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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Moreno (Staff Regulations) French Text [2006] EUECJ C-373/04 (10 January 2006) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2006/C37304F.html Cite as: [2006] EUECJ C-373/04, [2006] EUECJ C-373/4 |
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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
10 janvier 2006 (*)
"Pourvoi - Fonctionnaires - Agent auxiliaire - Interprète de conférence - Recours - Demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut - Acte faisant grief - Notion"
Dans l'affaire C-373/04 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 27 août 2004,
Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l'autre partie à la procédure étant:
Mercedes Alvarez Moreno, demeurant à Berlin (Allemagne), représentée par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,
partie demanderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J. Makarczyk, C. Gulmann, G. Arestis (rapporteur) et J. Klučka, juges,
avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Commission (T-153/01 et
T-323/01, non encore publié au Recueil, ci-après "l'arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a déclaré recevable le recours formé par Mme Alvarez Moreno dans l'affaire T-323/01 et, à titre subsidiaire, en ce qu'il a annulé la décision de la Commission, du 23 février 2001, indiquant à l'intéressée que, depuis l'entrée en vigueur du règlement (CE, CECA, Euratom) n° 628/2000 du Conseil, du 20 mars 2000, modifiant le règlement (CE, Euratom, CECA) n° 259/68 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 76, p. 1), elle ne recrute plus d'agents auxiliaires interprètes de conférence âgés de plus de 65 ans.
Le cadre juridique
2 Sous le titre VII, intitulé "Voies de recours", l'article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le "statut") dispose:
"1. Toute personne visée au présent statut peut saisir l'autorité investie du pouvoir de nomination d'une demande l'invitant à prendre à son égard une décision. L'autorité notifie sa décision motivée à l'intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l'introduction de la demande. à l'expiration de ce délai, le défaut de réponse à la demande vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'une réclamation au sens du paragraphe 2.
2. Toute personne visée au présent statut peut saisir l'autorité investie du pouvoir de nomination d'une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu'elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. [...]"
3 L'article 91 dudit statut prévoit:
"1. La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l'une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d'un acte faisant grief à cette personne au sens de l'article 90, paragraphe 2. Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.
2. Un recours à la Cour de justice des Communautés européennes n'est recevable que:
- si l'autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2 et dans le délai y prévu
et
- si cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite ou implicite de rejet.
[...]"
Les faits à l'origine du litige
4 Ainsi qu'il ressort de l'arrêt attaqué, Mme Alvarez Moreno a travaillé à plusieurs reprises, à partir de 1986, sur une base contractuelle en tant qu'interprète de conférence pour la Commission.
5 Depuis qu'elle a atteint l'âge de 65 ans, le 20 juin 2000, la Commission ne lui a plus proposé de contrat.
6 Par lettre du 15 septembre 2000, adressée à M. Benedetti, chef du service commun "Interprétation-conférences", Mme Alvarez Moreno a demandé des explications concernant la réalité de l'information selon laquelle la limite d'âge de 65 ans serait applicable aux interprètes free-lance ainsi que sur les modalités de mise en œuvre de cette limite d'âge. Mme Alvarez Moreno a réitéré sa demande par lettre du 25 janvier 2001.
7 Le 9 février 2001, les conseils de Mme Alvarez Moreno ont adressé un courrier à M. Walker, directeur du service commun "Interprétation-conférences". Ce courrier était rédigé comme suit:
"1. Nous sommes les conseils de Madame Mercedes Alvarez Moreno, la demandante, et nous introduisons par la présente une demande afin qu'il soit pris position à l'égard de sa situation qui peut se résumer de la façon suivante.
[...]
8. Vous voudrez bien, dès lors, nous faire connaître, dans les meilleurs délais, la décision sur la base de laquelle les interprètes free-lance ne pourraient plus travailler pour la Commission au-delà de 65 ans et la base juridique de celle-ci.
9. Nous réservons par ailleurs les droits de Madame Alvarez Moreno au cas où votre réponse ne nous donnerait pas satisfaction.
