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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Switzerland v Commission (External relations) French Text [2010] EUECJ T-319/05 (09 September 2010) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/T31905_J.html Cite as: [2010] EUECJ T-319/05, [2010] EUECJ T-319/5 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
9 septembre 2010 (*)
« Relations extérieures – Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien – Mesures allemandes concernant les approches de l’aéroport de Zurich – Règlement (CEE) n° 2408/92 – Droits de la défense – Principe de non-discrimination – Principe de proportionnalité »
Dans l’affaire T-319/05,
Confédération suisse, représentée par Me S. Hirsbrunner, U. Soltész et P. Melcher, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. F. Benyon, M. Huttunen et M. Niejahr, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
République fédérale d’Allemagne, représentée par M. C.-D. Quassowski et Mme A. Tiemann, en qualité d’agents, assistés de Me T. Masing, avocat,
et par
Landkreis Waldshut, représenté par Me M. Núñez-Müller, avocat,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/12/CE de la Commission, du 5 décembre 2003, relative à l’application de l’article 18, paragraphe 2, première phrase, de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif au transport aérien et du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil (Affaire TREN/AMA/11/03 – Mesures allemandes concernant les approches de l’aéroport de Zurich) (JO 2004, L 4, p. 13),
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,
greffier : Mme C. Kantza, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2009,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien
1 L’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien, signé le 21 juin 1999 à Luxembourg (JO 2002, L 114, p. 73, ci-après l’« accord »), approuvé au nom de la Communauté par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1), dispose en ces articles 1er à 3, 17, 18, 20 et 21, ce qui suit :
« CHAPITRE I
Objectifs
Article premier
1. Le présent accord fixe des règles auxquelles doivent se conformer les parties contractantes dans le domaine de l’aviation civile. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice de celles fixées par le traité CE, et notamment des compétences communautaires existantes dans le cadre des règles de concurrence et des dispositions d’application de ces règles, ainsi que de la législation communautaire pertinente énumérée dans l’annexe du présent accord.
2. Aux fins du présent accord, les dispositions contenues dans celui-ci ainsi que dans les règlements et directives figurant à l’annexe s’appliquent dans les conditions définies ci-après. Pour autant qu’elles soient identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté européenne et aux actes adoptés en application de ce traité, ces dispositions sont interprétées, aux fins de leur mise en oeuvre et application, conformément aux décisions et arrêts de la Cour de justice et de la Commission des Communautés européennes rendus avant la date de signature du présent accord. Les décisions et arrêts rendus après la date de signature de l’accord seront communiqués à la Suisse. À la demande d’une des parties contractantes, les conséquences de ces décisions et arrêts ultérieurs seront déterminées par le Comité mixte en vue d’assurer le bon fonctionnement du présent accord.
Article 2
Les dispositions du présent accord et de son annexe s’appliquent pour autant qu’elles concernent le transport aérien ou des objets directement liés au transport aérien, tel que mentionné dans l’annexe du présent accord.
CHAPITRE 2
Dispositions générales
Article 3
Dans le domaine d’application du présent accord, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite.
[…]
CHAPITRE 4
Application de l’accord
Article 17
Les parties contractantes prennent toutes les mesures générales ou particulières, propres à assurer l’exécution des obligations résultant du présent accord, et s’abstiennent de toute mesure susceptible d’entraver la réalisation des objectifs du présent accord.
Article 18
1. Sans préjudice du paragraphe 2 ainsi que du chapitre 2, chaque partie contractante est responsable de l’application correcte du présent accord sur son propre territoire, et notamment des règlements et directives visés à l’annexe.
2. Dans les cas susceptibles de concerner les services aériens devant être autorisés aux termes du chapitre 3 du présent accord, les institutions communautaires disposent des pouvoirs qui leur sont conférés en vertu des règlements et directives dont l’application est expressément confirmée dans l’annexe du présent accord. Toutefois, dans les cas où la [Confédération suisse] a pris ou envisage de prendre des mesures de protection de l’environnement, en application soit de l’article 8, paragraphe 2, soit de l’article 9 du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, le Comité mixte, à la demande d’une des parties contractantes, statue sur la conformité de ces mesures avec le présent accord.
[…]
Article 20
Toutes les questions concernant la validité des décisions prises par les institutions de la Communauté sur la base de leurs compétences aux termes du présent accord relèvent de la compétence exclusive de la Cour de justice des Communautés européennes.
CHAPITRE 5
Comité mixte
Article 21
1. Il est institué un comité composé de représentants des parties contractantes, le ‘Comité des transports aériens Communauté/Suisse’ (ci-après dénommé ‘Comité mixte’), responsable de la gestion du présent accord et de son application correcte. À cette fin, il formule des recommandations et prend des décisions dans les cas prévus par le présent accord. Les décisions du Comité mixte sont mises en oeuvre par les parties contractantes conformément à leurs propres règles. Le Comité mixte se prononce d’un commun accord.
[…] »
2 L’annexe de l’accord énonce, notamment, que, dans tous les cas où les actes auxquels elle fait référence mentionnent les États membres de la Communauté européenne ou l’exigence d’un lien de rattachement avec ceux-ci, ces mentions sont réputées, aux fins de l’accord, renvoyer également à la Confédération suisse ou à l’exigence d’un lien identique de rattachement avec celle-ci.
3 Ladite annexe vise notamment le règlement (CEE) nº 2408/92, du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8).
Règlement no 2408/92
4 Les articles 2, 3, 8 et 9 du règlement no 2408/92 disposent :
« Article 2
Aux fins du présent règlement, on entend par :
[…]
f) droit de trafic : le droit d’un transporteur aérien de transporter des passagers, du fret et/ou du courrier sur une liaison aérienne desservant deux aéroports communautaires ;
[…]
Article 3
1. Sous réserve du présent règlement, les transporteurs aériens communautaires sont autorisés par le ou les États membres concernés à exercer des droits de trafic sur des liaisons intracommunautaires.
[…]
Article 8
[…]
2. L’exercice des droits de trafic est soumis aux règles d’exploitation communautaires, nationales, régionales ou locales publiées concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires.
3. La Commission, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, examine l’application des paragraphes 1 et 2 et, dans un délai d’un mois à partir de la date de réception de la demande et après consultation du comité visé à l’article 11, décide si l’État membre peut continuer à appliquer la mesure. La Commission communique sa décision au Conseil et aux États membres.
[…]
Article 9
1. Lorsqu’il existe des problèmes graves de congestion et/ou en matière d’environnement, l’État membre responsable peut, sous réserve du présent article, imposer des conditions, limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres modes de transport peuvent fournir un service satisfaisant.
2. Les mesures prises par un État membre conformément au paragraphe 1 :
– ne comportent pas de discrimination fondée sur la nationalité ou l’identité des transporteurs aériens,
– ont une durée de validité limitée, ne dépassant pas trois ans, à l’issue de laquelle elles sont réexaminées,
– ne portent pas indûment atteinte aux objectifs du présent règlement,
– ne provoquent pas indûment une distorsion de la concurrence entre les transporteurs aériens,
– ne sont pas plus restrictives que nécessaires pour résoudre les problèmes.
3. Lorsqu’un État membre estime que les mesures visées au paragraphe 1 sont nécessaires, il en informe, au moins trois mois avant leur application, les autres États membres et la Commission en fournissant une justification adéquate pour ces mesures. Celles-ci peuvent être appliquées, à moins que, dans un délai d’un mois à partir de la réception de l’information, un État membre concerné ne les conteste ou que la Commission, conformément au paragraphe 4, ne décide de leur consacrer un examen plus approfondi.
4. À la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, la Commission examine les mesures visées au paragraphe 1. Si la Commission, dans un délai d’un mois après avoir été informée en vertu du paragraphe 3, décide d’examiner ces mesures, elle indique, en même temps, si les mesures peuvent être appliquées totalement ou partiellement durant l’examen, en tenant compte notamment de la possibilité d’effets irréversibles. Après avoir consulté le comité visé à l’article 11, la Commission décide, dans un délai d’un mois après avoir reçu toutes les informations nécessaires, si les mesures sont appropriées et conformes au présent règlement et en aucune autre façon contraires au droit communautaire. La Commission communique sa décision au Conseil et aux États membres. Dans l’attente de cette décision, la Commission peut arrêter des mesures transitoires, y compris la suspension, totale ou partielle, des mesures, compte tenu notamment de la possibilité d’effets irréversibles.
[…]
Directive 2002/30/CE
5 Aux termes du considérant 7 de la directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mars 2002, relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté (JO L 85, p. 40) :
« L’adoption d’un ensemble de règles et de procédures communes pour l’introduction de restrictions d’exploitation dans les aéroports communautaires dans le cadre d’une approche équilibrée de la gestion du bruit contribuera à assurer le respect des exigences du marché intérieur car des restrictions d’exploitation de même nature seront appliquées dans des aéroports présentant des problèmes de bruit comparables. Cet ensemble de règles comprend une évaluation des incidences des nuisances sonores dans un aéroport et un examen des mesures possibles pour atténuer ces incidences, ainsi qu’une sélection des mesures de réduction du bruit applicables en vue d’obtenir le plus grand bénéfice pour l’environnement au moindre coût. »
6 Les articles 2 et 4 de la directive 2002/30 disposent :
« Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par :
[…]
g) ‘approche équilibrée’, une approche en vertu de laquelle les États membres examinent les mesures applicables en vue de résoudre le problème du bruit dans un aéroport situé sur leur territoire, et plus précisément les effets prévisibles de mesures de réduction à la source du bruit généré par les aéronefs, de mesures d’aménagement et de gestion du territoire, de procédures d’exploitation dites ‘à moindre bruit’ et des restrictions d’exploitation.
[…]
Article 4
Règles générales relatives à la gestion du bruit des aéronefs
1. Les États membres adoptent une approche équilibrée lorsqu’ils traitent des problèmes liés au bruit dans les aéroports situés sur leur territoire. Ils peuvent également envisager des incitations économiques comme mesure de gestion du bruit.
[…] »
Antécédents du litige
7 L’aéroport de Zurich est situé à Kloten (Suisse), au nord-est de la ville de Zurich (Suisse) et à environ 15 km au sud-est de la frontière entre la Suisse et l’Allemagne. Il dispose de trois pistes : une ouest-est (10/28), une nord-sud (16/34) croisant la piste ouest-est, et une nord-ouest sud-est (14/32) qui est indépendante des deux autres. La plupart des décollages pendant le jour ont lieu de la piste ouest-est vers l’ouest, tandis qu’au début de la matinée et en fin de soirée la plupart des décollages se font depuis la piste nord-sud dans la direction du nord. Les avions à l’atterrissage utilisent majoritairement la piste nord-ouest sud-est en venant du nord-est. Étant donné la proximité de la frontière allemande, tous les vols atterrissant à Zurich du nord ou du nord-ouest doivent utiliser l’espace aérien allemand lors de leur atterrissage.
8 L’utilisation de l’espace aérien allemand pour approcher et quitter l’aéroport de Zurich était régie par un accord bilatéral entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne du 17 septembre 1984, que la République fédérale d’Allemagne a dénoncé le 22 mars 2000 avec effet au 31 mai 2001, à la suite de problèmes de mise en oeuvre. La République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse ont signé par la suite un nouvel accord le 18 octobre 2001, qui n’a toutefois pas été ratifié. En Suisse, le Conseil national a voté contre la ratification le 19 juin 2002, tandis que le Conseil des États a renvoyé le texte à la commission des transports le 12 décembre 2002. En Allemagne, le Bundestag (assemblée fédérale) a approuvé le nouvel accord bilatéral le 17 mai 2002, mais le Bundesrat (sénat fédéral) s’y est opposé le 12 juillet 2002. Cet accord bilatéral n’était toujours pas ratifié au 5 décembre 2003.
