BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Voeten and Beckers (Free movement of persons) French text [1998] EUECJ C-279/97 (10 December 1998)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/1998/C27997.html
Cite as: [1998] EUECJ C-279/97

[New search] [Help]


IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
AVIS JURIDIQUE IMPORTANT : Les informations qui figurent sur ce site sont soumises à une clause de "non-responsabilité" et sont protégées par un copyright.

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 décembre 1998 (1)

«Sécurité sociale - Travailleurs frontaliers - Invalidité - Contrôle médical»

Dans l'affaire C-279/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Bestuur van het Landelijk instituut sociale verzekeringen

et

C. J. M. Voeten,

J. Beckers,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 40 et 51 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 86),

LA COUR (troisième chambre),

composée de MM. J.-P. Puissochet, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur) et C. Gulmann, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Bestuur van het Landelijk instituut sociale verzekeringen, par M. C. R. J. A. M. Brent, directeur de la section contentieux et recours du secteur de la production de l'organisme d'exécution GAK Nederland BV,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. J. G. Lammers, conseiller juridique faisant fonction au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par M. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. J. Kuijper et P. Hillenkamp, conseillers juridiques, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Bestuur van het Landelijk instituut sociale verzekeringen, représenté par Mme A. I. van der Kris, collaborateur juridique à l'organisme d'exécution GAK Nederland BV, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. S. van den Oosterkamp, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. H. van Vliet, conseiller juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 2 juillet 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 juillet 1998,

rend le présent

Arrêt

  1. Par ordonnance du 10 juillet 1997, parvenue à la Cour le 1er août suivant, le Centrale Raad van Beroep a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 40 et 51 du règlement

    (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 86, ci-après le «règlement»).

  2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, M. Voeten et, d'autre part, M. Beckers au Bestuur van het Landelijk instituut sociale verzekeringen (Institut national de sécurité sociale, ci-après l'«institut») au sujet de l'octroi de prestations d'invalidité.

    La réglementation communautaire

  3. L'article 40 du règlement, intitulé «Détermination du degré d'invalidité», dispose:

    «Pour déterminer le degré d'invalidité, l'institution d'un État membre prend en considération les documents et rapports médicaux ainsi que les renseignements d'ordre administratif recueillis par l'institution de tout autre État membre. Toutefois, chaque institution conserve la faculté de faire procéder à l'examen du requérant par un médecin de son choix...»

  4. Conformément à l'article 51, paragraphe 1, du même règlement, qui relève des dispositions relatives au «Contrôle administratif et médical»,

    «Lorsqu'un bénéficiaire, notamment de:

    a) prestations d'invalidité,

    ...

    séjourne ou réside sur le territoire d'un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice, le contrôle administratif et médical est effectué, à la demande de cette institution, par l'institution du lieu de séjour ou de résidence du bénéficiaire selon les modalités prévues par la législation que cette dernière institution applique. Toutefois, l'institution débitrice conserve la faculté de faire procéder au contrôle du bénéficiaire par un médecin de son choix.»

    Les litiges au principal

  5. M. Voeten a travaillé comme salarié à Zundert (Pays-Bas) du 19 octobre 1976 au 21 novembre 1989. A cette date, il a cessé de travailler en raison de problèmes de dos, d'épaule et de genou. M. Voeten a toujours résidé à Essen (Belgique), près de la frontière néerlandaise.

  6. Le 3 août 1990, il a été examiné par le médecin-conseil du service médical de Breda (Pays-Bas) auquel son médecin spécialiste à Anvers (Belgique) a transmis des renseignements. Le 11 décembre 1990, M. Voeten s'est en outre entretenu avec l'ergonome du même service médical au sujet de son potentiel d'activité.

  7. Par décision du 1er mars 1991, M. Voeten s'est vu octroyer, avec effet au 22 novembre 1990, une pension d'invalidité professionnelle en application de la législation néerlandaise, calculée sur la base d'une invalidité de 80 à 100 %.

