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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> EVROPAIKAI DIAKOPAI-EUROPEAN HOLIDAYS A.E. v. GREECE - 44685/09 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section Committee)) French Text [2016] ECHR 351 (07 April 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/351.html Cite as: [2016] ECHR 351 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE EVROPAÏKAI DIAKOPAI-EUROPEAN HOLIDAYS A.E. c. GRÈCE
(Requête no 44685/09)
ARRÊT
STRASBOURG
7 avril 2016
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Evropaïkai Diakopai-European Holidays A.E. c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Ledi Bianku, président,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44685/09) dirigée contre la République hellénique et dont une société anonyme, ayant son siège dans cet État, Evropaïkai Diakopai-European Holidays A.E. (« la requérante »), a saisi la Cour le 31 juillet 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante a d’abord été représentée devant la Cour par Me Z. Fasoulas, décédé le 30 avril 2012, puis par le syndic en charge de sa liquidation. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État et Mme M. Vergou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.
3. Le 28 mars 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L ’ ESPÈCE
4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A. La genèse de l’affaire
5. Le 18 janvier 1977, la requérante conclut avec la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » un contrat par lequel cette dernière loua à la requérante, pour une période allant jusqu’au 30 novembre 1983 (prolongée au 30 novembre 1985), un complexe hôtelier, l’Alexander Beach, près du cap Sounion. Toutefois, il s’avéra qu’avant de conclure le contrat du 18 janvier 1977, la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » avait loué le même hôtel à une autre société, la « Xenodoheia Pyramis S.A. », pour une durée de neuf ans, et avec laquelle elle avait déjà un contentieux judiciaire. En exécution d’un jugement no 3931/1979 du tribunal de grande instance d’Athènes, rendu entre les sociétés « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » et « Xenodoheia Pyramis S.A. », la requérante fut évincée au profit de la société « Xenodoheia Pyramis S.A. ».
B. Procédures litigieuses
1. L’action de la requérante tendant à la reconnaissance de ses créances
6. Le 16 avril 1980, la requérante introduisit une action contre la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » devant le tribunal de grande instance d’Athènes pour dommages-intérêts.
7. Lors de l’audience du 5 juin 1980, cette dernière forma une demande reconventionnelle.
8. Le 16 septembre 1983, par une décision (no 12800/1983) avant dire droit, le tribunal de grande instance ordonna l’administration des preuves.
9. Le 21 mai 1986 par le jugement no 3288/1986, le tribunal de grande instance accueillit en partie l’action de la requérante et fit en partie droit à la demande reconventionnelle.
10. Les 26 juin et 31 juillet 1986 respectivement, la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » et la requérante interjetèrent appel contre ce jugement.
11. Le 10 novembre 1986, par l’arrêt no 9542/1986, la cour d’appel d’Athènes infirma le jugement en ce qui concernait les deux parties.
12. Le 19 janvier 1987, la requérante se pourvut en cassation.
13. Par un arrêt du 28 décembre 1988 (no 1940/1988), la Cour de cassation cassa l’arrêt de la cour d’appel, en ce qu’elle rejetait l’action de la requérante, et renvoya l’affaire devant la cour d’appel du Pirée. La date à laquelle ledit arrêt a été mis au net et certifié conforme ne ressort pas du dossier.
14. Le 17 février 1989, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience devant la cour d’appel du Pirée.
15. Le 18 mars 1990, par une décision avant dire droit (no 395/1990), cette juridiction déclara l’irrecevabilité de l’audience de l’affaire et reporta son examen jusqu’à la fin de la procédure de liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières », laquelle fut mise en liquidation, le 26 novembre 1987 (jugement no 4376/1987).
16. Entretemps, le 14 février 1990, le tribunal de grande instance d’Athènes mit fin à la procédure de liquidation de ladite société (jugement no 473/1990).
17. Le 4 juillet 1990, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience.
18. Il ressort du dossier que la procédure est encore pendante devant ladite juridiction.
2. Procédure relative à la première mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières »
19. Le 30 mars 1988, la requérante annonça sa créance à l’encontre de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » (έγγραφη αναγγελία), après la mise en liquidation de cette dernière le 26 novembre 1987. Cette créance n’a pas été reconnue par le syndic de liquidation.
