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IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
23 septembre 2004 (1)
«Pourvoi - Marque communautaire - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 - Forme tridimensionnelle d'un pain de savon - Motif absolu de refus d'enregistrement - Caractère distinctif»
Dans l'affaire C-107/03 P,ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice,
introduit le 27 février 2003,
Procter & Gamble Company, établie à Cincinnatti (États-Unis), représentée par Me T. van Innis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l'autre partie à la procédure étant:Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto et I. de Medrano Caballero, en qualité d'agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de MM. C. W. A Timmermans, président de chambre, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, et Mme F. Macken (rapporteur), juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
- Par son pourvoi, Procter & Gamble Company (ci-'après «Procter & Gamble») demande l'annulation de l-�arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre) du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d-�un savon) (T-'63/01, Rec. p. II-'5255, ci-'après l-�«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l-�annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l-�Office de l-�harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-'après l-�«OHMI»), du 14 décembre 2000 (affaire R-'74/1998-'3), laquelle avait rejeté son recours contre le refus d-�enregistrement en tant que marque communautaire d-�un pain de savon de forme tridimensionnelle (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
- Aux termes de l-�article 4 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1):
«Peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d-�une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d-�une entreprise de ceux d-�autres entreprises.»
- L-�article 7 du même règlement dispose:
«1. Sont refusés à l-�enregistrement:a) les signes qui ne sont pas conformes à l-�article 4;b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c)
les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d-�indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l-�espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l-�époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d-�autres caractéristiques de ceux-ci;
[...]3. Le paragraphe 1, points b), c) et d) n-�est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l-�enregistrement un caractère distinctif après l-�usage qui en a été fait.»
Les antécédents du litige
- Le 16 avril 1996, Procter & Gamble a demandé à l-�OHMI l-�enregistrement en tant que marque communautaire d-�une marque figurative. Une reproduction de cette marque, représentée ci-'dessous, requalifiée de marque tridimensionnelle figurative, est parvenue à l-�OHMI le 25 février 1997.
Vue de côté
- Le produit pour lequel l-�enregistrement est demandé relève de la classe 3 au sens de l-�arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l-�enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et corresponde à la description suivante: «préparations pour lessiver et blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; préparations pour laver, nettoyer et entretenir la vaisselle; savons».
- Par décision du 18 mars 1998, l-�examinateur de l-�OHMI a rejeté la demande de Procter & Gamble au motif que la marque dont l-�enregistrement est demandé consiste exclusivement en la forme imposée par la nature du produit, au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement n° 40/94.
- Par décision du 15 mars 1999, la troisième chambre de recours de l-�OHMI a confirmé la décision de l-�examinateur pour les motifs suivants:
-
la requalification de la demande originelle de marque figurative en demande de marque tridimensionnelle constitue une modification substantielle de la demande de marque communautaire, contraire à l-�article 44, paragraphe 2, du règlement n° 40/94;
-
le signe est constitué exclusivement par la forme imposée par la nature du produit au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous e), i), de ce règlement;
-
le signe est constitué par une forme nécessaire à l-�obtention d-�un résultat technique au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement, et
-
le signe est dépourvu de caractère distinctif au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.
- Par arrêt du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d-�un savon) (T-'122/99, Rec. p. II-'265), le Tribunal a annulé la décision de la chambre de recours de l'OHMI du 15 mars 1999 aux motifs que:
-
cette chambre de recours a excédé sa compétence en prononçant d-�office l-�irrecevabilité de la demande d-�enregistrement en cause;
-
elle a violé les droits de la défense de Procter & Gamble en omettant de l-�inviter à présenter ses observations sur deux nouveaux motifs absolus de refus qu-�elle a retenus d-�office;
-
elle a commis une erreur de droit en refusant l-�enregistrement du signe déposé au motif qu-�il est constitué exclusivement par une forme imposée par la nature même du produit au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous e), i), du règlement n° 40/94.
