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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Estonia French Text [2011] EUECJ C-505/09 (17 November 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C50509_O.html
Cite as: [2011] EUECJ C-505/09, [2011] EUECJ C-505/9

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 17 novembre 2011 (1)

Affaire C-505/09 P

Commission européenne


contre


République d’Estonie

«Pourvoi – Environnement – Pollution atmosphérique – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission pour la République d’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012 – Compétences des États membres et de la Commission – Article 9, paragraphes 1 et 3, et article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87»





I –    Introduction

1.        Le présent pourvoi concerne le système instauré par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004 (JO L 338, p. 18) , ci-après la «directive».

2.        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 23 septembre 2009, Estonie/Commission (T-263/07, Rec. p. II-3463, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission du 4 mai 2007 concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après le «PNA») notifié par la République d’Estonie pour la période allant de 2008 à 2012 conformément à la directive 2003/87 (ci-après la «décision litigieuse»).

II – Le cadre juridique

3.        L’article 9 de la directive dispose:

«1. Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce plan est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III [de la directive], en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Sans préjudice des dispositions du traité, la Commission élabore des orientations pour la mise en œuvre des critères qui figurent à l’annexe III [de la directive] pour le 31 décembre 2003 au plus tard.

En ce qui concerne la période visée à l’article 11, paragraphe 1, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004. Pour les périodes ultérieures, le plan est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins dix-huit mois avant le début de la période concernée.

2. Les plans nationaux d’allocation de quotas sont examinés au sein du comité visé à l’article 23, paragraphe 1, [de la directive].

3. Dans les trois mois qui suivent la notification d’un plan national d’allocation de quotas par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce plan ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée.»

4.        Selon l’article 11, paragraphe 2, de la directive:

«Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008 et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son plan national d’allocation de quotas élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.»

5.        L’annexe III de la directive énumère douze critères applicables aux PNA. Les critères précisés aux points 1 à 3 et 12 de ladite annexe prévoient respectivement ce qui suit:

«1.      La quantité totale de quotas à allouer pour la période considérée est compatible avec l’obligation, pour l’État membre, de limiter ses émissions conformément à la décision 2002/358/CE et au protocole de Kyoto, en tenant compte, d’une part, de la proportion des émissions globales que ces quotas représentent par rapport aux émissions provenant de sources non couvertes par la présente directive et, d’autre part, de sa politique énergétique nationale, et devrait être compatible avec le programme national en matière de changements climatiques. Elle n’est pas supérieure à celle nécessaire, selon toute vraisemblance, à l’application stricte des critères fixés dans la présente annexe. Elle est compatible, pour la période allant jusqu’à 2008, avec un scénario aboutissant à ce que chaque État membre puisse atteindre voire faire mieux que l’objectif qui [lui] a été assigné en vertu de la décision 2002/358/CE et du protocole de Kyoto.

2.      La quantité totale de quotas à allouer est compatible avec les évaluations des progrès réels et prévus dans la réalisation des contributions des États membres aux engagements de la Communauté, effectuées en application de la décision 93/389/CEE.

3.      Les quantités de quotas à allouer sont cohérentes avec le potentiel, y compris le potentiel technologique, de réduction des émissions des activités couvertes par le présent système. Les États membres peuvent fonder la répartition des quotas sur la moyenne des émissions de gaz à effet de serre par produit pour chaque activité et sur les progrès réalisables pour chaque activité.

[…]

12.      Le plan fixe la quantité maximale de [réductions d’émissions certifiées] et d’[unités de réduction des émissions] que les exploitants peuvent utiliser dans le système communautaire, sous forme de pourcentage des quotas alloués à chaque installation. Ce pourcentage est conforme aux obligations de supplémentarité des États membres découlant du protocole de Kyoto et aux décisions adoptées en vertu de la CCNUCC ou du protocole de Kyoto.»

III – Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6.        Les faits ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse et le dispositif de celle-ci sont exposés aux points 6 à 9 de l’arrêt attaqué.

IV – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7.        La République d’Estonie a introduit un recours devant le Tribunal contre la décision litigieuse. La procédure devant le Tribunal est exposée aux points 10 à 21 de l’arrêt attaqué.

8.        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans son ensemble.

9.        Tout d’abord, aux points 28 à 34 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté les arguments de la Commission relatifs à l’irrecevabilité partielle du recours en annulation.

10.      Ensuite, aux points 49 à 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le moyen de la République d’Estonie tiré d’un excès de pouvoir résultant de la violation des articles 9, paragraphes 1 et 3, et 11, paragraphe 2, de la directive. En premier lieu, il a constaté que la Commission avait excédé les limites de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive en précisant, d’une part, dans la décision litigieuse une quantité spécifique de quotas, dont tout dépassement était considéré comme incompatible avec les critères établis par la directive, et en rejetant, d’autre part, le PNA de la République d’Estonie dans la mesure où la quantité totale des quotas qui y était proposée dépassait ce seuil. En second lieu, il a retenu que la Commission a violé l’article 9, paragraphe 3, de la directive en substituant sa propre analyse à celle effectuée par la République d’Estonie dans son PNA. Dans ce contexte, le Tribunal a également constaté que les données et les méthodes d’évaluation utilisées par la Commission n’étaient pas nécessairement les plus représentatives. Estimant que le moyen tiré d’une violation des articles 9, paragraphes 1 et 3, et 11, paragraphe 2, de la directive était fondé, le Tribunal a décidé que les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse devaient être annulés.

11.      Après, aux points 99 à 113 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission avait violé le principe de bonne administration dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir si le PNA de la République d’Estonie était conforme au critère n° 3 de l’annexe III de la directive. Il a estimé que la Commission n’avait pas établi que les calculs contenus dans ce PNA étaient entachés d’une erreur. Par conséquent, il a décidé qu’il y avait lieu d’annuler les articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse.

12.      Finalement, au point 114 de l’arrêt attaqué, estimant que les articles 1er, paragraphes 1 et 2, 2, paragraphes 1 et 2, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse n’étaient pas détachables du reste de la décision, le Tribunal a déclaré que celle-ci devait être annulée dans son ensemble.

V –    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

13.      La Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué, dans lequel elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué et

–        condamner la République d’Estonie aux dépens.

