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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VLIEELAND BODDY AND MARCELO LANNI v. SPAIN - 53465/11 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Third Section)) French Text [2016] ECHR 184 (16 February 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/184.html
Cite as: [2016] ECHR 184

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE VLIEELAND BODDY ET MARCELO LANNI c. ESPAGNE

     

    (Requêtes nos 53465/11 et 9634/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    16 février 2016

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Vlieeland Boddy et Marcelo Lanni c. Espagne,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Helena Jäderblom, présidente,
              Luis López Guerra,
              George Nicolaou,
              Helen Keller,
              Johannes Silvis,
              Branko Lubarda,
              Pere Pastor Vilanova, juges,
    et de Stephen Phillips, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 janvier 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux Requêtes (no 53465/11 et no 9634/12) dirigées contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant britannique, M. Clive Marshall Vlieeland Boddy (« le premier requérant ») et un ressortissant argentin, M. Claudio Marcelo Lanni (« le second requérant »), ont saisi la Cour le 18 août 2011 et le 13 mai 2012 respectivement, en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Les requérants ont été représentés respectivement par Me G. Boye, avocat à Madrid, et Me Sin Utrilla, avocat à Barcelone.

    Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, MM. F. de A. Sanz Gandasegui et R.-A. León Cavero, avocats de l’État.

    3.  Les requérants se plaignent du rejet par les autorités espagnoles de leurs demandes de réparation des préjudices qu’ils disent avoir subis du fait de leur détention provisoire. Ils invoquent l’article 6 § 2 de la Convention.

    4.   Le grief concernant le principe de la présomption d’innocence a été communiqué au Gouvernement le 11 juillet 2012 pour la seconde Requête et le 18 décembre 2013 pour la première Requête. La Requête n53465/11, concernant le premier requérant, a été déclarée irrecevable pour le surplus.

    5.  Le gouvernement britannique, auquel une copie de la Requête no 53465/11 a été communiquée en vertu de l’article 44 § 1 a) du règlement de la Cour (« le règlement ») n’a pas souhaité intervenir.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    6.  Les requérants ont été placés en détention provisoire pour divers délits.

    A.  Requête no 53465/11

    7.  Le 16 février 2005, le premier requérant, résidant en France à l’époque des faits, fut arrêté et détenu par la police française en application d’un mandat d’arrêt européen délivré par l’Espagne pour les délits de trafic de stupéfiants et blanchissement d’argent. Le 8 mars 2005, le requérant fut transféré en Espagne et placé en détention provisoire.

    8.  Le 6 juillet 2005, il fut libéré sous caution.

    9.  Le 29 mai 2006, l’Audiencia Nacional acquitta le requérant des délits dont il avait été accusé.

    10.  Le 30 avril 2007, le requérant présenta une réclamation auprès du ministère de la Justice en vue d’obtenir des dommages-intérêts. En particulier, il demandait une indemnisation pour le préjudice qu’il disait avoir subi du fait des cent trente-neuf jours passés en détention provisoire.

    11.  Par une décision du 28 mai 2008, faisant suite aux rapports de la direction générale des relations avec l’administration de la justice en date du 27 mars 2008 et du Conseil d’État en date du 17 avril 2008, le ministre de la Justice rejeta la réclamation du requérant. Il considéra que l’article 294 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire (« la LOPJ »), qui prévoyait pour les personnes acquittées après un placement en détention provisoire le droit d’obtenir une indemnisation, n’était pas applicable au cas d’espèce. Il observa notamment que le requérant n’avait pas été acquitté sur la base de preuves à décharge confirmant son innocence, mais faute de preuves à charge suffisantes démontrant sa participation aux faits délictueux.

    12.  Le 16 octobre 2008, le requérant forma un recours en contentieux administratif contre la décision du ministre auprès de l’Audiencia Nacional, qui, par un arrêt du 28 septembre 2009, rejeta le recours. L’Audiencia Nacional rappela la jurisprudence dégagée par le Tribunal suprême sur l’article 294 de la LOPJ, selon laquelle l’indemnisation pour détention provisoire ne pouvait être allouée qu’en cas d’inexistence objective ou subjective des faits délictueux. D’après cette jurisprudence, pour établir l’inexistence subjective, il fallait avoir une certitude quant à l’absence de participation du plaignant aux faits litigieux. En l’occurrence, l’Audiencia Nacional nota que l’affaire qui lui était soumise concernait un cas typique de manque de preuves et que le requérant ne remplissait pas les critères de l’article 294 de la LOPJ.

