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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> R.V. v. FRANCE - 78514/14 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fifth Section)) [2016] ECHR 628 (07 July 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/628.html Cite as: [2016] ECHR 628 |
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE R.V. c. FRANCE
(Requête no 78514/14)
ARRÊT
STRASBOURG
7 juillet 2016
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire R.V. c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Angelika Nußberger,
présidente,
Ganna Yudkivska,
Khanlar Hajiyev,
Erik Møse,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 juin 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 78514/14) dirigée contre la République française et dont un ressortissant russe, M. R.V. (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 décembre 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 4 du règlement).
2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représenté par Me S. Caminiti-Rolland, avocat à Nice. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. Le requérant allègue un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi dans son pays d’origine.
4. Le 23 décembre 2014, la requête a été communiquée au Gouvernement.
5. Eu égard aux conclusions de la Cour dans l’affaire I c. Suède (no 61204/09, §§ 40-46, 5 septembre 2013), la présente requête n’a pas été communiquée à la Fédération de Russie.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le requérant est né en 1987 et réside à Marseille.
A. Sur les faits tels qu’ils se sont déroulés avant son arrivée en France selon le requérant
7. Le requérant est un ressortissant russe originaire de Tchétchénie. En 2004, l’un de ses amis d’enfance, T.I., rejoignit un groupe armé de rébellion tchétchène, les « Boeviks ». Devenu en peu de temps le chef (« émir ») d’un groupe de cinq à six combattants, T.I. fut notamment chargé de tendre des embuscades, d’attaquer les colonnes militaires du secteur et de fabriquer des mines antichars.
8. Par crainte des représailles que sa famille pourrait subir, le requérant ne rejoignit jamais les Boeviks. Il hébergeait néanmoins son ami T.I. à chaque fois qu’il revenait dans son village et lui fournissait des vivres pour son groupe. Les deux amis communiquaient au moyen d’un téléphone portable et se servaient, entre eux, de noms de code, le requérant étant surnommé « I. ».
9. Le 20 août 2005, T.I. et son groupe furent dénoncés par une personne inconnue et, alors qu’ils se rendaient en ville pour remplacer les piles de leurs radios, ils furent accueillis par les forces de l’ordre. Après un échange de tirs nourris, plusieurs d’entre eux, dont l’ami d’enfance du requérant, décédèrent. Les militaires récupérèrent sur les corps des défunts leurs portables et notamment celui avec lequel T.I. communiquait avec le requérant. À la suite de cette découverte, un avis de recherche fut lancé contre le requérant.
10. Interpellé le 5 janvier 2006 sur une route à proximité de son village, le requérant fut frappé puis emmené cagoulé dans les locaux de l’OBR2 (un centre de garde à vue des autorités) à Grozny. Détenu pendant deux semaines, il fut interrogé, sous la torture, sur ses rapports avec T.I. et sur la localisation des autres membres du groupe. Il fut finalement relâché, à moitié mort, sur une route aux environs de Grozny et conduit par des passants à l’hôpital.
11. Le 5 mai 2006, le requérant fut à nouveau arrêté et conduit dans un endroit inconnu où il fut torturé. Il fut relâché au bout de dix jours après le paiement d’une rançon par sa famille.
12. Après cette détention, le requérant vécut sans encombres pendant un an et demi. Il se maria et reprit ses études.
13. Le 15 novembre 2007, des hommes de Ramzan Kadyrov (actuel président de la République de Tchétchénie) pénétrèrent à son domicile. Ils frappèrent violemment la femme du requérant, alors enceinte, et enlevèrent le requérant. La femme du requérant fut hospitalisée au Centre républicain Clinique de protection de la santé de la mère et de l’enfant de Grozny, où, comme en attestent deux certificats médicaux versés aux débats, elle accoucha prématurément le 22 novembre suivant d’un enfant qui décéda quelques jours après. Le requérant fut, quant à lui, séquestré et torturé. Pour mettre fin à ses souffrances et craignant des représailles sur sa famille, il reconnut ses liens passés avec T.I. et accepta de devenir un indicateur pour les forces de l’ordre. Il fut finalement relâché, le 9 décembre 2007, après le paiement d’une nouvelle rançon par sa famille. À son arrivée à son domicile, il trouva une convocation émanant de la direction de lutte contre le crime organisé (ROUBOP). Il comprit qu’en acceptant de devenir un « indic », sa sécurité était irrémédiablement compromise. Pris entre les « Kadyrovski » d’un côté qui ne le lâcheraient pas s’il ne coopérait pas et les Boeviks qui n’hésiteraient pas à l’éliminer s’il le faisait, il décida de fuir le pays pour la Pologne en se résignant à partir sans sa femme, toujours hospitalisée à cette époque et ne pouvant se déplacer.
