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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BOYKANOV v. BULGARIA - 18288/06 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fifth Section)) French Text [2016] ECHR 984 (10 November 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/984.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2016:1110JUD001828806, CE:ECHR:2016:1110JUD001828806, [2016] ECHR 984

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    CINQUIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE BOYKANOV c. BULGARIE

     

    (Requête no 18288/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    10 novembre 2016

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Boykanov c. Bulgarie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

              Angelika Nußberger, présidente,
              Khanlar Hajiyev,
              André Potocki,
              Yonko Grozev,
              Síofra O’Leary,
              Carlo Ranzoni,
              Mārtiņš Mits, juges,
    et de Milan Bla
    ško, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 octobre 2016,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18288/06) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet État, M. Kosta Anastasov Boykanov (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 avril 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant a été représenté par Me A. Kashamov, avocat à Sofia. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme Y. Stoyanova, du ministère de la Justice.

    3.  Le requérant allègue en particulier que sa condamnation pour diffamation s’analyse en une ingérence injustifiée dans l’exercice de sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention.

    4.  Le 12 juillet 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1939 et réside à Gorna Beshovitsa.

    A.  La lettre du requérant du 18 juin 2004

    6.  En 2003, un litige concernant le paiement d’une certaine somme d’argent opposa le requérant à la coopérative agricole de son village. À l’issue d’une procédure judiciaire, celle-ci fut condamnée à lui payer la somme de 1 232,62 levs bulgares (BGN), plus les intérêts. À la demande du requérant, le juge de l’exécution près le tribunal de district de Mezdra ouvrit une procédure d’exécution de la décision de condamnation de la coopérative.

    7.  Au cours de cette procédure, le requérant adressa plusieurs demandes au juge de l’exécution et sollicita la saisie de dix tonnes de blé, d’un tracteur et d’une chargeuse appartenant au débiteur. Dans un procès-verbal rédigé le 27 mai 2004, le juge de l’exécution refusa d’accéder à ces demandes au motif que les deux machines avaient été transférées par le débiteur à une autre entité juridique et que les dix tonnes de blé n’avaient pas été retrouvées dans l’entrepôt de la coopérative.

    8.  Le 18 juin 2004, le requérant déposa au greffe du service de l’exécution des jugements près le tribunal de district de Mezdra une lettre adressée au juge de l’exécution. Cette lettre se lisait comme suit :

    « Monsieur le Juge de l’exécution,

    Par votre procès-verbal du 27 mai 2004, vous vous obstinez à prouver que : « Je suis légalement puissant et je peux enfreindre la loi vis-à-vis de toi. », et vous mettez en œuvre votre menace : « Veux-tu ne rien obtenir pour ton titre exécutoire ? ».

    Vous confirmez ceci parce que :

    1.  Vous n’avez pas pris en compte ma demande datée du 4 avril 2004 et les documents annexés à celle-ci. Vous avez enfreint l’article 360, alinéa 2 du code de procédure civile (CPC) (...).

    2.  Vous avez enfreint l’article 367 du CPC en appliquant arbitrairement son alinéa 2, au profit du gendre d’un de vos employés, et son alinéa 3, au profit du gardien du bien en cause.

    3.  Après avoir affirmé que le contrat de vente des biens était valable, vous avez refusé d’accepter ma demande de saisie du prix obtenu avec les mots « Arrêtez d’agiter cette feuille, elle ne vaut rien pour moi. » et vous avez procédé à la rédaction du procès-verbal.

    4.  Vous avez constaté que les 10 000 kilos de blé ne se trouvaient pas dans l’entrepôt du débiteur, mais vous n’avez pas décrit la quantité de blé que vous y avez trouvée. Dans ma lettre datée du 28 avril 2004, je vous avais informé que le blé saisi [avait été] vendu. Je considère que vos actes sont incohérents et incompatibles avec [les devoirs] d’un juge [chargé de l’exécution des décisions judiciaires].

