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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Poland (Industrial policy) French Text [2011] EUECJ C-362/10 (27 October 2011) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C36210.html Cite as: EU:C:2011:703, [2011] EUECJ C-362/10, ECLI:EU:C:2011:703 |
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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
27 octobre 2011 (*)
«Manquement d’État – Directive 2003/98/CE – Réutilisation des informations du secteur public – Transposition incorrecte ou non-transposition de certains articles dans le délai prescrit»
Dans l’affaire C-362/10,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 20 juillet 2010,
Commission européenne, représentée par Mmes S. La Pergola et K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République de Pologne, représentée par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. U. Lõhmus (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’adoptant pas toutes les mesures nationales nécessaires à la transposition des articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public (JO L 345, p. 90, ci-après la «directive»), la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions de ladite directive.
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
2 Les cinquième, huitième et neuvième considérants de la directive énoncent:
«(5) L’un des principaux objectifs de l’établissement d’un marché intérieur est de créer les conditions qui permettront de développer des services à l’échelle de la Communauté. Les informations émanant du secteur public constituent une matière première importante pour les produits et les services de contenu numérique et deviendront une ressource de plus en plus importante sur le plan du contenu à mesure que les services de contenu sans fil se développeront. […] L’amélioration des possibilités de réutilisation des informations émanant du secteur public devrait notamment permettre aux entreprises européennes d’exploiter le potentiel de ces informations et contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois.
[…]
(8) Il importe d’établir un cadre général fixant les conditions de réutilisation des documents du secteur public afin de garantir que ces conditions seront équitables, proportionnées et non discriminatoires. […]
(9) La présente directive ne contient aucune obligation d’autoriser la réutilisation de documents. La décision d’autoriser ou non la réutilisation est laissée à l’appréciation des États membres ou de l’organisme du secteur public concernés. La présente directive devrait s’appliquer aux documents qui sont mis à disposition aux fins d’une réutilisation lorsque les organismes du secteur public délivrent des licences, vendent, diffusent, échangent ou donnent des informations. […]»
3 L’article 1er, paragraphe 3, première phrase, de la directive dispose que celle-ci s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres et ne les affecte en rien.
4 L’article 2 de la directive définit, à ses points 1 à 3, respectivement, les notions d’«organismes du secteur public», d’«organisme de droit public» et de «document».
5 Le point 4 du même article définit la notion de «réutilisation» comme étant «l’utilisation par des personnes physiques ou morales de documents détenus par des organismes du secteur public, à des fins commerciales ou non commerciales autres que l’objectif initial de la mission de service public pour lequel les documents ont été produits. L’échange de documents entre des organismes du secteur public aux seules fins de l’exercice de leur mission de service public ne constitue pas une réutilisation».
6 Aux termes de l’article 3 de la directive, intitulé «Principe général»:
«Les États membres veillent à ce que, lorsque la réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public est autorisée, ces documents puissent être réutilisés à des fins commerciales ou non commerciales conformément aux conditions définies aux chapitres III et IV. Si possible, les documents sont mis à la disposition du public sous forme électronique.»
7 L’article 4 de la directive prévoit des exigences applicables au traitement des demandes de réutilisation en ce qui concerne, notamment, les délais de traitement de celles-ci ainsi que, en cas de rejet d’une demande, la communication au demandeur des raisons du refus, une décision négative devant faire mention des voies de recours ouvertes à ce dernier pour contester cette décision.
8 Le chapitre III de la directive, qui contient les articles 5 à 9 de cette dernière, est intitulé «Conditions de réutilisation». Parmi ceux-ci, les articles 6 à 8 énoncent, respectivement, les principes de tarification, c’est-à-dire les modalités de calcul des redevances pour la réutilisation de documents lorsque celles-ci sont prélevées, les exigences de transparence relatives aux conditions et aux redevances types applicables en matière de réutilisation ainsi que les conditions afférentes aux licences que les États membres peuvent délivrer pour la réutilisation de documents.
