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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ALOUACHE v. FRANCE - 28724/11 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fifth Section)) French Text [2015] ECHR 854 (06 October 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2015/854.html Cite as: [2015] ECHR 854 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE ALOUACHE c. FRANCE
(Requête no 28724/11)
ARRÊT
STRASBOURG
6 octobre 2015
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Alouache c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall,
président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 septembre 2015,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 28724/11) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet État, M. Rhalid Alouache (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 avril 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me T. Bidnic, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. Le requérant allègue en particulier que son maintien en détention malgré le dépassement des délais dont la chambre de l’instruction et son président disposaient pour statuer respectivement sur son appel et son référé-liberté a porté atteinte à son droit à la liberté garanti par l’article 5 de la Convention.
4. Le 1er octobre 2013, le grief tiré de l’article 5 de la Convention a été communiqué au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1980 ; il est détenu à Luynes.
6. Le 7 février 2007, une information judiciaire fut ouverte au tribunal de grande instance de Marseille, des chefs d’importation, acquisition, détention, transport, et offre ou cession de stupéfiants (en l’espèce du cannabis et de la cocaïne), ainsi que d’association de malfaiteurs. Les investigations conduisirent à la mise en cause du requérant.
7. Le 18 juin 2009, ce dernier fut interpellé à Casablanca par la police marocaine. Le 19 juin 2009, le juge d’instruction saisi du dossier décerna mandat d’arrêt contre lui. La procédure d’extradition qui s’ensuivit conduisit à sa remise aux autorités françaises, le 29 juin 2010.
8. Le 1er juillet 2010, le requérant fut mis en examen et placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Luynes.
A. L’appel du requérant contre l’ordonnance de placement en détention provisoire
9. Le 2 juillet 2010, le requérant reçut la visite d’un de ses deux avocats, Me T. Bidnic, qui indiqua au surveillant chargé des parloirs que son client souhaitait interjeter appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire. Le fonctionnaire suggéra au requérant de confier à son conseil une lettre d’intention à remettre au greffe de la maison d’arrêt et lui précisa qu’il pourrait ensuite lui-même s’y rendre pour formaliser son appel. Cette lettre fut rédigée immédiatement par le requérant et remise au greffe par son avocat le jour même.
10. Le 9 juillet 2010, lors d’une nouvelle rencontre, le requérant remit à Me T. Bidnic son exemplaire de la déclaration d’appel datée du 2 juillet 2010. Le document ne comportait aucune mention à la rubrique relative à la demande éventuelle de comparution personnelle, tandis qu’une croix était apposée dans la case réservée à la « demande d’examen immédiat de l’appel » par le président de la chambre de l’instruction (« référé-liberté », voir paragraphes 25 et suivants ci-dessous). Le requérant affirme qu’il a confirmé oralement à son avocat avoir exercé un référé-liberté et n’avoir pas sollicité sa comparution devant la juridiction. Il lui apprit également que l’audience était fixée au 13 juillet 2010.
11. Le 12 juillet 2010, Me T. Bidnic consulta le dossier au greffe de la chambre de l’instruction et constata que la transcription de la déclaration d’appel ne faisait pas mention du référé-liberté exercé par le requérant, tandis qu’y figurait une demande de comparution personnelle. Il releva également que la télécopie provenant du greffe de la maison d’arrêt n’était pas conforme à l’exemplaire du requérant : la case relative au référé-liberté y était entièrement masquée, tandis que les mentions « je demande à comparaître personnellement devant la chambre de l’instruction » et « je ne joins pas une lettre précisant les motifs de ma demande » étaient cochées. Devant ces constatations, à l’audience du 13 juillet 2010, l’avocat demanda le renvoi de l’affaire et la production de l’original de la déclaration d’appel. L’audience fut renvoyée au 16 juillet 2010.
12. Sur l’original fourni par le greffe de la maison d’arrêt, il apparut que la case réservée au référé-liberté était recouverte d’un fluide correcteur blanc laissant entrevoir par transparence la croix qui y avait été inscrite. De plus, les marques apposées dans les cases relatives à la comparution personnelle et à l’absence de lettre jointe avaient été tracées avec une couleur différente de celle utilisée pour les autres mentions.
13. Le 12 juillet 2010, le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence demanda au directeur de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes un rapport circonstancié sur les conditions dans lesquelles l’acte d’appel avait été « rédigé et éventuellement rectifié ».