    Je vous prie de bien vouloir prendre note des pièces ci-jointes et vous prononcer sur ma demande en appliquant les lois (...) vis-à-vis de ceux qui les enfreignent. »

    B.  La procédure pénale en diffamation

    9.  Le 30 juin 2004, T.M., juge de l’exécution près le tribunal de district de Mezdra, déposa une plainte pénale contre le requérant pour diffamation. Il exposait que la lettre de ce dernier datée du 18 juin 2004 contenait des propos diffamatoires et l’accusait d’avoir commis des infractions pénales dans le cadre de ses fonctions de juge de l’exécution. Il indiquait que cette lettre avait été déposée au greffe du service de l’exécution des jugements, qu’elle avait été jointe au dossier et qu’elle était accessible aux greffiers, aux experts et aux juges. Il demandait 1 500 BGN pour le préjudice moral qu’il disait avoir subi.

    10.  Tous les juges du tribunal de district de Mezdra se déportèrent de l’examen de l’affaire au motif que le plaignant était leur collègue. À la demande du président du même tribunal, le 13 juillet 2004, le président du tribunal régional de Vratsa détacha un juge du tribunal de district de Vratsa pour examiner l’affaire pénale en cause.

    11.  Le 7 décembre 2004, le tribunal de district reconnut le requérant coupable du délit de diffamation d’un fonctionnaire et le condamna au paiement d’une amende de 500 BGN et au versement de 1 500 BGN à titre de dédommagement du préjudice moral. Le 23 mars 2005, statuant sur l’appel du requérant, le tribunal régional de Vratsa constata que les motifs et le dispositif du jugement attaqué étaient contradictoires quant à la culpabilité du requérant et imprécis quant à l’identité du plaignant. Il infirma ledit jugement et renvoya l’affaire au tribunal de district pour réexamen.

    12.  Le président du tribunal régional détacha un autre juge du tribunal de district de Vratsa pour examiner l’affaire pénale.

    13.  Devant le tribunal de district, le plaignant expliqua qu’il était chargé du dossier du requérant en tant que juge de l’exécution. Il indiqua que le requérant lui avait demandé à plusieurs reprises de procéder à la saisie de biens qui n’auraient pas appartenu au débiteur. Il ajouta que le requérant avait déposé une lettre au greffe du service de l’exécution des jugements le 18 juin 2004 et que cette lettre contenait des assertions diffamatoires le visant. Il précisa que le requérant lui avait attribué des propos qu’il n’aurait jamais prononcés et l’avait accusé de la commission d’infractions pénales dans le cadre de ses fonctions. Il indiqua également que la lettre en question avait été lue par son assistante et qu’elle avait été jointe au dossier et donc mise à la disposition des parties, des experts et des magistrats amenés à statuer sur les éventuelles demandes des parties à la procédure. Le plaignant soumit quelques documents et obtint l’interrogatoire de deux témoins à charge.

    14.  S.Y., assistante au service de l’exécution des jugements, expliqua qu’elle avait réceptionné la demande déposée par le requérant le 18 juin 2004 et qu’elle avait pris connaissance de son contenu afin de pouvoir l’enregistrer correctement. Elle ajouta qu’elle l’avait ensuite montrée au juge de l’exécution et que celui-ci l’avait alors lue et avait eu l’air troublé et indigné.

    15.  D.M., maire du village, déclara qu’elle avait accompagné le juge de l’exécution et le requérant le 27 mai 2004 à l’entrepôt de la coopérative locale. Elle expliqua que le requérant avait demandé la saisie d’une certaine quantité de blé, d’un tracteur et d’autres machines agricoles, mais que le juge de l’exécution lui avait répondu ne pas pouvoir procéder à cette saisie. Elle précisa qu’elle n’avait pas entendu le juge prononcer des invectives à l’encontre du requérant.