  8. A la suite d'une modification législative, applicable à partir du 1er août 1993, M. Voeten a été convoqué en vue d'une réévaluation de son invalidité professionnelle. Le 13 février 1995, il s'est présenté à la consultation du médecin-conseil du service médical à Breda, qui a estimé que, malgré ses handicaps, il était apte à effectuer un travail à plein temps adapté à son état. Le 23 mars 1995, M. Voeten s'est entretenu avec l'ergonome du même service, qui a recommandé de le classer dans la catégorie des personnes atteintes d'une invalidité professionnelle de 35 à 45 %, puisqu'il avait été considéré apte à obtenir, grâce à une activité appropriée, un revenu qui, comparé à celui qu'il percevait avant son état d'invalidité, confirmait une perte de 36 % de sa capacité d'obtenir des revenus.

  9. Par décision du 20 juin 1995, l'institution compétente a adapté, avec effet au 1er juillet 1995, la pension de M. Voeten, en la calculant sur la base d'une invalidité professionnelle de 35 à 45 %.

  10. Le 1er juillet 1995, M. Voeten est retourné travailler chez son ancien employeur. Compte tenu de ses nouveaux revenus, sa pension a, par décision du 25 octobre 1995, été acquittée sur la base d'une invalidité professionnelle de 25 à 35 %.

  11. M. Voeten a formé un recours en annulation contre les décisions des 20 juin et 25 octobre 1995 devant l'Arrondissementsrechtbank te Amsterdam, en faisant notamment valoir que, selon un rapport de son médecin spécialiste à Anvers, il souffrait d'une invalidité professionnelle de 80 à 100 %.

  12. L'Arrondissementsrechtbank a fait droit à la demande de M. Voeten en ce qui concerne la décision du 20 juin 1995, au motif que l'examen médical auquel avait procédé le médecin-conseil du service médical de Breda aurait dû être précédé d'un examen par un médecin de l'institution du lieu de résidence. En effet, selon cette juridiction, le Centrale Raad van Beroep a, dans un arrêt du 4 mai 1992, jugé qu'il ressort de l'arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Martínez Vidal (C-344/89, Rec. p. I-3245), que l'article 51, paragraphe 1, du règlement n° 574/72 exige qu'un éventuel contrôle médical du travailleur soit effectué par l'institution du lieu de résidence. La compétence que cette disposition réserve à l'institution débitrice ne peut donc concerner qu'un contrôle additionnel. Selon l'Arrondissementsrechtbank, la circonstance que l'institution du lieu de résidence de M. Voeten est plus éloignée de sa résidence que l'institution débitrice est indifférente à cet égard, dans la

    mesure où l'article 51, paragraphe 1, du règlement n° 574/72 revêt un caractère impératif.

  13. L'institut a interjeté appel de ce jugement devant le Centrale Raad van Beroep, lequel se demande si l'article 51, paragraphe 1, précité, n'admet pas une exception lorsque le contrôle médical concerne des travailleurs frontaliers qui sont habitués à se rendre quotidiennement dans l'État de l'institution compétente, dont la résidence n'est pas nécessairement plus éloignée de cette institution qu'elle ne l'est de l'institution du lieu de résidence et qui ne voient aucun inconvénient à ce que le contrôle s'effectue aux Pays-Bas.

  14. M. Beckers, pour sa part, a travaillé comme salarié à Born (Pays-Bas) du 20 février 1989 au 2 septembre 1993. A cette date, il a cessé son travail en raison de problèmes de dos. M. Beckers a toujours résidé à Bilzen (Belgique), près de la frontière néerlandaise.

  15. Le 2 décembre 1993, M. Beckers a été examiné par un médecin-conseil du service médical de Maastricht (Pays-Bas), qui a diagnostiqué une discopathie lombaire, en se fondant à cet égard sur son propre examen et les renseignements fournis par l'orthopédiste de l'intéressé. Aucun renseignement n'a été sollicité auprès de l'institution du lieu de résidence de M. Beckers.

  16. Le 2 juin 1994, M. Beckers a été réexaminé par le médecin-conseil. Par ailleurs, il a eu plusieurs entretiens avec l'ergonome qui a estimé que M. Beckers pouvait, malgré sa discopathie lombaire, exercer des activités alternatives et il a recommandé de le classer dans la catégorie des personnes atteintes d'une invalidité professionnelle de 15 à 25 %.

