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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> FURDUI v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 4859/12 (Article 1 of Protocol No. 1 - Protection of property : Second Section Committee) French Text [2024] ECHR 819 (22 October 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2024/819.html Cite as: [2024] ECHR 819 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE FURDUI c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
(Requête no 4859/12)
ARRÊT
STRASBOURG
22 octobre 2024
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Furdui c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Jovan Ilievski, président,
Diana Sârcu,
Gediminas Sagatys, juges,
et de Dorothee von Arnim, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 4859/12) contre la République de Moldova et dont un ressortissant de cet État, M. Valentin Furdui (« le requérant »), né en 1972 et résidant à Chișinău, représenté par Me V. Postolache, avocat à Chișinău, a saisi la Cour le 11 janvier 2012 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement moldave (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M. O. Rotari,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er octobre 2024,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
OBJET DE L'AFFAIRE
I. La première procédure
1. En 2002, le requérant acquit un appartement par le biais d'une vente avec bail à nourriture (înstrăinare cu condiția întreținerii pe viață) et son droit de propriété sur ce bien fut inscrit dans le registre foncier. En 2007, la propriétaire initiale, G., engagea une action en résolution du contrat arguant du non-respect par le requérant de ses obligations contractuelles.
2. Le 13 mars 2008, le tribunal de première instance rejeta l'action comme mal fondée. Le 10 septembre 2008, la cour d'appel de Chișinău infirma, sur appel de G., le jugement de l'instance inférieure, accueillit l'action et ordonna la résolution du contrat. La procédure prit fin par la décision de la Cour suprême de justice du 6 mai 2009, qui infirmait l'arrêt de la cour d'appel et confirmait le jugement de première instance.
3. Dans l'intervalle, le 3 décembre 2008, soit au moment où l'arrêt de la cour d'appel était en vigueur, G. avait vendu l'appartement avec bail à nourriture à un tiers, R. Le 9 décembre 2008, le droit de propriété de R. avait été inscrit dans le registre foncier.
4. Le 25 juillet 2009, G. décéda.
II. La seconde procédure
5. Par la suite, le requérant engagea contre R. une action en nullité de la seconde vente. Il faisait notamment valoir sa qualité de propriétaire acquise en vertu du contrat de 2002 et confirmée par la décision de la Cour suprême de justice du 6 mai 2009.
6. Le 21 avril 2010, le tribunal de première instance rejeta cette action comme mal fondée au motif principal que l'arrêt de la cour d'appel de Chișinău du 10 septembre 2008 était exécutoire et que, entre la date du prononcé de cet arrêt et celle de son infirmation par la Cour suprême de justice le 6 mai 2009, G. était en droit de disposer de l'appartement.
7. Le 1er décembre 2010, la cour d'appel de Chișinău accueillit l'appel interjeté par le requérant, infirma le jugement de l'instance inférieure et déclara nulle la seconde vente en raison de la mauvaise foi des parties l'ayant conclue et de l'absence de base légale.
8. Par une décision du 13 juillet 2011, la Cour suprême de justice infirma, sur pourvoi de R., l'arrêt de la cour d'appel et confirma le jugement de première instance.
9. Le 11 décembre 2017, R. vendit l'appartement à des tiers et, le lendemain, leur droit de propriété sur ce bien fut enregistré dans le registre foncier.
III. La réouverture de la seconde procédure
10. Après la communication de la présente requête, l'agent du Gouvernement formula, le 18 décembre 2019, une demande en révision de la décision de la Cour suprême de justice du 13 juillet 2011. Il avançait notamment que cette décision frustrait le requérant du bénéfice des effets juridiques de la décision de la Cour suprême de justice du 6 mai 2009, favorable à ce dernier. Il demandait également d'allouer au requérant 205 000 lei moldaves (MDL) (environ 10 640 euros (EUR) selon le taux de change en vigueur à l'époque) au titre de préjudice matériel représentant la valeur de l'appartement en cause, 1 500 EUR pour dommage moral et 10 850 MDL (environ 540 EUR) pour les frais et dépens engagés par celui‑ci devant la Cour.
11. Le 21 octobre 2020, la Cour suprême de justice accueillit la demande en révision et reconnut la violation à l'égard du requérant des articles 6 § 1 et 13 de la Convention et de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Elle annula dès lors sa décision du 13 juillet 2011 et renvoya l'affaire devant une de ses autres formations pour un nouvel examen au fond du pourvoi formé par R. contre l'arrêt de la cour d'appel de Chișinău du 1er décembre 2010 (paragraphe 7 ci-dessus). Enfin, la haute juridiction alloua au requérant les sommes demandées par l'agent du Gouvernement pour dommage moral ainsi que frais et dépens.
