justifierait la révision de sa part contributive et de sa participation aux frais exceptionnels de l’enfant commun telles que fixées par l’ordonnance du 10 février 2004 revêtue de l’autorité de chose jugée. Pour le même motif, le tribunal rejeta aussi la demande de Mme K. en augmentation de cette part. Il maintint donc, sur ce point, le montant fixé par l’ordonnance du 10 février 2004.
18. En ce qui concerne l’opposition contre l’ordonnance du 10 février 2004, le tribunal admit que l’emprisonnement du requérant au Maroc avait constitué une force majeure qui ne lui avait pas permis de prendre connaissance de l’acte de notification, de faire changer son domicile légal ou de faire suivre ou relever son courrier. Il considéra cependant que le délai de recours prenait cours à partir du jour où la force majeure avait cessé d’exister et estima qu’il en était ainsi au moment où le requérant avait eu connaissance de l’existence du jugement, à tout le moins dès qu’il avait été informé, par le biais de la mention « retenue » figurant sur sa fiche de prestations de chômage, des retenues opérées par l’organisme de paiement des allocations de chômage. Le fait que son conseil n’ait reçu copie du courrier de notification du 12 février 2004 qu’au plus tôt le 29 août 2005 était sans incidence sur la date du début du délai d’opposition. Il releva que ce délai avait pris cours le 12 juillet 2005, date à laquelle la force majeure avait pris fin par la prise de connaissance par le requérant des retenues opérées sur ses allocations de chômage, pour se terminer le 12 août 2005. Toutefois, le délai avait été prorogé, en application de l’article 50 du code judiciaire et en raison des vacances judiciaires, jusqu’au 15 septembre 2005. L’opposition reçue au greffe le 28 septembre 2005 était donc tardive.
19. Le requérant, qui avait bénéficié de l’aide juridique dans le cadre de la procédure d’appel, projeta de former un pourvoi en cassation. Il sollicita à cette fin le bénéfice de l’assistance judiciaire.
20. Le bureau d’assistance judiciaire de la Cour de cassation, par une décision du 21 août 2007, rejeta la demande d’assistance judiciaire du requérant. En effet, l’avocat à la Cour de cassation désigné par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de cassation avait émis un avis négatif quant aux chances de succès d’un éventuel pourvoi en cassation, notamment au motif que le tribunal avait légalement déduit des éléments de fait relevés par lui que la force majeure ayant empêché le requérant de prendre connaissance de la notification avait cessé d’exister à la date du 12 juillet 2005 et qu’en vertu de la suspension des délais pendant les vacances judiciaires, le délai d’opposition avait pris fin le 15 septembre 2005. L’avocat à la Cour de cassation observa aussi que le jugement du tribunal de première instance se référait à tort à l’autorité de chose jugée qui s’attachait à l’ordonnance du 10 février 2004 pour fonder la règle selon laquelle la révision d’une part contributive fixée par une décision judiciaire suppose la démonstration d’un élément nouveau depuis le prononcé de celle-ci. En effet, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, la possibilité, prévue par la loi, de réviser les décisions judiciaires en matière d’aliments en raison de circonstances nouvelles ou modifiées était fondée sur des dispositions légales spécifiques, tel l’article 209 du code civil, et non sur la relativité de l’autorité de la chose jugée. Cette référence erronée à l’autorité de chose jugée serait cependant, selon l’avocat à la Cour de cassation, sans conséquence dans la mesure où il ne saurait être fait grief au jugement rendu en appel d’avoir méconnu les droits de la défense du requérant en considérant que les conditions prévues par l’article 209 du code civil n’étaient pas réunies.
21. Le requérant eut connaissance le 28 août 2007 de la décision du bureau d’assistance judiciaire. Il n’a pas introduit de pourvoi en cassation.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
22. L’article 203ter du code civil, tel qu’il était en vigueur au moment des faits, prévoyait qu’en matière des obligations qui naissent du mariage ou de la filiation, la procédure et les pouvoirs du juge sont réglés par les articles 1253ter à 1253quinquies du code judiciaire.
23. Les articles pertinents du code judiciaire, tels qu’ils étaient en vigueur au moment des faits, disposaient :
Article 50
« Les délais établis à peine de déchéance ne peuvent être abrégés, ni prorogés, même de l’accord des parties, à moins que cette déchéance n’ait été couverte dans les conditions prévues par la loi.
