BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ULISEI GROSU v. ROMANIA - 60113/12 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fourth Section)) French Text [2016] ECHR 297 (22 March 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/297.html
Cite as: [2016] ECHR 297

[New search] [Contents list] [Printable RTF version] [Help]


     

     

     

    QUATRIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE  ULISEI GROSU c. ROUMANIE

     

    (Requête no 60113/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    22 mars 2016

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Ulisei Grosu c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

              András Sajó, président,
              Vincent A. De Gaetano,
              Boštjan M. Zupančič,
              Nona Tsotsoria,
              Paulo Pinto de Albuquerque,
              Egidijus Kūris,
              Iulia Antoanella Motoc, juges,
    et de
    Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er mars 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 60113/12) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ulisei Grosu (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 septembre 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

    3.  Le requérant allègue en particulier, qu’en le transportant à l’hôpital psychiatrique, les autorités l’ont irrégulièrement privé de sa liberté et ont méconnu son droit au respect de sa réputation.

    4.  Le 19 juin 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1958 et réside à Focşani.

    6.  Le 11 décembre 2010, le requérant s’était rendu dans le hall de la Maison de la Culture de Focşani afin de discuter avec l’un des représentants d’un parti politique qui devait se réunir ce jour-là dans le bâtiment en question. Pendant qu’il attendait l’arrivée de son interlocuteur, vers 14h, il fut appréhendé par des policiers présents sur place, qui, l’interrogeant sur sa présence sur place, se rendirent compte qu’il n’avait pas d’invitation pour participer à la manifestation en question ni de pièce d’identité sur lui et par conséquent l’informèrent qu’il devait se rendre au poste de police pour être identifié. Le requérant rétorqua :

    « Pourquoi devrais-je me rendre à la police, suis-je là pour mettre des bombes ? »

    7.  Une deuxième équipe de police arriva sur place pour prendre en charge le requérant et l’amener au poste de police où son identité fut vérifiée par l’un des policiers, tandis qu’il attendait avec l’autre dans la voiture de police. Environ vingt minutes plus tard et, selon les dires du requérant, sans aucune explication il fut transporté à l’hôpital psychiatrique de Focşani par une troisième équipe de police. Le procès-verbal rédigé par l’un des policiers qui l’avait accompagné à l’hôpital et qui fut présenté au médecin de garde, se lisait ainsi dans ses parties pertinentes :

    « Année 2010, mois 12, jour 11, à 14h30, à Focşani, Vrancea...

    Aujourd’hui, à la date et heure mentionnées ci-dessus, alors que nous étions dans l’exercice de nos fonctions, nous avons conduit Ulisei Grosu à l’hôpital psychiatrique ... Il a été appréhendé dans la Maison de la Culture par une équipe de police ... et a eu un comportement récalcitrant. Au même moment, [le requérant] a affirmé vouloir poser une bombe à la Maison de la Culture. Pour cette raison, il a été amené à l’hôpital psychiatrique.

    [Le requérant] ne présente pas de traces de violence sur son corps et n’a pas subi des violences. »

    8.  Le requérant fut examiné par un médecin de l’hôpital psychiatrique en question, qui estima qu’il n’y avait pas de raisons médicales de le faire interner. Cette mention fut enregistrée dans le registre des internements de l’hôpital à 14h35. Le requérant ayant également déclaré qu’il refusait l’internement, il fut autorisé à quitter l’hôpital. Le registre des internements porte la mention manuscrite « refus l’internement » de la main du requérant.

    9.  Le 21 février 2011, le requérant saisit le parquet près le tribunal départemental de Vrancea d’une plainte pénale contre les policiers qu’il accusait de l’avoir illégalement privé de sa liberté le 11 décembre 2010 et d’avoir commis un faux en écriture publique, en méconnaissance des articles 189 et 289 du code pénal. Il se plaignait également de T.N., un cadre dirigeant de parti politique, qui aurait instigué les policiers à le priver de sa liberté. Il faisait valoir que c’était à tort que les policiers avaient précisé, dans le procès-verbal dressé après l’incident, qu’il était agité et qu’il aurait affirmé qu’il allait poser une bombe. Le requérant soulignait que le seul motif pour lequel il avait été emmené de force par les policiers de la Maison de la Culture était qu’il avait auparavant envoyé une pétition aux parlementaires de son département, dénonçant certains abus des représentants du parti politique en question qui, craignant de nouvelles contestations, auraient donné l’ordre aux policiers de l’évacuer du bâtiment pendant le déroulement de la manifestation.