9 Le chapitre IV de la directive comprend les articles 10 et 11 de celle-ci. L’article 10, qui porte sur l’obligation de non-discrimination, dispose à son paragraphe 2:
«Lorsqu’un organisme du secteur public réutilise des documents dans le cadre de ses activités commerciales étrangères à sa mission de service public, les conditions tarifaires et autres applicables à la fourniture des documents destinés à ces activités sont les mêmes que pour les autres utilisateurs.»
10 L’article 11 de la directive prévoit, à son paragraphe 1, l’interdiction des accords d’exclusivité tout en instaurant, au paragraphe 2 du même article, la possibilité d’octroyer un droit d’exclusivité lorsque celui-ci est nécessaire pour la prestation d’un service d’intérêt général.
11 L’article 12 de la directive, intitulé «Mise en œuvre», est libellé comme suit:
«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er juillet 2005. Ils en informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.»
Le droit national
12 L’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur l’accès aux informations publiques (ustawa o dostępie do informacji publicznej), du 6 septembre 2001 (Dz. U. n° 112, position 1198), dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «loi de 2001»), dispose que toute information relative aux affaires publiques constitue une information publique au sens de cette loi et qu’elle est accessible selon les règles et la procédure définies dans la même loi.
13 Selon l’article 2, paragraphe 1, de la loi de 2001, le droit d’accès aux informations publiques est ouvert à chacun.
14 L’article 4, paragraphe 1, de ladite loi énonce que sont tenues de mettre à disposition les informations publiques les autorités publiques et les autres entités accomplissant des missions de service public, en particulier celles énumérées aux points 1 à 5 de ce même paragraphe 1.
15 L’article 6, paragraphe 2, de la loi de 2001 fournit une définition de la notion de «document officiel».
16 L’article 7, paragraphe 2, de la même loi dispose que l’accès aux informations est gratuit sous réserve de l’article 15 de celle-ci.
17 L’article 13 de la loi de 2001 prévoit que la mise à disposition des informations publiques demandées est effectuée «sans délai superflu», sans que ce délai puisse excéder 14 jours à compter de la demande.
18 Selon l’article 16 de la même loi, un refus de mise à disposition est prononcé par l’autorité publique par voie de décision, laquelle est soumise aux dispositions de la loi sur le code de procédure administrative (ustawa – kodeks postępowania administracyjnego), du 14 juin 1960, dans sa version applicable au présent litige (Dz. U. 2000, n° 98, position 1071, ci-après le «code de procédure administrative»), qui prévoient, notamment, qu’une décision est motivée et indique la possibilité d’introduire un recours.
La procédure précontentieuse
19 Les 16 et 18 novembre 2004, les autorités polonaises ont communiqué à la Commission les textes qui, selon elles, assuraient la transposition de la directive dans l’ordre juridique national, à savoir la loi de 2001, le code de procédure administrative ainsi que la Constitution polonaise adoptée le 2 avril 1997. Le 31 mars 2005, elles ont en outre transmis à la Commission la loi de 2004 sur le libre exercice de l’activité économique.
20 Le 17 octobre 2008, la Commission a adressé à la République de Pologne une lettre de mise en demeure dans laquelle elle indiquait que lesdits textes portaient principalement sur des questions relatives à l’accès aux documents, à la procédure administrative et aux normes constitutionnelles, mais ne régissaient pas, selon les modalités prévues par la directive, les questions liées à la réutilisation des informations du secteur public telles que visées aux articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de cette dernière.
21 Dans sa réponse du 17 décembre 2008, la République de Pologne, d’une part, soutenait que les textes transmis à la Commission assuraient une transposition suffisante de la directive, et ce quand bien même la loi de 2001 n’emploie pas le terme «réutilisation», et, d’autre part, informait la Commission des modifications envisagées de cette loi, qui tiendraient compte des réserves exprimées par cette institution au regard de certaines dispositions de ladite loi.
22 Le 26 juin 2009, la Commission a émis un avis motivé portant sur le non-respect par la République de Pologne des obligations qui lui incombent en vertu de la directive, en particulier des articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de cette dernière, et a invité cet État membre à adopter les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.
23 Le 1er septembre 2009, la République de Pologne a répondu audit avis. Tout en insistant sur la transposition effective de la directive par les textes déjà transmis à la Commission, elle a indiqué qu’un projet de loi visant à mettre en œuvre cette directive et destiné à lever les incertitudes relatives à la portée économique du droit à la réutilisation des informations du secteur public était en cours d’élaboration. Ce projet devait être soumis au Parlement polonais au cours du mois de novembre de l’année 2009.
