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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
17 mars 2005 (1)
«Manquement d'État - Pêche - Règlements (CEE) nos 3760/92 et 2847/93 - Conservation et gestion des ressources - Mesures de contrôle des activités de pêche»
Dans l'affaire C-437/02,ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 3 décembre 2002,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. van Rijn et M. Huttunen, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
République de Finlande,représentée par Mme T. Pynnä et M. E. Kourula, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, A. La Pergola, J.-P. Puissochet (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
- Par le présent recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n'ayant pas arrêté les modalités appropriées pour l'utilisation des quotas qui lui ont été attribués au titre des campagnes de pêche 1995 et 1996, en n'ayant pas procédé aux inspections et aux autres contrôles requis par les règlements communautaires applicables, en n'ayant pas interdit provisoirement la pêche dans tous les cas d'épuisement des quotas, en n'ayant pas pris les mesures administratives ou pénales qu'elle était tenu d'appliquer à l'encontre des capitaines des navires ayant enfreint lesdits règlements ou à l'encontre de toute autre personne responsable d'une telle infraction, la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l-�article 9, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3760/92 du Conseil, du 20 décembre 1992, instituant un régime communautaire de la pêche et de l'aquaculture (JO L 389, p.1), ainsi que des articles 2, 21, et 31 du règlement (CEE) n° 2847/93 du Conseil, du 12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche (JO L 261, p. 1).
Le cadre juridique
- Le règlement n° 3760/92 vise, ainsi qu'il est défini à son article 2, à établir un cadre pour la conservation et la protection des ressources de la pêche et de l'aquaculture.
- Aux termes de l-�article 9, paragraphe 2, de ce règlement:
«Chaque année, les États membres informent la Commission des critères qu-�ils ont adoptés pour la répartition des disponibilités de pêche qui leur ont été allouées et pour les modalités de leur utilisation, conformément au droit communautaire et à la politique commune de la pêche.»
- Le règlement n° 2847/93 impose des obligations spécifiques aux États membres en matière d-�inspection et de contrôle des activités de pêche, de gestion des quotas, de régulation et de fermeture des activités de pêche ainsi que de sanctions en cas de violation de la réglementation en vigueur.
- Aux termes de l-�article 2 dudit règlement:
«1. Afin d'assurer le respect de l'ensemble de la réglementation en vigueur ayant trait aux mesures de conservation et de contrôle, chaque État membre contrôle, sur son territoire et dans les eaux maritimes relevant de sa souveraineté ou de sa juridiction, l'exercice de la pêche et des activités connexes. Il inspecte les navires de pêche et contrôle toutes les activités, notamment les activités de débarquement, de vente, de transport et de stockage du poisson et l'enregistrement des débarquements et des ventes, permettant ainsi la vérification de la mise en œuvre du présent règlement.[-�]3. Chaque État membre contrôle, en dehors de la zone de pêche communautaire, les activités de ses navires dans les cas où ce contrôle est nécessaire pour assurer le respect de la réglementation communautaire applicable dans ces eaux.»
- Aux termes de l-�article 21, paragraphes 1 et 2, du même règlement:
«1. Toutes les captures d'un stock ou d'un groupe de stocks soumis à quota, effectuées par des navires de pêche communautaires, sont imputées sur le quota applicable à l'État membre du pavillon pour le stock ou groupe de stocks en question, quel que soit le lieu du débarquement.2. Chaque État membre fixe la date à partir de laquelle les captures d'un stock ou d'un groupe de stocks soumis à quota, effectuées par les navires de pêche battant son propre pavillon ou enregistrées sur son territoire, sont réputées avoir épuisé le quota qui lui est applicable pour ce stock ou groupe de stocks. Il interdit provisoirement, à compter de cette date, la pêche de poissons de ce stock ou de ce groupe de stocks par lesdits navires ainsi que la conservation à bord, le transbordement et le débarquement de poissons pêchés après cette date et fixe une date jusqu'à laquelle les transbordements et les débarquements ou les déclarations définitives de captures sont permis. Cette mesure est notifiée sans délai à la Commission, qui en informe les autres États membres.»