[...]"
8 Par lettre du 13 février 2001, M. Benedetti a répondu aux questions posées par Mme Alvarez Moreno dans son courrier du 25 janvier 2001 en indiquant que les interprètes avaient été informés de la modification de leur situation résultant de l'adoption du règlement n° 628/2000, que la délégation de l'association internationale des interprètes de conférence était informée des conséquences pratiques de l'entrée en vigueur de ce règlement et qu'il n'était pas possible, à cet égard, d'instaurer une période transitoire.
9 Par lettre du 23 février 2001, en réponse au courrier des conseils de Mme Alvarez Moreno du 9 février 2001, M. Walker a indiqué ce qui suit:
"Étant donné que les informations communiquées à Mme Alvarez par notre lettre du 13 février me paraissent répondre aux questions que vous avez soulevées, je vous transmets copie de la réponse qui lui a été envoyée. Elle permet notamment d'établir que la Commission ne peut pas recruter des interprètes de conférence de plus de 65 ans en raison de l'article 74 du régime applicable aux autres agents (RAA), selon lequel l'engagement de l'agent auxiliaire prend fin de plein droit à la fin du mois au cours duquel il a atteint l'âge de 65 ans."
10 Dans cette lettre, M. Walker a également indiqué que le fondement juridique de ce régime est le règlement n° 628/2000 qui prévoit que les interprètes de conférence engagés par la Commission sont recrutés en qualité d'agents auxiliaires.
11 Par lettre du 5 mars 2001, les conseils de Mme Alvarez Moreno ont demandé à M. Walker de leur faire parvenir une copie de la décision de la Commission fondant l'application du nouveau régime aux interprètes de conférence sur l'article 78 du RAA. Le 22 mars 2001, M. Walker a répondu à cette demande en indiquant que c'est le règlement n° 628/2000 lui-même qui commande l'attitude de la Commission.
12 Le 4 avril 2001, Mme Alvarez Moreno a introduit une réclamation contre la décision de la Commission, dont elle a été informée par les lettres de M. Benedetti du 13 février 2001 et de M. Walker du 23 février 2001, de ne plus recruter des interprètes de conférence âgés de plus de 65 ans et donc de ne plus la recruter pour ce motif. Cette réclamation a finalement été rejetée par la Commission le 7 septembre 2001.
La procédure et les conclusions des parties devant le Tribunal
13 à la suite de la procédure précontentieuse, deux recours ont été présentés par Mme Alvarez Moreno devant le Tribunal.
14 Le premier recours (affaire T-153/01) a été introduit le 4 juillet 2001 et avait pour fondement juridique les articles 23 et 24 de la convention fixant les conditions de travail et le régime pécuniaire des interprètes de conférence auxiliaires de session (IAS) et free-lance (IFL) recrutés par les institutions de l'Union européenne (ci-après la "convention de 1999"), conclue le 28 juillet 1999 entre le Parlement européen, la Commission et la Cour de justice, d'une part, et l'association internationale des interprètes de conférence, d'autre part.
15 Le second recours (affaire T-323/01) a, quant à lui, été introduit, à titre conservatoire, le 19 décembre 2001 et était fondé sur l'article 25 de ladite convention, qui renvoie aux voies de recours statutaires de l'article 73 du RAA.
16 Par ordonnance du 11 juillet 2003, le Tribunal a joint les affaires T-153/01 et
T-323/01 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
17 Dans les affaires T-153/01 et T-323/01, Mme Alvarez Moreno a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler les lettres de la Commission des 13 et 23 février 2001;
- annuler la décision de la Commission du 7 septembre 2001 portant rejet de la réclamation;
- autoriser la requérante à continuer à offrir ses services en tant qu'interprète free-lance au-delà de l'âge de 65 ans;
- condamner la Commission à la réparation du préjudice subi;
- condamner la Commission aux dépens.
18 Dans les affaires T-153/01 et T-323/01, la Commission a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter les recours comme étant irrecevables et, à titre subsidiaire, comme étant non fondés;
- statuer sur les dépens comme de droit.
