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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> GULLU v. TURKEY - 37671/12 (Judgment : Freedom of expression-{general} : Second Section Committee) French Text [2020] ECHR 321 (12 May 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/321.html
Cite as: CE:ECHR:2020:0512JUD003767112, ECLI:CE:ECHR:2020:0512JUD003767112, [2020] ECHR 321

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DEUXIÈME SECTION

 

AFFAIRE GÜLLÜ c. TURQUIE

(Requête no 37671/12)

 

 

 

 

ARRÊT

STRASBOURG

12 mai 2020

 

 

 

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l’affaire Güllü c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

          Valeriu Griţco, président,
          Arnfinn Bårdsen,
          Peeter Roosma, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 mars 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 37671/12) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Barış Güllü (« le requérant »), a saisi la Cour le 23 septembre 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me İ. Akmeşe, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3.  Par une décision du 8 avril 2014, le grief relatif à la durée de la procédure a été déclaré irrecevable. Le 10 janvier 2019, le grief concernant l’atteinte qui aurait été portée à la liberté d’expression du requérant a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1980 et réside à Istanbul.

5.  À l’époque des faits, il était le propriétaire et le rédacteur en chef du périodique Özgür Halk.

6.  Par un acte d’accusation du 24 mai 2004, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul l’inculpa du chef de publication de déclarations d’une organisation terroriste à raison d’un article intitulé « Les résultats [des élections locales] du 28 mars et la perspective d’une nouvelle ère » publié dans le numéro du 15 mai 2004 de son quotidien.

7.  Le 24 juin 2010, la cour d’assises d’Istanbul (« la cour d’assises ») reconnut le requérant coupable de l’infraction qui lui était reprochée et le condamna à une amende judiciaire de 1 500 livres turques (TRY), soit environ 784 euros (EUR) à l’époque, sur le fondement de l’article 6 §§ 2 et 4 de la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme (« la loi no 3713 »). Elle estima à cet égard que l’article mentionné dans l’acte d’accusation contenait les déclarations du PKK/KADEK/KONGRA-GEL (Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation armée illégale, et les branches de cette organisation) eu égard notamment aux passages suivants :

« Le fait que notre mouvement n’a pas pu dépasser le conservatisme et [acquérir] un [fort pouvoir de] persuasion a fait que la transformation (...) est objectivement restée lettre morte. Faute d’évolution des mentalités, [cette transformation] n’a pas pu être [mise en place] dans la vie et le fonctionnement de l’organisation ; une incapacité à dépasser l’ancien, une répétition et un rétrécissement de la structure et du style politique de l’organisation sont apparus.

Avec nos salutations et notre respect

La présidence de KONGRA-GEL 02/05/2004 »

La cour d’assises précisa en outre que cette condamnation était définitive eu égard à l’article 305 de l’ancien code de procédure pénale (ACCP) (paragraphe 12 ci-dessous).

8.  Le 11 juillet 2012, prenant acte de l’entrée en vigueur de la loi n6352 (paragraphe 13 ci-dessous), la cour d’assises décida, en application de l’article 1 provisoire de celle-ci, de surseoir, pendant une période de trois ans, à l’exécution de la peine infligée au requérant.

9.  Le 14 janvier 2013, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation formé par le requérant, au motif que, eu égard à l’article 305 de l’ACCP (paragraphe 12 ci-dessous), l’arrêt était définitif s’agissant de la condamnation du requérant prononcée sur le fondement de l’article 6 §§ 2 et 4 de la loi n3713.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

A.  L’article 6 de la loi no 3713

10.  Avant la modification introduite par la loi no 5532 du 29 juin 2006, l’article 6 de la loi no 3713 du 12 avril 1991 sur la lutte contre le terrorisme disposait ce qui suit, en ses passages pertinents en l’espèce :

« (...)

Est puni d’une amende de 5 à 10 millions de livres turques quiconque imprime ou publie des déclarations ou des tracts d’organisations terroristes.

(...)

Lorsque les faits visés aux paragraphes ci-dessus sont commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi no 5680 sur la presse, le propriétaire est également condamné à une amende égale à 90 % de la moyenne du chiffre des ventes du mois précédent si la fréquence de parution du périodique est inférieure à un mois, ou du chiffre des ventes réalisé par le dernier numéro du périodique si celui-ci est mensuel ou paraît moins fréquemment (...) Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à 50 millions de livres turques. Le rédacteur en chef du périodique est condamné à la moitié de la peine infligée au propriétaire. »

11.  Après la modification introduite par la loi no 5532 du 29 juin 2006, cette disposition était libellée comme suit en ses passages pertinents en l’espèce :

« (...)

