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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> VALENTIN BASTOVOI v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 40614/14 (Judgment : Violation of Prohibition of torture - Degrading treatment) (Substantive aspect)) French Text [2017] ECHR 1062 (28 November 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/1062.html
Cite as: CE:ECHR:2017:1128JUD004061414, ECLI:CE:ECHR:2017:1128JUD004061414, [2017] ECHR 1062

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    DEUXIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE VALENTIN BAŞTOVOI c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

     

    (Requête no 40614/14)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    28 novembre 2017

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Valentin Baştovoi c. République de Moldova,

    La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

              Robert Spano, président,
              Julia Laffranque,
              Ledi Bianku,
              Işıl Karakaş,
              Valeriu Griţco,
              Jon Fridrik Kjølbro,
              Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
    et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 novembre 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 40614/14) dirigée contre la République de Moldova et dont un ressortissant de cet État, M. Valentin Baştovoi (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 mai 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représenté par Me R. Zadoinov, avocat à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, d’abord par M. L. Apostol, ensuite par M. M. Gurin.

    3.  Le requérant se plaignait d’une violation de l’article 3 de la Convention, pris isolément et combiné avec l’article 13 de la Convention, en raison des conditions de sa détention.

    4.  Le 17 juin 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement.

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    5.  Le requérant est né en 1987 et est détenu à Chișinău.

    6.  Le 23 décembre 2013, à la suite d’une condamnation à huit ans d’emprisonnement pour détournement de fonds aggravé, il fut placé en détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău.

    7.  Selon le requérant, il a été détenu dans une cellule surpeuplée. Celle-ci aurait mesuré 6 mètres carrés et aurait été occupée, par moment, par six détenus. En raison d’une insuffisance de lits dans la cellule, les détenus se seraient relayés pour dormir. Les draps et les oreillers n’auraient pas été fournis. La cellule aurait été froide, dépourvue d’un lavabo et non alimentée en eau courante. La nourriture servie aurait été de très mauvaise qualité, insuffisante et impropre à la consommation. Les toilettes auraient consisté en un WC sans siège, n’auraient pas été séparées du reste de la cellule et auraient dégagé des odeurs nauséabondes. La cellule n’aurait pas bénéficié de la lumière naturelle et d’une ventilation efficace. Le requérant aurait eu droit à une douche par semaine et à une heure de promenade par jour.

    8.  En raison des conditions de sa détention, inhumaines et dégradantes à ses yeux, le requérant aurait contracté une mycose, une gastrite et une infection des voies respiratoires. Il n’aurait reçu aucun traitement médical pour soigner ces maladies.

    9.  Selon le Gouvernement, durant sa détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău, le requérant a disposé, en fonction des cellules qu’il aurait occupées, d’un espace personnel allant de 2,5 à 3,5 mètres carrés. Toujours selon lui, l’intéressé a reçu en détention des soins médicaux adéquats, notamment pour soigner une dermatite séborrhéique et une mycose des pieds.

    II.  LES TEXTES PERTINENTS ET LE DROIT INTERNE

    10.  La Cour renvoie aux textes pertinents en l’espèce, résumés dans l’affaire Shishanov c. République de Moldova (no 11353/06, §§ 50-61, 15 septembre 2015).

    11.  Dans le rapport relatif à sa visite du 22 décembre 2014 dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău, le Centre pour les droits de l’homme de Moldova, agissant au nom de l’Ombudsman moldave, a fait état de nombreux problèmes, dont la surpopulation et l’insalubrité générale des cellules, l’existence de toilettes partiellement séparées du reste de l’espace de détention dans la plupart des cellules, ainsi que la mauvaise aération et l’accès limité à la lumière du jour dans les cellules. Le 3 décembre 2015, des représentants du bureau de l’Ombudsman ont effectué une nouvelle visite dans la prison en question et ont fait les mêmes constats. À la suite de cette dernière visite, l’Ombudsman a recommandé aux autorités compétentes de fermer l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău ou d’en améliorer les conditions de détention.