L'arrêt attaqué
19 S'agissant du recours dans l'affaire T-153/01, le Tribunal a jugé, aux points 47 et 48 de l'arrêt attaqué, que les voies de recours ouvertes à l'intéressée étaient celles prescrites à l'article 73 du RAA, à savoir les voies de recours statutaires, de sorte que ce recours, introduit en application des articles 23 et 24 de la convention de 1999, devait être rejeté comme étant irrecevable.
20 S'agissant du recours dans l'affaire T-323/01, fondé sur l'article 25 de la convention de 1999, lequel renvoie à l'article 73 du RAA, le Tribunal a, concernant la lettre de M. Benedetti du 13 février 2001, considéré, aux points 58 et 59 de cet arrêt, qu'elle était dépourvue de caractère décisionnel et que, dès lors, ne faisant pas grief à l'intéressée, le recours, en ce qu'il visait à son annulation, était irrecevable.
21 En revanche, concernant la lettre de M. Walker du 23 février 2001, le Tribunal a jugé différemment.
22 D'abord, au point 60 de l'arrêt attaqué, il a déclaré ce qui suit: "S'agissant ensuite de la lettre de M. Walker du 23 février 2001, il s'agit d'une réponse à la lettre du 9 février 2001, émanant des conseils de la requérante, aux termes de laquelle il était demandé, d'une part, qu'il soit pris position sur sa situation et, d'autre part, que lui soit transmise la décision selon laquelle les interprètes free-lance ne pouvaient plus être recrutés au-delà de l'âge de 65 ans. En conclusion de cette lettre, il était indiqué que les droits de la requérante demeuraient réservés dans l'hypothèse où la réponse à cette demande ne lui donnerait pas satisfaction. Eu égard à son contenu, cette lettre doit être considérée comme une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut."
23 Ensuite, au point 61 du même arrêt, il a estimé que, bien que cette lettre du 23 février 2001 ne se référât pas individuellement à la situation spécifique de l'intéressée, elle devait être objectivement interprétée en ce sens que la Commission, considérant qu'elle devait appliquer l'article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA aux interprètes recrutés en vertu de l'article 78, troisième alinéa, du RAA, se refusait à engager de nouveau l'intéressée en raison de son âge.
24 Enfin, au point 62 dudit arrêt, il en a conclu que cette lettre constituait un acte faisant grief à Mme Alvarez Moreno et que la procédure précontentieuse prescrite aux articles 90 et 91 du statut, auxquels renvoie l'article 73 du RAA, ayant été respectée, le recours dans l'affaire T-323/01 était recevable en ce qu'il visait à l'annulation de ladite lettre
25 Après avoir statué sur le fond du recours dans l'affaire T-323/01 et jugeant, au point 91 de l'arrêt attaqué, que la Commission était mal fondée à opposer à Mme Alvarez Moreno les prescriptions de l'article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA, le Tribunal a dès lors déclaré dans le dispositif de cet arrêt ce qui suit:
"1) Le recours dans l'affaire T-153/01 est rejeté comme étant irrecevable.
2) Dans le cadre du recours dans l'affaire T-323/01, la décision du 23 février 2001 est annulée.
3) Le recours dans l'affaire T-323/01 est rejeté pour le surplus.
4) Chacune des parties supportera ses propres dépens afférents au recours dans l'affaire T-153/01.
5) La Commission supportera l'ensemble des dépens afférents au recours dans l'affaire T-323/01."
Les conclusions des parties devant la Cour
26 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
- annuler l'arrêt attaqué, en ce qu'il concerne l'affaire T-323/01;
- déclarer irrecevable le recours dans l'affaire T-323/01;
- à titre subsidiaire, statuer elle-même dans la présente affaire, conformément à l'article 61 du statut de la Cour de justice, et rejeter, comme non fondé, le recours dans l'affaire T-323/01;
- condamner Mme Alvarez Moreno aux dépens de la présente instance et la condamner à supporter ses dépens dans l'affaire T-323/01.