- En vue de l-�exécution de cet arrêt, le rapporteur de la troisième chambre de recours de l'OHMI a, par communication du 7 juin 2000, invité Procter & Gamble à présenter ses observations sur l-�application éventuelle de l-�article 7, paragraphe 1, sous b) et e), ii), du règlement n° 40/94.
- Par la décision litigieuse, la troisième chambre de recours de l'OHMI a rejeté la demande d-�enregistrement au motif que la marque en cause est dépourvue de caractère distinctif au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
La procédure devant le Tribunal et l-�arrêt attaqué
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2001, Procter & Gamble a formé un recours tendant à l-�annulation de la décision litigieuse.
- Dans l-�arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la troisième chambre de recours de l-�OHMI avait conclu à juste titre que la marque tridimensionnelle dont l-�enregistrement est demandé est dépourvue de caractère distinctif au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement, et ce pour les motifs suivants:
«38
Les signes dépourvus de caractère distinctif sont réputés incapables d-�exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d-�identifier l-�origine du produit ou du service afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d-�une acquisition ultérieure, le même choix si l-�expérience s-�avère positive ou de faire un autre choix si elle s-�avère négative [-�].
39
Le caractère distinctif d-�une marque doit être apprécié par rapport, d-�une part, aux produits ou aux services pour lesquels l-�enregistrement est demandé et, d-�autre part, à la perception qu-�en a le public pertinent [-�].
40
En outre, il convient d-�observer que l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne fait pas de distinction entre les signes de différentes natures. Cependant, la perception du consommateur n-�est pas nécessairement la même, dans le cas d-�un signe constitué par la forme d-�un produit, en tant que telle, que dans le cas d-�une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant des produits qu-�elle désigne. En effet, si le public a l-�habitude de percevoir, immédiatement, des marques verbales ou figuratives comme des signes identificateurs de l-�origine commerciale du produit, il n-�en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l-�aspect extérieur du produit.
41
En l-�espèce, il y a lieu de relever que les savons sont des produits de consommation ordinaire destinés à l-�ensemble des consommateurs. Par conséquent, le public pertinent est censé être le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n-�a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe de différents signes mais doit se fier à l-�image non parfaite qu-�il a gardé en mémoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-'342/97, Rec. p. I-'3819, point 26).
42
Il y a lieu de relever, également, que la forme revendiquée peut, en substance, être caractérisée par un parallélépipède rectangle dont les arêtes ont été adoucies.
43
Or, un parallélépipède rectangle est une forme communément utilisée pour des savons. Dès lors que la forme revendiquée n-�est qu-�une variation légère des différentes formes parallélépipédiques communément utilisées pour des savons, elle ne permettra pas au public pertinent de distinguer de façon immédiate et certaine les savons de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale.
44
En ce qui concerne l-�argument de la requérante selon lequel cette forme se distinguerait des formes communément utilisées par la présence de profils concaves, force est de constater que cette particularité n-�est pas suffisante dans la mesure où elle ne représente qu-�un détail de l-�ensemble perçu par le consommateur, détail qui n-�est pas susceptible de modifier son impression globale.
45
En effet, la présence de profils concaves n-�affecte pas de façon importante l-�aspect extérieur du savon et ne saurait donc être retenue comme constituant un écart perceptible par rapport aux formes de savons communément utilisées.
46
En outre, dans l-�hypothèse où les profils concaves retiendraient l-�attention du consommateur, il ne les percevrait pas d-�emblée comme une indication de l-�origine commerciale. En effet, des profils convexes ou concaves sont des éléments qui seront avant tout interprétés comme un élément fonctionnel permettant une saisie facile du savon ou une finition esthétique. Dès lors, ils ne seront pas directement perçus et mémorisés comme constituant un signe distinctif et ne pourront pas être utilisés par le public pertinent pour distinguer sans confusion possible un savon de cette forme de ceux qui ont une forme similaire.