14. À la frontière polonaise, des policiers saisirent le passeport du requérant et le conduisirent au camp de réfugiés de Dimbak pour déposer sa demande d’asile. Ayant appris que des « Kadyrovski » s’étaient infiltrés dans le camp pour identifier les tchétchènes recherchés par les autorités, le requérant préféra fuir le camp et partir pour la France.
B. Sur les faits tels qu’ils se sont déroulés après l’arrivée en France du requérant
15. Peu après son arrivée sur le territoire français le 20 janvier 2008, le requérant déposa une demande d’asile. Il produisit plusieurs documents à l’appui de sa demande, dont deux convocations le priant de se rendre dans les bureaux de la ROUBOP respectivement les 10 février et 10 mars 2008. Le 23 avril 2009, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejeta la demande d’asile du requérant aux motifs que ses déclarations étaient trop imprécises, voire contradictoires, et que les deux convocations ne présentaient pas de garanties suffisantes d’authenticité.
16. Le requérant interjeta appel de cette décision. Il fournit à cette occasion, outre les convocations précédemment mentionnées, plusieurs témoignages de proches et attestations d’organisations non gouvernementales confirmant son récit et un certificat médical. Ce dernier document, daté du 29 novembre 2010, émane d’un médecin légiste du centre hospitalier universitaire de Nice et indique :
« À ce jour, sur le plan clinique, j’ai constaté un état de tension nerveuse, des cicatrices contuses au niveau du crâne que le patient rapporte à des coups de crosse, ainsi qu’une cicatrice rectangulaire au niveau du membre inférieur gauche, rapportée à des coups de crosse. J’ai constaté par ailleurs des cicatrices plus fines, rapportées par le patient, à des plaies par arme blanche. Mes constatations cliniques sont compatibles avec les mécanismes qui m’ont été rapportés. »
17. Le 17 octobre 2011, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) confirma la décision de l’OFPRA en énonçant :
« Considérant toutefois que les déclarations de l’intéressé sont demeurées trop générales et imprécises pour emporter la conviction de la Cour quant à ses liens avec un combattant et qui seraient à l’origine des persécutions alléguées ; qu’en effet, il n’a été en mesure d’apporter aucune indication sur les activités de son ami en faveur des combattants tchétchènes et que ses déclarations sont demeurées très évasives sur l’aide qu’il aurait personnellement apportée à ce dernier ; que, par ailleurs, l’intéressé a livré un récit peu précis et insuffisamment circonstancié des arrestations dont il aurait été victime, et qu’il n’a apporté aucun élément convaincant sur les conditions dans lesquelles il aurait été détenu à trois reprises ; qu’ainsi, la réalité des soupçons de collusion avec la guérilla nord-caucasienne que les autorités russes nourriraient à son égard n’ont pas emporté la conviction de la cour ; que les deux convocations au ROUBOP versées au dossier ne présentent pas de garanties suffisantes d’authenticité ; que les divers témoignages produits par des proches, les attestations des organisations « Objektiv » et « Presse centre », ainsi que le certificat médical établi le 29 novembre 2010, ne permettent pas d’infirmer cette analyse, en l’absence de déclarations convaincantes ; qu’enfin, les articles de presse internet portant sur la mort de T.I. et sur la prolongation du conflit dans leur région d’origine ne permettent pas d’attester l’existence de craintes personnelles et actuelles du requérant en cas de retour en Tchétchénie ; (...) »
18. En parallèle, le requérant fut condamné à quatre reprises entre 2009 et 2010 pour des faits, notamment, de conduite de véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, circulation avec un véhicule sans assurance, conduite d’un véhicule à moteur sans permis. Interpellé en 2011 pour des faits de violence, il fut condamné, le 12 février 2013, à une peine de quatre ans d’emprisonnement.
