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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Poland French Text [2011] EUECJ C-504/09 (17 November 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C50409_O.html
Cite as: [2011] EUECJ C-504/9, [2011] EUECJ C-504/09

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 17 novembre 2011 (1)

Affaire C-504/09 P

Commission européenne,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord


contre


République de Pologne

«Pourvoi – Environnement – Pollution atmosphérique – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission pour la République de Pologne pour la période allant de 2008 à 2012 – Compétences des États membres et de la Commission – Article 9, paragraphes 1 et 3, et article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87»





I –    Introduction

1.        Les présents pourvois concernent le système instauré par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004 (JO L 338, p. 18), ci-après la «directive».

2.        Par leurs pourvois, la Commission européenne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord demandent l’annulation, dans son intégralité, de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 23 septembre 2009, Pologne/Commission (T-183/07, Rec. p. II-3395, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision C (2007) 1295 final de la Commission, du 26 mars 2007, concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après le «PNA») notifié par la République de Pologne pour la période allant de 2008 à 2012 conformément à la directive 2003/87 (ci-après la «décision litigieuse»).

II – Le cadre juridique

3.        L’article 9 de la directive dispose:

«1. Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, [de la directive,] chaque État membre élabore un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce plan est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III [de la directive], en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Sans préjudice des dispositions du traité, la Commission élabore des orientations pour la mise en œuvre des critères qui figurent à l’annexe III [de la directive] pour le 31 décembre 2003 au plus tard.

En ce qui concerne la période visée à l’article 11, paragraphe 1, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004. Pour les périodes ultérieures, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins dix-huit mois avant le début de la période concernée.

2. Les plans nationaux d’allocation de quotas sont examinés au sein du comité visé à l’article 23, paragraphe 1, [de la directive].

3. Dans les trois mois qui suivent la notification d’un plan national d’allocation de quotas par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce plan ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10 [de la directive]. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée.»

4.        Selon l’article 11, paragraphe 2, de la directive:

«Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008 et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son plan national d’allocation de quotas élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.»

5.        L’annexe III de la directive énumère douze critères applicables aux PNA. Les critères précisés aux points 1 à 3 et 12 de ladite annexe prévoient respectivement ce qui suit:

«1.      La quantité totale de quotas à allouer pour la période considérée est compatible avec l’obligation, pour l’État membre, de limiter ses émissions conformément à la décision 2002/358/CE et au protocole de Kyoto, en tenant compte, d’une part, de la proportion des émissions globales que ces quotas représentent par rapport aux émissions provenant de sources non couvertes par la présente directive et, d’autre part, de sa politique énergétique nationale, et devrait être compatible avec le programme national en matière de changements climatiques. Elle n’est pas supérieure à celle nécessaire, selon toute vraisemblance, à l’application stricte des critères fixés dans la présente annexe. Elle est compatible, pour la période allant jusqu’à 2008, avec un scénario aboutissant à ce que chaque État membre puisse atteindre voire faire mieux que l’objectif qui [lui] a été assigné en vertu de la décision 2002/358/CE et du protocole de Kyoto.

2.      La quantité totale de quotas à allouer est compatible avec les évaluations des progrès réels et prévus dans la réalisation des contributions des États membres aux engagements de la Communauté, effectuées en application de la décision 93/389/CEE.

3.      Les quantités de quotas à allouer sont cohérentes avec le potentiel, y compris le potentiel technologique, de réduction des émissions des activités couvertes par le présent système. Les États membres peuvent fonder la répartition des quotas sur la moyenne des émissions de gaz à effet de serre par produit pour chaque activité et sur les progrès réalisables pour chaque activité.

[…]

12.      Le plan fixe la quantité maximale de [réductions d’émissions certifiées] et d’[unités de réduction des émissions] que les exploitants peuvent utiliser dans le système communautaire, sous forme de pourcentage des quotas alloués à chaque installation. Ce pourcentage est conforme aux obligations de supplémentarité des États membres découlant du protocole de Kyoto et aux décisions adoptées en vertu de la CCNUCC ou du protocole de Kyoto.»

6.        Quant aux autres dispositions pertinentes en l’espèce, il convient de renvoyer à la description du cadre juridique dans l’arrêt attaqué.

III – Les antécédents du litige et la décision litigieuse

7.        Les faits ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse et le dispositif de celle-ci sont exposés aux points 9 à 15 de l’arrêt attaqué.

IV – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8.        La République de Pologne a introduit un recours devant le Tribunal contre la décision litigieuse. La procédure devant le Tribunal est exposée aux points 16 à 24 de l’arrêt attaqué.

9.        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans son ensemble.

10.      Tout d'’abord, aux points 70 à 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait outrepassé ses compétences de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. En premier lieu, il a reproché à la Commission de ne pas s’être limitée à un contrôle de conformité du PNA de la République de Pologne, mais d’avoir remplacé les données utilisées par la République de Pologne par ses propres données, obtenues à partir de sa propre méthode d’évaluation. En deuxième lieu, il lui a fait grief d’avoir fixé elle-même le niveau maximal pour la quantité totale des quotas à allouer dans la décision litigieuse.

11.      Ensuite, aux points 135 à 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la Commission a violé l’obligation de motivation en écartant les données retenues par la République de Pologne sans avoir expliqué en quoi ces données ne respectaient pas les critères de l’annexe III de la directive.

12.      Finalement, aux points 155 à 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que ces erreurs de droit entraînaient non seulement l’annulation des articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse, mais également de la décision dans son ensemble en raison du caractère non détachable de ses autres dispositions.

V –    La procédure devant la Cour

13.      La Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué et conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

14.      Dans son mémoire en réponse au pourvoi de la Commission, la République de Pologne demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité sur le fondement de l’article 116, paragraphe 1, premier tiret, du règlement de procédure de la Cour;

–        au cas où la Cour ne rejetterait pas le pourvoi dans son intégralité, d’examiner et de statuer sur l’intégralité des conclusions présentées en première instance et notamment d’examiner et de statuer sur le premier moyen de la requête en annulation, conformément à l’article 116, paragraphe 1, deuxième tiret, du règlement de procédure de la Cour;

–        au cas où la Cour ne rejetterait pas le pourvoi dans son intégralité, et ne statuerait pas sur les conclusions présentées au tiret ci-dessus, de statuer sur les conclusions présentées en première instance aux troisième à neuvième moyens, après examen de l’affaire par la Cour ou par le Tribunal, selon l’appréciation discrétionnaire de la Cour;

–        de condamner la Commission aux dépens.

15.      Dans son mémoire en réponse au pourvoi de la Commission, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        faire droit au pourvoi de la Commission et annuler l’arrêt attaqué, sauf en ce qui concerne le premier moyen.

16.      Par ordonnance du 28 juin 2010, la République tchèque et la Roumanie ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la République de Pologne, et le Royaume de Danemark a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

17.      Lors de l'audience qui s’est tenue le 29 septembre 2011, les représentants des gouvernements danois, polonais et tchèque, ainsi que de la Commission, ont précisé leurs positions et ont répondu aux questions posées.

