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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Eridania Sadam v Commission (State aid) French Text [2011] EUECJ T-579/08 (20 October 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/T57908.html
Cite as: [2011] EUECJ T-579/8, [2011] EUECJ T-579/08

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 octobre 2011(*)

« Aides d’État – Mesure des autorités italiennes visant à compenser les pertes subies par la raffinerie sucrière de Villasor (Italie) à la suite d’une période de sécheresse – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun – Obligation de motivation – Lignes directrices concernant les aides d’État dans le secteur agricole »

Dans l’affaire T-579/08,

Eridania Sadam SpA, établie à Bologne (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti, I. Perego, B. Amabile et M. Serpone, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2009/704/CE de la Commission, du 16 juillet 2008, relative à l’aide d’État C 29/04 (ex N 328/03) que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de la raffinerie sucrière de Villasor, propriété de la société Sadam ISZ (JO 2009, L 244, p. 10),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Schwarcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 La procédure administrative

1        La raffinerie sucrière de Villasor (ci-après la « sucrerie ») a été créée au début des années 60 en Sardaigne (Italie). Ses activités étaient essentiellement tournées vers la production de sucre en poudre, de pulpes fraîches, surpressées et séchées, et de mélasse. La sucrerie a été acquise en décembre 1998 par la société Sadam ISZ, qui a été dissoute en 2006 pour être absorbée par la requérante, Eridania Sadam SpA, sa société mère.

2        Par délibération du 17 juin 2003, la Région autonome de Sardaigne a autorisé le versement d’une aide de 3 500 000 euros à la sucrerie pour l’indemniser partiellement des pertes subies en raison de la baisse de la production de sucre, causée par la diminution de l’apport de betteraves due à la sécheresse subie en 2001 et en 2002 (ci-après l’« aide envisagée »). Les autorités italiennes estimaient celle-ci compatible avec le marché commun aux termes de l’exception prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et au sens du point 11.3.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2) (ci-après les « lignes directrices »), puisqu’elle était, selon elles, destinée à compenser les pertes subies par la sucrerie à la suite de la diminution de la production de betteraves due à la sécheresse. Les autorités italiennes estimaient également que cette exception était applicable aux entreprises de transformation comme la sucrerie.

3        Les autorités italiennes ont, le 24 juillet 2003, notifié l’aide envisagée à la Commission des Communautés européennes.

4        Le 12 septembre 2003, les services de la Commission ont demandé aux autorités italiennes certains compléments d’information, qui leur sont parvenus le 8 décembre 2003. Le 4 février 2004, les services de la Commission ont informé les autorités italiennes que, en raison de la complexité des informations reçues, un examen plus approfondi s’imposait. Le 30 mars 2004, ils ont demandé des éclaircissements supplémentaires, qui leurs sont parvenus le 30 juin 2004.

5        Par lettre du 8 septembre 2004, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure d’enquête formelle prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Selon cette décision, l’aide envisagée pouvait constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et ne s’inscrivait pas dans les termes de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. L’aide envisagée ne pouvait pas bénéficier des dispositions du point 11.3 des lignes directrices, dans la mesure où son bénéficiaire potentiel était une entreprise de transformation. Cette décision de la Commission a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2005, C 51, p. 9), accompagnée de l’invitation faite aux intéressés de présenter leurs observations.

6        Le 13 octobre 2004, les autorités italiennes ont communiqué leurs observations à la Commission. Elles soulignaient notamment que l’impact réel de l’aide envisagée sur les échanges serait limité au territoire d’un seul État membre, ce qui, par conséquent, excluait, ou limitait fortement, toute éventuelle incidence sur les échanges et sur la concurrence, Sadam ISZ et l’ensemble du groupe Eridania contrôlant respectivement seulement 0,2 % et 1,5 % du marché européen. Les autorités italiennes rappelaient la pratique de la Commission s’agissant de l’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE dans des cas similaires. Elles estimaient également que l’aide envisagée devait être autorisée sur la base de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, puisque, à défaut d’intervention en faveur de la sucrerie, la viabilité économique de celle-ci serait mise en péril, compromettant le projet de restructuration du secteur et la survie de la culture de la betterave à sucre en Sardaigne.

7        Le 7 mars 2005, l’entreprise Brumar S.r.l. a également formulé des observations. Elle reconnaissait le caractère exceptionnel de la sécheresse subie en 2001 et en 2002, mais supposait que Sadam ISZ avait enregistré un bénéfice supplémentaire à la suite de l’augmentation du prix du sucre.