9 Le 15 janvier 2003, les autorités fédérales allemandes de l’aviation ont publié le 213e règlement d’application de la réglementation allemande en matière de trafic aérien établissant des procédures pour les atterrissages et décollages aux instruments à l’aéroport de Zurich (ci-après le « 213e RA »). Le 213e RA prévoyait un certain nombre de limitations pour l’approche de l’aéroport de Zurich à compter du 18 janvier 2003.
10 Le 4 avril 2003, les autorités fédérales allemandes de l’aviation ont publié le premier règlement modifiant le 213e RA. Cette modification est entrée en vigueur le 17 avril 2003.
11 Les mesures allemandes visaient, en substance, à empêcher, dans des conditions météorologiques normales, le survol à basse altitude du territoire allemand près de la frontière suisse entre 21 heures et 7 heures les jours ouvrables et entre 20 heures et 9 heures les week-ends et les jours fériés, afin de réduire le bruit auquel la population locale était exposée. En conséquence, les deux approches d’atterrissage par le nord, qui constituaient précédemment les approches principales utilisées par les avions atterrissant à l’aéroport de Zurich, n’étaient plus possibles pendant ces heures.
12 Le 213e RA comprenait par ailleurs deux autres mesures destinées à réduire les nuisances sonores aux alentours de la frontière entre l’Allemagne et la Suisse.
13 Premièrement, concernant l’approche de l’aéroport par l’est, l’article 2, paragraphe 6, deuxième alinéa, du 213e RA établissait certaines altitudes minimales de vol à respecter pendant les heures susvisées.
14 Deuxièmement, l’article 3 du 213e RA prévoyait que le décollage en direction du nord devait être effectué de façon à respecter, lors de l’entrée sur le territoire allemand, des altitudes minimales de vol différentes selon le moment du décollage. Ainsi, si l’appareil décollait aux heures susmentionnées, il lui fallait d’abord se dérouter avant la frontière allemande pour n’entrer sur le territoire allemand qu’après avoir atteint l’altitude minimale de vol prescrite.
15 Le 10 juin 2003, la Confédération suisse a demandé à la Commission des Communautés européennes de prendre une décision (ci-après la « plainte ») afin que :
– la République fédérale d’Allemagne ne puisse pas continuer à appliquer le 213e RA, tel que modifié par le premier règlement de modification du 4 avril 2003,
– la République fédérale d’Allemagne suspende l’application du 213e RA jusqu’à ce qu’elle ait pris une décision.
16 Le 26 juin 2003, les autorités allemandes et suisses ont conclu un accord sur différentes questions touchant à l’application du 213e RA (ci-après l’« accord du 26 juin 2003 »).
17 Dans le cadre de l’accord du 26 juin 2003, la République fédérale d’Allemagne a accepté de suspendre jusqu’au 30 octobre 2003 la mise en œuvre des dispositions du premier règlement modifiant le 213e RA qui devaient entrer en vigueur le 10 juillet 2003. Elle a indiqué que des modifications de l’accord du 26 juin 2003 étaient possibles lors du réexamen des conditions météorologiques dans lesquelles l’atterrissage sur les pistes 14 et 16 est autorisé. La République fédérale d’Allemagne supprimera par ailleurs les procédures d’attente EKRIT et SAFFA. La Confédération suisse s’est quant à elle engagée à créer des procédures d’attente correspondantes avant février 2005.
18 Le 20 juin 2003, la Commission a demandé aux autorités allemandes de présenter leurs observations concernant la plainte. Par lettre du même jour, la Commission a demandé aux autorités suisses de fournir des informations supplémentaires. La République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission par lettre du 30 juin 2003 l’accord du 26 juin 2003. La République fédérale d’Allemagne a indiqué dans cette lettre qu’elle déduisait de l’accord du 26 juin 2003 que la plainte était nulle et qu’elle attendait que la Commission mette un terme à la procédure engagée. Le 27 juin 2003, les autorités suisses ont également notifié à la Commission l’accord du 26 juin 2003, tout en précisant qu’il était sans conséquences sur la plainte.
19 Par lettre du 4 juillet 2003, la Confédération suisse a annoncé qu’elle collectait les informations supplémentaires demandées par la Commission et évaluait l’incidence de l’accord du 26 juin 2003 sur les mesures provisoires demandées dans la plainte. Le 14 juillet 2003, la Commission a demandé aux autorités suisses de préciser si des modifications pouvaient être apportées à la plainte compte tenu du fait que les mesures sur la base desquelles la Confédération suisse avait justifié la demande de mesures provisoires avaient été suspendues jusqu’au 30 octobre 2003. Le 24 juillet 2003, les autorités suisses ont fourni des informations supplémentaires en réponse à la demande de la Commission du 20 juin 2003. Elles ont également précisé qu’elles souhaitaient maintenir la demande de mesures provisoires. La Commission a demandé d’autres informations complémentaires par lettre du 12 août 2003, lesquelles lui ont été communiquées par lettre du 17 septembre 2003.
20 Le 16 juillet 2003, la Commission a écrit aux autorités allemandes, en les informant que la Confédération suisse souhaitait maintenir la plainte et en renouvelant la demande d’observations sur les allégations des autorités suisses. Par lettre du 28 août 2003, les autorités allemandes ont transmis les observations demandées. Le 6 octobre 2003, les autorités allemandes ont également communiqué leurs observations sur la lettre du 17 septembre 2003 des autorités suisses ainsi que le second amendement au 213e RA.
21 Une communication des griefs a été envoyée aux autorités suisses et allemandes pour observations le 14 octobre 2003. La République fédérale d’Allemagne a soumis ses observations le 20 octobre 2003 et a maintenu sa réserve sur l’applicabilité du règlement n° 2408/92. Le 21 octobre 2003, la Confédération suisse a adressé ses observations sur la communication des griefs ainsi que sur la lettre des autorités allemandes du 28 août 2003.
22 Le 27 octobre 2003, la Commission a communiqué par lettre un projet de décision sur lequel la Confédération suisse a pu présenter ses observations lors de la séance du comité consultatif « Accès au marché (transport aérien) » du 4 novembre 2003.
Décision attaquée
23 Le 5 décembre 2003, la Commission a arrêté la décision 2004/12/CE, relative à l’application de l’article 18, paragraphe 2, première phrase, de l’accord et du règlement n° 2408/92 (Affaire TREN/AMA/11/03 – Mesures allemandes concernant les approches de l’aéroport de Zurich) (JO 2004, L 4, p. 13, ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :
« Article premier
[La République fédérale d’]Allemagne peut continuer à appliquer le 213e [RA], modifié par le premier règlement modificatif du 4 avril 2003.
Article 2
La République fédérale d’Allemagne est destinataire de la présente décision. »
24 Dans la motivation de la décision attaquée, la Commission constate tout d’abord que, aux termes de l’article 18, paragraphe 2, de l’accord, elle dispose des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 8 et 9 du règlement n° 2408/92. Étant donné le champ d’application de l’accord, ces pouvoirs sont néanmoins limités à l’exercice des droits de trafic entre la Confédération suisse et la Communauté, à l’exclusion des vols à l’intérieur de la Communauté, à l’intérieur de la Suisse, ainsi que des vols entre la Suisse et des pays tiers et entre la Communauté et des pays tiers.
25 La Commission expose ensuite qu’elle a déjà appliqué plusieurs fois l’article 8 à des cas limités à la Communauté et qu’elle a examiné la conformité de ces cas, d’une part, aux principes généraux de la libre prestation des services, à savoir les principes de non-discrimination et de proportionnalité, et, d’autre part, aux autres dispositions du droit communautaire. Elle précise à cet égard que, afin que les mesures qui constituent des restrictions à la libre prestation des services puissent être autorisées au regard des dispositions du règlement n° 2408/92, elles doivent être justifiées et, notamment, proportionnées à l’objectif en vue duquel elles ont été adoptées.
26 La Commission indique que, à défaut de clarification de la base juridique de la plainte, elle examinera les mesures allemandes en vertu notamment de l’article 8, paragraphes 2 à 4, et de l’article 9 du règlement n° 2408/92. Elle souligne que le 213e RA est une règle d’exploitation nationale publiée, relative à la sécurité et à la protection de l’environnement, qui, en tant que telle, entre dans le champ d’application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92. La Commission ajoute que l’application de l’article 8, paragraphes 2 à 4, du règlement n° 2408/92 doit être envisagée dans le cadre et à la lumière de l’objectif de l’accord et dudit règlement. Il en découle comme conséquences que les pouvoirs conférés à la Commission par l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92 sont limités aux mesures qui touchent les opérations du transporteur aérien, c’est-à-dire aux « cas susceptibles de concerner les services aériens », au sens de l’article 18, paragraphe 2, de l’accord.
27 La Commission affirme ensuite que, selon l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, un État membre ne peut appliquer une action au titre du paragraphe 1 dudit article que si aucun autre État membre concerné ni la Commission n’ont contesté cette action dans un délai d’un mois à partir de la réception de l’information notifiée à ce sujet par le premier État membre. Cette notification doit avoir lieu au moins trois mois avant l’application de la mesure proposée. Les autorités allemandes n’ayant rien notifié, la Commission conclut qu’elle ne peut pas appliquer l’article 9 à l’examen des règles d’exploitation allemandes. La Commission indique qu’elle examinera donc les mesures allemandes sur la base de l’article 8, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2408/92.
28 S’agissant du principe de non-discrimination, la Commission affirme que ce principe s’applique clairement au cas d’espèce en vertu de l’article 3 de l’accord.
29 La Commission constate, à cet égard, que l’exploitation de réseaux en étoile est désormais répandue parmi les transporteurs aériens. Le système en étoile leur permettrait d’obtenir une couverture totale du marché des transports aériens, en fournissant des services entre deux aéroports quelconques desservis depuis l’aéroport central sans devoir supporter les investissements exigés par les services directs. Les transporteurs aériens qui utilisent un aéroport donné comme plaque tournante posséderaient généralement une part très élevée du trafic dans cet aéroport. Par conséquent, selon la Commission, il est certain que toute restriction aura automatiquement plus de répercussions sur le transporteur dominant de l’aéroport que sur ses concurrents. Cette différence ne semblerait pas constituer en soi une discrimination.
30 La Commission parvient à la même conclusion quant à l’existence d’une discrimination indirecte. En effet, pour qu’une discrimination indirecte existe, les mesures allemandes devraient affecter, parmi les vols entrant dans le champ d’application de l’accord, c’est-à-dire uniquement les vols entre la Communauté et la Suisse, d’une façon prédominante les vols opérés par les transporteurs suisses. Or, cela ne serait manifestement pas le cas des vols pendant les heures visées par les mesures allemandes, puisque les transporteurs suisses et communautaires sont touchés d’une manière exactement proportionnelle à leurs parts de vols entrant dans le champ d’application de l’accord, étant donné que tous les vols entre la Communauté et la Suisse sont affectés de la même manière, quelle que soit la nationalité du transporteur. Par conséquent, les mesures allemandes ne pourraient être considérées comme discriminatoires.
31 Même en supposant qu’il existe une éventuelle discrimination entre l’aéroport de Zurich et les aéroports allemands, ou entre la population dans les zones suisses concernées et celle dans les zones allemandes concernées, cette discrimination tomberait en dehors du champ d’application de l’analyse que doit effectuer la Commission en l’espèce.
