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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> DISTRICT UNION OF ILFOV COOPERATIVE SOCIETY v. ROMANIA - 16554/06 (Judgment : Pecuniary damage - claim dismissed - Non-pecuniary damage - award) French Text [2017] ECHR 1103 (05 December 2017)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2017/1103.html
Cite as: [2017] ECHR 1103, ECLI:CE:ECHR:2017:1205JUD001655406, CE:ECHR:2017:1205JUD001655406

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE UNION DÉPARTEMENTALE DES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES ILFOV c. ROUMANIE

     

    (Requête no 16554/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

    (Satisfaction équitable)

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    5 décembre 2017

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Union départementale des sociétés coopératives Ilfov c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Helena Jäderblom, présidente,
              Branko Lubarda,
              Luis López Guerra,
              Helen Keller,
              Iulia Motoc,
              Pere Pastor Vilanova,
              Alena Poláčková, juges,
    et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 novembre 2017,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 16554/06) dirigée contre la Roumanie et dont une société coopérative de droit roumain, l’Union départementale des sociétés coopératives Ilfov (« la requérante »), a saisi la Cour le 18 avril 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  Par un arrêt du 16 septembre 2014 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison du transfert de certains immeubles de la requérante dans le domaine public local (Union départementale des sociétés coopératives Ilfov c. Roumanie, no 16554/06, §§ 37-41 et §§ 44-55, 16 septembre 2014).

    3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait une satisfaction équitable de 348 040 euros (EUR) pour le préjudice matériel qu’elle estimait avoir subi. En outre, elle sollicitait 10 000 EUR pour préjudice moral et 1 000 EUR pour les frais et dépens qu’elle disait avoir engagés.

    4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée en entier et a invité le Gouvernement et la requérante à lui soumettre par écrit, dans les six mois, leurs observations sur ladite question et à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 60 et point 4 a) et b) du dispositif). De même, elle a réservé la procédure ultérieure et a délégué au président de la chambre le soin de la fixer au besoin (ibidem, § 60 et point 4 c) du dispositif).

    5.  Par une lettre du 17 décembre 2014, la Cour a rappelé aux parties que le délai pour envoyer leurs observations sur la satisfaction équitable arrivait à échéance le 2 juin 2015.

    6.  La requérante n’a pas répondu à la lettre du 17 décembre 2014.

    7.  Par une lettre du 5 juin 2015, le Gouvernement a invité la Cour à rejeter la demande de satisfaction équitable formulée par la requérante au stade de l’arrêt au principal au motif qu’elle avait omis d’envoyer une demande actualisée (paragraphes 4, 5 et 6 ci-dessus).

    8.  Par une lettre du 3 juillet 2015, sur les instructions du président de la section, le greffe a invité la requérante à répondre avant le 31 juillet 2015 aux observations du Gouvernement (paragraphe 7 ci-dessus).

    9.  Dans une lettre du 29 juillet 2015, la requérante a indiqué qu’elle confirmait les demandes telles qu’elles avaient été présentées précédemment (paragraphe 3 ci-dessus).

    10.  Les parties n’ont pas versé au dossier de rapport d’expertise.

    11.  Par ailleurs, aucun accord permettant d’aboutir à un règlement amiable n’a été trouvé.

    EN DROIT

    12.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    13.  La Cour note tout d’abord que la requérante a présenté une demande de satisfaction équitable au stade de la communication de la Requête, dans le cadre de la procédure contentieuse de l’examen de l’arrêt au principal. L’intéressée a donc bel et bien formulé devant la Cour une demande de satisfaction équitable au sens de l’article 60 du règlement de la Cour (voir, pour une situation différente, Nagmetov c. Russie [GC], no 35589/08, § 62, 30 mars 2017).

    14.  Elle note ensuite que, dans l’arrêt au principal, elle a constaté que les parties n’avaient pas fourni de rapport d’expertise quant à la valeur des biens en litige et estimé nécessaire de réserver la question de l’application de l’article 41 de la Convention, en invitant les parties à lui fournir des observations et en réservant la procédure à suivre (article 75 § 1 du règlement ; paragraphes 4 et 8 ci-dessus). S’il est vrai que la requérante n’a pas répondu à la première lettre qui lui avait été adressée par le greffe à cette fin (paragraphe 5 ci-dessous), il n’en reste pas moins qu’elle a expressément réitéré sa demande de satisfaction équitable dans le nouveau délai qui lui avait été imparti à la suite des instructions du président de la section (paragraphe 9 ci-dessus).