47
Ainsi, même si la forme demandée n-�est pas strictement identique à une forme de savon existant sur le marché, elle ne présente pas de caractéristiques propres susceptibles d-�indiquer au consommateur l-�origine commerciale des produits.
48
Pour ce qui est de l-�argument de la requérante selon lequel il est possible que le public ait une perception inconsciente, mais suffisante du signe pour présumer de son origine commerciale, il y a lieu de constater qu-�une telle analyse relève en réalité d-�une appréciation [du caractère distinctif acquis] par l-�usage qui fait l-�objet d-�une disposition spécifique, à savoir l-�article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, [lequel caractère] se traduit, en effet, par la reconnaissance de l-�existence d-�un signe qui, au départ, n-�était pas perceptible.
49
Par ailleurs, les arguments de la requérante, tirés de ce que la forme d-�un savon est plus durable que la marque verbale dont il pourrait être revêtu ainsi que du fait qu-�il n-�est pas maintenu dans son emballage d-�origine, ne sont pas pertinents dans la mesure où ils relèvent de l-�usage du produit par l-�utilisateur dans la vie quotidienne et non de la perception du signe par le consommateur lors de l-�acte d-�achat. Cette forme serait d-�ailleurs totalement invisible si l-�emballage n-�était lui aussi de la même forme.
[-�]
51
Il s-�ensuit que, en constatant, d-�une part, que la forme demandée n-�est qu-�une variation mineure par rapport aux formes de savons typiques et, d-�autre part, que, si les caractéristiques de la forme en cause étaient relevées par le public pertinent, ces caractéristiques seraient avant tout perçues comme ayant une fonction utilitaire destinée à permettre la saisie facile du savon, c-�est à bon droit que la chambre de recours a décidé que cette forme n-�est pas susceptible d-�indiquer directement au public pertinent une source commerciale particulière.»
Le pourvoi
- Dans son pourvoi, Procter & Gamble conclut notamment à l-�annulation de l-�arrêt attaqué et à la condamnation de l-�OHMI aux dépens.
- L-�OHMI conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Procter & Gamble aux dépens.
- Au soutien de son pourvoi, Procter & Gamble fait valoir deux moyens tirés, d'une part, d-�une dénaturation des pièces ou d'une contrariété dans les motifs de l'arrêt attaqué et, d'autre part, d-�une violation de la notion de caractère distinctif au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
Sur le premier moyen, tiré d-�une dénaturation des pièces ou d'une contrariété dans les motifs de l'arrêt attaqué
- Procter & Gamble soutient que, contrairement à ce qu'a relevé le Tribunal au point 42 de l-�arrêt attaqué, le signe visuel dont l-�enregistrement est demandé ne correspond pas à un parallélépipède rectangle. Selon lui, ce signe ne présente aucun des 24 rectangles et aucun des 6 parallélogrammes que compte un parallélépipède rectangle et l-�adoucissement des arêtes de ce parallélépipède lui ôte toutes ses caractéristiques géométriques. En jugeant différemment, le Tribunal aurait soit dénaturé les pièces, soit énoncé une contradiction dans les motifs, dès lors qu-�il a jugé, au point 43 de l-�arrêt attaqué, qu-�un parallélépipède rectangle est une forme communément utilisée pour des savons.
- À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des articles 225 CE et 58 du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit.
- Dès lors, l-�appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d-�un pourvoi (voir arrêt du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C-'468/01 P à C-'472/01 P, non encore publié au Recueil, point 39).
- Aux points 42 et 43 de l-�arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à un examen concret de la forme du produit en question et a considéré que celle-ci peut, en substance, être caractérisée par un parallélépipède rectangle dont les arêtes ont été adoucies et qu-�il s-�agit d-�une forme communément utilisée pour des savons.
- Ainsi que l-�OHMI l-�a observé à juste titre, le Tribunal s-�est, à cet égard, limité à se référer à la figure géométrique en cause, afin de déterminer les caractéristiques essentielles de la marque, et les arguments de Procter & Gamble visent essentiellement à contester une appréciation des faits par le Tribunal, sans être assortis d-�éléments établissant une dénaturation desdits faits.