    16.  Le requérant soutint que sa lettre du 18 juin 2004 était adressée au plaignant en sa qualité de juge de l’exécution et qu’elle avait pour but d’exprimer son mécontentement face à la passivité alléguée de celui-ci dans le cadre de la procédure de recouvrement de sa créance. Le requérant expliqua qu’il n’avait eu aucune intention de nuire à la réputation du plaignant, ce qui était selon lui prouvé par la circonstance qu’il aurait adressé la lettre personnellement à ce dernier, et non pas à ses supérieurs, et que le contenu de celle-ci n’aurait pas été rendu public dans les médias locaux. Le requérant ajouta que la phrase « Je suis légalement puissant et je peux enfreindre la loi vis-à-vis de toi » n’avait pas été prononcée par le plaignant mais qu’elle exprimait sa propre perception des agissements de ce dernier. Il indiqua aussi que les phrases « Veux-tu ne rien obtenir pour ton titre exécutoire » et « Arrêtez d’agiter cette feuille, elle ne vaut rien pour moi », citées dans sa lettre, avaient été prononcées par le juge de l’exécution au cours d’une visite à l’entrepôt du débiteur. Il précisa que, à cette même occasion, le juge de l’exécution avait refusé d’accepter une de ses demandes écrites. Le requérant demanda l’interrogatoire d’un témoin oculaire, V.T., afin de prouver la véracité des faits exposés par lui.

    17.  Lors de son interrogatoire, le témoin V.T. déclara qu’il avait assisté à la visite du 27 mai 2004 du juge de l’exécution à l’entrepôt de la coopérative. Il indiqua qu’il y avait eu une vive discussion entre le juge de l’exécution et le requérant au sujet de quelques demandes de ce dernier. Il ajouta qu’il avait également vu le requérant agiter une feuille et entendu le juge de l’exécution dire à ce dernier « Voulez-vous que je ne vous donne rien ».

    18.  Le requérant présenta les copies de ses autres demandes écrites adressées au juge de l’exécution. La partie adverse présenta la copie d’une déposition écrite supposée avoir été faite par le témoin V.T. et soutint que celle-ci n’avait pas été rédigée par ce dernier. Interrogé par le juge, V.T. expliqua que l’écriture en question n’était pas la sienne. Le requérant réclama l’original de la déposition, mais le tribunal rejeta sa demande après avoir constaté que la partie adverse disposait uniquement d’une copie et non pas de l’original dudit document.

    19.  Par un jugement du 23 juin 2005, le tribunal de district reconnut le requérant coupable de diffamation par écrit d’un fonctionnaire. Il constata que la lettre datée du 18 juin 2004, déposée par le requérant au greffe du service de l’exécution des jugements, attribuait au juge de l’exécution des propos déplacés que ce dernier n’avait jamais prononcés. Il releva aussi que le requérant avait reconnu avoir inventé la phrase « Je suis légalement puissant et je peux enfreindre la loi vis-à-vis de toi ». Pour ce qui était des deux autres phrases citées dans la lettre du requérant, à savoir « Veux-tu ne rien obtenir pour ton titre exécutoire » et « Arrêtez d’agiter cette feuille, elle ne vaut rien pour moi », le tribunal de district décida qu’il n’était pas prouvé que le juge de l’exécution avait effectivement tenu de tels propos vis-à-vis du requérant. Il donna crédit à cet effet à la déposition du témoin oculaire D.M., estimant que la déposition du témoin à décharge, V.T., était en contradiction avec la version donnée par le requérant lui-même quant au contenu exact des propos attribués au juge de l’exécution. Le tribunal de district nota que la lettre litigieuse contenait également une allégation mensongère selon laquelle le juge de l’exécution avait enfreint la législation interne et utilisé ses pouvoirs au profit de tiers, ce qui constituait une accusation calomnieuse de commission par le plaignant d’infractions pénales dans le cadre de ses fonctions. Il souligna que la lettre diffamatoire avait été rendue publique puisqu’elle avait été déposée au greffe du service de l’exécution des jugements, lue par l’assistante du juge mis en cause et jointe au dossier de la procédure d’exécution, ce qui l’avait rendue accessible aux parties, à leurs avocats, aux experts et aux magistrats amenés à contrôler la procédure d’exécution. Il conclut que le requérant avait agi intentionnellement, et ce dans le but de nuire à la bonne réputation du juge de l’exécution.