Néanmoins, si le délai d’appel ou d’opposition prévu aux articles 1048 et 1051 et 1253quater, c) et d) prend cours et expire pendant les vacances judiciaires, il est prorogé jusqu’au quinzième jour de l’année judiciaire nouvelle. »
Article 860
« [...]
Les délais prévus pour former un recours sont prescrits à peine de déchéance.
[...] »
Article 1047
« [...]
L’acte d’opposition contient, à peine de nullité, les moyens de l’opposant.
[...] »
Article 1253 quater
« Lorsque les demandes sont fondées sur les articles 214, 215, 216, 221, 223, 1420, 1421, 1426, 1442, 1463 et 1469 du Code civil :
[...]
b) l’ordonnance est rendue dans les quinze jours du dépôt de la requête ; elle est notifiée aux deux époux par le greffier ;
c) si l’ordonnance est rendue par défaut, le défaillant peut dans le mois de la notification former opposition par requête déposée au greffe du tribunal ;
[...] »
24. Le code civil, tel qu’en vigueur au moment des faits, disposait en ses parties pertinentes ce qui suit :
Article 209
« Lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel que l’un ne puisse plus en donner, ou que l’autre n’en ait plus besoin en tout ou en partie, la décharge ou réduction peut en être demandée. »
Article 221
« Chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés.
A défaut par l’un des époux de satisfaire à cette obligation, l’autre époux peut, sans préjudice des droits des tiers, se faire autoriser par le juge de paix à percevoir à l’exclusion de son conjoint, dans les conditions et les limites que le jugement fixe, les revenus de celui-ci ou ceux des biens qu’il administre en vertu de leur régime matrimonial, ainsi que toutes autres sommes qui lui sont dues par des tiers.
Le jugement est opposable à tous tiers débiteurs actuels ou futurs sur la notification que leur a faite le greffier à la requête du demandeur.
[...] »
25. Si le non-respect du délai pour former opposition entraîne en général la déchéance, la jurisprudence et la doctrine réservent le cas de la force majeure, qui ne peut toutefois résulter que d’un événement indépendant de la volonté de l’intéressé et qui n’est ni prévisible ni évitable (voir notamment Cass., 1er juin 1988, Pas., 1988, I, no 605, et Cass., 30 septembre 2003, no P.02.1415.N-P.03.0312.N).
26. Un délai fixé par la loi ou le moment où, suivant la loi, une formalité doit être accomplie ne sont prorogés par la force majeure que pendant la durée de l’impossibilité d’agir qu’elle crée (Cass., 28 mai 1965, Pas., 1965, I, 1043).
27. La jurisprudence considère aussi que le retard mis par un conseil à exercer une voie de recours ne constitue pas un cas de force majeure pour la partie qu’il représente (voir notamment Cass., 8 novembre 1985, Pas., 1986, I, no 158, et Cass., 15 juin 1995, Pas., 1995, I, no 301).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
28. Le requérant allègue que le rejet, pour tardiveté, de l’opposition qu’il avait formée contre l’ordonnance par défaut du juge de paix du 10 février 2004, l’a privé de son droit d’accès à un tribunal en violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue [...] par un tribunal [...] qui décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [...]. »
A. Sur la recevabilité
29. La Cour constate que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. La Cour la déclare dès lors recevable.
B. Sur le bien-fondé
30. Le requérant soutient que le tribunal de première instance a commis une confusion entre la date à laquelle le requérant a reçu le relevé de sa fiche des allocations de chômage, dans lequel il est fait mention d’une « retenue », d’une part, et la date où le requérant était censé prendre connaissance de la signification de ladite ordonnance, d’autre part, cette dernière date faisant courir le délai d’opposition. La simple mention « retenue » ne lui a pas permis de se douter de la signification d’une quelconque ordonnance, et ni l’Office national de l’emploi, ni aucune autre partie n’a fourni au requérant copie de cette ordonnance. C’est d’ailleurs cette circonstance qui l’a amené à contacter le bureau d’aide juridique afin de se voir désigner un avocat. Or, cet avocat n’a reçu copie de l’ordonnance litigieuse qu’en date du 29 août 2005, de sorte que le délai d’opposition d’un mois n’a pris cours que le 29 août 2005 et non le 12 juillet 2005, tel que retenu par le tribunal de première instance. L’opposition du 28 septembre 2005 a dès lors été formée dans les délais.