19. Le 13 décembre 2011, un arrêté portant obligation de quitter le territoire fut pris à son encontre.
20. Au cours de sa détention, le requérant forma une demande de réexamen de sa demande d’asile en indiquant être toujours recherché par les autorités de son pays. Il rapporta que son père et son oncle avaient été convoqués par le ROUBOP le 3 novembre 2008 et interrogés à son sujet, et il fournit certaines de ces convocations. Outre les documents déjà produits lors de sa précédente demande d’asile, il versa à son dossier deux certificats médicaux émanant du « Centre républicain Clinique de protection de la santé de la mère et de l’enfant » et relatifs à l’hospitalisation de son épouse et à la naissance prématurée de son enfant en novembre 2007. Le premier certificat est ainsi libellé :
« Elle a été admise le 14 novembre 2007 à 11 heures au service de maternité du Centre républicain Clinique de protection de la santé de la mère et de l’enfant de la ville de Grozny. Le 22 novembre 2007 à 11 heures elle a accouché d’un enfant prématuré suite à des coups qu’elle avait reçus. »
Le second certificat indique, entre autres, que la femme du requérant a accouché d’un enfant prématuré le 22 novembre 2007. Le requérant produisit, par ailleurs, de nouvelles attestations de proches et d’organisations non gouvernementales confirmant ses dires. En particulier, il versa aux débats deux témoignages. Le premier, rédigé par une de ses voisines en Tchétchénie, se lit comme suit :
« En milieu de novembre 2007, à minuit, nous avons entendu des cris de secours, mais nous avons eu peur d’aller les aider. En regardant par la fenêtre, nous avons vu dans la cour des gens armés, en uniforme militaire et cagoulés. J’attendis leur départ, pour sortir et aller chez eux. Je suis rentrée chez eux et j’ai vu L. [la femme du requérant] allongée sur le sol sans connaissance. Son mari avait été enlevé et emmené vers une destination inconnue. J’ai appelé l’urgence, L. avait été emmenée sans connaissance à l’hôpital. Après quelques jours, elle a donné naissance à un prématuré de six mois. Douze jours après, elle a perdu son enfant. (...) »
Le second émane de la mère de la femme du requérant, celle-ci indique :
« En novembre 2007 ma fille a eu un choc nerveux très important, elle a subi des violences physiques. Suite à cela elle a accouché d’un enfant prématuré et a été hospitalisée. Son mari a dû quitter la Tchétchénie, ma fille est rentrée à la maison chez moi. Nous avons pensé qu’on allait laisser ma fille tranquille mais en 2008 les militaires sont venus nous voir pour nous interroger sur l’endroit où pourrait se trouver notre gendre. (...) »
21. L’OFPRA, le 7 juin 2013, puis la CNDA, le 17 avril 2014, rejetèrent la demande de réexamen, estimant que le requérant n’invoquait aucun fait nouveau.
22. À sa sortie de prison, le 3 décembre 2014, le requérant se vit notifier deux arrêtés, l’un portant obligation de quitter le territoire et l’autre ordonnant son placement en rétention, qu’il contesta immédiatement. Par un jugement du 6 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille rejeta son recours, estimant que les documents produits, antérieurs à 2007 en ce qui le concernait, n’établissaient pas la réalité de la menace actuelle, en cas de retour en Fédération de Russie, de subir des traitements inhumains ou dégradants. Le requérant interjeta appel de ce jugement, son recours est actuellement pendant.
23. Il sollicita, à l’occasion de son placement en rétention, le 8 décembre 2014, le réexamen de sa demande d’asile en faisant état de l’interpellation de son père, le 4 décembre précédent, du fait des accusations portées contre lui. Par une décision du 19 décembre 2014, confirmée en appel le 11 juin 2015, l’OFPRA rejeta son recours.
24. Le 22 décembre 2014, le requérant saisit la Cour d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement. Le lendemain, le juge faisant fonction de président de la section à laquelle l’affaire fut attribuée décida d’indiquer au Gouvernement français, en application de la disposition précitée, de ne pas renvoyer le requérant vers la Fédération de Russie pour la durée de la procédure devant la Cour.
