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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v France (Environment & consumers) French Text [2005] EUECJ C-449/03 (10 March 2005)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2005/C44903F.html
Cite as: [2005] EUECJ C-449/03, [2005] EUECJ C-449/3

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
10 mars 2005 (1)

«Manquement d'État - Gestion des déchets - Décharge de Saint-Laurent du Maroni - Directives 75/442/CEE et 91/156/CEE»

Dans l'affaire C-449/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 24 octobre 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Konstantinidis et B. Stromsky, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et D. Petrausch, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,



LA COUR (cinquième chambre),



composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann et J. Klučka, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

rend le présent



Arrêt



  1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:
  2. - en ayant omis de délivrer une autorisation pour l-�exploitation de la décharge de déchets ménagers et assimilés située sur le territoire de la commune de Saint-Laurent du Maroni en Guyane française (ci-après la «décharge»);

    - en s-�abstenant de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets sur le site de cette décharge soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme, et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement, et

    - en s-�abstenant de prendre les mesures nécessaires pour que l-�exploitant de ladite décharge assure lui-même la valorisation ou l-�élimination des déchets ou les remette à un ramasseur privé ou public,

    la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 9, 4 et 8 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-'après la «directive 75/442»).


    Le cadre juridique

  3. Ainsi qu-�il ressort de son troisième considérant, la directive 75/442 a pour objectif essentiel la protection de la santé de l-�homme et de l-�environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets.
  4. L-�article 4 de ladite directive prévoit:
  5. «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement, et notamment:

    - sans créer de risque pour l-�eau, l-�air ou le sol, ni pour la faune et la flore,

    - sans provoquer d-�incommodités par le bruit ou les odeurs,

    - sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

    Les États membres prennent en outre les mesures nécessaires pour interdire l-�abandon, le rejet et l-�élimination incontrôlée des déchets.»

  6. L-�article 8 de la même directive dispose:
  7. «Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:

    - les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B

    ou

    - en assure lui-même la valorisation ou l-�élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»

  8. L-�annexe II A de la directive 75/442 vise les opérations d-�élimination des déchets, et notamment le dépôt des déchets sur ou dans le sol, avec par exemple une mise en décharge, tandis que l-�annexe II B de cette même directive concerne les opérations débouchant sur une possibilité de valorisation des déchets.
  9. L-�article 9 de ladite directive est libellé de la manière suivante:
  10. «1. Aux fins de l-�application des articles 4, 5 et 7, tout établissement ou toute entreprise qui effectue les opérations visées à l-�annexe II A doit obtenir une autorisation de l-�autorité compétente visée à l-�article 6.

    Cette autorisation porte notamment sur:

    - les types et les quantités de déchets,

    - les prescriptions techniques,

    - les précautions à prendre en matière de sécurité,

    - le site d-�élimination,

    - la méthode de traitement.

    2. Les autorisations peuvent être accordées pour une durée déterminée, être renouvelables, être assorties de conditions et d-�obligations, ou, notamment si la méthode d-�élimination envisagée n-�est pas acceptable du point de vue de la protection de l-�environnement, être refusées.»


    Les faits et la procédure précontentieuse

  11. À la suite d-�une pétition déposée devant le Parlement européen, l-�attention de la Commission a été attirée sur les nuisances pour l-�environnement et la santé des personnes qui résultaient de l-�exploitation de la décharge. Cette dernière se situe à une distance de 6 km de l-�agglomération. Dans cette décharge, sont déversées environ 9 000 tonnes de déchets ménagers par an.
  12. La Commission a notamment demandé aux autorités françaises des informations afin d-�évaluer si la décharge se conformait aux exigences de la directive 75/442.
  13. Estimant que la réponse des autorités françaises ne contenait pas les informations demandées, la Commission, après avoir établi, notamment, un constat libellé dans les mêmes termes que ceux reproduits au point 1 du présent arrêt, a, par lettre du 21 mars 2002, mis la République française en demeure de présenter ses observations.
  14. La Commission a, le 27 juin 2002, émis un avis motivé invitant la République française à prendre les mesures nécessaires pour s-�y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
  15. Par lettre du 30 août 2002, les autorités françaises ont répondu à cet avis motivé, en reconnaissant que la décharge était effectivement exploitée sans autorisation, en faisant valoir que cette décharge accueillait un volume de déchets assez réduit, qu-�aucun cours d-�eau ni aucun lotissement ne se trouvait à proximité du site de ladite décharge et que la présence de celle-ci ne nuisait pas à la bonne qualité des eaux destinées à l-�alimentation en eau potable. En outre, les mêmes autorités ont signalé que des mesures avaient été prises par l-�exploitant de la décharge pour en réduire les nuisances et qu-�une étude de préqualification pour implanter un centre de stockage des déchets conforme à la réglementation avait été lancée.
  16. Estimant que cette réponse ne lui permettait pas de renoncer aux griefs formulés dans son avis motivé, la Commission a décidé d-�introduire le présent recours.