    13.  Le requérant se pourvut en cassation auprès du Tribunal Suprême, invoquant notamment une mauvaise interprétation de l’article 294 de la LOPJ. Par une décision du 29 avril 2010, le pourvoi en cassation fut déclaré irrecevable comme étant manifestement mal fondé.

    14.  Le 2 juin 2010, le requérant introduisit une demande d’annulation de la procédure auprès du Tribunal Suprême, qui fut rejetée en date du 23 septembre 2010.

    15.  Le 5 novembre 2010, le requérant forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel, qui le déclara irrecevable le 14 mars 2011, comme étant dépourvu d’« importance constitutionnelle spéciale ».

    B.  Requête no 9634/12

    16.  Le 28 juillet 2006, le second requérant fut arrêté par la police à Barcelone. Le lendemain, il fut placé en détention provisoire pour deux délits présumés de vol qualifié.

    17.  Le 10 août 2006, le juge d’instruction remit le requérant en liberté provisoire.

    18.  Le 16 avril 2007, le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu provisoire (sobreseimeinto provisional) conformément aux articles 779 § 1, 1er al. et 641 § 2 du code de procédure pénale, au motif qu’il n’y avait pas dans le dossier d’indices suffisants permettant de prouver la participation du requérant aux délits qui lui étaient imputés. Il ressortait des déclarations des victimes qu’elles n’avaient pas pu reconnaître leurs agresseurs. La décision indiquait ce qui suit :

    « (...) nous sommes clairement en présence d’un cas de non-lieu provisoire et non pas d’un cas d’inexistence dûment prouvée de la réalité des faits. Le non-lieu repose sur l’insuffisance d’éléments de preuve permettant de fonder une accusation formelle, sans que la responsabilité de l’intéressé soit définitivement écartée. »

    19.  S’appuyant sur l’article 294 de la LOPJ, le 12 septembre 2007, le requérant sollicita auprès du ministère de la Justice une indemnisation en raison d’un fonctionnement anormal de l’administration de la justice. En particulier, il se plaignait des quatorze jours qu’il avait passés en détention provisoire. Le 30 juillet 2008, la direction générale des relations avec l’administration de la justice proposa d’accorder au requérant la somme de 1 680 euros (EUR) à titre d’indemnisation. Conformément à la procédure, le dossier fut adressé au Conseil d’État, pour avis.

    20.  Dans son avis du 4 décembre 2008, le Conseil d’État indiqua que les conditions exigées pour octroyer l’indemnisation n’étaient pas réunies en l’espèce et qu’il convenait de rejeter la réclamation du requérant. Il nota que le non-lieu n’avait pas été rendu en raison de l’absence de participation du requérant aux faits délictueux, mais faute de preuves suffisantes accréditant cette participation.

    21.  Par une décision du 12 février 2009, le ministre de la Justice rejeta la réclamation du requérant.

    22.  Le requérant introduisit un recours en contentieux administratif. Par un jugement du 1er octobre 2009, le juge central du contentieux administratif rejeta le recours. Il releva que la décision de non-lieu se limitait à faire état de preuves insuffisantes de la participation du requérant aux faits. À cet égard, le juge rappela qu’il aurait été nécessaire, pour accorder une indemnisation au requérant, de constater avec certitude que ce dernier n’avait pas participé aux faits. Au demeurant, le juge considéra que, à la lumière des faits exposés, « il y a[vait] des indices de la participation [du requérant] à la commission des délits, même s’ils n’avaient pas été considérés comme suffisants par le juge d’instruction pour poursuivre les investigations ». Le juge mentionna, entre autres, le fait que le requérant était le propriétaire de la moto utilisée par les auteurs des délits pour fuir après la commission de ceux-ci et que, lorsque les agents de police s’étaient approchés du requérant pour l’arrêter, celui-ci avait tenté de s’échapper alors qu’il se trouvait à côté de cette moto.

