Commission / IPK International (Advocate General's Opinion) (French Text) [2014] EUECJ C-336/13_O (4 September 2014)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/C33613_O.html
Cite as: EU:C:2014:2170, [2014] EUECJ C-336/13_O, ECLI:EU:C:2014:2170

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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 4 septembre 2014 (1)

Affaire C–336/13 P

Commission européenne

contre

IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH

«Pourvoi – Décision de la Commission ordonnant le remboursement d’un concours financier – Annulation de la décision par le Tribunal – Exécution de l’arrêt – Calcul des intérêts sur la somme à restituer»





I –    Introduction

1.        Par décision du 4 août 1992, la Commission européenne a octroyé à IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH (2) un concours financier de 530 000 écus pour un projet de création d’une banque de données. La première partie du concours financier, à savoir 318 000 écus, a été versée en janvier 1993.

2.        Considérant que le concours financier avait été octroyé de manière irrégulière, la Commission a, par une décision prise le 13 mai 2005 (3), annulé la décision d’octroi puis adopté, le 4 décembre 2006, une décision de recouvrement en exécution de laquelle IPK a, le 15 mai 2007, remboursé la somme de 318 000 euros, majorée des intérêts de retard.

3.        IPK ayant formé un recours contre la décision du 13 mai 2005, le Tribunal de l’Union européenne a, par l’arrêt IPK International/Commission (T-297/05, EU:T:2011:185), rendu le 15 avril 2011 (4), annulé cette décision en raison du non-respect du délai de prescription applicable à la poursuite de l’irrégularité litigieuse.

4.        En exécution de cet arrêt, la Commission, a, par lettre du 14 octobre 2011, adopté et notifié à IPK une décision (5) portant paiement de la somme totale de 720 579, 90 euros, dont 530 000 euros correspondant au montant en principal du concours financier, 31 961, 63 euros représentant les intérêts moratoires payés par IPK et 158 618, 27 euros correspondant aux intérêts «compensatoires», dont le taux a été fixé par la Commission à un taux égal à celui pratiqué par la Banque centrale européenne (6) et l’Institut monétaire européen, prédécesseur de la BCE, pour les opérations principales de refinancement.

5.        IPK ayant, par requête déposée le 22 décembre 2011, formé un recours en annulation contre la décision litigieuse, le Tribunal, par un arrêt IPK International/Commission (T-671/11, EU:T:2013:163) (7), a annulé cette décision dans la mesure où le montant des intérêts à verser à IPK qui y est fixé se limite à 158 618,27 euros.

6.        À présent, la Cour est saisie du pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de cet arrêt. Ce pourvoi soulève, en substance, la question de la nature, du taux et de la durée des intérêts dus sur les sommes que la Commission doit payer ou restituer à IPK à la suite de l’annulation de la décision du 13 mai 2005.

7.        Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour d’accueillir partiellement le pourvoi.

8.        Nous soutiendrons, en effet, que le Tribunal, en jugeant que les intérêts moratoires devaient être calculés sur la base du montant principal de la créance y compris les intérêts compensatoires encourus antérieurement, a commis une erreur de droit, eu égard à la nature moratoire et non compensatoire des intérêts courus antérieurement, justifiant l’annulation partielle de l’arrêt attaqué.

9.        Nous proposerons à la Cour de statuer elle-même définitivement sur cette question en décidant que les intérêts moratoires doivent être calculés sur la base du seul montant principal de la créance.

II – L’arrêt attaqué

10.      À l’appui de son recours devant le Tribunal, IPK a invoqué un moyen unique en deux branches, tiré de la violation de l’article 266 TFUE, en soutenant que la Commission aurait commis des erreurs de droit, d’une part, en déterminant le taux des intérêts compensatoires, qui auraient dû être majorés de deux points par rapport au taux d’intérêt de la BCE pour les opérations principales de refinancement et, d’autre part, en omettant de calculer des intérêts moratoires, alors que ceux-ci auraient dû courir dès le prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011 et être calculés sur le montant total de la créance, majoré des intérêts compensatoires.

11.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ce recours en faisant droit aux deux branches du moyen invoqué par IPK.

12.      À cet égard, le Tribunal a tout d’abord relevé, au point 34 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait de l’arrêt du 15 avril 2011 aucune obligation pour la Commission de rembourser le concours financier en cause à IPK, puisque, dans cet arrêt, le Tribunal avait entériné les constatations factuelles retenues dans la décision du 13 mai 2005, relatives aux irrégularités commises par IPK qui justifiaient, en principe, d’annuler ce concours financier, et s’était limité à annuler cette décision en raison du non-respect par la Commission du délai de prescription pertinent. Le Tribunal a déduit de ces constatations que la décision litigieuse constituait «le seul fondement juridique de la créance principale en cause».

13.      Ensuite, s’agissant des intérêts compensatoires, le Tribunal a rappelé, au point 36 de l’arrêt attaqué, qu’il avait été reconnu par une jurisprudence constante (8) que, indépendamment de leur dénomination précise, ces intérêts devaient toujours être calculés sur la base du taux d’intérêt de la BCE pour les opérations principales de refinancement en majorant ce taux de deux points. Le Tribunal a ajouté que cette majoration forfaitaire était applicable à tous les cas de figure, sans qu’il y eût lieu de constater concrètement si elle était justifiée ou non au regard de l’érosion monétaire, pendant la période concernée, dans l’État membre dans lequel le créancier était établi, avant d’ajouter, au point 38, que ladite majoration forfaitaire était née du souci d’éviter un enrichissement sans cause dans toutes les circonstances possibles.

14.      Le Tribunal en a déduit, au point 39 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait omis à tort de majorer le taux des intérêts compensatoires.

15.      Enfin, en ce qui concerne les intérêts moratoires, le Tribunal a rappelé, au point 41 de l’arrêt attaqué, «la jurisprudence établie ayant reconnu l’obligation inconditionnelle pour la Commission de payer des intérêts moratoires, notamment, dans le cas de l’engagement par elle de la responsabilité non contractuelle de l’Union, pour la période suivant le prononcé de l’arrêt la constatant [...], ainsi que dans le cas de la répétition de l’indu à la suite d’un arrêt d’annulation [...]». Puis, ayant relevé qu’aucun des arguments avancés par la Commission ne permettait d’écarter cette «obligation de principe» dans le cas d’espèce et constaté qu’au contraire, à l’audience, cette institution avait admis être débitrice d’intérêts moratoires dus à compter du prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011, ce dont il avait été pris acte dans le procès-verbal de l’audience, le Tribunal en a conclu que le montant principal dû, tel que reconnu dans la décision litigieuse, devait être assorti d’intérêts moratoires courant, du fait du commun accord des parties sur ce point, à compter du 15 avril 2011, «et ce indépendamment du fait que ladite décision constitue le seul fondement juridique de la créance principale en cause».

16.      Le Tribunal a considéré, au point 42 de l’arrêt attaqué, que les intérêts moratoires devaient être calculés sur la base du montant principal dû, majoré des intérêts compensatoires encourus antérieurement, étant donné que, «si la jurisprudence du Tribunal n’autorise, en principe, pas de capitalisation soit des intérêts compensatoires encourus avant, soit des intérêts moratoires courant après le prononcé d’un arrêt reconnaissant l’existence d’une créance, le Tribunal ordonne néanmoins de fixer les intérêts moratoires courant jusqu’au paiement complet sur la base du montant principal de la créance majorée des intérêts compensatoires encourus antérieurement». Le Tribunal a ajouté que «[c]ette approche distingue donc les intérêts compensatoires de nature précontentieuse des intérêts moratoires de nature postcontentieuse, ces derniers devant tenir compte de la totalité de la perte financière accumulée, y compris en raison de l’érosion monétaire».