  17. Par décision du 12 septembre 1994, l'institution néerlandaise a refusé de reconnaître à M. Beckers une pension d'invalidité professionnelle.

  18. Ce dernier a formé un recours contre cette décision devant l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage qui, par jugement du 5 août 1996, l'a déclaré fondé, au motif que l'article 40 du règlement exige que l'examen médical soit effectué par l'institution du lieu de résidence du travailleur. En effet, selon cette juridiction, la situation dans laquelle une prestation est demandée pour la première fois ne peut pas être distinguée de celle visée par l'article 51, paragraphe 1, du règlement, dans laquelle il s'agit de réviser une prestation en cours.

  19. L'institut a interjeté appel de ce jugement devant le Centrale Raad van Beroep qui, pour sa part, se demande si l'article 40, précité, fait obstacle à ce que, dans le cadre de la première fixation du degré d'invalidité professionnelle d'un travailleur, l'institution compétente procède elle-même à l'examen médical, sans demander un contrôle médical préalable par l'institution du lieu de résidence de l'intéressé.

  20. Selon la juridiction de renvoi, le libellé de l'article 40 ne semble pas s'opposer à ce que l'on considère que le régime applicable dans une telle hypothèse soit différent de celui applicable dans celle visée à l'article 51, paragraphe 1. La réglementation de l'État de l'institution débitrice peut en effet prévoir que le droit à la prestation doit être établi d'une manière différente de celle qui s'applique lorsqu'il s'agit de réévaluer des prestations dans le cadre de l'article 51, paragraphe 1, du règlement, qui vise, en règle générale, plutôt à déterminer si le travailleur se trouve toujours dans le même état de santé.

  21. La juridiction de renvoi se demande en outre si l'article 40, précité, n'exige pas au moins que des informations ou rapports soient demandés auprès de l'institution du lieu de résidence et que, dans la mesure où ils existent, il en soit tenu compte lors de l'évaluation de l'invalidité, ce qui n'a pas été fait dans le cas de M. Beckers. Tout au plus a-t-il été tenu compte de renseignements recueillis auprès du médecin spécialiste de l'intéressé établi dans l'État de sa résidence.

  22. Eu égard à ces interrogations, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer dans les deux affaires au principal pour poser à la Cour les questions suivantes:

    «1) L'article 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 574/72 fait-il obstacle à ce que, dans le cadre du contrôle du degré d'invalidité professionnelle d'un travailleur, l'institution compétente procède dans son pays à l'examen médical du bénéficiaire d'une prestation d'invalidité professionnelle sans examen médical préalable par l'institution du lieu de séjour ou de résidence de ce travailleur, alors que, s'agissant d'un frontalier, on peut considérer que la distance entre sa résidence et l'institution compétente n'est pas nécessairement supérieure à celle qui sépare sa résidence de l'institution dont elle relève?

    2) L'article 40 du règlement (CEE) n° 574/72 fait-il obstacle à ce que l'institution compétente, lorsqu'il s'agit de fixer pour la première fois le droit aux prestations, apprécie l'invalidité professionnelle sur la base de son examen médical propre, sans examen médical préalable par l'institution du lieu de résidence?

    3) En cas de réponse négative à la deuxième question, cette réponse demeure-t-elle la même si l'institution compétente n'a pas sollicité ni, en conséquence, tenu compte de documents médicaux et rapports ni de renseignements provenant de l'institution du lieu de résidence, mais s'est contentée de prendre connaissance d'informations médicales provenant des médecins traitants dans le pays où le travailleur suit un traitement médical?»

    Sur la première question

  23. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 51, paragraphe 1, du règlement s'oppose à ce que, dans le cas d'un ancien travailleur frontalier bénéficiaire de prestations d'invalidité, qui réside sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution débitrice et dont la résidence est plus proche de cette institution que de celle du lieu de sa résidence, l'institution compétente effectue le contrôle administratif et médical de l'intéressé, sans avoir sollicité un contrôle préalable par l'institution du lieu de résidence.