    23.  Le requérant contesta cette décision auprès de l’Audiencia Nacional, qui, par un arrêt du 11 février 2010, rejeta le recours et confirma le jugement a quo au motif que la décision de non-lieu n’écartait pas définitivement la responsabilité du requérant. Pour parvenir à cette conclusion, l’Audiencia Nacional nota dans son arrêt que les faits dénoncés avaient bien eu lieu et que, malgré la conclusion de la juridiction pénale relative à l’absence d’indices objectifs permettant d’imputer au requérant les vols qualifiés dénoncés, d’autres éléments qui figuraient dans le jugement contentieux-administratif attaqué (paragraphe 22 ci-dessus) lui permettaient de conclure qu’il ne s’agissait pas en l’espèce de l’inexistence prouvée des faits dénoncés, mais de l’insuffisance de preuves pour fonder l’accusation pénale à l’encontre du requérant. L’Audiencia Nacional précisa dans son arrêt ce qui suit :

    « (...) bien que l’article 294 de la LOPJ prévoie que l’inexistence des faits doit être déclarée soit par un jugement d’acquittement soit par une ordonnance de non-lieu définitif, l’indication de ces deux types de décisions [dans le texte de l’article 294] [n’est pas exhaustive], l’arrêt du Tribunal suprême du 19 juin 1990 ayant précisé que l’ordonnance d’abandon des poursuites en raison de l’inexistence d’indices rationnels quant à la responsabilité pénale du prévenu est une décision qui peut être assimilée, à cet égard, à une ordonnance de non-lieu définitif. Cette assimilation est conforme à l’article 4 du code civil relatif à l’application des dispositions légales par analogie. Ce même tribunal, dans son arrêt du 30 avril 1990, précise que ce qui est juridiquement important dans l’article 294 de la LOPJ est la déclaration du tribunal relative à l’inexistence - objective ou subjective - des faits. ».

    24.  Invoquant les articles 14 (interdiction de la discrimination), 17 (droit à la liberté) et 24 § 2 (droit à la présomption d’innocence) de la Constitution, le requérant forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel. Par une décision notifiée le 17 octobre 2011, la haute juridiction rejeta le recours pour manque d’« importance constitutionnelle spéciale ».

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    25.  La disposition pertinente en l’espèce de la Constitution prévoit ce qui suit :

    Article 121

    « Les préjudices causés par une erreur judiciaire et ceux qui sont la conséquence du fonctionnement anormal de l’administration de la justice ouvrent droit à une indemnisation à la charge de l’État, conformément à la loi. »

    26.  Les dispositions pertinentes en l’espèce de la LOPJ sont libellées comme suit :

    Article 292

    « 1.  Toute victime d’un préjudice résultant d’une erreur judiciaire ou d’un fonctionnement anormal de la justice a droit à une indemnisation par l’État, sauf en cas de force majeure, conformément aux dispositions du présent Titre.

    2.  En tout état de cause, le préjudice allégué doit être effectif, financièrement quantifiable et individualisé, qu’il concerne une personne ou un groupe de personnes.

    3.  La seule révocation ou annulation des décisions judiciaires n’implique pas en elle-même le droit à une indemnisation. »

    Article 293

    « 1.  Toute demande d’indemnisation pour cause d’erreur doit être précédée d’une décision judiciaire reconnaissant expressément l’erreur. Cette décision préalable peut découler directement d’une décision prononcée dans le cadre d’un recours en révision. Dans tous les autres cas s’appliquent les règles suivantes :

    a)  L’action judiciaire en reconnaissance de l’erreur doit impérativement être intentée dans un délai de trois mois à compter du jour où elle peut être exercée.

    (...)

    2.  Dans les cas d’erreur judiciaire déclarée ou de dommage dû à un fonctionnement anormal de l’administration de la justice, l’intéressé adresse sa demande d’indemnisation directement au ministère de la Justice. Cette Requête est examinée selon les dispositions applicables en matière de responsabilité patrimoniale de l’État. La décision du ministère de la Justice peut faire l’objet d’un recours en contentieux administratif. Le droit de demander une indemnisation est prescrit dans un délai d’un an à compter du jour où il peut être exercé. »

    Article 294

    « 1.  Toute personne qui, après avoir été placée en détention provisoire, est acquittée en raison de l’inexistence des faits imputés, ou fait l’objet d’un non-lieu définitif pour ce motif, a droit à des indemnités lorsqu’elle a subi un préjudice.