    10.  Trois policiers des équipes ayant conduit le requérant au poste de police et à l’hôpital déclarèrent devant le parquet que le requérant avait été écarté de la Maison de la Culture de Focşani et amené au siège de la police en raison de ce qu’il n’avait pas justifié de son droit de participer à la réunion qui s’y tenait, et du fait qu’il s’était agité et avait insinué y être présent pour poser une bombe. Un des policiers déclara aussi que le requérant aurait affirmé vouloir retourner à la Maison de la Culture pour poser la bombe.

    11.  Le requérant fut lui aussi entendu par le parquet le 27 avril 2011. Il expliqua qu’il avait été interpellé, le 11 décembre 2010, à la Maison de la Culture, par deux hommes qui, vu qu’il ne portait pas sa pièce d’identité, l’avaient confié à une équipe de police qui l’avait amené au bureau de police. Arrivé sur place, malgré son insistance, il n’avait pas été autorisé à sortir de la voiture de police, et n’avait pas été fouillé ni entendu au sujet de l’incident. Après 10-15 minutes d’attente, il avait été remis à une autre équipe de police qui, sans lui poser une question, l’avait transporté à l’hôpital psychiatrique. Interrogés par le médecin de service sur la raison de cette mesure, les policiers s’étaient consultés avec le commissariat et avaient ensuite rédigé un procès-verbal alléguant que le requérant aurait voulu poser une bombe à la Maison de la Culture. Le requérant précisa ensuite qu’il admettait que les deux premières équipes de police aient fait leur devoir, mais qu’il estimait que l’équipe qui l’avait transporté à l’hôpital psychiatrique avait agi illégalement. Le requérant indiqua qu’à ce stade de l’enquête, il ne souhaitait pas demander de dommages et intérêts.

    12.  Par une décision du 10 juin 2011, le parquet rejeta la plainte du requérant et rendit une décision de non-lieu à l’égard des policiers et de T.N. Il soulignait que les policiers qui avaient conduit le requérant au poste de police et ensuite à l’hôpital psychiatrique de Focşani avaient respecté la loi et avaient agi dans le cadre de leurs attributions, conformément à la loi no 487/2002 sur la santé mentale. Il nota que le requérant avait eu un comportement agressif le 11 décembre 2010 et que les policiers avaient estimé à juste titre qu’il devait être amené à l’hôpital psychiatrique afin d’être traité.

    13.  Sur plainte du requérant, cette décision fut confirmée le 15 juillet 2011 par le procureur hiérarchiquement supérieur du même parquet.

    14.  Par un jugement du 24 octobre 2011, le tribunal départemental de Vâlcea fit droit à la plainte du requérant et renvoya l’affaire au parquet pour qu’il complète son enquête initiale et qu’il ouvre des poursuites pénales à l’encontre des policiers pour privation illégale de liberté et pour faux en écritures publiques. En particulier, le tribunal estima que le parquet n’avait pas établi, en s’appuyant sur des preuves concluantes, la raison pour laquelle le requérant avait été éloigné de force du hall de la Maison de la Culture et transporté d’abord au poste de police et ensuite à l’hôpital psychiatrique.

    15.  Le parquet entendit à nouveau les policiers et le dirigeant du parti politique nommés par le requérant dans sa plainte. Il estima que les faits avaient été correctement établis lors de la première enquête et en réitéra les conclusions, notamment le fait que le requérant avait été conduit à l’hôpital parce qu’il était devenu agressif et que les policiers avaient estimé, à juste titre, qu’il pouvait être soigné à l’hôpital. Le procureur considéra que les policiers avaient agi dans le cadre de leurs compétences et en conformité avec les dispositions de la loi no 487/2002 sur la santé mentale. En conséquence, le 30 décembre 2011, le parquet rejeta à nouveau la plainte du requérant et rendit une nouvelle décision de non-lieu à l’égard des policiers et de T.N. Cette décision fut confirmée le 27 janvier 2012 par le procureur hiérarchiquement supérieur.

