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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VOIVODA AND OTHERS v. GREECE - 62547/09 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (First Section Committee)) French Text [2016] ECHR 692 (21 July 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/692.html Cite as: [2016] ECHR 692 |
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE VOÏVODA ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 62547/09)
ARRÊT
STRASBOURG
21 juillet 2016
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Voïvoda et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Ledi Bianku, président,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 juin 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 62547/09) dirigée contre la République hellénique et dont cent quatre-vingt-trois ressortissants de cet État ont saisi la Cour le 28 octobre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me K. Michailidis, avocat au barreau de Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. I. Bakopoulos, assesseur auprès du Conseil juridique de l’État et Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.
3. Le 16 mai 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
4. le 12 juillet 2012, le représentant des requérants informa la Cour que les requérants indiqués en annexe sous les nos 38, 51, 70, 92 et 149 étaient décédés après l’introduction de la présente requête devant la Cour et que leurs héritiers, Alexandra Apostoloudi, Maria Apostoloudi, Evaggelos Apostoloudis (héritiers du requérant indiqué sous le no 38), Katina Goutzoudi, Eleni Goutzoudi, Melissa Goutzoudi, Georgios Goutzoudis (héritiers du requérant indiqué sous le no 51), Eleni Zacharia, Evanthia Zacharia, Marina Zacharia et Nikoleta Zacharia (héritières du requérant indiqué sous le no 70), Elisavet Kleta, Konstantinos Kletas, Drosoula Kleta (héritiers du requérant indiqué sous le no 92), Christos Paparrizos, Zoi Mavridou, Sofia Mavridou et Alexandra Paparrizou (héritiers de la requérante indiquée sous le no 149) ont exprimé le souhait de poursuivre la procédure devant la Cour. Ils ont produit de certificats de décès de leurs devanciers, de certificats d’état civil de ces derniers, ainsi que de certificats d’hérédité.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. La liste des parties requérantes figure en annexe.
6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
7. Par une décision du 21 janvier 1998, les ministres des Finances et des Travaux Publics exproprièrent pour des motifs d’intérêt public, à savoir l’élargissement de la route nationale « Egnatia » reliant Derveni à Analipsi, 128 terrains dont les requérants ou leurs devanciers étaient propriétaires.
8. Le 12 mai 1998, l’État grec demanda au tribunal de première instance de Thessalonique la fixation du montant provisoire de l’indemnité d’expropriation.
9. Le 3 décembre 1998, ledit tribunal fixa le prix unitaire provisoire de l’indemnité d’expropriation (décision no 28844/1998).
10. Le 28 mai 1999, les intéressés demandèrent à la cour d’appel de Thessalonique la fixation du montant unitaire définitif du mètre carré pour l’indemnité d’expropriation.
11. L’audience initiale du 22 novembre 1999 fut ajournée pour le 8 mai 2000.
12. Le 2 mai 2000, les intéressés déposèrent un mémoire ampliatif.
13. Le 8 mai 2000, l’audience devant la cour d’appel fut reportée au 13 novembre 2000, date à laquelle elle fut de nouveau ajournée.
14. L’audience des affaires connexes relatives aux demandes de fixation du montant unitaire de l’indemnité, dont celle des intéressés, devant la cour d’appel eut lieu le 8 octobre 2001, date à laquelle les intéressés déposèrent un mémoire ampliatif. Le 6 décembre 2001, par une décision avant dire droit, la cour d’appel ordonna une expertise sur la valeur des parties non expropriées des terrains en cause et désigna deux experts (décision no 3012/2001).
15. Une nouvelle audience fut fixée devant la cour d’appel au 13 mai 2002.
16. Le rapport d’expertise fut déposé le 7 novembre 2003.
17. L’audience devant la cour d’appel eut lieu, après un ajournement, le 17 novembre 2003, date à laquelle les intéressés déposèrent un mémoire ampliatif.
18. Le 17 février 2004, la cour d’appel de Thessalonique admit que la date à retenir pour la fixation du prix définitif de l’indemnité à allouer était le 8 octobre 2001, à savoir la date à laquelle la première audience devant ladite juridiction avait eu lieu. En outre, elle réduisit le prix unitaire définitif quant aux terrains dont les requérants étaient les propriétaires, après avoir admis que les terrains en question n’étaient pas adjacents à la route nationale et qu’ils étaient affectés à un usage exclusivement agricole. Enfin, elle rejeta la demande des requérants d’une allocation d’indemnité spéciale pour la dévalorisation des parties non expropriées des terrains en cause (arrêt no 503/2004).
