BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> CLECE (Social policy) French Text [2010] EUECJ C-463/09 (26 October 2010)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C46309_O.html
Cite as: [2010] EUECJ C-463/9, [2010] EUECJ C-463/09

[New search] [Help]


AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL

Mme VERICA TRSTENJAK

présentées le 26 octobre 2010 (1)

Affaire C-463/09

CLECE SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Espagne)]

«Politique sociale – Directive 2001/23/CE – Article 1er, paragraphe 1, sous a) et sous b) – Transfert d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Champ d’application – Notion de ‘transfert’ – Existence d’une ‘unité économique’ – Reprise d’un service de nettoyage dans un bâtiment public par une commune en sa qualité d’administration»





I –    Introduction

1.        Le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (ci-après la «juridiction de renvoi») a déféré à la Cour de justice, en application de l’article 234 CE (2), une question préjudicielle d’interprétation de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (3).

2.        Cette demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige entre Mme María Socorro Martin (ci-après la «requérante au principal»), une employée travaillant jusque là pour la société de nettoyage CLECE SA (ci-après «CLECE») et le Ayuntamiento de Cobisa (marie de Cobisa) et portant sur des droits découlant de la relation de travail avec CLECE. Par son recours, la requérante au principale conteste son licenciement, selon elle illégal, invoquant à cet égard, entre autres, les droits accordés par la directive 2001/23 aux travailleurs en cas de transfert d’entreprises.

3.        Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour des éclaircissements sur le point de savoir si la directive 2001/23 couvre une situation dans laquelle une administration communale qui avait auparavant confié le nettoyage de ses locaux à une entreprise privée, résilie par la suite ce contrat pour effectuer le service de nettoyage elle-même en n’engageant à cette occasion que du nouveau personnel. Du point de vue juridique, cette affaire soulève la question de la portée du champ d’application de cet acte du droit de l’Union, la Cour devant examiner à cette occasion en premier lieu si la condition nécessaire pour un transfert d’entreprises, le maintien d’une unité économique, est encore remplie lorsque ne sont transférés, ni les moyens d’exploitation, ni le moindre travailleur et que le «transfert» en tant que tel n’est au contraire constitué que par le seul maintien de la fonction.

II – Cadre normatif

A –    Droit de l’Union  (4)

4.        La directive 2001/23 codifie la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (5) dans la version modifiée par la directive 98/50/CE du Conseil du 29 juin 1998 (6).

5.        D’après le troisième considérant de la directive 2001/23, «[d]es dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits».

6.        Aux termes du huitième considérant de cette directive:

«La sécurité et la transparence juridiques ont requis une clarification de la notion de transfert à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice. Cette clarification n’a pas modifié le champ d’application de la directive 77/187/CEE telle qu’elle a été interprétée par la Cour de justice.»

7.        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive dispose:

«a) La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b) Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

c) La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif. Une réorganisation administrative d’autorités administratives publiques ou le transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens de la présente directive.»

8.        Il est indiqué à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive:

«Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.»

9.        En vertu de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive:

«Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.»

B –    Droit national

1.      Législation

10.      L’article 44 de la Ley del Estatuto de los Trabajadores du 24 mars 1995 (ci-après la «loi portant statut des travailleurs»), transposant la directive 2001/23, prévoit au paragraphe 1:

«Le transfert d’une entreprise, d’un centre de travail ou d’une unité de production autonome de cette entreprise ne met pas, par lui-même, fin à la relation d’emploi; le nouvel employeur est subrogé dans les droits et obligations de l’employeur précédent au titre du contrat de travail et de la sécurité sociale, y compris les engagements liés aux pensions, dans les conditions prévues par la réglementation spécifique applicable et, en général, toutes les obligations en matière de protection sociale complémentaire qu’aurait souscrites le cédant.»

11.      Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que, «[a]ux fins du présent article, est considérée comme une succession d’entreprise le transfert d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, essentielle ou accessoire»; cette définition correspond à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2001/23.

2.      Convention collective

12.      L’article 14 de la convention collective du secteur du nettoyage des bâtiments et locaux de la province de Tolède, publiée au Boletìn Oficial de la Provincia de Toledo (Journal officiel de la province de Tolède) n° 269 du 22 novembre 2005, prévoit que:

«Lorsqu’une entreprise dans laquelle le service de nettoyage est assuré par un contractant prend en charge directement ce service, elle n’est pas tenue de maintenir en fonction le personnel qui fournissait ces services pour le compte du contractant concessionnaire si elle fait réaliser les travaux de nettoyage par ses propres salariés. En revanche, elle doit reprendre les travailleurs de l’ancien concessionnaire si elle désire engager du nouveau personnel pour assurer ledit service de nettoyage.»

III – Faits, procédure au principal et question préjudicielle

13.      La requérante au principal était employée auprès de CLECE depuis le 25 mars 2004 en tant que femme de ménage. Elle effectuait son travail dans les locaux du Ayuntamiento de Cobisa (mairie de Cobisa) (Tolède), et ce sur la base du contrat concernant la prestation de services de nettoyage d’écoles et de locaux municipaux signé entre les deux parties défenderesses le 27 mai 2003. Il ressort de l’ordonnance de renvoi qu’aucun outil de travail spécifique n’a été utilisé pour ce travail.

14.      Après une prolongation du contrat, le Ayuntamiento a notifié à la co-défenderesse, CLECE, le 9 novembre 2007, la résiliation de ce contrat de services de nettoyage avec effet au 31 décembre 2007. Le 2 janvier 2008, cette entreprise a informé la requérante au principal qu’elle appartenait depuis 1er janvier de cette année au personnel du Ayuntamiento puisque la collectivité s’était vue attribuer le marché pour la fourniture des services de nettoyage dans les locaux de la mairie. Cette collectivité devait, en vertu de la convention collective en vigueur pour le service de nettoyage dans les bâtiments et locaux de la province de Tolède, reprendre l’ensemble des droits et obligations qui réglaient jusque là la relation de travail.

15.      La requérante au principal s’est présentée le 2 janvier 2008 à son poste de travail dans les locaux du Ayuntamiento où on lui a cependant interdit d’effectuer son travail. CLECE ne l’a réaffectée à aucun autre poste de travail. Il ressort par ailleurs de l’ordonnance de renvoi que le Ayuntamiento, co-défendeur, a engagé le 10 janvier 2008, cinq travailleuses pour le nettoyage de ses locaux, et ce par le biais d’un service de fourniture et de placement de personnel créé le 21 janvier 2007.

16.      Le Juzgado de lo Social n° 2 de Tolède a rendu sur recours de la requérante au principal contre CLECE et le Ayuntamiento de Cobisa pour licenciement illégal un arrêt dans lequel il a été dit pour droit que le Ayuntamiento de Cobisa n’avait pas de légitimation passive, il a été fait droit au recours contre la co-défenderesse CLECE, le licenciement a été déclaré illégal et CLECE a été condamnée, soit à réintégrer la requérante au principal aux conditions applicables avant son licenciement, soit à lui verser une indemnisation d’un montant de 6 507,10 euros, et en tout état de cause à verser le salaire perdu durant la procédure.

17.      Le 26 décembre 2008, CLECE a introduit contre cet arrêt un recours auprès de la juridiction de renvoi. Par ce recours, CLECE fait en résumé valoir que le Ayuntamiento de Cobisa aurait été subrogé dans la relation de travail avec la requérante au principal en application de l’article 14 de la convention collective du secteur du nettoyage des bâtiments et locaux de la province de Tolède en combinaison avec l’article 44 du statut des travailleurs et la jurisprudence citée.

18.      Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à l’applicabilité de la directive 2001/23 au litige au principal. Elle a par conséquent sursis à statuer et a déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

Doit-on considérer comme relevant du champ d’application de la directive, tel que défini par son article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), une hypothèse dans laquelle une commune reprend ou prend à sa charge l’activité de nettoyage de ses différents locaux, qui était auparavant prestée par une entreprise contractante et pour laquelle la commune embauche du nouveau personnel?