32 La Commission constate par ailleurs que, contrairement au principe de non-discrimination, le principe de proportionnalité n’est pas spécifiquement mentionné dans l’accord. Selon la Commission, l’accord prévoit simplement un échange des droits de trafic, de sorte que la libre prestation des services au sens des articles 49 CE et 51 CE n’existe pas dans le cadre de l’accord. Néanmoins, étant donné que le principe de proportionnalité a été appliqué dans des affaires antérieures et compte tenu de la nature ambiguë des dispositions de l’accord, elle examine le principe de proportionnalité à titre subsidiaire afin de déterminer si, dans le cas où il aurait été applicable, les mesures allemandes ne l’auraient pas respecté.
33 La Commission débute son analyse à cet égard en relevant que le principe de proportionnalité n’est pas un critère qu’elle doit utiliser dans le cadre de l’accord et que l’arrêt de la Cour du 18 janvier 2001, Italie/Commission (C-361/98, Rec. p. I-385, ci-après l’« arrêt Malpensa »), n’a pas été notifié ni examiné au sein du comité des transports aériens Communauté/Suisse, prévu à l’article 21, paragraphe 1, de l’accord (ci-après le « Comité mixte ») et ne peut donc pas fournir d’orientations pour l’interprétation de l’accord.
34 La Commission considère que les mesures allemandes ne sont pas disproportionnées. Les longues négociations entre la République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse fourniraient la preuve que les mesures sont réellement nécessaires, bien que la Confédération suisse avance que les niveaux sonores en Allemagne ne dépassent pas les valeurs limites applicables pour les émissions acoustiques. En effet, les États membres seraient en principe libres de prendre des mesures pour ramener les niveaux de bruit en deçà des limites en fonction des circonstances locales. Par ailleurs, la Commission indique que la zone allemande survolée par les avions à l’approche de Zurich est une destination touristique importante et, à ce titre, particulièrement vulnérable aux émissions sonores.
35 La Commission ajoute que la République fédérale d’Allemagne n’a aucune autorité sur l’aéroport de Zurich, puisqu’il est situé en territoire suisse. Seule la Confédération suisse aurait l’autorité requise pour imposer ces mesures, y compris l’installation des équipements nécessaires. La Commission indique, en effet, que l’un des objectifs des négociations entre la République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse avait pour but d’assurer que cette dernière prendrait les mesures appropriées, dans le cadre de ses pouvoirs, ce qui n’avait pas été fait au cours des 20 dernières années.
36 La Commission conteste l’argument de la Confédération suisse selon lequel la capacité de l’aéroport de Zurich serait significativement réduite par rapport aux nombres maximaux de mouvements avant l’application des mesures allemandes. En effet, même en l’absence des mesures allemandes, le système utilisé pour les vols entre 21 heures et 7 heures aurait une capacité moyenne de seulement 25 atterrissages et décollages. La Commission estime que l’impact éventuel porterait tout au plus sur une période de trois heures durant les fins de semaine et les jours fériés.
37 Quant à l’existence de mesures moins onéreuses pour obtenir la réduction du bruit souhaitée, la Commission affirme que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas d’autres moyens à sa disposition.
38 À la lumière des informations dont elle dispose, la Commission conclut que, même si le principe de proportionnalité était applicable en l’espèce, ce qu’elle conteste, ce principe n’aurait pas été enfreint par les mesures allemandes en cause.
39 En ce qui concerne la conformité de ces mesures avec les autres dispositions de l’accord, la Commission affirme ne pas disposer du pouvoir d’examiner les éventuelles infractions à l’accord en dehors des limites fixées par l’article 18, paragraphe 2, première phrase, de l’accord.
40 La Commission ajoute que l’allégation suisse selon laquelle le 213e RA enfreindrait l’article 17 de l’accord est inopérante dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne n’est pas partie à l’accord, de sorte que cette disposition ne lui est pas applicable.
41 La Commission estime par ailleurs que l’argument relatif à la directive 2002/30 n’est pas non plus pertinent. Étant donné que la directive 2002/30 a été adoptée postérieurement à la conclusion de l’accord, le Comité mixte aurait dû se prononcer à son propos conformément à l’article 23 de l’accord sur le transport aérien, pour qu’elle puisse s’appliquer conformément aux objectifs de l’accord, ce qui n’aurait pas encore été fait, contrairement à ce que déclare la Confédération suisse dans sa lettre du 21 octobre 2003. Cependant, même si elle avait été intégrée à l’accord, la Commission souligne que, conformément à l’article 4 de la directive, les États membres adoptent une approche équilibrée de la gestion du bruit dans les aéroports situés sur leur territoire.
Procédure et conclusions des parties
42 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 février 2004, et enregistrée sous la référence C-70/04, la Confédération suisse a introduit le présent recours.
43 Par ordonnance du président de la Cour du 21 juillet 2004, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.
44 Par ordonnance du 14 juillet 2005, Suisse/Commission (C-70/04, non publiée au Recueil), la Cour a renvoyé cette affaire devant le Tribunal. Dans cette ordonnance, la Cour indique (point 21), que, à supposer que la Confédération suisse doive être assimilée aux États membres, force est de constater que les recours introduits par les États membres à l’encontre d’une décision de la Commission relèvent désormais en première instance de la compétence du Tribunal, dès lors qu’il s’agit de recours visés à l’article 230 CE qui, au sens de l’article 225 CE, ne sont pas attribués à une chambre juridictionnelle et ne sont pas non plus réservés à la Cour en vertu de l’article 51 du statut de cette dernière, dans sa version résultant de la décision 2004/407/CE, Euratom du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5, rectificatif JO L 194, p. 3).
45 La Cour ajoute (point 22) que, si la Confédération suisse devait, au regard notamment du contexte particulier de l’accord sur le transport aérien, être assimilée non pas à un État membre, mais à une personne morale au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, le recours relèverait également en première instance de la compétence du Tribunal dans les conditions prévues par cette disposition du traité et, partant, devrait être renvoyé à ce dernier en application de l’article 54, deuxième alinéa, du statut de la Cour.
46 Dans ces conditions, la Cour a décidé que, en tout état de cause, le recours devait être porté en première instance devant le Tribunal en application soit de la décision 2004/407, soit de l’article 54, deuxième alinéa, du statut de la Cour.
47 Par ordonnance du 7 juillet 2006, le Tribunal a admis la demande d’intervention du Landkreis Waldshut au soutien des conclusions de la Commission. Le Landkreis Waldshut est la région allemande située à proximité de la frontière suisse que survolent les avions approchant l’aéroport de Zurich et que les mesures allemandes qui font l’objet de la décision attaquée entendent protéger contre les nuisances sonores.
48 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
49 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 septembre 2009.
50 La Confédération suisse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer nulle et non avenue la décision attaquée ;
– condamner la Commission et le Landkreis Waldshut aux dépens.
51 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la Confédération suisse aux dépens.
52 La République d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
53 Le Landkreis Waldshut conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la Confédération suisse aux dépens, y compris ses dépens extrajudiciaires.
En droit
54 À titre liminaire, il convient de relever que, dans son mémoire en intervention, le Landkreis Waldshut a demandé au Tribunal d’examiner d’office la recevabilité du recours et de le déclarer irrecevable au motif, notamment, que la Confédération suisse ne saurait être assimilée à un État membre de la Communauté et qu’elle ne serait pas non plus directement et individuellement concernée par la décision attaquée.
55 Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité du présent recours dès lors qu’il doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C-23/00 P, Rec. p. I-1873, point 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C-233/02, Rec. p. I-2759, point 26).
56 À cet égard, il convient de relever que, à l’appui de son recours, la Confédération suisse a invoqué, en substance, trois moyens. Le premier est tiré de la violation de ses droits de la défense. Le deuxième est tiré de la violation de l’article 9 du règlement n° 2408/92. Le troisième est tiré de la violation, d’une part, des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de libre prestation des services dans le secteur du transport aérien et, d’autre part, de l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 17 de l’accord.
Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense de la Confédération suisse
Arguments des parties
57 La Confédération suisse fait valoir que la Commission a violé son droit d’être entendue avant l’adoption de la décision attaquée, dès lors qu’elle lui a fixé, pour la présentation de ses observations sur la communication des griefs adressée à la République fédérale d’Allemagne, un délai de seulement cinq jours ouvrables. Ce bref délai n’aurait pas permis à la Confédération suisse de procéder à un examen détaillé des arguments de la Commission et de défendre efficacement son point de vue. La Confédération suisse aurait d’ailleurs invoqué, dans ses observations sur la communication des griefs, une violation de ses droits de la défense. La fixation d’un délai aussi bref pour la présentation des observations de la Confédération suisse sur la communication des griefs serait d’autant plus incompréhensible que la Commission n’aurait manifestement pas reconnu à l’affaire un caractère particulièrement urgent.
58 La Commission et les intervenants contestent les arguments de la Confédération suisse.
Appréciation du Tribunal
59 Il y a lieu de rappeler que la Confédération suisse est l’auteur de la plainte ayant donné lieu à la communication des griefs et, ensuite, à la décision attaquée et que ladite décision ne lui est pas adressée, mais qu’elle l’est à la République fédérale d’Allemagne.
60 À supposer que, en raison de sa seule qualité d’auteur de la plainte en question, la Confédération suisse puisse se prévaloir d’un droit d’être entendue sur la communication des griefs, force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, ce droit n’a pas été violé.
61 Il est vrai que le délai de cinq jours ouvrables fixé par la Commission pour la présentation des observations de la Confédération suisse sur la communication des griefs apparaît relativement court.
62 Il n’en demeure pas moins que la Confédération suisse a pu déposer, avant l’expiration de ce délai, un mémoire d’observations sur la communication des griefs, comportant onze pages, assorti d’un second mémoire, comptant treize pages et contenant ses observations sur la lettre des autorités allemandes du 28 août 2003, évoquée au point 20 ci-dessus.
63 Certes, dans la partie introductive de son mémoire d’observations sur la communication des griefs, la Confédération suisse reproche à la Commission une violation de ses droits de la défense, au motif que le délai qui lui avait été fixé serait trop court. Elle y ajoute qu’elle n’est pas en mesure d’analyser toutes les questions posées par la communication des griefs, mais se limitera à certains thèmes qui présenteraient une importance centrale pour elle.
64 Toutefois, dans son recours, la Confédération suisse s’est contentée d’invoquer, de manière générale, une violation de ses droits de la défense, sans identifier aucune question non abordée dans son mémoire d’observations sur la communication des griefs, en raison du caractère bref du délai fixé pour la présentation de ce mémoire.
65 En outre, il y a lieu de relever que la Confédération suisse a également eu l’occasion de présenter son point de vue sur la communication des griefs lors de la séance du comité consultatif « Accès au marché (transport aérien) » du 4 novembre 2003.
66 Enfin, il ne ressort pas du dossier, et la Confédération suisse n’avance d’ailleurs pas, qu’elle a demandé à la Commission la prorogation du délai en cause.
67 Dans ces conditions, il convient de conclure que le présent moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 9 du règlement no 2408/92
Arguments des parties
68 La Confédération suisse fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les mesures allemandes litigieuses ne devaient être analysées que sous l’angle de leur conformité avec l’article 8, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2408/92. Elle aurait, ainsi, exclu l’application de l’article 9, paragraphe 3, du même règlement, au motif que les autorités allemandes ne l’auraient pas informée de la mise en œuvre desdites mesures.
69 Or, selon la Confédération suisse, dans la mesure où la Commission fait dépendre l’application de l’article 9 du règlement n° 2408/92 de la notification, par un État, des mesures qu’il a prises, elle permet à ce même État de choisir lui-même les critères d’appréciation de son comportement. Par ailleurs, il ressortirait du considérant 12 de la décision attaquée que, en l’espèce, la République fédérale d’Allemagne aurait, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 32 de la même décision, notifié à la Commission le second règlement portant modification du 213e RA.