25. Le 10 mai 2016, la cour administrative d’appel, statuant sur appel du requérant, confirma le jugement du 6 décembre 2014. S’agissant des risques tirés de l’article 3 de la Convention, elle jugea que « le témoignage écrit du père du requérant, le certificat d’un psychiatre mentionnant un état traumatique et la lettre traduite de l’agence « Objectiv », agence indépendante d’information et d’analyse située à Grozny, ne sauraient suffire à établir la réalité d’une menace personnelle en cas de retour en Russie alors, par ailleurs, que la demande d’asile formulée par l’intéressé a été rejetée à deux reprises par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d’asile ».
II. DONNÉES INTERNATIONALES
26. Il est renvoyé à cet égard aux données internationales recensées dans l’arrêt M.V. et M.T. c. France (no 17897/09, §§ 23-25, 4 septembre 2014).
27. Les données plus récentes disponibles confirment que la situation dans la région du Nord Caucase demeure très instable en raison des conflits persistants entre les forces gouvernementales et les membres de la lutte armée de résistance tchétchène. Dans un rapport intitulé “United Kingdom: Foreign and Commonwealth Office, Human Rights and Democracy Report –Russia” publié le 12 mars 2015, le Foreign and Commonwealth Office britannique relève :
“There were also reports of grave human rights violations committed by state security forces, including allegations of extrajudicial killings, torture and disappearances (...)”
De même, le Département d’État américain, dans son United States Country Reports on Human Rights Practices – Russia, publié le 27 février 2015 note :
“The government failed to take adequate steps to prosecute or punish most officials who committed abuses, resulting in a climate of impunity. Rule of law was particularly deficient in the North Caucasus, where conflict among government forces, insurgents, Islamist militants, and criminal forces led to numerous human rights abuses, including killings, torture, physical abuse, and politically motivated abductions.
(...)
Government forces engaged in the conflict in the North Caucasus reportedly tortured and otherwise mistreated civilians and participants in the conflict (see section 1.g.).
(...)
Politically motivated disappearances in connection with the conflict in the Northern Caucasus continued (see section 1.g.).”
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
28. Le requérant allègue que la mise à exécution de la mesure de renvoi à son encontre l’exposerait à un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
29. Le Gouvernement soutient, en premier lieu, que la requête est irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours internes. Il reproche au requérant de n’avoir pas formé de pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre les décisions de la CNDA des 17 octobre 2011 et 17 avril 2014.
30. Le Gouvernement fait ensuite valoir que la requête est prématurée, les recours contre la décision de l’OFPRA du 18 décembre 2014 et contre le jugement du tribunal administratif du 6 décembre 2014 étant toujours pendants.
31. Le requérant argue que, s’agissant d’une demande d’asile et de griefs tirés de l’article 3 de la Convention, un pourvoi devant le Conseil d’État ne constitue pas un recours utile. Il souligne ensuite que la CNDA a statué le 11 juin 2015 sur son recours contre la décision de l’OFPRA.
32. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux personnes désireuses d’intenter une action devant la Cour l’obligation d’utiliser auparavant les recours qui sont normalement disponibles dans le système juridique de leur pays et suffisants pour leur permettre d’obtenir le redressement des violations qu’elles allèguent. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. L’article 35 § 1 impose aussi de soulever devant l’organe interne adéquat, au moins en substance et dans les formes prescrites par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite, mais il n’impose pas d’user de recours qui sont inadéquats ou ineffectifs (voir Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, §§ 51‑52, Recueil des arrêts et décisions 1996‑VI, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, §§ 65-67, Recueil 1996‑IV, et Khachiev et Akaïeva c. Russie, nos 57942/00 et 57945/00, § 116, 24 février 2005).
33. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un grief selon lequel l’expulsion de l’intéressé l’exposerait à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, compte tenu de l’importance que la Cour attache à cette disposition et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, l’effectivité d’un recours au sens de l’article 13 demande impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale (Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie, no 36378/02, § 448, CEDH 2005‑III), un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 (Jabari c. Turquie, no 40035/98, § 50, CEDH 2000‑VIII) ainsi qu’une célérité particulière (Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 136, CEDH 2004‑IV (extraits)). Dans ce cas, l’effectivité requiert également que les intéressés disposent d’un recours de plein droit suspensif (Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 66, CEDH 2007‑II, et Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, § 200, CEDH 2012).