Est puni d’une peine d’un an à trois ans d’emprisonnement quiconque imprime ou publie des déclarations ou des tracts [émanant] d’organisations terroristes.

(...)

Lorsque les faits visés aux paragraphes ci-dessus sont commis par voie de presse et de publication, les propriétaires et les rédacteurs en chef des organes de presse et de publication qui n’ont pas participé à la commission des faits sont également condamnés à une peine de 1 000 à 10 000 jours-amende. Le plafond de cette peine est cependant de 5 000 jours-amende. »

B.  L’article 305 de la loi no 1412

12.  Selon l’article 305 § 2 de la loi no 1412 sur la procédure pénale (« la loi n1412 »), tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, les décisions portant condamnation à une amende judiciaire inférieure à 2 000 TRY (soit environ 900 EUR) n’étaient pas susceptibles de pourvoi en cassation.

C.  La loi no 6352

13.  La loi no 6352, intitulée « loi portant modification de diverses lois aux fins de l’optimisation de l’efficacité des services judiciaires et de la suspension des procès et des peines imposées dans les affaires concernant les infractions commises par le biais de la presse et des médias », est entrée en vigueur le 5 juillet 2012. Elle prévoit en son article 1 provisoire, alinéas 1 c) et 3, qu’il sera sursis pendant une période de trois ans à l’exécution de toute peine devenue définitive consistant en une amende ou en un emprisonnement inférieur à cinq ans infligée pour la commission d’une infraction réalisée par le biais de la presse, des médias ou d’autres moyens de communication de la pensée et de l’opinion, à la condition que l’infraction sanctionnée par une telle peine ait été commise avant le 31 décembre 2011.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

14.  Le requérant soutient que la procédure pénale diligentée contre lui s’analyse en une atteinte à son droit à la liberté d’expression tel que prévu par l’article 10 de la Convention.

A.  Sur la recevabilité

15.  Le Gouvernement soulève trois exceptions d’irrecevabilité concernant la qualité de victime du requérant, le défaut manifeste de fondement du grief de l’intéressé et le non-épuisement des voies de recours internes.

16.  En ce qui concerne la première exception, il expose qu’une décision de sursis à l’exécution de la peine a été rendue à l’égard du requérant et que ce dernier n’a pas été placé en détention provisoire dans le cadre de la procédure pénale litigieuse. Il considère que, de ce fait, l’intéressé n’a subi aucun inconvénient et n’a connu aucun effet dissuasif en raison de cette procédure, et qu’il n’a donc pas la qualité de victime.

17.  Au sujet de l’exception relative au défaut manifeste de fondement du grief du requérant, le Gouvernement soutient que la procédure pénale qui a été engagée contre l’intéressé à la suite de la publication d’un article relatant les opinions de l’organisation PKK/KONGRA-GEL, lesquelles, selon lui, allaient à l’encontre du texte et de l’esprit de la Convention, n’a créé aucun effet dissuasif sur l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression et n’a constitué aucune ingérence dans l’exercice par lui de ce même droit.

18.  Relativement à l’exception de non-épuisement des voies de recours internes, le Gouvernement reproche au requérant de ne pas avoir introduit de recours individuel devant la Cour constitutionnelle après que la décision de sursis à l’exécution de la peine rendue par la cour d’assises en vertu de la loi n6352 lui a été notifiée. Il argue en outre que l’intéressé aurait encore pu introduire un recours individuel devant la Cour constitutionnelle pour présenter ses griefs relatifs à la procédure pénale litigieuse après que l’arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2013 eut été rendu.

19.  Le requérant ne s’est pas prononcé sur ces exceptions.

20.  En ce qui concerne l’exception relative à la qualité de victime du requérant, la Cour estime que la mesure de sursis à l’exécution de la peine était inapte à prévenir ou réparer les conséquences de la procédure pénale directement subies par l’intéressé à raison de l’atteinte portée à sa liberté d’expression, même en l’absence d’un placement en détention provisoire (voir, mutatis mutandis, Aslı Güneş c. Turquie (déc.), no 53916/00, 13 mai 2004, Yaşar Kaplan c. Turquie, no 56566/00, §§ 32-33, 24 janvier 2006, et Ergündoğan c. Turquie, no 48979/10, § 17, 17 avril 2018). Il convient donc de rejeter cette exception.

21.  Pour ce qui est de l’exception relative au défaut manifeste de fondement du grief du requérant, la Cour considère qu’elle soulève des questions appelant un examen au fond du grief formulé sur le terrain de l’article 10 de la Convention.