IV – Procédure devant la Cour

19.      L’ordonnance de renvoi en date du 20 octobre 2009 est parvenue au greffe de la Cour le 25 novembre 2009.

20.      Le gouvernement du Royaume d’Espagne ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites dans le délai cité à l’article 23 du statut de la Cour.

21.      Dans la mesure où aucune des parties n’a demandé l’ouverture de la procédure orale, les conclusions ont pu être rédigées dans cette affaire après la réunion générale de la Cour le 31 août 2010.

V –    Arguments principaux des parties

22.      Le gouvernement espagnol estime qu’une situation comme celle de la procédure au principal relève du champ d’application de la directive 2001/23 bien que la poursuite ou la reprise de l’activité de nettoyage ne pourrait pas, à proprement parler, être mise sur le même plan que le concept de transfert au sens du droit commercial.

23.      Dans l’affaire au principal, le Ayuntamiento n’aurait pas disposé du personnel nécessaire pour effectuer le service de nettoyage dans ses propres locaux et il aurait donc dû engager du nouveau personnel. Dans un tel cas, la jurisprudence de la Cour devrait s’appliquer, d’autant qu’il n’y aurait pas de doute qu’il y a eu un transfert de fonction de CLECE au Ayuntamiento, que le même objectif est poursuivi, à savoir la prestation de services de nettoyage, que le Ayuntamiento présente une structure organisationnelle stable et autonome bien que ses missions soient formulées de manière plus large que le simple service de nettoyage et seraient accessoires par rapport aux missions principales d’une administration communale et qu’enfin le nombre des employés du cédant serait limité au propre personnel.

24.      La Commission défend au contraire le point de vue que la directive 2001/23 ne s’applique pas à une situation dans laquelle le Ayuntamiento, qui à l’origine a confié à une entreprise privée le nettoyage de ses locaux, résilie le contrat et exerce par la suite lui-même la mission du nettoyage, lorsqu’il ne reprend pas une partie essentielle des employés, du point de vue du nombre et des compétences, que l’entreprise privée avait destinés à l’exécution du contrat.

25.      La Cour aurait en effet expliqué à de maintes reprises qu’un transfert dans le secteur du nettoyage pourrait avoir lieu lorsque le nouvel employeur non seulement poursuivrait le service de nettoyage, mais reprendrait au contraire aussi une partie du personnel du sous-traitant, pour autant que la reprise du personnel recouvrirait une partie importante, du point de vue du nombre et des compétences, du personnel utilisé par le sous-traitant pour l’exécution du marché sous-traité (7).

26.      La Commission affirme qu’il ne ressortirait pas clairement de l’ordonnance de renvoi si la requérante au principal était la seule employée utilisée par la société CLECE dans les locaux du Ayuntamiento. Puisque ce dernier a engagé cinq travailleuses pour poursuivre l’activité qui était effectuée jusque là par le sous-traitant, il est possible que CLECE ait employé un nombre similaire de travailleurs. On pourrait en tout cas déduire de l’ordonnance de renvoi qu’aucun des anciens travailleurs n’a conservé son emploi et que le Ayuntamiento aurait au contraire engagé cinq nouvelles travailleuses par le biais d’un service de fourniture et de placement de personnel pour le nettoyage de ses locaux. Dans ces conditions, il n’y aurait pas eu de transfert d’une «unité économique» de sorte qu’il n’y aurait pas de «transfert» au sens de la directive 2001/23.

VI – Appréciation en droit

A –    Remarques liminaires

27.      La directive 77/187 – la directive précédant la directive 2001/23 – a établi pour la première fois un concept global, supranational, visant à garantir les droits des travailleurs dont les relations de travail sont affectées par un transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements. La directive, qui entraîne une harmonisation partielle du droit national du travail individuel, prévoit essentiellement que les droits et obligations du cédant découlant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant au moment du transfert, doivent être transmis à l’acquéreur du fait du transfert. Elle poursuit ainsi l’objectif de garantir, dans la mesure du possible, le maintien en l’état de la relation de travail avec l’acquéreur afin de prévenir que les travailleurs concernés par le transfert d’entreprises ne soient placés dans une position plus défavorable du simple fait du transfert (8). Outre la protection des travailleurs motivée par des objectifs de politique sociale, la directive 77/187 fondée sur l’article 94 CE a pour objectif de garantir le fonctionnement du marché commun puisque d’après l’avis des auteurs de la directive, une différence de niveau de protection des travailleurs en cas de transferts d’entreprises ou d’établissements au sein des États membres peut agir comme un obstacle au commerce.

28.      La directive 77/187 a été fréquemment interprétée par la Cour. En raison notamment du grand nombre d’arrêts de la Cour, les auteurs de la directive l’ont profondément modifiée à travers la directive 98/50 et ont adapté le texte de la directive à la jurisprudence. À des fins de clarté, la directive 77/187 a finalement été codifiée de nouveau, sans modifications sur le fond, par la directive 2001/23. Du fait précisément de cette collaboration constructive entre le législateur communautaire et la Cour dans la définition du droit du travail individuel – dans le cadre de leurs compétences respectives au titre du traité – la jurisprudence prononcée jusqu’à aujourd’hui sur la directive précédente s’avère être d’une aide précieuse pour déduire le sens et l’objet des différentes dispositions de la directive 2001/23. Il en va particulièrement ainsi pour les dispositions qui fixent le champ d’application personnel de la directive et dont l’interprétation est demandée dans la présente procédure préjudicielle.

B –    Examen de la question préjudicielle

1.      Développements généraux

29.      La question préjudicielle vise à demander à la Cour de constater si les faits de l’affaire au principal remplissent les critères de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et sous b), et sont ainsi couverts par le champ d’application de la directive 2001/23. À y regarder de plus près, la juridiction de renvoi ne fait cependant et en définitive rien d’autre que demander des indications s’il y a eu dans l’affaire au principal un «transfert d’entreprises» au sens de la directive. Il convient de rappeler à cet égard qu’en vertu du rapport de coopération caractérisant la procédure de décision préjudicielle, il appartient en principe au seul juge national d’examiner, en application du droit communautaire et du droit national de transposition, si les conditions d’un transfert sont remplies dans le cas individuel. Dans cet esprit, la Cour a par conséquent déclaré dans sa jurisprudence (9) que la juridiction nationale doit, lors de cet examen, tenir compte de l’ensemble des circonstances de fait caractérisant cette opération et procéder à une appréciation d’ensemble de tous les aspects partiels.

30.      Il appartient par contre à la Cour de fournir au juge national, par le biais de l’interprétation, tous les critères pertinents lui permettant de procéder à cette appréciation. Ainsi que le montre la jurisprudence, il n’est cependant pas interdit à la Cour de faire un large usage de sa compétence d’interprétation afin de fournir au juge national une réponse utile menant à une solution du litige au principal en procédant, par exemple, à une interprétation liée à ce cas de ces critères et en se penchant à cette occasion sur des aspects individuels des circonstances de fait qui lui sont présentées (10).

31.      Après ces considérations générales, nous ne pencherons maintenant sur la question à proprement parler de la demande de décision préjudicielle relative à l’applicabilité de la directive 2001/23 à des faits comme ceux décrits dans la question déférée.

2.      Applicabilité de la directive 2001/23

32.      Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, l’application de cette dernière dépend de trois conditions: le transfert doit être lié à un changement d’employeur, il doit porter sur une entreprise, un établissement ou une partie d’établissement et il doit reposer sur une convention (11).

a)      Changement d’employeur reposant sur une convention

i)      Qualité d’autorité publique du donneur d’ouvrage

33.      Il convient de rappeler brièvement avant toute chose la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle le transfert d’une unité économique d’une personne morale de droit privé à une personne morale de droit public relève en principe du champ d’application de la directive 77/187 (12). Une telle conclusion, comme la Cour l’a confirmé récemment dans l’arrêt UGT-FSP (13) du 29 juillet 2010, s’impose également sous l’empire de la directive 2001/23.