    20.  S’agissant de la détermination de la sanction, le tribunal de district constata que la peine prévue par le code pénal (CP) pour l’infraction de diffamation d’un fonctionnaire était une amende allant de 5 000 à 15 000 BGN, que le requérant n’avait pas fait l’objet d’autres condamnations au pénal et que ses actes n’avaient pas causé de préjudice matériel à la victime. Il décida donc d’appliquer l’article 78a du CP et substitua à la sanction pénale une amende administrative d’un montant de 500 BGN. Il condamna aussi le requérant à payer 1 500 BGN au titre du préjudice moral et 412 BGN pour les frais et dépens, à la partie adverse, ainsi que 70 BGN à titre de taxe judiciaire, au Trésor public.

    21.  Le requérant interjeta appel de ce jugement. Il réitéra ses arguments déjà exposés devant le tribunal de district. En outre, il sollicita la récusation de tous les juges du tribunal régional de Vratsa au motif que l’autre partie à la procédure, qui était le juge de l’exécution près le tribunal de district de Mezdra, exerçait ses fonctions dans la région couverte par la compétence territoriale du tribunal régional. Le requérant demanda également une expertise de la déposition écrite présentée comme émanant du témoin V.T., soumise par la partie adverse devant la première instance, afin de prouver que celui-ci n’avait pas rédigé ce document. Le tribunal régional rejeta les deux demandes de l’intéressé au motif qu’elles étaient mal fondées et sans pertinence pour l’établissement des faits.

    22.  Par un jugement définitif du 14 octobre 2005, le tribunal régional de Vratsa confirma le jugement du tribunal de district. Il estimait que ce dernier avait correctement établi les faits et appliqué la loi pénale et que, par conséquent, la décision attaquée avait été rendue dans le respect des règles procédurales et des droits du requérant.

    C.  Les événements ultérieurs à la procédure en diffamation

    23.  Il ressort des pièces du dossier que le requérant perçoit une pension de retraite couplée à une pension d’invalidité. En 2007, le montant mensuel de ces pensions s’élevait à 269,87 BGN (environ 137,98 euros (EUR)).

    24.  Après le prononcé du jugement du tribunal régional, T.M. demanda et obtint l’ouverture d’une procédure d’exécution auprès du juge de l’exécution rattaché au tribunal de district de Vratsa aux fins de recouvrement de toutes les sommes que le requérant avait été condamné à lui verser à l’issue du procès en diffamation. Il ressort des pièces du dossier qu’un montant supplémentaire de 300 BGN, à titre de frais d’avocat, est venu s’ajouter aux sommes initialement déterminées dans les jugements des tribunaux internes. À la date du 29 avril 2008, le requérant avait déjà payé 2 474 BGN (environ 1 264,93 EUR), y compris les intérêts et les frais de recouvrement, et il lui restait à régler la somme de 500,37 BGN (environ 255,83 EUR).

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    25.  En vertu de l’ancien code de procédure civile, abrogé en 2008, les juges de l’exécution avaient pour mission d’exécuter les décisions de justice rendues par les tribuaux. À la différence des juges, des procureurs et des enquêteurs, qui avaient le statut de magistrats et qui étaient nommés, promus, sanctionnés et relevés de leurs fonctions par le Conseil suprême de la magistratire (article 124 de la loi de 1994 sur le pouvoir judiciaire), les juges de l’exécution étaient des fonctionnaires publics nommés par le ministre de la Justice et ils étaient disciplinairement responsables devant lui (article 150 de la loi).

    26.  Les dispositions du CP relatives au délit de diffamation d’un fonctionnaire et à la substitution d’une sanction administrative à une sanction pénale ont été résumées dans l’arrêt Kasabova c. Bulgarie (no 22385/03, §§ 34-40, 19 avril 2011).

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

    27.  Le requérant se plaint de sa condamnation pour diffamation en ce qu’elle aurait constitué une violation de l’article 10 de la Convention, ainsi libellé :

    « 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

    2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

    A.  Sur la recevabilité

    28.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

    B.  Sur le fond

    1.  Positions des parties

    29.  Le requérant soutient que sa condamnation pour diffamation constituait une ingérence dans l’exercice de sa liberté d’expression. Tout d’abord, il admet que l’ingérence ainsi alléguée était prévue par la loi et qu’elle poursuivait un but légitime, notamment la protection de la bonne réputation et des droits d’autrui.