22.  Quant à l’exception de non-épuisement des voies de recours internes, elle rappelle avoir déjà jugé que le sursis à l’exécution des peines prévu par la loi no 6352 ne consistait pas en une révision du fond de la procédure pénale, mais seulement en une modification portant sur la peine prononcée à l’issue de cette procédure (Öner et Türk c. Turquie, n51962/12, § 17, 31 mars 2015). En l’espèce, elle note que le 24 juin 2010 la cour d’assises a condamné le requérant tout en précisant que son arrêt était définitif, et que l’intéressé a quand même formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Cour de cassation, laquelle l’a rejeté au motif que l’arrêt de la cour d’assises était définitif. La Cour relève que la condamnation pénale du requérant étant devenue définitive par l’arrêt de la cour d’assises du 24 juin 2010, soit avant l’entrée en vigueur du recours individuel devant la Cour constitutionnelle le 23 septembre 2012 (Hasan Uzun c. Turquie (déc.), n10755/13, §§ 25-27, 30 avril 2013), l’intéressé ne pouvait pas saisir cette haute juridiction d’un tel recours et lui présenter ses griefs relatifs à la procédure pénale diligentée contre lui (ibidem). Dès lors, il convient de rejeter cette exception également.

23.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B.  Sur le fond

1.  Arguments des parties

24.  Le requérant considère que la procédure pénale diligentée contre lui s’analyse en une ingérence dans l’exercice par lui de son droit à la liberté d’expression, que cette ingérence ne poursuivait aucun but légitime au sens de l’article 10 § 2 de la Convention, qu’elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique et qu’elle constituait ainsi une violation de l’article 10 de la Convention.

25.  Le Gouvernement considère que la procédure pénale litigieuse n’a créé aucun effet dissuasif sur l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression et n’a constitué aucune ingérence dans l’exercice par l’intéressé de ce même droit. Il expose à cet égard que le requérant a été en mesure d’exercer sa profession en toute liberté durant toute la procédure pénale. Pour le cas où l’existence d’une ingérence serait admise par la Cour, il argue que cette ingérence était prévue par l’article 6 de la loi no 3713 et qu’elle poursuivait les buts légitimes que constituent selon lui la protection de la sécurité nationale et de l’intégrité territoriale, la défense de l’ordre et la prévention du crime. Il soutient en outre que cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique dans la mesure où, selon lui, l’article publié dans le quotidien du requérant contenait les déclarations et les manifestes d’une organisation terroriste et faisait de la propagande en faveur de cette organisation.

2.  Appréciation de la Cour

26.  La Cour note qu’en l’espèce le requérant, propriétaire et rédacteur en chef d’un périodique, a été condamné pour avoir publié les déclarations d’une organisation considérée comme terroriste en droit turc à une amende judiciaire, peine dont il a été sursis à l’exécution par la suite (paragraphes 7 et 8 ci-dessus).

27.  Elle considère que, compte tenu de l’effet dissuasif que la procédure pénale litigieuse, qui a duré environ six ans et deux mois, et la décision de sursis à l’exécution de la peine rendue à l’issue de cette procédure, qui a soumis l’intéressé à une période de sursis de trois ans, ont pu provoquer, celles-ci s’analysent en une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression (voir Erdoğdu c. Turquie, no 25723/94, § 72, CEDH 2000VI, Dilipak c. Turquie, no 29680/05, § 51, 15 septembre 2015, Ergündoğan, précité, § 26, Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 3), n8732/11, § 26, 9 juillet 2019, et a contrario, Otegi Mondragon c. Espagne, no 2034/07, § 60, CEDH 2011).

28.  Elle observe ensuite qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que cette ingérence était prévue par la loi, à savoir l’article 6 §§ 2 et 4 de la loi no 3713 (paragraphes 10 et 11 ci-dessus). Elle peut accepter en outre que l’ingérence litigieuse poursuivait les buts légitimes que constituent la protection de la sécurité nationale et de l’intégrité territoriale, la défense de l’ordre et la prévention du crime.

