Acanfora (Order of the Court) [2014] EUECJ C-181/13 (27 February 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/C18113_CO.html
Cite as: [2014] EUECJ C-181/13

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ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

27 février 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Article 107 TFUE – Notion d’‘aide d’État’ – Législation nationale prévoyant, en cas de non-paiement de l’impôt, une obligation pour le contribuable de verser à la société concessionnaire du service de recouvrement, un montant s’élevant à 9 % des sommes inscrites au rôle au titre de rémunération des activités de perception – Description du cadre factuel – Insuffisance – Irrecevabilité manifeste»

Dans l’affaire C-181/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Commissione tributaria provinciale di Latina (Italie), par décision du 5 décembre 2012, parvenue à la Cour le 12 avril 2013, dans la procédure

Francesco Acanfora

contre

Equitalia Sud SpA – Agente di Riscossione Latina,

Agenzia delle Entrate – Ufficio di Latina,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. G. Arestis et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Equitalia Sud SpA – Agente di Riscossione Latina, par Mes G. Visentini, M. Signore et A. Papa Malatesta, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. V. Di Bucci, G. Conte et D. Grespan, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 107 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Acanfora à Equitalia Sud SpA – Agente di Riscossione Latina (ci-après «Equitalia») et à l’Agenzia delle Entrate – Ufficio di Latina au sujet d’une injonction de payer émise par Equitalia, concessionnaire de l’État du service de recouvrement des impôts.

 Le cadre juridique italien

3        Le décret législatif n° 112, du 13 avril 1999, portant réorganisation du service national du recouvrement (GURI n° 97, du 27 avril 1999, p. 3), dans sa version en vigueur du 29 janvier 2009 au 5 juillet 2011 (ci-après le «décret législatif n° 112/1999»), dispose à son article 17:

«1.      L’activité des agents de perception est rémunérée par une commission équivalant à 9 % des sommes inscrites au rôle et qui ont été perçues ainsi que des intérêts de retard qui s’y rapportent. Le débiteur est redevable de cette rémunération:

a)      à hauteur de 4,65 % des sommes inscrites au rôle, en cas de paiement dans un délai de 60 jours à compter de la notification de l’injonction de payer. Dans ce cas, le solde de cette rémunération est à la charge de l’entité créancière;

b)      intégralement, dans le cas contraire.

2.      Les pourcentages visés aux paragraphes 1 et 5-bis peuvent être modifiés par décret non réglementaire du ministère de l’Économie et des Finances, dans la limite de deux points de pourcentage de différence par rapport à celui déterminé auxdits paragraphes, compte tenu du montant des dettes, du déroulement de la perception et des coûts du système.

[…]

6.      L’agent de perception a droit au remboursement des dépens relatifs aux procédures exécutives, sur la base d’un tableau approuvé par décret du ministre des Finances, qui établit également les modalités de versement dudit remboursement. Ce remboursement est à la charge:

a)      du créancier, si la dette est radiée du rôle à la suite de l’adoption de mesures d’allègement ou si l’agent de perception a transmis la communication d’inexigibilité prévue à l’article 19, paragraphe 1;

b)      du débiteur, dans les autres cas.

[…]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

4        M. Acanfora a introduit un recours contre un avis de paiement émis par Equitalia, par lequel il a été mis en demeure de payer à cette société une somme globale de 608 690,97 euros.

5        Ce montant correspondait en grande partie à des impôts non versés à l’administration des finances italienne et aux intérêts de retard relatifs à ceux-ci. Quant à la somme de 21 194,23 euros, elle correspondait à la rémunération des activités de perception effectuées par Equitalia.

6        Pour contester cette dernière somme, M. Acanfora a fait valoir que la rémunération due à Equitalia ne saurait être établie proportionnellement à la somme recouvrée, mais aurait dû être fixée au regard de la nature des prestations fournies par cette société en sa qualité de percepteur et donc au regard des coûts occasionnés par l’activité de perception. Dès lors que la réglementation nationale ne prévoit pas de plafond en matière de rémunération due au titre du service de recouvrement, celle-ci, en tant qu’elle s’ajoute à la dette fiscale, finirait par représenter une sorte de sanction. Ainsi, la rémunération de la perception revêtirait une connotation afflictive et punitive, qui serait étrangère au remboursement du coût dudit service.

7        Devant la juridiction de renvoi, M. Acanfora a également fait valoir que l’importance de la rémunération due à Equitalia constitue une aide d’État incompatible avec le droit de l’Union.