    30.  Ensuite, le requérant conteste la nécessité de la mesure dénoncée par lui. Il affirme que, en adressant la lettre litigieuse au juge de l’exécution, il poursuivait le but d’inciter celui-ci à remplir efficacement ses devoirs dans le cadre de la procédure de recouvrement de sa créance. Il soutient qu’il n’avait aucune intention de nuire à la réputation du juge de l’exécution. Il ajoute que sa lettre s’analysait en « un jugement de valeur » au sens de la jurisprudence de la Cour, puisqu’il y aurait fait part de sa propre perception du travail de ce magistrat. Il précise qu’il avait envoyé cette lettre directement au juge de l’exécution et qu’il n’avait donc donné aucune publicité à celle-ci. Le requérant soutient enfin que la sanction qui lui a été infligée était disproportionnée. À cet égard, il indique qu’il a été condamné au paiement d’une amende et d’une certaine somme à titre de dédommagement du préjudice moral, alors qu’il serait retraité, disposerait de faibles revenus et aurait des problèmes de santé et que le montant total qu’il a été condamné à payer serait équivalent à ses revenus pour huit mois.

    31.  Le Gouvernement reconnaît que la condamnation du requérant était une ingérence dans la liberté d’expression de ce dernier. Pour autant, il considère que cette mesure était prévue par la loi et qu’elle poursuivait un but légitime, à savoir la défense des droits d’autrui.

    32.  Le Gouvernement estime par ailleurs que la mesure contestée était « nécessaire » au sens de l’article 10 § 2 de la Convention. Il indique que le requérant avait formulé des allégations mensongères dans une lettre adressée au juge de l’exécution, et il affirme que celles-ci avaient porté atteinte à la réputation de ce dernier. Il ajoute que la lettre en question avait été déposée au greffe du service de l’exécution des jugements et qu’elle avait donc été rendue publique. Il expose que, au cours de la procédure judiciaire qui s’en est suivie, le requérant n’a pas pu démontrer la véracité des faits qu’il alléguait et que, par conséquent, il a été condamné au paiement d’une amende, à l’indemnisation du préjudice moral subi par le plaignant et au remboursement des frais de justice engagés par celui-ci. Le Gouvernement estime que le montant total que l’intéressé a été condamné à payer était raisonnable et proportionné par rapport au préjudice causé.

    2.  Appréciation de la Cour

    a)  Sur l’existence d’une ingérence « prévue par la loi » et visant un « but légitime »

    33.  En l’espèce, la Cour considère que la condamnation du requérant pour diffamation s’analysait en une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention.

    34.  Elle estime également que cette ingérence était « prévue par la loi », au sens du second paragraphe de cette disposition, et qu’elle poursuivait un but légitime, à savoir la protection des droits d’autrui.

    b)  Sur la nécessité de l’ingérence « dans une société démocratique »

    i.  Principes généraux

    35.  Les principes généraux permettant d’apprécier la nécessité d’une ingérence donnée dans l’exercice de la liberté d’expression, maintes fois réaffirmés par la Cour depuis l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni (7  décembre 1976, série A no 24), ont été résumés dans l’arrêt Stoll c. Suisse ([GC], no 69698/01, § 101, CEDH 2007-V) et rappelés plus récemment dans les arrêts Animal Defenders International c. Royaume-Uni ([GC], no 48876/08, § 100, CEDH 2013) et Morice c. France ([GC], no 29369/10, § 124, 23 avril 2015) :

    « i.  La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l’article 10, elle est assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante (...)

    ii.  L’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 10 § 2, implique un « besoin social impérieux ». Les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais elle se double d’un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, même quand elles émanent d’une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » se concilie avec la liberté d’expression que protège l’article 10.

    iii.  La Cour n’a point pour tâche, lorsqu’elle exerce son contrôle, de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 10 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Il ne s’ensuit pas qu’elle doive se borner à rechercher si l’État défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (...) Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10, et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (...) »