8        Le 31 mars 2005, la requérante a fourni des éclaircissements, incluant une présentation du volume des ventes de sucre produit par la sucrerie, destinée à témoigner de sa vocation à satisfaire exclusivement la demande provenant de Sardaigne. Le 18 mai 2005, la requérante et les autorités italiennes ont présenté leurs observations finales.

9        Le 29 mars 2007 et le 9 janvier 2008, la Commission a invité les autorités italiennes à communiquer de nouvelles informations.

10      Les 1er février et 1er avril 2008, les autorités italiennes ont informé la Commission que la sucrerie avait définitivement mis fin à son activité et que l’octroi de l’aide ne pouvait altérer les conditions de concurrence sur le marché du sucre, mais pouvait être utile pour achever la reconversion de l’entreprise.

11      Par la décision 2009/704/CE, du 16 juillet 2008, relative à l’aide d’État C 29/04 (ex N 328/03) que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de la raffinerie sucrière de Villasor, propriété de la société Sadam ISZ (JO 2009, L 244, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a considéré que l’aide envisagée n’était pas compatible avec le marché commun.

 La décision attaquée

12      La Commission affirme, au considérant 48 de la décision attaquée, que Sadam ISZ est active non seulement sur le marché italien, mais également sur le marché intracommunautaire. Selon le même considérant 48, si la production de la sucrerie est presque exclusivement destinée au marché sarde, il n’en demeure pas moins que l’aide envisagée est susceptible de désavantager un éventuel concurrent d’un autre État membre sur ce marché. Au considérant 51 de la décision attaquée, la Commission constate que le produit bénéficiant du régime d’aide fait l’objet d’échanges entre États membres et est donc exposé à la concurrence. Au considérant 52 de la décision attaquée, la Commission précise que l’existence d’une organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ci-après l’« OCM ») témoigne de l’importance des échanges intracommunautaires de sucre.

13      Aux considérants 57 à 83 de la décision attaquée, la Commission examine si l’aide envisagée peut bénéficier des dérogations prévues par l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE.

14      D’une part, au considérant 62 de la décision attaquée, la Commission rappelle que sa pratique constante est de considérer que les mauvaises conditions atmosphériques, comme le gel, la grêle, le verglas, la pluie ou la sécheresse, ne peuvent pas être considérées en tant que telles comme des calamités naturelles au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. D’après le considérant 65 de la décision attaquée, les données présentées par la République italienne ne permettent pas de conclure au caractère exceptionnel de la sécheresse, mais plutôt à son caractère chronique.

15      D’autre part, selon la Commission, l’aide envisagée ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE, dès lors qu’elle est destinée à une entreprise de transformation pour compenser des pertes dues à de mauvaises conditions atmosphériques.

16      La Commission constate tout d’abord, au considérant 73 de la décision attaquée, que le point 11.2 des lignes directrices, qui vise les aides destinées à indemniser les dommages résultant de calamités naturelles ou d’évènements extraordinaires, relève de l’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

17      La Commission examine ensuite, aux considérants 74 à 76 de la décision attaquée, si le point 11.3 des lignes directrices permettrait d’admettre la compatibilité de l’aide envisagée. Cette disposition prévoit que les pertes des agriculteurs dues à de mauvaises conditions climatiques telles que le gel, la pluie, le verglas ou la sécheresse peuvent être assimilées par la Commission à des calamités naturelles lorsqu’elles causent des dommages à la production agricole ou aux moyens de production agricole supérieurs à 20 % de la production normale dans les zones défavorisées et à 30 % dans les autres zones.

18      Toutefois, la Commission rappelle, aux considérants 76 et 77 de la décision attaquée, qu’elle considère que les dispositions du point 11.3 des lignes directrices ne sont pas applicables à des installations agro-industrielles de transformation qui disposent de flexibilité pour gérer leurs approvisionnements. Les mauvaises conditions climatiques peuvent évidemment comporter des coûts supplémentaires de matières premières et/ou une baisse de la rentabilité, mais ne peuvent justifier l’application à de telles installations de règles applicables à la production agricole. Cette approche, reprise au point 11.3.8 des lignes directrices, aurait été confirmée par l’arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission (T-200/04, non publié au Recueil).