70 La Confédération suisse considère que l’article 9 du règlement n° 2408/92 constitue, par rapport à l’article 8, du même règlement, une lex specialis. Selon elle, les mesures allemandes litigieuses relèvent bien du champ d’application de l’article 9 susvisé, dans la mesure où elles constituent une restriction intentionnelle de la possibilité d’approcher l’aéroport de Zurich en survolant l’espace aérien allemand et équivalent, donc, en pratique, à une limitation des droits de trafic.
71 Les conditions prévues à l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2408/92 pour l’adoption de telles mesures ne seraient pas remplies et, d’ailleurs, la République fédérale d’Allemagne n’aurait pas respecté la procédure prévue au paragraphe 3 de cet article, pour la notification des mesures qu’elle avait adoptées. De plus, lesdites mesures affecteraient de manière disproportionnée la compagnie aérienne suisse Swiss et constitueraient donc une discrimination à son détriment. Par conséquent, dans la mesure où elle disposerait que la République fédérale d’Allemagne pourrait continuer à appliquer lesdites mesures, la décision attaquée aurait été adoptée en violation de l’article 9 du règlement n° 2408/92.
72 Dans son mémoire en réplique, la Confédération suisse ajoute que, au lieu de défendre la thèse de la décision attaquée selon laquelle l’article 9 du règlement n° 2408/92 n’est pas applicable aux mesures allemandes litigieuses, au motif que les autorités allemandes n’avaient pas notifié lesdites mesures, la Commission avance une thèse différente, selon laquelle ladite disposition s’appliquerait aux seules restrictions visant à résoudre des problèmes graves qui ne toucheraient pas uniquement aux conditions d’accès au marché. Selon la Confédération suisse, il s’agit d’une nouvelle motivation, qui ne figure pas dans la décision attaquée. Or, la substitution des motifs de l’acte attaqué en cours d’instance ne saurait être admise. Par ailleurs, cette substitution des motifs témoignerait de l’insuffisance de la motivation avancée dans la décision attaquée, pour justifier la non-application de l’article 9 du règlement n° 2408/92 aux mesures allemandes litigieuses.
73 La Commission et les intervenants contestent les arguments de la Confédération suisse.
Appréciation du Tribunal
74 Il convient de rappeler que, ainsi que le prévoit l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92, l’exercice des droits de trafic, au sens de l’article 2, sous f), du même règlement, est notamment soumis aux règles d’exploitation nationales concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires. Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, la Commission examine, de sa propre initiative ou à la demande d’un État membre, l’application, notamment, du paragraphe 2 du même article, s’agissant d’une mesure particulière appliquée par un État membre, et décide si ledit État peut continuer à appliquer cette mesure.
75 Quant à l’article 9 du règlement n° 2408/92, il vise une catégorie plus particulière de règles d’exploitation applicables à l’exercice des droits de trafic au sens susvisé, à savoir, aux termes de son paragraphe 1, les règles d’exploitation qui imposent des conditions, limitent ou refusent l’exercice des droits de trafic. Il résulte de cette définition des mesures visées par l’article 9 du règlement n° 2408/1992 que celles-ci comportent, en substance, une interdiction, à tout le moins conditionnelle ou partielle, de l’exercice des droits de trafic.
76 Comme le fait donc valoir, à juste titre, la Confédération suisse, l’article 9 du règlement n° 2408/92 constitue, par rapport à l’article 8 du même règlement, une lex specialis, en ce sens que l’article 9 vise une partie seulement des mesures visées par l’article 8 et soumet l’application des mesures concernées à des conditions additionnelles, non prévues par l’article 8.
77 En effet, les mesures visées par l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92 ne peuvent être appliquées par un État membre que si les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2 dudit article sont remplies et si, de surcroît, l’État membre en question se conforme à son obligation, prévue au paragraphe 3 du même article, d’informer, au moins trois mois avant leur application, les autres États membres et la Commission de la nécessité de l’application desdites mesures.
78 Ce n’est que dans l’hypothèse d’une telle information, transmise par l’État membre qui envisage d’appliquer les mesures en cause aux autres États membres et à la Commission, que l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 2408/92, devient applicable. Cette disposition prévoit l’examen, par la Commission, de sa propre initiative ou à la demande d’un autre État membre, du caractère conforme des mesures en question tant au règlement n° 2408/92 que, plus généralement, au droit communautaire.
79 En revanche, à défaut d’une telle information, les mesures en question ne peuvent être appliquées par l’État concerné, quand bien même les conditions pour leur adoption, prévues à l’article 9, paragraphes 1 et 2, seraient remplies.
80 Si l’État membre concerné applique, néanmoins, de telles mesures, la Commission est en droit de les examiner non pas en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 2408/92, dont les conditions d’application ne sont pas remplies, mais en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du même règlement. En effet, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 76 ci-dessus, les mesures visées par l’article 9 du règlement n° 2408/92 constituent une catégorie particulière des mesures visées par l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, ce dernier article leur est également applicable.
81 Il convient en outre de relever que, dans l’hypothèse de l’application, par un État membre, des mesures relevant de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92, sans respecter la procédure prévue au paragraphe 3 du même article, l’examen desdites mesures en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92 ne peut qu’aboutir à la conclusion que l’État membre concerné ne peut pas continuer à les appliquer (voir point 80 ci-dessus).
82 En premier lieu, il convient de constater que les mesures faisant l’objet de la décision attaquée n’ont pas été notifiées à la Commission. Par ailleurs, il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que la République fédérale d’Allemagne peut continuer à appliquer le 213e RA, modifié par le premier règlement modificatif du 4 avril 2003, et que cette même décision ne vise nullement le second règlement du 1er octobre 2003, portant modification du 213e RA.
83 Il s’ensuit que, quand bien même la communication de ce second règlement par la République fédérale d’Allemagne à la Commission, évoquée au considérant 12 de la décision attaquée, aurait pour objectif d’informer la Commission, au sens de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, que l’application de ce second règlement était nécessaire, ce fait ne saurait remettre en cause la constatation, au considérant 32 de la décision attaquée, selon laquelle les mesures faisant l’objet de cette décision, à savoir le 213e RA tel que modifié par le premier règlement modificatif, n’avaient pas été notifiées à la Commission en application de l’article 9 du règlement n° 2408/92.
84 S’agissant de l’argumentation de la Confédération suisse relative à une prétendue substitution des motifs de la décision attaquée en cours d’instance, laquelle témoignerait de l’insuffisance de la motivation contenue dans la décision attaquée (voir point 72 ci-dessus), il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, la constatation dans la décision attaquée de l’absence de notification, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, des mesures allemandes en cause constitue une motivation suffisante, qui justifie l’absence d’examen desdites mesures en application du paragraphe 4 du même article. Par ailleurs, les explications avancées dans le mémoire en défense de la Commission relatives à la nature des mesures qui relèvent du champ d’application dudit article visent seulement à répondre à l’allégation en ce sens exposée dans la requête et n’équivalent donc pas à une substitution des motifs de ladite décision en cours d’instance.
85 En second lieu, ne saurait prospérer l’argument de la Confédération suisse selon lequel la Commission aurait commis une erreur de droit, en ne concluant pas que les mesures allemandes en cause relevaient de la catégorie des mesures visées à l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92 et que, par conséquent, la République fédérale d’Allemagne ne pourrait continuer à les appliquer, faute d’avoir respecté la procédure prévue au paragraphe 3, du même article.
86 En effet, ainsi qu’il ressort de la lecture combinée des considérants 1 à 6 et 44 de la décision attaquée, les mesures allemandes en cause n’impliquent nullement, pendant leur période d’application, une quelconque interdiction de passage à travers l’espace aérien allemand des vols au départ ou à destination de l’aéroport de Zurich.
87 Ces mesures se bornent, en substance, à empêcher, pendant la période de leur application, le survol à basse altitude de la partie du territoire allemand proche de la frontière suisse (considérant 6 de la décision attaquée), alors que le survol du même territoire à une altitude plus élevée demeure toujours possible. Elles impliquent donc en substance et ainsi que le relève la Commission au considérant 44 de la décision attaquée, sans être contredite par la Confédération suisse, une simple modification de la trajectoire des vols concernés, après leur décollage ou avant leur atterrissage à l’aéroport de Zurich.
88 Quand bien même ces mesures conduiraient à une diminution de la capacité de l’aéroport de Zurich et pourraient ainsi être qualifiées de restrictions, elles ne relèvent pas, contrairement à l’affirmation de la Confédération suisse, du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 75 ci-dessus), les mesures concernées par cette dernière disposition sont caractérisées par le fait qu’elles impliquent une interdiction des vols, fût-elle conditionnelle ou partielle.
89 Il doit être précisé à cet égard que, si un État exige le respect de ses règles d’exploitation nationales, régionales ou locales publiées, relatives, notamment, à la protection de l’environnement, afin d’autoriser l’exercice des droits de trafic au sens du règlement n° 2408/92, cela n’équivaut pas à l’imposition d’une condition, au sens de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, pour l’exercice de ces droits. Si tel était le cas, l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement serait complètement privé de sens. Les conditions visées par l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92 sont plutôt celles qui font dépendre l’exercice des droits de trafic de circonstances autres que le simple respect des règles nationales, régionales ou locales publiées. Ainsi, l’exigence de la preuve de la viabilité commerciale d’une nouvelle liaison aérienne proposée, ou de l’inexistence d’autres modes de transports satisfaisants pour cette même liaison, constituent des exemples de conditions susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92.
90 Aucune erreur de droit ne saurait, par conséquent, être reprochée à la Commission, au motif qu’elle n’aurait pas considéré que les mesures allemandes en question relevaient du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92.
91 Il s’ensuit que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation, d’une part, des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de libre prestation des services dans le secteur du transport aérien et, d’autre part, de l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 17 de l’accord
Arguments des parties
92 En premier lieu, la Confédération suisse reproche à la Commission une violation du principe d’égalité de traitement. À cet égard, premièrement, elle fait valoir que la Commission a considéré, à tort, au considérant 40 de la décision attaquée qu’une hypothétique discrimination au détriment de l’aéroport de Zurich ou de ses riverains tomberait en dehors du champ d’application de l’accord. Les intérêts de l’aéroport de Zurich et de ses riverains constituent, selon la Confédération suisse, des « objets directement liés » au transport aérien et relèvent ainsi du champ d’application de l’accord, aux termes de son article 2. Par ailleurs, le rôle de la Commission dans l’application de l’accord ne se limiterait pas à l’exercice des pouvoirs résultant de l’article 18, paragraphe 2, de l’accord. En effet, aux termes du paragraphe 1 du même article, la Commission serait responsable de l’application de cet accord sur le territoire communautaire.
93 La Confédération suisse ajoute que l’adoption, sur la base du règlement n° 2408/92, d’une mesure tendant à assurer l’accès au marché du transport aérien nécessite la prise en considération non seulement des intérêts des compagnies aériennes, mais également des droits et intérêts d’autres groupes affectés par ladite mesure. Le fait que la Commission elle-même justifie les mesures allemandes litigieuses par référence aux intérêts du secteur touristique de la région allemande limitrophe de l’aéroport de Zurich confirmerait cette thèse.
94 Il s’ensuit, selon la Confédération suisse, que la Commission aurait dû procéder à une comparaison entre les mesures allemandes litigieuses, relatives à l’aéroport de Zurich, et celles adoptées par la République fédérale d’Allemagne, s’agissant de ses propres aéroports, notamment ceux de Munich (Allemagne) et de Francfort sur-le-Main (Allemagne), et ce d’autant plus que le libre accès à un aéroport constitue une condition indispensable de la mise en œuvre des droits de trafic des compagnies aériennes.