- Aux termes de l-�article 31 du même règlement:
«1. Les États membres veillent à ce que soient prises les mesures appropriées, y compris, conformément à leur législation nationale, l'ouverture d'une procédure administrative ou pénale contre les personnes physiques ou morales responsables, lorsqu'il est établi, notamment à l'issue d'un contrôle ou d'une inspection effectués en vertu du présent règlement, que les règles de la politique commune de la pêche n'ont pas été respectées.2. Les procédures ouvertes en vertu du paragraphe 1 doivent être de nature, conformément aux dispositions pertinentes de la législation nationale, à priver effectivement les responsables du profit économique de l'infraction ou à produire des effets proportionnés à la gravité de l'infraction de façon à décourager efficacement d'autres infractions de même nature.[...]»
La procédure précontentieuse
- Dans le cadre de contrôles concernant les quotas de captures alloués à la république de Finlande et fixés par les règlements (CE) nos 3362/94 du Conseil, du 20 décembre 1994, fixant, pour certains stocks et groupes de stocks de poissons, les totaux admissibles des captures pour 1995 et certaines conditions dans lesquelles ils peuvent être pêchés (JO L 363, p. 1), et 3074/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, fixant, pour certains stocks et groupes de stocks de poissons, les totaux admissibles des captures pour 1996 et certaines conditions dans lesquelles ils peuvent être pêchés (JO L 330, p. 1), la Commission a constaté que certains stocks de poissons visés par les dispositions de ces règlements ont fait l-�objet d-�une surpêche en 1995 et en 1996. La Commission a donc, le 9 mars 1999, adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure par laquelle elle lui demandait de présenter ses observations.
- Dans sa réponse du 7 mai 1999, le gouvernement finlandais a d-�abord reconnu la surpêche qu-�il justifie par des difficultés administratives liées à l-�adaptation au régime communautaire. Il précisait également que, les nouvelles mesures adoptées ayant interrompu la surpêche, il n-�a pas jugé raisonnable de poursuivre les opérateurs qui en étaient responsables, même pour les cas observés postérieurement aux décisions d-�interdiction.
- N-�étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a, le 29 décembre 2000, adressé à la république de Finlande un avis motivé dans lequel elle lui reproche, d-�abord, de ne pas avoir fixé la répartition des quotas de pêche qui lui ont été alloués et les modalités de leur utilisation pour les campagnes de pêches 1995 et 1996, ensuite, de ne pas avoir pris suffisamment tôt les mesures nécessaires pour veiller au respect de la réglementation en matière de contrôle, à savoir un contrôle de l-�exercice de pêche, une inspection de la flotte de pêche ainsi qu-�une prise de décisions d-�interdiction et, enfin, de ne pas avoir ouvert de procédures administratives ou pénales contre les personnes responsables de la non-application des dispositions législatives en question.
- Le gouvernement finlandais a répondu à l-�avis motivé de la Commission le 26 mars 2001. Il reconnaissait l-�insuffisance des mesures de contrôle, ainsi que le retard pris dans l-�élaboration des mesures d-�interdiction, qu-�il justifiait par des difficultés découlant de son adhésion récente à l-�Union européenne.
- En revanche, ledit gouvernement soutient avoir communiqué à la Commission toutes les dispositions arrêtées et adoptées plusieurs années avant les campagnes de pêche de 1995 et 1996. Il déclare, enfin, qu-�il n'a pas procédé à la poursuite des infractions en raison du fait que les navires finlandais n-�ont pas renouvelé ces infractions de pêche postérieurement aux interdictions émises par les autorités finlandaises.
- La Commission, constatant que, sur ce dernier point, la position de la république de Finlande était contraire à celle qu-�elle avait précédemment soutenue en réponse à la lettre de mise en demeure, a décidé d-�introduire le présent recours.