34.      Il faut signaler dans ce contexte, que la Cour a également déclaré que la directive 77/187 était applicable lorsqu’une commune, c’est-à-dire une personne morale du droit public qui agit dans le cadre des règles spécifiques du droit administratif, reprend elle-même certaines missions qui étaient exercées jusque là dans l’intérêt de cette commune par une association à but non lucratif, une personne morale de droit privé, pour autant que l’unité transférée conserve son identité (14). Par conséquent, le simple fait que les prestations de nettoyage qui ont été fournies jusque là par les employés de CLECE au profit du Ayuntamiento – une autorité publique – aient été reprises par ce dernier ne plaide pas contre l’applicabilité de la directive 2001/23. Les circonstances spécifiques, décrites à l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive, ne se présentent par ailleurs pas dans l’affaire au principal.

ii)    Transfert du fait de la résiliation du contrat portant sur les services de nettoyage

35.      En ce qui concerne les modalités d’un transfert au sens de la directive, il faut tout d’abord retenir que la Cour, dans sa jurisprudence, a interprété la notion de «cession conventionnelle» de manière souple afin de répondre correctement à l’objectif de la directive, à savoir la protection des travailleurs en cas de transfert de leur entreprise. Elle a ainsi jugé que la directive est applicable dans tous les cas dans lesquels, dans le cadre des relations contractuelles, il y a un changement de la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise assumant les obligations de l’employeur vis-à-vis des employés de l’entreprise (15).

36.      La Cour a également jugé à juste titre qu’un cas dans lequel une entreprise confie par voie d’accord à une autre entreprise la responsabilité de l’exécution de travaux de nettoyage qu’elle a auparavant exécutés directement (16), et un cas dans lequel le donneur d’ouvrage qui avait confié le nettoyage de ses locaux à une première entreprise, qui résilie le contrat avec cette entreprise, et qui conclut un nouveau contrat avec une deuxième entreprise pour l’exécution de travaux similaires (17), relèvent de la directive.

37.      L’arrêt Hernández Vidal (18) qui présente de nombreux parallèles avec l’affaire au principal et dans lequel la Cour a jugé que la directive devait pouvoir être appliquée dans le cas où une entreprise confie à une autre entreprise le nettoyage de ses locaux en tout ou en partie, décide de résilier le contrat avec cette entreprise et d’assurer désormais elle-même l’exécution de ces travaux, est d’une plus grande importance pour l’appréciation juridique du présent litige. Puisque cette situation exacte se présente dans l’affaire au principal, les conclusions de la Cour dans l’arrêt susmentionné peuvent selon nous être aisément transposées ici. La notion de «cession conventionnelle», ainsi que M. l’avocat général Geelhoed l’a par ailleurs correctement constaté dans ses conclusions dans l’affaire Abler e.a. (19), ne doit ainsi pas être comprise en ce sens que le transfert doit avoir lieu «exclusivement» sur la base d’une convention. Au contraire, un acte juridique unilatéral comme la résiliation d’un contrat de service de nettoyage intervient aussi dans le cadre d’un contrat et peut donc relever de la directive.

38.      La résiliation par le Ayuntamiento du contrat existant jusque là avec CLECE et la reprise par la suite des services de nettoyage effectués jusque là par les travailleurs de cette dernière suffit dans ce contexte pour admettre un «cession conventionnelle» au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23. Puisqu’il y a par conséquent un changement d’employeur reposant sur une convention, deux des conditions nécessaires pour admettre un transfert d’entreprises sont remplies.

b)      Transfert d’une unité économique

i)      Notion d’unité économique

39.      Comme nous l’avons mentionné en introduction, la directive a pour objet de garantir la continuité des relations de travail qui existent dans le cadre d’une unité économique, indépendamment d’un changement de propriétaire, de sorte que le critère décisif pour la réponse à la question s’il s’agit d’un transfert au sens de cette directive est de savoir si l’unité en question conserve son identité (20). Il doit donc s’agir du transfert d’une unité économique organisée de manière stable dont l’activité n’est pas limitée à l’exécution d’un ouvrage déterminé (21). La notion d’«unité» renvoie d’après la jurisprudence de la Cour à un ensemble organisé de personnes et d’éléments pour l’exercice d’une activité économique ayant un objectif propre (22).

40.      Cette formulation a été introduite a posteriori et presque mot pour mot par la directive 98/50 dans l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive sur le transfert d’entreprises, en s’inspirant de la jurisprudence développée par la Cour, sans pour autant que le champ d’application de la directive précédente 77/187 d’après l’interprétation donnée par la Cour n’en ait été modifié (23). Ce dernier est clairement posé par le huitième considérant de la directive 2001/23. D’après la disposition citée, le transfert doit renvoyer à «une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire».

ii)    Critères généraux pour l’appréciation de l’existence d’une unité économique

–       Les critères en détail

41.      En examinant si les conditions d’un transfert d’une unité au sens de la définition légale susmentionnée sont remplies, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances de fait caractérisant l’opération en cause. La Cour recourt à cet égard dans une jurisprudence constante à un catalogue de sept critères d’appréciation au nombre desquels figurent nommément: (1) le type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit, (2) le transfert éventuel d’éléments corporels tels que les bâtiments et les biens mobiliers, (3) la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, (4) la reprise éventuelle de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef d’entreprise, (5) le transfert éventuel de la clientèle ainsi que (6) le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et (7) la durée d’une éventuelle suspension de ces activités. Ces éléments ne constituent toutefois que des aspects partiels de l’évaluation d’ensemble qui s’impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (24).

42.      Dans sa jurisprudence, la Cour a en outre signalé la nécessité de tenir compte, entre autres, du type d’entreprise ou d’établissement dans l’appréciation des circonstances de fait déterminantes. Selon la Cour, les critères déterminants pour l’existence d’un transfert au sens de la directive ont nécessairement un poids variable en fonction de l’activité exercée, voire des méthodes de production ou d’exploitation qui sont utilisées dans l’entreprise, l’établissement ou la partie d’établissement en cause. Puisqu’une unité économique peut fonctionner dans certains secteurs sans éléments d’actif, corporels ou incorporels significatifs, le maintien de l’identité d’une telle entité par-delà l’opération dont elle fait l’objet ne saurait, par hypothèse, dépendre de la cession de tels éléments (25).

43.      Ce dernier point est particulièrement vrai pour certains secteurs économiques, comme l’industrie du nettoyage, dans lesquels les actifs matériels et immatériels, comme la Cour l’a constaté dans l’arrêt Hernández Vidal e.a. (26), sont souvent réduits à leur plus simple expression et où l’activité repose pour l’essentiel sur la main d’œuvre (27). C’est la raison pour laquelle la Cour y a aussi jugé à l’égard d’une entreprise de nettoyage, qu’un ensemble organisé de travailleurs auquel une mission commune a été spécifiquement et durablement confiée, peut représenter une unité économique en l’absence même d’autres actifs.

44.      Dans cet arrêt, la Cour a résumé sa jurisprudence par une formule unique et néanmoins saisissante par sa clarté et sa simplicité. D’après cette formule, une unité économique doit être «suffisamment structurée et autonome, [mais] ne comporte pas nécessairement d’éléments d’actifs, matériels ou immatériels, significatifs» (28). On peut déduire de cette phrase les conclusions suivantes essentielles pour l’examen en droit de la présente affaire: on peut certes admettre – en fonction des différents secteurs économiques – des restrictions à l’exigence de l’existence d’actifs matériels et immatériels, mais cela n’affecte pas les exigences impératives de «structure» et d’«autonomie» de l’unité en cause (29).

45.      La Cour part ainsi elle-même du principe que les sept critères susmentionnés qu’elle a posés pour un transfert d’entreprises ne doivent nullement être remplis cumulativement. Il convient au contraire de toujours tenir compte des particularités de l’établissement concret et de la branche économique concernée. Dans ce contexte, nous nous pencherons ci-après de manière plus approfondie sur les critères qui entrent en ligne de compte dans la présente procédure préjudicielle et dont la présence semble dans le détail problématique.