III – Le pourvoi

17.      La Commission conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué et à la condamnation d’IPK aux dépens qu’elle a exposés.

18.      IPK conclut au rejet de ce pourvoi et à la condamnation de la Commission aux dépens.

A –    Les moyens et les arguments des parties

19.      Par son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle les intérêts compensatoires servent à compenser l’inflation.

20.      Selon la Commission, il ressort de l’arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (C-104/89 et C-37/90, EU:C:2000:38, point 214) ainsi que de la jurisprudence du Tribunal issue, en particulier, de l’arrêt Agraz e.a./Commission (T-285/03, EU:T:2008:526, point 50) que les intérêts compensatoires sont destinés à réparer les pertes résultant de l’érosion monétaire depuis l’apparition des dommages, de sorte qu’ils devraient correspondre au taux de l’inflation réellement constatée, au cours de la période considérée, dans l’État membre où est établie la société concernée.

21.      IPK réplique que le Tribunal a fait une référence explicite à l’érosion monétaire en considérant que celle-ci devait être compensée par les intérêts compensatoires, que le taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat dans l’État membre où est établi le créancier n’est pris en compte que pour constater la réalité même d’une dépréciation monétaire et que cette dépréciation monétaire ne constitue pas le seul paramètre de calcul des intérêts compensatoires.

22.      Par son deuxième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a contredit la jurisprudence de la Cour en omettant de distinguer entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires. Alors que les premiers seraient exclusivement destinés à compenser la perte de valeur du patrimoine du créancier en raison de l’inflation, les seconds poursuivraient aussi l’objectif d’encourager le débiteur à régler sa dette aussi rapidement que possible, de sorte qu’ils seraient généralement plus élevés que les intérêts compensatoires. Aussi, en fixant forfaitairement au même niveau ces deux types d’intérêts dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait-il pas tenu compte de cette distinction.

23.      IPK répond que ce moyen méconnaît, en contradiction avec le troisième moyen, la différence matérielle de calcul des deux catégories d’intérêts, les intérêts moratoires étant calculés non pas uniquement sur la base de la dette principale, mais également sur celle de cette somme majorée des intérêts compensatoires échus.

24.      Par son troisième moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en capitalisant les intérêts compensatoires et en calculant les intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011.

25.      À cet égard, la Commission, qui axe ses développements sur les intérêts moratoires, soutient que le Tribunal ne pouvait pas lui imposer rétroactivement le paiement d’intérêts à compter du prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011, lequel n’emportait pas condamnation au paiement de tels intérêts. Elle dénonce, en outre, l’incohérence qu’aurait commise le Tribunal en faisant courir les intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011 tout en jugeant que l’obligation de remboursement résultait exclusivement de la décision litigieuse.

26.      IPK considère que l’arrêt du 15 avril 2011 avait pour seul objet l’examen de la légalité de la décision du 13 mai 2005 et que le fait que le Tribunal n’ait pas examiné les conséquences juridiques résultant de son arrêt ne dispense pas la Commission de son obligation de payer des intérêts tant moratoires que compensatoires. S’agissant plus particulièrement des intérêts moratoires, IPK fait valoir que la Commission a admis dans la décision litigieuse que cette obligation découlait de l’article 266 TFUE et a, de surcroît, reconnu lors de l’audience devant le Tribunal qu’elle était tenue au paiement de ces intérêts à partir du 15 avril 2011. Selon IPK, ces intérêts doivent être calculés sur la base du montant de la dette principale majoré des intérêts compensatoires.

27.      Par son quatrième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir, aux points 34 et 44 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit, interprété de façon erronée la décision litigieuse ainsi que l’arrêt rendu dans l’affaire T-297/05 et dénaturé les faits.

28.      Dans ces points, le Tribunal a notamment considéré que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de la créance principale en cause et que, partant, il n’était pas besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Commission avait violé l’article 266 TFUE en ne tirant pas toutes les conséquences qui découlaient de l’exécution de l’arrêt du 15 avril 2011.

29.      Or, selon la Commission, cette motivation est entachée d’une erreur de droit puisque, par suite de l’annulation de la décision litigieuse, la décision d’octroi initiale a été «ressuscitée». Elle serait, en outre, contraire tant à la décision litigieuse, qui se fondait expressément sur l’article 266 TFUE, qu’à l’arrêt du 15 avril 2011, qui annule la décision litigieuse en raison de la prescription, sans déclarer la décision d’octroi initiale inexistante.

30.      Tout en admettant que c’est à tort que le Tribunal ne s’est pas fondé sur l’article 266 TFUE, IPK estime que cette erreur de droit est sans conséquence sur le calcul des intérêts dans la mesure où, quand bien même cet article constitue le fondement juridique de la décision litigieuse, il n’en résulte pas, pour autant, que le Tribunal aurait dû tenir compte du comportement fautif du créancier pour le calcul des intérêts.

31.      Par son cinquième moyen, la Commission estime que la motivation de l’arrêt concernant le taux des intérêts compensatoires et le point de départ des intérêts moratoires est insuffisante et contradictoire. Elle serait insuffisante parce que le Tribunal n’aurait pas examiné les arguments de la Commission. Elle serait contradictoire car le Tribunal aurait constaté, d’une part, que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique du paiement et, d’autre part, que les intérêts étaient dus à compter de l’arrêt du 15 avril 2011.

32.      IPK estime, de son côté, que la motivation de l’arrêt attaqué est claire et exacte, qu’elle ne comporte aucune contradiction et que le Tribunal a examiné les arguments de la Commission.

33.      Par son sixième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal aurait violé les principes qui régissent l’enrichissement sans cause dans la mesure où, l’Union ne percevant actuellement sur les sommes encaissées à titre provisoire qu’un taux d’intérêt de 0,25 %, l’application du taux de refinancement majoré de deux points dépasse l’appauvrissement effectif du créancier du fait de l’érosion monétaire et l’enrichissement effectif de la Commission. Elle ajoute que le Tribunal aurait procédé à un renversement de perspective en invoquant un enrichissement du débiteur au lieu de rechercher si le créancier s’était appauvri. Selon elle, la solution adoptée dans l’arrêt attaqué aboutit à accorder un avantage financier à un créancier pourtant reconnu comme étant de mauvaise foi.

34.      IPK considère que le taux d’intérêt perçu actuellement par l’Union sur les amendes encaissées à titre provisoire est sans importance et que, à supposer que ce taux fût déterminant, la Commission aurait dû indiquer quels intérêts elle avait perçus en moyenne pendant la période concernée.

B –    Notre appréciation

35.      La question des intérêts apparaît, de prime abord, comme un problème technique et relativement secondaire, réfractaire à une analyse d’ensemble ou à toute tentative de conceptualisation. Elle revêt, pourtant, une grande importance pratique dans la mesure où le montant des intérêts, loin d’être purement symbolique, peut parfois atteindre, voire dépasser, celui de la créance en principal (9). Les enjeux peuvent donc être considérables.

36.      L’absence, jusqu’à une période récente, de réglementation relative aux intérêts dans le droit de l’Union a conduit la Cour à dégager peu à peu des solutions prétoriennes qui, si elles semblent bien établies s’agissant de la reconnaissance de principe du droit aux intérêts, continuent, néanmoins, à recéler une certaine part de mystère quant au fondement de ce droit et à sa mise en œuvre.

37.      L’examen du présent pourvoi offre donc l’occasion à la Cour de préciser sa doctrine sur ce point dans le contexte particulier de la mise en œuvre des mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation.

38.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est inspiré des solutions dégagées par la jurisprudence pour la détermination des intérêts dus en exécution d’un arrêt portant annulation ou réduction d’une amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction aux règles de concurrence de l’Union.