- Le premier moyen est donc manifestement irrecevable et doit être rejeté.
Sur le second moyen, tiré d-�une violation de la notion de caractère distinctif au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94
- Le second moyen se subdivise, en substance, en plusieurs branches.
Sur la première branche du second moyen, relative à la nécessité d-�apprécier le caractère distinctif d-�une marque par rapport à la perception présumée de l-�usage qui pourrait être fait de celle-ci
- Procter & Gamble observe, en premier lieu, qu'un signe n'est une marque que lorsqu-�il est apte à remplir la fonction de celle-ci. Dès lors, Procter & Gamble n'utilise pas les deux mots comme synonymes.
- Selon Procter & Gamble, lorsqu-�il s-�agit, au stade de l-�examen du bien-fondé d-�une demande d-�enregistrement, de juger de l-�aptitude d-�un signe à remplir sa fonction de marque individuelle pour des produits ou des services déterminés, il y a lieu de raisonner en termes de perception présumée de l-�usage qui pourrait être fait du signe et non pas en termes de perception actuelle de l-�un ou l-�autre usage concret qui serait déjà fait du signe. Elle se fonde à cet égard sur l'arrêt du 4 octobre 2001, Merz & Krell (C-'517/99, Rec. p. I-'6959, point 40).
- Toutefois, au point 39 de l-�arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le caractère distinctif du signe doit être apprécié par rapport «à la perception qu-�en a le public pertinent», ce qui constitue, selon Procter & Gamble, la première erreur de droit.
- L-�OHMI estime que la requérante a interprété à tort l'arrêt attaqué. Le critère utilisé par le Tribunal se fonderait sur un examen a priori du caractère distinctif de la marque, en dehors de toute prise en considération de l-�utilisation concrète de celle-'ci sur le marché.
- Selon l-�OHMI, le Tribunal a retenu le même critère d-�examen de l-�existence du caractère distinctif que celui utilisé par la Cour dans sa jurisprudence, à savoir la perception présumée d-�un consommateur de la catégorie de produits ou de services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt du 18 juin 2002, Philips, C-'299/99, Rec. p. I-5475, point 63).
- À cet égard, le caractère distinctif d-�une marque au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 signifie que cette marque permet d-�identifier le produit pour lequel l-�enregistrement est demandé comme provenant d-�une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d-�autres entreprises (voir arrêts du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, Rec. p. I-3161, point 40, et du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, précité, point 32).
- Selon une jurisprudence constante, ce caractère distinctif doit être apprécié, d-�une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l-�enregistrement est demandé et, d-�autre part, par rapport à la perception qu-�en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, précité point 33).
- Il ressort clairement de l-�arrêt attaqué, et notamment de ses points 39 et suivants, que le Tribunal a fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque en cause sur la perception présumée d-�un consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C-'363/99, non encore publié au Recueil, point 34).
- En se référant à la perception que le public pertinent a de la marque, le Tribunal s-�est limité simplement à l-�examen a priori du caractère distinctif de celle-ci, en dehors de tout usage concret qui en a été fait, lequel relèverait de l-�article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.
- En considérant, au point 39 de l-�arrêt attaqué, que le caractère distinctif de la marque dont l-�enregistrement est demandé doit être apprécié par rapport à la perception qu-�en a le public pertinent, le Tribunal n-�a commis aucune erreur de droit.
- En second lieu, Procter & Gamble allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 48 de l-�arrêt attaqué, que l'argument selon lequel le public a une perception inconsciente, mais suffisante du signe pour présumer de son origine commerciale, est dénué de pertinence, au motif qu-�il relève de l-�appréciation du caractère distinctif acquis par l-�usage au sens de l-�article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.
- À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément aux articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l-�arrêt dont l-�annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C-'248/99 P, Rec. p. I-'1, point 68).