34. La Cour constate que le recours formé contre la décision de l’OFPRA du 18 décembre 2014 a fait l’objet d’une décision de la CNDA le 11 juin 2015. Elle observe en outre que les recours évoqués par le Gouvernement sont tous dépourvus d’effet suspensif. Ils ne peuvent donc être considérés comme efficaces au sens de la jurisprudence précitée. Il convient dès lors de rejeter l’exception préliminaire du Gouvernement tirée de l’absence d’épuisement des voies de recours internes.
35. La Cour constate par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Observations des parties
36. Le requérant indique que la requête précise, par erreur, qu’il a été arrêté une troisième fois le 22 novembre 2007, date qui correspond en réalité à celle du décès de son fils. La date de son arrestation, le 15 novembre 2007, est notamment confirmée par diverses attestations émises par l’Agence Objectiv et dont l’auteur est une autorité en matière de lutte en faveur des droits de l’homme en Tchétchénie. Selon le requérant, le fait qu’il ait été arrêté à plusieurs reprises, avec plusieurs mois d’intervalles, s’explique par la situation prévalant en Tchétchénie où les arrestations arbitraires sont fréquentes. Il précise que, lors de sa dernière arrestation, il a été interrogé sur les personnes qui combattaient aux côtés de son ami T.I. et sur la localisation de leur base.
37. Le requérant dit être très méfiant en raison de son vécu particulièrement douloureux et des kadyrovskis infiltrés qu’il a rencontrés en Pologne, d’où sa réticence à initier toute démarche pouvant l’exposer. Les souffrances endurées en France du fait des mauvais traitements subis en Tchétchénie étant essentiellement psychologiques, il ne ressentit pas le besoin de consulter un médecin jusqu’en novembre 2010. Il rappelle qu’il fournit un certificat médical attestant que ses lésions sont compatibles avec les faits déclarés, que sa condamnation concerne des faits de violences datant de 2011 et qu’auparavant, aucun fait de violence ne lui a jamais été imputé.
38. Bien qu’ayant accepté, sous la torture, de devenir un indicateur pour les autorités tchétchènes, le requérant dit n’avoir eu aucune intention de tenir sa promesse car il craignait qu’en le devenant, il n’expose sa vie et celle de sa famille aux menaces des combattants rebelles. Or, il savait qu’en ne fournissant aucune information au ROUBOP, il aurait été sans nul doute torturé et tué. Il quitta son pays, en laissant derrière lui, la mort dans l’âme, son épouse, hospitalisée et ne pouvant se déplacer, mais en prévoyant de la faire venir auprès de lui le plus rapidement possible.
39. Le requérant expose que les recherches des autorités à son encontre n’ont jamais cessé, ce qui explique pourquoi des convocations lui sont régulièrement adressées. Son père est contraint de fuir de ville en ville, profitant parfois d’accalmies dans les recherches pour s’établir plus longtemps. Le requérant relate également que plusieurs jeunes tchétchènes, réfugiés en France, sont rentrés récemment clandestinement en Tchétchénie pour combattre le pouvoir en place. Pour cette raison, les autorités auraient accéléré les recherches concernant certains jeunes ayant fui la Tchétchénie, dont lui-même.
40. Le requérant fait valoir que l’une de ses sœurs a obtenu le statut de réfugiée en France.
41. Le requérant signale que, condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement le 12 février 2013 et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, il avait la possibilité de solliciter à mi-peine une « libération conditionnelle expulsion » qui lui aurait permis d’éviter de purger environ deux ans d’emprisonnement s’il avait consenti à son expulsion dans son pays d’origine.
42. Tout en reconnaissant le caractère préoccupant de la situation prévalant actuellement dans les républiques nord-caucasiennes de la Fédération de Russie, le Gouvernement estime que cela ne suffit pas, en soi, à générer un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de renvoi et qu’il appartient au requérant de démontrer que sa situation personnelle l’expose à un tel risque. Or, selon lui, le récit du requérant est émaillé d’incohérences qui permettent de douter de la véracité de ses allégations.