  24. Il convient de relever d'emblée qu'il ressort des points 9 à 16 de l'arrêt Martínez Vidal, précité, que l'article 51, paragraphe 1, du règlement doit être interprété en ce sens que le contrôle administratif et médical du bénéficiaire de prestations d'invalidité séjournant ou résidant sur le territoire d'un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice doit, lorsqu'il a lieu, être effectué par l'institution du lieu de séjour ou de résidence, alors que l'institution compétente peut, si elle l'estime nécessaire, procéder à un contrôle additionnel. A cet effet, cette dernière peut obliger l'intéressé à se rendre dans l'État membre où elle est établie, à condition qu'elle prenne en charge les frais de déplacement et de séjour y afférents et que l'intéressé soit apte à effectuer le déplacement sans que cela nuise à sa santé.

  25. Selon l'institut, la règle du contrôle préalable de l'intéressé par l'institution du lieu de résidence ne trouve pas application dans le cas de travailleurs frontaliers dont la résidence est, comme dans le cas de M. Voeten, plus éloignée des services médicaux de l'institution du lieu de résidence que de ceux de l'institution de l'État compétent. En effet, dans un tel cas, on ne saurait se fonder sur l'état de santé de l'intéressé pour refuser le contrôle dans l'État de l'institution compétente et il n'existerait pas de différence notable entre l'inconvénient qu'occasionne pour le travailleur un contrôle par l'institution du lieu de résidence et celui qu'occasionne un contrôle dans l'État de l'institution compétente.

  26. L'institut considère que l'accord belgo-néerlandais, du 12 août 1982, sur l'assurance maladie, maternité et invalidité, conclu au titre de l'article 121 du règlement et dont il est fait mention à l'annexe 5, point 9, sous d), de ce règlement, confirme sa thèse. En effet, selon cette disposition, deux ou plusieurs États membres peuvent convenir, le cas échéant, de modalités d'application qui dérogent au règlement; or, l'article 23 de l'accord précité dispose précisément que, sans préjudice de l'article 21, selon lequel le contrôle médical est effectué, à la demande de l'institution compétente, par l'institution du lieu de résidence, l'institution compétente a le droit d'effectuer des examens dans l'autre État ou de convoquer l'assuré à des fins de contrôle. L'institut en conclut que l'article 23 de l'accord ouvre, dans les rapports entre le royaume des Pays-Bas et le royaume de Belgique, la possibilité d'effectuer

    le contrôle médical dans le pays de l'institution compétente sans que celle-ci doive solliciter un examen préalable par l'institution de l'État de résidence.

  27. Selon le gouvernement néerlandais, l'article 51, paragraphe 1, du règlement n'est pas applicable dans le litige au principal, lequel porte sur la réévaluation du degré d'invalidité professionnelle de l'intéressé à la suite d'une réforme législative de grande envergure intervenue en 1993. Dans la mesure où pareille réévaluation, plutôt que de constituer un simple contrôle médical au sens de la disposition précitée visant à vérifier si le travailleur se trouve toujours dans le même état, équivaut à une nouvelle décision quant à l'invalidité professionnelle de l'intéressé sur la base de critères entièrement nouveaux, ladite décision doit être assimilée à une première détermination du degré d'invalidité professionnelle, régie par l'article 40 du règlement.

  28. Le gouvernement néerlandais ajoute que si, la Cour devait néanmoins conclure à l'applicabilité de l'article 51, paragraphe 1, il se rallierait à l'argumentation développée par l'institut.

  29. A cet égard, le gouvernement néerlandais précise que, dans le système applicable aux Pays-Bas, l'examen médical ne représente guère plus qu'un des éléments à prendre en considération lors du processus d'évaluation de l'invalidité. Les conclusions de l'ergonome sont au moins aussi importantes que celles du médecin. Il est ainsi chargé de déterminer les activités que l'intéressé peut encore exercer et de fixer le taux de l'invalidité professionnelle en fonction de ses conclusions; par ailleurs, il est également chargé d'aider à la réintégration de l'intéressé dans le monde du travail, ce qui implique qu'il se mette en relation avec son ancien employeur. Or, plus la résidence de l'intéressé est éloignée des Pays-Bas, plus les contacts avec ces personnes deviennent difficiles. Tel n'est justement pas le cas des travailleurs frontaliers, lesquels se trouvent en pratique dans la même situation que ceux qui résident aux Pays-Bas en ce qui concerne les chances de réussite d'une telle tentative de réintégration. D'un point de vue pratique, il est évident que l'examen ergonomique est effectué aux Pays-Bas en combinaison avec l'examen médical qui le précède.