    15.  Dès lors, la Cour considère qu’elle est en présence d’une demande de satisfaction équitable formée de manière appropriée et réitérée dans le délai imparti (voir, en ce sens, Halil Göçmen c. Turquie (satisfaction équitable), no 24883/07, §§ 5 et 8, 14 octobre 2014, et Prenna et autres c. Italie (satisfaction équitable), no 69907/01, §§ 4 et 5, 19 juin 2012 ; et, pour une situation différente, Paraponiaris c. Grèce (satisfaction équitable), no 42132/06, § 7, 22 octobre 2009, affaire dans laquelle le requérant n’avait pas répondu dans le nouveau délai qui lui avait été imparti et la Cour avait jugé qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer une somme au titre de l’article 41 de la Convention).

    A.  Dommage

    16.  Dans ses observations déposées devant la Cour le 3 janvier 2013, la requérante demandait 348 040 EUR au titre du préjudice matériel qu’elle estimait avoir subi, somme qui correspondait, selon elle, à la valeur des espaces commerciaux transférés dans le domaine public local, calculée selon le prix de vente au mètre carré des espaces commerciaux situés dans la commune d’Otopeni, prix qui s’élèverait à environ 220 EUR. Elle réclamait également 10 000 EUR pour préjudice moral.

    17.  Le Gouvernement conteste les prétentions de la requérante formulées au titre du préjudice matériel qu’elle dit avoir subi et souligne que celle-ci n’a fourni aucun justificatif à ce sujet. Il considère que la somme sollicitée pour préjudice moral est trop élevée et invite la Cour à octroyer, le cas échéant, une somme correspondant à sa jurisprudence en la matière.

    18.  Pour ce qui est du préjudice matériel, la Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation de la Convention ou de ses Protocoles entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique non seulement de verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour. L’État défendeur est tenu d’effacer dans la mesure du possible les conséquences de la violation de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Apostol c. Géorgie, no 40765/02, § 71, CEDH 2006-XIV, Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 80, 19 février 2009, et Pralica c. Bosnie-Herzégovine, no 38945/05, § 19, 27 janvier 2009).

    19.  En l’espèce, la Cour a constaté, dans l’arrêt au principal, que les parties n’ont pas fourni de rapport d’expertise afin de permettre la détermination de la valeur des locaux commerciaux en litige (Union départementale des sociétés coopératives Ilfov, précité, § 59). Or, bien qu’invitées à présenter des observations sur la demande de satisfaction équitable, les parties n’ont pas versé au dossier une telle expertise (paragraphe 10 ci-dessus) et la requérante n’a fourni aucun autre document qui aurait pu étayer ses demandes. Par ailleurs, il convient de noter que l’intéressée n’a aucunement allégué se trouver dans l’impossibilité de réaliser une évaluation de ses biens ou de fournir le document demandé.

    20.  Dès lors, dans la mesure où la somme sollicitée au titre du préjudice matériel n’est fondée sur aucune donnée objective et n’est justifiée par aucune expertise, la Cour ne saurait accueillir la demande de la requérante (article 60 § 2 du règlement).

    21.  Pour ce qui est du préjudice moral, la Cour estime que la violation de l’article 1 du Protocole no 1 constatée dans le chef de la requérante a causé des désagréments à cette dernière dans la manière de gérer ses biens et donc de mener son activité, un lien de causalité existant entre la violation alléguée et le préjudice moral découlant de celle-ci (voir, pour ce qui est du dommage moral à accorder à une personne morale, Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no 35382/97, § 35, CEDH 2000-IV). Statuant en équité, la Cour accorde à la requérante 3 000 EUR pour dommage moral.

    B.  Frais et dépens

    22.  La requérante demande 1 000 EUR pour les frais de secrétariat et de traduction qu’elle dit avoir engagés pour mener la procédure devant la Cour. À titre de justificatif, elle fournit une quittance relative à des frais de correspondance avec la Cour d’un montant de 96,70 lei roumains (RON), soit environ 21 EUR.

    23.  Le Gouvernement invite la Cour à rejeter les prétentions de la requérante, qu’il considère comme étant non étayées par des justificatifs.

    24.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). Compte tenu des documents en sa possession, la Cour estime raisonnable la somme de 21 EUR et l’accorde à la requérante.

    C.  Intérêts moratoires

    25.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

    i.  3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

    ii.  21 EUR (vingt et un euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt à la requérante, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    2.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 décembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

         Fatoş Aracı                                                                     Helena Jäderblom
    Greffière adjointe                                                                      Présidente


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