    16.  Par un jugement définitif du 26 mars 2012, le tribunal départemental de Vâlcea, dans une formation différente de celle qui avait siégé le 24 octobre 2011, rejeta la plainte du requérant contre les décisions du parquet, qu’il estima bien-fondées et conformes à la loi.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    17.  La loi no 487 du 11 juillet 2002 sur la santé mentale et la protection des personnes ayant des troubles psychiques (« la loi no 487/2002 »), dans sa version applicable à l’époque des faits, régissait l’internement non volontaire d’une personne. Elle prévoyait que l’internement non volontaire pouvait se faire à la demande de la police, entre autres en indiquant les circonstances ayant conduit à cette demande et les antécédents médicaux connus (article 47). La décision relative à l’internement non volontaire était susceptible d’un recours judiciaire « auprès du tribunal compétent selon la loi », formé par le malade ou par son représentant (article 54). Si le psychiatre considérait qu’il n’y avait pas de raisons d’interner la personne concernée, il ne devait pas la retenir en observation contre son gré et devait préciser la raison sur la fiche médicale (article 51).

    18.  Une présentation exhaustive de la législation en vigueur et de la pratique interne pertinente relative à la protection des personnes atteintes de troubles psychiques figure dans les arrêts C.B. c. Roumanie (no 21207/03, § 37, 20 avril 2010), Parascineti c. Roumanie (no 32060/05, §§ 25 et 29, 13 mars 2012) et Cristian Teodorescu c. Roumanie (no 22883/05, §§ 30-40, 19 juin 2012). La loi no 487/2002 a été amplement modifiée par la loi no 129/2012 puis republiée au Journal Officiel no 487 du 17 juillet 2012 (B. c. Roumanie (no 2), no 1285/03, §§ 51-52, 19 février 2013). Cette nouvelle version n’était pas en vigueur à l’époque des faits de l’espèce.

    19.  L’article 31 de la loi no 218 du 23 avril 2002 sur l’organisation et le fonctionnement de la police roumaine (« loi no 218/2002 ») est ainsi libellé :

    (1)  Dans l’exercice de ses fonctions prévues par la loi, l’agent de police est investi de l’exercice de l’autorité publique et a les droits et obligations principaux suivants :

    a)  de vérifier et d’établir l’identité des personnes qui ne respectent pas les lois ou contre lesquelles il y a des indices qu’elles se préparent à commettre ou ont déjà commis un acte illicite ;

    b)  de conduire au poste de police ceux qui, par leurs actions, mettent en danger la vie des autres, l’ordre public ou d’autres valeurs sociales ; à l’égard des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes illicites, dont l’identité n’a pu être établie selon la loi, le policier est autorisé à utiliser la force si les ordres qu’il a donnés ne sont pas respectés ; la vérification de l’identité de ces catégories de personnes et la prise des mesure légales se font dans un délai maximum de 24 heures, en tant que mesure administrative ;

    c)  d’inviter au poste de police les personnes dont la présence est nécessaire pour l’exercice des attributions de la police, en les informant en écrit de la raison et de la finalité de cette invitation ... »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

    20.  Le requérant allègue avoir été irrégulièrement privé de sa liberté le 11 décembre 2010 par des policiers qui l’ont transporté à l’hôpital psychiatrique de Focşani en vue de son internement forcé. Il invoque l’article 5 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

    « 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

    e)  s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ; (...). »

    A.  Sur la recevabilité

    1.  Incompatibilité ratione materiae

    a)  Position des parties

    21.  Le Gouvernement excipe d’abord de l’incompatibilité ratione materiae du grief avec la disposition de la Convention invoquée. Il estime que le requérant n’a pas été privé de sa liberté, au sens de l’article 5 de la Convention, pour les raisons suivantes. Ainsi, il fait valoir que le requérant a été évacué paisiblement du hall de la Maison de la Culture, dans des conditions qui n’ont pas pu intriguer le public. En outre, le requérant n’a pas été soumis à un internement forcé dans un hôpital psychiatrique, puisqu’il a été uniquement mis à la disposition d’un médecin en vue d’un examen spécialisé. Cet examen s’est déroulé dans un très court laps de temps, qui n’a pas dépassé ce qui était strictement nécessaire pour les investigations requises. À ce titre, le gouvernement rappelle que le requérant n’a passé que cinq minutes à l’hôpital, de 14h30, heure à laquelle a été rédigé le procès-verbal de la police, à 14h35, heure à laquelle a été remplie la fiche médicale du requérant. Après l’examen médical, le requérant était libre de quitter l’hôpital sans que la police ne l’accompagne.