12. Par une décision du 16 décembre 2020, la Cour suprême de justice rejeta le pourvoi de R. comme mal fondé et confirma l'arrêt de la cour d'appel de Chișinău du 1er décembre 2010.
IV. Griefs
13. Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint que la décision de la Cour suprême de justice du 13 juillet 2011, rendue dans le cadre de la seconde procédure, a porté atteinte au principe de la sécurité des rapports juridiques et qu'elle n'était pas suffisamment motivée. Il allègue également qu'il y a eu violation à son égard de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention et de l'article 13 de la Convention en raison de l'adoption de cette décision et d'une impossibilité de défendre ses droits patrimoniaux.
APPRÉCIATION DE LA COUR
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
14. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il avance que, après la réouverture de la seconde procédure et le gain de cause obtenu par le requérant dans le litige qui l'opposait à R., le requérant aurait dû engager une nouvelle procédure contre R. pour obtenir soit l'appartement en question soit une somme couvrant la valeur vénale de ce bien.
15. Le requérant rétorque que la thèse du Gouvernement n'est fondée ni sur un texte de loi précis ni sur une quelconque jurisprudence interne pertinente. En outre, il fournit un extrait du registre foncier selon lequel l'appartement a été vendu par R. à des tiers. Le requérant soutient que ceux‑ci sont présumés comme étant des acquéreurs de bonne foi et qu'une action en revendication de l'appartement serait vouée à l'échec.
16. La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, qui doivent être à la fois relatives aux violations incriminées, disponibles et adéquates. Elle rappelle également qu'il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu'en pratique à l'époque des faits, c'est-à-dire qu'il était accessible, était susceptible d'offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (voir, par exemple, Molla Sali c. Grèce [GC], no 20452/14, § 89, 19 décembre 2018). L'épuisement des voies de recours internes s'apprécie normalement à la date d'introduction de la requête devant elle. Cependant, cette règle est assortie d'exceptions pouvant être justifiées par les circonstances particulières de chaque espèce (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001, et Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX).
17. En l'espèce, la Cour note que le Gouvernement n'indique pas quelle est la base légale de la voie de recours suggérée et qu'il ne fournit pas non plus d'exemple de jurisprudence interne à l'appui de sa thèse. En outre, elle constate que l'appartement a été vendu par R. à des tiers et, compte tenu des éléments qui lui ont été communiqués, elle ne saurait conclure qu'une action du requérant contre R. en revendication du bien litigieux, telle que proposée par le Gouvernement, aurait une chance de prospérer. En l'absence également de précisions sur les fondements juridiques d'une éventuelle action du requérant en réparation du préjudice matériel subi, elle ne saurait non plus spéculer sur la question de savoir si une telle action offre ou non des perspectives raisonnables de réussite. Dans ces conditions, la Cour considère que le Gouvernement a échoué à démontrer le caractère effectif de la voie de recours suggérée. Par conséquent, elle peut laisser ouverte la question de savoir si le requérant pouvait exceptionnellement être obligé à épuiser une telle voie de recours après l'introduction de sa requête. Il s'ensuit que l'exception soulevée ne peut être retenue.
18. Compte tenu de la réouverture en l'espèce de la seconde procédure, la Cour estime nécessaire d'examiner à présent la question de savoir si le requérant peut toujours se prétendre victime de la violation alléguée, car cette question touche à sa compétence (Buzadji c. République de Moldova [GC], no 23755/07, § 70, 5 juillet 2016). Elle renvoie à sa jurisprudence constante en la matière, telle qu'énoncée, par exemple, dans l'arrêt Gauvin-Fournis et Silliau c. France (nos 21424/16 et 45728/17, § 78, 7 septembre 2023). Elle rappelle notamment que la qualité de « victime » d'un requérant peut aussi dépendre du montant de l'indemnité qui, le cas échéant, lui a été accordée au niveau national (Kurić et autres c. Slovénie [GC], no 26828/06, § 262, CEDH 2012 (extraits)).