- En l-�espèce, Procter & Gamble se borne à faire valoir que le point 48 de l-�arrêt attaqué est entaché d-�une erreur de droit sans indiquer en aucune manière les raisons pour lesquelles tel serait le cas. Il s'ensuit que cette partie de la première branche du second moyen est irrecevable.
- Eu égard à ce qui précède, il convient donc de rejeter la première branche du second moyen comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.
Sur la deuxième branche du second moyen, relative à la définition du public pertinent
- Par la deuxième branche du second moyen, Procter & Gamble soutient que, contrairement à ce que le Tribunal semble avoir jugé, le public pertinent est constitué de toutes les personnes susceptibles d-�être mises en présence de la marque et ne peut pas être réduit au cercle bien plus restreint des consommateurs susceptibles d-�acquérir le produit ou le service que la marque est censée désigner. Selon lui, c-�est cette notion du public pertinent qui ressort de l-�arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C-'206/01, Rec. p. I-'10273, point 57) ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice Benelux.
- L'OHMI estime que le Tribunal n-�a commis aucune erreur de droit en considérant que le public pertinent à prendre en compte pour l-�examen du caractère distinctif de la marque en cause est celui constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cette notion serait composée, en l-�espèce, des personnes physiques qui font partie de la notion de consommateur final privé, qui acquiert des produits et n-�est pas engagé dans des activités commerciales ou professionnelles.
- À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu-�il ressort du point 29 du présent arrêt, que le caractère distinctif d-�une marque, au sens de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être apprécié par rapport à la perception qu-�en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen des produits ou services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
- Le Tribunal a, aux termes du point 41 de l-�arrêt attaqué, et, conformément à la jurisprudence de la Cour, apprécié l-�absence de caractère distinctif de la marque en cause par rapport à la perception qu'en a ledit public.
- Quant à la constatation effectuée par le Tribunal au même point de l-�arrêt attaqué, ainsi qu'au point 49, selon laquelle, s-�agissant d-�un produit de consommation ordinaire, le produit pour lequel la demande d-�enregistrement a été présentée est destiné à l-�ensemble des consommateurs, les arguments de Procter & Gamble à cet égard sont dénués de fondement dans la mesure où, les produits concernés étant destinés à l-�ensemble des consommateurs, le groupe des «consommateurs susceptibles d-�acquérir lesdits produits» coïncide en substance avec le groupe des «personnes susceptibles d-�être confrontées à la marque».
- Dans ces conditions, la deuxième branche du second moyen, relative à la définition du public pertinent, est non fondée et doit être rejetée.
Sur la troisième branche du second moyen, relative à la possibilité pour le consommateur moyen de procéder à une comparaison directe des différentes marques
- Procter & Gamble soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 41 de l-�arrêt attaqué, que le consommateur moyen n-�a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et en ne se plaçant que du point de vue de la partie du public pertinent qui n-�observerait que l-�image imparfaite du signe.
- À cet égard, il convient de rappeler, tout comme l-�OHMI l'a relevé, que la Cour a déjà jugé que le consommateur moyen n-�a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes et doit se fier à l-�image non parfaite qu-�il a gardée en mémoire (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26, et, s-�agissant d-�une affaire relative à l-�appréciation du caractère distinctif d-�une marque, arrêt du 6 mai 2003, Libertel, C-'104/01, Rec. p. I-'3793, point 64).
- Dès lors, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit au point 41 de l-�arrêt attaqué.
- En conséquence, la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la quatrième branche du second moyen, relative à la perception du consommateur moyen s-�agissant des marques tridimensionnelles
- Selon Procter & Gamble, même si la Cour a déjà relevé que les critères d-�appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques, le Tribunal aurait soulevé une importante réserve à cet égard en jugeant, au point 40 de l-�arrêt attaqué, que la perception des consommateurs n-�est pas nécessairement la même s-�agissant d-�un signe constitué par la forme du produit et d-�une marque verbale ou figurative. Selon Procter & Gamble, soit le Tribunal a utilisé le terme «marque» comme synonyme du terme «signe», soit il a procédé à une comparaison entre la perception par le public des marques verbales ou figuratives, d-�une part, et des aspects extérieurs du produit, d-�autre part, ce qui n-�a aucun fondement scientifique.