    36.  Dans un certain nombre d’affaires concernant des plaintes critiquant le travail de fonctionnaires, adressées à d’autres organes publics, et qui ont été sanctionnées par la suite par des condamnations pour diffamation, la Cour a estimé que la protection offerte par l’article 10 devait être analysée non pas au regard de la liberté de la presse ou de la discussion publique de questions d’intérêt général, mais par rapport au droit du requérant de se plaindre des agissements irréguliers d’un fonctionnaire devant l’organe compétent pour examiner de telles doléances (voir notamment Zakharov c. Russie, no 14881/03, § 23, 5 octobre 2006 ; Kazakov c. Russie, no 1758/02, § 26, 18 décembre 2008 ; Bezymyannyy c. Russie, no 10941/03, § 41, 8 avril 2010 ; Siryk c. Ukraine, no 6428/07, § 42, 31 mars 2011 ; Marinova et autres c. Bulgarie, nos 33502/07, 30599/10, 8241/11 et 61863/11, §§ 86-90, 12 juillet 2016).

    37.  En outre, dans sa jurisprudence constante (voir les arrêts Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, § 46, série A no 10 et Oberschlick c. Autriche (no 1), 23 mai 1991, § 63, série A no 204), la Cour distingue entre déclarations de fait et jugements de valeur. La matérialité des déclarations de fait peut se prouver ; en revanche, en ce qui concerne les jugements de valeur, qui ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude, l’obligation de preuve est impossible à remplir et porte atteinte à la liberté d’opinion elle-même, élément fondamental du droit garanti par l’article 10 de la Convention (De Haes et Gijsels c. Belgique, 24 février 1997, § 42, Recueil des arrêts et décisions 1997-I). Cependant, en cas de jugement de valeur, la proportionnalité de l’ingérence dépend de l’existence d’une « base factuelle » suffisante sur laquelle reposent les propos litigieux : à défaut, le jugement de valeur en cause pourrait se révéler excessif (idem, § 47, Oberschlick c. Autriche (no 2), 1er juillet 1997, § 33, Recueil 1997-IV, et Brasilier c. France, no 71343/01, § 36, 11 avril 2006). Pour distinguer une déclaration de fait d’un jugement de valeur, il faut tenir compte des circonstances de l’espèce et de la tonalité générale des propos (idem, § 37), étant entendu que des assertions sur des questions d’intérêt public peuvent constituer à ce titre des jugements de valeur plutôt que des déclarations de fait (Paturel, précité, § 37).

    38.  Enfin, la nature et la lourdeur des peines infligées sont des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence litigieuse, la Cour ayant souligné qu’une atteinte à la liberté d’expression peut risquer d’avoir un effet dissuasif quant à l’exercice de cette liberté. Le caractère relativement modéré des amendes ne saurait suffire à faire disparaître le risque d’un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression (Morice, précité, § 127). D’une manière générale, s’il est légitime que les institutions de l’État soient protégées par les autorités compétentes en leur qualité de garantes de l’ordre public institutionnel, la position dominante que ces institutions occupent commande auxdites autorités de faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pénale (Castells c. Espagne, 23 avril 1992, § 46, série A no 236, Incal c. Turquie [GC], 9 juin 1998, § 54, Recueil 1998-IV, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, § 57, Recueil 1998-VII, Öztürk c. Turquie [GC], 28 septembre 1999, § 66, Recueil 1999-VI, et Otegi Mondragon c. Espagne, 15 mars 2011, § 58, CEDH 2011).

    ii.  Application de ces principes dans la présente affaire

    39.  La question de savoir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique » requiert de vérifier si elle était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les juridictions internes étaient pertinents et suffisants.

    40.  À cet égard, la Cour observe d’abord que la lettre litigieuse pour laquelle le requérant a été condamné pour diffamation était destinée au service public chargé d’assurer le recouvrement de la créance de l’intéressé consacrée par les tribunaux internes. Cette lettre contenait des propos critiquant le travail du juge de l’exécution et non pas des invectives de nature personnelle (voir à contrario Skałka c. Pologne, no 43425/98, § 36, 27 mai 2003). La Cour note également que la lettre litigieuse était adressée au juge de l’exécution lui-même et non pas à un supérieur hiérarchique ou à d’autres organes étatiques ayant comme attribution de recevoir des plaintes concernant l’exécution des décisions de justice. La Cour estime donc a fortiori qu’il y a lieu de suivre l’orientation des affaires Zakharov, Kazakov, Bezymyannyy, Siryk et Marinova et autres, précitées, et d’analyser le grief du requérant à travers la protection de son droit de se plaindre des agissements irréguliers d’un fonctionnaire.