19      Par ailleurs, la Commission estime, aux considérants 78 à 80 de la décision attaquée, que les précédents sur lesquels les autorités italiennes se fondent pour soutenir que, au vu du lien étroit existant entre la production de betteraves et la sucrerie, l’aide devait être étendue à celle-ci, ne sont pas comparables au cas d’espèce, notamment s’agissant de sa décision du 2 février 2001 d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide C 4/2001 (ex N 745/2000) relative à une mesure de compensation de dommages causés par la sécheresse en Italie (Sardaigne) (JO C 263, p. 16), et de sa décision C (2002) 3211, du 2 septembre 2002, relative aux interventions pour les dommages provoqués par la sécheresse en 2001/2002 et par le gel de l’hiver 2001/2002 [aide N 331/02 – Italie (Sardaigne)], dont une communication succincte a été publiée au Journal officiel du 3 octobre 2002 (JO C 238, p. 9) et par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de la mesure notifiée.

20      Selon les considérants 81 et 82 de la décision attaquée, l’argument du manque de flexibilité de la sucrerie invoqué par la République italienne est inhérent à toute sucrerie, en raison du règlement (CE) nº 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant OCM (JO L 178, p. 1), qui instaure un système de contrat entre les producteurs de betteraves et les raffineries sucrières, quelle que soit la localisation de l’entreprise.

21      Enfin, au considérant 85 de la décision attaquée, la Commission considère que les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2) ne sont pas applicables en l’espèce, puisqu’il ne ressortirait pas des informations en sa possession que l’entreprise ait été en difficulté lorsque l’aide envisagée a été notifiée.

22      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

L’aide [envisagée] n’est pas compatible avec le marché commun.

La mise à exécution de ladite aide n’est, par conséquent, pas autorisée.

Article 2

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il qualifie l’aide envisagée d’incompatible avec le marché commun ;

–        à titre de mesure d’instruction, ordonner à la Commission, en application des articles 65 et 66 du règlement de procédure du Tribunal, de produire l’intégralité du dossier relatif à la procédure administrative ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      Par mesure d’organisation de la procédure du 23 novembre 2010, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, qui y ont répondu par des courriers parvenus au greffe du Tribunal les 17 et 24 décembre 2010.

 En droit

27      Pour contester la légalité de la décision attaquée, la requérante soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits et de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits et de la violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen vise à faire constater la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, l’appréciation manifestement erronée des faits et le défaut de motivation. Par le quatrième moyen, la requérante fait état de la violation des principes de bonne administration, de diligence et de sollicitude, et de la durée excessive de la procédure.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits et de la violation de l’obligation de motivation

28      Le premier moyen se divise en deux griefs. D’une part, la décision attaquée serait insuffisamment motivée, la Commission se limitant à rappeler des principes issus de la jurisprudence et à affirmer que l’aide envisagée serait susceptible d’avoir des effets sur les échanges ou sur la concurrence. D’autre part, la Commission n’aurait pas démontré que l’aide envisagée affecte, ou est susceptible d’affecter, les échanges entre États membres et qu’elle est susceptible de fausser la concurrence, commettant ainsi une erreur manifeste d’appréciation et une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE.

29      S’agissant du premier grief de la requérante, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T-349/03, Rec. p. II-2197, points 62 à 64, et la jurisprudence citée).

30      Appliqué à la qualification d’une mesure d’aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (voir arrêt de la Cour du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C-88/03, Rec. p. I-7115, point 89, et la jurisprudence citée).

31      Il incombe tout particulièrement à la Commission d’examiner si l’aide litigieuse est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence, en donnant les indications pertinentes concernant ses effets prévisibles (arrêt du Tribunal du 6 septembre 2006, Italie et Wam/Commission, T-304/04 et T-316/04, non publié au Recueil, point 63).

32      Il convient néanmoins de préciser qu’il suffit que la Commission établisse que l’aide litigieuse est de nature à affecter les échanges entre les États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter les marchés en cause. De même, si la Commission a correctement exposé en quoi l’aide litigieuse était susceptible d’avoir de tels effets, il ne lui incombe pas de procéder à une analyse économique de la situation réelle du marché concerné, de la part de marché de l’entreprise bénéficiaire de l’aide, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges en cause entre États membres. Enfin, il convient de souligner que tant dans son appréciation des aides existantes que dans celle des aides nouvelles devant être notifiées, la Commission n’est pas tenue de démontrer leur effet réel (voir arrêt Italie et Wam/Commission, point 31 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