14.      Dans son mémoire en réponse au pourvoi de la Commission, la République d’Estonie conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi

–        condamner la Commission aux dépens,

–        dans l’hypothèse où la Cour ferait droit au pourvoi, renvoyer l’affaire devant le Tribunal en vue d’une décision relative aux conclusions de la République d’Estonie s’agissant des erreurs manifestes d’appréciation de la Commission, de la violation de l’article 175, paragraphe 2, sous c), CE et de la violation de l’obligation de motivation.

15.      Par ordonnance du 1er juin 2010, le Royaume de Danemark a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission, et la République tchèque ainsi que la République de Lettonie ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Estonie.

16.      Lors de l'audience qui s’est tenue le 29 septembre 2011, les représentants des gouvernements danois, estonien et letton, ainsi que de la Commission, ont précisé leurs positions et ont répondu aux questions posées.

VI – Sur l’intérêt à agir de la Commission

17.      Le 11 décembre 2009, donc après l’annulation de la décision litigieuse et après que la Commission eut formé son pourvoi contre l’arrêt attaqué, la Commission a adopté une nouvelle décision sur la base de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Dans cette nouvelle décision, elle a rejeté le PNA de la République d’Estonie et a affirmé l'incompatibilité de celui-ci avec les critères énumérés à l’annexe III de la directive, sans indiquer de plafond pour la quantité totale de quotas à allouer. La République d’Estonie n’a pas contesté cette nouvelle décision. Le 4 septembre 2010, elle a notifié un nouveau PNA.

18.      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner l’intérêt à agir de la Commission. La Cour peut soulever d’office le défaut d’intérêt d’une partie à poursuivre un pourvoi, en raison d’un fait postérieur à l’arrêt du Tribunal de nature à enlever à celui-ci son caractère préjudiciable pour le demandeur au pourvoi, et déclarer le pourvoi irrecevable ou sans objet pour ce motif. L’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (2).

19.      En l’espèce, l’adoption de la nouvelle décision n’a pas eu pour conséquence d’enlever à la Commission tout intérêt à poursuivre le pourvoi. Certes, une éventuelle annulation de l’arrêt attaqué n’aurait pas comme effet de faire revivre la décision litigieuse, qui a été remplacée entre-temps par la nouvelle décision. Toutefois, un arrêt de la Cour confirmant l’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive défendue par la Commission garde un intérêt pour celle-ci. En effet, la République tchèque, la République de Hongrie, la République de Lituanie et la Roumanie ont attaqué devant le Tribunal les décisions de la Commission par lesquelles elle a rejeté leurs PNA respectifs (3). Ces procédures ont été suspendues dans l’attente des arrêts de la Cour dans la présente affaire et dans l’affaire Commission/Pologne (C-504/09 P). La Commission conserve donc un intérêt à agir au regard de ces procédures pendantes devant le Tribunal.

VII – Sur le premier moyen

20.      Par son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

21.      Ce moyen vise les points 28 à 34 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a examiné le grief d’irrecevabilité soulevé par la Commission dans le cadre de la procédure en première instance. La Commission avait demandé de rejeter le recours de la République d’Estonie comme irrecevable, dans la mesure où celle-ci ne s’était pas limitée à demander uniquement l’annulation des articles 1er, paragraphes 1 et 2, 2, paragraphes 1 et 2, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse, mais avait conclu à l’annulation de l’ensemble de cette décision. Selon la Commission, l’irrecevabilité partielle du recours de la République d’Estonie résulte du fait que celle-ci avait uniquement présenté des moyens qui visaient l’annulation des articles 1er, paragraphes 1 et 2, 2, paragraphes 1 et 2, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse et que les autres dispositions de ladite décision en étaient détachables. Le Tribunal a rejeté cette demande. Il a estimé que, au cas où les moyens soulevés par la République d’Estonie seraient fondés, il y aurait lieu d’annuler la décision litigieuse dans son ensemble, les dispositions faisant l’objet des griefs avancés n’étant pas détachables du reste de cet acte.

22.      La Commission reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 21 du statut de la Cour et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure en admettant la recevabilité de la requête de la République d’Estonie en ce qui concerne l’annulation de l’ensemble de la décision litigieuse. Les moyens invoqués par la République d’Estonie n’auraient visé que les articles 1er, paragraphes 1 et 2, 2, paragraphes 1 et 2, ainsi que 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse. Les autres dispositions de la décision litigieuse auraient été détachables de ces dispositions.

23.      Le premier moyen de la Commission doit être rejeté en substituant toutefois une partie de la motivation du Tribunal. Contrairement à l’approche suivie par le Tribunal, la demande de la Commission doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question du caractère détachable des dispositions de la décision litigieuse.

24.      Devant le Tribunal, la Commission avait invoqué que la requête de la République d’Estonie n’était pas conforme à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et à l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure. Selon ces articles, la requête n’est pas recevable si la partie requérante n’expose pas avec suffisamment de clarté l’objet du litige, les conclusions et les moyens invoqués à l'appui des conclusions. Les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde doivent donc ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même, afin de permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations (4).

25.      En l’espèce, la République d’Estonie avait présenté l’objet du litige, ses conclusions et les moyens invoqués à l'appui de ses conclusions avec une précision suffisante. Il était clair qu'elle demandait l’annulation de l’ensemble de la décision litigieuse et qu’elle estimait que cette demande était justifiée sur le fondement des moyens qu’elle avait invoqués à l'appui de cette demande. Les conditions de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure étaient donc réunies.

26.      Contrairement à l’approche adoptée par le Tribunal, il n’était pas nécessaire d’analyser le caractère détachable des dispositions de la décision litigieuse dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours. En effet, si le caractère détachable des dispositions d’un acte doit être analysé dans le cadre de l'examen de la recevabilité du recours lorsque la partie requérante demande l’annulation partielle de cet acte (5), il ne doit cependant pas l'être dans ce cadre, mais uniquement dans celui du bien-fondé du recours, lorsque la partie requérante demande l’annulation de l’ensemble de la décision attaquée. Le point de savoir si l’annulation de l’ensemble de l’acte est justifiée au regard des moyens invoqués et du caractère non détachable des dispositions de cet acte est une question qui ne peut, logiquement, être traitée qu’après avoir examiné le bien-fondé d’au moins un moyen et qui relève, dès lors, du bien-fondé du recours. Une telle approche me semble de surcroît s’imposer pour des raisons d’économie de procédure. D’une part, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question du caractère détachable des dispositions d’un acte, lorsque tous les moyens invoqués à l'encontre de cet acte doivent être rejetés. D’autre part, force est de constater que, même si le Tribunal avait fait droit à la demande de la Commission en constatant que le recours était «irrecevable» concernant certaines dispositions de la décision litigieuse, il aurait toujours dû examiner l’ensemble des moyens avancés par la République d’Estonie.