46.      Il convient désormais d’appliquer ces critères à l’affaire au principal.

47.      L’unité organisationnelle qui existait en tant que telle avant le transfert doit à cet égard restée pour l’essentiel inchangée après ce transfert. Le point décisif est donc tout d’abord de savoir s’il existait une unité économique autonome avant le transfert. Dans l’affaire au principal, l’examen doit donc porter uniquement sur le groupe du personnel de nettoyage employé par CLECE auprès du Ayuntamiento. Dans ce contexte, il est totalement sans pertinence, contrairement à ce qu’estime le gouvernement espagnol (30), de savoir si le Ayuntamiento en tant qu’administration de la commune répond aux exigences quant à une unité organisée de manière autonome.

–       Pas de transfert d’actifs matériels ou immatériels

Actifs matériels

48.      En ce qui concerne concrètement l’affaire au principal à juger ici, il ressort du dossier que la requérante au principal a visiblement travaillé pour le compte du Ayuntamiento en tant que membre d’un groupe d’environ quatre agents de nettoyage (31), aucun équipement spécifique n’ayant été utilisé d’après les indications de la juridiction de renvoi pour ce travail. Ce dernier point permet de conclure que ces employés dépendaient en première ligne pour l’exercice de leur activité de leur main-d’oeuvre et qu’il n’y a donc pas eu d’éventuelle remise au Ayuntamiento d’actifs matériels comme par exemple des installations, des machines ou des équipements de nettoyage (32) à la suite de la résiliation du contrat de services de nettoyage.

Actifs immatériels

49.      Outre les actifs matériels, les actifs immatériels éventuellement mis à disposition par l’ancien employeur pour l’exercice de l’activité sont également importants afin d’apprécier si une unité économique au sens de la directive a été transférée.

50.      Il ressort de la jurisprudence que certains aspects doivent être pris en compte comme l’identité du personnel, l’encadrement, l’organisation du travail et les méthodes d’exploitation, qui d’après la Cour donne à un établissement ou partie d’établissement le caractère d’une unité économique (33). En ce qui concerne les trois premier aspects qui touchent tous à l’organisation interne d’une entreprise, il convient déjà de noter que rien ne vient indiquer que le personnel composé de seulement quatre travailleurs et dont la requérante faisait partie, présentait un encadrement pour ne pas même parler d’une quelconque structure organisationnelle.

51.      Ainsi qu’il ressort de l’arrêt Klarenberg (34), la Cour exige en effet un certain degré minimum d’organisation interne dans l’entreprise en ce sens qu’il doit exister entre les différents facteurs de production une interdépendance et une complémentarité qui les relient et qui conduit à ce qu’ils interagissent dans l’exercice d’une activité économique donnée (35).

52.      La juridiction de renvoi signale en tout cas que la requérante au principal exerçait ses activités de nettoyage dans les écoles de la ville et dans les locaux de l’administration communale. Il convient donc de supposer que chaque employé travaillait essentiellement de manière indépendante, se voyant confier certains locaux qu’il devait nettoyer dans un délai bien défini. On peut ainsi douter si les exigences posées par la Cour quant à la «structure» et l’«autonomie» de l’unité en cause (36) dans l’affaire au principal sont remplies, si l’activité de la requérante au principal et des autres travailleurs est essentiellement identique et qu’il n’y a pas de coopération dans le cadre d’un groupe de travail – ce qui pourrait servir d’indice pour l’existence d’une organisation structurelle complexe.

53.      D’un autre côté, il ne faut pas ignorer que la planification et l’organisation ainsi que les compétences et les connaissances dans le domaine des activités de nettoyage ne jouent en règle générale qu’un rôle bien plus modeste que dans le cadre d’autres activités professionnelles (37). C’est notamment pour cette raison que les entreprises de nettoyage emploient régulièrement des travailleurs sans qualification. Cette conclusion ne concerne certes pas les services de nettoyage spécialisés qui disposent d’un équipement spécial et de méthodes de travail particulières. Des actifs immatériels importants pour un service de nettoyage spécialisé seraient, par exemple, l’organisation des modalités de travail, les calculs, les connaissances quant à certains processus de nettoyage, les méthodes de travail, les compétences acquises dans l’utilisation de substances nocives pour la santé voire mortelles pour ne citer que quelques uns.

54.      En l’absence d’indications contraires dans le dossier, il convient d’admettre qu’aucun des types d’actifs immatériels cités n’a été transmis au Ayuntamiento. Indépendamment de cela, rien n’indique que le personnel auquel la requérante au principal appartenait, pouvait être qualifié de service de nettoyage spécialisé au sens décrit plus haut. Dans ce contexte, il faut plutôt admettre qu’aucune compétence ou méthode de travail spéciale n’était nécessaire pour l’exercice de cette activité. Il n’y a en ce sens pas non plus de reprise d’actifs immatériels.

–       Distinction par rapport à la succession fonctionnelle

55.      Compte tenu de l’absence de transfert d’actifs matériels et immatériels, il conviendrait déjà à ce stade de l’examen de rejeter en principe l’existence d’une unité économique dans l’affaire au principal. Dans la mesure où le Ayuntamiento n’a fait que poursuivre l’activité de nettoyage sans pour autant reprendre les travailleurs qui avaient jusque là exercé cette activité, on pourrait en principe admettre dans l’affaire au principal une simple «succession fonctionnelle», qui en vertu de la jurisprudence récente de la Cour n’est en principe pas couverte par le champ d’application de la directive 2001/23 (38).

56.      Comme la Cour l’a correctement reconnu, la portée de la notion de transfert d’entreprises n’est pas illimitée (39). La Cour a posé dans l’arrêt Süzen (40) la limite maximale de cette interprétation large en posant clairement que la seule circonstance que les services fournis par l’ancien et le nouvel attributaire d’un marché sont similaires ne permet pas de conclure qu’il y a transfert d’une unité économique. Selon la Cour, une unité ne saurait en effet être comprise comme une simple activité.

57.      Cette jurisprudence a été confirmée dans l’affaire Hernández Vidal e.a. qui présente, comme nous l’avons déjà signalé, de nombreux parallèles avec la présente affaire. Les faits y étaient similaires en ce sens que – comme dans l’affaire au principal – la question était de savoir si une entreprise qui a résilié un contrat de nettoyage existant avec une société de nettoyage afin de s’occuper à l’avenir elle-même du nettoyage de ses locaux, était tenue juridiquement, en raison de la directive sur les transferts d’entreprises, de conserver les employés de la société de nettoyage. Dans cet arrêt, la Cour a constaté:

«Ainsi, la seule circonstance que les travaux d’entretien assurés par l’entreprise de nettoyage puis par l’entreprise propriétaire des locaux elle-même soient similaires ne permet pas de conclure au transfert d’une entité économique entre la première et la seconde entreprise. En effet, une telle entité ne saurait être réduite à l’activité dont elle est chargée.» (41)

58.      Compte tenu de la similarité évidente des éléments de fait, cette jurisprudence nous semble transposable à la présente affaire. La poursuite des travaux de nettoyage n’est pas en elle-même un facteur déterminant qui permet de conclure à un transfert d’une unité économique, mais elle n’est au contraire, conformément à la jurisprudence de la Cour, qu’un indice parmi d’autres.

–       Le critère de la reprise de l’essentiel du personnel

Sur la jurisprudence de la Cour

59.      On ne pourrait selon nous nier la présence d’une succession fonctionnelle que tout au plus si le juge national, dans le cadre de l’appréciation d’ensemble des circonstances de fait, parvenait à la conclusion que, en l’espèce, d’autres critères sont remplis plaidant de manière décisive pour l’existence d’une unité économique.