43. Le Gouvernement attire tout d’abord l’attention de la Cour sur la chronologie des faits rapportés. Alors que le requérant soutient dans sa requête avoir été arrêté pour la troisième fois le 22 novembre 2007, plusieurs pièces du dossier, dont l’attestation de sa mère et le document émanant de l’organisation régionale Press Centre, datent l’arrestation au 15 novembre 2007. De plus, les pièces médicales relatives à l’accouchement prématuré et au décès de l’enfant font état d’une admission à l’hôpital de son épouse le 14 novembre 2007, soit antérieurement à l’arrestation et aux violences invoquées.
44. Le Gouvernement s’étonne ensuite au vu des sévices relatés que le requérant, pourtant arrivé en France le 20 janvier 2008, ait attendu le 29 novembre 2010 pour se rendre à l’hôpital pour faire constater ses blessures. Le fait d’ailleurs qu’il n’ait consulté aucun médecin antérieurement jette, selon lui, un doute sur la réalité des souffrances endurées. Le Gouvernement considère que le certificat médical délivré ne permet pas d’établir avec certitude que les cicatrices constatées sur le corps du requérant et les troubles psychologiques qu’il présente soient liés aux violences subies pendant les détentions et ce, alors même que le requérant a été condamné en 2011 pour des faits de violence commis sur le territoire français.
45. S’intéressant plus particulièrement aux conditions de départ du requérant, le Gouvernement trouve improbable le fait que le requérant ait quitté son pays en laissant son épouse qui avait pourtant été brutalisée et qui avait perdu son enfant. Il ne comprend pas non plus pourquoi le requérant dit avoir été alarmé par la convocation du ROUBOP. Ayant été précédemment relâché après avoir promis aux autorités de devenir l’un de leurs indicateurs, le requérant ne pouvait donc pas craindre une telle convocation.
46. Le Gouvernement considère peu crédible le fait que le requérant attire encore l’attention des autorités et fasse l’objet de convocations plusieurs années après son départ. Il estime également douteux que son père soit la cible des autorités. Son père avait été arrêté le 3 novembre 2008 par des militaires venus à son domicile et, dans deux attestations des 11 septembre 2013 et 5 décembre 2014, il n’apporte aucune explication à cette arrestation.
47. Le Gouvernement rappelle que l’OFPRA et la CNDA ont examiné à plusieurs reprises les craintes alléguées par le requérant et les ont considérées infondées. Il en a été de même pour les demandes d’asile présentées par son épouse, sa tante et sa mère. Quant à la sœur du requérant qui a obtenu le statut de réfugiée, le Gouvernement fait valoir que les motifs pour lesquels ce statut lui a été conféré ne sont pas connus. Il rappelle que le principe de l’unité familiale ne joue pas entre les frères et sœurs et n’a vocation à s’appliquer qu’au conjoint du réfugié statutaire et à ses enfants, à son concubin ou encore à l’ascendant incapable et dépendant du réfugié.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
48. La Cour se réfère aux principes applicables en la matière (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, §§ 124-125, CEDH 2008, et M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, CEDH 2011).
49. En particulier, la Cour considère qu’il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il serait exposé à un risque de traitements contraires à l’article 3 si la mesure incriminée était mise à exécution (Saadi, précité, § 129). Sur ce point, la Cour reconnaît que, eu égard à la situation particulière dans laquelle se trouvent souvent les demandeurs d’asile, il est fréquemment nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l’on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents qui les appuient (F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, § 113, 23 mars 2016). Toutefois, lorsque des informations sont soumises qui donnent de bonnes raisons de douter de la véracité des déclarations du demandeur d’asile, il incombe à celui-ci de fournir une explication satisfaisante pour les incohérences de son récit (voir, notamment, N. c. Suède, no 23505/09, 20 juillet 2010, Hakizimana c. Suède (déc.), no 37913/05, 27 mars 2008, et Collins et Akaziebie c. Suède (déc.), no 23944/05, 8 mars 2007). La Cour rappelle également que lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre, en principe, pas dans ses attributions de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux (F.G.c. Suède, précité, § 118).
50. En outre, l’existence d’un risque de mauvais traitements doit être examinée à la lumière de la situation générale dans le pays de renvoi et des circonstances propres au cas de l’intéressé. Lorsque les sources dont la Cour dispose décrivent une situation générale, les allégations spécifiques du requérant doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve (Saadi, précité, §§ 130-131).