19. Le 2 février 2005, les intéressés se pourvurent en cassation. Ils contestèrent la motivation de la cour d’appel quant à l’indemnité allouée, ainsi que l’application de la présomption établie par la loi no 653/1977 dans leur cas.
20. Une audience initiale devant la Cour de cassation fut fixée au 17 mars 2006, date à laquelle elle fut reportée au 3 novembre 2006 sur demande des intéressés.
21. Le 3 novembre 2006, la Cour de cassation ajourna l’audience de l’affaire, car aucune des parties n’y avait comparu.
22. Le 18 janvier 2007, les intéressés demandèrent la fixation d’une nouvelle date d’audience. Celle-ci fut fixée au 25 mai 2007.
23. L’audience fut fixée, après un ajournement sur demande des intéressés, au 21 septembre 2007.
24. Le 19 octobre 2007, par une décision avant dire droit la Cour de cassation déclara l’irrecevabilité de l’audience, au motif que certains des intéressés n’avaient pas été convoqués et qu’ils n’avaient pas produit de pouvoirs pour leurs représentants (décision no 1881/2007).
25. Le 15 janvier 2008, les intéressés demandèrent la fixation d’une nouvelle date d’audience. Une audience fut fixée au 19 septembre 2008.
26. Le 3 février 2009, la Cour de cassation fit partiellement droit au recours, après avoir admis que la motivation de l’arrêt no 503/2004 quant à l’allocation d’une indemnité spéciale n’était pas suffisante. En outre, la Cour de cassation considéra que la cour d’appel avait correctement admis que la date à retenir pour la fixation du prix définitif de l’indemnité d’expropriation était le 8 octobre 2001. De plus, la haute juridiction civile considéra que la motivation de l’arrêt no 503/2004 quant à l’allocation à allouer au titre de l’expropriation était suffisante. Enfin, le grief des requérants quant à la participation aux frais d’expropriation a été rejeté comme irrecevable, les requérants ne l’ayant pas soulevé devant la cour d’appel (arrêt no 291/2009). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 27 avril 2009.
27. Il ressort du dossier que les noms des requérants indiqués sous les nos 17, 27, 32, 99, 101, 122, 139, 141, 156, 179 et 180 ne correspondent à aucun nom figurant dans les arrêts des juridictions internes concernant la procédure litigieuse.
28. Le 12 juillet 2012, le représentant des requérants a informé la Cour que les requérants indiqués sous les nos 44 et 110 souhaitent retirer leur requête.
EN DROIT
I. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES CONCERNANT CERTAINS DES REQUÉRANTS
A. En ce qui concerne les requérants indiqués sous les nos 44 et 110
29. Il ressort du dossier que les requérants indiqués sous les nos 44 et 110 n’entendent plus maintenir leur requête devant la Cour (article 37 § 1 a) de la Convention) (voir § 28, ci-dessus). En l’absence de circonstances particulières touchant au respect des droits garantis par la Convention ou ses Protocoles, la Cour considère qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête à l’égard des requérants susmentionnés, au sens de l’article 37 § 1 de la Convention. La Cour estime donc qu’il échet de disjoindre les causes desdits requérants de celles des autres intéressés et de les rayer du rôle.
B. En ce qui concerne les requérants indiqués sous les nos 17, 27, 32, 99, 101, 122, 139, 141, 156, 179 et 180
30. Le Gouvernement allègue que la requête doit être déclarée irrecevable à l’égard des requérants indiqués en annexe sous les nos 17, 27, 32, 99, 101, 139, 141, 156, 179 et 180. Il relève que les noms desdits requérants ne figurent pas dans l’arrêt no 291/2009 de la Cour de cassation. Selon lui, la requête doit être déclarée à leur égard comme irrecevable soit pour tardivité soit pour absence de la qualité de victime desdits requérants.
31. Les requérants n’ayant pas comparu en leurs noms propres devant la Cour de cassation répliquent qu’ils ont succédé à tous les droits et obligations de leurs devanciers, parties initiales au litige devant les juridictions internes. Lesdits requérants fournissent à cet égard des certificats de décès, des certificats d’état civil des défunts, ainsi que de certificats d’hérédité.
32. La Cour observe que les devanciers des requérants indiqués en annexe sous les nos 17, 27, 32, 99, 101, 122, 139, 141, 156, 179 et 180 étaient décédés au cours de la procédure interne et avant l’introduction de la présente requête. Elle note qu’à part les certificats désignant lesdits requérants comme les plus proches parents des défunts et les certificats d’hérédité, ceux-ci n’ont fourni aucun autre document qui aurait pu prouver qu’ils ont poursuivi l’instance engagée par leurs ayant cause, après leur décès, de sorte qu’ils ne se sont pas constitués parties au litige en tant qu’héritiers (voir Georgia Makri et autres c. Grèce (déc.), no 5977/03, 24 mars 2005).