33      Premièrement, dans la décision attaquée, la Commission affirme que l’entreprise est active non seulement sur le marché italien, mais également sur le marché intracommunautaire. Elle ajoute que, même si la production de sucre de la sucrerie est presque exclusivement destinée au marché sarde, il n’en demeure pas moins que l’aide envisagée est susceptible de désavantager un éventuel concurrent d’un autre État membre sur ce marché (considérant 48 de la décision attaquée). Deuxièmement, elle considère que l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (considérant 49 de la décision attaquée). Troisièmement, la Commission affirme que le produit devant bénéficier de l’aide envisagée fait l’objet d’échanges entre États membres et est donc exposé à la concurrence (considérant 51 de la décision attaquée). Quatrièmement, elle indique que l’importance de ces échanges intracommunautaires est démontrée par l’existence d’une OCM (considérant 52 de la décision attaquée). Dès lors, la décision attaquée se fonde sur des éléments concrets pour établir que l’aide envisagée est susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires et d’avoir une incidence sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani e.a./Commission, T-254/00, T-270/00 et T-277/00, Rec. p. II-3269, point 228).

34      Ainsi la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée quant au fait que l’aide envisagée était constitutive d’une aide d’État susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence, sans qu’elle ait été tenue de démontrer les effets réels de l’aide envisagée sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Italie et Wam/Commission, point 31 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

35      Par conséquent, le premier grief doit être rejeté.

36      S’agissant du second grief de la requérante, celle-ci soutient que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et méconnu les dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE en ne tenant pas compte, d’une part, des effets limités de l’aide envisagée, liés aux circonstances que tant la requérante que la sucrerie disposeraient de très faibles quotas de production de sucre et que la sucrerie aurait vocation à satisfaire le seul marché sarde, et, d’autre part, de la nature compensatoire de ladite aide.

37      Il convient, tout d’abord, de rappeler la jurisprudence selon laquelle une aide à une entreprise peut être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser la concurrence même lorsque l’entreprise bénéficiaire ne participe pas elle-même aux exportations, dès lors qu’elle se trouve en concurrence avec des producteurs d’autres États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, la production intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres d’exporter leurs produits vers le marché de cet État membre en sont sensiblement diminuées (arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, Rec. p. I-1433, point 27, et du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C-148/04, Rec. p. I-11137, point 58).

38      Compte tenu de cette jurisprudence et au regard des données relatives à la production de sucre et aux parts des marchés précisées notamment au considérant 31 de la décision attaquée, la Commission pouvait légalement indiquer au considérant 48 de ladite décision que, même si la production de sucre de la sucrerie était presque exclusivement destinée au marché sarde, il n’en demeurait pas moins que l’aide envisagée était susceptible de désavantager un éventuel concurrent d’un autre État membre sur ce marché. C’est donc à juste titre que la Commission a estimé que l’aide envisagée était susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence, sans qu’elle soit tenue de délimiter les marchés en cause.

39      La Commission s’est également fondée sur le fait que l’importance des échanges intracommunautaires de sucre était prouvée par l’existence d’une OCM (considérant 52 de la décision attaquée). Or, selon la jurisprudence, dès lors que, dans le secteur de l’agriculture, il existe une concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits font l’objet d’échanges intracommunautaires et que l’adoption des règlements portant OCM vise précisément à encadrer cette concurrence en contribuant à la loyauté des échanges et à la transparence des marchés dans les échanges intracommunautaires, l’octroi d’aides, même d’un faible montant, est de nature à affecter les échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C-114/00, Rec. p. I-7657, points 47 à 49).

40      La requérante souligne que l’aide envisagée, de nature compensatoire, ne pouvait altérer les conditions des échanges intracommunautaires, car elle ne pouvait pas être utilisée par la sucrerie pour financer ses propres politiques commerciales.

41      Toutefois, une telle caractéristique de l’aide envisagée, à la supposer démontrée, ne saurait avoir d’incidence sur la constatation que cette aide est incompatible avec le marché commun, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 1, CE, puisque, ainsi que le fait valoir la Commission dans la duplique, d’une part, il s’agit d’une aide au fonctionnement, à savoir une aide qui vise à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, qui fausse en principe les conditions de concurrence et qui se traduit par l’allocation de ressources publiques et, d’autre part, cette aide favorise une entreprise opérant dans un secteur caractérisé par une intense concurrence en lui accordant un avantage (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, points 43 et 46).

42      Il résulte des points 37 à 41 ci-dessus que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation des faits ou méconnu les dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE.