51. Enfin, s’il convient de se référer en priorité aux circonstances dont l’État en cause avait connaissance au moment de l’expulsion, la date à prendre en compte pour l’examen du risque encouru est celle de la date de l’examen de l’affaire par la Cour (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 86, Recueil 1996 V, F.G.c. Suède précité, § 115).
b) Application de ces principes au cas d’espèce
52. Concernant la situation générale dans la région du Nord Caucase, dans son arrêt M.V. et M.T. c. France (précité, § 39), la Cour a constaté que, bien que soient rapportées de graves violations des droits de l’homme en Tchétchénie, la situation n’était pas telle que tout renvoi en Fédération de Russie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.
53. À cet égard, la Cour rappelle qu’il ressort des rapports internationaux que sont particulièrement à risque certaines catégories de la population du Nord Caucase et plus spécialement de Tchétchénie, d’Ingouchie ou du Daghestan, telles que les membres de la lutte armée de résistance tchétchène, les personnes considérées par les autorités comme tels, leurs proches, les personnes les ayant assistés d’une manière ou d’une autre ainsi que les civils contraints par les autorités à collaborer avec elles. Dans ce contexte, comme la Cour l’a rappelé dans l’arrêt M.V. et M.T. c. France (précité, § 40), l’appréciation du risque pour un requérant doit se faire sur une base individuelle, mais en ayant à l’esprit le fait que les personnes présentant un profil correspondant à l’une des catégories susmentionnées sont plus susceptibles que les autres d’attirer l’attention défavorable des autorités.
54. La Cour ne voit pas de raison de se départir d’une telle conclusion. Elle doit donc déterminer si le renvoi d’un requérant en Fédération de Russie entraînerait, dans le cas particulier de l’espèce, un risque réel de mauvais traitements au sens de l’article 3 de la Convention.
55. En l’espèce, le requérant allègue avoir été détenu et torturé à plusieurs reprises en raison de ses liens avec un membre de la rébellion tchétchène, et dit être toujours recherché par les autorités.
56. La Cour constate que le requérant présente un récit circonstancié, crédible au regard des données internationales disponibles et étayé par de nombreuses pièces documentaires. Elle relève, en particulier, qu’il verse aux débats un certificat médical du 29 novembre 2010, rédigé par un médecin légiste, qui relève la présence de plusieurs cicatrices sur son corps et qui déclare que ces lésions sont compatibles avec les sévices rapportés. La Cour estime cet élément suffisant pour rendre vraisemblables les événements relatés par le requérant et les tortures subies. Elle observe que celui-ci produit, en outre, plusieurs convocations devant le ROUBOP, certaines lui étant adressées personnellement, la dernière étant datée du 12 décembre 2012, et d’autres étant destinées à son oncle et à son père.
57. La Cour note toutefois les réserves émises par le Gouvernement au regard des nombreux examens de sa situation dont a bénéficié le requérant, ainsi que les incohérences qu’il relève dans le récit de ce dernier.
58. La Cour considère qu’en règle générale, les autorités nationales sont les mieux placées pour apprécier non seulement les faits mais, plus particulièrement, la crédibilité des témoins, car ce sont elles qui ont eu la possibilité de voir, examiner et évaluer le comportement de la personne concernée (R.C. c. Suède, no 41827/07, § 52, 9 mars 2010, M.E. c. Suède, no 71398/12, § 78, 26 juin 2014, et F.G. c. Suède précité, § 118). Or, en l’espèce, ces autorités ont considéré qu’elles ne pouvaient tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées. La Cour relève néanmoins que les éléments apportés par le requérant lors de sa première demande d’asile – tant son récit que les preuves documentaires – furent écartés par l’OFPRA au moyen d’une motivation succincte. L’OFPRA débouta, en effet, le requérant en se basant uniquement sur l’imprécision générale de ses déclarations et sur l’absence de garanties suffisantes d’authenticité des convocations produites, sans indiquer les motifs fondant ses suspicions. La Cour observe que la décision de la CNDA est plus motivée. En particulier, elle reproche au requérant de ne pas donner d’indications concernant tant les activités de son ami en faveur des combattants tchétchènes, que les modalités de l’aide qu’il a apportée à ce dernier et que ses différentes arrestations. La Cour constate cependant que le requérant a, devant elle, fourni un récit particulièrement circonstancié, notamment sur ces points. La CNDA a, par ailleurs, estimé, sans s’expliquer plus avant, que les convocations produites ne présentaient pas de garanties suffisantes d’authenticité et que les autres documents fournis ne permettaient pas d’attester l’existence de craintes personnelles et actuelles du requérant en cas de retour en Tchétchénie. S’agissant des demandes de réexamen, les instances de l’asile les déclarèrent irrecevables, faute pour le requérant d’avoir présenté des éléments nouveaux de nature à justifier ses craintes en cas de retour dans son pays. Le tribunal administratif se limita, quant à lui, à décider qu’au vu des documents produits, le requérant n’établissait pas l’actualité du risque allégué en cas de retour en Russie. Il en résulte que la Cour ne trouve pas d’éléments suffisamment explicites dans ces motivations des instances nationales pour écarter le récit du requérant et rejeter sa demande (voir, en ce sens, K.K. c. France, no 18913/11, § 52, 10 octobre 2013 ; N.K. c. France, no 7974/11, § 45, 19 décembre 2013).