VI – Sur l’intérêt à agir de la Commission

18.      Le 11 décembre 2009, donc après l’annulation de la décision litigieuse et après que la Commission eut formé son pourvoi contre l’arrêt attaqué, la Commission a adopté une nouvelle décision sur la base de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Dans cette nouvelle décision, elle a rejeté le PNA de la République de Pologne et a affirmé son incompatibilité avec les critères énumérés à l’annexe III de la directive, sans indiquer de plafond pour la quantité totale de quotas à allouer. La République de Pologne ne s’est pas opposée à la nouvelle décision et a notifié un nouveau PNA le 8 avril 2010, dans lequel elle a proposé une quantité totale de quotas à allouer de 208,5 millions de tonnes de CO2. Dans une décision du 19 avril 2010, la Commission n’a pas exprimé de réserves à l’encontre de ce PNA.

19.      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner l’intérêt à agir de la Commission. En effet, la Cour peut soulever d’office le défaut d’intérêt d’une partie à poursuivre un pourvoi, en raison d’un fait postérieur à l’arrêt du Tribunal de nature à enlever à celui-ci son caractère préjudiciable pour le demandeur au pourvoi, et déclarer le pourvoi irrecevable ou sans objet pour ce motif. L’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (2).

20.      En l’espèce, l’adoption de la nouvelle décision n’a pas eu pour conséquence d’enlever à la Commission tout intérêt à poursuivre le pourvoi. Certes, une éventuelle annulation de l’arrêt attaqué n’aurait pas comme effet de faire revivre la décision litigieuse, qui a été remplacée entre-temps par la nouvelle décision. Toutefois, un arrêt de la Cour confirmant l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive défendue par la Commission garde un intérêt pour celle-ci. En effet, la République tchèque, la République de Hongrie, la République de Lituanie et la Roumanie ont attaqué devant le Tribunal les décisions de la Commission par lesquelles elle a rejeté leurs PNA respectifs (3). Ces procédures ont été suspendues dans l’attente des arrêts de la Cour dans la présente affaire et dans l’affaire Commission/Estonie (C-505/09 P). La Commission conserve donc un intérêt à agir au regard de ces procédures pendantes devant le Tribunal.

VII – Sur le premier moyen

21.      Par son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’avoir statué ultra petita et d’avoir outrepassé ses compétences de contrôle.

22.      Ce moyen vise la motivation du Tribunal énoncée aux points 70 à 79 de l’arrêt attaqué. Au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le deuxième moyen du recours de la République de Pologne se subdivise en deux branches, la première étant tirée d’une violation de l’obligation de motivation et la seconde d’une interprétation et application erronées des dispositions de l’article 9, paragraphes 1 et 3, de la directive. Ensuite, aux points 71 à 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le grief de la Commission, selon lequel la seconde branche du deuxième moyen serait un moyen nouveau qui aurait été soulevé par la République de Pologne pour la première fois au stade de la réplique et qui serait donc irrecevable. Le Tribunal a rejeté ce grief d’irrecevabilité. Il a constaté que l’argumentation concernant la violation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive se trouvait déjà dans la requête de la République de Pologne et que les arguments supplémentaires que celle-ci avait avancés dans le cadre de sa réplique n’étaient qu’une ampliation de cette branche.

23.      La Commission reproche au Tribunal d’avoir admis la seconde branche du deuxième moyen invoqué par la République de Pologne. Elle estime que cette branche ne ressortait pas de l’argumentation avancée par la République de Pologne dans sa requête.

24.      Le premier moyen de la Commission doit être rejeté. Le Tribunal a constaté à juste titre que la seconde branche du deuxième moyen de la République de Pologne était recevable.

25.      Il résulte des articles 21 et 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal qu’une requête doit contenir notamment un exposé sommaire des moyens invoqués. Un moyen tiré d’une violation d’une règle de droit au sens de l’article 230, deuxième alinéa, CE (devenu l’article 263 TFUE) doit donc indiquer la règle concernée.

26.      L’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cette règle d’interdiction de nouveaux moyens doit être interprétée en tenant compte, d’une part, de ses objectifs de garantir une bonne administration de la justice et du respect des droits de la défense et, d’autre part, du droit à un recours effectif. Eu égard à ces principes, un moyen doit être considéré comme recevable lorsque les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent d’une façon suffisamment claire et précise de la requête, afin de permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Il suffit donc que le moyen ressorte à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible de la requête (4).

27.      Contrairement à ce que soutient la Commission, le Tribunal a constaté à bon droit que la critique d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 9, paragraphe 3, de la directive ressortait d’une façon suffisamment claire et précise de la requête de la République de Pologne. Ainsi qu’il résulte notamment des points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, dans ladite requête, la République de Pologne avait critiqué le fait que, en s’abstenant d’examiner les données que la République de Pologne avait présentées dans son PNA et en se limitant à introduire ses propres données, la Commission avait outrepassé ses compétences.

28.      Ensuite, il convient de rejeter le grief de la Commission selon lequel le Tribunal aurait déterminé de sa propre initiative que cette branche visait l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Ainsi que le Tribunal le relève au point 75 de l’arrêt attaqué, la République de Pologne a fait référence à l’article 9, paragraphe 3, de la directive dans le cadre de son deuxième moyen, au point 54 de sa requête. En tout état de cause, force est de constater qu’il était évident que la République de Pologne visait cette disposition qui était la base légale pour l’adoption de la décision litigieuse.

29.      Finalement, le grief selon lequel le raisonnement de la République de Pologne dans le cadre du deuxième moyen manquait de clarté, parce que celle-ci a fait référence à d’autres dispositions que l’article 9, paragraphe 3, de la directive, n’est pas fondé. Contrairement à ce que soutient la Commission, la référence faite à l’article 9, paragraphe 1, de la directive n’était pas susceptible de soulever un doute quant à l’objet de la seconde branche. En effet, il existe un lien étroit entre ces deux dispositions: dans la mesure où la Commission outrepasse ses compétences de contrôle d’un PNA au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, elle empiète sur les compétences des États membres pour l’élaboration du PNA au titre du paragraphe 1 de cet article.

30.      Le premier moyen de la Commission doit, dès lors, être rejeté.

VIII – Sur le deuxième moyen

31.      Le deuxième moyen de la Commission porte sur une erreur de droit concernant l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

32.      Ce moyen vise la motivation du Tribunal figurant aux points 80 à 134 de l’arrêt attaqué. Dans cette partie de l’arrêt attaqué, aux points 80 à 92, le Tribunal a fait tout d’abord quelques observations sur les objectifs de la directive, la répartition des compétences entre la Commission et les États membres et l’étendue de son contrôle juridictionnel. Ensuite, aux points 99 à 134 de l’arrêt attaqué, il a constaté que la Commission a violé l’article 9, paragraphes 1 et 3, de la directive, d’une part, en remplaçant la méthode d’évaluation et les données proposées par la République de Pologne dans son PNA par sa propre méthode d’évaluation et ses propres données, et, d’autre part, en indiquant un niveau maximal contraignant pour la quantité totale de quotas d’émission de gaz à effet de serre à allouer.