33. Dans ces conditions, la Cour estime que ces requérants n’ont jamais été affectés par la procédure litigieuse et qu’ils n’ont donc subi aucune violation de leurs droits garantis par la Convention en raison de la durée de celle-ci (voir Fountis et autres c. Grèce, no 40049/08, § 19, 3 février 2011, a contrario, Sadik Amet et autres c. Grèce, no 64756/01, § 18, 3 février 2005).
34. Il s’ensuit que la requête à l’égard des requérants indiqués en annexe sous les nos 17, 27, 32, 99, 101, 122, 139, 141, 156, 179 et 180 est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
C. En ce qui concerne les héritiers des requérants indiqués sous les nos 38, 51, 70, 92 et 149
35. La Gouvernement allègue que la requête doit être déclarée irrecevable à l’égard de la requérante indiquée en annexe sous le no 149, dont le nom ne figure pas, selon lui, dans l’arrêt no 291/2009 de la Cour de cassation, soit pour tardivité soit pour absence de la qualité de victime de ladite requérante. Le représentant des requérants soutient que ladite requérante a participé à la procédure devant la Cour de cassation et ses héritiers lui ont succédé dans la procédure devant la Cour, après sa mort.
36. La Cour observe que la requérante indiquée en annexe sous le no 149, ainsi que les requérants indiqués sous les nos 38, 51, 70 et 92 étaient décédés après l’introduction de la présente requête devant la Cour (voir § 4 ci-dessus). Elle note que lesdits requérants étaient parties initiales au litige devant les juridictions internes et que leurs noms figurent dans les arrêts des juridictions internes.
37. Leurs héritiers, Alexandra Apostoloudi, Maria Apostoloudi, Evaggelos Apostoloudis (héritiers du requérant indiqué sous le no 38), Katina Goutzoudi, Eleni Goutzoudi, Melissa Goutzoudi, Georgios Goutzoudis (héritiers du requérant indiqué sous le no 51), Eleni Zacharia, Evanthia Zacharia, Marina Zacharia et Nikoleta Zacharia (héritières du requérant indiqué sous le no 70), Elisavet Kleta, Konstantinos Kletas, Drosoula Kleta (héritiers du requérant indiqué sous le no 92), Christos Paparrizos, Zoi Mavridou, Sofia Mavridou et Alexandra Paparrizou (héritiers de la requérante indiquée sous le no 149) ont exprimé le souhait de poursuivre la procédure devant la Cour. Ils fournissent de certificats de décès de leurs devanciers, de certificats d’état civil de ces derniers, ainsi que de certificats d’hérédité.
38. La Cour a admis à plusieurs reprises que des personnes plus ou moins proches se substituent au requérant qui a suivi toute la procédure interne et qui est mort après avoir introduit une requête devant la Cour (Malhous c. République tchèque (déc.), no 33071/96, CEDH 2000-XII, et Fountis et autres, § 16, précité).
39. La Cour considère que les héritiers des requérants susmentionnés décédés après l’introduction de la présente requête, ont un intérêt légitime à poursuivre la requête devant la Cour (voir dans ce sens Malhous, précitée et Stojkovic c. « L’ex-République yougoslave de Macédoine », no 14818/02, §§ 25-28, 8 novembre 2007).
40. Pour des raisons d’ordre pratique, le présent arrêt continuera de désigner les requérants susmentionnés comme « requérants », bien qu’il faille aujourd’hui attribuer cette qualité à leurs héritiers (voir, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 1, CEDH 1999-VI et Stojkovic, précité).
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
41. Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
42. La Cour constate que le grief soulevé par les requérants indiqués en annexe sous les nos 1-16, 18-26, 28-31, 33-43, 45-98, 100, 102-109, 111-121, 123-138, 140, 142-155, 157-178, 181, 182 et 183 n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève d’ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Période à prendre en considération
43. La période à considérer a débuté le 12 mai 1998, avec la saisine du tribunal de première instance de Thessalonique et s’est terminée le 27 avril 2009, date à laquelle l’arrêt no 291/2009 de la Cour de cassation a été mis au net et certifié conforme. Elle a donc duré onze ans environ pour trois instances.