    12.  Les passages pertinents en l’espèce du rapport relatif à la visite effectuée en République de Moldova par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 14 au 25 septembre 2015 se lisent comme suit :

    « 45.  Au moment de la visite de 2015, les établissements pénitentiaires moldaves comptaient environ 7 770 détenus (dont environ 20 % de prévenus), soit quelque 1 300 personnes de plus que lors de la visite précédente du CPT, en 2011. Cela représente un taux d’incarcération avoisinant les 220 pour 100 000 habitants, soit l’un des plus élevés parmi les États membres du Conseil de l’Europe. Les autorités moldaves ont reconnu que la taille de la population carcérale, qui entraînait un surpeuplement des prisons, constituait un défi majeur. La délégation a d’ailleurs pu constater elle-même que la norme nationale d’au moins 4 m2 d’espace vital par détenu était loin d’être respectée dans la plupart des établissements pénitentiaires visités ; notamment dans les prisons de Chișinău et de Soroca, le surpeuplement atteignait des proportions effarantes (voir les paragraphes 58 et 63). Dans ce contexte, les autorités ont expliqué à la délégation que l’augmentation du nombre de détenus était largement imputable à la hausse des taux de récidive et au recours excessif à la détention provisoire, ainsi qu’à la réticence des juges à accorder des mesures de libération conditionnelle anticipée.

    (...)

    58.  Au fil des ans, quelques améliorations avaient certes été apportées aux conditions matérielles de détention à la prison de Chișinău (par exemple, les toilettes avaient été cloisonnées dans la plupart des cellules et les parloirs avaient été rénovés), mais, dans l’ensemble, les conditions de détention étaient encore loin d’être satisfaisantes. De nombreuses cellules étaient en mauvais état et mal aérées, et avaient un accès limité à la lumière du jour (à cause de la taille réduite des fenêtres). De plus, l’état d’hygiène des cellules laissait généralement beaucoup à désirer et nombre d’entre elles étaient infestées de cafards. En outre, les détenus devaient souvent dormir sur des matelas crasseux, qui n’étaient parfois pas même recouverts d’un drap. De nombreux détenus se sont plaints à la délégation d’avoir très froid dans les cellules en hiver. Par ailleurs, dans plusieurs cellules collectives, la délégation a constaté que les toilettes n’étaient cloisonnées qu’en partie (et en partie cachées par un rideau).

    La situation était encore aggravée par le fait que la majorité des prévenus de la prison de Chișinău étaient très à l’étroit dans les cellules. Le niveau de surpeuplement observé par la délégation dans plusieurs cellules était tout simplement inacceptable. Par exemple, une cellule de 8,2 m2 (toilettes comprises, d’une surface de 1,5 m2) était occupée par six détenus. Une autre cellule, où s’entassaient 14 personnes, mesurait seulement 23 m2 environ.

    59.  À la fin de la visite, la délégation a indiqué clairement aux autorités moldaves que, vu les périodes souvent longues que les prévenus passaient en détention et le régime d’activités très réduit qui leur était appliqué (voir paragraphe 61), ces conditions de détention pouvaient être considérées comme s’apparentant à un traitement inhumain et dégradant. Elle a demandé aux autorités de prendre d’urgence des mesures pour réduire les taux d’occupation à la prison de Chișinău.

    (...)

    61.  Comme par le passé, la quasi-totalité des prévenus de la prison de Chișinău se voyaient appliquer un programme d’activités très réduit, qui se limitait à une ou deux heures d’exercice en plein air par jour, dans de petites cours (dont certaines étaient équipées d’installations sportives de base, telles que des haltères ou un punching-ball). Les détenus passaient le reste de la journée enfermés dans leurs cellules, souvent pendant des mois, voire des années, dans un état d’oisiveté forcée. Cela est tout à fait inacceptable. »

    13.  Lors de la réunion tenue les 20 et 21 septembre 2016, le Comité des Ministres a adopté une décision sur l’exécution des arrêts de la Cour relatifs aux conditions de détention en République de Moldova, qui, en ses passages pertinents en l’espèce, se lit comme suit :

    « Les Délégués

    (...)