27 Mme Alvarez Moreno conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
- confirmer l'arrêt attaqué, en ce qu'il concerne l'affaire T-323/01;
- déclarer le recours dans l'affaire T-323/01 recevable et fondé;
- rejeter le pourvoi dans son ensemble;
- au cas où le pourvoi serait reçu, renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il procède à l'examen des autres moyens invoqués par Mme Alvarez Moreno dans son recours dans l'affaire T-323/01;
- condamner la Commission, comme jugé dans l'affaire T-323/01, aux dépens et se prononcer sur les dépens de la présente instance comme de droit.
Sur le pourvoi
28 à titre liminaire, il y a lieu de relever que, par son pourvoi, la Commission n'entend pas remettre en cause l'intégralité des conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal. Elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué seulement en ce qu'il concerne l'affaire T-323/01 et, s'agissant de cette dernière affaire, uniquement en ce que le Tribunal a jugé recevable le recours formé contre la lettre de M. Walker du 23 février 2001.
Argumentation des parties
29 S'agissant de la recevabilité du recours dans l'affaire T-323/01, la Commission reproche plus particulièrement au Tribunal d'avoir, aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, commis une erreur de droit en qualifiant de "décision" la lettre de M. Walker du 23 février 200l et en conférant par conséquent à celle-ci la qualité d'acte faisant grief.
30 Tout d'abord, la Commission conteste le caractère de "demande", au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, qui est attribué par le Tribunal, au point 60 dudit arrêt, à la lettre des conseils de Mme Alvarez Moreno du 9 février 2001. En effet, reprochant au Tribunal d'affirmer que dans cette lettre lesdits conseils ont demandé "qu'il soit pris position sur [la] situation" de l'intéressée alors qu'aucun des points de cette lettre ne comportait une pareille invitation en ce sens à la Commission, cette dernière estime que ladite lettre ne contenait pas une invitation formelle à son égard, à adopter une décision mais seulement une demande d'information relative au fondement juridique sur lequel elle s'appuyait pour ne plus recruter d'interprètes âgés de plus de 65 ans. Or, selon la Commission, il résulte de la jurisprudence qu'une telle demande d'information ne constitue pas une "demande" au sens de cette disposition.
31 Poursuivant son argumentation, la Commission considère que, dès lors que la lettre des conseils de Mme Alvarez Moreno ne constitue pas une "demande" au sens de l'article 90 du statut, la réponse apportée à cette lettre par M. Walker dans son courrier du 23 février 2001 ne saurait, contrairement à ce que déclare le Tribunal aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, constituer un "acte faisant grief" au sens de la même disposition.
32 En toute hypothèse, la Commission soutient que la lettre de M. Walker du 23 février 2001 ne contient aucune "décision" de la Commission produisant des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts de l'intéressée, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Par conséquent, elle conclut que cette lettre ne remplit pas les conditions, établies par la jurisprudence constante de la Cour, qui permettent de la qualifier d'"acte faisant grief".
33 Par ailleurs, la Commission relève que si le Tribunal a reconnu que la réponse fournie par M. Benedetti dans sa lettre du 13 février 2001 était dépourvue de caractère décisionnel, il aurait donc dû aboutir au même constat concernant la réponse fournie par M. Walker, laquelle renvoie expressément à la précédente et ne fait qu'expliciter celle-ci.
34 Enfin, la Commission constate que ni la réclamation ni la requête n'ont identifié un acte de la Commission par lequel celle-ci aurait adopté une décision produisant des effets juridiques obligatoires, affectant de manière directe et automatique, la situation juridique de l'intéressée.