27.      Il convient dès lors de rejeter le premier moyen de la Commission en substituant la motivation du Tribunal aux points 28 à 34 de l’arrêt attaqué.

VIII – Sur le deuxième moyen

28.      Le deuxième moyen de la Commission est tiré d’une erreur de droit concernant l’interprétation des articles 9, paragraphes 1 et 3, et 11, paragraphe 2, de la directive.

29.      Ce moyen vise la motivation du Tribunal figurant aux points 49 à 94 de l’arrêt attaqué. Aux points 49 à 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait tout d’abord quelques observations sur la répartition des compétences entre les États membres et la Commission. Ensuite, aux points 56 à 86 de l’arrêt attaqué, il a examiné l’exercice par la Commission de ses compétences dans le cas d’espèce. Après avoir brièvement résumé le contenu de la décision litigieuse aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, aux points 60 à 94 de cet arrêt, que la Commission avait excédé les limites de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. En premier lieu, il lui a reproché d’avoir précisé une quantité spécifique de quotas, dont tout dépassement serait considéré comme étant incompatible avec les critères établis par la directive et d’avoir rejeté le PNA de la République d’Estonie dans la mesure où la quantité totale des quotas qui y était proposée dépassait ce seuil. En second lieu, le Tribunal a fait grief à la Commission de ne pas s’être bornée à contrôler la légalité du PNA de la République d’Estonie, mais d’avoir effectivement substitué sa propre analyse à celle effectuée par ledit État membre. Ensuite, le Tribunal a critiqué le choix des données relatives aux émissions devant servir de point de départ aux fins des prévisions pour la période concernée et le choix des méthodes de prévisions pour l’évolution des émissions entre la période de référence et la période concernée. Finalement, le Tribunal a rejeté les autres arguments avancés par la Commission pour justifier son rejet du PNA.

30.      Dans le cadre des observations liminaires du deuxième moyen, la Commission reproche tout d’abord au Tribunal d’avoir assimilé le contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive à un contrôle de transposition de directives (A). Ensuite, le moyen présenté par la Commission se subdivise en deux branches, dont la première est tirée d’une violation du principe général de l’égalité de traitement (B), et la seconde d’une méconnaissance de l’objet et du but de la directive (C).

A –    Sur la nature du contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive

31.      Il convient tout d’abord d’examiner les critiques de la Commission concernant la nature du contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

32.      Ces critiques visent la motivation du Tribunal figurant aux points 49 à 56 de l’arrêt attaqué. Au point 50 de cet arrêt, le Tribunal a d’abord rappelé que les actes administratifs doivent être adoptés dans le respect des compétences attribuées aux différentes instances administratives. Ensuite, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, il a fait référence à l’article 249, troisième alinéa, CE (devenu l’article 288, troisième alinéa, TFUE) et a estimé que, dans le domaine de l’environnement, régi par les articles 174 CE à 176 CE (devenus les articles 191 TFUE à 193 TFUE), les compétences de l’Union et des États membres étaient partagées. Il en a déduit que, en l’absence de règle communautaire prescrivant, de manière claire et précise, la forme et les moyens devant être employés par l’État membre, la liberté des États membres quant au choix des formes et des moyens reste, en principe, complète et qu’il incombe donc à la Commission de démontrer à suffisance de droit que les instruments utilisés par l’État membre sont contraires au droit de l’Union. En ce qui concerne les compétences des États membres, le Tribunal a constaté au point 53 de l’arrêt attaqué que les États membres sont seuls compétents, d’une part, pour élaborer le PNA et, d’autre part, pour prendre les décisions finales fixant notamment la quantité totale de quotas. Dans l’exercice de ces compétences, l’État membre disposerait d’une certaine marge de manœuvre. Aux points 54 et 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission est habilitée, d’une part, à vérifier si les PNA sont conformes aux critères énoncés par la directive et, d’autre part, à rejeter des PNA pour cause d’incompatibilité. Ainsi qu’il résulte du point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que le contrôle de la Commission est un contrôle de légalité.

33.      Dans le cadre de son deuxième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir qualifié son contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive de contrôle de légalité. Avant d’examiner ce reproche (2), il convient tout d’abord d’esquisser brièvement la procédure de contrôle des PNA prévue aux articles 9 et 11 de la directive (1).

1.      La procédure de contrôle des PNA

34.      Selon son article 1er, la directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre afin de favoriser la réduction des gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

35.      Dans le cadre de ce système, il incombe à chaque État membre d’élaborer un PNA qui précise, notamment, la quantité totale des quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période d’échange considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Conformément à l’article 9, paragraphe 1, deuxième phrase, de la directive, ce PNA doit être fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III de la directive, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Les États membres doivent notifier leurs PNA à la Commission et aux autres États membres dix-huit mois avant le début de la période d’échange considérée.

36.      Selon l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission vérifie si les PNA notifiés sont conformes aux critères énoncés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive, et elle rejette ceux qui ne le sont pas. Il ressort de l’article 11, paragraphe 2, de la directive qu’un État membre peut fonder sa décision finale, relative à la quantité totale des quotas qu’il allouera pour la période concernée, sur un PNA que la Commission a approuvé ou qu’elle n’a pas rejeté dans un délai de trois mois à compter de sa notification. Par contre, un État membre ne peut pas fonder sa décision finale sur un PNA que la Commission a rejeté. La Commission dispose donc d’un pouvoir de blocage.

2.      Sur les reproches de la Commission

37.      Le Tribunal a constaté à bon droit que le contrôle des PNA par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive est un contrôle de légalité. Ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, il ressort de manière univoque de cette disposition que le rôle de la Commission est limité à un contrôle de la conformité du PNA de l’État membre aux critères énoncés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Pour rejeter un PNA, la Commission doit donc démontrer que l’État membre a dépassé la marge de manœuvre que lui accorde la directive.

38.      Les reproches que la Commission avance à l’encontre de la motivation du Tribunal ne sont pas fondés.

39.      Premièrement, on ne saurait déduire du caractère antérieur du contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive que celui-ci va plus loin qu’un contrôle de conformité. Certes, la directive attribue un rôle important à la Commission qui dispose, notamment, d’un pouvoir de contrôle et de blocage. Toutefois, l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne lui confère pas le pouvoir de se substituer à un État membre en ce qui concerne l’élaboration de son PNA ou l’adoption de sa décision finale concernant les quotas à allouer. La Commission ne peut donc rejeter un PNA que lorsqu’elle démontre que l’État membre a dépassé la marge de manœuvre que lui laisse la directive.