14. Au cours de l’enquête interne diligentée à la suite de cette demande, l’adjoint au chef de greffe de la maison d’arrêt ayant reçu la déclaration d’appel du requérant indiqua ne plus se souvenir si l’intéressé avait coché la case relative au référé-liberté, ni la raison pour laquelle celle-ci avait été recouverte de blanc. Le surveillant du greffe ayant pris sa suite, précisa avoir coché lui-même les cases laissant apparaître une encre de couleur différente de celle utilisée sur le reste du document, et ce « dans l’intérêt du détenu, lorsque celui-ci ne précise pas son choix », selon une pratique que la direction de la maison d’arrêt indiqua être « usuelle ». Il ajouta avoir également procédé à l’envoi de la déclaration d’appel par télécopie à la juridiction compétente, ne pouvant par contre se souvenir si la mention relative au référé-liberté avait été « cochée ou blanchie ». La direction de la maison d’arrêt précisa que le formulaire d’appel, au vu de sa technicité requérant une vulgarisation et des explications, était rempli par un agent du greffe à la suite des déclarations du détenu interjetant appel. Elle estima qu’il était possible que l’un des deux agents ait procédé à la correction de la partie relative au référé liberté par un geste réflexe, pensant qu’il s’agissait d’une erreur matérielle d’inscription, dans la mesure où aucun élément de la procédure (ni le courrier du détenu ni les propos de ce dernier ou de son conseil) ne faisait référence à ce recours.
15. Le 15 juillet 2010, le requérant déposa un mémoire demandant notamment à la chambre de l’instruction de le libérer d’office, compte tenu du dépassement du délai de trois jours prévu pour statuer sur le référé-liberté, comme de celui de dix jours établi pour statuer sur l’appel lorsque le détenu ne demande pas à comparaître personnellement. Par télécopie du même jour, il présenta également cette demande au parquet général.
16. Le 16 juillet 2010, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirma l’ordonnance de placement en détention provisoire, après avoir entendu les explications du requérant qui comparaissait personnellement assisté de Me T. Bidnic. S’agissant des irrégularités de procédure soulevées par la défense, elle considéra avoir été saisie sur la base de la retranscription par le greffier de l’instruction de l’acte d’appel. Si elle releva une discordance entre l’exemplaire de l’acte dressé par le greffe pénitentiaire et celui remis au requérant, conduisant à s’interroger tant « sur le professionnalisme et l’amnésie des fonctionnaires étant intervenus » que sur « la réalité de la volonté » qui avait animé le mis en examen, elle estima néanmoins qu’en l’état de la procédure et des débats, elle ne pouvait acquérir la conviction d’une volonté contraire à l’acte versé au dossier. Elle observa à cet égard que la demande de référé-liberté n’avait été évoquée ni dans la lettre manuscrite remise par le requérant au greffe de la maison d’arrêt, ni verbalement par l’intéressé ou son avocat au cours de leur présence successive dans les locaux de ce greffe. Elle releva également qu’il ne paraissait pas établi que le requérant ait demandé à ne pas comparaître et que le fait qu’un fonctionnaire pénitentiaire ait cru devoir, par mesure de faveur, porter une croix sur la case correspondant à la demande de comparution personnelle ne pouvait s’expliquer que par l’absence de demande expresse de l’intéressé de ce chef. Elle en conclut que le délai pour statuer sur l’appel ne pouvait être calculé qu’en fonction de la déclaration d’appel dans l’état où elle avait été transmise par le greffe de la maison d’arrêt à celui de la juridiction d’instruction et de sa transcription par ce dernier. De même, elle estima que l’absence de décision du président de la chambre de l’instruction dans les trois jours suivant l’exercice du référé-liberté n’était susceptible d’être sanctionnée par une mise en liberté d’office qu’à la condition que sa saisine soit acquise, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. S’agissant de la justification du placement en détention, la chambre de l’instruction observa que des présomptions pesaient sur le requérant d’avoir occupé une place éminente en tant que fournisseur de grandes quantités de stupéfiants, alors qu’il se trouvait en état de récidive légale. Elle releva que celui-ci avait refusé de faire des déclarations devant le juge d’instruction et qu’il n’avait été arrêté qu’à la suite de la délivrance d’un mandat d’arrêt. Elle considéra donc que sa détention s’imposait afin d’empêcher une concertation frauduleuse avec ses co-auteurs ou complices, de préserver la poursuite de l’information de tous risques de pression sur la victime ou les témoins, dans la mesure où de nombreuses rétractations avaient été observées de la part de ceux qui déposaient à charge, de prévenir le renouvellement de l’infraction, de garantir sa représentation en justice et de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par les faits, la circonstance de leur commission ou l’importance du préjudice.