43      Par conséquent, le second grief doit être rejeté et, avec lui, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur les deuxième et troisième moyens, respectivement tirés de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits ainsi que de la violation de l’obligation de motivation, et de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits et du défaut de motivation

 Sur le troisième moyen, en tant qu’il est tiré d’une « erreur de base juridique » commise par la Commission s’agissant de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

44      Il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné si l’aide envisagée pouvait être compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 2, sous b), puis de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

45      Aux considérants 57 à 69 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la sécheresse ne pouvait être considérée comme une calamité naturelle au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, que les données présentées par la République italienne ne permettaient pas de conclure au caractère exceptionnel de la sécheresse en Sardaigne en 2001 et en 2002 et que la circonstance que des producteurs de betteraves de Sardaigne se seraient antérieurement vu accorder des aides pour ce motif indiquerait que la sécheresse invoquée n’avait pas de caractère exceptionnel.

46      Aux considérants 70 à 85 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l’aide envisagée ne relevait pas de la dérogation prévue par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, au motif que, premièrement, si le point 11.3 des lignes directrices permettait d’assimiler la sécheresse à une calamité naturelle, c’était à condition que l’aide envisagée soit destinée à indemniser des agriculteurs et non des entreprises agro-industrielles de transformation, deuxièmement, le point 3.4 des lignes directrices ne trouvait pas application en l’espèce et, troisièmement, il ne ressortait pas des informations transmises par la République italienne que la requérante aurait été en difficulté au sens des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.

47      La requérante ne conteste que le premier des trois motifs exposés au point précédent en soutenant notamment que la sécheresse est un événement climatique qui relève, sous certaines conditions, de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, de sorte que, en tant qu’elle est fondée sur l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la décision attaquée repose sur une « base juridique erronée ».

48      Tant dans ses mémoires qu’à l’audience, la Commission a soutenu que l’assimilation de mauvaises conditions climatiques à une calamité naturelle par le point 11.3 des lignes directrices doit être comprise comme l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

49      À cet égard, il y a lieu de relever que le point 11.3 des lignes directrices, intitulé « Aide destinée à indemniser les agriculteurs pour les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques », permet d’assimiler certains phénomènes climatiques à une calamité naturelle sous réserve que le niveau de dommage atteigne un certain seuil (voir point 17 ci-dessus) et que l’aide soit en principe destinée à un agriculteur ou à une organisation de producteurs (voir point 18 ci-dessus).

50      Par ailleurs, alors que le point 11.3.1 des lignes directrices ne cite que l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, aucune des dispositions du point 11.3 ne tend, explicitement ou implicitement, à la mise en œuvre de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, laquelle concerne les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques. De la même manière, le point 11.1.1 des lignes directrices indique, à titre de généralités, que les aides en faveur de l’agriculture comportent diverses mesures destinées à indemniser les agriculteurs des dommages causés à la production agricole ou aux moyens de production. Enfin, si ce même point 11.1.1 explique que deux autres groupes d’aides ont été reconnus par la Commission comme compatibles avec le marché commun sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, il s’agit, d’une part, des aides destinées à encourager les mesures préventives contre les maladies des végétaux et des animaux, et, d’autre part, des aides destinées à favoriser la conclusion de contrats d’assurance contre les risques inhérents aux pertes de production agricole ou de moyens de production agricoles. Ces deux derniers groupes d’aides font respectivement l’objet des points 11.4 et 11.5 des lignes directrices.

51      Au regard de leur objet, à savoir la compensation des pertes des agriculteurs résultant de mauvaises conditions climatiques (voir point 11.3.1 des lignes directrices), et de leurs conditions d’application, à savoir, d’une part, l’existence d’un certain niveau de dommage causé à la production agricole ou aux moyens de production agricole (voir points 11.3.1, 11.3.2 et 11.3.4 des lignes directrices) et, d’autre part, le fait que le bénéficiaire de l’aide soit, en principe, un agriculteur ou une organisation de producteurs (voir point 11.3.8 des lignes directrices), il y a lieu de constater que les aides destinées à indemniser les agriculteurs pour les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques mentionnées au point 11.3 des lignes directrices ne peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun que sur le fondement de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

52      Dans ces conditions, lorsque la Commission assimile de mauvaises conditions climatiques à une calamité naturelle en application du point 11.3 des lignes directrices, elle se livre à une qualification juridique des faits en vue d’ouvrir droit à la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, sans exercer, contrairement à ce qu’elle soutient (voir point 48 ci-dessus), le pouvoir d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 87, paragraphe 3, CE.