39.      Le Tribunal s’est, toutefois, également, référé aux arrêts rendus dans le domaine des recours indemnitaires introduits dans le cadre général de la responsabilité non contractuelle de l’Union ou dans le cadre spécifique du contentieux de la fonction publique communautaire. C’est, en effet, en ce domaine que se concentre l’essentiel des arrêts dans lesquels le juge de l’Union a été amené à se prononcer sur le calcul des intérêts.

40.      L’arrêt attaqué, en faisant indistinctement référence aux arrêts rendus dans ces deux domaines différents, témoigne ainsi d’une approche fusionnelle sur le bien-fondé de laquelle il conviendra de s’interroger en recherchant s’il n’existe pas des différences irréductibles qui empêchent de concevoir un régime unique.

41.      Nous commencerons donc par l’examen des arrêts, les plus nombreux, rendus dans le domaine des recours indemnitaires, avant d’examiner les décisions qui concernent les intérêts dus en exécution d’un arrêt portant annulation ou réduction d’une amende puis de tenter, à partir de l’ensemble de ces arrêts, de dégager une synthèse sur la base de laquelle nous examinerons les différents moyens du pourvoi.

1.      Les intérêts dus sur les créances indemnitaires

42.      De l’analyse des arrêts rendus dans le domaine des recours indemnitaires, il ressort que la jurisprudence a clairement pris parti sur le principe de la distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires et les principales conséquences qui en découlent, mais qu’il subsiste des incertitudes qui révèlent des hésitations propres à faire douter de la réalité de cette distinction ainsi que de l’existence d’un système véritablement cohérent.

43.      Retraçons ces évolutions en étudiant d’abord le principe même de la distinction avant d’examiner le sort réservé par la jurisprudence aux intérêts compensatoires puis celui des intérêts moratoires.

44.      L’une des premières affaires qui est à l’origine de la distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires posait la question de savoir dans quelle mesure un fonctionnaire pouvait obtenir des intérêts sur les allocations et indemnités auxquelles il pouvait prétendre à la suite de l’annulation de la décision lui refusant sa démission. La réponse négative apportée dans l’arrêt Campolongo/Haute Autorité (27/59 et 39/59, EU:C:1960:35) distingue les intérêts moratoires, définis comme étant ceux qui «constituent en principe l’évaluation et la fixation légales du dommage subi par le retard de l’exécution d’une obligation, retard qui doit être constaté par une mise en demeure préalable» (10), des intérêts compensatoires, qui «naissent à titre de dommages et intérêts pour l’inexécution d’une obligation sans mise en demeure préalable» et dont «[l’]allocation exige un dommage» (11). Selon cet arrêt, la demande d’intérêts devait être rejetée mais pour des raisons différentes selon qu’elle portait sur des intérêts moratoires ou compensatoires. Dans la première hypothèse, le rejet s’imposait en raison du «défaut de toute fixation légale» des intérêts moratoires en droit communautaire (12), tandis que, dans la seconde hypothèse, c’était l’absence de preuve ou même de simple allégation d’un dommage qui conduisait au rejet de la demande d’intérêts compensatoires.

45.      Après avoir rendu plusieurs arrêts dans lesquels elle a tiré des conséquences procédurales de la distinction, notamment au regard du principe de l’irrecevabilité des demandes nouvelles (13), la Cour, dans l’arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C-136/92 P, EU:C:1994:211), rendu dans une affaire qui concernait la réparation du préjudice subi par des fonctionnaires ou des agents de l’Union lors de la liquidation d’arriérés de rémunération, a réaffirmé le principe de cette distinction. À cet égard, la Cour a rappelé qu’elle avait elle-même été amenée à distinguer ces deux catégories d’intérêts, en particulier pour décider, en raison des éléments de procédure propres à chacune des affaires dont elle était saisie, que les demandes portant sur les intérêts compensatoires n’étaient pas recevables, tandis que celles portant sur les intérêts moratoires étaient recevables mais non fondées (14). Elle en a conclu qu’il n’était pas possible, dans ces conditions, de considérer que la distinction ne trouvait pas son origine dans la jurisprudence (15).

46.      De façon désormais devenue classique, l’arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:2000:38), rendu dans le cadre d’un recours en indemnité, a posé à nouveau en règle qu’«il convient de distinguer les intérêts moratoires des intérêts compensatoires» (16), ce dont la Cour a déduit qu’une décision de la Cour portant sur les intérêts moratoires ne pouvait avoir d’incidence sur le sort des intérêts compensatoires.

47.      La réponse apportée dans ces arrêts a donc valeur de principe. Qui plus est, les définitions apportées par les arrêts Campolongo/Haute Autorité (EU:C:1960:35) et Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:2000:38) ont fourni des indications sur la distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires.

48.      Examinons successivement les deux catégories d’intérêts, en commençant par les intérêts compensatoires.

a)      Les intérêts compensatoires

49.      Dans le contentieux indemnitaire, l’objet des intérêts compensatoires est principalement de réparer le préjudice causé par l’érosion monétaire postérieure à l’événement préjudiciable. Ces intérêts constituent donc un instrument de réévaluation du préjudice permettant d’affranchir l’obligation du débiteur des fluctuations monétaires en la rapprochant d’une dette de valeur. Leur allocation traduit l’idée que, lorsque le préjudice est calculé selon les données relatives à l’époque de l’événement préjudiciable, son expression monétaire doit être actualisée à la date de sa fixation judiciaire.

50.      Toutefois, il convient de relever que l’acception d’intérêts compensatoires recouvre en réalité plus généralement toutes les conséquences défavorables résultant du laps de temps qui s’est écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date de son évaluation par le juge. Sous cette dénomination peuvent donc être également rangés le préjudice financier lié à l’indisponibilité des bénéfices provenant d’une activité de production (17) ou celui correspondant à la perte d’intérêts subie pour ne pas avoir pu placer en banque le montant dû (18).

51.      Constituant une composante du préjudice, les intérêts compensatoires trouvent naturellement leur fondement dans les principes qui régissent la réparation du préjudice dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle de l’Union. En vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice subi, l’indemnisation «a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime [...]. Il s’ensuit qu’il doit [...] être tenu compte de l’érosion monétaire postérieure à l’événement préjudiciable» (19).

52.      La fonction indemnitaire des intérêts compensatoires emporte par ailleurs deux conséquences essentielles.

53.      Premièrement, elle explique que la Cour ait soumis leur octroi aux conditions traditionnelles de mise en jeu de la responsabilité extracontractuelle de l’Union. Se référant à une jurisprudence constante, la Cour a indiqué qu’«il importe qu’un requérant ait satisfait aux conditions de la responsabilité extracontractuelle pour qu’il puisse prétendre à l’allocation d’intérêts compensatoires» (20). Elle a, toutefois, précisé que la réparation du préjudice dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle «a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime» (21) et que, «[p]ar conséquent, dès lors que sont remplies les conditions de la responsabilité extracontractuelle, les conséquences défavorables résultant du laps de temps qui s’est écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date du paiement de l’indemnité ne sauraient être ignorées [...], dans la mesure où il y a lieu de tenir compte de l’érosion monétaire» (22).

54.      Deuxièmement, le caractère indemnitaire des intérêts compensatoires explique que ceux-ci soient, en règle générale, calculés en fonction du préjudice réellement subi par le requérant, donc en tenant compte du taux d’inflation pendant la période pertinente. Ce principe paraît acquis, même si son application concrète donne lieu à des solutions qui peuvent varier.