    22.  Quant à la justification de cette mesure, le Gouvernement met en avant l’agitation du requérant ainsi que ses affirmations selon lesquelles il aurait posé une bombe, qui ont rendu nécessaire sa conduite à l’hôpital psychiatrique.

    23.  Le requérant argue qu’aucun élément du dossier ne soutient les allégations du Gouvernement selon lequel il aurait eu un comportement anormal envers les policiers, comportement qui aurait justifié son internement psychiatrique. Au contraire, les déclarations faites par les policiers démontrent qu’il a eu un comportement civilisé et qu’il a coopéré avec les forces de l’ordre. Qui plus est, il ne souffrait d’aucun trouble mental, et n’était pas enregistré dans les registres de l’hôpital psychiatrique ou ailleurs comme ayant de tels troubles.

    24.  Le requérant combat aussi la thèse du Gouvernement selon lequel il n’a été amené à l’hôpital qu’en vue d’un examen. Il rappelle aussi qu’il a été amené à écrire sur le registre médical de l’hôpital qu’il refusait son « internement » et non pas un simple contrôle.

    b)  Appréciation par la Cour

    i)  Principes généraux

    25.  Dans l’arrêt Stelian Roşca, la Cour a rappelé les critères selon lesquels elle établit si un individu a été privé de sa liberté (Stelian Roşca c. Roumanie, no 5543/06, §§ 54 et 59, 4 juin 2013 avec les références qui s’y trouvent citées ; et aussi Austin et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 39692/09, 40713/09 et 41008/09, § 57, CEDH 2012, réitéré plus récemment dans l’arrêt Lazariu c. Roumanie, no 31973/03, § 96, 13 novembre 2014; et Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, §§ 88-90, 23 février 2012) :

    « 54.  La Cour rappelle que, pour déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté » au sens de l’article 5, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la mesure considérée. Sans doute faut-il fréquemment, à cette fin, s’attacher à cerner la réalité par-delà les apparences et le vocabulaire employé...

    59.  La Cour rappelle également que, dans le contexte des griefs tirés de l’article 5 § 1 de la Convention, avant d’attribuer au Gouvernement la responsabilité de livrer un compte rendu horaire précis de ce qui s’est passé dans les locaux concernés et de s’expliquer quant au temps que le requérant y a passé, elle exige que le requérant produise des indices prima facie concordants de nature à démontrer qu’il se trouvait bien sous le contrôle exclusif des autorités au moment des faits. Si tel est le cas, c’est alors au Gouvernement qu’il revient de fournir des pièces satisfaisantes et convaincantes à l’appui de sa version des faits, faute de quoi la Cour peut en tirer des conclusions quant au bien-fondé des allégations du requérant. »

    ii)  Application en l’espèce de ces principes

    26.  La Cour note tout d’abord que le Gouvernement conteste le fait que le requérant aurait été sous le contrôle des autorités en vue d’un internement psychiatrique. Toutefois, la Cour observe que la loi sur la santé mentale ne donne pas compétence aux policiers pour transporter une personne à l’hôpital psychiatrique en vue d’un examen. La loi en cause traite uniquement du transport en vue d’un internement non volontaire. De même, le requérant n’étant pas sous le coup d’une accusation pénale, le code de procédure pénale donnant une telle compétence aux policiers dans des cas précis n’est pas applicable en l’espèce (voir, a contrario C.B., précité, § 49). Il s’ensuit que, selon les lois applicables en la matière, les policiers doivent être considérés comme ayant eu l’intention de faire interner le requérant.

    27.  En outre, se fondant sur les éléments du dossier, la Cour constate que pendant un certain laps de temps, le requérant s’est retrouvé sous le contrôle de la police, plus précisément à partir du moment où il a été emmené du hall de la Maison de la Culture, jusqu’au moment où il a été libre de partir de l’hôpital psychiatrique. Le Gouvernement avance les durées respectives de quinze minutes pour le contrôle au poste de police et cinq minutes pour l’examen psychiatrique effectif. Cependant, la Cour a déjà dit que la période à prendre en compte aux fins de l’application de l’article 5 § 1 comprend non seulement le temps nécessaire à l’hôpital pour examiner l’intéressé, comme le Gouvernement le soutient, mais commence à courir à compter du moment où le requérant a été interpellé par les policiers jusqu’au moment où il a été libre de quitter l’hôpital (voir, mutatis mutandis, Stelian Roşca, précité, § 60).