33.      Dans le cadre des observations liminaires du deuxième moyen, la Commission reproche tout d’abord au Tribunal d’avoir constaté que le contrôle d’un PNA par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive est un contrôle de conformité qui est fort circonscrit (A). Ensuite, le moyen présenté par la Commission se subdivise en deux branches, dont la première est tirée d’une violation du principe de l’égalité de traitement (B), et la seconde d’une méconnaissance de l’objet et du but de la directive (C).

A –    Sur la nature du contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive

34.      Il convient d’examiner, en premier lieu, le bien-fondé des critiques concernant les observations liminaires du Tribunal sur la répartition des compétences entre la Commission et les États membres.

35.      Tout d’abord, aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait référence à l’article 249, troisième alinéa, CE (devenu l’article 288, troisième alinéa, TFUE) et a retenu que dans le domaine de l’environnement, régi par les articles 174 CE à 176 CE (devenus les articles 191 TFUE à 193 TFUE), les compétences de l’Union et des États membres sont partagées. Il en a déduit que, en l’absence d’une règle communautaire prescrivant, de manière claire et précise, la forme et les moyens devant être employés par l’État membre, la liberté des États membres quant au choix des formes et des moyens reste, en principe, complète et qu’il incombe donc à la Commission de démontrer à suffisance de droit que les instruments utilisés par l’État membre sont contraires au droit de l’Union. Ensuite, aux points 85 à 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les États membres sont seuls compétents pour l’élaboration des PNA et pour l’adoption des décisions finales concernant la quantité totale de quotas et disposent d’une certaine marge de manœuvre dans l’exercice de ces compétences. Finalement, quant aux compétences de la Commission, le Tribunal a constaté, au point 89 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de manière univoque des dispositions de l’article 9, paragraphe 3, de la directive que le pouvoir de contrôle de la Commission est fort circonscrit, la Commission étant uniquement habilitée à vérifier la conformité du PNA de l’État membre aux critères énoncés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive.

36.      Dans le cadre de son deuxième moyen, la Commission, soutenue par le Royaume-Uni, avance que son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne peut pas être qualifié de contrôle de conformité fort circonscrit. Avant d’examiner ce reproche (2), il convient tout d’abord d’esquisser brièvement la procédure de contrôle des PNA instaurée par les articles 9 et 11 de la directive (1).

1.      La procédure de contrôle des PNA

37.      Selon son article 1er, la directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre afin de favoriser la réduction des gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

38.      Dans le cadre de ce système, il incombe à chaque État membre d’élaborer un PNA qui précise, notamment, la quantité totale des quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période d’échange considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Conformément à l’article 9, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive, ce PNA doit être fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III de la directive, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Les États membres doivent notifier leurs PNA à la Commission et aux autres États membres dix-huit mois avant le début de la période d’échange considérée.

39.      Selon l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission vérifie si les PNA notifiés sont conformes aux critères énoncés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive, et elle rejette ceux qui ne le sont pas. Il ressort de l’article 11, paragraphe 2, de la directive qu’un État membre peut fonder sa décision finale, relative à la quantité totale des quotas qu’il allouera pour la période concernée, sur un PNA que la Commission a approuvé ou qu’elle n’a pas rejeté dans un délai de trois mois à compter de sa notification. Par contre, un État membre ne peut pas fonder sa décision finale sur un PNA que la Commission a rejeté. La Commission dispose donc d’un pouvoir de blocage.

2.      Sur les reproches de la Commission

40.      Le Tribunal a constaté à bon droit que le contrôle des PNA par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive est un contrôle de conformité. Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 89 de l’arrêt attaqué, il ressort de manière univoque de cette disposition que le rôle de la Commission est limité à un contrôle de la conformité du PNA de l’État membre aux critères énoncés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Pour rejeter un PNA, la Commission doit donc démontrer que l’État membre a dépassé la marge de manœuvre que lui accorde la directive.

41.      Les reproches que la Commission avance à l’encontre de la motivation du Tribunal ne sont pas fondés.

42.      Premièrement, on ne saurait déduire du caractère antérieur du contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive que celui-ci va plus loin qu’un contrôle de conformité. Certes, la directive attribue un rôle important à la Commission qui dispose, notamment, d’un pouvoir de contrôle et de blocage. Toutefois, l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne lui confère pas le pouvoir de se substituer à un État membre en ce qui concerne l’élaboration de son PNA ou l’adoption de sa décision finale concernant les quotas à allouer. La Commission ne peut donc rejeter un PNA que lorsqu’elle démontre que l’État membre a dépassé la marge de manœuvre que lui laisse la directive.

43.      Deuxièmement, le Tribunal a constaté à juste titre qu’une qualification du contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive comme contrôle de conformité correspond à l’esprit de l’article 249, troisième alinéa, CE, selon lequel une directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Contrairement à ce que soutient la Commission, cette règle est applicable en l’espèce.

44.      Tout d'abord, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel l’article 249, troisième alinéa, CE est uniquement applicable à un contrôle a posteriori, tel que celui exercé dans le cadre d’une procédure en manquement. Cette règle est d’application générale. Elle doit donc être prise en compte en l’espèce, lorsqu’il y a lieu d’apprécier si la Commission est tenue de respecter le choix des États membres quant aux données et aux méthodes d’évaluation utilisées pour l’élaboration de leur PNA.

45.      Ensuite, il convient de rejeter le raisonnement de la Commission selon lequel les États membres ne peuvent pas se prévaloir d’une marge de manœuvre, parce que l’article 249, troisième alinéa, CE ne serait pas applicable en raison de la nature «réglementaire» de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. La Commission estime qu’une disposition d’une directive qui a vocation à s’appliquer uniquement entre les institutions et les États membres, et dont l’applicabilité ne dépend donc pas d’une transposition préalable en droit national, a un caractère «réglementaire». Ce raisonnement n’emporte pas la conviction. L’article 249, troisième alinéa, CE s’applique à toutes les dispositions d’une directive, et, partant, également à des dispositions ayant vocation à s’appliquer uniquement entre les institutions et les États membres. La Commission n’avance d’ailleurs aucune raison convaincante justifiant qu’une disposition telle que l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne devrait pas laisser de marge de manœuvre aux États membres quant à la forme et aux moyens, lorsque ces éléments n’ont pas été harmonisés dans la directive. En tout état de cause, l’approche du Tribunal est justifiée eu égard au fait que la directive a été adoptée dans un domaine de compétence partagée, dans lequel les États membres restent compétents dans la mesure où un aspect n’a pas été harmonisé.