    En ce qui concerne les mesures générales

    5.  prennent note des mesures prises par les autorités afin d’améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires et les invitent à intensifier leurs efforts dans ce domaine ;

    6.  relèvent avec préoccupation l’augmentation de la surpopulation carcérale au cours des dernières années et invitent instamment les autorités à adopter, en priorité, une stratégie globale s’inspirant pleinement des recommandations pertinentes du Comité des Ministres et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) ainsi que de l’avis des experts dans le cadre du projet financé par le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme (HRTF) ;

    7.  notent les informations fournies concernant la mise en place de voies de recours judiciaires, préventif et compensatoire, conformément aux exigences de l’arrêt dans l’affaire Shishanov ; (...) ;

    8.  invitent les autorités à fournir toutes les informations sur les questions en suspens, notamment sur d’autres améliorations des conditions matérielles de détention, y compris la construction d’une nouvelle prison à Chişinău, la fourniture de nourriture aux détenus, les conditions sanitaires, les activités hors cellule (...) »

    14.  Le 20 octobre 2017, la loi no 163 a été publiée dans le Journal officiel de la République de Moldova. Elle prévoit notamment la mise en place d’une combinaison de recours préventif et compensatoire indiqués par la Cour dans l’arrêt Shishanov (précité, §§ 130-139). Les dispositions de cette loi relatives aux nouveaux recours entreront en vigueur le 1er janvier 2019.

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    15.  Le requérant se plaint de ses conditions de détention, qu’il qualifie de contraires à l’article 3 de la Convention, ainsi que d’une absence de soins médicaux en détention. L’article 3 de la Convention est ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    A.  Sur la recevabilité

    16.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il argue que le requérant a omis d’engager une action civile contre l’État afin d’obtenir réparation pour les mauvaises conditions de détention et l’absence de soins alléguées. Il cite la jurisprudence de la Cour suprême de justice relative au recours compensatoire ouvert aux personnes détenues s’estimant victimes d’une violation des articles 3, 5 et 8 de la Convention.

    17.  Le requérant conteste cette thèse.

    18.  La Cour rappelle s’être penchée à de multiples reprises sur la question de savoir s’il existait en République de Moldova des voies de recours effectives relativement à des allégations de mauvaises conditions de détention et, à chaque fois, avoir estimé que les recours invoqués par le Gouvernement étaient ineffectifs à l’égard des personnes qui continuaient à être détenues dans des conditions incompatibles avec l’article 3 de la Convention (voir, entre autres, Sarban c. Moldova, no 3456/05, §§ 57-62, 4 octobre 2005, Modarca c. Moldova, no 14437/05, § 47, 10 mai 2007, et Shishanov, précité, §§ 75-79). Elle rappelle en outre avoir déjà conclu à la violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence d’un recours effectif en droit moldave susceptible de remédier à une détention dans des conditions inhumaines et dégradantes (voir, par exemple, Malai c. Moldova, no 7101/06, §§ 42-46, 13 novembre 2008, Mitrofan c. République de Moldova, no 50054/07, § 61, 15 janvier 2013, et Segheti c. République de Moldova, no 39584/07, § 38, 15 octobre 2013). En l’espèce, la Cour n’aperçoit aucune raison de s’éloigner de ces constats. Elle note de surcroît que la voie de recours suggérée par le Gouvernement, à savoir une action civile en réparation contre l’État, est un recours purement compensatoire qui n’aurait pas permis au requérant d’améliorer les conditions de sa détention. De plus, la Cour rappelle avoir, en application de l’article 46 de la Convention, indiqué à l’État défendeur de mettre en place des recours ayant des effets préventifs et compensatoires et garantissant réellement une réparation effective des violations de la Convention résultant des conditions de détention inappropriées (Shishanov, précité, § 139). Elle observe avec satisfaction que l’État défendeur vient d’adopter la loi no 163 publiée le 20 octobre 2017 qui prévoit l’introduction dans le droit interne des recours préventif et compensatoire en matière de conditions de détention (paragraphe 14 ci-dessus). Elle remarque cependant que les dispositions de cette loi relatives aux nouveaux recours entreront en vigueur le 1er janvier 2019 et qu’elles ne sont donc pas applicables au cas présent. Partant, elle rejette l’exception du Gouvernement.

    19.  Constatant que le grief du requérant tiré des conditions de sa détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare donc recevable.