31. Le Gouvernement fait valoir que le délai d’opposition d’un mois prévu par le droit belge est raisonnable et conforme au but légitime de la sécurité juridique. Certes ce délai est prévu à peine de déchéance, mais il peut aussi être prorogé en cas de force majeure, comme ce fut le cas en l’espèce en raison de l’incarcération du requérant au Maroc, ce précisément dans le but d’assurer un rapport de proportionnalité entre l’objectif poursuivi et les moyens utilisés et d’éviter que le droit du justiciable à un tribunal ne soit, dans certaines circonstances, limité de manière telle qu’il s’en trouve atteint dans sa substance. Selon le Gouvernement, la retenue effectuée par l’Office national de l’emploi en date du 12 juillet 2005, et la mention y afférente sur le décompte des prestations de chômage, auraient dû mettre le requérant au courant de l’existence d’une condamnation, de sorte que le délai d’opposition a commencé à courir à cette date. Le Gouvernement admet que le requérant ne pouvait se douter immédiatement que la mention « retenue », inscrite sans autre précision sur son décompte de prestations de chômage, impliquait la signification d’une ordonnance. Toutefois il faut tenir compte du fait que le requérant a un niveau d’études universitaires et s’est adressé à un avocat alors qu’il y avait lieu de contacter les services de l’Office national de l’emploi pour connaître les motifs de la retenue opérée. À cela s’ajoute que le délai d’opposition fut encore prorogé jusqu’au 15 septembre 2005 en raison des vacances judiciaires. Dans ces circonstances, il faut considérer que le requérant a eu un délai raisonnable, après la prise de connaissance de l’ordonnance par défaut, pour introduire son opposition, et que d’éventuelles carences des avocats du requérant ne sauraient être imputées à l’État défendeur. Le Gouvernement conclut dès lors à l’absence de toute violation de l’article 6 de la Convention.
32. La Cour rappelle que le « droit à un tribunal » garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu : il se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État. Les États contractants jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient en revanche à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention ; elle se doit de vérifier que les limitations mises en œuvre ne restreignent pas l’accès offert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, pareille limitation au droit d’accès à un tribunal ne se concilie avec l’article 6 § 1 que si elle tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Cudak c. Lituanie [GC], no 15869/02, § 55, CEDH 2010, Sabeh El Leil c. France [GC], no 34869/05, § 47, 29 juin 2011, et Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 230, CEDH 2012).
33. La Cour rappelle aussi qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne. Son rôle à elle se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Cela est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles procédurales telles que celles fixant les délais à respecter pour le dépôt des documents ou l’introduction des recours (Miragall Escolano et autres c. Espagne, nos 38366/97, 38688/97, 40777/98, 40843/98, 41015/98, 41400/98, 41446/98, 41484/98, 41487/98 et 41509/98, § 33, CEDH 2000-I, et Běleš et autres c. République tchèque, no 47273/99, § 60, CEDH 2002-IX). La réglementation relative aux formalités et délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, de la sécurité juridique. Les intéressés doivent normalement s’attendre à ce que ces règles soient appliquées (Běleš et autres, précité, § 60, et Erfar-Avef c. Grèce, no 31150/09, § 41, 27 mars 2014). Toutefois, la réglementation en question, ou l’application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible (Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, 28 octobre 1998, § 45, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, et Miragall Escolano et autres, précité, § 36).
34. Le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente (RTBF c. Belgique, no 50084/06, § 69, CEDH 2011 (extraits)). Le droit d’accès peut également se trouver atteint par l’existence de conditions de recevabilité de recours qui ne présentent pas une cohérence et une clarté suffisantes (De Geouffre de la Pradelle c. France, 16 décembre 1992, § 35, série A no 253-B, et Santos Pinto c. Portugal, no 39005/04, § 44, 20 mai 2008).
35. En l’espèce, la Cour relève qu’il n’est pas contesté devant elle que les dispositions relatives aux formalités et aux délais à observer pour former opposition contre une décision rendue par défaut visent à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. La tâche de la Cour consiste dès lors à examiner si le motif du rejet de l’opposition formée par le requérant a privé ce dernier de son droit d’accès à un tribunal. À cette fin, la Cour doit examiner s’il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre la limitation ainsi imposée et les exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice.