2. Durée raisonnable de la procédure
44. Les requérants allèguent qu’ils ne sont pas responsables pour le prolongement de la procédure devant la cour d’appel de Thessalonique. Ils affirment avoir saisi ladite juridiction d’une seule demande et n’avoir jamais demandé d’ajournement. Ils soutiennent que les ajournements concernés ont été soit demandés par d’autres propriétaires parties dans la procédure interne soit accordés d’office par la cour d’appel. En ce qui concerne la procédure devant la Cour de cassation, les requérants excipent des conditions strictes de droit interne relatives à la représentation des parties devant ladite juridiction, selon lesquelles chaque partie doit être représentée par un avocat et produire un pouvoir dûment signé à cet effet.
45. Le Gouvernement procède à une analyse chronologique de la procédure en cause et estime qu’elle s’est déroulée de façon générale dans des délais raisonnables. S’agissant de la procédure devant la cour d’appel, il allègue que les requérants ont déposé plusieurs demandes à des dates différentes, contribuant ainsi au prolongement de la procédure devant ladite juridiction. Il estime également que les requérants sont responsables de certains retards ayant demandé l’ajournement de l’audience à trois reprises devant la cour d’appel de Thessalonique et à deux reprises devant la Cour de cassation. D’ailleurs, le Gouvernement excipe de la complexité de l’affaire.
46. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Glykantzi c. Grèce, no 40150/09, 30 octobre 2012).
47. Elle note que même dans le cas où, comme en l’espèce, la procédure est régie par le principe de l’initiative des parties, la notion du « délai raisonnable » exige que les tribunaux suivent aussi le déroulement de la procédure et soient attentifs lorsqu’il s’agit de consentir à une demande d’ajournement, de procéder à l’audition des témoins ou de surveiller les délais pour l’établissement d’un rapport d’expertise jugé nécessaire à sa décision (voir Tsirikakis c. Grèce, no 46355/99, § 43, 17 janvier 2002 et Litoselitis c. Grèce, no 62771/00, § 30, 5 février 2004). Par ailleurs, seules les lenteurs imputables aux autorités compétentes peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable contraire à la Convention.
48. En l’espèce, la Cour considère que, malgré le nombre important de parties dans la procédure interne, l’affaire ne présentait pas en soi de complexité particulière. Elle note que le tribunal de première instance a été saisi le 12 mai 1998 et a rendu sa décision le 3 décembre 1998. La Cour considère que ledit délai n’est pas incompatible avec les exigences du délai raisonnable de la procédure exigé par l’article 6 § 1 de la Convention.
49. S’agissant de la procédure devant la cour d’appel, la Cour observe qu’elle a duré quatre ans et neuf mois environ ; elle a commencé le 28 mai 1999 et a pris fin le 17 février 2004. La Cour observe qu’elle se trouve confrontée à une certaine divergence concernant l’origine des ajournements devant ladite juridiction. En tout état de cause, elle estime, qu’à supposer même que les requérants et leurs devanciers sont responsables de certains retards devant ladite juridiction, le prolongement de la procédure est dû également au comportement des autorités compétentes. Plus précisément, elle relève que la cour d’appel a ordonné une expertise par une décision avant dire droit, le 6 décembre 2001, à savoir deux ans et plus de six mois après le dépôt de la demande par les requérants, et qu’elle s’est prononcée sur le fond de l’affaire le 17 février 2004, à savoir dans un délai de plus de deux ans après ladite décision. Au demeurant, la Cour observe qu’au moins à deux reprises les nouvelles audiences devant ladite juridiction ont été fixées à des dates très éloignées de celles des ajournements : du 13 novembre 2000 au 8 octobre 2001 et du 13 mai 2002 au 17 novembre 2003. D’ailleurs, presque deux ans se sont écoulés à partir de la décision du 6 décembre 2001 ordonnant une expertise et jusqu’au dépôt du rapport y relatif, le 7 novembre 2003. La Cour constate que le Gouvernement ne fournit aucune explication susceptible de justifier lesdits délais, qui ne sauraient être imputés aux requérants ou à leurs devanciers. Dans les circonstances de la cause, elle estime que la durée de la procédure devant la cour d’appel de Thessalonique a excédé le « délai raisonnable ».
50. Devant la Cour de cassation, la procédure a connu de nouveaux prolongements en raison, parmi d’autres, du comportement des requérants et de leurs devanciers, qui ont demandé l’ajournement de l’audience à deux reprises devant ladite juridiction. En plus, la Cour note que l’audience du 21 septembre 2007 a été déclarée irrecevable, en raison du non-respect par les intéressés d’une règle de nature procédurale. Cela étant, il n’en demeure pas moins que même si l’on déduit de la durée totale de la procédure les retards attribués aux requérants et à leurs devanciers, la période restante demeure excessive.