8        Dans ces conditions, la Commissione tributaria provinciale di Latina a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La rémunération à hauteur de 9 % constitue-t-elle une aide d’État incompatible avec le marché unique des contreparties de la perception [des taxes] et avec le droit [de l’Union européenne] au regard de l’article 107 TFUE?»

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

9        En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

10      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

11      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre cette dernière et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke, C-83/91, Rec. p. I-4871, point 22, et du 24 mars 2009, Danske Slagterier, C-445/06, Rec. p. I-2119, point 65).

12      Il y a lieu de rappeler que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (arrêt du 18 juillet 2013, Sky Italia, C-234/12, non encore publié au Recueil, point 30 et jurisprudence citée).

13      En effet, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C-116/00, Rec. p. I-4979, point 14, ainsi que arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a., C-128/09 à C-131/09, C-134/09 et C-135/09, Rec. p. I-9711, point 24).

14      Il importe, en outre, d’ajouter que l’exigence de précision, notamment à l’égard du contexte factuel et réglementaire de l’affaire au principal, vaut tout particulièrement dans le domaine de la concurrence, qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes (arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 7, ainsi que Sky Italia, précité, point 31).

15      Or, en l’occurrence, force est de constater que la décision de renvoi ne répond pas aux exigences rappelées aux points 12 à 14 de la présente ordonnance.

16      En effet, dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi ne précise ni les motifs qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de l’article 107 TFUE ni le lien qu’elle établit entre celui-ci et la réglementation nationale en cause dans le litige qui lui est soumis.

17      La juridiction de renvoi se limite à des appréciations générales concernant, d’une part, le système national de rémunération en matière de coûts relatifs à la perception des impôts ainsi que, d’autre part, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 107 TFUE, sans fournir à la Cour aucun élément de fait utile pour l’appréciation des conditions qui permettent de caractériser l’existence d’une aide d’État. Ainsi, la décision de renvoi se borne à indiquer que, «[s]elon le requérant, une contrepartie avantageuse à la perception des taxes est comparable à une aide d’État incompatible avec le droit [de l’Union], en ce qu’elle contrevient à l’interdiction prévue à l’article 107 TFUE. Il est donc à craindre, en l’espèce, que l’article 17 du décret législatif n° 112/1999 constitue une mesure de subvention en faveur de l’entreprise Equitalia, lui procurant un avantage économique. Le niveau de la rémunération (9 %) conférerait à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans le cadre du déroulement normal de son activité. […] Sa position est renforcée par rapport à celle des autres entreprises concurrentes».

18      Certes, les observations écrites déposées par Equitalia, le gouvernement italien et la Commission européenne ont fourni certaines informations à la Cour. Toutefois, celles-ci ne lui permettent pas, faute d’une connaissance suffisante d’éléments de fait et de droit à l’origine du litige au principal, de dire si l’article 107 TFUE s’oppose ou non à une réglementation nationale telle que le décret législatif n° 112/1999, comme l’y invite la juridiction de renvoi. De surcroît, dans ces observations, est contestée la pertinence ou l’exactitude d’éléments de fait ou de droit mentionnés dans la demande de décision préjudicielle.

19      Force est de constater que ces seuls éléments ne permettent pas à la Cour de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi au regard de la question posée par cette dernière.

20      Au surplus, dans la mesure où il est demandé à la Cour de vérifier la compatibilité, au regard du droit de l’Union, du prétendu avantage fiscal que représenterait la rémunération d’Equitalia en sa qualité d’agent de perception, il convient de rappeler que, dans l’ordre juridique de l’Union, les compétences des juridictions nationales sont limitées dans le domaine des aides d’État.

21      En effet, les juridictions nationales peuvent, en matière d’aides d’État, être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE relève ou non d’une telle notion (arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini, C-119/05, Rec. p. I-6199, point 50 et jurisprudence citée). En revanche, elles ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur.

22      Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Lucchini, précité, point 52 et jurisprudence citée). En conséquence, une juridiction nationale ne saurait, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, interroger la Cour sur la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide d’État ou d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2006, Enirisorse, C-237/04, Rec. p. I-2843, point 23 et jurisprudence citée).

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

24      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

La demande de décision préjudicielle présentée par la Commissione tributaria provinciale di Latina (Italie), par décision du 5 décembre 2012, est manifestement irrecevable.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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