29.  Quant à la nécessité de l’ingérence, la Cour renvoie aux principes découlant de sa jurisprudence en matière de liberté d’expression, lesquels sont résumés notamment dans l’arrêt Bédat c. Suisse ([GC], no 56925/08, § 48, 29 mars 2016) et Gözel et Özer c. Turquie (nos 43453/04 et 31098/05, §§ 46-63, 6 juillet 2010). Elle rappelle en outre qu’elle a conclu, dans des affaires soulevant des questions semblables à celles de la présente espèce, à la violation de l’article 10 de la Convention (Gözel et Özer, précité, § 64, 6 juillet 2010 et les références qui sont citées aux paragraphes 59 et 60 de cet arrêt, Bayar c. Turquie (nos 1-8), nos 39690/06, 40559/06, 48815/06, 2512/07, 55197/07, 55199/07, 55201/07 et 55202/07, §§ 34-35, 25 mars 2014, Bayar et Gürbüz c. Turquie (no 2), no 33037/07, §§ 30 et 31, 3 février 2015, et Ali Gürbüz c. Turquie, nos 52497/08 et 6 autres, § 79, 12 mars 2019), car les juges internes avaient condamné des professionnels des médias, sans procéder à la moindre analyse de la teneur des écrits litigieux, au seul motif qu’ils avaient publié des déclarations d’organisations terroristes.

30.  La Cour relève que l’article pour la publication duquel le requérant a été condamné en l’espèce rapportait les déclarations de la présidence de l’organisation illégale KONGRA-GEL, lesquelles contenaient des commentaires de cette dernière sur les résultats des élections locales du 28 mars 2004 et notamment des critiques sur les stratégies et le fonctionnement de cette organisation (paragraphe 7 ci-dessus). Elle note que la cour d’assises a condamné le requérant en tenant compte exclusivement du fait qu’il avait publié un écrit émanant d’une organisation qualifiée de terroriste en droit turc et en estimant sur cette seule base qu’il avait commis l’infraction visée à l’article 6 § 2 de la loi no 3713 (ibidem). Elle relève en particulier que la cour d’assises n’a procédé à aucune analyse de la teneur de l’écrit litigieux ni du contexte dans lequel il s’inscrivait au regard des critères énoncés et mis en œuvre par elle dans les affaires relatives à la liberté d’expression (Gözel et Özer, précité, § 51). Elle constate en outre qu’il n’a pas été allégué par la cour d’assises, et c’est là l’élément essentiel à ses yeux, que l’écrit litigieux, pris dans son ensemble, contînt un appel à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement, ou qu’il constituait un discours de haine (Sürek c. Turquie (n4) [GC], no 24762/94, § 58, 8 juillet 1999, et Belek et Velioğlu c. Turquie, no 44227/04, § 25, 6 octobre 2015).

31.  Eu égard à ce qui précède, la Cour considère qu’en engageant contre le requérant les poursuites litigieuses et en le condamnant du chef de publication des déclarations d’une organisation terroriste, les autorités nationales n’ont pas mis en balance, de façon adéquate et conforme aux critères établis par sa jurisprudence, le droit de l’intéressé à la liberté d’expression et les buts légitimes poursuivis.

32.  Elle estime dès lors que la mesure incriminée ne répondait pas à un besoin social impérieux, qu’en tout état de cause elle n’était pas proportionnée aux buts légitimes visés et que, de ce fait, elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique.

33.  Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

34.  Le Gouvernement soulève une exception préliminaire, soutenant que le requérant a soumis ses demandes de satisfaction équitable le 25 septembre 2019, soit en dehors du délai imparti par la Cour, qui prenait fin le 16 septembre 2019. Par conséquent, il demande à la Cour de ne pas prendre en considération ces demandes.

35.  La Cour note que les demandes de satisfaction équitable présentées par le requérant ont été envoyées le 3 septembre 2019 et lui sont parvenues le 25 septembre 2019. Ces demandes ayant été expédiées par l’intéressé dans le délai imparti par la Cour, il convient de rejeter l’exception du Gouvernement.

36.  Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi. Il demande également 9 292,50 livres turques (TRY) pour frais d’avocat, 1 000 TRY pour des frais de traduction, 100 TRY pour des frais de fourniture et 150 TRY pour des frais de poste. Il ne présente aucun document à l’appui de ces prétentions et indique que son avocat a attesté le caractère réel, raisonnable et nécessaire de ces frais.

37.  Le Gouvernement soutient qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la violation alléguée et la demande présentée pour dommage moral, qui, selon lui, est excessive et dépourvue d’éléments justificatifs et ne correspond pas aux montants accordés dans la jurisprudence de la Cour. Il ajoute que le requérant n’a présenté ni convention d’honoraires signée entre son avocat et lui ni justificatif de paiement à l’appui des frais allégués, et estime que ces frais sont élevés par rapport aux frais réclamés dans le cadre de procédures similaires.

38.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 2 000 EUR pour préjudice moral. En outre, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, elle rejette la demande relative aux frais et dépens, faute pour le requérant d’avoir fourni les justificatifs requis à cet égard.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

3.      Dit

a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 2 000 EUR (deux mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 mai 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

   Hasan Bakırcı                                                                      Valeriu Griţco
  Greffier adjoint                                                                        Président

 


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