55.      La jurisprudence pertinente de la Cour montre, en effet, que celle-ci calcule, en règle générale (23), le montant des intérêts compensatoires en se référant au taux d’inflation, même si ce taux est considéré comme un point de départ dont le juge paraît pouvoir s’écarter dans le cadre de son pouvoir d’appréciation du montant du préjudice. Ainsi, dans l’arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:2000:38) rendu dans les affaires jointes C-104/89 et C-37/90, la Cour a considéré, dans la première affaire, que les requérants étaient en droit de prétendre aux intérêts «correspondant au taux de l’inflation pour la période allant de la date de la survenance du préjudice jusqu’à celle du prononcé de l’arrêt interlocutoire» (24) et a, en conséquence, assorti l’indemnité d’intérêts au taux de 1,85 % correspondant aux données d’Eurostat et aux indications de l’expert, après avoir, en outre, relevé qu’un tel taux apparaissait «raisonnable et économiquement approprié» (25). Elle a constaté, dans la seconde affaire, que, selon le rapport d’expertise, le taux d’inflation était de 1,2 % en moyenne pendant la période considérée et a décidé, dans la mesure où cela semblait «raisonnable et équitable», d’assortir l’indemnité due d’intérêts compensatoires au taux de 1,5 % (26).

56.      La jurisprudence du Tribunal s’est inscrite, dans un premier temps, dans la continuité de ces solutions.

57.      C’est ainsi que, dans l’arrêt Camar/Conseil et Commission (T-260/97, EU:T:2005:283), le Tribunal a considéré que l’érosion monétaire devait être prise en compte aux fins de calcul de l’indemnité due à une société établie en Italie «selon les indices officiels élaborés pour [cet État], par l’organisme national compétent, à compter du jour de la survenance du préjudice» (27).

58.      L’arrêt Agraz e.a./Commission (EU:T:2008:526) constitue une autre illustration particulièrement topique des principes jurisprudentiels qui président à la fixation des intérêts compensatoires. Il s’agissait alors de déterminer quel devait être le taux des intérêts compensatoires dus par la Commission sur une indemnité correspondant à une augmentation du montant d’une aide à la production, lequel avait été incorrectement calculé. Alors que 84 sociétés requérantes étaient parvenues à un accord sur ce point avec la Commission, fixant le taux des intérêts compensatoires sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points, trois autres sociétés n’étaient pas parvenues à un accord avec la Commission, alors qu’elles demandaient l’application d’un taux d’intérêt identique. Le Tribunal a finalement rejeté leur demande et jugé que l’érosion monétaire était «reflétée par le taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat [...] dans l’État membre où [étaient] établies [l]es sociétés [concernées]» (28). Les motifs de l’arrêt écartant le moyen pris de l’existence d’un traitement discriminatoire entre les sociétés parvenues à un accord et les autres sont particulièrement révélateurs. Le Tribunal relève en effet que les premières se trouvent dans une situation différente des secondes, «étant donné qu’aucun élément n’a permis de démontrer qu’elles avaient subi une perte de revenus issue du fait qu’elles auraient pu placer les sommes en cause» (29). Cet arrêt met donc en lumière le fait que la fixation du taux des intérêts compensatoires au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points, ne se justifierait que lorsque le préjudice subi ne se limite pas à la perte de pouvoir d’achat liée à l’érosion monétaire, mais comprend également une perte de revenus supplémentaire issue de l’impossibilité de placer les sommes dues.

59.      L’arrêt Idromacchine e.a./Commission (EU:T:2011:641), abondamment cité par l’arrêt attaqué, tout en énonçant le même principe, en a toutefois tiré une conséquence distincte. Après avoir affirmé à nouveau le principe selon lequel l’érosion monétaire «est reflétée par le taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat [...] dans l’État membre où sont établies [l]es sociétés [concernées]» (30), le Tribunal, au point suivant (31), aboutit, par un raisonnement apparemment déductif, à la conclusion que la Commission doit s’acquitter d’intérêts compensatoires «au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points».

60.      La justification d’une telle solution nous échappe intrinsèquement. Force est de constater qu’il manque un chaînon dans le raisonnement, à savoir la constatation que le taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points, reflétait, pour la période concernée, le taux d’inflation dans l’État membre considéré. À cet égard, il importe de souligner que le taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement constitue un instrument de la politique monétaire de la BCE en permettant à cette institution d’influer sur les taux d’intérêt et sur la liquidité bancaire. Il ne saurait, en aucun cas, être perçu comme le reflet du taux d’inflation moyen dans l’Union ou dans la zone euro.

61.      L’analyse des solutions dégagées pour le régime des intérêts moratoires fait ressortir des incertitudes similaires.

b)      Les intérêts moratoires

62.      Après avoir, dans un premier temps, refusé l’octroi d’intérêts de retard en raison du «défaut de toute fixation légale [de tels intérêts] dans le droit communautaire» (32), la Cour a, par la suite, consacré, hors de tout fondement textuel, le caractère «admissible» de la «demande d’intérêts» (33) en se fondant sur les principes généraux communs aux droits des États membres, auquel renvoyait expressément l’article 215, deuxième alinéa , du traité CEE, devenu l’article 288, deuxième alinéa, CE puis l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (34).

63.      Ce principe, dégagé à partir de l’examen comparé des principes en vigueur dans les ordres juridiques nationaux, trouve désormais, du moins pour les créances de l’Union européenne à l’égard de tout débiteur, son fondement textuel dans le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (35), et plus précisément à l’article 86 de ce règlement, qui prévoit d’assortir toute créance n’ayant pas pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visé au titre V dudit règlement d’intérêts moratoires dont le taux correspond à celui appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement majoré de 3,5 points de pourcentage (36).

64.      Selon les termes d’une jurisprudence itérative, reposant sur l’idée qu’il n’est pas possible de calculer des intérêts moratoires sur une créance dont le montant n’est pas connu, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne peut être envisagée qu’au cas où la créance principale est «certaine quant à son montant ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis» (37).

65.      Il en résulte que le montant de l’indemnité due doit être assorti d’intérêts moratoires à compter de la date du prononcé de l’arrêt constatant l’obligation de réparer le préjudice (38).

66.      Cette date correspond, le plus souvent, à celle du titre constatant le droit de créance. Ainsi, une demande d’intérêts moratoires sur les dépens ne peut courir qu’à compter de l’ordonnance qui fixe ceux-ci (39).

67.      Toutefois, si la créance principale, à la date du prononcé de l’arrêt, n’est ni certaine ni déterminable, les intérêts moratoires ne sauraient courir qu’à compter de la date du prononcé de l’arrêt portant liquidation du dommage (40).

68.      Apportons à ce stade une précision importante. La solution que nous venons d’exposer, selon laquelle les intérêts courent à compter de l’arrêt constatant l’obligation de réparer le préjudice ou emportant liquidation du dommage, ne s’applique, par hypothèse, qu’au contentieux indemnitaire, caractérisé par l’absence de détermination préalable du quantum de la créance en principal, lequel est nécessairement fixé par le juge. En revanche, lorsque la créance en principal est préalablement déterminée quant à son montant, la jurisprudence fait, le plus souvent, courir les intérêts moratoires à compter de la date à laquelle le débiteur a été mis en demeure de s’acquitter de son obligation (41). Ainsi, dans le contentieux de la fonction publique, les intérêts moratoires sur les sommes dues en vertu des règles statutaires courent, en règle générale, à compter de la date de la réclamation présentée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou à partir de la date à laquelle ces sommes sont devenues payables, si cette date est postérieure à la première (42).

69.      Quant au taux des intérêts moratoires, celui-ci est généralement fixé, sans justification particulière, à un taux fixe qui correspond effectivement, dans la jurisprudence récente du Tribunal, au taux appliqué par la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points (43).