    20.  Quant à l’absence alléguée de soins médicaux en détention, la Cour estime que le requérant n’a pas étayé cette assertion. Elle observe de surcroît que l’intéressé n’a nullement contesté l’affirmation du Gouvernement selon laquelle il avait reçu des soins pour traiter la dermatite et la mycose dont il souffrait. Elle note également que le requérant n’a fourni aucun élément de preuve montrant que son état aurait nécessité d’autres soins médicaux spécifiques et qu’il n’a pas reçu de tels soins. Par conséquent, la Cour juge que cette partie du grief tiré de l’article 3 de la Convention est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée comme irrecevable, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

    B.  Sur le fond

    21.  Le requérant soutient que les conditions de sa détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău constituent un traitement inhumain et dégradant.

    22.  Quant au Gouvernement, tout en admettant que les conditions de détention dans la prison susmentionnée prêtent le flanc aux critiques, il soutient qu’elles ont été considérablement améliorées depuis 2011. Il argue également que le requérant a été détenu dans des conditions conformes aux exigences conventionnelles.

    23.  La Cour renvoie aux principes pertinents en matière de conditions de détention tels qu’ils se trouvent énoncés dans l’arrêt Muršić c. Croatie ([GC], no 7334/13, §§ 96-101 et 136-141, CEDH 2016).

    24.  Elle rappelle avoir déjà constaté la nature récurrente des problèmes liés aux mauvaises conditions de détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău et avoir indiqué aux autorités étatiques d’adopter des mesures adéquates pour mettre fin à ce qui semblait être un problème systémique (Cristioglo c. République de Moldova, no 24163/11, § 24, 26 avril 2016).

    25.  En l’espèce, elle observe que, lors de leurs visites respectives effectuées dans cet établissement pendant la période où le requérant y était détenu, l’Ombudsman moldave et le CPT ont constaté que de mauvaises conditions de détention y prédominaient (paragraphes 11-12 ci-dessus). Elle relève également que le Gouvernement n’a pas fourni de preuves pour étayer son affirmation selon laquelle des améliorations considérables dans l’établissement pénitentiaire no 13 ont été effectuées ces dernières années. Dans ces conditions, la Cour ne voit aucune raison de s’éloigner des constats opérés dans ses jugements précédents à l’égard de cette prison (voir, entre autres, Hadji c. Moldova, nos 32844/07 et 41378/07, § 20, 14 février 2012, Silvestru c. République de Moldova, no 28173/10, § 21, 13 janvier 2015, et Pisaroglu c. République de Moldova, no 21061/11, § 18, 3 mars 2015). Elle juge donc que, durant son incarcération dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău, le requérant a été soumis à des conditions de détention qui lui ont fait subir une épreuve d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

    Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

    II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    26.  Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant dénonce également une absence de recours interne effectif pour faire valoir ses droits énoncés à l’article 3 de la Convention.

    27.  Le Gouvernement conteste cette thèse.

    28.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus tiré des conditions de détention dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău et qu’il doit donc aussi être déclaré recevable.

    29.  Pour les mêmes raisons que celles qui l’ont conduit à rejeter l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes (paragraphe 18 ci-dessus), la Cour considère que le requérant ne disposait pas d’un recours interne effectif pour dénoncer les conditions de sa détention. Dès lors, elle estime qu’en l’espèce il y a également eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention.

    III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    30.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    31.  Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi.

    32.  Le Gouvernement estime que le montant demandé est excessif.

    33.  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain en raison de la violation de ses droits garantis par les articles 3 et 13 de la Convention. Statuant en équité, elle lui alloue 8 000 EUR à ce titre.

    B.  Frais et dépens

    34.  Le requérant demande également 3 500 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il fournit une copie du contrat conclu avec son représentant ainsi qu’un relevé détaillé des heures de travail prestées par celui-ci pour la présente affaire.

    35.  Le Gouvernement considère que la présente affaire est très simple quant aux faits et aux problèmes juridiques soulevés. Par conséquent, il estime que le montant demandé est injustifié et excessif.

    36.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

    37.  En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 500 EUR pour la procédure devant la Cour, moins les 850 EUR déjà versés par le Conseil de l’Europe au requérant au titre de l’assistance judiciaire. Elle lui accorde donc 650 EUR.

    C.  Intérêts moratoires

    38.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 3 et 13 de la Convention relatifs aux conditions de détention du requérant dans l’établissement pénitentiaire no 13 de Chișinău, et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

    i)  8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  650 EUR (six cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 novembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

            Hasan Bakırcı                                                                    Robert Spano
           Greffier adjoint                                                                      Président


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