    28.  Certes, comme l’admettent les parties, le requérant est parti avec les policiers en vue de son identification au poste de police sans opposer de résistance à leur demande de les accompagner. Toutefois, cela ne change rien au fait qu’il se trouvait déjà à ce moment-là sous leur contrôle, car il ne pouvait pas librement choisir de ne pas les accompagner. Dès lors, même si la question de la légalité de la mesure ne se pose que s’agissant du transport à l’hôpital psychiatrique, la Cour prendra en considération l’intégralité de la période aux fins d’établir la durée pendant laquelle le requérant s’est trouvé sous le contrôle des autorités. De ce fait, vu la durée de temps écoulée, elle estime qu’il appartient au Gouvernement de livrer une chronologie précise de ce qui s’est passé et de s’expliquer quant au temps effectif que le requérant a passé sous le contrôle des autorités, en fournissant des pièces satisfaisantes et convaincantes à l’appui de sa version des faits (Stelian Roşca, précité, § 61).

    29.  En l’absence de telles justificatifs de la part du Gouvernement, et compte tenu des informations à sa disposition (paragraphes 6 et 8 ci-dessus) et du temps nécessaire pour le traitement administratif des divers opérations, la Cour estime que le requérant a dû passer au moins une quarantaine de minutes sous le contrôle de la police.

    30.  La Cour rappelle à cet égard que, dans d’autres affaires d’internement psychiatrique ou de mise en observation des requérants aux fins d’un examen psychiatrique, les organes de la Convention n’ont pas exclu l’applicabilité de l’article 5 § 1 au seul motif qu’il s’agissait de périodes de temps d’une durée brève (Stelian Roşca, précité, § 62, B. c. France, (déc.), no 10179/82, 13 mai 1987, et R.L. et M.-J.D. c. France no 44568/98, §§ 123-129, 19 mai 2004). De façon plus générale, il est de jurisprudence constante que l’article 5 § 1 s’applique également à une privation de liberté de courte durée (Shimovolos c. Russie, no 30194/09, §§ 48 et 50, 21 juin 2011, mais aussi Ostendorf c. Allemagne, no 15598/08, §§ 11, 12 et 105, 7 mars 2013, et Foka c. Turquie, no 28940/95, § 75, 24 juin 2008).

    31.  En outre, se penchant sur les autre critères énoncés dans la jurisprudence, la Cour note que le requérant a été interpellé par des policiers et a été privé de sa liberté au-delà de ce qui était nécessaire pour faire vérifier son identité et cela sans qu’aucune explication ne lui soit fournie. En outre, en l’absence de tout antécédent psychiatrique ou d’agitation, rien dans son comportement ne semblait justifier prima facie la nécessité d’une mesure aussi radicale que l’internement psychiatrique.

    32.  Pour ces raisons, la Cour estime que la situation examinée s’analyse en une « privation de liberté » au sens de l’article 5 § 1 de la Convention, qui trouve dès lors à s’appliquer (voir, mutati mutandis, Stelian Roşca, précité, § 62).

    33.  Il convient dès lors de rejeter l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

    2.  Non-épuisement des voies de recours internes

    a)  Position des parties

    34.  Le Gouvernement note que le requérant ne s’est pas opposé à sa conduite au poste de police pour vérification de son identité et qu’il ne s’est pas plaint de ces aspect devant les autorités internes. Il estime, dès lors, que cette partie du grief doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes.

    35.  Il observe en outre que le requérant ne s’est pas constitué partie civile dans la procédure pénale visant le caractère prétendument abusif de son transport à l’hôpital. Or, la procédure civile en dommages-intérêts, soit attachée à l’action pénale soit séparée, constitue une voie de recours effective pour ses griefs.

    36.  Le requérant rétorque qu’il ne disposait d’aucun autre recours effectif, une fois que la décision définitive du 26 mars 2012 a été rendue.

    b)  Appréciation par la Cour

    i)  Principes généraux

    37.  La Cour fait référence aux principes généraux en matière d’épuisement des voies de recours internes tels qu’ils ont été récemment réitérés dans Gherghina c. Roumanie ((déc.) [GC], no 42219/07, §§ 83-89, 9 juillet 2015, avec les références qui s’y trouvent citées), dont les plus pertinents en l’espèce se lisent comme suit :

    « 85.  L’obligation d’épuiser les recours internes impose aux requérants de faire un usage normal des recours disponibles et suffisants pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’ils allèguent. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. Pour pouvoir être jugé effectif, un recours doit être susceptible de remédier directement à la situation incriminée et présenter des perspectives raisonnables de succès.