36. La Cour note que le requérant a été incarcéré le 29 novembre 2003 au Maroc, que cette circonstance fut qualifiée de force majeure, et donc d’impossibilité d’agir, dans le cadre de l’imputation du délai d’opposition, et qu’il n’est pas démontré que le requérant ait à un quelconque moment eu la possibilité d’avoir connaissance du contenu de l’ordonnance qui lui fut notifiée en date du 12 février 2004 et signifiée le 5 avril 2004.
37. La Cour relève en outre que le requérant, dès le moment où il a eu connaissance de l’existence d’une condamnation servant de titre aux retenues opérées, s’est adressé au bureau d’aide juridique afin d’obtenir la désignation d’un avocat l’assistant dans la défense de ses intérêts. Après que cet avocat, désigné le 14 juillet 2005, a été remplacé par un second avocat, le 17 août 2005, ce dernier s’est adressé au greffe de la justice de paix pour obtenir copie de la notification de l’ordonnance par défaut.
38. Dans ces circonstances, la Cour estime que le requérant a agi avec une diligence suffisante et qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir demandé à l’Office national de l’emploi de lui fournir une copie de l’ordonnance par défaut en cause.
39. La Cour observe que la loi belge, en sanctionnant de nullité l’acte d’opposition qui ne contient pas les moyens de l’opposant, présuppose que l’individu condamné par défaut ait effectivement pris connaissance du contenu de cette condamnation par défaut pour pouvoir l’attaquer utilement par la voie d’opposition.
40. En l’espèce, ce n’est que le 29 août 2005 que l’avocat du requérant, nouvellement désigné, eut copie de la notification du 12 février 2004. Il ne résulte pas du dossier que le requérant ait reçu avant le 29 août 2005 une copie de l’ordonnance même du 10 février 2004.
41. La Cour note que le juge de paix statuant sur l’opposition du requérant a, dans son jugement du 1er février 2006, fixé le point de départ du délai d’opposition au 5 août 2005, date de la seconde retenue opérée sur les allocations de chômage du requérant, alors que le tribunal de première instance de Liège, statuant dans son jugement du 19 avril 2007 sur l’appel interjeté par le requérant contre ledit jugement du 1er février 2006, fixa le dies a quo de ce même délai d’opposition au 12 juillet 2005, date à laquelle fut opérée la première retenue sur les allocations de chômage du requérant.
42. Il résulte de la divergence entre les décisions des juridictions de première instance et d’appel au sujet du point de départ du délai d’opposition que cette question était sujette à des appréciations diverses. Le résultat en est que le requérant, après avoir reçu un jugement de première instance qui faisait courir le délai jusqu’au 5 septembre 2005, a appris par le jugement d’appel que le délai avait couru jusqu’au 15 septembre 2005, toutefois toujours pas assez longtemps pour que son opposition, formée le 28 septembre 2005, soit déclarée recevable.
43. Quant à la date retenue par la juridiction d’appel comme point de départ du délai, à savoir celle où la première retenue avait été effectuée sur les allocations de chômage, la Cour note que cette date était mentionnée sur le décompte des prestations de chômage. Le Gouvernement ne conteste pas que le décompte ne faisait pas apparaître la cause de la retenue, à savoir l’existence d’un jugement autorisant une délégation de sommes. Par ailleurs, pour obtenir une copie de l’ordonnance, le requérant a dû entreprendre encore d’autres démarches.
44. Il s’ensuit que la fixation du point de départ du délai d’opposition a été entourée en l’espèce d’un double manque de clarté. D’une part, la détermination de l’événement à prendre en compte pour faire courir le délai dépendait d’une évaluation qui pouvait donner lieu à des conclusions différentes, et qui a effectivement donné lieu à des conclusions divergentes de la part des juridictions qui se sont occupées de l’affaire. D’autre part, la date finalement retenue était une date à laquelle le requérant ne devait pas nécessairement savoir qu’il existait un jugement qui lui était défavorable et contre lequel il pouvait former une opposition. La Cour estime que, dans ces conditions, l’application des règles relatives au délai pour faire opposition n’a pas permis au requérant de se rendre compte en temps utile de ce que le délai commençait à courir à partir du 12 juillet 2005 et qu’il allait expirer le 15 septembre 2005.
45. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’en déclarant irrecevable l’opposition introduite le 28 septembre 2005, les juridictions nationales n’ont pas respecté le rapport raisonnable de proportionnalité entre le but visé et les moyens utilisés. Eu égard aux circonstances particulières de l’affaire, le requérant n’a donc pas bénéficié d’un droit d’accès concret et effectif au tribunal devant lequel il pouvait former une opposition.
46. Par conséquent, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
47. Le requérant se plaint encore d’une violation de l’égalité des armes et des droits de la défense dans la mesure où le tribunal de première instance de Liège a soulevé d’office l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du 10 février 2004 (voir ci-dessus, paragraphe 17). Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention.
48. La Cour constate que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire devant les juridictions de première instance et d’appel. De même, il a pu présenter aux tribunaux les arguments qu’il jugeait pertinents pour la défense de sa cause et qui ont été effectivement examinés par les juges. Pour autant que le requérant se plaint que le tribunal de première instance de Liège a soulevé d’office l’autorité de la chose jugée, la Cour estime qu’il s’agit là en réalité d’une question d’interprétation et d’application du droit interne, qui, en l’absence d’arbitraire dans le cas d’espèce, échappe à sa compétence. La Cour constate également que la décision critiquée a été motivée par des considérations tant de fait que de droit. Dès lors, le requérant n’est pas fondé à soutenir que sa cause n’a pas été entendue de manière équitable par le tribunal de première instance de Liège. Quand bien même ce serait à tort que l’autorité de la chose jugée a été soulevée, cela n’affecterait pas, comme l’a reconnu l’avocat à la Cour de cassation (voir paragraphe 20, ci-dessus), l’équité de la procédure.
49. La Cour ne relève dès lors aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Le grief est donc manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
50. Le requérant soulève encore des violations des articles 2, 5, 7, 8 et 13 de la Convention.
51. La Cour observe qu’il ne ressort pas de l’examen du dossier que le requérant aurait soulevé ces griefs, même en substance, devant les juridictions nationales. Les voies de recours internes n’ont donc pas été épuisées au sens de l’article 35 § 1 de la Convention
52. Il s’ensuit que les griefs précités doivent être rejetés conformément à l’article 35 § 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
53. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
54. Le requérant réclame 17 285 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 50 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subis.
55. Le Gouvernement estime que la demande en indemnisation du dommage matériel est « irrecevable » au motif que l’on ne pourrait supputer ce qu’aurait été l’issue du litige dans l’hypothèse où l’opposition n’aurait pas été déclarée irrecevable pour tardiveté. Il conteste également le dommage moral.
56. La Cour rappelle qu’elle n’octroie un dédommagement pécuniaire au titre de l’article 41 que lorsqu’elle est convaincue que la perte ou le préjudice dénoncé résulte réellement de la violation qu’elle a constatée (voir, parmi d’autres, Kingsley c. Royaume-Uni [GC], no 35605/97, § 40, CEDH 2002-IV). En l’espèce, la Cour ne saurait spéculer sur l’issue qu’aurait connue la procédure au cas où l’opposition du requérant n’aurait pas été déclarée irrecevable pour tardiveté. La Cour n’aperçoit donc pas de lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice matériel dénoncé et rejette cette demande. Étant cependant convaincue que le requérant a subi un préjudice moral certain en raison du défaut de voir analysée son opposition, la Cour, statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, lui octroie la somme de 5 000 EUR.
B. Frais et dépens
57. Le requérant demande également 2 500 EUR pour les frais et dépens « encourus à la suite de toutes les procédures judiciaires et démarches administratives ».
58. Le Gouvernement fait remarquer que le requérant ne fournit pas de détail des frais et dépens en relation avec la violation de la Convention.
59. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II). En l’espèce, la Cour relève que le requérant n’a fourni aucun élément de nature à démontrer qu’il a réellement encouru ces frais (notes de frais et honoraires ou autres justificatifs). Partant, la Cour rejette la demande de remboursement des frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
60. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable en ce qui concerne le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention quant au droit à un tribunal et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit, par cinq voix contre deux,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 décembre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley Naismith
Işıl Karakaş
Greffier Présidente
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Kjølbro et Mourou-Vikström.
A.I.K.
S.H.N.