53      Dès lors, il convient de constater que, ainsi que le soutient la requérante, c’est à tort que la Commission a invoqué la dérogation prévue par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE pour déterminer si, en application du point 11.3 des lignes directrices, l’aide envisagée pouvait être compatible avec le marché commun. Toutefois, une telle erreur est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, puisqu’elle n’a eu, par elle-même, aucune incidence sur l’appréciation, par la Commission, de la compatibilité de l’aide envisagée au regard des conditions posées par le point 11.3 des lignes directrices. Par suite, le troisième moyen est inopérant en tant qu’il est tiré de l’« erreur de base juridique » commise par la Commission.

54      Il résulte des points 44 à 53 ci-dessus que c’est au regard de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et du point 11.3 des lignes directrices que doivent être appréciés le deuxième moyen et l’argumentation venant au soutien du troisième moyen, portant sur le refus de la Commission de faire bénéficier la sucrerie des dispositions du point 11.3, au motif qu’elle ne remplissait pas la condition du point 11.3.8, à savoir être un agriculteur ou une organisation de producteurs.

 Sur les deuxième et troisième moyens, en tant qu’ils sont tirés de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, de l’appréciation manifestement erronée des faits et de la violation de l’obligation de motivation

–       Observations liminaires

55      Tout d’abord, il convient de constater que, si la requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et qu’elle est entachée d’une appréciation manifestement erronée des faits, son argumentation porte exclusivement sur les conditions d’application des dispositions du point 11.3 des lignes directrices.

56      Il convient également de relever que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C-302/99 P et C-308/99 P, Rec. p. I-5603, points 26 à 29 ; arrêts du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T-210/01, Rec. p. II-5575, point 42, et du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T-162/06, Rec. p. II-1, point 62).

57      En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (arrêt General Electric/Commission, point 56 supra, point 43, et arrêt Kronoply/Commission, point 56 supra, point 62, confirmé par ordonnance de la Cour du 24 juin 2010, Kronoply/Commission, C-117/09 P, non publiée au Recueil, point 43).

58      L’assimilation de mauvaises conditions climatiques à une calamité naturelle par le point 11.3 des lignes directrices résulte de la réunion de deux conditions cumulatives. Il faut, d’une part, que soit atteint un certain niveau de dommage causé à la production agricole ou aux moyens de production agricole (voir points 11.3.1, 11.3.2 et 11.3.4 des lignes directrices) et, d’autre part, que le bénéficiaire de l’aide soit, en principe, un agriculteur ou une organisation de producteurs (voir point 11.3.8 des lignes directrices).

59      Partant, il convient tout d’abord d’examiner les critiques de la requérante à l’encontre du second pilier de la décision attaquée, relatif au fait que la sucrerie n’était pas un agriculteur ou une organisation de producteurs.

–       Sur l’application du point 11.3.8 des lignes directrices

60      À cet égard, la requérante critique uniquement le bien-fondé de la décision attaquée et soutient que celle-ci serait fondée sur l’idée qu’aucune mesure compensatoire ne saurait être accordée à une entreprise de transformation, ne tenant ainsi pas compte du lien de causalité entre la sécheresse et le dommage subi. Or, le point 11.3.8 des lignes directrices prévoirait, « en principe », de réserver les aides destinées à compenser les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques aux agriculteurs et aux organisations de producteurs, d’autres opérateurs, tels les entreprises de transformation, pouvant bénéficier par exception de ces dispositions. Par ailleurs, la Commission aurait négligé de prendre en compte le lien étroit entre la culture de betteraves et leur transformation, la sucrerie ne disposant pas de sources d’approvisionnement autres en raison de l’insularité de la Sardaigne.

61      Afin de déterminer si une entreprise de transformation peut, en conformité avec le traité CE, bénéficier de l’aide prévue par les dispositions du point 11.3 des lignes directrices, il est nécessaire d’analyser le champ d’application de ces dernières.

62      D’une part, il convient de constater que la transformation et la commercialisation des produits agricoles relevant de l’annexe I du traité CE entrent dans le champ d’application des lignes directrices en vertu du point 2.1 de celles-ci. Le point 2.3 des lignes directrices précise que la transformation d’un produit agricole est une opération qui porte sur un produit agricole au cours de laquelle le produit résultant de l’opération reste un produit agricole, de sorte que la transformation de produits agricoles relevant de l’annexe I du traité CE en produits hors annexe n’entre pas dans le champ d’application des lignes directrices. Or, tant le sucre tiré de la betterave que les mélasses figurent à l’annexe I du traité CE. Par suite, les lignes directrices peuvent s’appliquer aux entreprises de transformation de betteraves.