20. Le 18 décembre 1989, la requérante saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une opposition tendant à faire reconnaître sa créance à l’encontre de ladite société.
21. Par un jugement du 21 mars 1990 (no 2444/1990), le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta l’opposition de la requérante comme irrecevable.
22. Le 30 mars 1990, la requérante interjeta appel contre ce jugement devant la cour d’appel d’Athènes.
23. Par une décision du 5 septembre 1990 (no 9680/1990), la cour d’appel infirma le jugement du 21 mars 1990 et ordonna la requérante à faire prouver par témoins la somme réclamée.
24. Le 7 juillet 1995, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience devant la cour d’appel d’Athènes, la révocation de la décision no 9680/1990 et précisa qu’elle limitait sa prétention à la somme accordée par le jugement du tribunal de grande instance d’Athènes du 21 mai 1986 (no 3288/1986), lequel était devenu entretemps, selon elle, définitif.
25. L’audience du 25 janvier 1996, fut ajournée sur demande de la société défenderesse pour le 19 septembre 1996.
26. Le 19 septembre 1996, l’audience devant la cour d’appel d’Athènes fut ajournée en raison des élections législatives.
27. Le 10 mars 1997, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience.
28. Le 5 mars 1998, par une décision avant dire droit, la cour d’appel d’Athènes rejeta la demande comme irrecevable (décision no 1750/1998). Elle considéra, qu’à supposer même que l’appel de la requérante du 31 juillet 1986 eût été encore pendant, l’irrecevabilité de la demande était le résultat de la mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières ». De plus, à supposer même qu’il s’agissait d’une réintroduction de l’appel contre le jugement no 2444/1990, la demande devait être déclarée irrecevable, faute d’avoir apporté par témoignage les preuves sollicitées par la cour d’appel. La demande de la requérante devait de toute manière être rejetée car l’appel du 31 juillet 1986 contre le jugement no 3288/86 du 21 mai 1986 était toujours pendant, suite à l’interruption de la procédure pour cause de faillite de la partie adverse.
29. Le 4 décembre 2000, la requérante se pourvut en cassation.
30. Le 9 septembre 2003, elle produisit une copie de son pourvoi et demanda la fixation de l’audience.
31. L’audience devant la Cour de cassation eut lieu, après l’ajournement de l’audience initiale du 24 janvier 2005, le 19 septembre 2005.
32. Le 24 octobre 2005, par une décision avant dire droit la Cour de cassation ajourna l’audience (décision no 1508/2005), la requérante n’ayant pas convoqué le syndic de liquidation.
33. Le 20 mars 2007, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience.
34. L’audience fixée au 3 mars 2008 fut ajournée.
35. Le 4 mars 2008, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle audience.
36. Par un arrêt du 12 janvier 2009 (mis au net et certifié conforme le 11 mars 2009) (no 43/2009), la Cour de cassation rejeta le pourvoi comme irrecevable, au motif que la décision de la cour d’appel attaquée n’était pas définitive et ne pouvait pas faire l’objet d’un pourvoi. Selon la Cour de cassation, en rendant cette décision, la cour d’appel ne s’était pas dégagée de l’affaire, notamment par rapport à l’appel du 30 mars 1990, car après la procédure de l’examen des témoins, l’examen de l’appel pouvait être poursuivi et un arrêt définitif rendu dans l’affaire.
3. Procédure relative au règlement amiable suite à la première mise en liquidation de société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières »
37. Entretemps, le 12 janvier 1990, eut lieu, à l’insu de la requérante, un règlement amiable - fictif selon la requérante - au profit de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » mise en liquidation. Ce règlement fut ratifié par un jugement du tribunal de grande instance d’Athènes le 14 février 1990 (no 473/1990), lequel mit fin également à la procédure de liquidation de cette dernière société.
