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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> NORMA TELECOM S.R.L. v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 38503/08 (Judgment (Just Satisfaction) : Court (Second Section Committee)) French Text [2016] ECHR 424 (17 May 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/424.html Cite as: [2016] ECHR 424 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE
NORMA TELECOM S.R.L.
c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
(Requête no 38503/08)
ARRÊT
STRASBOURG
17 mai 2016
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Norma Telecom S.R.L. c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Nebojša Vučinić,
président,
Valeriu Griţco,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 avril 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 38503/08) dirigée contre la République de Moldova et introduite par une société de droit moldave, Norma S.R.L. (« la société requérante »). La requérante a saisi la Cour le 6 août 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un arrêt du 3 novembre 2011 (« l’arrêt au principal »), la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’exécution tardive des arrêts définitifs rendus en faveur de la société requérante (Norma S.R.L. c. Moldova [comité], no 38503/08, 3 novembre 2011).
3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la société requérante réclamait une satisfaction équitable au titre des préjudices matériel et moral, ainsi que le remboursement des frais et dépens.
4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et la société requérante à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 34, et point 3 du dispositif).
5. Aucun accord permettant d’aboutir à un règlement amiable n’a été trouvé.
6. Tant la société requérante que le Gouvernement ont déposé des observations.
7. Le 22 mai 2012, la société requérante a informé la Cour qu’elle avait changé son nom de Norma S.R.L. en Norma Telecom S.R.L.
EN DROIT
8. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
9. La société requérante réclame 7 171 653 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’elle aurait subi, composé du manque à gagner estimé et des intérêts moratoires connexes. Elle se fonde sur un rapport financier établi par le Centre national d’expertises judiciaires auprès du ministère de la Justice. L’estimation du manque à gagner prend en compte la période octobre 2006 - octobre 2009, et les intérêts moratoires sont calculés du 1er novembre 2009 au 31 janvier 2012. La société requérante réclame en outre 10 000 EUR pour le préjudice moral dont elle aurait eu à souffrir en raison du blocage de son activité pendant une période de plus de quatre ans.
10. Le Gouvernement considère qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les violations de la Convention constatées et le préjudice matériel réclamé. Il soutient que l’évaluation fournie par la société requérante est erronée et que celle-ci porte un caractère manifestement spéculatif. Quant au préjudice moral demandé, le Gouvernement estime que son montant est infondé et excessif.
11. La Cour note que, dans son arrêt au principal, elle a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de la non-exécution durant un an, huit mois et quinze jours des arrêts définitifs rendus en faveur de la société requérante. Par ces arrêts, les tribunaux nationaux avaient notamment enjoint aux autorités étatiques de reprendre l’exécution du contrat signé avec la société requérante ayant comme objet la conception, la fabrication et l’exploitation des câbles de fibre optique. La Cour rappelle que les arrêts en question ont été exécutés le 19 novembre 2009 (Norma S.R.L., précité, §§ 13 et 28).
12. Pour ce qui est du préjudice matériel réclamé, la Cour observe qu’il est constitué du manque à gagner que la société requérante aurait enregistré et des intérêts moratoires connexes. Compte tenu du fait que le rendement d’une société commerciale est fonction de plusieurs variables, elle estime qu’il ne lui appartient pas de se livrer à des spéculations sur les résultats de l’activité de la requérante en l’absence des violations constatées, ni à considérer le montant total des sommes que cette dernière aurait pu obtenir si son activité avait pu continuer normalement (voir, mutatis mutandis, Dragomir c. Roumanie, no 31181/03, § 27, 21 octobre 2008, et S.C. Bartolo Prod Com SRL et Botomei c. Roumanie, no 16294/03, § 60, 21 février 2012). Partant, elle rejette cette prétention.
13. Quant au dommage moral, la Cour admet que la société requérante a subi un tort moral certain à raison des violations constatées dans l’arrêt au principal. Statuant en équité, elle lui accorde 1 200 EUR à ce titre.
B. Frais et dépens
14. Concernant les frais et dépens engagés, la société requérante demande 4 253 EUR, somme qui représente les frais encourus pour l’élaboration des rapports financiers relatifs au préjudice matériel qu’elle aurait subi.
15. Le Gouvernement trouve que le montant demandé est dépourvu de fondement et excessif.
16. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu du fait que la prétention de la société requérante au titre du préjudice matériel n’a pas été accueillie (paragraphe 12 ci-dessus), elle juge qu’il convient également de rejeter la demande relative aux frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
17. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Dit
a) que l’État défendeur doit verser à la société requérante, dans les trois mois, 1 200 EUR (mille deux cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 mai 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley Naismith Nebojša
Vučinić
Greffier Président