19. En l'espèce, la Cour relève que, dans sa décision du 21 octobre 2020 (paragraphe 11 ci-dessus), la Cour suprême de justice a reconnu explicitement la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention dans le chef du requérant du fait de l'adoption de la décision de la Cour suprême de justice du 13 juillet 2011. La Cour note cependant que la somme allouée au titre du dommage moral est en deçà de ce qu'elle aurait elle-même accordé pour une violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (comparer avec Gospodăria țărănească Chiper Terenti Grigore c. République de Moldova, no 71130/13, § 46, 2 juin 2020, et AsDAC c. République de Moldova, no 47384/07, § 60, 8 décembre 2020). Elle souligne surtout que la réouverture de la seconde procédure n'a permis au requérant, en l'état actuel du dossier, ni de prendre possession de l'appartement en dépit de la nullité de la vente de l'appartement à R. ni d'obtenir réparation pour l'impossibilité de jouir et de disposer de ce bien. Elle note que le grief que le requérant soulève sur le terrain de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention porte précisément sur l'impossibilité pour lui de défendre son droit de propriété sur l'appartement (paragraphe 13 ci-dessus). Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que l'intéressé n'a pas obtenu une réparation adéquate et suffisante de la violation dont il se plaint devant elle. Par conséquent, il peut toujours se prétendre victime de la violation alléguée.
20. Constatant par ailleurs que ce grief n'est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l'article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
21. Quant au fond du grief, elle note qu'il n'est pas contesté par les parties que le droit de propriété sur l'appartement, acquis par le requérant en 2002 et confirmé ensuite par une décision définitive, constitue un bien au sens de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Elle relève également que l'atteinte au droit de propriété de l'intéressé a été commise par des particuliers. La Cour rappelle que pareille atteinte fait naître pour l'État l'obligation positive de garantir que le droit de propriété est suffisamment protégé par la loi et que des recours adéquats permettent à la victime de faire valoir ses droits, notamment, le cas échéant, en demandant réparation du préjudice subi (voir, par exemple, Kotov c. Russie [GC], no 54522/00, § 113, 3 avril 2012). L'État a notamment l'obligation de prévoir une procédure judiciaire offrant les garanties procédurales nécessaires et permettant ainsi aux tribunaux nationaux de trancher efficacement et équitablement tout litige éventuel entre particuliers (ibidem, § 114 in fine).
22. La Cour constate que, en décidant de rouvrir la seconde procédure, la Cour suprême de justice a elle-même reconnu que sa décision du 13 juillet 2011 a porté atteinte aux droits du requérant garantis par l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (paragraphe 11 ci-dessus). Elle ne voit aucune raison de parvenir à une autre conclusion.
23. En effet, la Cour observe que, en engageant la seconde procédure, le requérant a tenté de faire valoir ses droits sur l'appartement, mais que son droit de propriété a été mis en échec par la décision de la Cour suprême de justice du 13 juillet 2011 reconnaissant la validité de la seconde vente. À la suite de cette décision, deux titres de propriété coexistaient à l'égard de l'appartement en cause, celui du requérant et celui du second acquéreur, R., et c'est ce dernier qui a gardé la jouissance du bien ainsi que l'inscription de son droit de propriété dans le registre foncier. Ainsi, le requérant a été privé de l'appartement et, de surcroît, il n'a reçu aucun dédommagement (comparer, par exemple, avec Preda et autres c. Roumanie, nos 9584/02 et 7 autres, §§ 40-41 et 146-48, 29 avril 2014, où il était également question de l'existence de plusieurs titres de propriété se rapportant au même immeuble).
24. Certes, après la réouverture de la seconde procédure, le requérant a obtenu gain de cause dans le litige qui l'opposait à R. et la seconde vente a été annulée. Toutefois, les effets de cette annulation ont été très limités en pratique, car l'appartement avait été entre-temps vendu par R. à des tiers. Comme le souligne le requérant, ceux-ci pourraient invoquer leur bonne foi dans le cadre d'un éventuel nouveau litige concernant le droit de propriété sur l'appartement (comparer avec Nikolay Kostadinov c. Bulgarie, no 21743/15, §§ 62-63, 8 novembre 2022).
25. Par ailleurs, la Cour rappelle sa conclusion selon laquelle elle n'a pas été en mesure d'établir l'existence de voies de recours effectives en droit interne permettant au requérant d'obtenir soit la jouissance de son bien soit un dédommagement (paragraphe 17 ci-dessus).
26. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que l'État défendeur n'a pas observé son obligation positive de garantir que le bien du requérant était effectivement protégé par l'usage que ce dernier pouvait faire des voies de droit adéquates (comparer avec Nikolay Kostadinov, précité, § 74, et contrairement à la situation, par exemple, dans Antonopoulou c. Grèce (déc.), no 46505/19, §§ 82-84, 19 janvier 2021).
27. Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION
28. Le Gouvernement avance que, à la suite de la révision de la seconde procédure, le litige a été résolu dans sa partie relative aux griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. Il invite la Cour à rayer du rôle cette partie de la requête, en application de l'article 37 § 1 b) de la Convention.
29. Eu égard aux faits de l'espèce, aux arguments des parties et aux conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus sur le terrain de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, la Cour estime qu'elle a statué sur les principales questions juridiques soulevées dans l'affaire et qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément la recevabilité et le fond des griefs restants (voir, parmi beaucoup d'autres, Wałęsa c. Pologne, no 50849/21, § 307, 23 novembre 2023, et les affaires qui y sont citées).
APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
30. Le requérant demande 205 000 lei moldaves (MDL) (environ 10 180 euros (EUR) selon le taux de change en vigueur au moment où il a formulé ses prétentions de satisfaction équitable) au titre du dommage matériel qu'il estime avoir subi. Cette somme représente selon lui la valeur marchande de l'appartement dont il a été privé. Il fournit deux estimations de la valeur de l'appartement, effectuées par des agences immobilières. La première évalue le bien à 10 000 EUR et la seconde estime que son prix est compris entre 9 685 EUR et 10 680 EUR. Le requérant souligne en outre que la somme de 205 000 MDL pour dommage matériel a également été réclamée par l'agent du Gouvernement lorsque celui-ci a demandé la révision de la seconde procédure (paragraphe 10 ci-dessus).
31. Le requérant réclame également 7 900 EUR au titre du dommage moral qu'il estime avoir subi et 200 EUR au titre des frais et dépens qu'il dit avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour. Selon le requérant, cette dernière somme représente les frais qu'il a engagés pour évaluer son bien et pour la traduction de ses observations à la Cour, autres que ceux déjà octroyés par la Cour suprême de justice dans le cadre de la procédure en révision (paragraphe 11 ci-dessus). Il fournit des justificatifs à ce titre.
32. Le Gouvernement soutient que la prétention au titre du préjudice matériel doit être rejetée en raison du non-épuisement par le requérant des voies de recours internes (paragraphe 14 ci-dessus). Il conteste également les deux autres prétentions du requérant.
33. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle un arrêt constatant une violation entraîne de manière générale pour l'État défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (G.I.E.M. S.r.l. et autres c. Italie (satisfaction équitable) [GC], nos 1828/06 et 2 autres, § 37, 12 juillet 2023). En l'espèce, elle observe que, si la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention n'avait pas eu lieu, le requérant aurait pu probablement jouir de son appartement ainsi qu'obtenir la réinscription de son droit de propriété au registre foncier. Comme elle l'a évoqué ci-dessus, la Cour n'a pas pu établir que le droit interne offrait au requérant des voies de recours adéquates pour obtenir soit la jouissance de son bien soit un dédommagement (paragraphe 17 ci-dessus). Le requérant a donc subi une perte patrimoniale réelle que l'État doit indemniser (comparer avec Shesti Mai Engineering OOD et autres c. Bulgarie, no 17854/04, § 102, 20 septembre 2011).
34. Aussi, eu égard aux éléments dont elle dispose, la Cour estime raisonnable d'accorder au requérant la somme réclamée de 10 180 EUR, que le Gouvernement ne conteste pas en tant que telle, pour préjudice matériel, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt.
35. Quant au dommage moral, elle estime que l'indemnité reçue par le requérant au niveau interne à ce titre, qui est inférieure à ce qu'elle aurait elle‑même alloué (paragraphe 19 ci-dessus), doit être déduite de la somme accordée par la Cour. Partant, elle octroie au requérant 1 500 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt.
36. Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour juge raisonnable d'allouer au requérant la somme réclamée de 200 EUR pour les frais et dépens engagés dans le cadre de la procédure menée devant elle, autres que ceux déjà octroyés au niveau interne par la Cour suprême de justice, plus tout montant pouvant être dû par le requérant sur cette somme à titre d'impôt.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare le grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention recevable ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
3. Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité et le bien-fondé des griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention ;
4. Dit
a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i. 10 180 EUR (dix mille cent quatre-vingts euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt, pour dommage matériel ;
ii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d'impôt, pour dommage moral ;
iii. 2 00EUR (deux cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d'impôt, pour frais et dépens ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 octobre 2024, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Dorothee von Arnim Jovan Ilievski
Greffière adjointe Président