    2.  Le montant de l’indemnisation est fixé compte tenu de la durée de la privation de liberté et des conséquences personnelles et familiales subies.

    3.  La demande d’indemnisation est traitée conformément aux dispositions de l’article 293 § 2. »

    27.  La disposition pertinente du code pénal en vigueur à l’époque des faits en matière de recours contre des ordonnances de non-lieu est libellée comme suit :

    Article 217

    « Un recours de reforma peut être présenté contre toute décision du juge d’instruction. »

    28.  Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale en vigueur à l’époque des faits relatives aux ordonnances de non-lieu et aux décisions susceptibles d’être prononcées au terme de l’instruction sont libellées comme suit :

    Article 637

    « Le non-lieu définitif (sobreseimeinto libre) est prononcé :

    1. En l’absence d’indices rationnels de commission des faits à l’origine de la procédure,

    2. Quand le fait n’est pas constitutif d’un délit.

    3. En cas d’exemption de responsabilité criminelle des imputés (...). »

    Article 641

    « Le non-lieu provisoire (sobreseimeinto provisional) est prononcé :

    1. Quand la commission du délit à l’origine de la procédure n’est pas suffisamment justifiée.

    2. Quand il résulte de l’instruction de l’affaire qu’un délit a été commis mais qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour en accuser une personne déterminée ou des personnes déterminées (...) »

    Article 779

    « 1. [Au terme de l’instruction], le juge rend, de façon motivée, l’une des décisions suivantes :

    1e. S’il estime que les faits ne sont pas constitutifs d’infraction pénale ou que la commission de cette dernière n’est pas suffisamment justifiée, le juge rend l’ordonnance de non-lieu correspondant (...). Si les faits peuvent être considérés comme constitutifs de délit mais que l’auteur n’a pas été identifié, le juge rend une ordonnance de non-lieu provisoire et classe l’affaire. (...). »

    EN DROIT

    I.  JONCTION DES RequêteS

    29.  Compte tenu de la connexité des Requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu’elles soulèvent, la Cour juge approprié de les joindre et de les examiner conjointement dans un seul et même arrêt.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 2 DE LA CONVENTION

    30.  Les requérants considèrent que le rejet, tant par l’administration que par les tribunaux internes, de leurs demandes d’indemnisation pour le temps passé en détention provisoire a porté atteinte à l’article 6 § 2 de la Convention, laissant planer selon eux un doute sur leur innocence, en dépit de leur acquittement. La disposition invoquée est libellée comme suit :

    « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

    A.  Sur la recevabilité

    31.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Argument des parties

    a)  Requête no 53465/11

    32.  Le premier requérant s’est borné à confirmer le contenu de sa Requête.

    33.  Se référant à l’arrêt Englert c. Allemagne (25 août 1987, § 36, série A no 123), le Gouvernement indique que ni l’article 6 § 2 ni aucune autre clause de la Convention ne donnent à l’« accusé » un droit au remboursement de ses frais, ou un droit à réparation pour une détention provisoire régulière, en cas d’arrêt des poursuites engagées contre lui. Il ajoute que le droit à être dédommagé pour une détention provisoire en cas d’acquittement découle du droit national : à cet égard, il indique que, en droit espagnol, une telle réparation est prévue par l’article 121 de la Constitution et les articles 292 et suivants de la LOPJ dans les cas de mauvais fonctionnement de la justice. Concernant en particulier les cas de détention provisoire, selon l’article 294 § 1 de la LOPJ, le Gouvernement expose que le mauvais fonctionnement de la justice existe lorsque la personne placée en détention provisoire est acquittée en raison de l’inexistence des faits imputés. Il précise que, d’après les dispositions susmentionnées, pour que les préjudices subis en raison d’une détention provisoire puissent être réparés, il est nécessaire que l’acquittement ou la révocation de la condamnation soient prononcés au motif que les faits n’ont jamais existé. Il indique que, d’après la jurisprudence, l’indemnisation en question peut aussi être accordée lorsque celui qui a été acquitté prouve sa non-participation aux faits imputés. Le Gouvernement ajoute cependant qu’en aucun cas une responsabilité objective pour des actes résultant de l’administration de la justice, indépendamment du fonctionnement normal ou anormal de cette dernière, n’est prévue en droit espagnol, et il affirme que la décision de placement du premier requérant en détention provisoire a été décrétée à juste titre.