24 À la suite de demandes répétées de la Commission tendant à obtenir le texte dudit projet de loi ainsi qu’une version actualisée du calendrier des travaux législatifs dudit Parlement, les autorités polonaises ont, par lettre du 1er mars 2010, informé cette institution qu’il avait été décidé de transposer la directive au moyen d’une modification de la loi de 2001.
25 C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
26 La Commission rappelle que les dispositions et principes du droit interne des États membres censés assurer la transposition d’une directive doivent garantir effectivement la pleine application de celle-ci et que, s’agissant des dispositions d’une directive qui visent à créer des droits pour les particuliers, la situation juridique découlant des mesures de transposition doit être suffisamment précise et claire pour permettre aux intéressés de connaître la plénitude de leurs droits.
27 Pour ce qui est de la directive, la Commission soutient que, si un État membre décide de reconnaître le droit à la réutilisation de documents du secteur public, ce droit, une fois reconnu, doit être exercé conformément aux conditions fixées dans la directive, l’obligation de transposer cette dernière dans le droit national par des dispositions expresses découlant de son article 12. Or, la seule absence d’interdiction, en Pologne, de réutiliser les informations du secteur public ne satisferait pas à cette obligation.
28 Selon la Commission, les dispositions de la loi de 2001 ne satisfont pas non plus à cette obligation de transposition, car le droit d’accès aux informations du secteur public n’équivaut pas à celui de la réutilisation de celles-ci. D’une part, en précisant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive que celle-ci s’appuie sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres sans les affecter, le législateur de l’Union aurait distingué le régime d’accès de celui de la réutilisation. D’autre part, en harmonisant les règles relatives à la réutilisation des documents, cette directive réaliserait un objectif économique, alors que les dispositions des droits nationaux relatives à l’accès aux informations du secteur public découleraient d’un droit politique du citoyen et viseraient à garantir le contrôle de la société sur l’action des détenteurs de l’autorité publique ainsi que sur l’état du patrimoine public. En outre, dans son arrêt du 27 septembre 2007, Commission/Espagne (C-465/06), la Cour n’aurait pas admis qu’une réglementation nationale relative au droit d’accès aux documents officiels constitue une mesure transposant correctement, de manière suffisamment claire et efficace, les dispositions de la directive.
29 S’agissant de l’article 2 de la directive, la Commission considère que l’absence d’une définition du terme «réutilisation» dans l’ordre juridique polonais constitue une transposition incorrecte du point 4 de cet article, jetant ainsi le doute sur l’effet utile des autres dispositions de cette directive, qui sont étroitement liées à la notion de réutilisation. S’agissant des termes «organismes du secteur public» et «organisme de droit public», la Commission soutient que le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de 2001 ne correspond pas à celui défini à l’article 2, points 1 et 2, de la directive. Au demeurant, les notions d’«informations publiques» et de «document officiel» définies, respectivement, aux articles 1er, paragraphe 1, et 6, paragraphe 2, de ladite loi seraient plus étroites que celle de «document» figurant à l’article 2, point 3, de la directive.
30 En ce qui concerne l’article 3 de la directive, la Commission estime que les conditions de réutilisation qui y sont énoncées exigent l’adoption par les États membres de mesures garantissant, lorsque la réutilisation de documents du secteur public est autorisée, l’exercice efficace du droit à cette réutilisation. L’absence d’une définition explicite et précise d’un droit à la réutilisation de tels documents, ainsi que des règles mettant en œuvre cette réutilisation, constituerait une transposition incorrecte dudit article.
31 La Commission considère que les articles 4 et 6 de la directive ne sont pas correctement transposés, notamment par les dispositions de la loi de 2001 invoquées à cet égard par la République de Pologne dans la phase précontentieuse, dès lors que celles-ci portent sur l’accès aux documents et ne concernent donc pas les garanties, prévues à ces articles, relatives à la réutilisation de documents du secteur public.