  30. Quant au gouvernement allemand, il estime qu'il appartient en principe aux bénéficiaires des prestations d'invalidité de recourir ou non à la procédure prévue par l'article 51, paragraphe 1, du règlement. Selon ce gouvernement, il peut en effet s'avérer plus facile pour des frontaliers résidant à proximité de la frontière de l'État de l'institution compétente de se soumettre au contrôle par cette institution. Insister dans un tel cas sur un examen préalable du bénéficiaire des prestations dans l'État de résidence serait absurde et incompatible avec l'objectif de simplification administrative que poursuit l'article 51, paragraphe 1.

  31. A cela le gouvernement allemand ajoute que l'institution et les médecins du lieu de résidence sont moins habitués que les médecins de l'institution compétente à appliquer les critères de détermination de l'invalidité professionnelle établis par le

    droit de l'État membre de l'institution compétente, alors que ces critères peuvent être très différents de ceux de l'État membre de résidence (voir, en ce sens, arrêt Martínez Vidal, précité, point 14). Il est dès lors souvent indispensable, dans le cas d'examens effectués dans un autre État membre, d'échanger des informations et de procéder à des examens médicaux de contrôle, ce qui prend beaucoup de temps et peut nécessiter la traduction de documents.

  32. Selon le gouvernement allemand, l'institution compétente doit donc, dans de telles situations, pouvoir faire procéder d'emblée à l'examen de l'intéressé par ses propres médecins et experts, d'autant plus que cette faculté lui est de toute façon reconnue dans le cadre du contrôle additionnel prévu par l'article 51, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement; dans ces conditions, la possibilité pour le bénéficiaire des prestations de renoncer au droit de se faire examiner dans son État de résidence est conforme à l'objectif de cette disposition.

  33. S'agissant, d'abord, de l'argument du gouvernement néerlandais, selon lequel l'article 51, paragraphe 1, du règlement ne serait pas applicable en l'espèce au principal, dans la mesure où la décision litigieuse, qui a été adoptée en vertu d'une nouvelle réglementation, devrait être assimilée à une première détermination du degré d'invalidité, il convient de relever que l'article 51 subordonne son application à la condition, remplie en l'occurrence au principal, que l'intéressé bénéficie déjà d'une prestation d'invalidité en vertu de la législation de l'État compétent lorsque le contrôle médical est demandé. Rien dans le texte de l'article 51 ne permet de conclure que cette disposition ne s'appliquerait pas en cas de modification, même profonde, de la législation applicable et rien ne permet de supposer que l'institution compétente ne serait pas en mesure de faire application des dispositions de sa nouvelle législation eu égard au dossier médical dont elle dispose déjà et qui pourra, le cas échéant, être complété par les éléments résultant d'un contrôle opéré conformément aux dispositions de l'article 51, paragraphe 1.

  34. Il convient de relever, ensuite, que le libellé de l'article 51, paragraphe 1, du règlement ne permet pas d'étayer la thèse selon laquelle cette disposition, telle qu'elle a été interprétée par la Cour, ne couvrirait pas le cas d'un ancien travailleur frontalier, et cela même si, comme le suggère la juridiction de renvoi, la résidence de l'intéressé est plus proche de l'institution de l'État compétent que de celle du lieu de résidence.

  35. Certes, l'objectif consistant à éviter des déplacements inutiles à l'intéressé et pouvant comporter des risques pour sa santé est inopérant à l'égard de l'invalide qui habite plus près du lieu de l'institution compétente que de celui de l'institution du lieu de résidence. Toutefois, d'autres raisons justifient, dans un tel cas, le contrôle préalable par l'institution du lieu de résidence. En effet, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, le bénéficiaire de prestations d'invalidité a, en principe, intérêt à se faire examiner par les services médicaux avec lesquels il est le plus familiarisé et qui utilisent la langue de l'État dans lequel il réside.