63      Toutefois, il y a lieu de constater que toutes les aides visées par les lignes directrices ne concernent pas les entreprises de transformation. Ainsi, le point 11 des lignes directrices, dans lequel s’insèrent les dispositions du point 11.3.8, s’intitule « Aides destinées à compenser des dommages en matière de production agricole ou de moyens de production agricole ». Par ailleurs, les points 11.1.1 et 11.1.2 des lignes directrices font état de dommages causés à la production agricole ou aux moyens de production.

64      Quant au point 11.3 des lignes directrices, en cause ici, il concerne les « aide[s] destinée[s] à indemniser les agriculteurs pour les pertes résultant de mauvaises conditions climatiques », les points 11.3.1, 11.3.2 et 11.3.4 des lignes directrices visant respectivement les dégâts que certains phénomènes météorologiques peuvent causer à la production agricole ou aux moyens de production agricole, les dommages causés aux cultures annuelles et les dommages occasionnés aux moyens de production agricole.

65      Enfin, les agriculteurs ou les organisations de producteurs sont seuls mentionnés aux points 11.3.7 et 11.3.8 des lignes directrices.

66      D’autre part, il convient également de rappeler la jurisprudence selon laquelle il résulte du libellé et de l’économie générale des dispositions du point 11.4.1 des lignes directrices que le point 11 de celles-ci opère une distinction de principe entre agriculteurs et activité de production agricole, d’une part, et entreprises de transformation et activité de transformation, d’autre part. Seules les aides destinées à compenser des dommages subis par des agriculteurs, et ce dans l’exercice d’une activité de production agricole, sont susceptibles d’être approuvées en vertu de ce point. Ni les entreprises de transformation ni les activités de transformation en tant que telles ne sont mentionnées comme étant éligibles pour l’octroi d’aides d’État visant à compenser des dommages causés par une maladie des animaux (arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 18 supra, point 46).

67      Il est vrai que la requérante soutient que le point 11.3.8 des lignes directrices n’exclut les aides destinées au secteur de la transformation qu’‘en principe’. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, s’il appartient à la Commission de formuler ses doutes quant à la compatibilité de l’aide, en ouvrant la procédure formelle d’examen, c’est au demandeur de l’aide qu’il appartient de dissiper ces doutes et d’établir que le projet d’aide satisfait les conditions d’octroi (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T-176/01, Rec. p. II-3931, points 93 et 94, et la jurisprudence citée, et Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 18 supra, point 51).

68      Par suite, il résulte des points 62 à 67 ci-dessus que ce ne pourrait être que de manière exceptionnelle, et au regard de circonstances spécifiques que la Commission n’est pas tenue de rechercher de sa propre initiative lors de la procédure formelle d’examen, que, en vertu du point 11.3.8 des lignes directrices, une personne autre qu’un agriculteur ou une organisation de producteurs pourrait bénéficier d’une aide sur le fondement des dispositions du point 11.3.1 desdites lignes.

69      Par ailleurs, afin de déterminer la portée du point 11.3.8 des lignes directrices, il convient de procéder à une interprétation contextuelle de cette disposition (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T-387/04, Rec. p. II-1195, point 102, et la jurisprudence citée).

70      Ainsi qu’il a déjà été dit au point 64 ci-dessus, l’aide prévue par le point 11.3 des lignes directrices vise à indemniser les agriculteurs des pertes résultant de mauvaises conditions climatiques. Ce type d’aide s’inscrit dans le cadre plus large du point 11 des lignes directrices, lequel concerne des aides destinées à compenser des dommages en matière de production agricole ou de moyens de production agricole. D’ailleurs, les points 11.3.1 et 11.3.4 des lignes directrices énumèrent, parmi les dommages couverts par l’aide du point 11.3, ceux causés à la production agricole et ceux causés aux moyens de production agricole.

71      Dès lors, une interprétation contextuelle du point 11.3.8 des lignes directrices conduit à conclure que, hormis les agriculteurs et les organisations de producteurs, ce sont les propriétaires des moyens de production agricole mis à la disposition d’exploitants agricoles qui, par exception, peuvent bénéficier de l’assimilation, réalisée par le point 11.3 desdites lignes, des mauvaises conditions climatiques à une calamité naturelle.

72      Dans ces conditions, les arguments de la requérante, selon lesquels l’aide envisagée aurait dû être déclarée compatible dès lors qu’était démontré le lien de causalité entre la sécheresse et le dommage subi par la sucrerie, qui n’avait d’autre source d’approvisionnement que le bassin betteravier local, affecté par la sécheresse, ne peuvent qu’être écartés.