95 Une telle comparaison révélerait que les mesures adoptées par la République fédérale d’Allemagne à l’égard de l’aéroport de Zurich seraient beaucoup plus restrictives que celles adoptées à l’égard des aéroports allemands, notamment ceux de Munich et de Francfort sur-le-Main. En effet, l’adoption de mesures analogues pour les aéroports allemands serait interdite par le droit allemand.
96 Deuxièmement, la Confédération suisse conteste la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle les mesures allemandes en cause ne conduiraient pas à une discrimination indirecte au détriment de la compagnie aérienne suisse Swiss. Elle fait valoir, à cet égard, que les mesures allemandes en cause désavantagent principalement et de manière disproportionnée cette dernière compagnie, laquelle, comme l’admet la décision attaquée, utilise l’aéroport de Zurich comme plaque tournante de son réseau en étoile. Le fait qu’aucune mesure analogue n’ait été adoptée s’agissant des aéroports de Munich et de Francfort sur-le-Main, utilisés par la compagnie aérienne allemande Lufthansa comme plaques tournantes de son propre réseau en étoile, confirmerait le caractère discriminatoire des mesures litigieuses.
97 Troisièmement, la Confédération suisse conteste la considération de la décision attaquée (considérant 42), selon laquelle les mesures allemandes en cause contre les nuisances sonores seraient nécessaires pour la protection d’une destination touristique importante. Elle fait valoir, à cet égard, que ses seules négociations avec la République fédérale d’Allemagne ne prouveraient pas que les mesures litigieuses aient été juridiquement nécessaires. La Confédération suisse aurait participé à ces négociations pour des raisons politiques et non juridiques.
98 En outre, la Commission n’aurait pas vérifié si la nuisance sonore dans la zone du territoire allemand concernée par les mesures litigieuses était d’une gravité telle qu’elle justifierait l’adoption de ces mesures. La Confédération suisse soutient qu’elle avait produit, à l’appui de sa plainte, des calculs détaillés du Laboratoire suisse d’essai de matériaux et de recherches (EMPA), lesquels prouveraient le contraire. Elle aurait également souligné, dans la plainte, que la plupart des vols au-dessus de la zone concernée par les mesures allemandes en cause seraient des vols à l’atterrissage, effectués à moteur réduit, ce qui atténuerait la nuisance sonore. De plus, ces vols traverseraient la zone en question à une altitude relativement élevée. Ce ne serait qu’au-dessus de la frontière rhénane entre l’Allemagne et la Suisse que l’approche finale à l’atterrissage commencerait, à une altitude de quelque 800 mètres.
99 Par ailleurs, la décision attaquée ignorerait le fait que la nuisance sonore sur le territoire allemand concerné par les mesures en cause soit déjà inférieure aux valeurs limites suisses, qui seraient plus strictes que les valeurs correspondantes allemandes. De plus, certaines altitudes minimales de vol imposées par les mesures allemandes en cause ne seraient nullement justifiées par des motifs de protection contre le bruit, dès lors que des vols à des altitudes beaucoup plus basses ne causeraient aucun bruit.
100 La Confédération suisse ajoute que, lors de l’évaluation des mesures allemandes en cause, la Commission aurait dû s’inspirer de la directive 2002/30. Non seulement cette directive ferait référence au règlement n° 2408/92, mais elle refléterait un consensus politique s’agissant d’une approche équilibrée de la gestion du bruit des avions.
101 La Confédération suisse conteste à cet égard les motifs invoqués au considérant 53 de la décision attaquée pour justifier la non-prise en compte de la directive 2002/30. Le Comité mixte aurait adopté, le 3 décembre 2003, la décision de principe d’intégrer cette directive à l’annexe de l’accord. Certes, la directive 2002/30 devrait encore être transposée en droit national. Toutefois, en vertu de l’obligation de coopération loyale résultant de l’article 17 de l’accord, la Commission, en tant que représentant de la Communauté, aurait dû tenir compte de cette directive, laquelle privilégierait, en vertu de son considérant 7, les mesures de réduction du bruit qui offrent le plus grand bénéfice pour l’environnement au moindre coût. Or, tel ne serait pas le cas des mesures allemandes en cause, lesquelles engendreraient des coûts très élevés et, de surcroît, conduiraient à une détérioration de la situation environnementale dans les zones suisses riveraines de l’aéroport de Zurich, alors que l’amélioration de la situation à la zone frontalière allemande qui en résulterait serait minime.
102 Ne saurait non plus être admise la considération de la décision attaquée selon laquelle l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/30 n’imposerait aux États membres d’adopter une approche équilibrée de la gestion du bruit que dans les aéroports situés sur leur territoire. Selon la Confédération suisse, il serait justifié, dans une perspective de droit européen, d’exiger d’un État membre d’adopter la même approche lorsqu’il adopte des mesures qui concernent un aéroport situé dans un autre État membre.
103 La Confédération suisse ajoute que la considération de la décision attaquée selon laquelle la zone concernée par les mesures allemandes litigieuses constitue une destination touristique importante est trop générale. En réalité, seules quelques communes frontalières allemandes seraient survolées par les avions au départ ou à destination de l’aéroport de Zurich, et ce à une altitude importante. En outre, la branche touristique allemande dans la région concernée tirerait un profit substantiel de la proximité de l’aéroport de Zurich. De plus, les mesures allemandes en cause impliqueraient des conséquences beaucoup plus lourdes pour plusieurs communes suisses, dont certaines ayant un nombre d’habitants très significatif, situées à proximité de l’aéroport de Zurich.
104 En deuxième lieu, la Confédération suisse conteste la conclusion de la décision attaquée (considérant 43) selon laquelle les mesures allemandes en cause ne seraient pas disproportionnées. La Confédération suisse fait valoir, à cet égard, que, bien que la Commission affirme que la République fédérale d’Allemagne ne pourrait adopter aucune mesure moins radicale, elle omet, en violation de l’obligation de motivation, d’exposer quelles autres mesures elle aurait examinées.
105 La Confédération suisse ajoute qu’il existe des mesures autres que les mesures allemandes en cause, dont notamment l’imposition d’un contingent de bruit à ne pas dépasser lors du survol du territoire allemand concerné pendant certaines heures. Un tel contingent de bruit pendant les heures de nuit aurait été imposé, à partir de l’été de 2002, pour l’aéroport de Francfort sur-le-Main.
106 La considération de la décision attaquée selon laquelle la République fédérale d’Allemagne n’aurait aucune autorité sur l’aéroport de Zurich serait, à cet égard, dépourvue de pertinence. En effet, par les mesures litigieuses, la République fédérale d’Allemagne tendrait à imposer audit aéroport une réorganisation de son système opérationnel et s’arrogerait, précisément, une telle autorité. Quant à la constatation selon laquelle la Confédération suisse aurait omis, pendant les vingt dernières années, de prendre les mesures appropriées, elle serait à la fois dépourvue de pertinence et inexacte. En réalité, la Confédération suisse aurait toujours permis la participation des communes allemandes et de leurs habitants aux enquêtes relatives à la modification de la concession de l’aéroport.
107 Par ailleurs, la décision attaquée minimiserait à tort l’impact des mesures allemandes en cause sur la capacité de l’aéroport de Zurich. D’une part, la décision attaquée ignorerait que des raisons importantes ayant trait à la topographie de l’aéroport imposeraient d’effectuer les atterrissages par le nord. Dès lors que cela ne serait plus possible lors de la période d’application des mesures allemandes en cause, la capacité de l’aéroport s’en trouverait substantiellement réduite, de sorte qu’il existerait toujours des goulots d’étranglement, empêchant la fluidité du trafic aérien pour les atterrissages prévus entre 6 heures et 6 h 30 le matin, après 21 heures ainsi qu’à partir de 8 h 30 pour les jours fériés.
108 D’autre part, s’agissant de la capacité tant de décollage que d’atterrissage de l’aéroport de Zurich, la décision attaquée tiendrait compte à tort de la capacité de pointe, laquelle ne serait qu’une valeur théorique. Selon la Confédération suisse, la décision attaquée aurait dû prendre en compte la capacité prévisible, qui serait toujours inférieure à la capacité concevable. Si cette capacité était prise en compte pour les décollages, il pourrait être constaté que, entre 7 et 8 heures et entre 20 et 21 heures, à la fin de la semaine, plus de décollages seraient prévus que ne l’autoriserait la capacité de l’aéroport de Zurich, réduite en raison de l’application des mesures allemandes en cause.
109 La décision attaquée retiendrait, à tort, que l’installation de nouveaux systèmes d’atterrissage augmenterait la capacité de l’aéroport de Zurich. Cette installation permettrait simplement la mise en œuvre des procédures d’approche modifiées, également en cas de visibilité réduite, mais n’aurait pas véritablement d’impact sur la capacité d’exploitation de l’aéroport. Quant à la constatation de la décision attaquée (considérant 47) selon laquelle il existerait une capacité significative disponible dans les heures précédant et suivant la période d’application des mesures allemandes en cause, la Confédération suisse fait valoir qu’elle méconnaît les contraintes pesant sur les compagnies aériennes et sur l’aéroport. Celles-ci imposeraient l’optimisation de l’enchaînement des vagues d’atterrissage et de décollage et feraient obstacle à un éventuel report de vols aux heures précédant ou suivant les heures de pointe.
110 La Confédération suisse ajoute que c’est à tort que la décision attaquée a analysé la situation en matière de capacité sur la seule base du plan des vols de la compagnie aérienne Swiss. Une telle approche ignorerait que les mesures allemandes en cause imposeraient à l’aéroport de Zurich un mode d’exploitation beaucoup moins performant, lequel aurait des répercussions pratiques négatives sur la capacité dudit aéroport de faire face tant à des circonstances exceptionnelles, telles que des conditions météorologiques défavorables ou la période du début des vacances, que, de manière plus générale, à l’augmentation future probable du trafic aérien.
111 En troisième lieu, la Confédération suisse reproche à la Commission une erreur de droit, en ce qu’elle aurait omis de tenir compte du fait que les conséquences négatives des mesures allemandes en cause pour l’aéroport de Zurich et pour la compagnie aérienne Swiss constitueraient une restriction à la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien.
112 La Confédération suisse conteste, à cet égard, la thèse de la Commission, exposée au considérant 35, sous b), de la décision attaquée, selon laquelle la Confédération suisse ne participe pas au marché intérieur des services aériens et que « à l’heure actuelle l’accord prévoit simplement un échange des droits de trafic » entre la Suisse et la Communauté. Cette thèse contredirait l’impression qui aurait été donnée à la Confédération suisse lors des négociations ayant abouti à la conclusion de l’accord. Elle méconnaîtrait également le fait que l’accord poursuit les mêmes objectifs que le traité CE et l’accord EEE. De plus, ainsi qu’il découlerait de l’arrêt Malpensa, point 33 supra, le règlement n° 2408/92 mettrait définitivement en œuvre la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien.
113 À cet égard, la Confédération suisse conteste la thèse de la Commission, exposée au même considérant 35, sous b), de la décision attaquée, selon laquelle l’arrêt Malpensa, point 33 supra, ne pourrait être pris en considération, dès lors qu’il serait postérieur à l’accord et qu’il n’aurait été ni communiqué à la Confédération suisse ni examiné par le Comité mixte, comme le prévoit l’article 1er, paragraphe 2, de l’accord. Selon la Confédération suisse, l’absence de communication dudit arrêt n’exclut pas sa prise en considération, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’une omission de la Commission elle-même. Par ailleurs, la décision attaquée serait, sur ce point, contradictoire, dès lors que, d’une part, elle évoquerait l’arrêt Malpensa, point 33 supra, à l’appui de la thèse selon laquelle le principe de proportionnalité ne pourrait être mis en œuvre qu’en liaison avec la libre prestation des services et, d’autre part, elle indiquerait que ledit arrêt ne peut pas être pris en considération.