JOINT DISSENTING OPINION OF JUDGES KJØLBRO
AND MOUROU-VIKSTRÖM
1. In the view of the majority of the Court, the domestic courts’ dismissal of the applicant’s appeal against the default order of 10 February 2004 as being out of time unduly restricted the applicant’s right of access to a court in violation of Article 6 § 1 of the Convention. For the reasons explained below, we respectfully disagree. Therefore, we voted for finding no violation of Article 6 § 1 of the Convention.
2. Neither the statutory thirty-day time-limit for lodging an appeal, calculated from the date of notification of the order, nor the domestic case-law on suspension of the time-limit in cases of force majeure for as long as the hindrance exists (see paragraphs 22-27 of the judgment) in themselves raise an issue under Article 6 § 1 of the Convention. Therefore, the question is whether, in practice, the domestic courts’ application of the domestic legislation unduly restricted the applicant’s right of access to a court to such an extent that it affected the very essence of the right of access to a court.
3. Time-limits for challenging decisions before the domestic courts do not as such raise an issue under Article 6 § 1 of the Convention. However, the domestic courts’ interpretation and application of such rules may, in the specific circumstances of a case, amount to a violation of the right of access to a court. That may, for example, be the case when the domestic courts’ interpretation and application of the domestic rules amount to excessive formalism (see, for example, Société Anonyme Sotiris and Nikos Koutras Attee v. Greece, no. 39442/98, §§ 19-23, ECHR 2000-XII; Bulena v. the Czech Republic, no. 57567/00, §§ 28-35, 20 April 2004; Kadlec and Others v. the Czech Republic, no. 49478/99, §§ 27-30, 25 May 2004; Saez Maeso v. Spain, no. 77837/01, §§ 25-31, 9 November 2004; Zedník v. the Czech Republic, no. 74328/01, §§ 30-34, 28 June 2005; Liakopoulou v. Greece, no. 20627/04, §§ 20-25, 24 May 2006; Efstathiou and Others v. Greece, no. 36998/02, §§ 28-35, 27 July 2006; Perlala v. Greece, no. 17721/04, §§ 27-31, 22 February 2007; and Reklos and Davourlis v. Greece, no. 1234/05, §§ 23-28, 15 January 2009), when the time-limit does not give the applicant a real possibility of challenging the contested decision (see, for example, Labergere v. France, no. 16846/02, §§ 18-25, 26 September 2006, and Mercieca and Others v. Malta, no. 21974/07, §§ 48-51, 14 June 2011), or when the time-limit starts to run at a point in time when the applicant has no real possibility of knowing and challenging the decision (see, for example, Tsironis v. Greece, no. 44584/98, §§ 27-31, 6 December 2001; Gruais and Bousquet v. France, no. 67881/01, §§ 28-30, 10 January 2006; Díaz Ochoa v. Spain, no. 423/03, §§ 46-51, 22 June 2006; Davran v. Turkey, no. 18342/03, §§ 40-47, 3 November 2009; and Viard v. France, no. 71658/10, §§ 31-39, 9 January 2014).
4. The applicant had, in accordance with domestic legislation, been notified of the default order of 10 February 2004 by means of an ordinary letter sent to his home address on 12 February 2004 (see paragraph 7 of the judgment). Furthermore, at the request of the applicant’s former spouse, service was effected on 5 April 2004 and a copy of the affidavit of service was left at his home (see paragraph 7 of the judgment). The fact that the applicant was serving a prison sentence abroad was, in the assessment of the domestic courts, a situation of force majeure which suspended the running of the time-limit for lodging an appeal against the default order (see paragraph 18 of the judgment). The applicant was released from prison on 29 May 2004 and returned to Belgium (see paragraph 8 of the judgment). As a consequence of the default order requiring him to pay for his child’s maintenance, the applicant’s unemployment benefit was cut for the first time on 12 July 2005, when it was withheld in full (see paragraph 10 of the judgment). The domestic courts, on the basis of an assessment of the specific circumstances of the case, reached the conclusion that “the time-limit for lodging an appeal had started to run on the date on which the situation of force majeure ceased to exist” and that this had happened on 12 July 2005, when the applicant “had been informed, by means of the word ‘withheld’ written on his unemployment benefit slip, of the cuts made by the unemployment benefits agency” (see paragraph 18 of the judgment). In the specific circumstances of the applicant’s case and owing to court vacations, this meant that the time-limit expired on 15 September 2005. In the view of the domestic courts, it was immaterial that the applicant’s lawyer had received a copy of the notification letter of 12 February 2004 on 29 August 2005.