    86.  Toutefois, rien n’impose d’user de recours qui ne sont ni adéquats ni effectifs. Cependant, le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne constitue pas une raison propre à justifier la non-utilisation du recours en question.

    87.  Cela étant, la Cour a fréquemment souligné qu’il faut appliquer la règle de l’épuisement des recours internes avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Elle a de plus admis que la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. »

    38.  L’article 35 § 1 impose aussi de soulever devant l’organe interne adéquat, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite devant la Cour (Vučković et autres c. Serbie (exception préliminaire) [GC], no 17153/11 et 29 autres requêtes, § 72, 25 mars 2014, avec les références qui s’y trouvent citées).

    39.  S’agissant plus particulièrement de l’examen de la légalité de la détention du requérant, la Cour a déjà statué sur le type de recours qui peut passer pour effectif (Włoch c. Pologne, no 27785/95, § 90, CEDH 2000-XI, récemment réaffirmé dans Delijorgji c. Albanie, no 6858/11, § 61, 28 avril 2015) :

    « ...lorsqu’est en jeu la légalité de la détention, une action en indemnisation dirigée contre l’État ne constitue pas un recours à épuiser parce que le droit de faire examiner par un tribunal la légalité de la détention et celui d’obtenir réparation d’une privation de liberté contraire à l’article 5 sont deux droits distincts. »

    ii)  Application en l’espèce de ces principes

    40.  Se tournant vers les circonstances concrètes de la présente espèce, la Cour observe tout d’abord que le requérant ne se plaint pas d’avoir été amené au poste de police, mais uniquement de son transport à l’hôpital psychiatrique. Dans ce contexte, l’argument du Gouvernement tiré du non-épuisement des voies de recours internes concernant le premier aspect n’est pas pertinent en l’espèce est ne sera pas examiné par la Cour.

    41.  S’agissant du transport à l’hôpital psychiatrique, la Cour note que le requérant a déposé une plainte pénale contre les policiers qui l’ont transporté à l’hôpital psychiatrique, qu’il accusait de détention illégale (paragraphe 9 ci-dessus). Son grief a été examiné par les autorités, procureur et tribunaux. La Cour arrive donc à la conclusion que le requérant a épuisé les recours effectifs en espèce. Le fait pour le requérant de ne pas avoir demandé la réparation du préjudice subi, soit devant le parquet, soit au moyen d’une action séparée devant les tribunaux civils ne permet pas d’arriver à une autre conclusion, dès lors qu’une telle démarche ne constitue pas un recours effectif pour la violation alléguée de l’article 5 § 1, contrairement à ce que soutient le Gouvernement (paragraphes 35 et 39 ci-dessus).

    42.  Il convient, dès lors, de rejeter l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

    3.  Sur le bien-fondé du grief

    43.  Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Observations des parties

    44.  Le requérant réitère que les arguments avancés par le Gouvernement pour justifier son transport à l’hôpital ne sont pas valables, vu son comportement civilisé et coopératif. Les allégations du Gouvernement selon lequel il aurait été agité, récalcitrant et aurait menacé de poser une bombe ne sont pas étayées par les éléments du dossier. Il note qu’il n’y a au dossier pénal aucune déclaration des policiers qui l’ont interpellé dans le hall de la Maison de la Culture qui seuls auraient pu attester de son comportement. D’ailleurs, le requérant souligne qu’il n’a été ni immobilisé ni fouillé par les policiers à la suite de la prétendue menace de bombe.

    45.  Le Gouvernement fait valoir que l’interpellation du requérant et son transport au poste de police étaient justifiés par le fait le requérant n’avait pas de pièce d’identité en sa possession et qu’il avait menacé d’utiliser une bombe. L’article 31 § 1 b) de la loi no 218/2002 donne aux policier le droit de prendre de telles mesures. Les vérifications n’ont pas dépassé un délai raisonnable, en l’occurrence environ quinze minutes. Le requérant lui-même a reconnu la légalité de ces mesures. Le Gouvernement estime que cette situation était justifiée sous l’angle de l’article 5 § 1 b) de la Convention.