32 Selon la Commission, il ne saurait être considéré que l’article 7 de la directive a été mis en œuvre dans le droit polonais, la République de Pologne s’étant limitée à faire valoir, au cours de la phase précontentieuse, que l’exigence de transparence serait satisfaite au moyen du Bulletin d’information publique. Il n’existerait pas non plus de réglementation polonaise régissant la question des licences à délivrer pour la réutilisation des documents du secteur public, telles que visées à l’article 8 de la directive.
33 Quant à l’article 10 de la directive, la Commission fait valoir que ni les dispositions réglementant l’accès aux documents ni les principes constitutionnels invoqués par la République de Pologne pendant la phase précontentieuse ne satisfont aux exigences de la Cour relatives à la mise en œuvre de cet article. En particulier, aucune de ces dispositions ni aucun de ces principes ne transposerait correctement le paragraphe 2 de celui-ci.
34 Enfin, la Commission considère que la République de Pologne n’a pas correctement transposé l’article 11 de la directive dès lors que le droit national n’interdit pas de manière efficace la conclusion d’accords d’exclusivité et ne prévoit pas non plus d’exception à cette interdiction, telle que visée au paragraphe 2 de cet article.
35 La République de Pologne fait valoir que la réutilisation des informations du secteur public n’est réglementée par aucune disposition législative nationale. Elle soutient que le cadre juridique national régissant l’accès à de telles informations réalise pleinement les objectifs de la directive puisqu’il n’existe aucune restriction ou interdiction à la réutilisation de celles-ci et que les seules informations auxquelles l’accès est restreint sont les données à caractère personnel qui relèvent également de l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive. Le paragraphe 3 de cet article montrerait clairement le lien étroit et indissociable existant entre la notion de réutilisation des informations du secteur public et les règles d’accès à ces dernières.
36 Ainsi, quiconque a eu accès à des informations du secteur public en Pologne acquerrait automatiquement et nécessairement le droit illimité de les réutiliser librement. La directive ne constituant qu’une norme minimale, il serait suffisant, pour satisfaire à ses exigences, que le droit national admette la réutilisation des informations du secteur public sur le fondement de principes qui ne sont pas moins favorables que ceux prévus dans cette directive.
37 La République de Pologne considère que la distinction faite par la Commission entre l’accès à de telles informations et leur réutilisation est théorique. D’une part, la réglementation polonaise relative à l’accès aux informations du secteur public ne subordonnerait pas cet accès à la condition que les informations recherchées soient utiles au contrôle de la société sur l’action des autorités publiques. Un grand éventail d’informations serait accessible en vertu de cette réglementation et les demandeurs ne seraient pas tenus de justifier d’un intérêt particulier à obtenir celles-ci. D’autre part, la directive ne limiterait pas la réutilisation des informations du secteur public à des fins économiques.
38 Par ailleurs, il ne résulterait pas de l’arrêt Commission/Espagne, précité, que la Cour a exclu la possibilité de transposer correctement la directive au moyen de dispositions relatives à l’accès aux informations du secteur public. Le recours en manquement ayant donné lieu audit arrêt n’étant pas contesté, la Cour n’aurait pas examiné si les dispositions concernées du droit espagnol assuraient une telle transposition.
39 S’agissant plus particulièrement de l’article 2 de la directive, la République de Pologne soutient que les définitions y figurant sont sans objet en l’absence de dispositions régissant la réutilisation des informations du secteur public en Pologne. La notion de «réutilisation» telle que définie au point 4 de cet article étant très large, le droit de réutiliser sans restriction les informations du secteur public qui sont publiquement accessibles permettrait de réaliser les objectifs de la directive quant à l’étendue de la réutilisation autorisée. Cet État membre conteste que les autres notions de la loi de 2001 visées par la Commission aient une portée plus étroite que les définitions d’«organismes du secteur public» et de «document» figurant audit article.
40 La République de Pologne estime que l’objectif énoncé à l’article 3 de la directive est atteint en Pologne dès lors que les règles de réutilisation des informations du secteur public sont plus libérales que les normes définies par cette directive. Elle considère que la liberté, consacrée dans la Constitution polonaise, de faire tout ce qui n’est pas défendu par la loi constitue une garantie efficace du droit de réutilisation. En revanche, l’adoption de dispositions législatives aurait pour effet de restreindre un tel droit.