46.      Troisièmement, la Commission ne saurait faire valoir avec succès qu’elle dispose d’une marge d’appréciation dans la mesure où elle est amenée à opérer ses propres évaluations économiques et écologiques complexes dans le cadre de son contrôle des PNA au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive et que cette marge d’appréciation limite la marge de manœuvre des États membres. En effet, cette marge d’appréciation de la Commission ne saurait modifier la nature du contrôle prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive comme contrôle de conformité. La marge d’appréciation dont la Commission dispose lui permet donc de déterminer un point de comparaison qui se fonde sur des données et des méthodes de son choix et qu’elle peut utiliser pour démontrer que le PNA n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Toutefois, elle ne lui permet pas de rejeter le PNA d’un État membre au seul motif qu’il n’est pas conforme au point de comparaison qu’elle a choisi.

47.      Les reproches avancés à l’encontre des observations liminaires du Tribunal aux points 82 à 89 de l’arrêt attaqué doivent, dès lors, être rejetés.

B –    Sur la première branche tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

48.      La première branche du deuxième moyen de la Commission vise la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé l’article 9, paragraphe 3, de la directive en substituant sa propre analyse à celle effectuée par la République de Pologne. Cette branche se subdivise en deux griefs tirés, d’une part, d’une violation du principe d’égalité de traitement (1) et, d’autre part, d’une erreur de droit du Tribunal concernant les données remplacées par la Commission (2).

1.      Sur le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

49.      Dans la procédure devant le Tribunal, la Commission a défendu son interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, selon laquelle elle n’était pas obligée d’examiner les données que la République de Pologne avait inscrites dans son PNA, en faisant valoir que le principe d’égalité de traitement l’obligeait à utiliser des données résultant des mêmes sources et des méthodes d’évaluation identiques pour les PNA de tous les États membres.

50.      Aux points 100 à 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce raisonnement. Il a estimé que le principe de l’égalité de traitement ne saurait modifier la répartition des compétences entre la Commission et les États membres prévue par la directive, aux termes de laquelle ces derniers sont compétents pour élaborer leur PNA et pour prendre la décision finale sur la quantité des quotas à allouer. En l’absence d’un pouvoir d’uniformisation de la Commission et d’un rôle central de celle-ci dans l’élaboration des PNA, elle ne pourrait pas invoquer le principe d’égalité de traitement afin d’imposer une méthode d’évaluation uniforme aux États membres. La Commission serait, dès lors, tenue de contrôler la conformité des données inscrites dans le PNA de la République de Pologne aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, et ne pourrait donc pas se borner à substituer ses données aux données inscrites dans le PNA.

51.      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, reproche au Tribunal d’avoir mal interprété son pouvoir de contrôle au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la directive et d’avoir violé le principe d’égalité de traitement. Elle serait obligée d’utiliser des données mises à jour et résultant de la même source, ainsi que des prévisions émanant de la même période pour tous les États membres afin de garantir l’égalité de traitement de tous les PNA.

52.      Il convient d’examiner le reproche d’une interprétation erronée de l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive (a), avant de se pencher sur la critique visant une violation du principe d’égalité de traitement (b). Enfin, j’analyserai les autres critiques avancés à l’encontre de la motivation du Tribunal (c).

a)      Sur l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission

53.      En premier lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir mal interprété l’étendue de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Elle estime qu’elle est habilitée à déterminer elle-même les paramètres pour apprécier la conformité des données inscrites dans le PNA aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. En conséquence, elle estime ne pas être obligée de vérifier la véracité des données économiques utilisées dans le PNA.

54.      Ce reproche de la Commission n’est pas fondé. Le Tribunal a retenu à bon droit que la Commission devait vérifier si les données économiques que la République de Pologne avait inscrites dans son PNA étaient conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

55.      Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, l’article 9, paragraphe 3, de la directive confère à la Commission uniquement un pouvoir de contrôle de conformité lui permettant de rejeter un PNA d’un État membre qui n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III ou aux dispositions de l’article 10, de la directive (5).

56.      Quant au degré du contrôle, le Tribunal a constaté à juste titre, au point 105 de l’arrêt attaqué, que l’annexe III de la directive énumère les critères qu’un État membre doit respecter dans son PNA, sans toutefois prescrire les formes et les moyens devant être utilisés pour apprécier la conformité du PNA auxdits critères. Les États membres restent donc libres d’utiliser des données et des méthodes d’évaluation de leur choix, sous réserve que celles-ci ne mènent pas à des résultats qui ne seraient pas conformes à ces critères. Dans le cadre de son contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission doit respecter cette marge de manœuvre des États membres. Il s’ensuit qu’elle ne peut pas rejeter le PNA d’un État membre au seul motif que les données inscrites dans celui-ci ne sont pas conformes aux données de son choix, mais qu’il lui incombe de démontrer que les données inscrites dans le PNA ne sont pas conformes aux critères énumérés dans l’annexe III de la directive.

57.      Les arguments que la Commission avance à l'appui de sa position n'emportent pas la conviction.

58.      Premièrement, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel elle n’était pas obligée d’examiner des données inscrites dans le PNA de la République de Pologne parce qu’elle avait rappelé aux États membres l’importance des données vérifiées d’émissions réelles. Une telle approche serait justifiée dans un système permettant à la Commission de se substituer aux États membres ou de déterminer elle-même les paramètres applicables à l’appréciation des critères de conformité. Or, la directive ne confère pas de tels pouvoirs à la Commission. Dans l’hypothèse où la Commission avait des doutes quant à la conformité des données inscrites dans le PNA, il lui incombait de démontrer la non-conformité de ces données par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

59.      Deuxièmement, il ne peut pas être déduit du caractère simultané du contrôle des PNA des différents États membres par la Commission que la directive confère à celle-ci le pouvoir de substituer les données de son choix aux données inscrites dans le PNA par un État membre.

60.      Troisièmement, une interprétation téléologique mettant en exergue la finalité de l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne permet pas de justifier l’approche de la Commission selon laquelle elle ne serait pas obligée d’examiner les données que la République de Pologne avait inscrites dans son PNA.

61.      Une telle approche ne trouve pas de fondement dans le trentième considérant de la directive. Ce considérant prévoit uniquement que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant individuellement et qu’il peut donc être mieux réalisé au niveau communautaire.

62.      Ensuite, il convient d'écarter l’argument soutenant que, en procédant d’une autre manière que celle proposée par la Commission, les objectifs de la directive ne pourraient pas être atteints. Dans un domaine de compétence partagée tel que le domaine de la protection de l’environnement, il incombe au législateur de l’Union de déterminer les mesures qu’il estime nécessaires pour atteindre les objectifs visés, tout en respectant les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Lorsque le choix du législateur ressort d’une façon claire et univoque de l’acte concerné, il n’appartient pas aux juridictions de l’Union de substituer leur appréciation à celle du législateur par le biais d’une interprétation téléologique.

63.      Or, la volonté du législateur de l’Union de conférer uniquement un pouvoir de contrôle de conformité, et non un pouvoir de substitution ou d’uniformisation, à la Commission ressort tant du libellé clair et univoque de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, que de ses travaux préparatoires(6). L’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive soutenue par la Commission dépasse donc les limites d’une interprétation téléologique. Il incombe au législateur de l’Union de modifier cette disposition, s’il estime que celle-ci ne permet pas d’atteindre les objectifs visés (7).