114 En dernier lieu, la Confédération suisse rappelle que, dans sa plainte rejetée par la décision attaquée, elle avait reproché à la République fédérale d’Allemagne une violation de l’obligation de coopération loyale, prévue à l’article 17 de l’accord. Cette obligation aurait la même portée que celle découlant de l’article 10 CE et la jurisprudence relative à ce dernier article serait également pertinente. En refusant de tenir compte, dans la décision attaquée, de cette obligation de la République fédérale d’Allemagne, la Commission aurait violé le principe de bonne foi.
115 Le fait que seule la Communauté soit partie à l’accord n’empêcherait pas celui-ci de produire des effets également à l’égard de la République fédérale d’Allemagne. En effet, cette dernière serait, en vertu de l’article 300, paragraphe 7, CE, liée par l’accord et il lui incomberait, selon la jurisprudence, d’assurer le respect des obligations qui en découleraient.
116 La non-ratification de l’accord entre la République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse, signé le 18 octobre 2001, ne saurait justifier l’adoption des mesures allemandes litigieuses. En effet, l’accord en question ne serait pas le résultat de négociations libres mais de la pression exercée par la République fédérale d’Allemagne sur la Confédération suisse. Par ailleurs, les mesures allemandes en cause iraient au-delà non seulement de ce qui était prévu dans ledit accord bilatéral, mais également des mesures unilatérales que la République fédérale d’Allemagne menaçait d’adopter en cas d’échec des négociations avec la Confédération suisse. De surcroît, la République fédérale d’Allemagne n’aurait pas laissé à la Confédération suisse le temps nécessaire pour s’adapter aux nouvelles dispositions allemandes.
117 La Commission, soutenue par les intervenants, conteste les arguments de la Confédération suisse.
Appréciation du Tribunal
– Sur l’absence de prise en compte par la Commission des droits de l’exploitant de l’aéroport de Zurich et de ses riverains
118 La Confédération suisse fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en considération, lors de l’examen, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, des mesures allemandes litigieuses, des droits, d’une part, de l’exploitant de l’aéroport de Zurich et, d’autre part, des riverains de cet aéroport, exposés au bruit des avions.
119 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92, les transporteurs aériens communautaires sont autorisés par le ou les États membres concernés à exercer des droits de trafic, au sens de l’article 2, sous f), du même règlement, sur les liaisons intracommunautaires.
120 Toutefois, comme l’énonce le quatorzième considérant du règlement n° 2408/92, « l’exercice des droits de trafic doit être compatible avec les règles opérationnelles en matière de sécurité, de protection de l’environnement et d’accès aux aéroports et […] doit être traité sans discrimination ».
121 C’est ainsi que le législateur a, d’une part, prévu, à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92, que l’exercice des droits de trafic était soumis aux règles d’exploitation communautaires, nationales, régionales ou locales concernant la sécurité, la protection de l’environnement et la répartition des créneaux horaires et, d’autre part, autorisé la Commission à examiner, en vertu du paragraphe 3 du même article, l’application, notamment, de son paragraphe 2 et de décider si l’État membre concerné pouvait continuer à appliquer la mesure faisant l’objet de l’examen.
122 Il ressort des dispositions et considérations qui précèdent que, comme la Commission le relève, en substance, au considérant 40 de la décision attaquée, l’examen d’une mesure, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, porte sur ses implications pour l’exercice des droits de trafic sur les liaisons intracommunautaires. En revanche, les éventuels droits des exploitants d’aéroports ou des riverains de ceux-ci ne sauraient être pris en compte lors d’un tel examen.
123 C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission n’a pas tenu compte, lors de l’examen, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, des mesures allemandes litigieuses, des éventuels droits, d’une part, de l’exploitant de l’aéroport de Zurich et, d’autre part, des riverains de cet aéroport, exposés au bruit des avions.
124 Les autres arguments de la Confédération suisse ne sauraient remettre en cause cette conclusion.
125 Premièrement, s’agissant de l’argument de la Confédération suisse tiré de l’article 2 de l’accord, il convient de rappeler que, aux termes de cet article, les dispositions, notamment, de l’annexe de l’accord s’appliquent pour autant qu’elles concernent le transport aérien ou des objets directement liés au transport aérien.
126 Ainsi qu’il ressort de son libellé et, plus particulièrement, de l’expression « pour autant qu’elles concernent » qui y est utilisée, l’article 2 de l’accord délimite le champ d’application des dispositions énumérées à l’annexe de l’accord, en excluant une application de ces dispositions à des cas qui ne concernent ni le transport aérien ni des objets directement liés au transport aérien. Il s’ensuit que cet article n’a ni pour objet ni pour effet d’étendre l’application des dispositions en question à des situations ne relevant pas de leur champ d’application.
127 S’agissant, plus particulièrement, du règlement n° 2408/92, la seule extension de son champ d’application dans le contexte de l’accord est celle résultant de l’assimilation, en vertu de l’annexe de l’accord, de la Confédération suisse et des transporteurs aériens y ayant leur principal lieu d’activité, respectivement, aux États membres de la Communauté et aux transporteurs aériens communautaires.
128 Sous réserve de cette extension de son champ d’application, le règlement n° 2408/92 ne s’applique pas, dans le contexte de l’accord, à des situations qui, dans un contexte communautaire, ne relèveraient pas de son champ d’application.
129 Il s’ensuit que, quand bien même les droits des exploitants d’aéroports ou des riverains de ceux-ci constitueraient des objets directement liés au transport aérien, comme le fait valoir la Confédération suisse, ni l’article 2 ni une autre disposition de l’accord n’autorisent la Commission à tenir compte de ces droits, lors de l’application, dans le contexte de l’accord, de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92.
130 Deuxièmement, l’argument de la Confédération suisse tiré de l’article 18, paragraphe 1, de l’accord ne saurait non plus prospérer.
131 En effet, cette disposition prévoit seulement que la Communauté, en tant que partie contractante à l’accord, est responsable de l’application correcte de l’accord sur son propre territoire, lequel inclut le territoire allemand. Elle n’accorde donc à la Commission, aucun pouvoir additionnel, non prévu par les règlements et directives énumérés à l’annexe de l’accord ou, le cas échéant, par une autre disposition du droit communautaire.
132 Il s’ensuit que l’article 18, paragraphe 1, de l’accord est dépourvu de toute pertinence en l’espèce.
– Sur la violation du principe d’égalité de traitement
133 La Confédération suisse fait grief à la Commission d’avoir violé, dans la décision attaquée, le principe d’égalité de traitement.
134 S’agissant de l’argumentation de la Confédération suisse tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des riverains suisses de l’aéroport de Zurich et de l’exploitant, elle doit d’emblée être rejetée. Ainsi qu’il a été relevé au point 127 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prendre en considération, lors de son examen des mesures allemandes litigieuses, de tels intérêts.
135 S’agissant de l’argumentation de la Confédération suisse relative à une prétendue discrimination au détriment des transporteurs suisses, dont la compagnie aérienne Swiss, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de l’article 3 de l’accord, la décision attaquée a, à juste titre, considéré, au considérant 35, sous a), que l’interdiction de la discrimination « s’applique clairement » lors de l’examen d’une mesure en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 2408/92, dans le contexte de l’accord et que, par conséquent, les mesures allemandes litigieuses devraient être examinées sous cet angle.
136 Dans le cadre de cet examen, la Commission a d’abord constaté, à juste titre, que les mesures allemandes en cause ne faisaient aucune distinction entre transporteurs en fonction de leur nationalité ou de leur identité (considérant 36 de la décision attaquée). Cette constatation n’est pas contestée par la Confédération suisse.
137 La Commission a également examiné, aux considérants 37 à 39 de la décision attaquée, l’existence d’une éventuelle discrimination indirecte au détriment des transporteurs suisses. Dans ce contexte, elle a admis, au considérant 38, que l’exploitation de réseaux en étoile était devenue répandue parmi les transporteurs aériens. Ces réseaux seraient basés dans des aéroports pivots, presque toujours situés dans l’État dans lequel les transporteurs en question seraient établis. Les aéroports pivots joueraient, dans le système en étoile du transporteur concerné, le rôle d’une plaque tournante et permettraient au transporteur en question de proposer, pour tous les aéroports desservis depuis l’aéroport pivot, des vols indirects avec escale à l’aéroport pivot. Ce transporteur serait, ainsi, en mesure d’étendre son réseau de vols, tout en évitant les investissements exigés pour l’établissement de liaisons directes.
138 La Commission a également admis, au même considérant de la décision attaquée, que les transporteurs qui utilisent un aéroport comme plaque tournante de leur réseau en étoile possèdent, de ce fait, une part très élevée du trafic au départ ou à destination de cet aéroport et que, par conséquent, toute restriction relative à l’exploitation dudit aéroport aurait, pour eux, des conséquences beaucoup plus significatives que pour leurs concurrents. Toutefois, selon la Commission, cette différence de traitement ne constituerait pas, en soi, une discrimination, puisque, si tel était le cas, toute restriction devrait automatiquement être considérée comme discriminatoire et les États membres n’auraient aucune possibilité d’imposer des règles d’exploitation au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92.
139 Selon la Commission (considérant 39 de la décision attaquée), les mesures allemandes litigieuses ne sauraient constituer une discrimination indirecte que dans l’hypothèse où elles affecteraient uniquement, ou d’une façon prédominante, les vols opérés par les transporteurs suisses. La Commission a considéré que tel n’était pas le cas, dès lors que les transporteurs suisses et communautaires seraient touchés par lesdites mesures d’une manière exactement proportionnelle aux nombres des vols qu’ils opéreraient entre la Suisse et la Communauté.
140 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante, relative au principe d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du droit communautaire, que les règles d’égalité de traitement entre nationaux et non nationaux prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, ou le siège en ce qui concerne les sociétés, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (arrêts de la Cour du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 14 ; du 19 mars 2002, Commission/Italie, C-224/00, Rec. p. I-2965, point 15, et du 27 octobre 2009, ČEZ, C-115/08, non encore publié au Recueil, point 92).
141 Compte tenu de l’article 1er, paragraphe 2, de l’accord, cette jurisprudence est également pertinente s’agissant de l’application du règlement n° 2408/92 dans le contexte de l’accord, l’article 3 de ce dernier étant, en substance, identique à l’article 12, premier alinéa, CE.
142 En l’espèce, la Confédération suisse fait, en substance, valoir que la République fédérale d’Allemagne réserve à l’aéroport de Zurich et, donc, à la compagnie aérienne Swiss qui l’utilise comme plaque tournante de son réseau en étoile, un traitement différencié par rapport aux aéroports allemands et, notamment, à ceux de Munich et de Francfort sur-le-Main, utilisés par la compagnie aérienne allemande Lufthansa comme plaques tournantes de son réseau en étoile.
143 Il est, certes, vrai qu’une telle différence de traitement, à la supposer avérée, ne serait pas directement fondée sur la nationalité ou sur le siège des transporteurs concernés. Toutefois, elle pourrait aboutir en fait au même résultat, dans la mesure où, comme le relève la décision attaquée, les transporteurs suisses, dont Swiss, utiliseront normalement, comme plaques tournantes de leur réseaux en étoile, les aéroports situés en Suisse et, notamment, celui de Zurich et que, par conséquent, les éventuelles restrictions relatives aux vols au départ ou à destination de cet aéroport affecteront ces transporteurs beaucoup plus que les compagnies aériennes utilisant un autre aéroport comme plaque tournante de leur réseau en étoile.