41 Selon l’État membre défendeur, la réutilisation des informations du secteur public étant la conséquence de l’accès à ces informations, elle peut donc avoir lieu sans aucune demande. Dès lors, les exigences énoncées à l’article 4 de la directive seraient pleinement satisfaites par la réglementation polonaise relative à la procédure de traitement des demandes d’accès aux informations du secteur public, à savoir les articles 13 et 16 de la loi de 2001 ainsi que les dispositions pertinentes du code de procédure administrative. De même, les exigences figurant à l’article 6 de la directive seraient respectées dans la loi de 2001, dont l’article 7, paragraphe 2, prévoit que l’accès aux documents est gratuit sauf si cet accès entraîne des coûts supplémentaires pour l’organisme public concerné. Au demeurant, l’accès aux documents étant réglementé par des dispositions législatives en Pologne, le principe de transparence prévu à l’article 7 de la directive serait respecté.
42 La République de Pologne considère que la transposition de l’article 8 de la directive est facultative dans la mesure où il ne contient aucune obligation pour les États membres d’utiliser des licences. Elle relève, à cet égard, qu’aucun mécanisme de licences d’accès aux informations publiques ou de réutilisation de celles-ci n’existe en Pologne.
43 S’agissant de l’article 10 de la directive, la République de Pologne relève que la loi de 2001 dispose, à son article 2, paragraphe 1, que le droit d’accès aux informations publiques est ouvert à chacun et qu’aucune disposition nationale ne différencie la situation des utilisateurs en ce qui concerne le droit d’accéder ou de réutiliser de telles informations. En outre, les organismes publics seraient soumis aux principes généraux du droit.
44 Enfin, ledit État membre fait valoir que le droit polonais réalise pleinement l’objectif énoncé à l’article 11 de la directive. En effet, l’accès aux informations du secteur public étant ouvert à tous dans les mêmes conditions, les organismes du secteur public ne peuvent conclure des accords dans ce domaine et encore moins y établir des droits d’exclusivité.
Appréciation de la Cour
45 Il est constant que, contrairement aux indications fournies à la Commission par la République de Pologne au cours de la phase précontentieuse, cette dernière n’a procédé ni à l’adoption de nouvelles dispositions législatives ni à la modification de la loi de 2001 en vue de transposer les articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de la directive. La République de Pologne fait néanmoins valoir que les objectifs visés par ces articles sont pleinement atteints dans le droit national.
46 Aux fins d’examiner le bien-fondé des griefs de la Commission, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique, mais peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une manière suffisamment claire et précise. En particulier, l’existence de principes généraux de droit constitutionnel ou administratif peut rendre superflue la transposition par des mesures législatives ou réglementaires spécifiques. Toutefois, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique qui requiert que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits (voir arrêts du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg, C-32/05, Rec. p. I-11323, point 34; du 16 juillet 2009, Commission/Irlande, C-427/07, Rec. p. I-6277, points 54 et 55, ainsi que du 3 décembre 2009, Commission/Belgique, C-475/08, Rec. p. I-11503, point 41).
47 En premier lieu, s’agissant des articles 2, point 4, et 3 de la directive, la République de Pologne ne conteste pas l’absence de transposition de ces dispositions dans le droit national. Elle estime cependant que, en vertu de l’existence d’un droit prétendument illimité de réutiliser les informations du secteur public dans cet État membre, elle n’est pas tenue d’effectuer une telle transposition.
48 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il ressort du neuvième considérant et de l’article 3 de la directive que celle-ci ne contient aucune obligation pour les États membres d’autoriser la réutilisation de documents détenus par des organismes du secteur public. Dès lors, le fait que, en vertu du droit en vigueur en Pologne, toutes les informations du secteur public qui sont accessibles peuvent être réutilisées automatiquement et sans restrictions est en soi dépourvu de toute pertinence au regard de la question de savoir si les dispositions de la directive ont été correctement transposées dans l’ordre juridique de cet État membre.