60.      Le fait qu’aucun des quatre à cinq travailleurs qui travaillaient jusque là pour CLECE – dont la requérante au principal – ne continue visiblement à travailler pour cette entreprise, pourrait cependant déjà plaider contre l’existence d’une unité économique. Le maintien dans l’emploi est en effet, d’après la jurisprudence de la Cour, un indice important pour la présence d’une unité économique. La Cour, depuis l’arrêt Süzen (42), a défendu le point de vue que «dans la mesure où, dans certains secteurs dans lesquels l’activité repose essentiellement sur la main-d’oeuvre, une collectivité de travailleurs que réunit durablement une activité commune peut correspondre à une entité économique, force est d’admettre qu’une telle entité est susceptible de maintenir son identité par-delà son transfert quand le nouveau chef d’entreprise ne se contente pas de poursuivre l’activité en cause, mais reprend également une partie essentielle, en termes de nombre et de compétences, des effectifs que son prédécesseur affectait spécialement à cette tâche». Elle motive son opinion en droit en affirmant que «le nouveau chef d’entreprise acquiert […] l’ensemble organisé d’éléments qui lui permettra la poursuite des activités ou de certaines activités de l’entreprise cédante de manière stable».

61.      Bien que cette jurisprudence, tout comme l’examen des autres critères cités auparavant, conduit à rejeter dans l’affaire au principal le transfert d’une unité économique au sens de la directive 2001/23, nous souhaiterions ci-après prendre brièvement position sur les développements de la Cour dans les arrêts susmentionnés. Dans l’intérêt d’une précision de cette jurisprudence de la Cour, notre exposé concerne essentiellement la question de savoir dans quelle mesure le critère de la reprise de l’essentiel du personnel permet de tirer des conclusions fiables quant à la présence d’un transfert d’entreprises.

Inconvénients d’un tel critère

62.      Il convient tout d’abord de rappeler que la reprise de «l’essentiel du personnel» est en fait la conséquence juridique déterminante de la directive 2001/23 ou – pour être plus précis – des actes de droit national servant à sa transposition. Il s’agit précisément de garantir de cette manière la continuité, visée par le législateur communautaire, des relations de travail existantes en cas de reprises d’entreprises (43). Le fait que la Cour semble dans le même temps élever cette conséquence juridique au rang de critère du transfert d’entreprises paraît par conséquent, à première vue, méthodologiquement douteux. En effet, du point de vue de la technique réglementaire, un unique et même élément ne peut pas être à la fois condition d’application et conséquence juridique de la directive 2001/23, sans que – comme M. l’avocat général Cosmas l’a critiqué dans ses conclusions dans l’affaire Hernández Vidal e.a. (44) – cela ne conduise à des résultats illogiques. En effet, le fait que l’essentiel du personnel n’est repris en conséquence d’un transfert d’entreprises que si déjà auparavant l’essentiel du personnel a été repris, est effectivement très proche d’un raisonnement circulaire (45) et il serait en outre fort improbable que cela corresponde à l’intention des auteurs de la directive.

63.      La lecture présentée ci-dessus de la jurisprudence de la Cour comporte en outre le risque, déploré à juste titre par M. l’avocat général Geelhoed (46) dans ses conclusions, d’une «discordance entre la réglementation et la jurisprudence» et elle invite aux abus. Si en effet, cette ligne jurisprudentielle devait être comprise en ce sens que, ce qui importe est entre autres la reprise de l’«essentiel du personnel», l’applicabilité de la directive dépendrait en définitive dans les faits de la seule appréciation du nouvel employeur. Ce dernier pourrait en effet contourner les règles communautaires sur les transferts d’entreprises, précisément dans les secteurs reposant sur l’emploi intensif de la main d’œuvre, tout simplement en ne reprenant pas le personnel de l’ancien employeur. Il est évident que cela va à l’encontre de la volonté du législateur communautaire qui est de protéger les travailleurs en cas de changement de propriétaire de l’entreprise et que cela crée en outre même pour l’employeur acquéreur des incitations, contraires au but poursuivi, à se séparer de cette manière du plus grand nombre possible – si ce n’est de l’ensemble – des travailleurs (47).

64.      Selon nous, l’approche exposée ci-dessus ne tient ainsi pas suffisamment compte des déclarations de la Cour sur ce critère et découle en définitive d’un examen trop étroit de la jurisprudence. Il ressort en effet des termes des passages décisifs des arrêts pertinents, que la Cour ne considère comme déterminant que la reprise de la «partie essentielle, en termes de nombre et de compétence, des effectifs». Il en découle qu’il n’en va pas seulement de la taille en termes numériques, mais au contraire aussi et précisément de facteurs qualitatifs et en particulier organisationnels. Nous nous pencherons à présent sur ce point de manière approfondie dans le cadre d’une tentative d’interprétation correcte de la jurisprudence.

65.      Il convient auparavant d’indiquer, qu’en vertu de la directive 2001/23 un employeur n’est nullement obligé de reprendre à tout prix l’ensemble des employés (48). La directive tient compte au contraire, à travers son système réglementaire différencié, du principe fondamental de l’autonomie de la volonté dans l’ordre juridique de l’Union. Cette circonstance doit toujours être prise en compte, et ce même lors de l’interprétation de cet acte de droit dérivé en tant que ligne directrice et limite maximale. En effet, une interprétation trop large de la notion d’«unité économique» s’appuyant par exemple exclusivement sur le nombre des travailleurs concrètement repris dans l’affaire au fond, peut conduire à une restriction disproportionnée de l’autonomie de la volonté de l’employeur si ce dernier est empêché de moduler ses rapports contractuels conformément à ses intérêts justifiés. C’est également dans ce contexte qu’il convient de voir la critique de M. l’avocat général Geelhoed (49) qui a exposé de manière convaincante qu’une obligation absolue pour l’employeur de continuer à employer l’ancien personnel irait à l’encontre des principes de la libre concurrence, en particulier dans les branches dans lesquelles la qualité des travailleurs est un facteur important pour la qualité du service. Si par exemple, le nouvel employeur voulait engager du nouveau personnel pour une activité déterminée parce que les prestations de l’ancien personnel laissent à désirer, une interprétation trop large de la notion d’«unité économique» empêcherait éventuellement ce nouvel employeur d’engager de meilleurs travailleurs et conduirait au lieu de cela à privilégier des travailleurs moins bons ce qui a économiquement peu de sens.

66.      On peut déjà retenir ici en tant que conclusion intermédiaire que, eu égard aux développements qui précèdent, en tout cas dans les situations comme la présente affaire, le critère de la reprise du personnel ne peut pas constituer le facteur déterminant. Il faut au contraire tenter une interprétation correcte de ce critère afin de pouvoir en tenir compte de manière appropriée dans le cadre de l’appréciation d’ensemble qui s’impose.

Tentative d’interprétation correcte de la jurisprudence

67.      Si la Cour devait continuer à considérer ce critère comme étant pertinent, il serait indiqué de procéder, dans l’intérêt de la sécurité juridique, à une précision de sa jurisprudence relative au critère de la reprise de l’«essentiel du personnel». Le sens et l’objet de la directive sur les transferts d’entreprises sont à cet égard le point de départ de la réflexion.

68.      Un examen de la directive 2001/23 ainsi que des considérations législatives la sous-tendant révèle que la poursuite de l’utilisation d’une organisation de l’entreprise créée par le prédécesseur et l’avantage qui en découle par rapport à la création de sa propre entreprise ou partie d’entreprise constitue le cœur et le fondement de la subrogation obligatoire de l’acquéreur des actifs dans les relations de travail existantes (50). D’après la logique sous-tendant cette réglementation, on peut également imposer au nouveau propriétaire, lorsqu’il profite des actifs économiquement essentiels d’une entreprise que possédait l’ancien propriétaire, qu’il emploie également les personnes travaillant avec ces actifs. Les travailleurs sont d’autre part protégés en n’étant pas séparés par des stratégies de transfert d’entreprises du fondement de leur travail, à savoir ces actifs économiques (51).

69.      La jurisprudence démontre que la Cour adopte elle aussi cette interprétation de la directive, par exemple lorsqu’elle lie la reconnaissance d’un transfert d’entreprises à la condition que l’acquéreur maintienne un lien fonctionnel entre les facteurs transférés lui permettant de poursuivre une activité économique du même type (52).