38. Les 21 mars et 10 avril 1990, la requérante forma respectivement une tierce opposition contre ce règlement qu’elle dénonçait comme fictif, dolosif et nul, ainsi qu’une demande d’annulation dudit règlement devant le tribunal de grande instance d’Athènes.
39. Le 11 décembre 1990, après trois ajournements, la requérante demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience.
40. L’audience fut fixée, après deux ajournements, au 24 avril 1991.
41. Le 17 juillet 1991, le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta la tierce opposition ainsi que la demande de la requérante (jugement no 2601/1991).
42. Le 31 mars 1992, la requérante interjeta appel contre ce jugement devant la cour d’appel d’Athènes.
43. Le 9 février 1993, la requérante demanda la fixation d’une audience.
44. Le 29 octobre 1993, la cour d’appel infirma le jugement et ordonna un complément de preuves au moyen de témoignages (décision no 6735/1993).
45. Il ressort du dossier que la requérante ne fit aucune demande de fixation d’une nouvelle date d’audience.
4. Procédure relative à la seconde mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières »
46. Entretemps, le 3 juin 1993, la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » fut une nouvelle fois mise en liquidation (jugement no 1660/1993).
47. Le 12 octobre 1993, la requérante annonça sa créance à l’encontre de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières ».
48. Le 5 décembre 1994, la requérante déclara limiter sa prétention à la somme qui lui avait été reconnue par le jugement du tribunal de grande instance d’Athènes du 21 mai 1986 et lequel était devenu entretemps, selon elle, définitif. Ladite créance n’a pas été reconnue par le syndic de liquidation.
49. Le 3 janvier 1995, la requérante, saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une opposition tendant à faire reconnaître sa créance à l’encontre de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières ».
50. Le 22 avril 1996, le tribunal de grande instance d’Athènes par une décision avant dire droit (no 5963/1996) décida de surseoir à statuer jusqu’à la fin de la procédure à l’époque pendante devant la cour d’appel d’Athènes (décision no 9680/1990).
51. Il ressort du dossier que la procédure est pendante devant ladite juridiction.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
52. La loi no 4239/2014, intitulée « satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable de la procédure devant les juridictions pénales, civiles et la Cour des comptes », est entrée en vigueur le 20 février 2014. La loi précitée introduit, entre autres, un nouveau recours indemnitaire visant à l’octroi d’une satisfaction équitable pour le préjudice moral causé par la prolongation injustifiée d’une procédure devant les juridictions civiles. L’article 3 § 1 dispose:
« Toute demande de satisfaction équitable doit être introduite devant chaque degré de juridiction séparément. Elle doit être présentée dans un délai de six mois après la publication de la décision définitive de la juridiction devant laquelle la durée de la procédure a été, selon le requérant, excessive (...) »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
53. La requérante allègue que la durée des procédures a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Arguments des parties
54. Le Gouvernement procède à une analyse chronologique des procédures en cause et en distingue trois. Il soutient que toutes les procédures se sont déroulées de façon générale dans des délais raisonnables et que les autorités judiciaires ont fait preuve de la diligence requise. Par contre, rappelant que la procédure devant les juridictions civiles est régie par l’initiative des parties, il estime que certaines périodes d’inactivité considérables doivent être attribuées à la requérante. Plus précisément, il argue que le délai écoulé entre l’introduction de l’action de la requérante devant le tribunal de grand instance d’Athènes, le 16 avril 1980, et la décision no 12800/1983 de ladite juridiction, ainsi que celui entre cette dernière décision et le jugement no 3288/86, ne sauraient être attribués aux autorités. D’ailleurs, s’agissant de la procédure devant la Cour de cassation (terminée avec l’arrêt no 43/2009), il soutient qu’il faudrait déduire de la période à prendre en considération un délai de deux ans et neuf mois pendant lequel la requérante a tardé à introduire son pourvoi en cassation, après la publication de la décision no 1750/1998 de la cour d’appel, un délai de deux ans et dix mois pendant lequel elle a négligé de déposer une copie de son pourvoi au greffe de la Cour de cassation pour la fixation de la date d’audience, ainsi qu’un délai d’un an et cinq mois écoulé entre la publication de la décision no 1508/2005 de la Cour de cassation et la demande de fixation d’une nouvelle date d’audience par la requérante devant ladite juridiction. Il soutient en outre que la requérante est responsable du fait que sa créance ne lui a pas été reconnue de manière définitive jusqu’à ce jour, vu les démarches effectuées par elle auprès des autorités judiciaires. D’ailleurs, le Gouvernement considère qu’il s’agissait en l’espèce d’un cas particulièrement complexe, dans lequel plus d’une affaire a été examinée à tous les degrés de juridiction.