40.      Deuxièmement, le Tribunal a constaté à juste titre qu’une qualification du contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive comme contrôle de conformité correspond à l’esprit de l’article 249, troisième alinéa, CE, selon lequel une directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Contrairement à ce que soutient la Commission, cette règle est applicable en l’espèce.

41.      Tout d'’abord, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel l’article 249, troisième alinéa, CE est uniquement applicable à un contrôle a posteriori, tel que celui exercé dans le cadre d’une procédure en manquement. Cette règle est d’application générale. Elle doit donc être prise en compte en l’espèce, lorsqu’il y a lieu d'apprécier si la Commission est tenue de respecter le choix des États membres quant aux données et aux méthodes d’évaluation utilisées pour l’élaboration de leur PNA.

42.      Ensuite, il convient de rejeter le raisonnement de la Commission selon lequel les États membres ne peuvent pas se prévaloir d’une marge de manœuvre, parce que l’article 249, troisième alinéa, CE ne serait pas applicable en raison de la nature «réglementaire» de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. La Commission estime qu’une disposition d’une directive qui a vocation à s’appliquer uniquement entre les institutions et les États membres, et dont l’applicabilité ne dépend donc pas d’une transposition préalable en droit national, a un caractère «réglementaire». Ce raisonnement n'emporte pas la conviction. L’article 249, troisième alinéa, CE s’applique à toutes les dispositions d’une directive, et, partant, également à des dispositions ayant vocation à s’appliquer uniquement entre les institutions et les États membres. La Commission n’avance d’ailleurs aucune raison convaincante justifiant qu’une disposition telle que l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne devrait pas laisser de marge de manœuvre aux États membres quant à la forme et aux moyens, lorsque ces éléments n’ont pas été harmonisés dans la directive. En tout état de cause, l’approche du Tribunal est justifiée eu égard au fait que la directive a été adoptée dans un domaine de compétence partagée, dans lequel les États membres restent compétents dans la mesure où un aspect n’a pas été harmonisé.

43.      Troisièmement, la Commission ne saurait faire valoir avec succès qu’elle dispose d’une marge d’appréciation dans la mesure où elle est amenée à opérer ses propres évaluations économiques et écologiques complexes dans le cadre de son contrôle des PNA au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive et que cette marge d’appréciation limite la marge de manœuvre des États membres. En effet, cette marge d’appréciation de la Commission ne saurait modifier la nature du contrôle, prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive, comme contrôle de conformité. La marge d’appréciation dont la Commission dispose lui permet donc de déterminer un point de comparaison qui se fonde sur des données et des méthodes de son choix et qu’elle peut utiliser pour démontrer que le PNA n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Toutefois, elle ne lui permet pas de rejeter le PNA d’un État membre au seul motif qu’il n’est pas conforme au point de comparaison qu’elle a choisi.

44.      Les reproches avancés à l’encontre des observations liminaires du Tribunal figurant aux points 49 à 56 de l’arrêt attaqué doivent donc être rejetés.

B –    Sur la première branche tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

45.      La première branche du deuxième moyen de la Commission vise la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé l’article 9, paragraphe 3, de la directive en substituant sa propre analyse à celle effectuée par la République d’Estonie. Cette branche se subdivise en deux griefs tirés, d’une part, d’une violation du principe d’égalité de traitement (1) et, d’autre part, d’une erreur de droit du Tribunal concernant les données remplacées par la Commission (2).

1.      Sur le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

46.      Dans la procédure devant le Tribunal, la Commission a défendu son interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, selon laquelle elle n’était pas obligée d’examiner les données que la République d’Estonie avait inscrites dans son PNA, en faisant valoir que le principe d’égalité de traitement l’obligeait à utiliser des données résultant des mêmes sources et des méthodes d’évaluation identiques pour les PNA de tous les États membres.

47.      Aux points 87 à 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce raisonnement. Il a estimé que le principe de l’égalité de traitement ne saurait modifier la répartition des compétences entre la Commission et les États membres prévue par la directive, aux termes de laquelle ces derniers sont compétents pour élaborer leur PNA et pour prendre la décision finale sur la quantité des quotas à allouer. Le pouvoir de contrôle de la Commission serait donc limité à un contrôle de conformité des données inscrites dans le PNA aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Par conséquent, la Commission ne pourrait pas se borner à substituer ses données à celles inscrites dans le PNA. En outre, la Commission pourrait assurer l’égalité de traitement entre les États membres en examinant le PNA présenté par chacun d’eux avec le même degré de diligence.

48.      La Commission reproche au Tribunal d’avoir mal interprété son pouvoir de contrôle au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la directive et d’avoir violé le principe d’égalité de traitement. Elle serait obligée d’utiliser des données mises à jour et résultant de la même source, ainsi que des prévisions émanant de la même période pour tous les États membres afin de garantir l’égalité de traitement de tous les PNA.

49.      Il convient d’examiner le reproche concernant une interprétation erronée de l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive (a), avant de se pencher sur la critique visant une violation du principe d’égalité de traitement (b). Enfin, j’analyserai les autres critiques avancées à l’encontre de la motivation du Tribunal (c).

a)      Sur l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission

50.      En premier lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir mal interprété l’étendue de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Elle estime qu’elle est habilitée à déterminer elle-même les paramètres pour apprécier la conformité des données inscrites dans le PNA aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. En conséquence, elle estime ne pas être obligée de vérifier la véracité des données économiques utilisées dans le PNA.

51.      Ce reproche de la Commission n’est pas fondé. Le Tribunal a retenu à bon droit que la Commission devait vérifier si les données économiques que la République d’Estonie avait inscrites dans son PNA étaient conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

52.      Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, l’article 9, paragraphe 3, de la directive confère à la Commission uniquement un pouvoir de contrôle de conformité lui permettant de rejeter un PNA d’un État membre qui n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III, ou aux dispositions de l’article 10 de la directive (6).