73      Tout d’abord, l’argument relatif au lien de causalité est inopérant pour démontrer que l’aide envisagée était compatible avec le marché commun malgré la circonstance que le bénéficiaire désigné était une entreprise de transformation. En effet, l’examen de l’existence d’un lien de causalité relève de la mise en œuvre de la condition posée par le point 11.3.1 des lignes directrices tenant au niveau de dommage subi par les opérateurs économiques et non de la condition tenant à la nature de l’activité du bénéficiaire de l’aide.

74      Ensuite, l’argument relatif à la situation particulière de la sucrerie liée à l’absence d’autre source d’approvisionnement que le bassin betteravier de Sardaigne ne permet pas de revenir sur les constatations faites aux points 70 et 71 ci-dessus, selon lesquelles seuls les dommages causés à la production agricole ou aux moyens de production agricole peuvent être indemnisés sur le fondement du point 11.3 des lignes directrices, alors que les pertes prétendument subies par la sucrerie auraient affecté son activité de transformation.

75      Enfin, s’agissant de l’argument par lequel la requérante se réfère aux décisions N 745/2000 et N 331/02 en ce que la Commission y aurait admis que le point 11.3 des lignes directrices s’appliquerait à des opérateurs autres que des agriculteurs ou des groupements de producteurs, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il est exposé aux considérants 79 et 80 de la décision attaquée, la situation des opérateurs en question se distinguait nettement, sous plusieurs aspects, de celle de la sucrerie. Par ces deux décisions, la Commission a appliqué le point 11.3.8 des lignes directrices à des « consorzi di bonifica », qui sont des entreprises publiques autonomes chargées de la gestion des zones d’assèchement, pour considérer que les aides qu’il était envisagé de leur verser étaient compatibles avec le marché commun. Il ne s’agissait toutefois pas d’entreprises de transformation, puisqu’elles n’achetaient pas un produit agricole en vue de revendre le produit résultant de sa transformation, et elles étaient directement atteintes par la sécheresse, le produit qu’elles vendaient – l’eau – étant directement affecté par cette situation climatique.

76      Dans ces conditions, en refusant d’appliquer les dispositions du point 11.3.8 des lignes directrices, au motif, exposé aux considérants 76 et 77 de la décision attaquée, que la sucrerie était une entreprise agro-industrielle de transformation, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation, ni aucune erreur de droit.

77      Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le niveau des dommages causés à la raffinerie en raison de la période de sécheresse en cause, il y a lieu d’écarter les deuxième et troisième moyens.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration, de diligence et de sollicitude, et de la durée excessive de la procédure

78      La requérante soutient que le principe de bonne administration crée pour la Commission l’obligation de respecter un délai raisonnable lors de l’adoption de décisions à l’issue des procédures administratives. En matière d’aide d’État, la procédure devrait être clôturée dans un délai raisonnable à compter de son ouverture, même si le délai en la matière n’a pas de caractère impératif.

79      Il y a lieu de rappeler que le respect par la Commission d’un délai raisonnable lors de l’adoption de décisions à l’issue des procédures administratives en matière de politique de concurrence constitue un principe de bonne administration (voir, en matière d’aides d’État, arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 4, et du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, points 12 à 17).

80      Toutefois, la violation du respect d’un délai raisonnable ne justifie l’annulation de la décision qu’en tant qu’elle emporterait également une violation des droits de la défense des entreprises concernées. Lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d’être invoquée devant le juge de l’Union (voir, en matière de concurrence, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 122, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410/03, Rec. p. II-881, point 227).

81      En tout état de cause, il convient de rappeler que, lors de la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, les intéressés, comme la requérante en l’espèce, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T-228/99 et T-233/99, Rec. p. II-435, point 125, et la jurisprudence citée).

82      La requérante n’allègue pas que son droit d’être entendue et associée à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances de l’espèce aurait été méconnu par la Commission lors de la procédure formelle d’examen de l’aide envisagée.

83      Par suite, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen, la violation invoquée des principes de bonne administration, de diligence et de sollicitude n’étant, par ailleurs, pas circonstanciée en dehors des conséquences qu’il y aurait lieu de tirer, sur ce point, de la méconnaissance d’une durée raisonnable de la procédure formelle d’examen.

84      Par conséquent, il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté, sans qu’il soit besoin ni de se prononcer sur le maintien de l’intérêt à agir de la requérante ni d’ordonner à la Commission de produire l’intégralité du dossier relatif à la procédure administrative.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Eridania Sadam SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Forwood

Schwarcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.


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