    46.  En outre, le Gouvernement soutient que le requérant ne s’est vu à aucun moment soumis à une mesure d’internement forcé. Il a été conduit à l’hôpital psychiatrique en raison de son comportement étrange, notamment de son état d’agitation, de son comportement récalcitrant et de la menace d’utiliser une bombe. Les policiers ont pris cette mesure en vertu de l’article 56 § 1 d) de la loi no 487/2002 afin de le faire soumettre à un examen psychiatrique. Cet examen a été rapide et le médecin n’a pris aucune mesure restrictive de liberté à l’encontre du requérant.

    47.  Le Gouvernement estime que la mesure était conforme à la loi et prévisible ; il précise que la police coopère avec le ministère de la Santé afin de mettre en place un système adéquat d’application de la loi no 487/2002 et que les policiers sont formés dans le respect des droits fondamentaux des personnes faisant l’objet d’une enquête.

    48.  Le Gouvernement note enfin que les cas similaires celui de l’espèce ne sont pas fréquents en pratique et estime que les autorités nationales se sont dotées d’un éventail de garanties dans le but de prévenir l’application abusive ou arbitraire des dispositions de la loi no 487/2002 en matière de conduite d’une personne, par la police, dans un établissement psychiatrique.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Principes généraux

    49.  La Cour rappelle les principes généraux en la matière, tels qu’ils ont été établis dans sa jurisprudence constante et notamment dans l’arrêt Stelian Roşca, précité, §§ 65-66 (voir aussi Cristian Teodorescu, précité, § 59 et Herczegfalvy c. Autriche, 24 septembre 1992, § 63, série A no 244) :

    65.  ...l’article 5 § 1 requiert tout d’abord la « régularité » de la détention litigieuse, y compris l’observation des voies légales. En la matière, la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en respecter les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire.

    66.  À cet égard, la Cour rappelle que la première phrase de l’article 5 § 1 doit être comprise comme imposant à l’Etat l’obligation positive de protéger la liberté des personnes relevant de sa juridiction et que les expressions « prévue par la loi » et « selon les voies légales » visent donc la qualité de la loi qui constitue la base légale des mesures privatives de liberté les concernant. Il est donc essentiel, pour la Cour, que le droit interne soit prévisible dans son application et qu’il définisse clairement l’étendue des pouvoirs des autorités habilitées à ordonner une mesure privative de liberté ou à l’exécuter. »

    50.  De plus, la privation de liberté est une mesure si grave qu’elle ne se justifie que lorsque d’autres mesures, moins sévères, ont été considérées et jugées insuffisantes pour sauvegarder l’intérêt personnel ou public exigeant la détention. Il ne suffit donc pas que la privation de liberté soit conforme au droit national, encore faut-il qu’elle soit nécessaire dans les circonstances de l’espèce (Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000-III).

    b)  Application en l’espèce de ces principes

    51.  La Cour note tout d’abord que le Gouvernement avance comme base légale de la mesure prise contre le requérant l’article 56 de la loi sur la santé mentale. Il s’agit de l’article donnant aux policiers le droit de demander l’internement forcé d’une personne, article qui, dans la version applicable au moment des faits de l’espèce, était l’article 47 de la loi (paragraphes 17, 18 et 26 ci-dessus).

    52.  Selon les exigences de cette loi et de l’article 5 de la Convention, afin de procéder à l’internement, l’aliénation du requérant aurait dû être établie de manière probante le trouble aurait dû revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l’internement (Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 39, série A no 33, Chtoukatourov c. Russie, no 44009/05, § 114, CEDH 2008, Varbanov c. Bulgarie, no 31365/96, § 45, CEDH 2000-X et Cristian Teodorescu, précité, § 61). Or, le procès-verbal rédigé par le policier quelques minutes avant l’examen psychiatrique du requérant à l’hôpital ne fait mention d’aucun trouble grave, d’aucun antécédent psychiatrique ou violent du requérant et d’aucune recommandation faite par un médecin de faire contrôler en urgence l’état psychique du requérant (paragraphe 7 ci-dessus).

    53.  En effet, ce procès-verbal fait état d’un « comportement récalcitrant » sans pour autant fournir des détails aptes à établir la gravité de la situation de fait. Dans leurs déclarations devant le parquet, les policiers expliquent que le requérant s’était « agité » (paragraphe 10 ci-dessus). Ayant à l’esprit ces éléments de preuve, il est difficile de comprendre comment le parquet est arrivé à deux reprises à la conclusion que le requérant avait été agressif (décisions du parquet aux paragraphes 12 et 15 ci-dessus). Qui plus est, le Gouvernement, dans ses observations, reconnait que l’interpellation du requérant a été paisible et sans opposition de sa part (paragraphes 21 et 34 ci-dessus). Se fondant sur les éléments du dossier en sa possession, la Cour ne peut soutenir la thèse de l’agressivité du requérant. Sur ce point, la Cour déplore l’absence au dossier des déclarations des policiers ayant interpellé le requérant dans le hall de la Maison de la Culture, qui auraient pu éclaircir la situation entourant son interpellation.