  36. S'agissant, par ailleurs, de l'argument fondé sur l'accord belgo-néerlandais, du 12 août 1982, sur l'assurance maladie, maternité et invalidité, il suffit de constater que l'article 121 du règlement autorise les États membres à conclure des accords tendant à compléter les modalités d'application administratives du règlement, sans toutefois leur permettre de déroger à des dispositions telles que celles de son article 51, paragraphe 1, qui déterminent l'institution habilitée à effectuer le contrôle médical dans le cadre de l'assurance invalidité, ainsi que le lieu où ce contrôle doit avoir lieu.

  37. Il n'en demeure pas moins que, comme l'a soutenu le gouvernement allemand, le bénéficiaire d'une prestation d'invalidité doit avoir la possibilité de renoncer au contrôle médical préalable de l'institution du lieu de résidence et, partant, de répondre à la convocation de l'institution de l'État compétent en vue du premier contrôle.

  38. En effet, bien qu'une telle faculté de renoncer au contrôle préalable par l'institution du lieu de résidence ne ressorte pas directement du libellé de l'article 51, paragraphe 1, il y a lieu d'admettre que, eu égard aux objectifs poursuivis par la règle litigieuse, qui consistent à protéger les intérêts du bénéficiaire de prestations d'invalidité, elle ne saurait être exclue de manière générale. Pareille renonciation doit toutefois être entourée de garanties minimales, à savoir qu'elle doit être, d'une part, libre et, d'autre part, non équivoque.

  39. Ces garanties sont d'autant plus nécessaires qu'une renonciation prive les intéressés d'une protection expressément voulue par le législateur, alors que, comme la Commission l'a observé lors de l'audience, ceux-ci n'ont pas toujours une connaissance exhaustive des droits que la réglementation communautaire leur confère. On peut en particulier redouter que, en l'absence de telles garanties, nombreuses seraient les personnes qui pourraient être amenées à répondre à une convocation de l'institution compétente, alors qu'elles seraient loin de se douter qu'une telle convocation les prive d'une protection qui leur est accordée par la législation communautaire.

  40. Il appartient au juge national de vérifier si les conditions précitées sont réunies en l'espèce au principal.

  41. Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l'article 51, paragraphe 1, du règlement s'oppose à ce que, dans le cas d'un ancien travailleur frontalier bénéficiaire de prestations d'invalidité, qui réside sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution débitrice et dont la résidence est plus proche de l'institution de l'État compétent que de celle de l'État de résidence, l'institution compétente effectue le contrôle administratif et médical de l'intéressé, sans avoir sollicité un contrôle préalable par l'institution du lieu de sa résidence. La même disposition ne s'oppose toutefois pas à ce que l'intéressé renonce au contrôle préalable par l'institution du lieu de résidence, à condition que la renonciation soit libre et non équivoque.

    Sur les deuxième et troisième questions

  42. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande si l'article 40 du règlement s'oppose à ce que, dans le cas de la première détermination d'une prestation d'invalidité accordée à une personne résidant sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution compétente, celle-ci détermine le degré d'invalidité sur la base de son propre examen médical, sans avoir sollicité au préalable un examen par l'institution du lieu de résidence et, en cas de réponse négative, si la même disposition s'oppose à ce que l'institution compétente ne tienne pas compte des documents et rapports médicaux ainsi que des renseignements d'ordre administratif provenant de l'institution de l'État de résidence de l'intéressé.

  43. Selon l'institut, les gouvernements néerlandais et allemand, ainsi que la Commission, rien ne permet d'affirmer que l'article 40 du règlement oblige l'intéressé à passer un examen médical dans l'État de sa résidence avant celui effectué par les services de l'institution compétente. Ils considèrent par ailleurs que cette même disposition oblige l'institution compétente à tenir compte des éventuels documents et rapports qui auraient été établis par l'institution d'autres États membres.

  44. Il convient de relever d'emblée que, selon les éléments du dossier, M. Beckers a été, au cours de sa carrière professionnelle, soumis exclusivement à la législation néerlandaise en matière d'incapacité de travail, en vertu de laquelle le montant des prestations d'invalidité est indépendant de la durée des périodes d'assurance [voir annexe IV, sous A, lettre J, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7)].