53.      Quant au degré du contrôle, le Tribunal a constaté à juste titre, aux points 68, 69, 75, 79 et 80 de l’arrêt attaqué, que l’annexe III de la directive énumère les critères qu’un État membre doit respecter dans son PNA, sans toutefois prescrire les formes et les moyens devant être utilisés pour apprécier la conformité du PNA auxdits critères. Les États membres restent donc libres d’utiliser des données et des méthodes d’évaluation de leur choix, sous réserve que celles-ci ne mènent pas à des résultats qui ne seraient pas conformes à ces critères. Dans le cadre de son contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission doit respecter cette marge de manœuvre des États membres. Il s’ensuit qu’elle ne peut pas rejeter le PNA d’un État membre au seul motif que les données inscrites dans celui-ci ne sont pas conformes aux données de son choix, mais qu’il lui incombe de démontrer que les données inscrites dans le PNA ne sont pas conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

54.      Les arguments que la Commission avance à l'appui de sa position n'emportent pas la conviction.

55.      Premièrement, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel elle n’était pas obligée d’examiner des données inscrites dans le PNA de la République d’Estonie parce qu’elle avait rappelé aux États membres l’importance des données vérifiées d’émissions réelles. Une telle approche serait justifiée dans un système permettant à la Commission de se substituer aux États membres ou de déterminer elle-même les paramètres applicables à l’appréciation des critères de conformité. Or, la directive ne confère pas de tels pouvoirs à la Commission. Dans l’hypothèse où la Commission avait des doutes quant à la conformité des données inscrites dans le PNA, il lui incombait de démontrer la non-conformité de ces données par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

56.      Deuxièmement, il ne peut pas être déduit du caractère simultané du contrôle des PNA des différents États membres par la Commission que la directive lui confère le pouvoir de substituer les données de son choix aux données inscrites dans le PNA par un État membre.

57.      Troisièmement, une interprétation téléologique mettant en exergue la finalité de l’article 9, paragraphe 3, de la directive ne permet pas de justifier l’approche de la Commission selon laquelle elle ne serait pas obligée d’examiner les données que la République d’Estonie avait inscrites dans son PNA.

58.      Une telle approche ne trouve pas de fondement dans le trentième considérant de la directive. Ce considérant prévoit uniquement que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant individuellement et qu’il peut donc être mieux réalisé au niveau communautaire.

59.      Ensuite, il convient d'écarter l’argument soutenant que, en procédant d’une autre manière que celle proposée par la Commission, les objectifs de la directive ne pourraient pas être atteints. Dans un domaine de compétence partagée tel que le domaine de la protection de l’environnement, il incombe au législateur de l’Union de déterminer les mesures qu’il estime nécessaires pour atteindre les objectifs visés, tout en respectant les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Lorsque le choix du législateur ressort d’une façon claire et univoque de l’acte concerné, il n’appartient pas aux juridictions de l’Union de substituer leur appréciation à celle du législateur par le biais d’une interprétation téléologique.

60.      Or, la volonté du législateur de l’Union de conférer uniquement un pouvoir de contrôle de conformité et non un pouvoir de substitution ou d’uniformisation à la Commission ressort tant du libellé clair et univoque de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, que de ses travaux préparatoires (7). L’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive soutenue par la Commission dépasse donc les limites d’une interprétation téléologique. Il incombe au législateur de l’Union de modifier cette disposition, s’il estime que celle-ci ne permet pas d’atteindre les objectifs visés (8).

61.      La critique concernant une conception erronée de l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive doit, dès lors, être rejetée.

b)      Sur le principe d’égalité de traitement

62.      En deuxième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir violé le principe d’égalité de traitement.

63.      Ce reproche n’est pas fondé.

64.      Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées d’une manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (9).

65.      Or, force est de constater que le reproche de la Commission repose sur une conception erronée de son pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Contrairement à ce que soutient la Commission, cette disposition ne l’habilite pas à déterminer les paramètres économiques à utiliser pour apprécier la conformité d’un PNA par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la directive laisse une marge de manœuvre aux États membres qui sont libres d’appliquer les données et les méthodes d’évaluation de leur choix, sous réserve que ces choix ne mènent pas à des résultats qui ne seraient pas conformes à ces critères. Les éventuelles différences entre les choix des États membres sont une manifestation de leur marge de manœuvre que la Commission doit respecter dans le cadre de son contrôle de conformité. La Commission ne viole donc pas le principe d’égalité de traitement en acceptant les différents choix des États membres dans la mesure où ceux-ci n’excèdent pas le cadre de leur marge de manœuvre.

66.      Le reproche d’une violation du principe d’égalité de traitement doit, dès lors, être rejeté.

c)      Sur les limites à la modification d’un PNA

67.      En troisième lieu, il y a lieu d’examiner la critique de la Commission selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en acceptant une possibilité illimitée de modification des PNA. La Commission estime que, eu égard au silence de la directive quant à la possibilité d’apporter des modifications aux PNA autres que celles visant à l’adapter en fonction de la décision de rejet de la Commission, une possibilité de modification des PNA ne devrait pas être admise parce qu’elle mettrait en danger le fonctionnement du système d’échange de quotas et inciterait les États membres à prendre du retard dans la notification de leurs PNA, ou à notifier un PNA incomplet pour avoir éventuellement la possibilité de se prévaloir de données plus favorables.

68.      Cette critique doit être rejetée. Elle n’est pas susceptible de remettre en cause le constat du Tribunal selon lequel la Commission était obligée de contrôler la conformité des données inscrites dans le PNA de la République d’Estonie aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, et qu’elle ne pouvait donc pas se borner à substituer ses données à celles inscrites dans le PNA. En effet, la question de savoir dans quelle mesure un État membre peut modifier un PNA après sa notification à la Commission n’a pas de relation directe avec l’étendue du pouvoir de contrôle de la Commission lors de l’examen du PNA initial de cet État membre.

d)      Conclusion

69.      Le grief visant la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission a violé l’article 9, paragraphe 3, de la directive en substituant sa propre analyse à celle effectuée par la République d’Estonie doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

2.      Sur le grief concernant les données remplacées par la Commission

70.      La Commission fait grief au Tribunal de l’avoir critiquée pour avoir utilisé des données relatives aux émissions de CO2 et des prévisions relatives au produit intérieur brut (PIB) de son choix. Le Tribunal aurait retenu lui-même qu’elle aurait dû se fonder sur les données les plus récentes possible. Elle n’aurait donc pas pu se fonder sur les données inscrites dans les PNA de la République d’Estonie.