17. Le 19 juillet 2010, le requérant se pourvut en cassation.
18. Le 13 octobre 2010, la Cour de cassation rejeta le pourvoi, considérant que la chambre de l’instruction avait à bon droit rejeté l’argumentation présentée par le requérant, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction.
19. Le 8 avril 2011, le requérant saisit la Cour de cassation d’une requête en rabat de l’arrêt du 13 octobre 2010, fondée sur le fait que l’avocat général n’avait pas reçu communication de ses observations complémentaires, déposées au greffe le 8 octobre 2010. Le 8 juin 2011, la Cour de cassation rejeta cette requête.
B. La plainte avec constitution de partie civile déposée par le requérant et les développements ultérieurs
20. Le 26 novembre 2010, le requérant déposa une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence des chefs de faux et usage de faux en écriture publique, commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions et de complicité de ces infractions.
21. Le 8 février 2011, le juge d’instruction chargé du dossier rendit une ordonnance de refus d’informer, fondée sur l’impossibilité d’exercer l’action publique en l’absence d’une décision définitive constatant le caractère illégal de l’acte d’appel argué de faux, conformément à l’article 6-1 du code de procédure pénale.
22. Le même jour, le requérant saisit la Cour de cassation d’une requête en suspicion légitime en vue d’obtenir le dessaisissement de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, saisie par lui d’une requête aux fins d’annulation de la procédure menée du chef d’importation de stupéfiants en bande organisée.
23. Le 16 mars 2011, la Cour de cassation rejeta la requête en suspicion légitime.
24. Le 7 juillet 2011, le tribunal correctionnel de Marseille relaxa le requérant des chefs d’importation, acquisition, transport, détention, et offre ou cession de cannabis. Il le déclara coupable des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement, d’importation, acquisition, transport, détention, et offre ou cession de cocaïne, commis en état de récidive légale, ainsi que d’obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation. Le requérant fut condamné à neuf ans d’emprisonnement, ainsi qu’à une amende délictuelle de 30 000 euros. Il fut en outre maintenu en détention.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Le code de procédure pénale
25. Le code de procédure pénale prévoit que lorsqu’une personne placée en détention provisoire fait appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire du juge des libertés et de la détention (JLD), la chambre de l’instruction doit statuer dans un délai de dix jours si la personne ne demande pas à comparaître devant elle et quinze jours dans le cas contraire. À défaut, l’intéressé doit être libéré d’office. Celui-ci dispose en outre de la possibilité de demander, au moment où il interjette appel, l’examen immédiat de son appel par le président de la chambre de l’instruction. Ce dernier doit alors statuer dans les trois jours. À défaut, l’intéressé doit être libéré d’office (voir, notamment, chambre de l’instruction de Versailles, 26 juin 2007).
26. Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, applicables à l’époque des faits, sont les suivantes :
Article 6-1
« Lorsqu’un crime ou un délit prétendument commis à l’occasion d’une poursuite judiciaire impliquerait la violation d’une disposition de procédure pénale, l’action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l’acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie. (...) »
Article 186
« Le droit d’appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181.
(...)
L’appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l’article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
Le dossier de l’information ou sa copie établie conformément à l’article 81 est transmis, avec l’avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu’il est dit aux articles 194 et suivants.
(...) »
Article 187-1
« En cas d’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l’appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l’instruction ou, en cas d’empêchement, au magistrat qui le remplace, d’examiner immédiatement son appel sans attendre l’audience de la chambre de l’instruction. Cette demande doit, à peine d’irrecevabilité, être formée en même temps que l’appel devant la chambre de l’instruction. La personne mise en examen, son avocat ou le procureur de la République peut joindre toutes observations écrites à l’appui de la demande. À sa demande, l’avocat de la personne mise en examen présente oralement des observations devant le président de la chambre de l’instruction ou le magistrat qui le remplace, lors d’une audience de cabinet dont est avisé le ministère public pour qu’il y prenne, le cas échéant, ses réquisitions, l’avocat ayant la parole en dernier.
Le président de la chambre de l’instruction ou le magistrat qui le remplace statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande, au vu des éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance non motivée qui n’est pas susceptible de recours.