70.      Plusieurs avocats généraux, dont MM. Mancini (44), Slynn (45), Van Gerven (46) et Tesauro (47), ont tenté de dégager des lignes directrices en la matière. Ils ont présenté des solutions opposées consistant à prendre en compte soit un taux fixe, déterminé par le juge en fonction des «réalités financières actuelles» (48), soit, au contraire, «le taux légal applicable, au moment du prononcé de l’arrêt de la Cour, dans l’État membre dans lequel les requérants exercent leur activité et dans lequel ils utiliseront ou placeront donc normalement les sommes qui leur reviennent» (49). Sans qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant cette question, il reste à vérifier si les solutions que nous venons d’exposer sont transposables aux intérêts dus sur les créances de restitution.

2.      Les intérêts dus sur les créances de restitution

71.      La jurisprudence en la matière tire son origine de l’arrêt du Tribunal Corus UK/Commission (EU:T:2001:249). Cette décision a été rendue à l’occasion d’un litige né à la suite d’un arrêt réduisant le montant d’une amende infligée par la Commission à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence. La question posée portait sur le montant des intérêts dus par la Commission sur la somme qu’elle avait remboursée, correspondant à la différence entre le montant de l’amende payé et celui fixé par le Tribunal.

72.      Se situant sur le terrain des mesures que comporte l’exécution de la décision d’annulation, le Tribunal a considéré que l’obligation de restituer tout ou partie de l’amende payée visait non seulement le montant en principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant, car, a-t-il expliqué, «l’octroi d’intérêts moratoires [(50)] sur le montant indûment versé apparaît comme une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur la Commission à la suite d’un arrêt d’annulation ou de pleine juridiction, dès lors que la restitution intégrale de l’amende indûment payée ne saurait faire abstraction d’éléments, tels que l’écoulement du temps, susceptibles d’en réduire, en fait, la valeur» (51).

73.      Le Tribunal a ajouté qu’une exécution correcte d’un tel arrêt exige donc, afin de remettre pleinement le créancier dans la situation qui aurait légalement dû être la sienne si l’acte annulé n’avait pas été pris, la prise en considération du fait que ce rétablissement est intervenu seulement après un laps de temps plus ou moins long, pendant lequel il n’a pu disposer des sommes qu’il avait payées indûment.

74.      Quant au taux de l’intérêt dû, le Tribunal a considéré, en se référant à un principe généralement admis dans le droit interne des États membres en matière d’enrichissement sans cause, que celui-ci devait, en principe, être égal au «taux de l’intérêt légal ou judiciaire, sans capitalisation» (52). Toutefois, le Tribunal s’est écarté de cette solution pour tenir compte des circonstances particulières de l’espèce, caractérisées par le fait que la somme à restituer avait été placée par la Commission et avait produit des intérêts capitalisés (53). Tenant finalement compte tant de l’enrichissement de la Commission que de l’appauvrissement de l’entreprise requérante, le Tribunal a donc alloué à cette dernière une somme correspondant aux revenus perçus par la Commission, en l’assortissant, par ailleurs, d’intérêts moratoires.

75.      Par la suite, la solution consistant à reconnaître un droit à des intérêts moratoires pendant toute la période d’indisponibilité des sommes a été réitérée à plusieurs reprises (54).

3.      Les enseignements tirés de la jurisprudence

76.      Même s’il subsiste des incertitudes quant aux outils dont dispose le droit de l’Union pour lutter contre les effets du temps sur la créance, nous retiendrons de la jurisprudence ci-dessus rappelée deux enseignements qui nous seront utiles pour répondre aux moyens.

77.      Le premier a trait à la distinction des intérêts compensatoires et des intérêts moratoires. La jurisprudence opère, sans conteste, une distinction très nette entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires, sans toutefois expliciter les critères sur la base desquels elle est effectuée. Or, cette distinction ne va pas de soi, car, fonctionnellement, les intérêts paraissent toujours jouer le même rôle, consistant à compenser la perte subie par le créancier privé de la jouissance de sa créance. Nous savons, cependant, que les intérêts compensatoires constituent un complément de réparation en matière indemnitaire, en ce qu’ils compensent l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation judiciaire du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur, tandis que les intérêts moratoires indemnisent forfaitairement les conséquences du retard dans le paiement de la créance de somme d’argent en permettant au créancier de recevoir approximativement ce qu’il aurait obtenu s’il avait placé les fonds. Il en résulte, à notre sens, que la distinction doit nécessairement avoir un champ d’application limité et être réservée au contentieux indemnitaire, dans lequel elle s’explique par la nécessité d’une intervention du juge pour fixer le montant de la créance en principal qui sera productive d’intérêts.

78.      Le second a trait au fondement du droit aux intérêts moratoires à la suite d’une décision d’annulation prononcée par le juge de l’Union. La jurisprudence a consacré le principe selon lequel ce droit trouve son fondement direct dans l’article 266, premier alinéa, TFUE et découle de l’obligation pour l’institution défenderesse de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets de l’acte annulé et rétablir les intéressés dans la situation dans laquelle ils se trouvaient antérieurement à cet acte.

79.      Nous déduisons de cette jurisprudence que le souci majeur du juge de l’Union doit être, en cas d’annulation, de faire une application aussi stricte que possible du principe de restitutio in integrum impliquant un retour au statu quo ante, en veillant à ce que chacun retrouve sa situation initiale, sans perte ni bénéfice.

80.      Il convient, à présent, de vérifier si l’arrêt attaqué est conforme à cette exigence et aux principes ci-dessus rappelés.

4.      La réponse aux moyens

81.      Les six moyens exposés ci-dessus se fondent sur quatre séries de critiques. La première a trait au fondement du droit de créance d’IPK, la deuxième concerne la distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires, la troisième porte sur la motivation de l’arrêt et la quatrième sur le calcul des intérêts.

a)      Sur le grief relatif au fondement du droit de créance d’IPK

82.      Aux points 34 et 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énoncé que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de la créance principale en cause.

83.      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 264, premier alinéa, TFUE, aux termes duquel «[s]i le recours est fondé, la Cour [...] déclare nul et non avenu l’acte contesté», que l’annulation d’un acte par le juge de l’Union entraîne sa disparition de l’ordre juridique de l’Union. Selon la formule issue d’une jurisprudence itérative du Tribunal, cette disparition est «de l’essence même» de l’annulation (55). En vertu de la règle générale de l’effet ex tunc de l’annulation, les effets de l’acte sont, en principe, rétroactivement anéantis, à moins que la Cour n’indique, conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE, ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

84.      Ainsi que le relève pertinemment la Commission, du fait de son effet rétroactif, l’annulation par le Tribunal de la décision du 13 mai 2005 a fait renaître la décision d’octroi du concours financier et replacé les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient au moment de cette décision.

85.      Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal au point 34 de l’arrêt attaqué, la circonstance que cette annulation ait été motivée par le non-respect par la Commission du délai de prescription pertinent n’a pas pour effet de limiter l’étendue matérielle de l’annulation ainsi prononcée, qui a produit ses effets rétroactifs. Partant, en présentant la décision litigieuse comme le seul fondement de la créance d’IPK, le Tribunal a commis une erreur de droit.

86.      Toutefois, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants ou des motifs qui ne sont pas le soutien nécessaire du dispositif ne sauraient entraîner l’annulation de la décision du Tribunal et sont donc inopérants (56).

87.      En l’espèce, il y a lieu de constater que la motivation du Tribunal figurant au point 34 de son arrêt, qui constitue exclusivement une réponse aux moyens relatifs à la mauvaise foi, revêt un caractère surabondant par rapport à celle exposée au point 33. Quant à la référence au fondement juridique de la créance principale en cause, figurant au point 41 de l’arrêt attaqué, elle s’avère ne pas être le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt attaqué fixant le point de départ des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011.