51. En l’espèce, la Cour estime que, tout en tenant compte des retards dont les requérants sont responsables en ce qui concerne surtout la procédure devant la Cour de cassation, la durée globale de la procédure en cause est excessive. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour considère qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
52. Partant, il y a violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la durée de la procédure en cause.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
53. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, pris seul et combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la motivation de l’arrêt no 503/2004 de la cour d’appel ayant fixé l’indemnité d’expropriation. De surcroît, ils allèguent que les juridictions internes n’ont ni retenu la date appropriée pour la fixation du montant définitif de l’indemnité d’expropriation ni pris en compte tous les éléments du dossier disponibles.
54. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des articles invoqués.
55. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
56. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
57. Les requérants réclament chacun 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi. Ils demandent à la Cour de prendre en considération le dommage matériel qu’ils auraient subi en raison de la durée de la procédure litigieuse.
58. Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à écarter la demande présentée en affirmant qu’en tout état de cause, un constat de violation constituerait en soi une satisfaction suffisante au titre du dommage moral.
59. La Cour estime que les requérants ont subi un tort moral certain. Prenant en compte le nombre des requérants, la nature de la violation constatée, ainsi que la nécessité de fixer les sommes de façon à ce que le montant global cadre avec sa jurisprudence en la matière et soit raisonnable à la lumière de l’enjeu de la procédure en cause (Arvanitaki - Roboti et autres c. Grèce [GC], no 27278/03, § 36, 15 février 2008) la Cour alloue à ce titre 1 800 EUR à chacun des requérants indiqués sous les nos 1-16, 18-26, 28-31, 33-37, 39-43, 45-50, 52-69, 71-91, 93-98, 100, 102-109, 111- 121, 123-138, 140, 142-148, 150-155, 157-178, 181, 182 et 183 et 1 800 EUR conjointement aux héritiers de chacun des requérants indiqués sous les nos 38, 51, 70, 92 et 149.
B. Frais et dépens
60. Les requérants demandent également la somme totale de 60 415 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes (50 000 EUR) et devant la Cour (10 415 EUR). Ils produisent plusieurs factures relatives aux frais et dépens devant les juridictions internes.
61. Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à les écarter.
62. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et les frais et dépens sollicités devant les juridictions internes et rejette cette partie de la demande.
63. D’ailleurs, elle rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leurs réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, §54, CEDH 2000-XI). La Cour constate que les requérants ne produisent aucune facture relative aux frais et dépens engagés devant la Cour. Compte tenu de l’absence de tout justificatif de la part des requérants et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette cette demande.
C. Intérêts moratoires
64. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Disjoint la cause des requérants indiqués sous les nos 44 et 110 de celles des autres requérants et la raye du rôle ;
2. Déclare la requête recevable
quant au grief tiré de la durée de la procédure en ce qui concerne les
requérants indiqués sous les nos 1-16, 18-26, 28-31, 33-43, 45-98,
100, 102-109, 111-121, 123-138, 140,
142-155, 157-178, 181, 182 et 183 et irrecevable pour le surplus ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois, les sommes suivantes :
- pour dommage moral :
i) 1 800 EUR (mille huit cents euros) à chacun des requérants indiqués sous les nos1-16, 18-26, 28-31, 33-37, 39-43, 45-50, 52-69, 71-91, 93-98, 100, 102-109, 111- 121, 123-138, 140, 142-148, 150-155, 157-178, 181, 182 et 183 ;
ii) 1 800 EUR (mille huit cents euros) conjointement à Alexandra Apostoloudi, Maria Apostoloudi et Evaggelos Apostoloudis, héritiers du requérant indiqué sous le no 38 ;
iii) 1 800 EUR (mille huit cents euros) conjointement à Katina Goutzoudi, Eleni Goutzoudi, Melissa Goutzoudi et Georgios Goutzoudis, héritiers du requérant indiqué sous le no 51 ;
iv) 1 800 EUR (mille huit cents euros) conjointement à Eleni Zacharia, Evanthia Zacharia, Marina Zacharia et Nikoleta Zacharia, héritières du requérant indiqué sous le no 70 ;
v) 1 800 EUR (mille huit cents euros) conjointement à Elisavet Kleta, Konstantinos Kletas et Drosoula Kleta, héritiers du requérant indiqué sous le no 92 ;
vi) 1 800 EUR (mille huit cents euros) conjointement à Christos Paparrizos, Zoi Mavridou, Sofia Mavridou et Alexandra Paparrizou, héritiers de la requérante indiquée sous le no 149 ;
b) qu’aux sommes accordées ci-dessus il faut ajouter tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ou leurs héritiers ;
c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juillet 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Renata Degener Ledi
Bianku
Greffière adjointe Président
ANNEXE