71.      Ce grief n’est pas fondé. Il repose sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué. En effet, il résulte clairement de cet arrêt que le Tribunal ne s’est pas opposé à ce que la Commission élabore son propre modèle économique et écologique fondé sur les données de son choix. Toutefois, il a estimé que la Commission n’était pas en droit de rejeter le PNA de la République d’Estonie au seul motif que les chiffres inscrits dans le PNA, lesquels étaient fondés sur les données et le modèle d’évaluation choisis par cet État membre, dépassaient les chiffres émanant des données et du modèle d’évaluation choisis par la Commission, mais que la Commission aurait dû justifier en quoi les données inscrites dans le PNA de la République d’Estonie n’étaient pas conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive.

C –    Sur la seconde branche tirée d’une méconnaissance des objectifs de la directive

72.      La seconde branche du deuxième moyen est tirée d’une méconnaissance des objectifs poursuivis par la directive lors de l’interprétation de la portée et de l’étendue des pouvoirs de contrôle de la Commission dans le cadre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive.

73.      Cette branche vise la motivation du Tribunal figurant aux points 59 à 66 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a constaté que la Commission a excédé les limites du pouvoir de contrôle au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive en précisant dans la décision litigieuse une quantité spécifique de quotas, dont tout dépassement était considéré comme étant incompatible avec les critères de la directive, et en rejetant le PNA de la République d’Estonie dans la mesure où la quantité totale de quotas qui y était proposée dépassait ce seuil.

74.      La Commission soutient que l’objectif et le but de la directive ne peuvent pas être atteints si elle ne dispose pas du pouvoir de fixer un tel niveau maximal et que son approche est justifiée par l’économie de procédure. Elle reproche au Tribunal de ne pas avoir distingué correctement entre la fixation d’un niveau maximal par la Commission et la fixation de la quantité des quotas à allouer par l’État membre.

75.      Cette branche n’est pas fondée.

76.      Le Tribunal a retenu à juste titre que la directive ne confère pas à la Commission le pouvoir de fixer un niveau maximal obligatoire de quotas à allouer dans une décision de rejet. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, ce sont les États membres qui sont compétents pour l’élaboration des PNA et pour l’adoption de la décision finale. Les pouvoirs de la Commission sont limités à un contrôle de conformité des PNA, lui permettant de bloquer des PNA qui ne sont pas conformes aux critères énumérés à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive. Le Tribunal a dès lors constaté à bon droit que la Commission s’est en fait substituée à la République d’Estonie en fixant un niveau maximal de quotas à allouer et qu’elle a ainsi empiété sur les compétences de cet État membre.

77.      Les critiques que la Commission avance à l’encontre de la motivation du Tribunal n'emportent pas la conviction.

78.      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle elle n’a pas empiété sur les compétences de la République d’Estonie au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive en fixant un niveau maximal de quotas à allouer, la République d’Estonie ayant conservé la possibilité de fixer une quantité totale de quotas à allouer identique ou inférieure à ce niveau maximal. En effet, si la Commission disposait d’un tel pouvoir, elle pourrait imposer les données et les méthodes d’évaluation de son choix aux États membres en ce qui concerne le montant maximal des quotas à allouer. Or, la directive ne lui confère pas un tel pouvoir, mais laisse une marge de manœuvre aux États membres quant au choix des données et des méthodes d’évaluation.

79.      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le reproche de la Commission selon lequel le Tribunal n’a pas suffisamment pris en compte la nécessité du bon fonctionnement du système d’échange de quotas d’émission. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la volonté du législateur de l’Union de ne conférer qu’un pouvoir de contrôle de conformité à la Commission résulte clairement de la directive. La prise en compte du bon fonctionnement du système d’échange ne permet pas de conférer à la Commission des pouvoirs supplémentaires extra legem.

80.      Troisièmement, l’objection de la Commission selon laquelle il serait possible de prouver ex post que la reconnaissance inconditionnelle des données d’émissions de CO2 et de la quantité totale de quotas à allouer proposée, indiquées dans le PNA de la République d’Estonie, aurait non seulement conduit à un résultat contraire aux critères n° 1 à n° 3 de l’annexe III de la directive, mais aurait aussi entraîné une inflation de quotas d’émission de CO2 sur le marché semble être fondée sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a reconnu que la Commission peut rejeter un PNA qui n’est pas conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive et n’a donc pas estimé que la Commission devait reconnaître inconditionnellement les données inscrites dans le PNA estonien.

81.      Quatrièmement, la Commission soutient qu’une interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la directive selon laquelle elle aurait le pouvoir d’indiquer le niveau maximal de quantité de quotas à allouer serait justifiée par un souci d’économie procédurale. Cela éviterait des décisions successives de rejet de PNA pour incompatibilité avec les critères de l’annexe III de la directive et permettrait aux États membres d’adopter la décision finale au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive dans les délais prévus. Dans ce contexte, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu la signification juridique du montant maximal visé à l’article 2 de la décision litigieuse. Cette indication aurait uniquement eu pour conséquence de limiter son pouvoir de décision. En indiquant ce montant, elle se serait uniquement obligée elle-même à ne pas rejeter un PNA modifié, si la quantité de quotas proposée dans ce PNA était inférieure ou égale au montant maximal de quotas indiqué dans la décision litigieuse.

82.      Ce reproche doit également être écarté comme non fondé.

83.      Tout d’abord, il convient de rappeler que le rejet d’un PNA par la Commission impose à l’État membre concerné de modifier son PNA. La Commission ne peut pas se substituer à l’État membre à cet égard et ne peut donc pas modifier le PNA d’un État membre à sa place.

84.      Toutefois, l’obligation de motivation prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive oblige la Commission à indiquer les raisons pour lesquelles elle estime que le PNA rejeté n’est pas conforme aux critères indiqués à l’annexe III et aux dispositions de l’article 10 de la directive.

85.      Rien dans la directive ne s’oppose à ce que la Commission formule des propositions ou des recommandations dans la motivation d’une décision de rejet. Elle peut donc indiquer le niveau de quotas à allouer qu’elle estime conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, à condition que celui-ci ne s’impose pas obligatoirement à l’État membre concerné. En effet, eu égard à la période relativement courte dont dispose un État membre pour modifier son PNA rejeté, une telle indication peut être justifiée par le principe de coopération loyale.

86.      En outre, la Commission n’outrepasse pas les compétences conférées par l’article 9, paragraphe 3, de la directive si elle annonce dans le dispositif d’une décision de rejet qu’elle ne rejettera pas un PNA modifié qui est conforme aux propositions et aux recommandations faites dans cette décision de rejet. Un tel procédé peut être justifié selon le principe de coopération loyale et selon les exigences d’économie de procédure.