55. La requérante considère que la durée totale de la procédure commencée, selon elle, le 16 avril 1980 avec l’introduction de son action devant le tribunal de grande instance d’Athènes, et terminée le 11 mars 2009, date à laquelle l’arrêt no 43/2009 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme, s’est étalée sur trente ans environ et est, de ce fait, excessive.
B. Appréciation de la Cour
1. L’action de la requérante tendant à la reconnaissance de ses créances
a) Sur la recevabilité
56. La Cour constate qu’il ressort du dossier que la procédure devant la cour d’appel du Pirée sur renvoi de la Cour de cassation (arrêt no 1940/1988) est encore pendante devant ladite juridiction. Dès lors, ladite procédure entre dans le champ d’application de la loi no 4239/2014, qui est entrée en vigueur le 20 février 2014 et porte, entre autres, sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions civiles (voir paragraphe 52 ci-dessus).
57. Il s’ensuit que la requérante pourra exercer le recours prévu par ladite loi pour se plaindre de la durée de la procédure en cause. Il convient donc de rejeter ledit grief sous l’angle de l’article 6 § 1 pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, en ce qui concerne la procédure devant la cour d’appel du Pirée (voir Xynos c. Grèce, no 30226/09, 9 octobre 2014).
58. La Cour constate par ailleurs, que le grief tiré de l’article 6 § 1 concernant la partie restante de la procédure n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève également que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
b) Sur le fond
i. Période à prendre en considération
59. La période à considérer a débuté le 16 avril 1980, avec l’introduction de l’action devant le tribunal de grande instance d’Athènes par la requérante et s’est terminée le 28 décembre 1988, date à laquelle la Cour de cassation a rendu son arrêt no 1940/1988. Elle a donc duré huit ans et huit mois pour trois instances.
ii. Durée raisonnable de la procédure
60. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 47, 30 octobre 2012).
61. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Glykantzi c. Grèce, précité).
62. En l’espèce, la Cour observe que la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes a duré, à elle seule, six ans environ ; elle a commencé le 16 avril 1980 et a pris fin le 21 mai 1986. La Cour partage l’avis du Gouvernement que certains retards peuvent être attribués à une manque de diligence de la part de la requérante. Toutefois, même en tenant compte de ces retards, elle constate que le Gouvernement ne fournit aucune explication susceptible de justifier la durée de la période restante. Elle note que même dans les cas où, comme en l’espèce, la procédure est régie par le principe de l’initiative des parties, la notion du « délai raisonnable » exige que les tribunaux suivent aussi le déroulement de la procédure et soient attentifs lorsqu’il s’agit de consentir à une demande d’ajournement, de procéder à l’audition des témoins ou de surveiller les délais pour l’établissement d’un rapport d’expertise jugé nécessaire à sa décision (voir Tsirikakis c. Grèce, no 46355/99, § 43, 17 janvier 2002 et Litoselitis c. Grèce, no 62771/00, § 30, 5 février 2004).
63. Dans les circonstances de la cause, la Cour estime que la durée de la procédure a excédé le « délai raisonnable » et qu’il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
2. Procédure relative à la première mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières »
a) Sur la recevabilité
64. La Cour constate que le grief concernant la procédure relative à la première mise en liquidation de la société « Alexandros S.A Entreprises Hôtelières » n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
b) Sur le fond
i. Période à prendre en considération
65. La période à considérer a débuté le 18 décembre 1989, avec l’opposition introduite par la requérante devant le tribunal de grande instance d’Athènes et s’est terminée le 11 mars 2009, date à laquelle l’arrêt no 43/2009 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme, soit une durée de dix-neuf ans et trois mois environ pour trois instances de juridiction.
ii. Durée raisonnable de la procédure
66. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, § 47, 30 octobre 2012).