64.      La critique concernant une conception erronée de l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive doit, dès lors, être rejetée.

b)      Sur le principe d’égalité de traitement

65.      En deuxième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir violé le principe d’égalité de traitement.

66.      Ce reproche n’est pas fondé.

67.      Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées d’une manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l'Union qui institue la distinction en cause (8).

68.      Or, force est de constater que le reproche de la Commission repose sur une conception erronée de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Contrairement à ce que soutient la Commission, cette disposition ne l’habilite pas à déterminer les paramètres économiques à utiliser pour apprécier la conformité d’un PNA par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la directive laisse une marge de manœuvre aux États membres qui sont libres d’appliquer les données et les méthodes d’évaluation de leur choix, sous réserve que ces choix ne mènent pas à des résultats qui ne seraient pas conformes à ces critères. Les éventuelles différences entre les choix des États membres sont une manifestation de leur marge de manœuvre que la Commission doit respecter dans le cadre de son contrôle de conformité. La Commission ne viole donc pas le principe d’égalité de traitement en acceptant les différents choix des États membres dans la mesure où ceux-ci n’excèdent pas le cadre de leur marge de manœuvre.

69.      Le reproche d’une violation du principe d’égalité de traitement doit, dès lors, être rejeté.

c)      Sur les autres critiques

70.      En troisième lieu, il y a lieu de rejeter les autres critiques avancées par la Commission.

71.      D’abord, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu sa jurisprudence en acceptant, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, une possibilité illimitée de modification des PNA. Selon la Commission, un PNA qui a été notifié à la Commission ne peut être modifié qu’en vue de son adaptation en fonction de la décision de rejet de la Commission. S'il en allait autrement, le fonctionnement du système d’échange de quotas serait mis en danger et les États membres seraient incités à prendre du retard dans la notification de leurs PNA ou à notifier un PNA incomplet pour pouvoir éventuellement se prévaloir de données plus favorables. Cette critique doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner son bien-fondé. En effet, même si la critique de la Commission était fondée, elle ne serait pas susceptible de remettre en cause le constat du Tribunal selon lequel la Commission était obligée de contrôler la conformité des données inscrites dans le PNA de la République de Pologne aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, et ne pouvait donc pas se borner à substituer ses données aux données inscrites dans ce PNA.

72.      Ensuite, le reproche de la Commission tiré d’une contradiction de la motivation du Tribunal figurant aux points 113 à 116 de l’arrêt attaqué par rapport à sa position antérieure, selon laquelle seuls les États membres sont compétents pour l’élaboration des PNA, n’est pas fondé. Dans cette partie de l’arrêt attaqué, le Tribunal a uniquement retenu que la Commission est obligée de prendre en compte des données mises à jour présentées par l’État membre. Il n’a donc pas mis en cause sa position selon laquelle les États membres sont compétents pour l’élaboration des PNA.

d)      Conclusion

73.      Le grief visant la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé l’article 9, paragraphe 3, de la directive en substituant sa propre analyse à celle effectuée par la République de Pologne doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

2.      Sur le grief tiré d’une interprétation inexacte de la situation de fait

74.      La Commission fait grief au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation inexacte de la situation de fait aux points 100 à 103 de l’arrêt attaqué, où il a constaté que la Commission ne pouvait pas se borner à substituer les données obtenues à partir de sa propre méthode d’évaluation à celles inscrites dans le PNA. Le Tribunal aurait méconnu qu’il ne s’agissait pas de ses propres données et méthodes d’évaluation. Les données concernant les émissions réelles de CO2 auraient été des données provenant directement d’exploitants d’installations visés par la directive, vérifiées conformément à la décision n° 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relative à un mécanisme pour surveiller les émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et mettre en œuvre le protocole de Kyoto (JO L 49, p. 1)), et publiées au Journal des transactions communautaire indépendant, et auraient été envoyées par la République de Pologne en complément de son PNA. Les pronostics d’évolution du produit intérieur brut (PIB) pour les années 2005-2010 auraient été fondés sur des statistiques nationales élaborées en coopération avec des experts nationaux.

75.      Le grief est recevable. Même si l’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour, la dénaturation des faits ou des éléments de preuve produits devant le juge peut être contrôlée par elle (9). La Commission reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de ses précisions et de la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne l’origine des données et des méthodes qu’elle a utilisées.

76.      Toutefois, ce grief n’est pas fondé. Il repose sur une lecture erronée des points 100 à 103 et 120 de l’arrêt attaqué. En reprochant à la Commission d’avoir substitué les données obtenues à partir de sa propre méthode d’évaluation à celles utilisées par la République de Pologne dans son PNA, le Tribunal n’a pas critiqué le choix des données par la Commission. En effet, au point 120 de l’arrêt attaqué, il a dit explicitement qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur le bien-fondé du choix de la Commission. Le reproche du Tribunal ne visait donc pas le choix ou la source des données, mais concernait le fait que la Commission n’a pas contrôlé la compatibilité des données figurant dans le PNA polonais avec les critères énoncés à l’annexe III de la directive.

C –    Sur la seconde branche tirée d’une méconnaissance des objectifs de la directive

77.      La seconde branche du deuxième moyen est tirée d’une méconnaissance des objectifs poursuivis par la directive lors de l’interprétation de la portée et de l’étendue des pouvoirs de contrôle de la Commission sur la base de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

78.      Cette branche vise la motivation du Tribunal figurant aux points 121 à 131 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a constaté que la Commission avait excédé les limites du pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive en indiquant un niveau maximal pour la quantité totale de quotas d’émission de gaz à effet de serre à allouer dans la décision litigieuse.

79.      La Commission soutient que l’objectif et le but de la directive ne peuvent pas être atteints si elle ne dispose pas du pouvoir de fixer un tel niveau maximal et que son approche est justifiée par l’économie de procédure. Elle reproche au Tribunal de ne pas avoir distingué correctement entre la fixation d’un niveau maximal par la Commission et la fixation de la quantité des quotas à allouer par l’État membre.

80.      Cette branche n’est pas fondée.

81.      Le Tribunal a retenu à juste titre que la directive ne confère pas à la Commission le pouvoir de fixer un niveau maximal contraignant de quotas à allouer dans une décision de rejet. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, ce sont les États membres qui sont compétents pour l’élaboration des PNA et pour l’adoption de la décision finale. Les pouvoirs de la Commission sont limités à un contrôle de conformité des PNA, lui permettant de bloquer des PNA qui ne sont pas conformes aux critères énumérés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Le Tribunal a dès lors constaté à bon droit que la Commission s’est en fait substituée à la République de Pologne en fixant un niveau maximal de quotas à allouer et qu’elle a ainsi empiété sur les compétences de cet État membre.

