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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Greece (Free movement of goods) French Text [2006] EUECJ C-82/05 (14 September 2006) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2006/C8205FF.html Cite as: [2006] EUECJ C-82/05, [2006] EUECJ C-82/5 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 septembre 2006 (*)
"Manquement d'État - Libre circulation des marchandises - Article 28 CE - Restrictions quantitatives - Mesures d'effet équivalent - Commercialisation de produits congelés de boulangerie"
Dans l'affaire C-82/05,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 17 février 2005,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Patakia, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République hellénique, représentée par Mme N. Dafniou et M. M. Apessos, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (première chambre),
composée de M. K. Schiemann, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la première chambre, Mme N. Colneric, MM. K. Lenaerts, E. Juhász (rapporteur) et E. Levits, juges,
avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 février 2006,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en assimilant le processus de cuisson finale ou de réchauffement des produits "bake-'off" au processus complet de fabrication du pain et en le soumettant aux conditions établies par la législation en matière de boulangerie, la République hellénique a introduit des obstacles à l'importation en provenance d'autres États membres ainsi qu'à la commercialisation en Grèce de produits "bake-'off" et a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2 L'article 28 CE interdit les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent entre les États membres.
3 Conformément à l'article 30 CE, l'article 28 CE ne fait pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d'importation justifiées, notamment, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes à condition que ces interdictions ou restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.
La réglementation nationale
4 Le décret présidentiel du 13 septembre 1934 relatif aux conditions d'établissement et d'exploitation d'ateliers de production de pain et, plus généralement, de boulangeries (FEK Č 309) régit la procédure préalable à l'octroi de toute autorisation d'établissement et d'exploitation d'une boulangerie. Il fixe les restrictions en matière d'urbanisme et de construction applicables aux locaux dont doivent disposer les boulangeries ainsi que l'agencement, la surface minimale, les conditions d'éclairage et d'aération de celles-'ci et les appareils dont elles doivent être équipées.
5 La loi n° 726/1977 (FEK Č 316) modifie et complète la législation en vigueur relative aux boulangeries et aux points de vente de pain. En vertu de son article 16, l'établissement ainsi que l'exploitation d'une boulangerie ou d'un point de vente de pain supposent une autorisation préalable délivrée par le préfet compétent.
6 L'article 65 de la loi n° 2065/1992 modifiant et complétant la loi sur les boulangeries susmentionnée (FEK Č 113) prévoit, notamment, l'application d'une sanction pénale à l'encontre de toute personne exploitant une boulangerie ou un point de vente de pain sans autorisation préalable. Une "boulangerie" est définie, au sens de cet article comme une construction fixe spécialement agencée et équipée, quelle que soit sa capacité, pour la production de pain, de produits de boulangerie en général et autres préparations alimentaires à base de farine (à l'exception des pâtes) ainsi que pour la cuisson de plats et d'autres préparations culinaires du public.
7 Le décret n° 369/1992 (FEK Č 186), adopté sur le fondement de l'article 65 de la loi n° 2065/1992, fixe la procédure et les justificatifs nécessaires pour l'octroi de l'autorisation préalable et détaille les conditions auxquelles le conditionnement des produits de boulangerie est soumis. Conformément à son article 1er, l'octroi d'une autorisation d'exploitation d'une boulangerie est subordonné, notamment, à la condition que celle-ci possède un local destiné au pétrissage, un local de four et de défournage, un entrepôt de combustible solide, un local d'alimentation en combustible solide, un entrepôt de farine, un espace de vente de pain, un vestiaire, un espace de lavage de l'équipement ainsi que des toilettes.
Les faits et la procédure précontentieuse
8 La Commission a été saisie d'une plainte relative aux obstacles imposés en Grèce à la commercialisation des produits de boulangerie suivant le procédé "bake-'off", provenant d'autres États membres. Ce procédé consiste en la décongélation rapide et le réchauffement ou la cuisson, dans les points de vente, de produits entièrement ou partiellement précuits et congelés.
9 La plainte dénonçait la pratique administrative grecque consistant à assimiler la cuisson finale rapide ou le réchauffement des produits "bake-off" à la fabrication et à la cuisson complète du pain. Étant donné que la réglementation grecque n'autorise aucun stade de cuisson ou de réchauffement des produits de boulangerie en dehors des boulangeries agréées, les produits "bake-off" commercialisés dans les points de vente, par exemple dans les supermarchés, ne peuvent être vendus qu'en leur état initial.
10 Considérant que cette pratique administrative entravait, d'une manière injustifiée et disproportionnée, l'importation des produits "bake-off" en provenance d'autres États membres ainsi que leur commercialisation en Grèce, la Commission a adressé aux autorités helléniques une lettre de mise en demeure le 23 octobre 2001 et une lettre de mise en demeure complémentaire le 7 juillet 2003.
11 Jugeant les réponses fournies par ces autorités insatisfaisantes, la Commission a, le 7 juillet 2004, adressé un avis motivé à la République hellénique par lequel elle invitait cette dernière à s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
12 Par lettre du 17 septembre 2004, les autorités helléniques, après avoir souligné que leur réglementation s'applique indistinctement tant aux produits importés que nationaux, ont informé la Commission de leur intention d'actualiser et de codifier la législation en matière de boulangerie actuellement en vigueur.