    54.  La Cour estime ensuite que la façon dont les autorités ont réagi à la menace alléguée d’une bombe fait apparaitre sans le moindre doute qu’elles ne l’ont pas prise au sérieux. Ainsi le requérant n’a pas été fouillé, arrêté ni interrogé au sujet de ces allégations, et la Maison de la Culture n’a pas non plus été inspectée. Il s’ensuit qu’en l’absence de tout autre élément indiquant un trouble mental chez le requérant, cette menace alléguée ne peut justifier en soi son transport à l’hôpital psychiatrique.

    55.  La Cour note enfin que le requérant n’a pas eu l’opportunité de se présenter à l’hôpital, le cas échéant, de son propre gré en vue d’un examen psychiatrique (Varbanov c. Bulgarie, no 31365/96, § 47, CEDH 2000-X). En effet il n’a jamais été informé de la nécessité d’obtenir l’avis d’un psychiatre. Dans ces conditions, il ressort du dossier que les autorités n’ont pas établi qu’il aurait refusé de se faire examiner ni qu’elles auraient essayé d’employer d’autres moyens moins sévères avant de procéder au transport en vue d’un internement forcé (paragraphe 50 ci-dessus). La conduite du requérant à l’hôpital a été dès lors totalement arbitraire.

    56.  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la privation de liberté du requérant ne saurait passer pour « régulière » au regard de l’article 5 § 1 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    57.  Citant plusieurs dispositions de la Convention (les articles 3, 6, 9, 10 et 14 de la Convention), le requérant allègue avoir subi une atteinte à sa réputation en raison de ce qu’il a été pris de force, dans un endroit public, et amené à l’hôpital psychiatrique en vue de son internement, sans avoir troublé l’ordre public et malgré l’absence d’antécédents psychiatriques. Il considère que les agissements des policiers visaient à le compromettre aux yeux de l’opinion publique et étaient dus à la pression d’un cadre dirigeant d’un parti politique à la suite de la pétition qu’il avait envoyée à certains parlementaires en dénonçant les abus des représentants dudit parti avec le concours des fonctionnaires locaux. Il estime aussi que la procédure pénale faisant suite à sa plainte contre les policiers n’a pas été équitable et que son droit d’accès à des informations de caractère public a été indument restreint.

    58.  L’essentiel de ces allégations ont été communiquées au Gouvernement sous l’angle de l’article 8 de la Convention et les parties ont présenté leurs observations.

    59.  Eu égard toutefois aux faits de l’espèce, aux thèses des parties et aux conclusions formulées sous l’angle de l’article 5 de la Convention (paragraphe 56 ci-dessus), la Cour estime qu’elle a examiné les principales questions juridiques soulevées par la présente requête et qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur la recevabilité et le bien-fondé des autres griefs (voir, notamment, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 156, CEDH 2014, avec les références qui s’y trouvent citées).

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    60.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    61.  Le requérant réclame 4 000 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral causé par l’humiliation qu’il a subie.

    62.  Le Gouvernement soutient tout d’abord que le requérant n’a pas prouvé l’existence d’un lien de causalité entre les violations alléguées et le préjudice prétendument subi. Même à supposer le contraire, le Gouvernement estime que, compte tenu des circonstances de l’affaire, le constat d’une violation par la Cour constituerait une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral subi. Il expose enfin que la somme demandée par le requérant au titre du préjudice moral est exorbitante, compte tenu de la jurisprudence de la Cour.

    63.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 4 500 EUR au titre du préjudice moral.

    B.  Frais et dépens

    64.  Le requérant n’a pas demandé le remboursement des frais et dépens.

    C.  Intérêts moratoires

    65.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’Article 5 § 1 de la Convention ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé des griefs tirés des articles 3, 6, 9, 10 et 14 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 mars 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

         Fatoş Aracı                                                                          András Sajó
    Greffière adjointe                                                                       Président

     


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/297.html