87.      Par contre, la Commission outrepasse les compétences prévues à l’article 9, paragraphe 3, de la directive lorsqu’elle indique un niveau maximal obligatoire de quotas dans la décision de rejet. En procédant ainsi, la Commission dépasse les limites de son contrôle de conformité et empiète sur les compétences des États membres.

88.      En l’espèce, le Tribunal a constaté à juste titre que la Commission a excédé les limites de son pouvoir au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. En effet, la République d’Estonie, destinataire de la décision litigieuse, devait considérer que l’indication du montant maximal de quotas à l’article 2 de la décision litigieuse avait un caractère contraignant. À l’article 3, paragraphe 3, de la décision litigieuse, la Commission avait précisé que toute modification du PNA, à l’exception de celles requises à son article 2, n’était pas admissible. La modification concernant le niveau maximal de quotas à allouer qui était prévue à cet article reposait sur les données et les méthodes d’évaluation choisies par la Commission. Étant donné que la Commission n’avait pas pris soin d’examiner si les données que la République d’Estonie avait inscrites dans son PNA étaient conformes aux critères énumérés à l’annexe III de la directive, la République d’Estonie ne pouvait pas s’attendre à ce que la Commission aille examiner les données inscrites dans son PNA modifié qui ne respectaient pas le montant maximal indiqué dans l’article 2 de sa décision de rejet.

89.      La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

D –    Conclusion

90.      Il convient, par conséquent, de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

IX – Sur le troisième moyen

91.      Par son troisième moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de la portée et de l’étendue du principe de bonne administration.

92.      Ce moyen vise les points 99 à 112 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a reproché à la Commission d’avoir violé le principe de bonne administration. Ce reproche du Tribunal concerne la constatation de la Commission selon laquelle le PNA de la République d’Estonie n’était pas conforme au critère n° 3 de l’annexe III de la directive en raison de la non-inclusion d’une réserve de quotas établie par celle-ci. Aux points 103 à 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord examiné les chiffres présentés par la République d’Estonie dans son PNA et a retenu que ces chiffres paraissaient cohérents et compréhensibles. Ensuite, aux points 109 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné si, compte tenu de ces chiffres, la Commission avait examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. En premier lieu, il a constaté que la conclusion de la Commission, selon laquelle les quotas contenus dans les réserves en question n’avaient pas été inclus dans la quantité totale des quotas, ne semblait pas pouvoir être conciliée avec les éléments du dossier. En second lieu, le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir expliqué sur quelle base elle était arrivée à la conclusion que le PNA de la République d’Estonie n’était pas conforme au critère n° 3 de l’annexe III de la directive. Il en a déduit que la Commission n’avait pas établi en quoi les calculs contenus dans le PNA estonien étaient entachés d’erreurs.

93.      Contrairement à ce que soutient la Commission, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit concernant l’interprétation du principe de bonne administration.

94.      Premièrement, le grief de la Commission selon lequel le Tribunal aurait constaté que la Commission n’était pas en droit de se fonder sur ses propres données repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’a pas reproché à la Commission de s’être fondée sur ses propres données. Il lui a reproché de ne pas avoir examiné de manière adéquate les données présentées par la République d’Estonie dans son PNA.

95.      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter le grief de la Commission selon lequel elle était en droit de considérer que la quantité totale proposée dans le PNA de la République d’Estonie était incompatible avec le critère n° 3 de l’annexe III de la directive en raison de l’ambiguïté du PNA quant à l’inclusion de certaines parties des réserves.

96.      Cette approche n’est conforme ni aux principes de bonne administration et de coopération loyale ni au rôle que la directive confère à la Commission. En effet, il résulte de ces dispositions que, dans le cadre du contrôle de conformité en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la directive, la Commission doit examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du PNA. En présence d’un élément ambigu dans le PNA, la Commission ne peut donc pas se borner à rejeter le PNA. Au contraire, il lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour déterminer si cet élément est contraire ou conforme aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Dans ce contexte, la Commission doit examiner, notamment, toutes les informations contenues dans le PNA.

97.      Contrairement à ce que soutient la Commission, une telle obligation n’est pas contraire à la répartition des compétences entre les États membres et la Commission. Certes, la Commission n’est pas compétente pour l’élaboration d’un PNA. Cependant, l’article 9, paragraphe 3, de la directive l’oblige à procéder à un contrôle de conformité. En prenant les mesures nécessaires pour examiner tous les éléments d’un PNA avec soin et diligence, la Commission n’outrepasse pas les limites d’un tel contrôle et n’empiète donc pas sur les compétences des États membres.

98.      Troisièmement, la Commission ne peut pas faire valoir avec succès que le Tribunal a lui-même constaté que le PNA contenait des éléments ambigus. Tout d’abord, il y a lieu de souligner que le Tribunal a relevé que cette ambiguïté pouvait être levée par un examen des autres éléments du dossier. En tout état de cause, même en présence d’une telle ambiguïté, la Commission aurait d’abord dû prendre les mesures nécessaires pour la dissiper et ne pouvait pas se borner à rejeter le PNA comme non conforme.

99.      Le troisième moyen n’est, dès lors, pas fondé.

X –    Sur le quatrième moyen

100. Par son quatrième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans la mesure où il a considéré que les dispositions de la décision litigieuse n’étaient pas détachables et qu’il convenait donc d’annuler cette dernière dans son ensemble.

101. Ce moyen vise les points 114 et 31 à 34 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a constaté qu’une annulation partielle portant uniquement sur les articles 1er, paragraphes 1 et 2, 2, paragraphes 1 et 2, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse modifierait la substance même des dispositions restantes de cette décision.

102. La Commission estime que ces dispositions étaient détachables des autres dispositions de la décision litigieuse. Elle soutient qu’une annulation partielle portant uniquement sur ces dispositions n’aurait pas transformé la décision litigieuse en une décision qu’elle n’aurait pas eu l’intention d’adopter.

103. Le quatrième moyen doit être rejeté.

104. Selon la jurisprudence de la Cour, l’annulation partielle d’un acte d’une institution exige que les dispositions annulées de l’acte soient détachables des autres dispositions et que cette annulation partielle de l'acte ne modifie pas la substance de celui-ci (10). L’acte est modifié dans sa substance lorsque son auteur, d’un point de vue objectif, n’aurait pas adopté cet acte avec le dispositif modifié.

105. Le Tribunal a constaté à bon droit que l’annulation partielle portant uniquement sur les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse aurait modifié la substance de celle-ci.