144 Il s’ensuit, eu égard à la jurisprudence évoquée au point 140 ci-dessus, que les considérations figurant aux considérants 38 et 39 de la décision attaquée ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour exclure un éventuel caractère discriminatoire des mesures allemandes litigieuses, à l’égard des transporteurs suisses, dont notamment Swiss.
145 Cependant, il convient de rappeler que, selon cette même jurisprudence, la constatation qu’une mesure aboutit au même résultat qu’une discrimination fondée sur la nationalité ne suffit pas pour conclure à son incompatibilité avec l’article 12 CE ou, en l’occurrence, avec l’article 3 de l’accord. Encore faut-il rechercher si ladite mesure n’est pas justifiée par des circonstances objectives et si elle n’est pas proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit. Ce n’est que si tel n’est pas le cas que la mesure en cause doit être considérée comme étant prohibée par l’article 12 CE ou, en l’occurrence, par l’article 3 de l’accord (voir, en ce sens, arrêts Commission/Italie, point 140 supra, point 20, et ČEZ, point 140 supra, point 108, et la jurisprudence citée).
146 En l’espèce, s’agissant, premièrement, de l’existence d’une éventuelle justification objective pour l’adoption des mesures litigieuses à l’égard du seul aéroport de Zurich, il convient de rappeler que, selon le considérant 42 de la décision attaquée, « la zone allemande survolée par les avions à l’approche de Zurich est une destination touristique importante et, à ce titre, particulièrement vulnérable aux émissions sonores ».
147 La Confédération suisse conteste cette affirmation, en faisant valoir que le nombre d’habitants susceptibles d’être affectés par la nuisance sonore en provenance d’avions dans la zone concernée n’est pas très élevé. Or, quand bien même tel serait le cas, ce fait ne remet nullement en cause le caractère touristique de la zone allemande concernée.
148 Il en est de même de l’argument de la Confédération suisse selon lequel le secteur touristique allemand de la région limitrophe de l’aéroport de Zurich tirerait un profit significatif de cet aéroport.
149 En effet, cet argument confirme le caractère touristique de la zone du territoire allemand concernée par les mesures en cause. Du reste, il suffit de relever que la République fédérale d’Allemagne est en droit de prendre les mesures qu’elle estime nécessaires pour la réduction de la nuisance sonore.
150 Force est donc de constater que la proximité de l’aéroport de Zurich d’une zone à caractère touristique, évoquée au considérant 42 de la décision attaquée et non remise en cause par l’argumentation de la Confédération suisse, constitue une circonstance objective, au sens de la jurisprudence évoquée au point 145 ci-dessus, laquelle justifie l’adoption des mesures allemandes litigieuses à l’égard du seul aéroport de Zurich.
151 En effet, il ne ressort pas du dossier et la Confédération suisse n’a pas allégué que les aéroports de Munich et de Francfort sur-le-Main étaient également situés à proximité de zones touristiques importantes.
152 Il convient également de relever que, à la différence de ce qui est le cas s’agissant des aéroports de Munich et de Francfort sur-le-Main, la République fédérale d’Allemagne n’a aucune autorité sur l’aéroport de Zurich et ne peut, aux fins de la réduction de la nuisance sonore au-dessus du territoire allemand, imposer à cet aéroport une quelconque modification de son mode d’utilisation. Cette différence, évoquée au considérant 43 de la décision attaquée, constitue une seconde circonstance objective susceptible de justifier l’adoption des mesures litigieuses à l’égard du seul aéroport de Zurich.
153 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, il existe, en l’espèce, des circonstances objectives, au sens de la jurisprudence évoquée au point 154 ci-dessus, justifiant l’adoption des mesures allemandes litigieuses.
154 Deuxièmement, il convient, selon cette même jurisprudence, d’examiner si lesdites mesures sont proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent, à savoir la réduction de la nuisance sonore en provenance d’avions dans la partie du territoire allemand dans laquelle elles sont applicables. La Commission a examiné cette question aux considérants 41 à 49 de la décision attaquée et elle a conclu que tel était effectivement le cas.
155 Cette conclusion est contestée par la Confédération suisse, laquelle fait valoir, d’abord, que le niveau de la nuisance sonore en provenance d’avions dans la zone concernée par les mesures allemandes en cause ne justifie pas l’adoption de ces mesures.
156 Toutefois, le rapport de l’EMPA, invoqué par la Confédération suisse à l’appui de cette partie de son argumentation (voir point 98 ci-dessus), ne démontre aucunement que la nuisance sonore ne constitue pas un problème dans la région allemande limitrophe de l’aéroport de Zurich. Au contraire, il ressort de ce rapport que le niveau de nuisance sonore en provenance d’avions dans cette même région peut varier de 45 dB, pour les points relativement éloignés de l’aéroport, à 70 dB, pour les points les plus proches. De tels niveaux de bruit peuvent effectivement constituer un problème dans une région touristique, surtout pendant les heures nocturnes et les week-ends, au cours desquels s’appliquent les mesures allemandes en cause.
157 S’agissant de l’argument de la Confédération suisse selon lequel la nuisance sonore en provenance d’avions dans la zone pertinente du territoire allemand ne dépasserait pas les valeurs limites, la décision attaquée a correctement souligné, au considérant 42, que lesdites limites indiquent les plafonds acceptables et non les niveaux de confort et que, par conséquent, les États membres sont en droit d’adopter des mesures visant à ramener les niveaux de bruit en deçà desdites limites, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’occurrence, d’une région touristique.
158 S’agissant de l’argument de la Confédération suisse selon lequel certaines des altitudes minimales de vol prescrites par les mesures allemandes en cause seraient trop élevées et la fixation d’altitudes inférieures n’augmenterait en rien la nuisance sonore dans la zone allemande pertinente, il convient de le rejeter, dans la mesure où la Confédération suisse n’a ni précisé les altitudes inférieures qui auraient pu être prescrites ni, encore moins, affirmé qu’une telle réduction des altitudes minimales de vol aurait une influence positive sur les capacités de décollage ou d’atterrissage de l’aéroport de Zurich.
159 L’argumentation de la Confédération suisse tirée de la directive 2002/30 ne saurait non plus prospérer. Force est de constater, à cet égard, que la Confédération suisse n’a précisé ni quelles dispositions de cette directive auraient dû s’appliquer en l’espèce, ni quel serait le résultat de leur application. À cet égard, il convient de relever que la directive 2002/30 ne fixe pas de niveaux de bruit devant obligatoirement être tolérés, pas plus qu’elle n’interdit l’adoption de mesures telles que celles adoptées par la République fédérale d’Allemagne en l’espèce.
160 De surcroît, comme le rappelle à juste titre le considérant 53 de la décision attaquée, l’article 4 de la directive 2002/30 impose aux États membres l’adoption d’une « approche équilibrée », uniquement lorsqu’ils traitent des problèmes liés au bruit dans les aéroports situés sur leur territoire.
161 Ne saurait, à cet égard, prospérer l’argument de la Confédération suisse selon lequel une telle approche doit également être adoptée lorsque les États membres traitent de tels problèmes dans les aéroports situés en dehors de leur territoire. En effet, il ressort de la définition de l’expression « approche équilibrée » à l’article 2, sous g), de la directive 2002/30 que cette approche nécessite l’examen des « effets prévisibles », notamment, « de mesures d’aménagement et de gestion du territoire, de procédures d’exploitation dites ‘à moindre bruit’ et des restrictions d’exploitation ». Or, il s’agit de mesures qu’un État membre ne peut imposer que s’agissant de son propre territoire.
162 Ensuite, la Confédération suisse fait également valoir qu’il existerait des mesures moins onéreuses, permettant à la République fédérale d’Allemagne d’atteindre l’objectif poursuivi par les mesures litigieuses, à savoir la réduction de la nuisance sonore en provenance d’avions dans la zone en question du territoire allemand.
163 À cet égard, il convient de relever, d’emblée, que la conclusion figurant au considérant 49 de la décision attaquée selon laquelle la République fédérale d’Allemagne n’avait pas d’autre moyen à sa disposition pour obtenir la réduction de la nuisance sonore souhaitée doit être lue en combinaison avec le considérant 43 de cette même décision. La Commission relève, dans ce dernier considérant, en substance que les autres moyens de réduction du bruit au-dessus du territoire allemand, dont notamment une utilisation différente de l’aéroport de Zurich, relèvent de la compétence des autorités suisses et ne pouvaient pas être arrêtées par la République fédérale d’Allemagne.
164 Devant le Tribunal, la Confédération suisse a évoqué une seule mesure de remplacement constituée par la fixation d’un contingent de bruit. Une telle mesure, tout en étant moins onéreuse, permettrait à la République fédérale d’Allemagne d’atteindre les mêmes objectifs que les mesures litigieuses, à savoir la réduction de la nuisance sonore en provenance d’avions dans une partie du territoire allemand limitrophe de la Suisse, pendant les heures de nuit et les week-ends.
165 À cet égard, il convient de relever, d’abord, que, lors de l’audience, la Confédération suisse a fait valoir qu’elle avait déjà évoqué cette mesure, pendant la procédure administrative, sans toutefois renvoyer, pour étayer cette affirmation, à une pièce précise figurant dans le dossier. En revanche, la Commission a affirmé que l’idée d’un contingent de bruit n’avait pas été discutée pendant la procédure administrative. Par ailleurs, le Tribunal n’a pu déceler aucune référence à une telle mesure ni dans la plainte ni dans les observations de la Confédération suisse en réponse à la communication des griefs, qui figurent dans le dossier.
166 Dans ces conditions, l’affirmation de la Confédération suisse selon laquelle elle aurait évoqué la fixation d’un contingent de bruit comme mesure de remplacement possible n’ayant été étayée par aucun élément de preuve, il ne saurait être reproché à la Commission une violation de l’obligation de motivation du fait qu’elle n’a pas spécifiquement exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles une telle mesure ne pouvait valablement remplacer les mesures allemandes litigieuses.
167 S’agissant de l’examen du bien-fondé de l’argument de la Confédération suisse tiré de la possible fixation d’un contingent de bruit pour atteindre les mêmes objectifs que ceux des mesures litigieuses, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, la Commission et les intervenants ont expliqué que le contingent de bruit est une valeur maximale de bruit qui ne doit pas être dépassée par le bruit moyen produit par tous les avions utilisant un aéroport donné. Ce bruit moyen serait calculé sur la base des niveaux sonores constatés pendant une période déterminée, le plus souvent sur une base annuelle.
168 Il s’ensuit, selon la Commission et les intervenants, que la fixation d’un contingent de bruit ne permet pas d’atteindre le même objectif que les mesures allemandes litigieuses, à savoir la réduction de la nuisance sonore en provenance d’avions dans une partie du territoire allemand pendant les heures nocturnes et les week-ends, dans la mesure où il ne saurait être exclu que, lors du calcul du bruit moyen pour le contrôle du respect du contingent fixé, l’éventuel bruit excessif constaté pendant les heures nocturnes ou les week-ends sera compensé par des valeurs moins élevées constatées pendant d’autres heures ou jours.
169 La Confédération suisse a répliqué, lors de l’audience, que rien ne s’opposerait à la fixation d’un contingent de bruit pour des heures ou des jours déterminés, en l’occurrence les heures nocturnes et les week-ends.