    34.  Le Gouvernement conclut que le champ d’application du principe de la présomption d’innocence est la procédure pénale et que l’acquittement pénal n’implique pas automatiquement l’existence d’un mauvais fonctionnement de la justice susceptible de faire l’objet d’une indemnisation.

    b)  Requête no 9634/12

    35.  Le second requérant indique qu’il a été acquitté par les juridictions pénales faute de preuves ou d’indices démontrant qu’il aurait participé aux faits à l’origine de sa mise en détention provisoire.

    36.  Le Gouvernement fait observer qu’en l’espèce le juge, au regard d’une existence de doutes entourant la participation de l’intéressé aux faits, n’a pas ordonné un non-lieu définitif, mais un non-lieu provisoire. Il ajoute que le second requérant n´a pas fait appel de ce non-lieu. Il indique également que, à la différence d’une décision de non-lieu définitif, une ordonnance de non-lieu provisoire n’a pas force de chose jugée et que la suspension de la procédure qu´elle entraîne n´est pas définitive : à cet égard, il précise que, si de nouveaux éléments permettant d’accuser l’auteur présumé de l’infraction apparaissent, l’enquête judiciaire peut se poursuivre et conduire à la tenue de l’audience. L’article 294 de la LOPJ ne reconnaîtrait le droit à percevoir une indemnisation que lorsque les tribunaux auraient définitivement établi que la personne placée en détention provisoire n’a pas commis les faits reprochés, soit en prononçant son acquittement, soit en ordonnant un non-lieu définitif.

    37.  Selon le Gouvernement, l’appréciation effectuée par l’Audiencia Nacional dans son arrêt n’a pas affecté la présomption d’innocence du requérant, puisque ladite juridiction se serait limitée à vérifier, à la suite du recours introduit par l’intéressé, si l’article 294 de la LOPJ était applicable à celui-ci. Le Gouvernement concède que la décision du ministère de la Justice, conforme à l’avis du Conseil d’État, et celle du juge central du contentieux administratif ont pu être fondées sur une appréciation des faits que seul le juge pénal pouvait examiner, mais il estime que l’arrêt de l’Audiencia Nacional a très clairement souligné que la raison pour laquelle la réclamation du requérant avait été rejetée n’était autre que le caractère provisoire, et non définitif, du non-lieu prononcé à son égard. La situation en cause n’aurait donc pas relevé de l’article 294 de la LOPJ.

    2.  Appréciation de la Cour

    38.  La Cour rappelle d’emblée que la présomption d’innocence se trouve méconnue si une décision judiciaire concernant un prévenu reflète le sentiment que celui-ci est coupable, alors que sa culpabilité n’a pas été légalement établie au préalable (Allen c. Royaume-Uni [GC], n25424/09, § 93, CEDH 2013).

    39.   Elle note en outre que le champ d’application de l’article 6 § 2 de la Convention ne se limite pas aux procédures pénales qui sont pendantes, mais s’étend aux procédures judiciaires consécutives à l’acquittement définitif de l’accusé (Allen, précité, § 98, Sekanina c. Autriche, 25 août 1993, § 22, série A n266-A, et Rushiti c. Autriche, no 28389/95, § 27, 21 mars 2000), dans la mesure où les questions soulevées dans ces dernières procédures constituent un corollaire et un complément des procédures pénales concernées dans lesquelles le requérant avait la qualité « d’accusé ». Bien que ni l’article 6 § 2 ni aucune autre clause de la Convention ne donnent droit à réparation pour une détention provisoire régulière lorsque les poursuites sont abandonnées ou aboutissent à un acquittement, l’expression de soupçons sur l’innocence d’un accusé n’est plus acceptable après un acquittement devenu définitif (Sekanina, précité, § 30). Une fois l’acquittement définitif - même s’il s’agit d’un acquittement au bénéfice du doute -, conformément à l’article 6 § 2 de la Convention, l’expression de doutes sur la culpabilité, y compris ceux tirés des motifs de l’acquittement, ne sont pas compatibles avec la présomption d’innocence (Rushiti, précité, § 31). En effet, des décisions judiciaires postérieures ou des déclarations émanant des autorités publiques peuvent soulever un problème sous l’angle de l’article 6 § 2 précité si elles équivalent à un constat de culpabilité qui méconnaît, délibérément, l’acquittement préalable de l’accusé (Del Latte c. Pays-Bas, n44760/98, § 30, 9 novembre 2004).