88.      En conséquence, il y a lieu d’écarter ce premier grief comme inopérant.

b)      Sur le grief relatif à la distinction des intérêts compensatoires et des intérêts moratoires

89.      Par le deuxième moyen du pourvoi, la Commission soutient que l’arrêt attaqué n’établit aucune distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires, bien que ces deux catégories d’intérêts soient, selon la Commission, d’une nature très différente.

90.      Ce grief ne nous paraît pas fondé et, qui plus est, nous considérons qu’il y aurait lieu d’adresser à l’arrêt attaqué la critique inverse, en lui reprochant d’avoir distingué les deux catégories d’intérêts, alors que, à notre sens, c’est à tort que le Tribunal a qualifié de «compensatoires» les intérêts échus antérieurement à l’arrêt du 15 avril 2011.

91.      En effet, dans les circonstances de l’espèce, l’annulation, par l’arrêt du 15 avril 2011, de la décision du 13 mai 2005 a fait renaître la décision d’octroi du concours financier et a replacé les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient au moment de cette décision.

92.      Par suite de l’effet ex tunc de l’annulation, la Commission était donc tenue au paiement d’une dette en principal certaine, déterminée et exigible constituée des sommes à payer ou à restituer à IPK. La créance d’IPK était donc productive d’intérêts moratoires qui couraient, pour la somme à payer, à compter de la réclamation effectuée par IPK et, pour la somme à restituer, à partir de son paiement par IPK à la Commission.

93.      À cet égard, nous estimons que si, en cas d’annulation d’une décision retirant un concours financier, le versement d’intérêts moratoires n’est rien d’autre qu’une mesure que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’octroi d’intérêts compensatoires excède en revanche le cadre juridique de la mesure d’exécution et relève de l’application de l’article 266, second alinéa, TFUE, qui renvoie au droit commun de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Or, si le Tribunal a constaté que la Commission avait reconnu être débitrice d’une créance en principal et d’intérêts compensatoires, outre des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que, par la décision litigieuse, cette institution avait reconnu sa responsabilité et admis le droit à indemnisation d’IPK.

94.      Dans ces conditions, nous considérons que le seul grief qui peut être fait au Tribunal est de n’avoir pas restitué aux intérêts échus antérieurement à l’arrêt du 15 avril 2011 leur véritable qualification, sans s’arrêter à la dénomination que la Commission avait retenue. Par conséquent, le grief tiré de l’absence de distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires doit être écarté.

c)      Sur le grief tiré d’une insuffisance et d’une contradiction de motifs

95.      Par le troisième moyen du pourvoi, la Commission fait valoir que la solution retenue par le Tribunal s’agissant de la majoration forfaitaire du taux des intérêts compensatoires et du point de départ des intérêts moratoires est insuffisamment motivée.

96.      La réponse à ce moyen peut prêter à hésitation.

97.      L’étendue de l’obligation de motivation du Tribunal doit être appréciée en fonction du contenu et de la précision des arguments invoqués devant lui par les parties. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission avait fait valoir, dans son mémoire en défense devant le Tribunal, que la majoration du taux de refinancement principal de deux points n’était pas justifiée dans la mesure où elle était contraire à la jurisprudence, entraînait un enrichissement injustifié d’un créancier de mauvaise foi et était, par conséquent, contraire aux principes de justice et d’équité.

98.      Or, ainsi qu’il ressort des points 34, 36, 37 et 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que cette majoration était conforme à la jurisprudence de cette juridiction, qu’elle ne devait pas dépendre du taux d’inflation réel et qu’elle était née du souci d’éviter un enrichissement sans cause contraire aux principes généraux du droit de l’Union.

99.      Cette motivation répond donc point par point aux objections de la Commission, de sorte que nous sommes enclin à proposer le rejet du moyen.

100. Il est, toutefois, possible d’éprouver quelque réticence à admettre que satisfait à l’exigence de motivation une motivation par référence à une ou plusieurs décisions précédentes elles-mêmes dépourvues de motivation. Force est, en effet, de constater que les arrêts auxquels s’est référé le Tribunal ne comportent pas d’explication particulière sur la raison pour laquelle le taux des intérêts moratoires a été fixé au taux d’intérêt de la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points.

101. Pour le cas où la Cour en déduirait une insuffisance de motivation, nous serions alors amené à lui proposer de statuer par suppléance de motifs afin de rejeter le moyen.

102. Selon nous, la logique forfaitaire des intérêts moratoires implique la fixation d’un taux d’intérêt unique. Le choix du Tribunal quant à la fixation de ce taux pourrait être motivé et approuvé en ce qu’il paraît refléter la moyenne des taux des intérêts moratoires légaux ou judiciaires applicables dans les États membres. Nous nous demandons, néanmoins, si, à l’avenir, il ne serait pas plus conforme à l’équité et aux exigences de sécurité juridique d’aligner le taux des intérêts moratoires courant sur les créances dues par les institutions de l’Union sur celui des intérêts moratoires sur les créances dont celles-ci sont titulaires à l’égard de toute personne, lequel correspond, depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 2342/2002, au taux appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement majoré de 3,5 points de pourcentage.

103. Quoi qu’il en soit, le grief relatif à la motivation de l’arrêt attaqué nous semble devoir être écarté.

d)      Sur le grief relatif au calcul des intérêts

i)      Le calcul des intérêts échus après le prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011

104. Le grief portant sur les intérêts moratoires échus après le 15 avril 2011 est avancé dans le cadre du troisième moyen, qui critique à la fois le principe même du droit à ces intérêts et le point de départ de ceux-ci.

105. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges, de sorte qu’un moyen présenté pour la première fois dans ce cadre doit être considéré comme irrecevable (57).

106. En l’espèce, force est de constater que la Commission n’a pas contesté devant le Tribunal le droit pour IPK d’obtenir des intérêts moratoires et qu’elle a même reconnu à l’audience être débitrice de tels intérêts à partir du prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011.

107. Les griefs relatifs à l’absence de base juridique de l’obligation de paiement d’intérêts moratoires et à l’erreur de droit qui aurait été commise quant à la fixation du point de départ de ces intérêts sont donc nouveaux et, partant, irrecevables.

ii)    Le calcul des intérêts courus antérieurement au prononcé de l’arrêt du 15 avril 2011

108. Ce grief est développé, sous des angles différents, dans les premier et cinquième moyens. La Commission y fait valoir que, en fixant forfaitairement le taux des intérêts compensatoires à un taux égal au taux d’intérêt de la BCE pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points, le Tribunal a, d’une part, méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle ces intérêts servent à compenser l’inflation et, d’autre part, violé les principes applicables en matière d’enrichissement sans cause.

109. Pour les raisons que nous avons précédemment développées, nous considérons que les intérêts courus antérieurement à l’arrêt du 15 avril 2011 ont été improprement qualifiés de compensatoires alors qu’il s’agissait d’intérêts moratoires.

110. Le grief tiré de la méconnaissance de la jurisprudence de la Cour selon laquelle les intérêts compensatoires servent à compenser l’inflation est, dès lors, inopérant.

111. Le grief pris de la violation du principe général prohibant l’enrichissement sans cause ne nous paraît pas fondé.

112. D’une part, ainsi que nous l’avons précédemment souligné, nous considérons que le droit à obtenir des intérêts moratoires résulte directement de l’obligation de remise en état découlant de l’annulation et ne trouve pas son fondement dans l’enrichissement sans cause.