170 Toutefois, cette argumentation ne saurait prospérer.
171 Premièrement, la Confédération suisse n’a évoqué aucun précédent d’un contingent de bruit fixé uniquement pour certaines heures de la journée ou pour certains jours de la semaine, lequel fonctionnerait de manière satisfaisante dans la pratique.
172 Deuxièmement, il convient de relever que la fixation d’un contingent de bruit seulement pour les heures nocturnes et les week-ends n’est pas nécessairement une mesure moins onéreuse que les mesures allemandes en cause, et ce d’autant plus que la Confédération suisse n’a nullement précisé quelle pourrait être la valeur d’un tel contingent.
173 En effet, si une valeur très basse était fixée pour ce contingent, une telle mesure conduirait, dans la pratique, au même résultat que les mesures allemandes litigieuses, c’est-à-dire qu’elle rendrait impossible, pendant la période de son application, le survol à basse altitude du territoire allemand par les avions au départ ou à destination de l’aéroport de Zurich.
174 Troisièmement, à la différence de la fixation d’altitudes minimales de vol, dont le respect peut être facilement contrôlé par les instances de contrôle aérien compétentes, le contrôle du respect d’un contingent de bruit tel que celui proposé par la Confédération suisse paraît très difficile, voire impossible.
175 En effet, les autorités allemandes ne pourraient se limiter à fixer un tel contingent, mais devraient également prévoir un dispositif de contrôle, avec des mesurages réguliers du niveau de la nuisance sonore en provenance d’avions sur le territoire allemand concerné.
176 De plus, dès lors que les mesures imposées par la République fédérale d’Allemagne ne peuvent être appliquées que pendant la période où les avions survolent le territoire allemand, il serait nécessaire de distinguer, lors du mesurage du niveau de nuisance sonore, entre le bruit produit par les avions se trouvant, au moment du mesurage, au-dessus du territoire allemand et le bruit produit par les avions ayant déjà traversé la frontière avec la Suisse. Une telle distinction paraît impossible ou, à tout le moins, très difficile.
177 Quatrièmement, enfin, à supposer qu’il soit possible d’effectuer les mesurages nécessaires pour contrôler le respect d’un contingent de bruit, il est difficile de concevoir quelles sanctions la République fédérale d’Allemagne pourrait imposer afin d’assurer le respect de ce contingent.
178 En effet, si un avion viole les altitudes minimales de vol édictées par les mesures allemandes litigieuses, les instances du contrôle aérien peuvent intervenir immédiatement pour assurer leur respect.
179 En revanche, dès lors que le respect du contingent de bruit est contrôlé pendant une période déterminée, le plus souvent pendant un an, un éventuel dépassement du contingent est seulement constaté ex post facto et n’est, par définition, attribuable à aucun avion ni à aucune compagnie aérienne déterminés. Il est donc impossible pour la République fédérale d’Allemagne d’imposer des sanctions, telles qu’une amende, à l’auteur du dépassement du contingent.
180 Le respect d’un tel contingent ne peut, en réalité, être assuré qu’en coopération avec l’aéroport concerné, lequel peut imposer les modifications nécessaires du plan des décollages et des atterrissages, afin de réduire la nuisance sonore moyenne en deçà du contingent. Or, en l’occurrence, comme l’a, à juste titre, relevé la Commission au considérant 43 de la décision attaquée, la République fédérale d’Allemagne n’a aucune autorité sur l’aéroport de Zurich et ne peut pas lui imposer une telle coopération.
181 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que c’est à juste titre que la décision attaquée a conclu que le caractère proportionnel des mesures allemandes litigieuses ne saurait être mis en doute, dès lors que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas d’autres moyens à sa disposition pour obtenir la réduction de la nuisance sonore souhaitée.
182 Enfin, l’argumentation de la Confédération suisse selon laquelle la décision attaquée minimise, à tort, l’impact des mesures allemandes sur l’aéroport de Zurich ne saurait non plus être retenue.
183 En effet, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, la République fédérale d’Allemagne ne pouvait adopter d’autre mesure que les mesures litigieuses pour atteindre l’objectif de réduction de la nuisance sonore, l’éventuelle réduction de la capacité de l’aéroport de Zurich à la suite de l’adoption de ces mesures ne saurait, à elle seule, suffire pour conclure au caractère disproportionné desdites mesures.
184 Ce n’est que dans l’hypothèse d’inconvénients majeurs pour l’aéroport de Zurich, tels qu’une réduction significative de sa capacité conduisant à la suppression permanente de vols, qu’un tel caractère disproportionné pourrait être retenu.
185 Force est, toutefois, de constater que la Confédération suisse n’a ni évoqué ni, encore moins, prouvé l’existence ou même l’éventualité de tels inconvénients majeurs.
186 En effet, outre des affirmations générales relatives à la différence entre la capacité concevable et la capacité prévisible de l’aéroport de Zurich ainsi qu’à l’importance de l’optimisation de l’enchaînement des vagues d’atterrissages et de décollages, la Confédération suisse n’a évoqué que des goulots d’étranglements des décollages ou des atterrissages à l’aéroport de Zurich, pendant de courtes périodes d’une journée. Or, de tels goulots, pour gênants qu’ils soient pour les passagers et les compagnies aériennes concernés, ne sauraient être considérés comme des inconvénients majeurs.
187 S’agissant de l’affirmation de la Confédération suisse selon laquelle la décision attaquée se serait référée, à tort, au plan des vols de la compagnie aérienne Swiss, il convient de relever, d’une part, que, au considérant 46 de la décision attaquée, la Commission a évoqué, de manière générale, les horaires de vols des saisons d’été 2003 et d’hiver 2003/2004, lesquels comprennent tous les vols au départ ou à destination de l’aéroport de Zurich et pas seulement ceux opérés par Swiss.
188 Il convient de relever, d’autre part, que la Confédération suisse n’a avancé aucun élément, tel que la mention des vols qui auraient dû être supprimés à la suite de l’application des mesures allemandes litigieuses, pour remettre en cause la conclusion, figurant au considérant 47 de la décision attaquée, selon laquelle, compte tenu des horaires évoqués au considérant 46 de la même décision, l’impact éventuel des mesures allemandes en cause serait limité.
189 Il s’ensuit que l’argumentation de la Confédération suisse tirée de l’impact des mesures allemandes en cause sur la capacité de l’aéroport de Zurich doit être rejetée. Il convient donc de conclure que c’est à juste titre que la décision attaquée a considéré que lesdites mesures ne violaient pas le principe de proportionnalité.
190 Dès lors qu’il résulte des considérations qui précèdent que les mesures allemandes litigieuses sont justifiées par des circonstances objectives et qu’elles sont proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent, il convient de conclure, eu égard à la jurisprudence évoquée aux points 140 et 145 ci-dessus, qu’elles ne sont pas discriminatoires à l’égard des compagnies aériennes suisses, dont, notamment, Swiss.
191 Par ailleurs, à supposer que, contrairement à ce qui a été relevé au point 123 ci-dessus, la Commission ait dû également tenir compte, lors de l’analyse des mesures allemandes en cause, des droits des riverains et des exploitants des aéroports et, notamment, des droits des riverains de l’aéroport de Zurich et de la compagnie qui exploite cet aéroport, il convient de conclure, pour les mêmes motifs, que lesdites mesures ne présentent pas non plus un caractère discriminatoire au détriment de ces personnes.
192 Il s’ensuit que c’est à juste titre que la décision attaquée n’a pas considéré que les mesures allemandes méconnaissaient le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 3 de l’accord.
– Sur la violation de la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien
193 Il convient de rappeler que la Confédération suisse fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, dans la mesure où celle-ci a considéré, au considérant 35, sous b), que la libre prestation des services « n’exist[ait] pas » dans le cadre de l’accord et qu’elle aurait, ainsi, refusé de prendre en considération le fait que les mesures allemandes en cause impliquent des restrictions à la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien.
194 Or, il y a lieu de rappeler que l’objectif avéré des mesures allemandes litigieuses est la réduction de la nuisance sonore dans une région touristique de l’Allemagne, ce qui constitue un aspect spécifique de la protection de l’environnement.
195 Selon la jurisprudence constante, la protection de l’environnement figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à des libertés fondamentales garanties par le traité CE, dont notamment à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Commission/Danemark, 302/86, Rec. p. 4607, point 9, et du 14 décembre 2004, Radlberger Getränkegesellschaft et S. Spitz, C-309/02, Rec. p. I-11763, point 75).
196 Certes, indépendamment de l’existence d’un objectif légitime, la justification d’une restriction aux libertés fondamentales consacrées par le traité CE suppose que la mesure en cause soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir arrêt de la Cour du 16 octobre 2008, Renneberg (C-527/06, Rec. p. I-7735, point 81, et la jurisprudence citée).
197 Toutefois, il y a lieu de rappeler que la Commission a examiné dans la décision attaquée, à titre subsidiaire, le caractère proportionnel des mesures allemandes en cause et qu’elle a conclu, à juste titre, qu’elles étaient proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivaient.
198 Dans ces conditions, force est de constater que le grief de la Confédération suisse tiré de la violation, par la décision attaquée, du principe de libre prestation des services est inopérant. En effet, quand bien même la conclusion de la décision attaquée, figurant au considérant 35, sous b), et rappelée au point 193 ci-dessus, serait erronée, une telle erreur ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été relevé, cette décision a, à juste titre, considéré que les mesures allemandes en cause poursuivaient un objectif lié à la protection de l’environnement et qu’elles étaient proportionnées audit objectif.
199 Il en est de même du grief tiré de la non-prise en considération de l’arrêt Malpensa, point 33 supra. Comme l’affirme la Confédération suisse elle-même, la prise en considération de cet arrêt aurait dû conduire la Commission à examiner les mesures allemandes en cause également sous l’angle de leurs implications pour la libre prestation des services dans le domaine du transport aérien. Or, ainsi qu’il vient d’être relevé, un tel examen n’aurait pu aboutir à une conclusion différente de celle à laquelle la décision attaquée est parvenue.
– Sur la violation, par la République fédérale d’Allemagne, de l’obligation de coopération loyale
200 Le grief de la Confédération suisse tiré de ce que la Commission aurait omis de prendre en considération une prétendue violation, par la République fédérale d’Allemagne, de l’obligation de coopération loyale découlant de l’article 17 de l’accord doit également être rejeté.
201 À cet égard, il convient de rappeler qu’il a déjà été conclu que les mesures allemandes en cause n’étaient pas contraires au principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 3 de l’accord.
202 Par ailleurs, il a également été conclu que, à supposer que le principe de libre prestation des services ait été applicable dans le domaine de l’accord, les éventuelles restrictions de cette liberté résultant de l’application des mesures allemandes en cause étaient justifiées par l’objectif de la protection de l’environnement, de sorte que la libre prestation des services ne saurait faire obstacle à l’application desdites mesures.
203 Enfin, la Confédération suisse n’a identifié aucune autre stipulation de l’accord qui serait de nature à faire obstacle à l’application des mesures allemandes. Par conséquent, quand bien même l’accord impliquerait pour la République fédérale d’Allemagne, laquelle n’est pas l’une des parties contractantes de l’accord, une obligation de coopération loyale, c’est à juste titre que la décision attaquée n’a constaté aucune violation de cette obligation hypothétique.
204 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté, de même que le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
205 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Confédération suisse ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
206 Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne en tant que partie intervenante supportera ses propres dépens.
207 Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supporte ses propres dépens. En l’espèce, le Landkreis Waldshut, intervenu au soutien de la Commission, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Confédération suisse est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République fédérale d’Allemagne et le Landkreis Waldshut supporteront leurs propres dépens.
Vilaras |
Prek |
Ciucă |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.