13 Considérant que la violation de l'article 28 CE subsistait, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
14 La Commission fait valoir que, en l'absence d'une législation spécifique relative aux produits fabriqués suivant le procédé "bake-off", la pratique administrative des autorités helléniques consistant à soumettre ce procédé à l'ensemble des conditions applicables aux boulangeries est constitutive d'une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative interdite par l'article 28 CE.
15 Elle relève, d'une part, qu'il est excessivement contraignant pour les magasins généraux souhaitant vendre des produits "bake-off", après cuisson complète ou réchauffement, de respecter toutes les conditions qui s'appliquent aux boulangeries traditionnelles.
16 Elle expose, d'autre part, qu'il résulte de la pratique administrative litigieuse que les produits "bake-off" peuvent être commercialisés en Grèce soit par les points de vente qui respectent les prescriptions en matière de boulangerie, après cuisson complète ou réchauffement, soit par des magasins d'alimentation générale, sous la forme de produits de boulangerie mi-'cuits ou congelés, la cuisson ou le réchauffement de ces produits étant assurés ensuite par le consommateur. Selon la Commission, dans les deux cas, les produits "bake-off" seraient privés de leur principal avantage sur le pain entièrement cuit et sur les produits de boulangerie traditionnels.
17 La Commission fait valoir que la réglementation hellénique n'est pas justifiée dans la mesure où elle n'est ni nécessaire pour la protection de la santé publique ni conforme au principe de proportionnalité.
18 Dans son mémoire en défense, le gouvernement hellénique a indiqué qu'un projet de loi a été élaboré, qui reconnaîtrait le procédé "bake-'off" et contiendrait des dispositions visant à protéger et à informer le consommateur dans le cadre de l'offre et de la vente de pain. Dans son mémoire en duplique, auquel ce gouvernement a joint ledit projet de loi, intitulé "Modernisation de la législation relative aux boulangeries et aux points de vente de pain et dispositions connexes", il a exprimé l'espoir que, avec cette loi, une fois adoptée par le Parlement hellénique, la République hellénique se sera pleinement conformée aux obligations découlant de l'article 28 CE. Lors de l'audience, le gouvernement hellénique a reconnu que la réglementation actuellement en vigueur n'est pas conforme au droit communautaire.
Appréciation de la Cour
19 Il convient de rappeler que la libre circulation des marchandises entre les États membres est un principe fondamental du traité CE qui trouve, notamment, son expression dans l'interdiction, énoncée à l'article 28 CE, des restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d'effet équivalent.
20 L'interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives édictée à l'article 28 CE vise toute mesure susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5; du 12 mars 1987, Commission/Allemagne, dit "Loi de pureté pour la bière", 178/84, Rec. p. 1227, point 27; du 23 septembre 2003, Commission/Danemark, C-'192/01, Rec. p. I-'9693, point 39, et du 24 novembre 2005, Schwarz, C-'366/04, Rec. p. I-'10139, point 28).
21 Or, la réglementation nationale litigieuse, telle qu'elle est appliquée par les autorités helléniques a des effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises entre les États membres.
22 En effet, la caractéristique principale des produits "bake-off" est d'être livrés, dans les points de vente, après que les étapes importantes de préparation desdits produits ont été achevées. Dans ces points de vente, ne sont assurés que la brève décongélation du pain ainsi que son réchauffement ou sa cuisson finale. Dans ces conditions, exiger des vendeurs de produits "bake-off" de se mettre en conformité avec l'ensemble des prescriptions applicables à une boulangerie traditionnelle, dont, notamment, l'exigence de disposer d'un entrepôt à farine, d'une salle de pétrissage ou d'un entrepôt de combustible solide, ne tient pas compte de la spécificité de ces produits et engendre des coûts supplémentaires rendant ainsi plus difficile la commercialisation desdits produits. En outre, les coûts concernant les produits congelés sont, par nature, susceptibles d'affecter dans une plus large mesure les produits importés d'autres États membres que les produits nationaux.
23 Par ailleurs, la réglementation hellénique en cause édicte essentiellement des règles relatives aux conditions de préparation et de production des produits en cause et, par conséquent, ne peut être considérée comme établissant une modalité de vente au sens de l'arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-'267/91 et C-'268/91, Rec. p. I-'6097, points 15 et 16).
24 Le gouvernement hellénique n'a fourni aucune justification à l'appui de sa réglementation et ne conteste pas le manquement allégué.
25 Dès lors, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.
26 Par conséquent, il convient de constater que, en assimilant le processus de cuisson finale ou de réchauffement des produits "bake-'off" au processus complet de fabrication du pain et en le soumettant aux conditions établies par la législation nationale en matière de boulangerie, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
Sur les dépens
27 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:
1) En assimilant le processus de cuisson finale ou de réchauffement des produits "bake-'off" au processus complet de fabrication du pain et en le soumettant aux conditions établies par la législation nationale en matière de boulangerie, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le grec.