  17. Sur le recours

  18. Au soutien de sa requête, la Commission invoque trois griefs, tirés respectivement de la violation des articles 9, 4 et 8 de la directive 75/442.
  19. Sur le premier grief, tiré de la violation de l-�article 9 de la directive 75/442

  20. Par son premier grief, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir délivré d-�autorisation pour l-�exploitation de la décharge, en violation de l-�article 9 de la directive 75/442.
  21. Le gouvernement français ne conteste pas ce grief.
  22. Dans la mesure où ledit gouvernement ne nie pas l-�absence d-�autorisation pour l-�exploitation de la décharge, en violation de l-�article 9 de la directive 75/442, le premier grief doit être considéré comme fondé.
  23. Sur le deuxième grief, tiré de la violation de l-�article 4 de la directive 75/442

    Arguments des parties

  24. Par son deuxième grief, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer que les déchets présents sur le site de la décharge soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement. Ce défaut d-�action aurait persisté et entraîné une dégradation de l-�environnement pendant une période prolongée. Les autorités françaises n-�auraient pas procédé à la fermeture de la décharge ou à sa réhabilitation. En outre, elles n-�auraient pas assuré le dépôt des déchets dans une décharge bénéficiant d-�une autorisation à cet effet.
  25. Bien qu-�elle reconnaisse aux États membres une certaine marge d-�appréciation dans l-�évaluation des mesures à prendre, la Commission rappelle que la persistance d-�une situation de fait, notamment lorsqu-�elle entraîne une dégradation significative de l-�environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, révèle que l-�État membre a outrepassé la marge d-�appréciation qui lui est conférée à l-�article 4 de la directive 75/442.
  26. Selon la Commission, la seule circonstance que la décharge soit encore exploitée sans autorisation constitue une présomption forte selon laquelle celle-ci présente un danger pour la santé et pour l-�environnement. En effet, seules des garanties entourant l-�octroi d-�une autorisation en conformité avec l-�article 9 de la directive 75/442 seraient de nature à garantir une protection adéquate de la santé et de l-�environnement telle que celle imposée par cette directive.
  27. Le gouvernement français indique que, selon une jurisprudence bien établie, il incombe à la Commission, dans le cadre d-�une procédure en manquement, d-�établir l-�existence du manquement allégué, étant entendu que, lorsque cette institution a fourni suffisamment d-�éléments, il appartient à l-�État membre mis en cause de contester de manière substantielle et détaillée les données présentées par celle-ci. En l-�espèce, la Commission n-�apporterait aucune preuve démontrant que la décharge met en danger la santé de l-�homme et porte préjudice à l-�environnement.
  28. En outre, le gouvernement français indique que, grâce aux circonstances particulières de la décharge et aux conditions climatiques, les incidences sur les eaux souterraines, sur les eaux de surface et sur les personnes pourraient être considérées comme faibles, voire inexistantes.
  29. Appréciation de la Cour

  30. Il convient de rappeler que l-�article 4, premier alinéa, de la directive 75/442 oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement.
  31. Si cette disposition ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans porter préjudice à l-�environnement, il n-�en reste pas moins qu-�elle lie les États membres quant à l-�objectif à atteindre, tout en laissant aux États membres une marge d-�appréciation dans l-�évaluation de la nécessité de telles mesures (voir arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, point 67).
  32. Il n-�est donc, en principe, pas possible de déduire directement de la non-conformité d-�une situation de fait avec les objectifs fixés à l-�article 4, premier alinéa, de la directive 75/442 que l-�État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans porter préjudice à l-�environnement. Toutefois, la persistance d-�une telle situation de fait, notamment lorsqu-�elle entraîne une dégradation significative de l-�environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d-�appréciation que leur confère cette disposition (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 68).
  33. En l-�espèce, hormis le fait que le gouvernement français a admis l-�existence d'effets nocifs causés par la décharge, la simple persistance de l-�accumulation de déchets sans aucun contrôle pendant une durée prolongée porte atteinte à l-�environnement, en dégradant soit le paysage, soit les conditions environnementales du sol et du substrat. Il convient de souligner, à cet égard, qu-�aucune autorisation d-�exploitation de ladite décharge n-�a été délivrée par les autorités compétentes pendant 24 ans.
  34. Dans ces conditions, le deuxième grief doit être également considéré comme fondé.
  35. Sur le troisième grief, tiré de la violation de l-�article 8 de la directive 75/442