  45. Or, comme M. l'avocat général l'a relevé au point 55 de ses conclusions, l'article 40 du règlement règle l'hypothèse du travailleur qui a été soumis au cours de sa carrière professionnelle à la législation de deux ou plusieurs États membres relevant de ce type de législations.

  46. Toutefois, les règles qui s'appliquent lorsque l'intéressé a été soumis à deux ou plusieurs législations selon lesquelles le montant des prestations d'invalidité est indépendant de la durée des périodes d'assurance sont, à plus forte raison, applicables mutatis mutandis lorsque le demandeur a été soumis à une seule législation de ce type.

  47. A cet égard, il convient de relever que rien dans le libellé de l'article 40 ne permet de conclure que l'examen médical et administratif auquel procède l'institution

    débitrice en vue d'une première fixation du degré d'invalidité doit être précédé d'un examen par l'institution de l'État membre dans lequel réside l'intéressé.

  48. Ainsi que M. l'avocat général l'a observé au point 45 de ses conclusions, cette interprétation est confirmée par l'article 39 du règlement n° 1408/71, qui est applicable aux travailleurs soumis exclusivement à des législations comme celle applicable en l'occurrence au principal, selon lesquelles le montant des prestations est indépendant de la durée des périodes d'assurance. En effet, selon cette disposition, il appartient à l'institution de l'État membre dont la législation était applicable au moment où est survenue l'incapacité de travail suivie d'invalidité de déterminer, selon les dispositions de cette législation, si l'intéressé satisfait aux conditions requises pour avoir droit aux prestations.

  49. Il convient toutefois de préciser que, comme il a été relevé à juste titre par le gouvernement allemand et la Commission, l'article 40 du règlement doit être interprété en ce sens que l'institution compétente a, afin notamment d'éviter la répétition d'examens qui ont eu lieu dans d'autres États membres, l'obligation de tenir compte des documents et rapports qui auraient été établis par l'institution de tout autre État membre, telle, en l'occurrence au principal, l'institution de l'État de résidence.

  50. Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles que l'article 40 du règlement ne s'oppose pas à ce que, dans le cas de la première détermination d'une prestation d'invalidité accordée à une personne résidant sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution compétente, celle-ci détermine le degré d'invalidité sur la base de son propre examen médical, sans avoir sollicité au préalable un examen par l'institution du lieu de résidence. Toutefois, l'institution compétente doit tenir compte des documents et rapports médicaux ainsi que des renseignements d'ordre administratif provenant de l'institution de l'État de résidence de l'intéressé.

    Sur les dépens

  51. 51. Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et allemand, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR (troisième chambre),

    statuant sur les questions à elle soumises par le Centrale Raad van Beroep, par ordonnance du 10 juillet 1997, dit pour droit:

    1) L'article 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, s'oppose à ce que, dans le cas d'un ancien travailleur frontalier bénéficiaire de prestations d'invalidité, qui réside sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution débitrice et dont la résidence est plus proche de l'institution de l'État compétent que de celle de l'État de résidence, l'institution compétente effectue le contrôle administratif et médical de l'intéressé, sans avoir sollicité un contrôle préalable par l'institution du lieu de sa résidence. La même disposition ne s'oppose toutefois pas à ce que l'intéressé renonce au contrôle préalable par l'institution du lieu de résidence, à condition que la renonciation soit libre et non équivoque.

    2) L'article 40 du même règlement ne s'oppose pas à ce que, dans le cas de la première détermination d'une prestation d'invalidité accordée à une personne résidant sur le territoire d'un État membre autre que celui de l'institution compétente, celle-ci détermine le degré d'invalidité sur la base de son propre examen médical, sans avoir sollicité au préalable un examen par l'institution du lieu de résidence. Toutefois, l'institution compétente doit tenir compte des documents et rapports médicaux ainsi que des renseignements d'ordre administratif provenant de l'institution de l'État de résidence de l'intéressé.

    Puissochet Moitinho de AlmeidaGulmann

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 décembre 1998.

    Le greffier Le président de la troisième chambre

    R. Grass J.-P. Puissochet


    1: Langue de procédure: le néerlandais.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/1998/C27997.html