70.      Le transfert d’une partie essentielle du personnel au sens de la jurisprudence susmentionnée n’exprime en soi que peu de chose sur le point de savoir si l’acquéreur en tire un tel avantage. C’est en règle générale plutôt par rapport à la qualité, c’est-à-dire la compétence et l’expérience du personnel, que le caractère avantageux de son transfert pourra être mesuré. La Cour affirme notamment pour cette raison qu’une unité économique conserve son identité par delà son transfert lorsque le nouveau propriétaire de l’entreprise reprend une partie essentielle, en termes de «nombre et de compétences», du personnel utilisé de manière ciblée par la prédécesseur pour cette activité. Le critère du «nombre» des travailleurs repris prend une signification propre du fait du lien avec le critère de la «compétence» par la conjonction «et». Les deux critères présentent un fort lien contextuel dans la mesure où le nombre des travailleurs présents peut permettre de tirer indirectement des conclusions sur le degré d’organisation. L’organisation quant à elle ne devient nécessaire que lorsque naît un besoin de division du travail, ce qui requiert une spécialisation technique et donc une compétence. Ce dernier point est suggéré par le complément concernant l’utilisation ciblée de ce personnel pour une activité déterminée («effectifs [affectés] spécialement à cette tâche»). Le fait de s’appuyer sur le nombre des travailleurs repris constitue selon toute vraisemblance la conséquence d’un examen purement superficiel.

71.      On ne peut accorder à la reprise des travailleurs tout au plus qu’une valeur d’indice dans la mesure où certains travailleurs représentent par exemple avec leur «know-how» des actifs immatériels (53). Le seul nombre de travailleurs présents ou transférés ne permet pas nécessairement de tirer des conclusions quant à leurs compétences avec pour conséquence que le critère du transfert d’une partie essentielle du personnel ne devrait en tout cas pas être vu comme le critère unique déterminant pour pouvoir apprécier s’il y a effectivement eu un transfert d’entreprises (54).

72.      Si on applique quand même cette jurisprudence selon l’approche présentée plus haut, c’est à dire en liaison avec le facteur de la «compétence», on ne peut dans le cas d’espèce pas admettre l’existence d’une unité économique d’autant que, premièrement, aucun des travailleurs employés jusque là n’a été repris et, deuxièmement, il n’y a pas d’indice d’une compétence spéciale du personnel s’exprimant par d’éventuelles capacités ou méthodes de travail spéciales (55).

73.      Eu égard à ce qui précède, il n’existe, que ce soit d’après une application directe de la jurisprudence ou d’après son interprétation défendue ici s’orientant au sens et à l’objet de la directive 2001/23, pas d’«unité économique» au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous b) qui aurait pu faire l’objet d’un transfert d’entreprises.

iii) Résultat intermédiaire

74.      On ne peut en particulier pas identifier d’actifs matériels ou immatériels nécessaires à l’exercice de l’activité de nettoyage qui auraient permis de conclure à l’existence d’une telle unité. La troisième condition pour l’applicabilité de la directive 2001/23 à l’affaire au principal n’est par conséquent pas remplie.

c)      Signification en droit de l’exigence de l’engagement de nouveau personnel

75.      Cette appréciation ne change d’ailleurs rien en ce qui concerne le dernier aspect partiel de la question préjudicielle. Dans sa question quant à l’applicabilité de la directive 2001/23, la juridiction de renvoi a explicitement tenu compte de la circonstance que le Ayuntamiento a d’abord dû engager de nouveaux travailleurs afin de pouvoir effectuer à l’avenir lui-même les travaux de nettoyage. Ni la directive 2001/23, ni la jurisprudence de la Cour, n’accordent cependant une quelconque signification à l’éventuelle nécessité pour l’entreprise d’engager du nouveau personnel. Cette circonstance ne saurait donc en elle-même justifier la reconnaissance d’un transfert d’entreprises au sens de la directive. En outre, le seul fait que de nouveaux travailleurs doivent être engagés ne permet pas de tirer des conclusions fiables quant à la présence des autres critères développés par la Cour et déjà longuement examinés ci-dessus. En effet, le besoin de nouveaux engagements peut tout aussi bien simplement suggérer une simple succession fonctionnelle. Il en va d’autant plus ainsi lorsque – comme en l’espèce – aucun travailleur n’est repris et que au contraire ce sont exclusivement de nouveaux travailleurs qui sont engagés à travers un service de fourniture et de placement de personnel pour des activités fonctionnellement identiques. Dans ces circonstances, le gouvernement espagnol désigne par conséquent à juste titre l’opération litigieuse de «transferencia de funciones» (transfert de fonctions) entre CLECE et le Ayuntamiento (56).

76.      L’exigence de l’engagement de nouveaux travailleurs telle que citée par la juridiction de renvoi ne constitue qu’un critère matériel d’une norme nationale de droit espagnol, à savoir l’article 14 de la convention collective. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 8 de la directive 2001/23 et de la jurisprudence constante de la Cour, le législateur national demeure libre d’adopter des dispositions nationales allant au-delà des exigences de la directive 2001/23 et protégeant les travailleurs de manière plus complète dans des cas comme la présente espèce (57). C’est là l’expression de l’harmonisation partielle visée par la directive qui ne crée pas de niveau de protection uniforme valable pour l’ensemble de l’Union européenne sur la base de critères communs, mais qui souhaite au contraire étendre au cas du transfert d’entreprises (58) la protection qui est déjà accordée aux travailleurs par les dispositions des différents États membres eux-mêmes.

77.      Le législateur espagnol a fait usage de cette possibilité avec l’article 14 de la convention collective. En vertu de cette disposition, une entreprise qui effectue elle-même des travaux de nettoyage doit, si elle faisait auparavant effectuer ces travaux par une autre entreprise, reprendre en tout cas les travailleurs de cette dernière entreprise si elle devait engager du nouveau personnel pour le service de nettoyage. Il appartient aux seules juridictions nationales de décider si et dans quelle mesure l’article 14 de la convention collective s’applique à la présente affaire puisque cette réglementation va au-delà des prescriptions de la directive 2001/23 et n’est pas prévue par le droit de l’Union.

78.      Bien que l’article 14 de la convention collective est ainsi sans la moindre pertinence pour la réponse à apporter à la question préjudicielle examinée ici, il convient néanmoins de signaler à titre complémentaire que, dans son ordonnance, la juridiction de renvoi a expressément rejeté l’applicabilité de l’article 14 de la convention collective à la présente affaire en faisant référence à l’arrêt du Tribunal Supremo espagnol du 10 décembre 2008 (59). La Cour est liée par cette constatation de la juridiction nationale qui ne concerne que le droit national.

d)      Conclusion

79.      Compte tenu des considérations qui précèdent, nous parvenons à la conclusion que la directive 2001/23 ne s’applique pas à une situation comme celle de la procédure au principal.

VII – Conclusions

80.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle du Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha:

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements doit être interprété en ce sens que, la directive ne couvre pas une situation comme celle de la procédure au principal dans laquelle une administration communale qui chargeait auparavant une entreprise privée du nettoyage de ses locaux résilie plus tard ce contrat pour effectuer elle-même le service de nettoyage, lorsque cette administration communale ne reprend pas une partie essentielle, en termes de nombre et de compétences, du personnel que l’entreprise privée avait également employé auparavant pour cette activité.


1 – Langue originale: l’allemand


Langue de procédure: l’espagnol


2 – La procédure préjudicielle est désormais réglée à l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne conformément au traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne du 13 décembre 2007 (JO C 306, p. 1).


3 – JO L 82, p. 16.


4 – Partant des dénominations utilisées dans le TUE et le TFUE, la notion de «droit de l’Union» est utilisée ici comme notion générale pour le droit communautaire et le droit de l’Union. Pour autant que des dispositions individuelles de droit primaire sont concernées dans les présentes conclusions, nous citerons les dispositions applicables ratione temporis.


5 – JO L 61, p. 26.


6 – JO L 201, p. 88.