49 D’autre part, l’argument de la République de Pologne selon lequel l’adoption de dispositions réglementant le droit prétendument illimité à la réutilisation des documents du secteur public en Pologne reviendrait à restreindre ce droit méconnaît tant les objectifs de la directive que les conditions de la réutilisation prévues par celle-ci.
50 En effet, il ressort de son huitième considérant que la directive établit un cadre général afin de garantir que lesdites conditions sont équitables, proportionnées et non discriminatoires. De même, en obligeant les États membres à veiller à ce que de tels documents puissent être réutilisés conformément aux conditions définies aux chapitres III et IV de la directive, l’article 3 de celle-ci établit un droit à la réutilisation selon ces conditions. De ce fait, ces dernières doivent être considérées, de manière générale, comme constitutives non pas de restrictions à la réutilisation de documents du secteur public, mais d’obligations que les organismes du secteur public sont tenus de respecter lorsque est autorisée la réutilisation de documents qu’ils détiennent.
51 Il s’ensuit que la transposition de l’article 2, point 4, de la directive, qui définit un aspect du champ d’application matériel de cette dernière, s’impose notamment afin que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 46 du présent arrêt, des personnes se proposant de réutiliser des informations du secteur public soient en mesure de savoir dans quelles circonstances elles peuvent compter sur le respect des conditions de réutilisation fixées dans la directive. De même, la seule absence d’interdiction de réutilisation des informations du secteur public ne garantit nullement le respect, par les organismes du secteur public, du droit énoncé à l’article 3 de la directive de réutiliser ces informations, lorsque leur réutilisation est autorisée, conformément aux conditions définies aux chapitres III et IV de celle-ci.
52 Par conséquent, le grief de la Commission tiré de l’absence de transposition correcte dans l’ordre juridique polonais des articles 2, point 4, et 3 de la directive est fondé.
53 En deuxième lieu, la Commission considère que les articles 2, points 1 à 3, 4, 6, 7 et 10 de la directive ne sont pas correctement transposés dans le droit polonais par les dispositions de la loi de 2001 et les principes généraux du droit invoqués par la République de Pologne.
54 À cet égard, c’est à bon droit que la Commission relève, en substance, que le fait que la directive s’appuie, aux termes de son article 1er, paragraphe 3, sur les règles d’accès en vigueur dans les États membres, telles que les dispositions de la loi de 2001, ne signifie nullement que ces règles peuvent, sans aucune modification, constituer une transposition adéquate des dispositions de la directive. En effet, si la réutilisation de documents du secteur public présuppose l’accès à ceux-ci, les deux processus sont manifestement différents. En outre, les objectifs de la directive qui, ainsi qu’il ressort de son cinquième considérant, incluent l’amélioration des possibilités de réutilisation des informations émanant du secteur public aux fins de contribuer au développement des services à l’échelle de l’Union européenne ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux visés par une réglementation nationale relative à l’accès à de telles informations.
55 Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une réglementation nationale portant sur l’accès aux documents publics n’est pas susceptible par elle-même de mettre en œuvre les dispositions de la directive avec la spécificité, la précision et la clarté requises afin de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique et de mettre des personnes physiques et morales souhaitant réutiliser de tels documents en mesure de connaître la plénitude de leurs droits (voir, en ce sens, arrêt Commission/Espagne, précité, points 6 et 7).
56 Il s’ensuit que les dispositions de la loi de 2001 invoquées par la République de Pologne, qui sont dépourvues de toute indication de nature à établir qu’elles s’appliquent également à la réutilisation d’informations du secteur public, ne sauraient constituer une transposition adéquate des articles 2, points 1 à 3, 4, 6, 7 et 10 de la directive.
57 Contrairement à ce que ledit État membre semble alléguer, cette conclusion s’impose indépendamment de la question de savoir dans quelle mesure le contenu desdites dispositions nationales correspond, pour ce qui est de l’accès aux informations du secteur public, à celui des articles susmentionnés de la directive concernant la réutilisation de telles informations. Il n’est donc pas nécessaire, aux fins de statuer sur le présent recours, d’analyser les dispositions pertinentes de la loi de 2001 par rapport, notamment, aux définitions et garanties procédurales contenues, respectivement, aux articles 2, points 1 à 3, et 4 de la directive.
