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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Belgium (French Text) [2012] EUECJ C-370/11 (10 May 2012)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2012/C37011.html
Cite as: EU:C:2012:287, ECLI:EU:C:2012:287, [2012] EUECJ C-370/11

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 mai 2012 (*)

«Manquement d'État - Articles 36 et 40 de l'accord EEE - Imposition discriminatoire des plus-values réalisées lors du rachat d'actions d'organismes de placement collectif établis en Norvège ou en Islande et ne bénéficiant pas d'une autorisation accordée conformément à la directive 85/611/CEE»

Dans l'affaire C-370/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 258 TFUE, introduit le 12 juillet 2011,

Commission européenne, représentée par M. W. Mölls, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. J.-C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en maintenant des règles selon lesquelles les plus-values réalisées lors du rachat d'actions d'organismes de placement collectif qui ne bénéficient pas d'une autorisation accordée conformément à la directive 85/61l/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO L 375, p. 3), ne sont pas imposables lorsque ces organismes sont établis en Belgique, tandis que les plus-values réalisées lors du rachat d'actions de tels organismes établis en Norvège ou en Islande sont imposables, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 36 et 40 de l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l'«accord EEE»).

Le cadre juridique

L'accord EEE

2 Les articles 36 et 40 de l'accord EEE correspondent, respectivement, aux articles 56 TFUE et 63 TFUE.

La réglementation belge

3 Il résulte de l'article 90, 1°, du code des impôts sur les revenus 1992 (Moniteur belge du 30 juillet 1992, ci-après le «CIR 1992») que la plus-value résultant du rachat de parts d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (ci-après un «OPCVM») n'est en principe pas imposable lorsqu'elle est réalisée par une personne physique résidant en Belgique et agissant dans le cadre d'une gestion normale du patrimoine privé.

4 La loi-programme du 27 décembre 2005 (Moniteur belge du 30 décembre 2005, p. 57315) a complété le CIR 1992 par l'ajout d'un article 19 bis, qui a élargi la définition de la notion d'«intérêts» figurant à l'article 19 de ce code. Il en résulte que les plus-values réalisées lors du rachat de parts de certains OPCVM sont imposables.

5 L'article 19 bis, § 1er, premier et sixième alinéas, de ladite loi-programme, tel que modifié par la loi du 21 décembre 2009 portant des dispositions fiscales et diverses (Moniteur belge du 31 décembre 2009, p. 82816), dispose:

«Les intérêts comprennent également la partie du montant qui correspond à la composante d'intérêts, reçue en cas de rachat de parts propres ou en cas de partage total ou partiel de l'avoir social d'un [OPCVM] dont plus de 40 % du patrimoine est investi directement ou indirectement en créances, dans la mesure où cette composante d'intérêts se rapporte à la période durant laquelle le bénéficiaire a été titulaire des parts. [...]

[...]

Par [OPCVM] au sens de cet article, il y a lieu d'entendre les organismes visés à l'article 2, § 1er, 6°, de l'arrêté royal du 27 septembre 2009 [d'exécution de l'article 338 bis, § 2, du code des impôts sur les revenus 1992 (Moniteur belge du 1er octobre 2009, p. 65609, ci-après l'«arrêté royal du 27 septembre 2009»)], ainsi que les organismes de placement collectif établis en dehors du territoire où le traité [CE] est applicable en vertu de son article 299.»

6 L'article 2 de l'arrêté royal du 27 septembre 2009 prévoit:

Ǥ 1er. Pour l'application de l'article 338 bis du [CIR] 1992, il faut entendre par:

[...]

6° [OPCVM]: tout [OPCVM] autorisé conformément à la directive 85/611[...];

[...]»

La procédure précontentieuse

7 Après avoir, le 29 octobre 2009, mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations sur la compatibilité, notamment, de l'article 19 bis du CIR 1992 avec les articles 36 et 40 de l'accord EEE, la Commission a, le 1er octobre 2010, adressé un avis motivé à cet État membre, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

8 N'étant pas satisfaite de la réponse du Royaume de Belgique du 8 décembre 2010 audit avis, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

9 La Commission soutient qu'il résulte des articles 19 bis, § 1er, du CIR 1992 et 2, § 1er, 6°, de l'arrêté royal du 27 septembre 2009 que les plus-values réalisées par un résident belge lors du rachat d'actions d'OPCVM ne bénéficiant pas d'une autorisation accordée conformément à la directive 85/611 et qui sont établis en Belgique ne sont pas imposables, alors que sont imposables, pour un résident belge, les plus-values réalisées lors du rachat d'actions d'OPCVM ne bénéficiant pas d'une telle autorisation et qui sont établis en Norvège ou en Islande.

10 Selon la Commission, cette différence de traitement fiscal restreint la libre circulation des capitaux garantie par l'article 40 de l'accord EEE, dans la mesure où elle est susceptible de dissuader des investisseurs résidant en Belgique d'investir dans ces derniers OPCVM. Elle serait également incompatible avec l'article 36 de l'accord EEE en ce qu'elle entraverait l'exercice par lesdits OPCVM de la libre prestation des services à l'égard des investisseurs belges. Il n'existerait aucune justification à ces restrictions.