    41.  Les parties sont en désaccord pour ce qui est de la nature des propos contenus dans la lettre litigieuse : le requérant affirme qu’il s’agissait de jugements de valeur, tandis que le Gouvernement soutient la thèse selon laquelle le requérant avait fait des allégations factuelles (voir paragraphes 30 et 32 ci-dessus). La Cour observe pour sa part que la lettre contenait quelques phrases rédigées en forme de discours direct et placées entre guillemets, notamment : « Je suis légalement puissant et je peux enfreindre la loi vis-à-vis de toi » ; « Veux-tu ne rien obtenir pour ton titre exécutoire » ; « Arrêtez d’agiter cette feuille, elle ne vaut rien pour moi ». De ce fait, elles pouvaient apparaître comme des citations qui semblaient être attribuées au juge de l’exécution. La lettre contenait également des affirmations factuelles du requérant concernant le travail accompli par ce fonctionnaire au cours de la procédure de recouvrement de sa créance et des phrases qui s’apparentaient à des accusations de commission d’actes pénalement répréhensibles par celui-ci. La Cour ne saurait donc reprocher aux tribunaux d’avoir considéré que la lettre du requérant contenait une série d’affirmations factuelles et d’avoir, par conséquent, exigé de celui-ci de prouver leur véracité dans le cadre de la procédure en diffamation.

    42.  La Cour relève ensuite que les tribunaux internes ont estimé que le juge de l’exécution avait été diffamé publiquement au motif que la lettre du requérant avait été lue par deux personnes et jointe au dossier, ce qui l’avait rendue à leurs yeux accessible au public (paragraphe 19 ci-dessus). Elle rappelle qu’il ne lui appartient pas de se substituer aux juridictions internes dans l’application et l’interprétation du droit interne. Elle observe toutefois que la publicité en cause était très restreinte puisque la lettre litigieuse avait été lue par deux personnes, en l’occurrence le juge de l’exécution et sa secrétaire (paragraphes 13 et 14 ci-dessus). Il n’était donc pas question d’un effet de publicité recherché par le requérant, ce qui aurait été le cas si celui-ci avait fait publier la lettre dans la presse locale ou encore s’il avait affiché celle-ci dans un lieu public.

    43.  Enfin, la Cour constate que, à l’issue de son procès, le requérant a été condamné à payer une amende de 500 BGN, soit l’équivalent de 250 EUR, et à verser 1 500 BGN, soit l’équivalent de 750 euros, à la partie adverse au titre du préjudice moral. Elle ne perd pas de vue que les tribunaux internes ont choisi de substituer à la sanction pénale une amende administrative dont le montant était moins élevé (voir paragraphe 20 ci-dessus). Cependant, compte tenu de toutes les circonstances spécifiques de l’espèce, la Cour estime que le montant global des sanctions ainsi imposées, c’est-à-dire l’amende administrative plus le dédommagement octroyé au plaignant à titre de préjudice moral, paraît disproportionné. À cet égard, la Cour retient non seulement le but, le contenu, le contexte et l’impact limité de la lettre litigieuse, mais également le fait que le requérant est retraité et dispose de faibles revenus (paragraphe 23 ci-dessus) et qu’il a mis plusieurs mois pour s’acquitter de cette somme (paragraphe 24 ci-dessus). Elle observe par ailleurs que cette somme était plus importante que le montant de la créance que le requérant cherchait à recouvrer par l’intermédiaire du juge de l’exécution T.M. (paragraphe 6 ci-dessus).