    40.  La Cour note que, en application du principe in dubio pro reo, aucune différence qualitative ne doit exister entre un acquittement fondé sur une absence de preuves et un acquittement résultant d’une constatation de l’innocence de manière incontestable. En effet, les jugements d’acquittement ne se différencient pas en fonction des motifs retenus par le juge pénal. Bien au contraire, dans le cadre de l’article 6 § 2 de la Convention, le dispositif d’un jugement d’acquittement doit être respecté par toute autorité qui se prononce de manière directe ou incidente sur la responsabilité pénale de l’intéressé (Allen, précité, § 102, Vassilios Stavropoulos c. Grèce, n35522/04, § 39, 27 septembre 2007). Exiger d’une personne qu’elle apporte la preuve de son innocence dans le cadre d’une procédure d’indemnisation pour détention provisoire apparaît déraisonnable et révèle une atteinte à la présomption d’innocence (Capeau c. Belgique, no 42914/98, § 25, CEDH 2005-I).

    41.  En l’occurrence, la Cour constate que le premier requérant a été acquitté en première instance et que le second requérant a bénéficié d’une ordonnance de non-lieu provisoire rendue par le juge d’instruction avant l’ouverture de la phase de jugement. Elle est appelée à examiner si, par leur manière d’agir, par les motifs de leurs décisions ou par les termes utilisés dans leur raisonnement, le ministère de la Justice et les juridictions du contentieux administratif ont jeté des soupçons sur l’innocence des requérants et ont ainsi porté atteinte au principe de la présomption d’innocence, tel que garanti par l’article 6 § 2 de la Convention (Tendam c. Espagne, no 25720/05, § 38, 13 juillet 2010, et Puig Panella c. Espagne, no 1483/02, § 54, 25 avril 2006).

    42.  Pour ce qui est du premier requérant, la Cour constate que, dans sa décision du 28 mai 2008, le ministre de la Justice, s’appuyant sur les rapports de la direction générale des relations avec l’administration de la justice du 27 mars 2008 et du Conseil d’État du 17 avril 2008, a rejeté la réclamation du requérant. En effet, le ministre a considéré que l’article 294 de la LOPJ n’était pas applicable au cas d’espèce dans la mesure où le requérant avait été acquitté faute de preuves à charge suffisantes permettant de démontrer sa participation aux faits délictueux, et non en raison de l’inexistence objective ou subjective des faits délictueux. Pour repousser la demande d’indemnisation du requérant, le ministre a fait observer que, d’après le jugement d’acquittement, le requérant n’avait pas été acquitté sur la base de preuves à décharge confirmant son innocence, mais faute de preuves à charge suffisantes démontrant sa participation aux faits délictueux (paragraphe 11 ci-dessus).

    43.  Pour ce qui est du second requérant, la Cour relève que le Gouvernement, en interprétant littéralement l’article 294 de la LOPJ, soutient que la situation en cause n’était pas susceptible d’indemnisation, dans la mesure où le requérant n’a pas été acquitté ni n’a fait l’objet d’un non-lieu définitif en raison de l’inexistence des faits imputés, l’acquittement et le non-lieu définitif étant les seules décisions expressément mentionnées dans la disposition précitée en raison de leur caractère définitif. La Cour observe toutefois que l’Audiencia Nacional a souligné elle-même dans son arrêt que, d’après la jurisprudence du Tribunal suprême, l’ordonnance concluant à l’abandon des poursuites en raison de l’inexistence d’indices rationnels quant à la responsabilité pénale du prévenu, comme c’est le cas en l’occurrence, pouvait être assimilée, à cet égard, à une ordonnance de non-lieu définitif (paragraphe 23 ci-dessus), mettant alors fin à l’instruction, au moyen d’une déclaration de non-culpabilité de l’accusé, au même titre qu’un arrêt d’acquittement rendu au terme de la phase de jugement et avec les mêmes effets à cet égard.