59. La Cour estime cependant important d’examiner les incohérences soulevées par le Gouvernement.
60. En particulier, celui-ci signale l’existence d’une pièce fournie par le requérant et en contradiction avec le récit de ce dernier. Un certificat émanant du « Centre républicain Clinique de protection de la santé de la mère et de l’enfant », dont seule la traduction est fournie, indique en effet que la femme du requérant a été admise à l’hôpital le 14 novembre 2007 alors que le requérant a toujours déclaré qu’il avait été arrêté à son domicile le 15 novembre 2007 et que sa femme avait été si violemment battue à cette occasion qu’elle avait dû être conduite à l’hôpital où elle avait accouché prématurément. La Cour relève néanmoins, d’une part, que ce document atteste de ce que la femme du requérant a accouché prématurément le 22 novembre 2007 à la suite de coups et, d’autre part, que plusieurs témoignages produits par le requérant font le lien entre l’arrestation du requérant à son domicile en novembre 2007 et les coups ayant entraîné l’accouchement prématuré de sa femme (voir paragraphe 20). La Cour constate que les autorités nationales n’ont pas envisagé la possibilité d’une simple erreur matérielle sur le certificat médical ou sur la traduction de ce document. Aussi, sans négliger l’observation du gouvernement sur ce point, la Cour l’inclut dans une appréciation globale de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis.
61. La Cour observe, en outre, que, dans ses observations complémentaires, le requérant répond aux différentes interrogations soulevées par le Gouvernement sur d’autres points. Il précise ainsi les raisons pour lesquelles il est parti de Russie sans sa femme et celles pour lesquelles il n’a pas consulté immédiatement un médecin en France. S’agissant de l’actualité du risque encouru en cas de retour dans son pays d’origine, il se réfère, outre aux convocations qui le concernaient, à celles reçues par ses proches, qui sont récentes et qui témoignent de l’intérêt persistant des autorités à l’encontre de sa famille. La Cour estime que les autorités nationales n’ont pas indiqué suffisamment les raisons pour lesquelles elles ont écarté les explications et les précisions que leur avait présentées le requérant.
62. La Cour estime ainsi, au vu du récit du requérant, des documents produits et de la situation actuelle en Tchétchénie, qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’espèce, un risque réel que celui-ci soit soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention de la part des autorités russes en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi.
63. Il s’ensuit, pour la Cour, qu’un renvoi du requérant vers la Fédération de Russie emporterait violation de l’article 3 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
64. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
65. Le requérant estime que le constat d’une violation potentielle de l’article 3 de la Convention constituerait en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral qu’il a subi.
66. Le Gouvernement ne fait aucun commentaire à ce sujet.
67. La Cour considère qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, le constat d’une violation potentielle de l’article 3 de la Convention constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral pouvant avoir été subi par le requérant.
68. Le requérant n’a présenté aucune demande au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR
69. La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.
70. Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (paragraphe 24 ci-dessus) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard (voir dispositif).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer le requérant vers la Fédération de Russie, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;
4. Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas expulser le requérant jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 juillet 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Claudia Westerdiek Angelika Nußberger
Greffière Présidente