11 Dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique reconnaît le bien-fondé du manquement qui lui est reproché. Il se borne à exposer son intention d'adopter, dans les meilleurs délais, un arrêté royal permettant l'entrée en vigueur de l'article 118 de la loi-programme du 27 décembre 2005, qui vise à faire cesser la différence de traitement fiscal en cause et à ce que soient ainsi remplies les obligations qui lui incombent en vertu des articles 36 et 40 de l'accord EEE.

Appréciation de la Cour

12 Il convient de relever d'emblée, ainsi que le précisent tant la Commission que le Royaume de Belgique dans leurs mémoires respectifs, que l'article 19 bis, § 1er, du CIR 1992, disposition qui est à l'origine de la différence de traitement fiscal litigieuse, ne concerne que les OPCVM dont plus de 40 % du patrimoine est investi directement ou indirectement en créances.

13 Partant, il y a lieu de considérer que, par son recours, la Commission demande que soit constaté un manquement en ce qui concerne ces seuls OPCVM.

14 S'agissant de l'intention du Royaume de Belgique d'adopter des mesures qui, selon lui, mettront fin à ladite différence de traitement, il suffit de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 20 novembre 2003, Commission/France, C-296/01, Rec. p. I-13909, point 43, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, C-297/08, Rec. p. I-1749, point 79).

15 En ce qui concerne le manquement aux obligations résultant de l'article 40 de l'accord EEE allégué par la Commission, la Cour a déjà eu l'occasion de constater que, si des restrictions à la libre circulation des capitaux entre ressortissants d'États parties à cet accord doivent être appréciées au regard de cet article ainsi que de l'annexe XII dudit accord, ces stipulations revêtent la même portée juridique que celle des dispositions de l'article 63 TFUE (voir arrêts du 11 juin 2009, Commission/Pays-Bas, C-521/07, Rec. p. I-4873, point 33, ainsi que du 28 octobre 2010, Établissements Rimbaud, C-72/09, non encore publié au Recueil, point 22).

16 Selon une jurisprudence constante, les mesures interdites par cette dernière disposition, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d'en faire dans d'autres États (arrêts du 25 janvier 2007, Festersen, C-370/05, Rec. p. I-1129, point 24, ainsi que du 6 octobre 2011, Commission/Portugal, C-493/09, non encore publié au Recueil, point 28).

17 Il est constant que, en vertu de la réglementation belge en cause, les plus-values réalisées par un résident belge lors du rachat d'actions d'OPCVM dont plus de 40 % du patrimoine est investi en créances et qui ne bénéficient pas d'une autorisation délivrée conformément à la directive 85/61l ne sont pas imposables lorsque ces organismes sont établis en Belgique, tandis que les plus-values réalisées lors du rachat d'actions de tels organismes établis en Norvège ou en Islande sont imposables.

18 Cette différence de traitement fiscal est susceptible de rendre moins attractif, pour un résident belge, un investissement dans ces derniers organismes par rapport à un investissement dans un tel OPCVM établi en Belgique et, partant, de le dissuader d'investir dans un OPCVM de ce type établi en Norvège ou en Islande. Il en résulte que la réglementation belge en cause constitue une restriction aux mouvements de capitaux interdite, en principe, par l'article 40 de l'accord EEE.

19 Force est de constater que, dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique n'invoque aucune raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier cette restriction. Bien au contraire, il reconnaît le manquement que lui reproche la Commission.

20 Dans ces conditions, il convient de constater que, en maintenant des règles selon lesquelles les plus-values réalisées lors du rachat d'actions d'organismes de placement collectif dont plus de 40 % du patrimoine est investi en créances et qui ne bénéficient pas d'une autorisation délivrée conformément à la directive 85/61l ne sont pas imposables lorsque ces organismes sont établis en Belgique, tandis que les plus-values réalisées lors du rachat d'actions de tels organismes établis en Norvège ou en Islande sont imposables, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 40 de l'accord EEE.

21 S'agissant de la demande de la Commission tendant à ce que soit constaté un manquement aux obligations résultant de l'article 36 de l'accord EEE, au motif que la différence de traitement fiscal constatée au point 17 du présent arrêt restreint l'exercice de la libre prestation des services par les OPCVM établis en Norvège et en Islande à l'égard des résidents belges, il y a lieu de relever qu'une telle restriction résulterait du fait que ces derniers sont dissuadés, en vertu de ladite différence de traitement, d'investir dans de tels OPCVM. Elle serait donc la conséquence directe des obstacles à la libre circulation des capitaux examinés ci-dessus, dont elle est indissociable. Dès lors, une violation de l'article 40 de l'accord EEE ayant été constatée, il n'est pas nécessaire d'examiner séparément la réglementation nationale en cause à la lumière des dispositions de l'accord EEE relatives à la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêts du 13 mai 2003, Commission/Espagne, C-463/00, Rec. p. I-4581, point 86, ainsi que du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C-171/08, Rec. p. I-6817, point 80).

Sur les dépens

22 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1) En maintenant des règles selon lesquelles les plus-values réalisées lors du rachat d'actions d'organismes de placement collectif dont plus de 40 % du patrimoine est investi en créances et qui ne bénéficient pas d'une autorisation délivrée conformément à la directive 85/61l/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), ne sont pas imposables lorsque ces organismes sont établis en Belgique, tandis que les plus-values réalisées lors du rachat d'actions de tels organismes établis en Norvège ou en Islande sont imposables, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992.

2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

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