    Arguments des parties

  36. Par son troisième grief, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour que l-�exploitant de la décharge assure lui-même la valorisation ou l-�élimination des déchets ou les remette à un ramasseur privé ou public, conformément à l-�article 8 de la directive 75/442.
  37. En revanche, le gouvernement français soutient que la détentrice des déchets, à savoir la communauté des communes de l-�ouest guyanais, laquelle exploite la décharge depuis le 1er janvier 2002, est en droit de maintenir les déchets dans cette décharge, sans qu-�elle ait besoin de les remettre à un ramasseur public ou privé, d-�autant que sur la liste des opérations d-�élimination visées à l-�annexe II A de la directive 75/442 figure le «dépôt sur ou dans le sol (par exemple, mise en décharge)».
  38. Appréciation de la Cour

  39. Aux termes de l-�article 8 de la directive 75/442, il incombe aux États membres de prendre les «mesures nécessaires pour que [le] détenteur de déchets [-�] en assure lui-même la valorisation ou l-�élimination en se conformant aux dispositions de la [-�] directive».
  40. Selon le libellé de cette disposition, il ne suffit pas que l-�État membre adopte des mesures pour que le détenteur des déchets engage une opération d-�élimination visée à l-�annexe II A de la directive 75/442, mais qu-�il prenne aussi des mesures tendant à ce que, lors de ces opérations d-�élimination, le détenteur se conforme aux dispositions de ladite directive.
  41. Une telle conformité ne peut être assurée qu-�au moyen d-�un contrôle effectif au sens de la directive 75/442. L-�article 9 de cette dernière, qui concerne les entreprises effectuant des opérations visées à l-�annexe II A de cette même directive, impose, à son paragraphe 1, l-�obligation d-�obtenir au préalable une autorisation de l-�autorité compétente.
  42. Cette autorisation, selon ledit article, doit porter notamment sur les types et les quantités de déchets, les prescriptions techniques, les précautions à prendre en matière de sécurité, le site d-�élimination et la méthode de traitement.
  43. En l-�espèce, il ressort des informations fournies que les autorités françaises n-�ont adopté aucune mesure tendant à ce que les opérations d-�élimination visées à l-�annexe II A de la directive 75/442 soient réalisées en se conformant aux dispositions de cette directive, la décharge ayant continué à être exploitée sans autorisation pendant 24 ans. L-�absence d-�une telle autorisation n-�a jamais permis de vérifier si la décharge se conformait aux exigences normatives en matière de types et de quantités de déchets, de prescriptions techniques, de précautions à prendre en matière de sécurité, de site d-�élimination et de méthode de traitement.
  44. Le troisième grief doit donc être considéré comme fondé.
  45. Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de constater que:
  46. - en ayant omis de délivrer une autorisation pour l-�exploitation de la décharge;

    - en s-�abstenant de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets sur le site de cette décharge soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement, et

    - en s-�abstenant de prendre les mesures nécessaires pour que l-�exploitant de ladite décharge assure lui-même la valorisation ou l-�élimination des déchets ou les remette à un ramasseur privé ou public,

    la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 9, 4 et 8 de la directive 75/442.


    Sur les dépens

  47. Aux termes de l-�article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s-�il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.



  48. Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

    1) -
    en ayant omis de délivrer une autorisation pour l-�exploitation de la décharge de déchets ménagers et assimilés située sur le territoire de la commune de Saint-Laurent du Maroni en Guyane française,

    - en s-�abstenant de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les déchets sur le site de cette décharge soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l-�homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l-�environnement, et

    la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 9, 4 et 8 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991.

    2) La République française est condamnée aux dépens.


    Signatures


    1 - Langue de procédure: le français.


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