7 – Arrêts du 11 mars 1997, Süzen (C-13/95, Rec. p. I-1259, point 23), du 10 décembre 1998, Hernández Vidal e.a. (C-127/96, C-229/96 et C-74/97, Rec. p. I-8179, point 32, et du 24 janvier 2002, Temco (C-51/00, Rec. p. I-969, point 33).


8 – Voir, entre autres, les arrêts du 18 mars 1986, Spijkers (24/85, Rec. p. 1119, points 11 et 12), du 11 juillet 1985, Foreningen af Arbejdsledere i Danmark (105/84, Rec. p. 2639, point 26), du 10 février 1988, Daddy’s Dance Hall (324/86, Rec. p. 739, point 9), du 25 juillet 1991, D’Urso e.a. (C-362/89, Rec. p. I-4105, point 9), du 16 décembre 1992, Katsikas e.a. (C-132/91, C-138/91 et C-139/91, Rec. p. I-6577, point 21), du 12 novembre 1998, Europièces (C-399/96, Rec. p. I-6965, point 37), du 15 décembre 2005, Güney-Görres et Demir (C-232/04 et C-233/04, Rec. p. I-11237, point 31), du 9 mars 2006, Werhof (C-499/04, Rec. p. I-2397, point 25), du 27 novembre 2008, Juuri (C-396/07, Rec. p. I-8883, point 28), du 12 février 2009, Klarenberg (C-466/07, Rec. p. I-803, point 40) et du 29 juillet 2010, UGT-FSP (C-151/09, non encore publié au Recueil, point 40).


9 – Arrêt du 26 septembre 2000, Mayeur (C-175/99, Rec. p. I-7755, point 52).


10 – La Cour ne se limite pas lors de l’exercice de ses compétences à énumérer les critères qui déterminent un transfert d’entreprises, mais elle interprète souvent ces critères à l’aide d’une approche propre au cas d’espèce. C’est ce que signalent à juste titre Moizard, N., «Directive transfert et changement de prestataires de services dans la restauration collective», Revue de jurisprudence sociale, 2004, p. 261 et Loibner, G., «Betriebsübergang bei Auftrags- und Funktionsnachfolge», Zeitschrift für Arbeits- und Sozialrecht, 2004, p. 135. Voir, par exemple, l’arrêt du 20 novembre 2003, Abler e.a. (C-340/01, Rec. p. I-14023, point 36), où la Cour a constaté que l’exploitation d’une cuisine d’hôpital ne peut pas être considérée comme une activité reposant essentiellement sur la main-d’œuvre.


11 – Arrêt Temco (précité à la note 6, point 21).


12 – Arrêt Mayeur (précité à la note 8, point 29).


13 – Arrêt UGT-FSP (précité à la note 7, point 23).


14 – Arrêt Mayeur (précité à la note 8, point 57).


15 – Arrêts du 7 mars 1996, Merckx et Neuhuys (C-171/94 et C-172/94, Rec. p. I-1253, point 28) et du 10 décembre 1998, Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 23).


16 – Arrêt du 14 avril 1994, Schmidt (C-392/92, Rec. p. I-1311, point 14).


17 – Arrêt Süzen (précité à la note 6, points 11 et suivants).


18 – Arrêt Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 25).


19 – Conclusions de M. l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Abler e.a. (arrêt précité à la note 9, point 57).


20 – Voir en particulier l’arrêt Spijkers (précité à la note 7, point 11).


21 – Arrêt du 19 septembre 1995, Rygaard (C-48/94, Rec. p. I-2745, point 20).


22 – Arrêt Süzen (précité à la note 6, point 13).


23 – Arrêt du 12 février 2009, Klarenberg (cité plus haut à la note 7, point 40).


24 – Voir, entre autres, les arrêts Spijkers (précité à la note 7, point 13), Süzen (précité à la note 6, point 14), Abler e.a. (précité à la note 9, point 33), et Güney-Görres et Demir (précité à la note 7, points 33 et 34). Voir en outre sur l’interprétation de la directive sur le transfert d’entreprise avec effet pour les États AELE/EEE, la jurisprudence de la Cour de l’AELE (conforme au droit CE en vertu du principe d’homogénéité), entre autres les arrêts du 25 septembre 1996, Eidesund (E-2/95, [1995-1996] ECR 1, point 32), du 19 décembre 1996, Ulstein (E-2/96, [1995-1996] ECR 65, point 28), et du 14 mars 1997, Ask (E-3/96, [1997] ECR 1, point 20). La directive 2001/23 est en vertu du point 32d dans l’annexe XVIII au traité CEE également applicable aux États de l’AELE et de l’EEE.


25 – Arrêts Süzen (précité à la note 6, point 18), Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 31), du 10 décembre 1998, Hidalgo e.a. (C-173/96 et C-247/96, Rec. p. I-8237, point 31) et UGT-FSP (précité à la note 7, point 28).


26 – Arrêt Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 27). Voir en outre les arrêts du 13 septembre 2007, Jouini e.a. (C-458/05, Rec. p. I-7301, point 32) et UGT-FSP (précité à la note 7, point 29).


27 – Diller, M./Grzyb, N., «Kurzkommentar zum Urteil in der Rechtssache Abler u.a./Sodexho MM Catering Gesellschaft mbH», Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht, 2004, p. 86, et Loibner, G., op. cit. (note 9), p. 135, partagent l’opinion de la Cour que l’activité de nettoyage est une activité marquée par l’utilisation de forces de travail humaines.


28 – Arrêt Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 27).


29 – Arrêt Jouini e.a. (précité à la note 25, point 31).


30 – Voir le point 27 du mémoire du gouvernement espagnol.


31 – Il ressort de l’arrêt du Juzgado de lo social N° 2 de Toledo (Tribunal social de Tolède n° 2) 13 mai 2008, joint au dossier qui a été transmis à la Cour, que plusieurs travailleuses ont été employées pour l’activité de nettoyage (Titre II. «Faits démontrés», point 4, p. 2 du document original de l’arrêt), sans pour autant citer un chiffre précis. On peut déduire du mémoire en appel (Recurso de suplicación) de la requérante au principal du 1er juillet 2008 contre l’arrêt précité (page 8 de 15) que CLECE ne disposait pour le service de nettoyage dans les écoles et les locaux de l’administration communale que de quatre travailleuses et donc d’un personnel réduit.


32 – Voir l’arrêt UGT-FSP (précité à la note 7, point 31) ainsi que le point 39 des conclusions de Mme l’avocat général Sharpston du 6 mai 2010 dans cette affaire. Il y est correctement exposé que dans le secteur du nettoyage les installations, les machines et les équipements entrent en ligne de compte en tant qu’actifs.


33 – Arrêt Süzen (précité à la note 6, point 15).


34 – Arrêt Klarenberg (précité à la note 7).


35 – Voir l’arrêt Klarenberg (précité à la note 7, point 47) référence faite aux points 42 à 44 des conclusions de M. l’avocat général Mengozzi du 12 février 2009 dans cette affaire. Voir par ailleurs le point 56 des conclusions de Mme l’avocat général Sharpston du 6 mai 2010, UGT-FSP (arrêt précité à la note 7). En ce sens également Willemsen, H. J., «Mit oder an’- §613a BGB und der Wertschöpfungsgedanke», Festschrift für Reinhard Richardi zum 70. Geburtstag, Munich 2007, p. 477, selon lequel l’organisation, c’est à dire le rattachement des ressources disponibles à un objectif économique déterminé, est caractéristique et indispensable pour l’identité d’un établissement ou d’une partie d’établissement. De même aussi Müller-Bonanni, T., «Betriebsübergang – ja oder nein? – Die aktuelle Rechtsprechung zum Tatbestand des §613a BGB», Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, Beilage 1/2009, p. 14, qui défend le point de vue qu’un transfert d’établissement exige la reprise d’un lien fonctionnel au sens d’une organisation du travail établie. L’auteur parle de la reprise par l’acquéreur de la «source de plus value» d’un établissement.


36 – Voir le point 44 des présentes conclusions.