82.      Les critiques que la Commission avance à l’encontre de la motivation du Tribunal n'emportent pas la conviction.

83.      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle elle n’a pas empiété sur les compétences de la République de Pologne au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive en fixant un niveau maximal de quotas à allouer, la République de Pologne ayant conservé la possibilité de fixer une quantité totale de quotas à allouer identique ou inférieure à ce niveau maximal. En effet, si la Commission disposait d’un tel pouvoir, elle pourrait imposer les données et les méthodes d’évaluation de son choix aux États membres en ce qui concerne le montant maximal des quotas à allouer. Or, la directive ne lui confère pas un tel pouvoir, mais laisse une marge de manœuvre aux États membres quant au choix des données et des méthodes d’évaluation.

84.      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le reproche de la Commission selon lequel le Tribunal n’a pas suffisamment pris en compte la nécessité du bon fonctionnement du système d’échange de quotas d’émission. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la volonté du législateur de l’Union de ne conférer qu’un pouvoir de contrôle de conformité à la Commission résulte clairement de la directive. La prise en compte du bon fonctionnement du système d’échange ne permet pas de conférer à la Commission des pouvoirs supplémentaires extra legem.

85.      Troisièmement, l’objection de la Commission selon laquelle il serait possible de prouver ex post que la reconnaissance inconditionnelle des données d’émissions de CO2 et de la quantité totale de quotas à allouer proposée, indiquées dans le PNA de la République de Pologne, aurait non seulement conduit à un résultat contraire aux critères n° 1 à n° 3 de l’annexe III de la directive, mais aurait aussi entraîné une inflation de quotas d’émission de CO2 sur le marché semble être fondée sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a reconnu que la Commission peut rejeter un PNA qui n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive et n’a donc pas estimé que la Commission devait reconnaître inconditionnellement les données inscrites dans le PNA polonais.

86.      Quatrièmement, la Commission soutient qu’une interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive selon laquelle elle aurait le pouvoir d’indiquer le niveau maximal de quantité de quotas à allouer serait justifiée par un souci d’économie procédurale. Cela éviterait des décisions successives de rejet de PNA pour incompatibilité avec les critères de l’annexe III de la directive et permettrait aux États membres d’adopter la décision finale au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive dans les délais prévus. Dans ce contexte, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu la signification juridique du montant maximal visé à l’article 2 de la décision litigieuse. Cette indication aurait uniquement eu pour conséquence de limiter son pouvoir de décision. En indiquant ce montant, elle se serait uniquement obligée elle-même à ne pas rejeter un PNA modifié, si la quantité de quotas proposée dans ce PNA était inférieure ou égale au montant maximal de quotas indiqué dans la décision litigieuse.

87.      Ce reproche doit également être écarté comme non fondé.

88.      Tout d’abord, il convient de rappeler que le rejet d’un PNA par la Commission impose à l’État membre concerné de modifier son PNA. La Commission ne peut pas se substituer à l’État membre à cet égard et ne peut donc pas modifier le PNA d’un État membre à sa place.

89.      Toutefois, l’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive oblige la Commission à indiquer les raisons pour lesquelles elle estime que le PNA rejeté n’est pas conforme aux critères indiqués à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive (10).

90.      Rien dans la directive ne s’oppose à ce que la Commission formule des propositions ou des recommandations dans la motivation d’une décision de rejet. Elle peut donc indiquer le niveau de quotas à allouer qu’elle estime conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, à condition que celui-ci ne s’impose pas obligatoirement à l’État membre concerné. En effet, eu égard à la période relativement courte dont dispose un État membre pour modifier son PNA rejeté, une telle indication peut être justifiée par le principe de coopération loyale.

91.      En outre, la Commission n’outrepasse pas les compétences conférées par l’article 9, paragraphe 3, de la directive si elle annonce dans le dispositif d’une décision de rejet qu’elle ne rejettera pas un PNA modifié qui est conforme aux propositions et aux recommandations faites dans cette décision de rejet. Un tel procédé peut être justifié selon le principe de coopération loyale et selon les exigences d’économie de procédure.

92.      Par contre, la Commission outrepasse les compétences prévues à l’article 9, paragraphe 3, de la directive lorsqu’elle indique un niveau maximal obligatoire de quotas dans la décision de rejet. En procédant ainsi, la Commission dépasse les limites de son contrôle de conformité et empiète sur les compétences des États membres.

93.      En l’espèce, le Tribunal a constaté à juste titre que la Commission a excédé les limites de son pouvoir au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. En effet, la République de Pologne, destinataire de la décision litigieuse, devait considérer que l’indication du montant maximal de quotas à l’article 2 de la décision litigieuse avait un caractère contraignant. À l’article 3, paragraphe 3, de la décision litigieuse, la Commission avait précisé que toute autre modification du PNA, à l’exception de celles requises à son article 2, n’était pas admissible. La modification concernant le niveau maximal de quotas à allouer qui était prévue à cet article reposait sur les données et les méthodes d’évaluation choisies par la Commission. Étant donné que la Commission n’avait pas pris soin d’examiner si les données inscrites par la République de Pologne dans son PNA étaient conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, la République de Pologne ne pouvait pas s’attendre à ce que la Commission aille examiner les données inscrites dans son PNA modifié qui ne respectaient pas le montant maximal indiqué dans l’article 2 de sa décision de rejet.

94.      La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

D –    Conclusion

95.      Il convient dès lors de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

IX – Sur le troisième moyen

96.      Le troisième moyen de la Commission est tiré d’une interprétation erronée de l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE (devenu l’article 296 TFUE) et de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

97.      Ce moyen vise la motivation du Tribunal exposée aux points 138 à 153 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a constaté que la Commission avait violé son obligation de motivation. Aux points 136 à 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est d’abord penché sur l’étendue de l’obligation de motivation. Après avoir rappelé la jurisprudence concernant l’article 253 CE, il a retenu qu’il incombait à la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive, d’expliquer en quoi les données et la méthode utilisées dans le PNA II étaient incompatibles avec les critères énoncés à l’annexe III de la directive. Ensuite, aux points 144 à 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait violé cette obligation de motivation.

98.      La Commission reproche au Tribunal d’avoir mal interprété la portée de l’obligation de motivation selon l’article 253 CE et l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive. Elle observe qu'elle est tenue de motiver une décision de rejet de façon à ce que le destinataire de celle-ci puisse la comprendre et que le Tribunal puisse contrôler sa conformité au droit. La Commission estime que la motivation de la décision litigieuse était suffisante, la République de Pologne ayant disposé d’éléments de fait et de droit supplémentaires.

A –    Sur le caractère inopérant du moyen

99.      Le troisième moyen est inopérant. La décision d’annuler les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse repose en premier lieu sur la motivation du Tribunal figurant aux points 70 à 133 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a constaté une erreur de droit de la Commission concernant l’interprétation de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Cette partie de la motivation, qui n’est pas entachée d’erreur de droit (11), justifie en elle-même l’annulation des dispositions susmentionnées de la décision litigieuse. Une éventuelle erreur de droit dans la motivation subsidiaire du Tribunal sur la violation de l’obligation de motivation n’est donc pas susceptible de mettre en cause sa décision.