5. The domestic courts’ assessment, according to which the applicant became aware of the order on 12 July 2005 (see paragraph 18 of the judgment), is clearly supported by the information given by the applicant to the Court. Thus, according to the applicant, once he became aware that the order had been served, and of the fact, as he saw it, that he had been the victim of a miscarriage of justice, he requested legal aid in order to have a lawyer appointed (see paragraph 11 of the judgment), and a lawyer was appointed on 14 July 2005 (see paragraph 12 of the judgment). In other words, on the basis of the information provided by the applicant, it can be concluded that he was fully aware prior to 14 July 2005 of the existence of the default order as well as the fact that it had been served. In this context, we cannot but observe the inaccuracy of the information provided by the applicant according to which he was informed about the service of the order “two months after his release” from prison, which was on 29 May 2005 (see paragraph 11 of the judgment), since this must inevitably have taken place prior to 14 July 2005.
6. As already mentioned, the time-limit as calculated by the appeal court expired on 15 September 2005, leaving the applicant with more than two months in which to lodge an appeal against the order. However, he failed to do this, as the appeal was not lodged until 28 September 2005 (see paragraph 13 of the judgment).
7. The applicant did not provide the Court with any detailed and reliable information as to when he became aware of the content of the order, nor did he explain the reason for the omission of this relevant fact. The applicant may very well have become aware of the content of the order prior to seeking legal assistance; in any event, being fully aware at least of the existence of the order and the fact that it had been served, he could have been expected to exhibit due diligence.
8. Therefore, in our view, the time-limit for lodging an appeal against the order did not start to run before the applicant had a real chance of becoming aware of the order. Furthermore, the applicant did also, in practice, have sufficient time to challenge the order.
9. In order to find a violation of Article 6 § 1 of the Convention, the majority relies firstly on “the difference in opinion between the first-instance court and the appeal court as to the starting-point of the time-limit for appeal” (see paragraph 43 of the judgment) and on the assertion that “there was a ... lack of clarity in the present case regarding the starting-point of the time-limit for appeal” (see paragraph 44 of the judgment).
10. In our view, the argument invoked is insufficient basis for finding a violation of Article 6 § 1 of the Convention. The relevant criterion according to the domestic legislation was clear: the running of the time-limit was suspended as long as the situation of force majeure existed (see paragraphs 25-26 of the judgment). Therefore, the point at which the applicant “had learnt of the existence of the judgment” was decisive for the domestic courts’ assessment (see paragraph 18 of the judgment). It goes without saying that whenever it has to be decided on the basis of the facts of a specific case at what point a party to proceedings had knowledge of a certain fact - in this case, the existence of an order - the domestic courts may assess the evidence differently and reach a different conclusion. In the applicant’s case, the first-instance court took a more cautious approach (see paragraph 14 of the judgment). This does not, however, imply that the domestic legislation lacked clarity.
11. Secondly, the majority relies on the fact that the time-limit started to run at a point in time when the applicant “would not necessarily have known that a judgment to his detriment existed against which he could appeal” (see paragraph 44 of the judgment).
12. In our view, this argument is based on speculation. As already mentioned, the applicant was fully aware at least of the existence of the default order and of the fact that it had been served. Furthermore, the applicant did not provide specific information as to when he became aware of the content of the order, nor did he explain the reason for the omission of this relevant fact. It may very well have been before 12 July 2005, when the time-limit started to run according to the domestic courts. Admittedly, it may also have been at a later date, but as the applicant was fully aware on 12 July 2005 of at least the existence of the order and the fact that it had been served, as assessed by the domestic courts and confirmed by the applicant before this Court, his failure to exhibit due diligence cannot, in our view, have a bearing on the Court’s assessment of the case.
13. Therefore, we voted for finding no violation.
14. One final remark. On the basis of the reasoning in the Court’s judgment, the Belgian authorities will know what they should not have done, but the judgment gives little or no guidance as to what the domestic courts should have done, or what domestic courts have to do in future cases to avoid violating Article 6 § 1 of the Convention, as interpreted by the Court in this judgment.