106. Premièrement, le Tribunal a constaté à juste titre que les différents paragraphes des articles 1er et 2 de la décision litigieuse n’étaient pas détachables. Certes, les différents paragraphes de ces articles se réfèrent à différents aspects du PNA et à différents critères de l’annexe III de la directive. Toutefois, il résulte de la structure des articles 1er et 2 de la décision litigieuse qu’une annulation partielle portant uniquement sur leur paragraphe 1 aurait eu pour effet de modifier la substance de ces articles. L’article 1er de la décision litigieuse contenait une liste limitative des objections de la Commission concernant la conformité du PNA de la République d’Estonie par rapport aux critères énumérés à l’annexe III de la directive. Comme le Tribunal l’a constaté, une annulation partielle portant uniquement sur son paragraphe 1 aurait eu pour conséquence de restreindre cette liste limitative. L’article 2 de la décision litigieuse contenait l’engagement de la Commission de ne pas s’opposer à un PNA de la République d’Estonie sous réserve que celle-ci modifie son PNA en fonction des suggestions énumérées dans les paragraphes 1 à 4. Une annulation partielle portant uniquement sur son paragraphe 1 aurait eu pour conséquence de réduire le nombre de modifications sous réserve desquelles cet engagement de la Commission a initialement été donné.

107. Or, il résulte tant de la décision litigieuse que des prises de position de la Commission devant le Tribunal que celle-ci n’était pas prête à accepter la quantité de quotas que la République d’Estonie avait proposée dans son PNA la considérant comme excessive. C'est ce que confirme ex post le fait que la Commission a adopté une nouvelle décision, par laquelle elle a rejeté le PNA de la République d’Estonie en raison, notamment, de l’incompatibilité du nombre de quotas maximal avec les critères n° 1 à n° 3 de l’annexe III de la directive. Par conséquent, le Tribunal a constaté à bon droit qu’une annulation partielle portant uniquement sur les articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la décision litigieuse aurait modifié la substance de celle-ci.

108. Deuxièmement, le Tribunal a constaté à bon droit que l’article 3, paragraphe 3, de la décision litigieuse n’est pas détachable des articles 1er et 2. Il existe un lien étroit entre cette disposition et les articles 1er et 2 de la décision litigieuse. En effet, cette disposition se réfère aux modifications que la Commission estime requises pour remédier aux incompatibilités constatées à l'article 1er de ladite décision, mais qui s’écartent des propositions de la Commission énumérées à son article 2.

109. Troisièmement, s'agissant du caractère détachable de l’article 3, paragraphe 2, de la décision litigieuse, qui porte sur des modifications concernant des quotas alloués à certaines installations, force est de constater que le maintien isolé de cette partie de la décision litigieuse aurait également modifié la substance de celle-ci. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus (11), un État membre peut fonder sa décision finale sur un PNA qui n’a pas été contesté par la Commission dans le cadre du contrôle prévu au titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive. Une décision dans laquelle seul l’article 3, paragraphe 2, de la décision litigieuse aurait été maintenu serait une décision dans laquelle la Commission n’aurait soulevé aucune objection visant les critères nos 1 à 3, 5, 6, 10 et 12 de l’annexe III de la directive. La République d’Estonie aurait donc pu fonder sa décision finale au titre de l’article 11, paragraphe 2, de la directive sur son PNA initial. Or, il résulte de la décision litigieuse et des prises de position de la Commission devant le Tribunal que celle-ci n’aurait pas eu l’intention d’adopter une telle décision.

110. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en constatant que les articles 1er, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la décision litigieuse n’étaient pas détachables du reste des dispositions de cette décision (12).

111. Le quatrième moyen de la Commission doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

XI – Conclusion

112. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de:

1)      rejeter le pourvoi de la Commission européenne contre l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, Estonie/Commission (T-263/07);

2)      condamner la Commission à supporter les dépens de la République d’Estonie et ses propres dépens;

3)      condamner le Royaume de Danemark, la République tchèque et la République de Lettonie à supporter leurs propres dépens.


1 – Langue originale: le slovène ; langue de procédure : l’estonien.


2 – Arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319, point 13), et du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil (C-535/06 P, Rec. p. I-7051, point 24).


3 – Affaires République tchèque/Commission (T-194/07, JO 2007, C 199, p. 38); Hongrie/Commission (T-221/07, JO 2007, C 199, p. 41); Lituanie/Commission (T-368/07, JO 2007, C 283, p. 35); Roumanie/Commission (T-483/07, JO 2008, C 51, p. 56), et Roumanie/Commission (T-484/07, JO 2008, C 51, p. 57).


4 – Arrêts du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission (T-113/96, Rec. p. II-125, point 29), et du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission (T-45/06, Rec. p. II-2399, point 70).


5 – Arrêts du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil (C-244/03, Rec. p. I-4021), et du 30 mars 2006, Espagne/Conseil (C-36/04, Rec. p. I-2981).


6 – Voir points 37 à 44 des présentes conclusions.


7 – Voir p. 12 de la proposition COM (2001)581 de la Commission du 23 octobre 2001, dont il ressort que la détermination des quantités totales de quotas délivrés doit être essentiellement laissée à l’appréciation des États membres qui doivent cependant respecter les critères développés à l’annexe III de la directive et que ces critères pourront être modifiés ultérieurement par le législateur de l’Union, à la lumière de l’expérience acquise dans la mise en œuvre de la directive.


8 – Dans ce contexte, il convient de constater que le législateur de l’Union a modifié précisément cet aspect de la directive. L’article 9 de la directive, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JO L 140, p. 63), prévoit que la quantité de quotas délivrée chaque année pour l’ensemble de la Communauté à compter de 2013 diminuera de manière linéaire de 1,74 % par rapport au total annuel moyen de quotas délivré par les États membres conformément aux décisions de la Commission relatives à leurs PNA pour la période 2008-2012 à partir du milieu de la période 2008-2012.


9 – Arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C-127/07, Rec. p. I-9895, points 23 et 26).


10 –      Arrêts du 10 décembre 2002, Commission/Conseil (C-29/99, Rec. p. I-11221, point 45); du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission (C-239/01, Rec. p. I-10333, point 33), et France/Parlement et Conseil (précité note 5, point 13).


11 – Point 36 des présentes conclusions.


12 – Il n’est, par conséquent, pas nécessaire d’aborder la question de savoir si les articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, de la décision litigieuse étaient détachables du reste des dispositions de celle-ci.


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