Le président de la chambre de l’instruction ou le magistrat qui le remplace peut, s’il estime que les conditions prévues par l’article 144 ne sont pas remplies, infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et ordonner la remise en liberté de la personne. La chambre de l’instruction est alors dessaisie.
Dans le cas contraire, il doit renvoyer l’examen de l’appel à la chambre de l’instruction. (...) »
Article 194
« Le procureur général met l’affaire en état dans les quarante-huit heures de la réception des pièces en matière de détention provisoire et dans les dix jours en toute autre matière ; il la soumet, avec son réquisitoire, à la chambre de l’instruction.
(...)
En matière de détention provisoire, la chambre de l’instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l’appel lorsqu’il s’agit d’une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d’office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu au présent article. »
Article 199
« (...) En matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée est de droit si celle-ci ou son avocat en fait la demande ; cette requête doit, à peine d’irrecevabilité, être présentée en même temps que la déclaration d’appel ou que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l’instruction. Si la personne a déjà comparu devant la chambre de l’instruction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d’appel d’une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution personnelle de l’intéressé par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours.
En cas de comparution personnelle de la personne concernée, le délai maximum prévu au troisième alinéa de l’article 194 est prolongé de cinq jours. »
Article 502
« La déclaration d’appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. (...) »
Article 503
« Lorsque l’appelant est détenu, l’appel peut être fait au moyen d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire.
Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de l’établissement pénitentiaire. Elle est également signée par l’appelant ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l’établissement.
Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le registre prévu par le troisième alinéa de l’article 502 annexé à l’acte dressé par le greffier. »
B. Le code de l’organisation judiciaire
27. Les dispositions pertinentes du code de l’organisation judiciaire sont les suivantes :
Article L. 141-1
« L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »
C. L’évolution de la jurisprudence
28. Par deux arrêts des 28 novembre 1989 et 8 février 1996, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le délai accordé à la chambre de l’instruction (à l’époque la « chambre d’accusation ») pour statuer en matière de détention provisoire se calculait « à compter, non pas de la date d’établissement de la déclaration d’appel au lieu de détention, mais du lendemain du jour où cette déclaration a été transcrite sur le registre tenu au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION
29. Le requérant estime que la décision de la chambre de l’instruction refusant de le libérer a violé l’article 5 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
(...)
4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
(...). »
A. Sur la recevabilité
30. Le Gouvernement fait valoir que s’agissant du principal argument du requérant, à savoir les irrégularités qu’il reproche au greffe pénitentiaire d’avoir commises dans la déclaration d’appel, il existe en droit interne une voie de recours utile et effective qui n’a pas été utilisée : l’action en responsabilité de l’État pour faute du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice.
31. Le requérant considère que cette dernière ne constitue pas une voie de recours au sens de l’article 35 de la Convention.
32. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. La finalité de cette règle est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser - normalement par la voie des tribunaux - les violations alléguées contre eux avant qu’elles ne soient soumises à la Cour (voir, entre autres, Cardot c. France, 19 mars 1991, § 36, série A no 200). Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention -et avec lequel elle présente d’étroites affinités - que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V).
33. À cet égard, la Cour rappelle qu’en matière de privation de liberté, une voie de recours doit exister avec un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi lui manquent l’accessibilité et l’efficacité requises par l’article 5 § 4. Rien n’impose d’user de recours qui ne sont ni adéquats ni effectifs (Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 53, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, et Vernillo c. France, 20 février 1991, § 27, série A no 198). Par ailleurs, l’article 5 § 4 exige que le tribunal invité à statuer sur la légalité de la détention possède la compétence d’ordonner la libération en cas de détention illégale (Weeks c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mars 1987, série A no 114, § 61). Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’une voie d’indemnisation prévue par le droit interne ne saurait constituer un recours au sens de ce texte, en l’absence de compétence du juge pour ordonner la libération en cas de détention illégale (Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 71, CEDH 2005-IV).
34. La Cour constate qu’en l’espèce, le recours invoqué par le Gouvernement constitue une voie d’indemnisation qui ne permettait pas au requérant d’obtenir à bref délai l’examen de la légalité de sa détention et sa libération en cas de détention illégale. Il ne s’agissait donc pas d’un recours à épuiser au sens de l’article 35 de la Convention, s’agissant du grief tiré de l’article 5.
35. Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Partant, elle le déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
a) Le requérant
36. Dans sa requête, le requérant se plaint, sans articuler son argumentation au regard des différents paragraphes de l’article 5, de la violation de son droit à la liberté du fait de son maintien en détention malgré le dépassement des délais dont la chambre de l’instruction et son président disposaient pour statuer respectivement sur l’appel sans demande de comparution personnelle et sur le référé-liberté qu’il avait, selon lui, exercés contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, ces choix apparaissant sur son exemplaire de l’acte d’appel.
37. Dans ses observations en réponse au Gouvernement, il se contente de renvoyer à la requête, précisant toutefois que le délai de dix jours dont disposait la chambre de l’instruction pour statuer sur son appel a expiré le 12 juillet 2010 à minuit.
b) Le Gouvernement
38. Le Gouvernement considère qu’aucune violation de l’article 5 de la Convention n’est encourue en l’espèce. À cet égard, s’agissant du référé-liberté, il relève que la chambre de l’instruction a observé qu’un doute existait quant à la volonté réelle du requérant et rappelle que seule la transcription de l’appel reçu en maison d’arrêt au greffe de la juridiction compétente est de nature à parfaire celui-ci en lui faisant produire ses effets juridiques. Or, il remarque qu’en l’espèce la transcription ne faisait pas mention d’une demande de référé-liberté. De même, s’agissant du délai d’examen de l’appel, le Gouvernement estime que la pratique consistant à cocher la case relative à la demande de comparution personnelle en l’absence de manifestation d’intention du détenu doit être regardée comme protectrice des droits des intéressés et note qu’en tout état de cause, la chambre de l’instruction s’est réunie initialement le 13 juillet 2010, soit dans le délai de dix jours qui commençait selon lui à courir le lendemain de la transcription de la déclaration d’appel. Il ajoute que c’est à la demande du requérant que l’affaire a été renvoyée au 16 juillet 2010 et que ce dernier est donc mal fondé à se plaindre du dépassement du délai légal. Enfin, il estime que le délai pris par la chambre de l’instruction pour statuer apparaît raisonnable et observe que le requérant a bénéficié d’un accès effectif au juge afin de contester la légalité de sa détention.
2. Appréciation par la Cour
a) Les principes généraux
39. La Cour rappelle d’abord que l’article 5 de la Convention garantit le droit fondamental à la liberté et à la sûreté. Ce droit revêt une très grande importance dans « une société démocratique », au sens de la Convention (De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A no 12, § 65, Winterwerp c. Pays-Bas, arrêt du 24 octobre 1979, série A no 33, § 37, et Assanidzé c. Georgie [GC], no 71503/01, § 169, CEDH 2004-II).
40. Tout individu a droit à la protection de ce droit, c’est-à-dire à ne pas être ou rester privé de liberté (Weeks, précité, § 40), sauf dans le respect des exigences du paragraphe 1 de l’article 5. Les termes « selon les voies légales » qui figurent à l’article 5 § 1 renvoient pour l’essentiel à la législation nationale et consacrent l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure. S’il incombe au premier chef aux autorités nationales, notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne, il en est autrement lorsque l’inobservation de ce dernier est susceptible d’emporter violation de la Convention. Tel est le cas, notamment, des affaires dans lesquelles l’article 5 § 1 de la Convention est en jeu et la Cour doit alors exercer un certain contrôle pour rechercher si le droit interne - dispositions législatives ou jurisprudence - a été respecté (Baranowski c. Pologne, no 28358/95, § 50, CEDH 2000-III).
41. De surcroît, la Cour doit être convaincue que la détention pendant la période considérée est conforme au but de l’article 5 § 1 de la Convention : protéger l’individu de toute privation de liberté arbitraire. En particulier, il est essentiel, en matière de privation de liberté, que le droit interne définisse clairement les conditions de détention et que la loi soit prévisible dans son application, en ce sens qu’elle doit être suffisamment précise pour permettre au citoyen de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé (Erkalo c. Pays-Bas du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, § 52, Baranowski, précité, § 52, Minjat c. Suisse, no 38223/97, § 40, 28 octobre 2003, et Zervudacki c. France, no 73947/01, § 43, 27 juillet 2006).