Sur le recoursSur l'absence de modalités de répartition pour les quotas alloués au titre des campagnes de pêche 1995 et 1996 et sur l'absence de contrôle Argumentation des parties
- Selon la Commission, la république de Finlande n-�a pas fixé de modalités de répartition pour les quotas qui lui avaient été alloués au titre des campagnes de pêche 1995 et 1996. La liste des mesures nationales transmise par cet État membre ne ferait pas expressément référence à la fixation des dispositions relatives à la répartition et à l-�utilisation des quotas de pêche pour les années 1995 et 1996. En outre, l-�importance des chiffres relatifs à la surpêche et la répétition de la situation prouveraient l-�absence de modalités appropriées d-�utilisation des quotas de pêche et un manquement aux obligations de contrôle ainsi que la Cour l-�a déjà jugé (voir, notamment, arrêts du 14 novembre 2002, Commission/Royaume-Uni, C-'454/99, Rec. p. I-10323, point 31, et Commission/Royaume-Uni, C-140/00, Rec. p. I-10379, point 40).
- La république de Finlande soutient que de nombreuses dispositions de la réglementation transmise à la Commission en 1995 contenaient des règles détaillées concernant la répartition et l-�utilisation des droits de pêche au sens de l-�article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3760/92. Elle ajoute que, outre ces textes législatifs ou réglementaires, elle avait pris d'autres dispositions.
- Enfin, elle estime que les dépassements des quotas ne prouvent pas l-�absence desdites dispositions sur les modalités de répartition de ceux-ci pour les années 1995 et 1996, mais qu-�ils seraient dus aux lacunes du système de surveillance.
- La république de Finlande admet l-�absence de mesures appropriées de contrôle et d-�inspection concernant l-�utilisation des quotas, mais se justifie en invoquant des difficultés administratives liées à l-�adaptation au régime communautaire au moment de l'adhésion à l'Union européenne.
Appréciation de la Cour
- Selon l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3760/92, il appartient aux États membres de déterminer les critères pour la répartition des quotas de pêche qui leur ont été alloués et pour les modalités de leur utilisation. Dans ce contexte, l'article 2 du règlement n° 2847/93 prévoit, pour les États membres, l'obligation d'adopter des mesures de contrôle aptes à assurer le respect de toute réglementation prise dans le contexte du régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche.
- L'obligation concrète de déterminer les modalités de répartition des quotas, dont la finalité est d'imposer aux opérateurs les limites qu'ils ne doivent pas dépasser pendant une campagne de pêche, ne saurait être satisfaite, contrairement à ce que soutient la république de Finlande, dans le cadre de la loi nationale portant mise en œuvre de la politique de la pêche, dans celui de la loi équivalente de la région autonome d'Åland, ou encore dans le cadre des lois et des réglementations générales sur la pêche, quand bien même ces législations seraient antérieures aux campagnes 1995 et 1996.
- En outre, si la république de Finlande soutient qu'elle a pris d'autres dispositions particulières, elle n'en donne pas la teneur.
- Par ailleurs, même si le gouvernement finlandais conteste partiellement les décomptes des dépassements établis par la Commission, il admet ne pas avoir exercé les contrôles appropriés qui lui étaient imposés par l'article 2 du règlement n° 2847/93. Il ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en œuvre desdites mesures de contrôle. Il appartient, en effet, aux États membres, chargés de l-�exécution des réglementations communautaires dans le secteur des produits de pêche, de surmonter ces difficultés en prenant les mesures appropriées (arrêt du 7 décembre 1995, Commission/France, C-52/95, Rec. p. I-'4443, point 28).
- Il y a donc lieu de constater que, pour les campagnes de pêche 1995 et 1996, en ayant omis d'arrêter les modalités appropriées pour l'utilisation des quotas qui lui ont été attribués et de procéder aux inspections et aux autres contrôles requis par les règlements communautaires applicables, la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 9, paragraphe 2, du règlement n° 3760/92, et 2 du règlement n° 2847/93.
Sur la fermeture tardive de la pêche
- La Commission reproche à la république de Finlande des décisions tardives d-�interdiction de pêcher, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 31 janvier 1991, Commission/France, C-244/89, Rec. p. I-'163) pour rappeler l-�obligation faite aux États membres de prendre les mesures nécessaires en «temps utile» afin de prévenir le dépassement des quotas.
- La république de Finlande ne conteste pas ce grief.