B –    Sur le bien-fondé du troisième moyen

100. En ce qui concerne le bien-fondé du troisième moyen, il convient de distinguer entre l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE et celle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

101. Au point 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait violé l'obligation de motivation qui lui incombe, sans préciser si cette constatation visait l’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive ou celle consacrée à l’article 253 CE. Aux points 136 à 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a observé que l’obligation de motivation consacrée à l’article 253 CE est réaffirmée à l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Compte tenu du rapport que le Tribunal a établi entre ces deux obligations de motivation, il ne peut pas être exclu que sa constatation visait non seulement l’obligation de motivation au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, mais aussi celle au titre de l’article 253 CE.

102. Contrairement à l’approche retenue par le Tribunal, j’estime qu’il y a lieu de distinguer ces deux obligations de motivation. À mon avis, la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation consacrée à l’article 253 CE, mais a enfreint celle prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive.

1.      Sur l’obligation de motivation consacrée à l’article 253 CE

103. L’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE exige des institutions qu'elles fondent leurs actes juridiques sur une motivation claire et non équivoque, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle juridictionnel (12). Il suffit que la motivation résulte du contexte dans lequel l’acte a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (13). Il n’est donc pas forcément nécessaire que la motivation d’une décision spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents (14).

104. En l’espèce, la Commission n’a pas violé cette obligation de motivation. En effet, il résulte clairement de la motivation de la décision litigieuse que la Commission a estimé que l’article 9, paragraphe 3, de la directive lui permettait de déterminer le nombre maximal de quotas en se fondant sur les données et les méthodes d’évaluation de son choix. Cette motivation de la décision litigieuse a permis à la République de Pologne de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait adopté la décision litigieuse et au Tribunal de contrôler sa conformité en droit.

105. Par contre, le fait que la Commission ait mal interprété ses pouvoirs au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive et que sa motivation reflète cette interprétation erronée ne constitue pas une violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE (15).

106. La motivation de l’arrêt attaqué est donc entachée d’une erreur de droit dans la mesure où le Tribunal a constaté que la Commission a violé l’article 253 CE.

2.      Sur l’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive

107. En revanche, la constatation d’une violation de l’obligation de motivation ne me semble pas être entachée d’erreur de droit dans la mesure où elle vise l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

108. En effet, il résulte du libellé, du contexte systématique et de l’objectif de cette disposition qu’elle ne peut pas être interprétée de la même manière que l’article 253 CE. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, le rejet d’un PNA par la Commission bloque l’adoption de la décision finale par l’État membre concerné, qui est obligé de modifier son PNA et de notifier ce PNA à la Commission dans une période relativement courte (16). L’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, de la directive doit donc être interprétée en tenant compte de ces limites dans le temps et du principe de coopération loyale entre la Commission et les États membres. Il s’ensuit que l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive oblige la Commission à donner toutes les indications utiles à l’État membre, afin qu’il soit capable d’élaborer et de notifier un PNA modifié et d’adopter la décision finale dans les délais prévus par la directive.

109. Contrairement à ce que la Commission a soutenu lors de l’audience, l’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive s’applique à toutes les décisions de rejet de la Commission et pas uniquement à une seconde décision de rejet. Une telle interprétation s’impose au regard du libellé et de l’objectif de cette disposition.

110. Ainsi que le Tribunal l’a constaté aux points 144 à 153 de l’arrêt attaqué, la motivation de la décision litigieuse n’a pas satisfait aux exigences de l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive. En effet, vu l’objectif de cette disposition, il incombait à la Commission d’exposer en premier lieu en quoi les données et la méthode retenues par la République de Pologne ne respectaient pas les critères de l’annexe III de la directive. Or, la Commission s’est limitée à émettre des doutes quant à la fiabilité des données que la République de Pologne a inscrites dans le PNA et s’est bornée à substituer les données de son choix à celles de la République de Pologne en invoquant que les données de son choix étaient plus fiables. Une telle motivation n’a pas permis à la République de Pologne de comprendre les raisons pour lesquelles son choix de données et de méthodes n’était pas conforme aux critères de l’annexe III de la directive.

111. Contrairement à ce que soutient la Commission, ni le fait que la République de Pologne avait envoyé un relevé mis à jour d’émissions de CO2 pour l’année 2005 ni la circonstance que la République de Pologne disposait des éléments de fait et de droit supplémentaires grâce à la communication de la Commission du 29 novembre 2006 (17) et aux débats du comité sur le changement climatique ne l’ont déchargée de son obligation de démontrer en quoi les données que la République de Pologne avait présentées dans le PNA n’étaient pas conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus (18), les paramètres applicables pour apprécier si un PNA est conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive n’ont pas été harmonisés et la directive ne confère pas un pouvoir d’uniformisation à la Commission ou au comité sur le changement climatique.

112. Dans la mesure où le Tribunal a constaté que la Commission a violé l’obligation de motivation au titre de l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive, il n’a donc pas commis d’erreur de droit.

C –    Conclusion

113. Le troisième moyen de la Commission est par conséquent fondé dans la mesure où il concerne la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé l’obligation de motivation consacrée à l’article 253 CE. Toutefois, le troisième moyen ne saurait prospérer, premièrement, parce qu’il vise une motivation surabondante de l’arrêt attaqué et, deuxièment, parce qu’il n’est pas fondé en ce qui concerne la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé son obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive.

114. Le troisième moyen de la Commission doit donc être rejeté.

X –    Sur le quatrième moyen

115. Par son quatrième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans la mesure où il a considéré que les dispositions de la décision litigieuse n’étaient pas détachables et qu’il convenait donc d’annuler cette dernière dans son ensemble.

116. Ce moyen vise les points 155 à 163 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a décidé qu’une annulation portant uniquement sur les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse modifierait la substance même des dispositions restantes de cette décision.

117. La Commission estime que ces dispositions étaient détachables du reste de la décision litigieuse. Elle soutient qu’une annulation partielle portant uniquement sur ces dispositions n’aurait pas transformé la décision litigieuse en une décision qu’elle n’aurait pas eu l’intention d’adopter.

118. Le quatrième moyen doit être rejeté.

119. Selon la jurisprudence de la Cour, l’annulation partielle d’un acte d’une institution exige que les dispositions annulées de l’acte soient détachables des autres dispositions et que cette annulation partielle de l'acte ne modifie pas la substance de celui-ci (19). L’acte est modifié dans sa substance lorsque son auteur, d’un point de vue objectif, n’aurait pas adopté cet acte avec le dispositif modifié.

120. Le Tribunal a constaté à bon droit que l’annulation isolée des articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse aurait modifié la substance de celle-ci.