42. Par ailleurs, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 5 § 4, les personnes arrêtées ou détenues ont droit à avoir accès à un tribunal qui examine le respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « légalité », au sens de l’article 5 § 1, de leur privation de liberté. Cette garantie s’applique quels que soient les motifs de la détention et que celle-ci soit régulière ou non au regard du droit interne et de l’article 5 § 1. Comme l’article 6 § 1, qui consacre également le « droit à un tribunal », l’article 5 § 4 ne saurait être lu comme énonçant un droit absolu qui serait incompatible avec toute restriction procédurale, notamment en matière de délais. Toutefois, l’objectif qui sous-tend l’article 5, la protection de la liberté et de la sûreté de l’individu, ainsi que l’importance des garanties qui s’y attachent, impliquent et exigent que les restrictions d’ordre procédural au droit qu’a une personne privée de liberté de contester la légalité de son maintien en détention devant un tribunal fassent l’objet d’un contrôle particulièrement strict (Zervudacki, précité, §§ 74-75).
43. Le point de savoir si le droit à une décision à bref délai a été respecté doit - comme c’est le cas pour la clause de « délai raisonnable » de l’article 5 § 3 et de l’article 6 § 1 de la Convention - s’apprécier à la lumière des circonstances de l’espèce, notamment la complexité de la procédure, la manière dont elle a été conduite par les autorités nationales et par le requérant et l’enjeu qu’elle représentait pour ce dernier (voir, notamment, Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 106, 9 juillet 2009).
b) L’application des principes susmentionnés au cas d’espèce
44. La Cour constate d’emblée qu’en l’espèce, le requérant ne conteste pas la régularité de son placement en détention. Elle relève de même que si l’intéressé a interjeté appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, il n’a présenté devant les juridictions internes aucun argument relatif aux motifs ou à la régularité formelle de son placement en détention.
45. La Cour observe également que l’intégralité des griefs du requérant porte sur les conditions de l’élaboration et de la transmission de l’acte d’appel et leurs conséquences sur les délais légaux dont la chambre de l’instruction et son président disposaient pour statuer. En effet, le requérant estime, d’une part, avoir exercé un référé-liberté conformément à ce qui figure sur son exemplaire de l’acte d’appel. Le président de la chambre d’instruction n’ayant pas statué sur ce référé-liberté, du fait des discordances existant entre l’acte d’appel transmis par le greffe de la maison d’arrêt et l’exemplaire du requérant, ce dernier considère que sa détention est devenue illégale après l’expiration du délai légal de trois jours prévu pour un tel recours. D’autre part, il fait valoir que n’ayant pas lui-même demandé à comparaître devant la chambre de l’instruction, cette juridiction aurait dû statuer dans un délai de dix jours à compter de son appel, l’absence de décision à l’expiration de ce délai rendant également sa détention illégale.
i. La conformité du maintien en détention du requérant au-delà des délais invoqués au regard de l’article 5 § 1 de la Convention
46. La première question que la Cour doit trancher est celle de savoir si le requérant a été privé de sa liberté « selon les voies légales », à partir de l’expiration du délai de trois jours à compter de son appel, puis du délai de dix jours à compter de la même date, compte tenu des règles applicables en droit interne.
47. À cet égard, la Cour constate que la chambre de l’instruction s’est estimée saisie, en application du droit interne, par la transcription de l’acte d’appel effectuée par le greffe de la juridiction d’instruction sur la base du document transmis par le greffe de la maison d’arrêt. Or, cette dernière faisait apparaître une demande de comparution volontaire et ne portait pas mention de l’exercice d’un quelconque référé-liberté (voir paragraphe 16 ci-dessus).
48. La Cour relève que la chambre de l’instruction a néanmoins constaté les discordances existant entre l’exemplaire de l’acte d’appel dressé par le greffe de la maison d’arrêt et celui remis au requérant, en s’interrogeant en des termes forts sur le « professionnalisme et l’amnésie des fonctionnaires » impliqués. La Cour rappelle qu’une enquête interne avait été spécialement diligentée au sein de l’administration pénitentiaire, à la demande du procureur général, afin de déterminer dans quelles conditions l’acte d’appel avait été « rédigé et éventuellement rectifié » (voir paragraphe 13 ci-dessus). En se basant sur les éléments recueillis au cours de cette enquête, ainsi que sur les éléments extérieurs constants, la chambre de l’instruction s’est alors également interrogée sur la réalité de la volonté ayant animé le requérant lors de son appel.