    44.  En conclusion, la Cour constate que la lettre litigieuse ne contenait pas de propos injurieux de nature personnelle, mais renfermait notamment une série d’assertions factuelles critiquant le travail accompli par le juge de l’exécution dans le cadre de la procédure de recouvrement de la créance du requérant. Elle était l’expression de la frustration éprouvée par celui-ci, confronté aux difficultés d’exécution d’un jugement qui lui était favorable. L’impact des propos du requérant sur la bonne réputation de la personne concernée était très limité en raison notamment de la publicité restreinte de la lettre. Même si la Cour ne saurait reprocher aux tribunaux internes d’avoir exigé que le requérant prouve la véracité de ses assertions factuelles contenues dans la lettre en cause, elle constate que, au regard des autres circonstances pertinentes analysées ci-dessus, la maladresse et la rudesse des critiques formulées par le requérant ne permettent pas de justifier le montant global des sanctions pécuniaires qui lui ont été imposées et que la Cour juge disproportionné. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la condamnation du requérant pour diffamation s’analysait en une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression de ce dernier et qu’elle n’était donc pas « nécessaire dans une société démocratique ». Il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention en l’espèce.

    II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

    45.  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint du rejet de sa demande de récusation de tous les juges du tribunal régional, ainsi que du refus de cette juridiction d’ordonner l’expertise de l’écriture d’un document présenté par la partie adverse.

    46.  Eu égard à l’ensemble des pièces dont elle dispose, et pour autant que ces griefs relèvent de sa compétence, la Cour ne constate aucune apparence de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention et ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    47.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    48.  Le requérant réclame 3 944,37 BGN au titre du préjudice matériel qu’il estime avoir subi pour les sommes payées par lui en raison de sa condamnation. Il indique également avoir subi un préjudice moral et s’en remet à la sagesse de la Cour pour l’évaluation du dédommagement y afférent.

    49.  Le Gouvernement déclare laisser son appréciation à la discrétion de la Cour pour ce qui est de la détermination des montants dus au titre des préjudices moral et matériel.

    50.   La Cour constate que le requérant a été condamné à payer 500 BGN d’amende, 70 BGN à titre de taxe judiciaire, ainsi que 412 BGN pour les frais et dépens et 1 500 BGN de dommages-intérêts à la partie adverse. Elle note aussi que des frais d’avocat à hauteur de 300 BGN, des frais de recouvrement et des intérêts se sont rajoutés à ces sommes.

    51.  La Cour estime qu’il existe un lien de causalité suffisant entre le dommage matériel allégué et la violation constatée sur le terrain de l’article 10 de la Convention. Il y a donc lieu d’ordonner le remboursement des sommes mises à la charge du requérant, dans la limite de 1 812,20 EUR, correspondant aux montants de l’amende et de la taxe judiciaire payés au Trésor public et des sommes versées et dues par l’intéressé dans le cadre de la procédure de recouvrement ouverte par la partie adverse.

    52.  La Cour estime par ailleurs que le requérant a subi un préjudice moral certain du fait de sa condamnation pour diffamation. Statuant en équité, elle lui alloue 500 EUR à ce titre.

    B.  Frais et dépens

    53.  Le requérant demande également 2 810 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il demande qu’une partie de ces frais, à savoir 1 680 EUR, soit transférée directement sur le compte de son avocat, MKashamov.

    54.  Le Gouvernement considère que la somme sollicitée au titre des honoraires d’avocat est excessive et injustifiée.

    55.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime que la somme demandée est raisonnable et elle décide de l’accorder au requérant. Elle ordonne, par ailleurs, qu’une partie de cette somme, à hauteur de 1 680 EUR, soit transférée directement sur le compte de son avocat, Me Kashamov.

    C.  Intérêts moratoires

    56.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 10 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

     

    3.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares, au taux applicable à la date du règlement :

    i.  1 812,20 EUR (mille huit cent douze euros et vingt centimes), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel,

    ii.  500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    iii.  2 810 EUR (deux mille huit cent dix euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens, dont 1 680 EUR (mille six cent quatre-vingts euros) à verser directement sur le compte de Me Kashamov ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

        Milan Blaško                                                                  Angelika Nußberger
      Greffier adjoint                                                                        Présidente


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