121. Premièrement, le Tribunal a constaté à juste titre que les différents paragraphes des articles 1er et 2 de la décision litigieuse n’étaient pas détachables. Certes, les différents paragraphes de ces articles se réfèrent à différents aspects du PNA et à différents critères de l’annexe III de la directive. Toutefois, il résulte de la structure des articles 1er et 2 de la décision litigieuse qu’une annulation partielle portant uniquement sur leur paragraphe 1 aurait eu pour effet de modifier la substance de ces articles. L’article 1er de la décision litigieuse contenait une liste limitative des objections de la Commission concernant la conformité du PNA de la République de Pologne par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Comme le Tribunal l’a constaté, une annulation partielle portant uniquement sur son paragraphe 1 aurait eu pour conséquence de réduire cette liste limitative. L’article 2 de la décision litigieuse contenait l’engagement de la Commission de ne pas s’opposer à un PNA de la République de Pologne si celle-ci modifiait son PNA en fonction des suggestions énumérées dans les paragraphes 1 à 4 de cet article. Une annulation partielle portant uniquement sur son paragraphe 1 aurait eu pour conséquence de réduire le nombre de modifications sous réserve desquelles cet engagement de la Commission a initialement été donné.

122. Or, il résulte tant de la décision litigieuse que des prises de position de la Commission devant le Tribunal que celle-ci n’était pas prête à accepter la quantité de quotas que la République de Pologne avait proposée dans son PNA la considérant comme excessive. C'est ce que confirme ex post le fait que la Commission a adopté une nouvelle décision, par laquelle elle a rejeté le PNA de la République de Pologne en raison, notamment, de l’incompatibilité du nombre de quotas maximal avec les critères n° 1 à n° 3 de l’annexe III de la directive. Par conséquent, le Tribunal a constaté à bon droit qu’une annulation partielle portant uniquement sur les articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la décision litigieuse aurait modifié la substance de celle-ci.

123. Deuxièmement, le Tribunal a constaté à bon droit que l’article 3, paragraphe 3, de la décision litigieuse n’est pas détachable des articles 1er et 2. Il existe un lien étroit entre cette disposition et les articles 1er et 2 de la décision litigieuse. En effet, cette disposition se réfère aux modifications que la Commission estime requises pour remédier aux incompatibilités constatées à l'article 1er de ladite décision, mais qui s’écartent des propositions de la Commission énumérées à son article 2.

124. Troisièmement, s'agissant du caractère détachable de l’article 3, paragraphe 2, de la décision litigieuse, qui porte sur des modifications concernant des quotas alloués à certaines installations, force est de constater que le maintien isolé de cette partie de la décision litigieuse aurait également modifié la substance de celle-ci. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus (20), un État membre peut fonder sa décision finale sur un PNA qui n’a pas été contesté par la Commission dans le cadre du contrôle prévu au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Une décision dans laquelle seul l’article 3, paragraphe 2, de la décision litigieuse aurait été maintenu serait une décision dans laquelle la Commission n’aurait soulevé aucune objection visant les critères nos1 à 3, 5, 6, 10 et 12 de l’annexe III de la directive. La République de Pologne aurait donc pu fonder sa décision finale au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive sur son PNA initial. Or, il résulte de la décision litigieuse et des prises de position de la Commission devant le Tribunal que celle-ci n a pas eu l’intention d’adopter une telle décision.

125. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en constatant que les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse n’étaient pas détachables du reste des dispositions de cette décision.

126. Le quatrième moyen de la Commission doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

XI – Sur la demande de l’examen des autres moyens de la requête

127. La République de Pologne a formulé une demande d’examen des autres moyens de la requête au cas où la Cour ne rejetterait pas le pourvoi dans son intégralité. Le pourvoi devant être rejeté dans son intégralité, il n’est pas nécessaire d’examiner cette demande.

XII – Conclusion

128. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de:

1)      rejeter les pourvois de la Commission européenne et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord contre l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, Pologne/Commission (T-183/07);

2)      condamner la Commission à supporter les dépens de la République de Pologne et ses propres dépens;

3)      condamner le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République tchèque, la Roumanie et le Royaume de Danemark à supporter leurs propres dépens.


1 – Langue originale: le slovène; langue de procédure: le polonais.


2 – Arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319, point 13), et du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil (C-535/06 P, Rec. p. I-7051, point 24).


3 – Affaires République tchèque/Commission (T-194/07, JO 2007, C 199, p. 38); Hongrie/Commission (T-221/07, JO 2007, C 199, p. 41); Lituanie/Commission (T-368/07, JO 2007, C 283, p. 35); Roumanie/Commission (T-483/07, JO 2008, C 51, p. 56), et Roumanie/Commission (T-484/07, JO 2008, C 51, p. 57).


4 – Arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI (C-412/05 P, Rec. p. I-3569, points 38 à 40), et du 17 juillet 2008, Campoli/Commission (C-71/07 P, Rec. p. I-5887, point 63).


5 – Voir points 40 à 47 des présentes conclusions.


6 – Voir p. 12 de la proposition COM (2001)581 de la Commission, du 23 octobre 2001, dont il ressort que la détermination des quantités totales de quotas délivrés doit être essentiellement laissée à l’appréciation des États membres qui doivent cependant respecter les critères définis à l’annexe III de la directive et que ces critères pourront être modifiés ultérieurement par le législateur de l’Union, à la lumière de l’expérience acquise dans la mise en œuvre de la directive.


7 – Dans ce contexte, il convient de constater que le législateur de l’Union a modifié précisément cet aspect de la directive. L’article 9 de la directive, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JO L 140, p. 63), prévoit que la quantité de quotas délivrée chaque année pour l’ensemble de la Communauté à compter de 2013 diminuera de manière linéaire de 1,74 % par rapport au total annuel moyen de quotas délivré par les États membres conformément aux décisions de la Commission relatives à leurs PNA pour la période 2008-2012 à partir du milieu de la période 2008-2012.


8 – Arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C-127/07, Rec. p. I-9895, points 23 et 26).


9 – Arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42), et du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a. (C-265/97 P, Rec. p. I-2061, point 139).


10 – Voir, à cet égard, points 107 à 112 des présentes conclusions.


11 – Voir points 31 à 95 des présentes conclusions.


12 – Arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission (C-156/98, Rec. p. I-6857, point 96).


13 – Ibidem, point 97.


14 – Arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C-89/08 P, Rec. p. I-11245, point 77).


15 – Arrêt du 2 octobre 2003, International Power e.a./Commission (C-172/01 P, C-175/01 P, C-176/01 P et C-180/01 P, Rec. p. I-11421, points 134 à 139).


16 – Voir points 37 à 39 des présentes conclusions.


17 – Communication COM (2006) 725 final au Conseil et au Parlement européen concernant l’évaluation des plans nationaux d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la deuxième période du système communautaire d’échange de quotas d’émission accompagnant les décisions de la Commission du 29 novembre 2006 relatives aux plans nationaux d’allocation établis par l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Slovaquie, la Suède et le Royaume-Uni conformément à la directive 2003/87.


18 – Voir points 55 et 58 des présentes conclusions.


19 – Arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Conseil (C-29/99, Rec. p. I-11221, point 45); du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission (C-239/01, Rec. p. I-10333, point 33); du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil (C-244/03, Rec. p. I-4021, point 13).


20 – Point 39 des présentes conclusions.


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