49. À cet égard, la Cour observe que, s’agissant, d’une part, du référé-liberté invoqué, la chambre de l’instruction a estimé qu’elle ne pouvait acquérir la conviction que le requérant avait exprimé une volonté contraire à l’acte d’appel transmis par le greffier, compte tenu notamment de l’absence de référence au référé-liberté dans le courrier remis par l’intéressé ou dans la communication orale entre le greffe et lui ou son avocat. S’agissant, d’autre part, de la demande de comparution personnelle du requérant devant la chambre de l’instruction, cette dernière a relevé qu’il ne pouvait être établi que l’intéressé avait demandé à ne pas comparaître et que le fonctionnaire du greffe de la maison d’arrêt avait coché la case correspondant à la demande de comparution, par mesure de faveur, ce qui ne pouvait s’expliquer que par l’absence de demande expresse de l’intéressé de ce chef (voir paragraphe 16 ci-dessus).
50. La Cour constate que la chambre de l’instruction a estimé en conséquence que les délais pour statuer ne pouvaient être calculés que sur la base de la déclaration d’appel, telle qu’elle avait été transmise et transcrite au greffe de la juridiction d’instruction, laquelle ne pouvait saisir effectivement son président d’une demande de référé-liberté (et faire ainsi courir le délai de trois jours) et faisait état d’une demande de comparution personnelle du requérant, faisant courir un délai légal de quinze jours pour statuer. Elle a donc refusé de considérer que le droit interne imposait la libération d’office de l’intéressé en l’espèce.
51. La Cour rappelle qu’il incombe au premier chef aux autorités nationales, et spécialement aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne (Erkalo, précité, § 55). Elle observe que les éléments du dossier ne permettent pas de savoir exactement qui a rempli effectivement le formulaire d’appel (le requérant lui-même ou un agent du greffe - paragraphe 14 ci-dessus) ni dans quelles conditions ont été effectuées les modifications expliquant les discordances constatées par les juges internes entre l’acte dressé par le greffe de la maison d’arrêt et l’exemplaire remis au requérant. Elle remarque que pour regrettables que soient ces dernières, le seul constat de leur existence ne suffit pas à lui seul à conclure à l’irrégularité de la détention au regard du droit national.
52. En effet, la Cour ne trouve, parmi les faits de l’espèce, aucun élément la conduisant à mettre en doute la conclusion des juridictions internes selon laquelle, en vertu du droit interne, la chambre de l’instruction se trouvait saisie par la seule transcription de l’acte d’appel effectuée par le greffier d’instruction sur la base du document transmis par le greffe de la maison d’arrêt, en l’absence de preuve d’une volonté du requérant contraire aux mentions figurant sur cet acte.
53. À cet égard, la Cour considère que les éléments qui lui ont été soumis ne lui permettent pas de considérer que l’appréciation des faits par les juridictions internes aurait été déraisonnable en l’espèce. Ainsi, s’agissant, premièrement, de l’interrogation sur la volonté du requérant d’exercer un référé-liberté, elle constate que la chambre de l’instruction a tenu compte de l’absence de mention d’un tel souhait dans la lettre manuscrite remise par Me T. Bidnic au greffe de la maison d’arrêt le 2 juillet 2010. En effet, la Cour remarque que ce document ne comporte aucune demande relative au référé-liberté, alors même que, selon la requête, il a été écrit par le requérant en présence de son avocat. De plus, elle constate que, dans le cadre d’un tel recours, l’article 187-1 du code de procédure pénale offre à l’appelant et à son avocat la possibilité de produire des observations écrites, ainsi que, pour le second, de demander à pouvoir développer par oral son argumentation au cours d’une audience de cabinet. Or, d’après les éléments présentés à la Cour, le requérant et son conseil n’ont utilisé aucune de ces deux options, l’acte d’appel n’ayant été examiné par Me Bidnic que le 9 juillet 2010, soit huit jours après son établissement. La Cour remarque que l’absence de toute argumentation à l’appui du référé-liberté invoqué était de nature à accentuer le doute sur la réalité de la volonté du requérant d’exercer ce recours. Partant, elle ne voit pas de raison de considérer que la décision de la chambre de l’instruction selon laquelle la saisine de son président n’était pas acquise ait été contraire au droit interne.
54. Secondement, s’agissant de l’interrogation sur la demande de comparution personnelle du requérant, la Cour note tout d’abord que la chambre de l’instruction s’est réunie pour une première audience le 13 juillet 2010, soit après l’expiration du délai de dix jours courant à compter du 3 juillet 2010, lendemain de la transcription de l’acte d’appel au greffe de la juridiction d’instruction. Elle a finalement statué le 16 juillet 2010, avant l’expiration du délai de quinze jours prévu en cas de demande de comparution personnelle de l’appelant, une telle demande figurant sur l’acte d’appel transmis par le greffe de la maison d’arrêt. À ce titre, la Cour remarque que l’enquête a permis d’établir que la case correspondant à ce choix avait été cochée par le greffe de la maison d’arrêt, selon une pratique présentée comme usuelle par la direction de la maison d’arrêt et justifiée selon les autorités internes par l’intérêt du détenu, lorsque celui-ci ne précise pas son souhait.