37 – Voir les conclusions dans l’affaire Abler e.a. (précitées à la note 18, point 71). M. l’avocat général y a exprimé son sentiment que le facteur de la main-d’oeuvre dans le secteur du catering dans les hôpitaux est d’une importance moindre que dans le secteur du nettoyage et de la surveillance et n’est nullement le facteur le plus important. Le catering dans les hôpitaux se distinguerait par ailleurs en tant qu’activité d’un double point de vue des activités de nettoyage et de surveillance. Premièrement, en plus du facteur travail, les actifs matériels auraient une grande importance. Deuxièmement, les compétences, les connaissances, la planification et l’organisation y auraient un poids nettement supérieur que dans le cas des activités de nettoyage et de surveillance.


38 – Voir les arrêts Süzen (précité à la note 6, point 15), Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 30) et Hidalgo e.a. (précité à la note 24, point 30). Voir dans le même sens l’opinion de la doctrine. Voir à ce sujet, entre autres, Majoros, T., «Auftragnehmerwechsel bei Großküche als Betriebsübergang», Das Recht der Arbeit, 2004, p. 193; Jochums, D., «Betriebsübergang: Der EuGH auf Abwegen?», Neue Juristische Wochenschrift, 2005, Cahier 36, p. 2585; Davies, P., «Taken to the Cleaners? Contracting Out of Services Yet Again», Oxford Journals, Juin 1997, p. 196; Willemsen, H. J., op. cit. (note 34), p. 477 et Thüsing, G., Europäisches Arbeitsrecht, Munich 2008, point 168, p. 168 qui ne voient pas la simple succession fonctionnelle comme un transfert d’entreprises au sens de la directive 2001/23.


39 – Voir l’appréciation de M. l’avocat général Geelhoed dans ses conclusions Abler e.a. (précitées à la note 18, point 61).


40 – Voir les arrêts Süzen (précité à la note 6, point 15) et Hidalgo e.a. (précité à la note 24, point 30).


41 –      Voir l’arrêt Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 30).


42 – Voir les arrêts Süzen (précité à la note 6, point 21), Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 32), Temco (précité à la note 6, point 33), et Hidalgo e.a. (précité à la note 24, point 32).


43 – Voir le point 27 des présentes conclusions.


44 – Voir les conclusions de M. l’avocat général Cosmas du 24 septembre 1998, Hernández Vidal e.a. (C-127/96, C-229/96 et C-74/97, arrêt du 10 décembre 1998, Rec. p. I-8179, point 80). Jochums, D., op. cit. (note 37), p. 2584, et Viala, Y., «Le maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise en droit allemand», Droit Social, 2/2005, p. 203, signalent également que le transfert des relations de travail serait la conséquence juridique et ne serait donc pas dans le même temps une condition matérielle. Selon Loibner, G., op. cit. (note 9), p. 136, la Cour s’est soustraite dans l’arrêt Abler à un examen de la question si la reprise du personnel est un critère ou une conséquence juridique de la reprise de l’entreprise en n’accordant à la main d’œuvre aucune signification créatrice d’identité pour l’exploitation d’une cuisine et a réduit le caractère de l’unité économique à l’inventaire.


45 – Voir de nouveau les conclusions dans l’affaire Hernández Vidal e.a. (précitées à la note 43, point 80).


46 – Voir les conclusions dans l’affaire Abler e.a. (citées plus haut à la note 18, point 79).


47 – Riesenhuber, K., Europäisches Arbeitsrecht, Heidelberg 2009, 3ème partie, article 24, point 40, p. 420, désigne le critère de la reprise de l’essentiel du personnel à juste titre comme inapproprié car d’une certaine manière, il laisse le critère du transfert d’entreprises à l’appréciation de l’acquéreur, qui dans de tels cas a une incitation contraire à l’objectif de la réglementation à ne reprendre aucun travailleur. De même aussi Davies, P., op. cit. (note 37), p. 197, qui exprime même la crainte que l’application de ce critère ne puisse avoir des effets négatifs pour les travailleurs. Ce même auteur dans, «Transfers – The UK Will Have to Make Up Its Own Mind», Industrial Law Journal, Juin 2001, p. 234, explique qu’il ne faudrait pas exclure que dans de tels cas dans lesquels il s’agirait exclusivement d’activités reposant sur la main-d’oeuvre, l’acquéreur pourrait simplement se soustraire à ses obligations découlant de la directive en n’engageant pas les anciens travailleurs. L’auteur signale le caractère douteux de cette situation d’autant que les travailleurs des entreprises de nettoyage qui travaillent régulièrement comme forces de travail sans qualification méritent le plus de protection et devraient pouvoir invoquer la directive.


48 – Voir les conclusions dans l’affaire Abler e.a. (précitées à la note 18, point 81).


49 – Op. cit. point 81.


50 – En ce sens Thüsing, G., op. cit. (note 37), p. 168; Willemsen, J., «Erneute Wende im Recht des Betriebsübergangs – ein ‚Christel Schmidt II’ –Urteil des EuGH», Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, 2009, p. 292 ainsi que Jochums, D., op. cit. (note 37), p. 2585. Jochums comprend cette réglementation en ce sens que l’avantage économique – l’organisation existante – justifie l’atteinte à la liberté d’entreprendre de l’acquéreur par les conséquences juridiques imposées. Müller-Bonanni, T., op. cit. (note 34), p. 14, signale que la subrogation obligatoire dans les relations de travail est la contrepartie du fait que l’acquéreur reprend une organisation de l’entreprise créée par un autre et qu’il s’épargne ainsi la mise en place de sa propre organisation.


51 – Ainsi également Reissner, G.-P., «Anmerkung zum Urteil in der Rechtssache C-340/01, Carlito Abler u.a./Sodexho MM Catering Gesellschaft mbH», ZESAR, 3/2004, p. 141.


52 – Voir entre autres les arrêts du 12 février 2009, Klarenberg (précité à la note 7, point 48), du 10 décembre 1998, Hernández Vidal e.a. (précité à la note 6, point 32), du 11 mars 1997, Süzen (précité à la note 6, point 21), du 14 avril 1994, Schmidt (précité à la note 15, point 17), et du 19 septembre 1995, Rygaard (précité à la note 20, point 21). Selon Reissner, G.-P., op. cit. (note 50), p. 141, la Cour vérifie toujours si le nouveau propriétaire continue à utiliser les actifs économiques essentiels dont disposait l’ancien propriétaire, quelle que soit la manière dont ils lui sont parvenus.


53 – En ce sens également visiblement Jochums, D., op. cit. (note 37), p. 2585. De manière similaire aussi la Cour de l’AELE qui accorde au critère de la quantité uniquement l’effet d’un indice, mais uniquement pour autant que l’entreprise est caractérisée par un degré élevé de connaissances techniques du personnel. Voir les arrêts du 25 septembre 1996, Eidesund (précité à la note 23, point 43; du 19 décembre 1996, Ulstein (précité à la note 23, point 36), et du 14 mars 1997, Ask (précité à la note 23, point 29) („in cases where a high percentage of the personnel is taken over, and where the business of the first service provider is characterised by a high degree of expertise of its personnel, the employment of that same personnel by the second service provider may support a finding of identity and continuity of the business. If the work to be performed does not require any particular expertise or knowledge, the taking-over of personnel becomes less indicative of the identity of the undertaking.“)


54 – Voir Thüsing, G., op. cit. (note 37), point 13, p. 168, selon lequel la conservation de l’identité n’est pas une notion typologique: aucun de ces critères ne serait nécessaire et aucun n’est une caractéristique suffisante d’un transfert d’entreprises.


55 – Voir le point 54 des présentes conclusions.


56 – Voir le point 27 du mémoire du gouvernement espagnol.


57 – Voir les arrêts Foreningen af Arbejdsledere i Danmark (précité à la note 7, point 26), du 6 novembre 2003, Martin e.a. (C-4/01, Rec. p. I-12859 point 41), et Juuri (précité à la note 7, point 23).


58 – Voir le point 27 des présentes conclusions.


59 – Voir les pages 5 et 6 de l’ordonnance de renvoi ainsi que les points 15 et 16 des observations de la Commission.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C46309_O.html