    44.  Dans des affaires relatives à des actions civiles en réparation engagées par des victimes, indépendamment du point de savoir si les poursuites avaient débouché sur une décision de clôture ou une décision d’acquittement, la Cour a souligné que si l’acquittement prononcé au pénal devait être respecté dans le cadre de la procédure en réparation, cela ne mettait pas obstacle à l’établissement, sur la base de critères de preuve moins stricts, d’une responsabilité civile emportant obligation de verser une indemnité à raison des mêmes faits. Elle a ajouté toutefois que si la décision interne sur l’action civile devait renfermer une déclaration imputant une responsabilité pénale à la partie défenderesse, cela poserait une question sur le terrain de l’article 6 § 2 de la Convention (Allen, précité, § 123). Cette approche est également susceptible d’être suivie dans des affaires concernant des actions en responsabilité devant les organes et juridictions administratifs comme c’est le cas en l’occurrence.

    45.  La Cour relève que le caractère provisoire du non-lieu rendu dans la présente affaire ne saurait être déterminant (paragraphes 23 et 43 ci-dessus). À cet égard, il est à noter qu’au terme de l’instruction dans des procédures comme celle de l’espèce, en cas d’absence de motifs suffisants pour accuser une personne de la commission d’un délit, uniquement un non-lieu provisoire peut être prononcé, dans la mesure où les motifs pour ordonner un non-lieu définitif sont strictement fixés par la loi (paragraphe 28 ci-dessus). En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier et les parties ne le soutiennent d’ailleurs pas, que le ministère public ait fait appel de l’ordonnance de non-lieu provisoire rendue par le juge d’instruction. En outre, le requérant ne saurait faire appel de la déclaration de non-culpabilité rendue à son égard ni demander la transformation, vouée à l’échec, de cette déclaration en un non-lieu définitif, les motifs établis par l’article 637 du code de procédure pénale n’étant pas applicables en l’espèce à ce stade de la procédure d’instruction.

    46.  Par ailleurs, le rejet par le juge central du contentieux administratif de la demande d’indemnisation du second requérant n’était pas fondé sur le caractère provisoire ou définitif du non-lieu rendu à l’égard de l’intéressé par le juge d’instruction, mais sur le fait que ladite ordonnance de non-lieu se bornait à constater que les preuves étaient insuffisantes pour démontrer la participation du requérant aux faits reprochés. Le juge du contentieux administratif rappela qu’il aurait été nécessaire, pour octroyer une indemnisation au second requérant, d’avoir la certitude que ce dernier n’avait pas participé aux faits. Nonobstant sa qualité de juge du contentieux administratif et non du juge de l’affaire pénale, il considérait qu’il y avait des indices de la participation du requérant à la commission des délits, même si ces indices n’avaient pas été considérés comme suffisants par le juge d’instruction, et mentionna ceux qui, à son avis, auraient pu démontrer la participation de l’intéressé aux faits de la cause (paragraphe 22 ci-dessus). Dans la mesure où la culpabilité du second requérant n’a pas pu être établie, que ce soit provisoirement ou définitivement, la Cour estime d’une part, qu’il ne peut pas être exigé au second requérant, au moment où il réclame une indemnisation pour fonctionnement anormal de la justice, de démontrer son innocence et, d’autre part, qu’il ne correspond pas à la juridiction contentieuse administrative, compétente pour l’octroi de l’indemnisation réclamée, de conclure à une éventuelle déclaration de culpabilité du second requérante à laquelle n’a pas pu parvenir le juge pénal, faute de preuves.

    47.  Or, pour la Cour, une telle motivation laisse clairement planer un doute sur l’innocence du second requérant (Puig Panella, précité, § 55, et Tendam, précité, § 39). Le raisonnement du juge central du contentieux administratif méconnaît le non-lieu provisoire, c’est-à-dire, l’arrêt des poursuites, prononcé à l’égard de l’accusé par une décision de justice dont le dispositif doit être respecté par toute autorité judiciaire, quels que soient les motifs retenus par le juge pénal (Vassilios Stavropoulos, précité, § 39). Cette conclusion est valable a fortiori lorsque l’ordonnance de non-lieu provisoire, abandonnant toute poursuite contre l’accusé - comme c’est le cas pour le second requérant -, a été rendue avant même l’ouverture de la phase de jugement.