55. La Cour rappelle qu’elle a elle-même jugé que le recours offert en cas de privation de liberté devait présenter des « garanties fondamentales de procédure », incluant notamment la possibilité pour le détenu d’être « entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de représentation » (Winterwerp, précité, § 60). La Cour peut donc accepter qu’en l’absence de choix exprimé par un détenu, les autorités internes fassent bénéficier celui-ci d’une comparution devant la juridiction statuant sur son recours. Néanmoins, lorsque, comme en droit français, l’exercice de cette possibilité a une conséquence sur le délai dans lequel il est statué sur l’appel, la Cour estime que la personne privée de sa liberté devrait faire elle-même le choix et, lorsqu’elle omet de le faire, être invitée à rectifier le formulaire en apposant au besoin sa signature ou ses initiales en regard des passages modifiés a posteriori.
56. Or, la Cour constate qu’en l’espèce l’acte d’appel a été modifié par le greffe de la maison d’arrêt, apparemment en l’absence du détenu et sans qu’il en ait été informé. Toutefois, la Cour remarque que la chambre de l’instruction a jugé que le délai d’examen de l’appel ne pouvait être calculé qu’en fonction de la transcription de l’acte transmis par le greffe de la maison d’arrêt au greffe de la juridiction d’instruction, après s’être assurée qu’il n’était pas établi que le requérant ait demandé à ne pas comparaître. De plus, elle note que la conséquence pratique de la rectification apportée par le greffe a été limitée, l’audience de la chambre de l’instruction ayant été fixée moins de 24 heures après l’expiration du délai de 10 jours prévu lorsque le détenu ne demande pas à comparaître ; dès lors, eu égard aux circonstances de la cause, il ne saurait être considéré que le retard observé ait entraîné une privation arbitraire de liberté (voir, pour un délai de deux jours, Rutten c. Pays-Bas, no 32605/96, §§ 39-47, 24 juillet 2001, ou de deux semaines, Winterwerp, précité, § 49, et, a contrario, pour un délai de 82 jours, Erkalo, précité, § 57).
57. Compte tenu de ces éléments, la Cour considère qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
ii. La conformité du maintien en détention du requérant au regard de l’article 5 § 4 de la Convention
58. La Cour doit maintenant se demander si le requérant a eu accès, à bref délai, à un tribunal statuant sur la légalité de sa privation de liberté, conformément aux dispositions de l’article 5 § 4 de la Convention. À cet égard, elle constate qu’à la suite de l’appel interjeté en date du 2 juillet 2010, la chambre de l’instruction s’est réunie le 13 juillet 2010, date à laquelle le requérant a sollicité le renvoi de l’affaire, puis le 16 juillet 2010, date à laquelle elle a confirmé l’ordonnance de placement en détention provisoire après avoir examiné les moyens du requérant relatifs aux conditions d’établissement de l’acte d’appel et aux conséquences des choix exprimés sur son exemplaire de celui-ci, analysé le sérieux des charges pesant contre lui et vérifié l’existence de critères légaux rendant la détention nécessaire. La Cour relève également que le renvoi initial de l’affaire a été réclamé par le requérant dans le but de faire rechercher l’original de la déclaration d’appel établie par le greffe de la maison d’arrêt et lui a permis de discuter les éléments réunis au cours de l’enquête interne diligentée à la demande du parquet général. Dès lors compte tenu des circonstances de l’espèce et de ses conclusions quant au respect de l’article 5 § 1 (voir paragraphe 57 ci-dessus), la Cour considère que le délai de quatorze jours qui s’est écoulé entre l’appel et la décision de la chambre de l’instruction n’était pas excessif.
59. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
60. Le requérant allègue une violation de son droit au procès équitable du fait de la décision de la chambre de l’instruction de se fonder sur la transcription par le greffier d’instruction de la déclaration d’appel reçue du greffe de la maison d’arrêt, qu’il qualifie de faux, ainsi qu’en raison de l’insuffisance de la motivation adoptée par la Cour de cassation pour rejeter son pourvoi. Il invoque l’article 6 dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».
62. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 5 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 octobre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Claudia
Westerdiek Josep Casadevall
Greffière Président