35 Mme Alvarez Moreno rétorque que, à défaut de notification d'une décision l'informant de la modification de ses conditions d'engagement, le courrier adressé le 9 février 2001 à M. Walker contenait effectivement une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, et la réponse fournie dans la lettre de M. Walker du 23 février 2001 a, pour la première fois, porté à sa connaissance l'existence d'une telle décision et les motifs de la Commission la justifiant. Selon Mme Alvarez Moreno, le Tribunal a donc bien jugé, aux points 60 à 62 de l'arrêt attaqué, en reconnaissant que la lettre de M. Walker constitue bien un acte faisant grief dans la mesure où elle contient une prise de position claire sur les motifs de ne plus la recruter au-delà de l'âge de 65 ans, ce qui la prive, en principe définitivement, d'un nouvel engagement auprès de la Commission comme interprète free-lance.
Appréciation de la Cour
36 Ainsi qu'il a été relevé au point 30 du présent arrêt, la Commission, par son pourvoi, conteste d'abord la qualification attribuée par le Tribunal, au point 60 de l'arrêt attaqué, à la lettre des conseils de Mme Alvarez Moreno du 9 février 2001. En effet, selon ladite institution, cette dernière lettre contenait seulement une demande d'informations relative au fondement juridique sur lequel la Commission s'appuyait pour ne plus recruter d'interprètes âgés de plus de 65 ans, et non une invitation formelle à adopter une décision à l'égard de Mme Alvarez Moreno, de sorte que ladite lettre ne pouvait, en aucun cas, être assimilée à une "demande" au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut.
37 à cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu'une demande faite par écrit, même si elle ne se réfère pas expressément à l'article 90 du statut et ne contient pas un terme allant dans ce sens, peut valoir demande au titre de cette disposition si son contenu porte, à l'adresse de l'autorité saisie, une invitation à adopter une décision (arrêt du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 9).
38 Ainsi qu'il a été relevé au point 22 du présent arrêt, le Tribunal a, au point 60 de l'arrêt attaqué, jugé que la lettre du 9 février 2001 devait être considérée comme une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut dans la mesure où il ressortirait des termes mêmes de cette lettre que les conseils de Mme Alvarez Moreno ont demandé à la Commission, d'une part, qu'il soit pris position sur la situation de l'intéressée et, d'autre part, que lui soit transmise la décision selon laquelle les interprètes free-lance ne pouvaient plus être recrutés au-delà de l'âge de 65 ans, lesdits conseils réservant par ailleurs expressément les droits de Mme Alvarez Moreno dans l'hypothèse où la réponse apportée par cette institution ne lui donnerait pas satisfaction.
39 Toutefois, force est de constater que, en retenant pareille qualification, le Tribunal a méconnu les termes mêmes de la lettre du 9 février 2001. En effet, bien que cette lettre indique dans son premier point qu'elle constitue "une demande afin qu'il soit pris position à l'égard de [la] situation" de Mme Alvarez Moreno, ladite lettre ne contenait pas, ainsi que la Commission l'a relevé à bon droit dans son pourvoi, une invitation qui lui était adressée en vue d'adopter une décision à l'égard de l'intéressée, mais simplement une demande de renseignements visant à clarifier la situation de cette dernière et, en particulier, à préciser la décision selon laquelle les interprètes free-lance ne pouvaient plus être recrutés au-delà de l'âge de 65 ans ainsi que le fondement juridique de celle-ci.
40 Dès lors que ladite lettre ne contenait donc, à l'adresse de l'autorité saisie, aucune invitation à adopter une décision, au sens de la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant, au point 60 de l'arrêt attaqué, cette lettre de "demande" au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut.
41 Ainsi qu'il a été relevé aux points 31 à 34 du présent arrêt, la Commission, par son pourvoi, vise ensuite à établir que le Tribunal a, aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, jugé à tort que la lettre de M. Walker du 23 février 2001 constitue une décision ayant la qualité d'acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.
42 à cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et individuellement les intérêts des intéressés en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique peuvent être considérés comme leur faisant grief (voir, en ce sens, ordonnance du 3 décembre 1992, Moat/Commission, C-32/92 P, Rec. p. I-6379, point 9 et jurisprudence citée).