113. D’autre part, à supposer que le principe de la prohibition de l’enrichissement sans cause puisse tempérer l’automaticité du droit aux intérêts moratoires, nous pensons que la Commission ne démontre pas que le taux des intérêts retenu par le Tribunal dépasserait l’appauvrissement effectif d’IPK et l’enrichissement effectif de cette institution. Ainsi que nous l’avons exposé, les intérêts dus par la Commission sont nécessairement moratoires et ne compensent pas la perte de valeur de la créance due à l’inflation, mais indemnisent forfaitairement la privation de la jouissance de cette créance. Pas plus ne voyons-nous les raisons pour lesquelles il devrait être tenu compte du taux d’intérêt appliqué sur les amendes encaissées à titre provisoire.

114. Nous proposons, en conséquence, de rejeter ce grief.

iii) Sur le grief concernant la capitalisation des intérêts

115. Par ce grief, développé au troisième moyen, la Commission reproche à l’arrêt attaqué d’avoir capitalisé les intérêts en fixant les intérêts moratoires courant jusqu’au paiement complet sur la base du montant principal de la créance majoré des intérêts compensatoires encourus antérieurement.

116. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, nous estimons que les intérêts dus par la Commission présentent un caractère moratoire, que ce soit postérieurement ou antérieurement à l’arrêt du 15 avril 2011.

117. Ces intérêts ne constituent donc pas un préjudice supplémentaire s’ajoutant à la créance en principal et produisant lui-même des intérêts. La capitalisation des intérêts courus antérieurement au 15 avril 2011 décidée par le Tribunal en considération de leur nature prétendument compensatoire nous semble donc procéder d’une erreur de droit.

118. Toutefois, il convient de se demander si les intérêts moratoires ne peuvent pas être capitalisés. À cet égard, nous doutons du bien-fondé de l’affirmation selon laquelle la capitalisation des intérêts moratoires ne pourrait, en principe, pas être autorisée (58). Selon les principes généraux communs aux droits des États membres, la plupart des régimes admettent, selon des modalités, certes, très diverses, la capitalisation des intérêts, à condition que celle-ci ait été sollicitée (59).

119. Nous nous demandons si le juge de l’Union ne devrait pas disposer d’une marge d’appréciation en la matière et être autorisé à prononcer la capitalisation des intérêts moratoires lorsque celle-ci lui paraît conforme à l’équité.

120. Cependant, dans la présente espèce, nous ne trouvons aucune circonstance particulière qui justifierait que la capitalisation des intérêts soit accordée au profit d’IPK.

121. Le grief nous paraît donc fondé.

122. En vertu de l’article 61 du statut de la Cour de justice, «[l]orsque le pourvoi est fondé, la Cour de justice annule la décision du Tribunal» et peut «soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue».

123. Nous nous trouvons dans un cas où la Cour peut aisément statuer définitivement sur le litige en décidant que les intérêts moratoires doivent être calculés sur la base du seul montant principal de la créance.

IV – Sur les dépens

124. En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable en vertu de l’article 184 de ce dernier à la procédure de pourvoi, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

125. En l’espèce, compte tenu du fait que les deux parties succomberaient partiellement, nous estimons qu’il est approprié de disposer que chaque partie supporte ses propres dépens relatifs à la présente procédure de pourvoi.

V –    Conclusion

126. À la lumière de ce qui a été exposé, nous suggérons à la Cour:

1)      d’annuler l’arrêt IPK International/Commission (T-671/11, EU:T:2013:163), mais seulement en ce qu’il ordonne de fixer les intérêts moratoires courant jusqu’au paiement complet sur la base du montant principal de la créance majoré des intérêts courus antérieurement;

2)      de fixer les intérêts moratoires courant jusqu’au paiement complet sur la seule base du montant en principal de la créance;

3)      de rejeter le pourvoi pour le surplus;

4)      de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.


1 – Langue originale: le français.


2 –      Ci-après «IPK».


3 –      Ci-après la «décision du 13 mai 2005».


4 – Ci-après «l’arrêt du 15 avril 2011».


5 –      Ci-après la «décision litigieuse».


6 – Ci-après la «BCE».


7 – Ci-après «l’arrêt attaqué».


8 –      Le Tribunal a cité le point 64 de l’arrêt Corus UK/Commission (T-171/99, EU:T:2001:249), les points 130 à 132 de l’arrêt AFCon Management Consultants e.a./Commission (T-160/03, EU:T:2005:107) ainsi que les points 29 et 77 à 80 de l’arrêt Idromacchine e.a./Commission (T-88/09, EU:T:2011:641).


9 –      Voir, pour une étude d’ensemble, Van Casteren, A., «Article 215(2) EC and the question of interest», The action for damages in Community law, Kluwer Law International, Heukels, T., et McDonnell, A., La Haye, 1997, p. 199 à 216. Voir, également, pour les règles applicables en droit international privé et la comparaison des systèmes juridiques nationaux, Kleiner, C., «Les intérêts de somme d’argent en droit international privé, ou l’imbroglio entre la procédure et le fond», Revue critique de droit international privé Dalloz, Paris, vol. 98, n° 4, 2009, p. 639 à 683.


10 – Voir Rec. p. 826.


11 – Voir Rec. p. 827.


12 – Idem.


13 –      Arrêts Roumengous Carpentier/Commission (158/79, EU:C:1985:2, points 8 à 14); Amesz e.a./Commission (532/79, EU:C:1985:3, points 11 à 17); Battaglia/Commission (737/79, EU:C:1985:4, points 6 à 13); Amman e.a./Conseil (174/83, EU:C:1985:288, point 13); Culmsee e.a./CES (175/83, EU:C:1985:289, point 13), et Allo e.a./Commission (176/83, EU:C:1985:290, point 19).


14 –      Point 35.


15 – Idem.


16 –      Point 55.


17 –      Voir arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:2000:38, points 43 et 214).


18 –      Voir arrêt Berti/Commission (131/81, EU:C:1985:72, point 16).


19 –      Voir arrêt Grifoni/Commission (C-308/87, EU:C:1994:38, point 40).


20 –      Voir arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:2000:38, point 50).


21 –      Ibidem (point 51).


22 –      Idem.


23 – Dans ce contexte, l’arrêt Grifoni/Commission (EU:C:1990:134), dans lequel la Cour a alloué, sans explication particulière, une somme «forfaitaire» pour tenir compte de la dépréciation monétaire pendant huit années, apparaît comme une exception.


24 –      Point 220.


25 –      Point 221.


26 –      Point 352.


27 –      Point 139.


28 – Point 50.


29 – Point 52.


30 –      Point 77.


31 –      Point 78.


32 –      Arrêt Campolongo/Haute Autorité (EU:C:1960:35, Rec. p. 826 et 827).


33 –      La Cour ne qualifie pas ces intérêts de «moratoires».


34 –      Arrêts DGV e.a./CEE (241/78, 242/78 et 245/78 à 250/78, EU:C:1979:227, point 22); Dumortier e.a./Conseil (64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 25); Ireks-Arkady/CEE (238/78, EU:C:1979:226, point 20); Interquell Stärke-Chemie et Diamalt/CEE (261/78 et 262/78, EU:C:1979:22, point 23); Pauls Agriculture/Conseil et Commission (256/81, EU:C:1983:138, point 17); Birra Wührer e.a./Conseil et Commission (256/80, 257/80, 265/80, 267/80, 5/81, 51/81 et 282/82, EU:C:1984:341, point 37), et Sofrimport/Commission (C-152/88, EU:C:1990:259, point 32). Voir, également, arrêt Schneider Electric/Commission (T-351/03, EU:T:2007:212, point 340).


35 – JO L 357, p. 1. Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2003.


36 –      Voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission (T-68/04, EU:T:2008:414, point 145).