- À cet égard, il convient de constater que, au point 39 de l-�arrêt attaqué, le Tribunal, en examinant si la troisième chambre de recours de l'OHMI a correctement appliqué l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, a rappelé les deux aspects qui doivent être pris en considération pour l-�appréciation du caractère distinctif d-�une marque et a relevé, à bon droit, au point 40 du même arrêt, que cette disposition ne fait pas de distinction entre les signes de nature différente.
- Il a en outre énoncé, à ce dernier point, que la perception du consommateur n-�est pas nécessairement la même, dans le cas d-�un signe constitué par la forme d-�un produit, en tant que telle, que dans le cas d-�une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant des produits qu-�elle désigne. Il a jugé que si le public a l-�habitude de percevoir, immédiatement, des marques verbales ou figuratives comme des signes identificateurs de l-�origine commerciale du produit, il n-�en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l-�aspect extérieur du produit pour lequel la marque est demandée.
- Ainsi que l-�OHMI l-�a observé, la Cour a jugé que, si les critères d-�appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, cela n-�exclut pas que, dans le cadre de l-�application de ces critères, la perception du public pertinent n-�est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il pourrait s-�avérer plus difficile d-�établir le caractère distinctif s'agissant de marques de certaines catégories que s'agissant de marques d-�autres catégories (voir arrêts Linde e.a., précité, point 48, et du 12 février 2004, Henkel, C-'218/01, non encore publié au Recueil, point 52).
- Le Tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit à cet égard de sorte que la quatrième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur la cinquième branche du second moyen, relative à la multifonctionnalité des marques
- Selon Procter & Gamble, le Tribunal semble considérer qu-�un signe ne pourrait remplir simultanément qu-�un nombre limité de fonctions différentes, alors que ceci n'est ni fondé scientifiquement ni confirmé en pratique. Tout indiquerait que les signes sont aptes à exercer concomitamment plusieurs fonctions, notamment celles de plaire, d-�informer, de conférer une ou des garanties, d-�éveiller un sentiment ou un souvenir ou d-�être utile. Elle maintient que ce n-�est pas parce qu-�il pourrait être présumé que le public, mis en présence de la marque en cause, y percevra surtout ou avant tout un signe remplissant une fonction technique ou ornementale que l-�exercice de sa fonction de marque individuelle s-�en trouverait empêché ou même diminué.
- À cet égard, il convient de relever que le Tribunal a jugé, au point 47 de l'arrêt attaqué, que la forme tridimensionnelle de savon dont l-�enregistrement est demandé en l-�espèce ne présente pas de caractéristiques propres susceptibles d-�indiquer au consommateur l-�origine des produits en cause. Lors de l'appréciation de ses caractéristiques, le Tribunal a considéré que la forme concernée serait avant tout perçue comme ayant une fonction utilitaire destinée à permettre la saisie facile du savon.
- Toutefois, contrairement à ce que soutient Procter & Gamble, il ne ressort nullement de l-�arrêt attaqué que le Tribunal a exclu la possibilité qu-�un signe tridimensionnel constitué par la forme d'un produit puisse avoir plusieurs fonctions. Il a simplement, sans commettre aucune erreur de droit s'agissant de l-�interprétation et de l-�application de l-�article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, constaté l-�absence de caractère distinctif de la marque en cause.
- Dès lors, la cinquième branche du second moyen n'est pas fondée et doit être rejetée.
- Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur les dépens
- Aux termes de l-�article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l-�article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s-�il est conclu en ce sens. L-�OHMI ayant conclu à la condamnation de Procter & Gamble et celle-'ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1)
Le pourvoi est rejeté.
2)
Procter & Gamble Company est condamnée aux dépens.
Signatures.
1 -
Langue de procédure: le français.
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