67. La Cour note que dans le cadre de la procédure en cause, la requérante a saisi le 18 décembre 1989, le tribunal de grande instance d’Athènes, qui a rendu son arrêt le 21 mars 1990. La Cour considère que ledit délai n’est pas incompatible avec les exigences du délai raisonnable de la procédure exigé par l’article 6 § 1 de la Convention.
68. Saisie par la requérante le 30 mars 1990, la cour d’appel s’est prononcée par décision avant dire droit le 5 septembre 1990 et, par la suite, après deux ajournements, le 5 mars 1998 a rejeté la demande de fixation d’audience de la requérante comme irrecevable. La Cour rappelle que la procédure devant les juridictions civiles est régie par le principe d’initiative des parties. Compte tenu du fait que la requérante a mis cinq ans environ après la décision no 9680/1990 du 5 septembre 1990, ainsi que plus de cinq mois après l’ajournement du 19 septembre 1996, à demander la fixation de nouvelles audiences, et que l’audience du 25 janvier a été ajournée sur demande de la société défenderesse, la Cour estime que lesdits délais ne sauraient être attribués aux autorités judiciaires. D’ailleurs, la Cour relève qu’à chaque fois que la requérante demandait la fixation d’une nouvelle audience, la cour d’appel la fixait dans des délais raisonnables. En outre, cette juridiction a rendu sa décision dans un délai d’un an à partir de la date de la demande de la requérante tendant à la fixation d’une nouvelle audience, après l’ajournement en raison des élections législatives. De l’avis de la Cour, un tel délai n’est pas déraisonnable.
69. Devant la Cour de cassation, la procédure a connu de nouveaux prolongements, en raison principalement du comportement de la requérante, qui a d’abord négligé de faire le nécessaire pour la fixation d’une date d’audience. Celle-ci n’a pu être fixée, après un ajournement, que le 19 septembre 2005 et a de nouveau été ajournée, car la requérante n’avait pas convoqué à l’audience le syndic de liquidation. Par la suite, la requérante a mis un an et cinq mois pour demander la fixation d’une nouvelle date d’audience. La Cour ne considère pas que lesdits délais puissent être attribués aux autorités judiciaires. Il en va de même du délai séparant l’arrêt du 5 mars 1998 de la cour d’appel et de la saisine de la Cour de cassation le 4 décembre 2000. D’ailleurs, quant au comportement des autorités judiciaires, la Cour estime qu’on ne saurait leur reprocher des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées. En effet, la Cour relève que la Cour de cassation a rendu son arrêt le 12 janvier 2009, à savoir moins d’un an après la demande de fixation d’une nouvelle audience le 4 mars 2008 par la requérante. Ladite audience, ainsi qu’une précédente du 3 mars 2008, finalement ajournée, ont été fixées dans des délais raisonnables, suite aux demandes y relatives de la requérante. Lesdits délais ne sont pas incompatibles avec les exigences du « délai raisonnable » de la procédure de l’article 6 § 1 de la Convention (voir aussi Liadis c. Grèce, no 16412/2, §§ 21-22, 27 mai 2004).
70. Eu égard à l’ensemble des éléments recueillis, et malgré la durée globale de la procédure, la Cour estime qu’il n’y pas eu dépassement du « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
71. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition à l’égard de la durée de la procédure en cause.