37 –      Voir arrêts Amman e.a./Conseil (174/83, EU:C:1986:339, points 19 et 20); Culmsee e.a./CES (175/83, EU:C:1986:340, points 19 et 20); Allo e.a./Commission (176/83, EU:C:1986:341, points 19 et 20); Agostini e.a./Commission (233/83, EU:C:1986:342, points 19 et 20); Ambrosetti e.a./Commission (247/83, EU:C:1986:343, points 19 et 20); Delhez e.a./Commission (264/83, EU:C:1986:344, points 20 et 21) – ces six affaires concernaient des demandes qu’avaient présentées des fonctionnaires communautaires pour obtenir le versement d’intérêts de retard sur des rappels de traitement dus à la suite de l’adoption, en exécution d’un arrêt de la Cour annulant un précédent règlement, d’un règlement portant adaptation des rémunérations et des coefficients correcteurs, avec effet rétroactif; la Cour retient qu’une créance certaine ou déterminable n’a été établie que par la mise en vigueur de ce dernier règlement, puisque, le Conseil disposant d’un pouvoir d’appréciation, aucune certitude quant au montant des adaptations n’existait avant que cette institution n’ait exercé ses compétences; de Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission (314/86 et 315/86, EU:C:1988:471, point 33) – demande d’intérêts moratoires sur les suppléments de traitement obtenus à la suite d’une décision de la Commission prise en exécution d’un arrêt annulant la décision de nomination des requérants en qualité de fonctionnaires stagiaires pour autant qu’elle portait classement de grade et d’échelon; la Cour considère que les intérêts doivent courir à compter non pas des réclamations au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut mais de la décision portant nouveau classement, laquelle a rendu la créance certaine –, et Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (EU:C:1994:211, point 53). Voir, dans le même sens, arrêts Herkenrath e.a./Commission (T-16/89, EU:T:1992:24, point 31); Weir/Commission (T-361/94, EU:T:1996:37, point 52) – le Tribunal ajoute une condition supplémentaire à l’octroi d’intérêts moratoires en précisant que ces intérêts ne sont dus que lorsque la créance principale est certaine ou déterminable et que le versement de l’indemnité «a, ensuite, été retardé indûment par l’administration»; Pfloeschner/Commission (T-285/94, EU:T:1995:214, points 55 et 56) – demande d’annulation d’un bulletin de pension d’ancienneté fixant à 100 le coefficient correcteur applicable à la pension due pour un pensionné résidant en Suisse; après avoir annulé le bulletin de pension afférent au mois de décembre 1993 et constaté que, dès ce mois, la créance était exigible et certaine quant à son montant, puisqu’il existait un coefficient correcteur pour la Suisse, supérieur à 100, le Tribunal fixe le point de départ des intérêts moratoires sur les arriérés dus à partir des différentes échéances auxquelles chaque paiement, au titre du régime de pension, aurait dû être effectué; Hivonnet/Conseil (T-188/03, EU:T:2004:194, point 45); Camar/Conseil et Commission (EU:T:2005:283, points 135 et 144 ainsi que jurisprudence citée), et Schneider Electric/Commission (EU:T:2007:212, point 344) ainsi qu’ordonnance Marcuccio/Commission (T-176/04 DEP II, EU:T:2011:616, point 36). Voir, également, ordonnance Michel/Commission (F-44/13, EU:F:2014:40 , point 82). Voir, enfin, arrêt AA/Commission (F-101/09, EU:F:2011:133, point 109), dans lequel il est indiqué que «l’obligation de verser des intérêts moratoires ne saurait être envisagée que dans l’hypothèse où la créance principale est non seulement certaine quant à son montant, mais également déterminable sur la base d’éléments objectifs». Cette énonciation ne manque pas d’étonner, dès lors que la condition relative au caractère déterminé ou déterminable du montant de la créance est alternative et non cumulative.


38 –      Voir arrêts Roumengous Carpentier/Commission (158/79, EU:C:1985:2, point 11); Battaglia/Commission (737/79, EU:C:1985:4, point 10); Mulder e.a./Conseil et Commission (C-104/89 et C-37/90, EU:C:1992:217, point 35) – la Cour fait courir les intérêts moratoires à compter de son arrêt interlocutoire qui, s’il ne fixe pas la composition exacte du préjudice, détermine les éléments nécessaires à son calcul – ainsi qu’arrêts Camar/Conseil et Commission (EU:T:2005:283, points 135 et 144) et Schneider Electric/Commission (EU:T:2007:212, point 343).


39 –      Voir arrêts Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:1992:217, point 35) et Camar/Conseil et Commission (EU:T:2005:283, point 144).


40 –      Voir arrêts Camar/Conseil et Commission (EU:T:2005:283, points 144 et jurisprudence citée) ainsi que Schneider Electric/Commission (EU:T:2007:212, point 344).


41 – Voir, pour une analyse détaillée de la jurisprudence dans ce domaine, Van Casteren, A., «Article 215(2) EC and the question of interest», The action for damages in Community law, Kluwer Law International, Heukels, T., et McDonnell, A., La Haye, 1997, p. 211.


42 – Voir arrêts Jacquemart/Commission (114/77, EU:C:1978:156, point 26); Razzouk et Beydoun/Commission (75/82 et 117/82, EU:C:1984:116, point 19); Roumengous Carpentier/Commission (EU:C:1985:2, point 11); Amesz e.a./Commission (EU:C:1985:3, point 14), et Battaglia/Commission (EU:C:1985:4, point 10).


43 – Voir les arrêts cités par Van Casteren, A., «Article 215(2) EC and the question of interest», The action for damages in Community law, Kluwer Law International, Heukels, T., et McDonnell, A., La Haye, 1997, p. 203, qui souligne la façon relativement arbitraire avec laquelle le juge de l’Union choisit le taux d’intérêt applicable.


44 – Voir point 8 des conclusions Pauls Agriculture/Conseil et Commission (256/81, EU:C:1983:91).


45 – Voir Rec. p. 2819 et 2820 des conclusions Leussink/Commission (169/83 et 136/84, EU:C:1986:265).


46 – Voir point 51 des conclusions Mulder e.a./Conseil et Commission (C-104/89 et C-37/90, EU:C:1992:34).


47 – Voir point 26 des conclusions Grifoni/Commission (C-308/87, EU:C:1993:362).


48 – Voir Rec. p. 2819 et 2820 des conclusions Leussink/Commission (EU:C:1986:265).


49 – Voir point 51 des conclusions Mulder e.a./Conseil et Commission (EU:C:1992:34).


50 – Italique ajouté par nos soins.


51 –      Point 54.


52 –      Point 60.


53 –      Points 62 et 63.


54 –      Voir ordonnance Holcim (France)/Commission (T-86/03, EU:T:2005:157, points 30 et 31) ainsi qu’arrêts Greencore Group/Commission [T-135/02, EU:T:2005:457, point 55 (solution implicite)] et BPB/Commission (T-53/03, EU:T:2008:254, points 487 et 488).


55 –      Voir, en ce sens, ordonnances SIR/Conseil (T-142/11, EU:T:2011:333, point 22); Petroci/Conseil (T-160/11, EU:T:2011:334, point 19); Afriqiyah Airways/Conseil (T-436/11, EU:T:2012:10, point15); Ayadi/Commission (T-527/09, EU:T:2012:35, point 30), et Rautenbach/Conseil et Commission (T-222/11, EU:T:2012:409, point 15).


56 –      Voir, notamment, arrêts Ryanair/Commission (C-287/12 P, EU:C:2013:395, point 86 et jurisprudence citée) ainsi que Dow Chemical/Commission (C-179/12 P, EU:C:2013:605, points 63 et 76).


57 –      Ibidem (point 82).


58 – Voir point 42 de l’arrêt attaqué.


59 – Voir Commission pour le droit européen du contrat, «Capitalisation des intérêts», Principes du droit européen du contrat, vol. n° 2, Société de législation comparée, Paris, 2003, p. 583 à 587.

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