43 Ainsi qu'il a été relevé aux points 23 et 24 du présent arrêt, le Tribunal a, aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, jugé que la lettre du 23 février 2001 entrait précisément dans cette dernière catégorie d'actes puisque, bien qu'elle ne se référât point à la situation spécifique de l'intéressée, cette lettre devait être interprétée en ce sens que la Commission considérait qu'elle devait appliquer l'article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA aux interprètes recrutés en vertu de l'article 78, troisième alinéa, du RAA et se refusait, en conséquence, à engager de nouveau l'intéressée en raison de son âge.
44 Pareille interprétation ne saurait être retenue. En effet, en répondant à la lettre du 9 février 2001, M. Walker ne s'est nullement prononcé sur la situation spécifique de Mme Alvarez Moreno. Il s'est borné à transmettre aux conseils de celle-ci une copie de la réponse envoyée par M. Benedetti à Mme Alvarez Moreno le 13 février 2001, permettant d'établir, de manière générale, que la Commission ne pourrait plus recruter des interprètes de conférence âgés de plus de 65 ans, à la suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 628/2000.
45 Dès lors que la réponse de M. Walker du 23 février 2001 ne constitue pas une décision ayant le caractère d'un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, le Tribunal a commis une erreur de droit, en qualifiant, aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, ladite lettre d'"acte faisant grief".
46 Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué, en tant qu'il a déclaré recevable le recours en annulation de la lettre de M. Walker du 23 février 2001.
Sur le recours devant le Tribunal dans l'affaire T-323/01
47 Conformément à l'article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice, cette dernière, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé. Il convient de relever que tel est le cas en l'espèce.
48 S'agissant, en premier lieu, de la demande visant à l'annulation de la lettre du 23 février 2001, elle ne saurait être accueillie pour les motifs énoncés aux points 42 à 45 du présent arrêt. En effet, dès lors que cette lettre ne constitue pas un acte faisant grief à l'intéressée, le recours, en ce qu'il vise à son annulation, doit être rejeté comme irrecevable.
49 En ce qui concerne, en second lieu, la demande formulée à titre subsidiaire par Mme Alvarez Moreno, et visant à l'annulation de la décision de la Commission du 7 septembre 2001, portant rejet de sa réclamation, il convient de relever qu'une décision de rejet d'une réclamation, qu'elle soit implicite ou explicite, ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable et qu'il s'ensuit que le recours dirigé contre une telle décision doit, quant à sa recevabilité, être examiné avec l'acte ayant fait l'objet de la réclamation.
50 Or, en l'espèce, dès lors qu'il ressort des points 42 à 45 du présent arrêt que la lettre de M. Walker du 23 février 2001, qui fait l'objet de la réclamation, ne constitue pas un acte attaquable, la décision de rejet de la réclamation en date du 7 septembre 2001 ne constitue pas non plus un tel acte.
51 En conséquence, la demande présentée dans le cadre du recours dans l'affaire T-323/01 tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 7 septembre 2001 portant rejet de la réclamation est irrecevable.
52 Dans ces conditions, le recours de Mme Alvarez Moreno contre la décision de la Commission du 7 septembre 2001 doit être rejeté.
Sur les dépens
53 Aux termes de l'article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 122 et 70 du même règlement que les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci lorsqu'elles sont à l'origine du pourvoi. Il y a donc lieu de faire supporter à chaque partie ses propres dépens afférents à la présente instance et à celle engagée devant le Tribunal.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Commission (T-153/01 et T-323/01), est annulé en tant qu'il a déclaré recevable le recours en annulation de la lettre de M. Walker du 23 février 2001 et condamné la Commission des Communautés européennes à supporter l'ensemble des dépens afférents au recours dans l'affaire T-323/01.
2) Dans l'affaire T-323/01, le recours visant à l'annulation, d'une part, de la lettre de M. Walker du 23 février 2001 et, d'autre part, de la décision de la Commission des Communautés européennes du 7 septembre 2001, portant rejet de la réclamation de Mme Alvarez Moreno, est rejeté.
3) Chacune des parties supporte ses propres dépens afférents à la présente instance et à celle engagée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.
Signatures
* Langue de procédure: le français.