- Il y a lieu, en conséquence, de constater que, en ayant omis d-�interdire provisoirement la pêche dans les délais appropriés pour éviter les cas d-�épuisement des quotas, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 21, paragraphe 2, du règlement n° 2847/93.
Sur l'absence de sanctions administratives ou pénales
Argumentation des parties
- La Commission reproche à la république de Finlande de ne pas avoir poursuivi les responsables d'infractions et, par voie de conséquence, de ne leur avoir infligé aucune sanction administrative ou pénale.
- Elle fait valoir, au surplus, que, contrairement à ce qu'affirmait cet État membre en réponse à l'avis motivé, l-�étude des tableaux annexés à la mise en demeure démontre que l-�activité de pêche s-�est poursuivie après l'intervention des décisions d'interdiction de pêcher.
- Les autorités finlandaises reconnaissent n'avoir poursuivi aucune infraction. Elles font valoir, toutefois, que les navires finlandais avaient cessé de pêcher après les interdictions et qu'il aurait été inapproprié de prendre des mesures répressives dès lors que les dépassements ont été la conséquence de la déficience des contrôles, laquelle a rendu impossible la détermination des personnes responsables des dépassements de quotas. Ces autorités font, enfin, état des problèmes découlant de l-�adhésion récente de la république de Finlande à l-�Union européenne.
Appréciation de la Cour
- En application de l-�article 31 du règlement n° 2847/93, en cas de violation de la réglementation communautaire en matière de conservation et de contrôle des ressources de pêche, les autorités compétentes sont tenues d-�intenter une action pénale ou administrative contre le capitaine du bateau concerné ou contre toute autre personne responsable.
- En effet, si les autorités compétentes d-�un État membre s-�abstenaient de poursuivre les responsables de telles infractions, tant la conservation et la gestion des ressources de pêche que l-�application uniforme de la politique commune de la pêche seraient compromises (arrêts du 7 décembre 1995, Commission/France, précité, point 35, et du 14 novembre 2002, Commission/Royaume-Uni, C-140/00, précité, point 57).
- Il en découle que, à partir des dates auxquelles la république de Finlande aurait dû prendre les décisions d-�interdiction de la pêche au cours des années en cause, le gouvernement de cet État membre était tenu d-�intenter systématiquement une action pénale ou administrative contre les responsables de la poursuite de la pêche ou de la pêche hors quota.
- La république de Finlande ne saurait exciper de dispositions pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations prescrites par un règlement (arrêts du 7 décembre 1995, Commission/France, précité, point 28, et du 8 juillet 2004, Commission/Belgique, C-27/03, non publié au Recueil, point 43).
- Par conséquent, quand bien même les infractions auraient cessé après les décisions d'interdiction dont la tardiveté n'est pas contestée, il convient de constater que, en ayant omis de prendre les mesures administratives ou pénales qu-�elle était tenue d-�appliquer à l-�encontre des capitaines des navires ayant enfreint la réglementation relative à la politique commune de la pêche ou à l-�encontre de toute autre personne responsable d-�une telle infraction, la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 31 du règlement n° 2847/93.
Sur les dépens
- Aux termes de l-�article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s-�il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la république de Finlande et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:1) En ayant omis, pour les campagnes de pêche 1995 et 1996:
-
d'arrêter les modalités appropriées pour l'utilisation des quotas qui lui ont été attribués et de procéder aux inspections et aux autres contrôles requis par les règlements communautaires applicables,
-
d'interdire provisoirement la pêche dans les délais appropriés pour éviter les cas d'épuisement des quotas, et
-
de prendre les mesures administratives ou pénales qu'elle était tenue d'appliquer à l'encontre des capitaines des navires ayant enfreint la réglementation relative à la politique commune de la pêche ou à l'encontre de toute autre personne responsable d'une telle infraction,
la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l-�article 9, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3760/92 du Conseil, du 20 décembre 1992, instituant un régime communautaire de la pêche et de l-�aquaculture, ainsi que des articles 2, 21, paragraphes 1 et 2, et 31 du règlement (CEE) n° 2847/93 du Conseil, du 12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche.
2) La république de Finlande est condamnée aux dépens.
Signatures
1 -
Langue de procédure: le finnois.