    48.  La Cour relève par ailleurs que le raisonnement du ministre de la Justice a été confirmé ultérieurement, pour les deux requérants, par les juridictions nationales saisies, qui ont souscrit à son analyse. Elle note que les juridictions contentieuses administratives n’ont fait que suivre la jurisprudence interne constante en matière d’application de l’article 294 de la LOPJ, fondée sur le critère de l’inexistence subjective, c’est-à-dire de l’absence prouvée de participation de l’acquitté aux faits délictueux. Par conséquent, les juridictions contentieuses administratives, entérinant le raisonnement du ministre en application de cette jurisprudence et, pour ce qui est, en particulier, du second requérant, en effectuant elles-mêmes des affirmations ressortant de la compétence exclusive du juge pénal, n’ont pas porté remède au problème qui se posait en l’espèce (voir, mutatis mutandis, Ismoïlov et autres c. Russie, no 2947/06, § 169, 24 avril 2008).

    49.  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention dans le chef des deux requérants.

    III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES (Requête No 9634/12)

    50.  Le second requérant invoque l’article 14 en relation avec les articles 5 § 5 et 6 § 2 de la Convention. Il se dit discriminé par rapport aux victimes de procédures dont la durée a été excessive, dans la mesure où celles-ci seraient indemnisées même si elles ont été déclarées coupables dans le cadre de la procédure principale, et il réclame, au titre de l’article 5 § 5 de la Convention, une indemnisation pour les quatorze jours qu’il a passés en détention.

    51.  À la lumière des principes dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention, la Cour considère que rien dans le dossier ne donne à penser qu’il y a eu violation par les juridictions espagnoles des dispositions invoquées par le requérant. Partant, elle estime que les griefs présentés par ce dernier sont manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’ils doivent être rejetés en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

    IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    52.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Requête no 53465/11

    53.  Le premier requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

    B.  Requête no 9634/12

    1.  Dommages

    54.  Le second requérant réclame 14 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi pour les quatorze jours passés en détention provisoire, ainsi que 920 EUR au titre du préjudice matériel correspondant selon lui au manque à gagner découlant de l’impossibilité d’exercer son métier de boucher en Argentine en raison de sa détention.

    55.  Le Gouvernement estime que le requérant n’a aucunement prouvé le préjudice moral allégué. Quant au préjudice matériel, il soutient qu’aucun lien de causalité entre le prétendu manque à gagner et la violation alléguée n’a été démontré. En tout état de cause, les montants réclamés seraient excessifs et rien ne saurait les justifier.

    56.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité, sur la base des informations figurant au dossier, entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et elle rejette la demande y afférente. En revanche, compte tenu de la violation constatée en l’espèce, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 9 600 EUR au titre du préjudice moral.

    2  Frais et dépens

    57.  Notes d’honoraires à l’appui, le requérant demande 2 360 EUR pour les frais et dépens engagés devant le Tribunal constitutionnel et 3 540 EUR pour ceux afférents à la procédure devant la Cour.

    58.  Le Gouvernement estime les sommes réclamées manifestement excessives.

    59.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 5 900 EUR au titre des frais et dépens pour la procédure nationale et pour la procédure devant elle et l’accorde au requérant.

    3.  Intérêts moratoires

    60.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Décide, de joindre les deux Requêtes ;

     

    2.  Déclare les Requêtes no 53465/11 et no 9634/12 recevables quant au grief tiré de l’article 6 § 2 de la Convention et la Requête no 9634/12 irrecevable pour le surplus ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention dans le chef du premier requérant (Requête no 53465/11) ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention dans le chef du second requérant (Requête no 9634/12) ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au second requérant (Requête no 9634/12), dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i.  9 600 EUR (neuf mille six cents euros) pour dommage moral ;

    ii.  5 900 EUR (cinq mille neuf cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 février 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Stephen Phillips                                                                  Helen Jäderblom
            Greffier                                                                              Présidente


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