3. Procédures relatives au règlement amiable suite à la première mise en liquidation de société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières » et à la seconde mise en liquidation de ladite société
72. La Cour constate qu’en ce qui concerne la procédure relative à la seconde mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières », laquelle a commencé le 3 janvier 1995, avec la formation de l’opposition par la requérante devant le tribunal de grande instance d’Athènes, il ressort du dossier que cette procédure est encore pendante devant cette juridiction. S’agissant de la procédure relative au règlement amiable suite à la première mise en liquidation de ladite société, la Cour constate qu’il ressort du dossier que la procédure devant la cour d’appel d’Athènes est encore pendante devant celle-ci. Dès lors, lesdites procédures entrent dans le champ d’application de la loi no 4239/2014, qui est entrée en vigueur le 20 février 2014 et porte, entre autres, sur la satisfaction équitable au titre du dépassement du délai raisonnable d’une procédure devant les juridictions civiles (voir paragraphe 52 ci-dessus).
73. Il s’ensuit que la requérante pourra exercer le recours prévu par la loi pour se plaindre de la durée des procédures en cause. Il convient donc de rejeter lesdits griefs sous l’angle de l’article 6 § 1 pour non-épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, en ce qui concerne la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes relative à la seconde mise en liquidation de la société « Alexandros S.A. Entreprises Hôtelières », ainsi que la partie de la procédure devant la cour d’appel d’Athènes, relative au règlement amiable suite à la première mise en liquidation de ladite société (Xynos c. Grèce, no 30226/09, 9 octobre 2014).
74. S’agissant de la partie restante de la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes, relative audit règlement amiable, la Cour note que celle-ci a commencé le 21 mars 1990, avec la formation d’une tierce opposition par la requérante devant ladite juridiction et s’est terminée le 17 juillet 1991, date de la publication du jugement no 2601/1991 de ladite juridiction. Il s’ensuit que la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes a duré un an et quatre mois pour une instance.
75. En l’occurrence, la Cour considère que, si l’affaire ne présentait pas de difficulté particulière, cette durée d’un an et quatre mois n’est pas en soi déraisonnable pour une instance (voir Zacharis c. Grèce (déc.), no 32228/3/02, 14 décembre 2004 et Karambatsou c. Grèce (déc.), no 40138/09, 27 mars 2012). Enfin, la Cour ne relève aucune période d’inactivité ou de lenteur injustifiée qui serait imputable au comportement des autorités nationales compétentes.
76. Par conséquent, le grief sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention concernant la durée de la procédure restante en litige, soit celle qui s’est déroulée entre l’introduction de la tierce opposition et la publication du jugement no 2601/1991 doit être rejeté comme manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
77. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint que sa cause n’a pas été entendue équitablement et que les juridictions grecques ont commis des erreurs de fait et de droit. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, elle se plaint également que la somme que lui avait accordée le tribunal de grande instance d’Athènes, par son jugement du 21 mai 1986, ne lui a pas été versée et ne le sera pas dans un avenir proche, en raison des décisions judiciaires postérieures qui étaient erronées.
78. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des articles invoqués.
79. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée est doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
80. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
81. La requérante réclame 120 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 80 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subis.
82. Le Gouvernement conteste ces prétentions et estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.
83. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que la requérante a subi un tort moral certain en raison de la durée de la procédure qui a fait l’objet d’un constat de violation. Statuant en équité, elle lui accorde 2 800 euros (EUR) à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B. Frais et dépens
84. La requérante demande également 2 700 euros (EUR) pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour.
85. Le Gouvernement affirme que cette prétention est exorbitante et non justifiée. Elle invite la Cour à rejeter la demande au titre des frais et dépens.
86. La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).
87. La Cour constate que la requérante ne produit aucune facture, mais seulement une note de frais détaillée, dactylographiée, sur laquelle figure le montant réclamé. Compte tenu de l’absence de tout justificatif de la part de la requérante et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
88. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs concernant la durée de la procédure, qui a commencé le 16 avril 1980 et s’est terminée le 28 décembre 1988, ainsi que celle de la procédure, qui a commencé le 18 décembre 1989 et s’est terminée le 11 mars 2009 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à l’égard de la durée de la procédure commencée le 18 décembre 1989 et terminée le 11 mars 2009 ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à l’égard de la durée de la procédure commencée le 16 avril 1980 et terminée le 28 décembre 1988 ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois 2 800 EUR (deux mille huit cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû par la requérante à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 avril 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
André Wampach Ledi
Bianku
Greffier adjoint Président