58 En outre, il découle d’une jurisprudence bien établie que, lorsqu’une directive prévoit expressément que les dispositions de transposition de cette directive contiennent une référence à celle-ci ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle, il est en tout état de cause nécessaire d’adopter un acte positif de transposition (voir, notamment, arrêt du 17 mars 2011, Commission/Pologne, C-326/09, point 22 et jurisprudence citée).
59 En l’espèce, l’article 12, second alinéa, de la directive contient de telles prévisions. Or, il n’est pas contesté que les dispositions de la loi de 2001 qui, selon la République de Pologne, permettent d’atteindre les objectifs des articles de la directive énumérés au point 56 du présent arrêt ne contiennent pas une telle référence et ne sont pas accompagnées de celle-ci.
60 Dans la mesure où, en ce qui concerne l’article 10 de la directive, la République de Pologne invoque les principes généraux du droit, étant entendu que le principe pertinent au regard de cet article est celui de l’égalité de traitement, la Cour a certes jugé, comme il est rappelé au point 46 du présent arrêt, que l’existence de tels principes peut rendre superflue la transposition par des mesures législatives ou réglementaires spécifiques. Toutefois, en l’occurrence, l’existence d’un principe général d’égalité de traitement dans l’ordre constitutionnel de la République de Pologne ne suffit pas pour établir que le respect des conditions précises énoncées en particulier au paragraphe 2 dudit article, concernant la réutilisation de documents par un organisme du secteur public dans le cadre de ses activités commerciales étrangères à sa mission de service public, est pleinement garanti par le droit national.
61 Partant, le grief de la Commission tiré de l’absence de transposition correcte dans l’ordre juridique polonais des articles 2, points 1 à 3, 4, 6, 7 et 10 de la directive est fondé.
62 En troisième lieu, la République de Pologne reconnaît qu’elle n’a adopté aucune mesure légale ou réglementaire en vue de mettre en œuvre les articles 8 et 11 de la directive. Elle fait valoir, en substance, qu’elle n’est pas obligée de transposer ledit article 8, dès lors qu’il n’existe pas en Pologne un système de délivrance de licences pour la réutilisation d’informations du secteur public. De même, l’absence de transposition de l’article 11 de la directive serait justifiée par l’impossibilité, dans cet État membre, de conclure des accords et, partant, d’octroyer des droits d’exclusivité pour une telle réutilisation.
63 Toutefois, il y a lieu de constater que l’inexistence d’un régime de licences et l’impossibilité de conclure des accords pour la réutilisation d’informations du secteur public ne sauraient dispenser un État membre de transposer les articles 8 et 11 de la directive, faute de l’existence dans celle-ci d’une disposition prévoyant la possibilité d’une telle dispense.
64 En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’inexistence dans un État membre déterminé d’une certaine activité visée par une directive ne saurait libérer cet État de son obligation de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin d’assurer une transposition adéquate de l’ensemble des dispositions de cette directive. Une telle obligation incombe aux États membres afin de prévenir toute modification de la situation existant à un moment donné dans ceux-ci et en vue de garantir que tous les sujets de droit dans l’Union, y compris ceux des États membres dans lesquels une certaine activité visée par une directive n’existe pas, sachent avec clarté et précision quels sont, en toutes circonstances, leurs droits et obligations (voir arrêt du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque, C-343/08, Rec. p. I-275, points 39 et 41 ainsi que jurisprudence citée).
65 Partant, même s’il n’existe pas actuellement un régime de licences ou d’accords d’exclusivité pour la réutilisation d’informations du secteur public de la République de Pologne, la transposition des articles 8 et 11 de la directive s’impose néanmoins à cet État membre afin, notamment, de prévenir une éventuelle introduction de tels régimes dans l’avenir.
66 Il s’ensuit que le grief de la Commission tiré de la transposition incorrecte des articles 8 et 11 de la directive dans l’ordre juridique polonais est fondé.
67 En conséquence, il convient de constater que, en n’adoptant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans l’ordre juridique polonais les articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de la directive, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles.
Sur les dépens
68 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:
1) En n’adoptant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans l’ordre juridique polonais les articles 2 à 4, 6 à 8 ainsi que 10 et 11 de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces articles.
2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.