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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Szajner v OHMI - Forge de Laguiole (LAGUIOLE) (Judgment) French Text [2014] EUECJ T-453/11 (21 October 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T45311.html Cite as: [2014] EUECJ T-453/11, EU:T:2014:901, ECLI:EU:T:2014:901 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
21 octobre 2014(*)
« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale LAGUIOLE – Dénomination sociale française antérieure Forge de Laguiole – Article 53, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 »
Dans l’affaire T‑453/11,
Gilbert Szajner, demeurant à Niort (France), représenté par Me A. Lakits-Josse, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant
Forge de Laguiole SARL, établie à Laguiole (France), représentée par Me F. Fajgenbaum, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 1er juin 2011 (affaire R 181/2007‑1), relative à une procédure de nullité entre la Forge de Laguiole SARL et M. Gilbert Szajner,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,
greffier : Mme C. Heeren, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2011,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 2011,
vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2011,
vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 20 avril 2012,
vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 juillet 2012,
à la suite de l’audience du 11 février 2014,
vu les observations écrites complémentaires présentées par les parties sur invitation du Tribunal et déposées au greffe du Tribunal les 24 et 25 février ainsi que les 8 et 9 avril 2014,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le requérant, M. Gilbert Szajner, est titulaire de la marque communautaire verbale LAGUIOLE, demandée le 20 novembre 2001 et enregistrée le 17 janvier 2005 par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].
2 Les produits et les services pour lesquels la marque LAGUIOLE est enregistrée relèvent notamment, après la renonciation partielle intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 8, 14, 16, 18, 20, 21, 28, 34 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, notamment à la description suivante :
– classe 8 : « Outils et instruments à main entraînés manuellement ; cuillers ; scies, tournevis, rasoirs, lames de rasoirs ; nécessaires de rasage ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles ; trousses de manucure » ;
– classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages ; articles de bijouterie, joaillerie, pierres précieuses ; coffrets à bijoux en métaux précieux ; instruments chronométriques, boutons de manchette, épingles de cravates, épingles de parure, porte-clés ; porte-monnaie en métaux précieux ; montres et bracelets de montres, boîtes, bougeoirs, étuis à cigares, ustensiles et récipients pour le ménage et la cuisine en métaux précieux ; vaisselle en métaux précieux » ;
– classe 16 : « Fournitures scolaires ; coupe-papier ; crayons, porte-mine, gommes à effacer ; enveloppes ; classeurs ; albums, livres, almanachs, brochures, cahiers, catalogues ; calendriers, lithographies, affiches » ;
– classe 18 : « Cuir et imitation du cuir ; malles, mallettes et valises ; cannes ; sacs à main ; sacs de plage ; sacs, trousses et coffres de voyage ; portefeuilles ; porte-cartes (portefeuilles), porte-documents ; serviettes (maroquinerie) ; étuis pour clés (maroquinerie) ; porte-monnaie non en métaux précieux » ;
– classe 20 : « Cadres, objets d’art ou d’ornement en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » ;
– classe 21 : « Ustensiles pour la cuisine et la vaisselle en verre, porcelaine, et faïence ; vaisselle non en métaux précieux ; tire-bouchons ; ouvre-bouteilles, boîtes en métal pour la distribution des serviettes en papier ; sabliers ; blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes » ;
– classe 28 : « Articles de gymnastique et de sport (à l’exception des articles de natation, des vêtements, tapis et chaussures) ; gants de golf » ;
– classe 34 : « Articles pour fumeurs ; allumettes, briquets pour fumeurs ; boîtes à cigares et à cigarettes non en métaux précieux ; coupe-cigares ; pipes ; cure-pipes » ;
– classe 38 : « Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; agences d’information (nouvelles) ; transmission de messages ; transmission de messages et d’images assistée par ordinateur ; communications par terminaux d’ordinateurs ; communications téléphoniques ; communication, transmission d’informations contenues dans des bases de données ou dans un serveur télématique ; messagerie téléphonique, électronique ou télématique ; communication et transmission de messages, d’informations et de données, en ligne ou temps différé, à partir de systèmes de traitement de données, de réseaux informatiques, y compris le réseau mondial de télécommunication dit ‘Internet’ et le réseau mondial dit ‘web’ ; transmission d’informations par réseaux de télécommunication, y compris le réseau mondial dit ‘Internet’ ».
3 Le 22 juillet 2005, l’intervenante, la Forge de Laguiole SARL, a présenté une demande de nullité partielle de la marque LAGUIOLE, au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce même règlement [devenus article 53, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009].
4 La demande de nullité était fondée sur la dénomination sociale Forge de Laguiole, utilisée par l’intervenante pour les activités de « fabrication et vente de tous articles de coutellerie, cisellerie, articles cadeaux et souvenirs – tous articles liés aux arts de la table ». Selon l’intervenante, cette dénomination sociale, dont la portée n’est pas seulement locale, lui donne le droit, conformément au droit français, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
5 La demande de nullité partielle était dirigée contre tous les produits et services mentionnés au point 2 ci-dessus.
6 Par décision du 27 novembre 2006, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.
7 Le 25 janvier 2007, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.
8 Par décision du 1er juin 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a partiellement accueilli le recours et a déclaré la marque LAGUIOLE nulle pour les produits relevant des classes 8, 14, 16, 18, 20, 21, 28 et 34. Elle a rejeté le recours en ce qui concerne les services relevant de la classe 38.
9 En particulier, la chambre de recours a considéré que, selon la jurisprudence française, une dénomination sociale était protégée par principe pour toutes les activités couvertes par son objet social, la protection étant toutefois limitée aux activités effectivement et concrètement exercées lorsque l’objet social était imprécis ou les activités exercées n’étaient pas couvertes par celui-ci. Or, en l’espèce, l’objet social de l’intervenante serait suffisamment précis en ce qui concerne la « fabrication et vente de tous articles de coutellerie, cisellerie ». La chambre de recours a ajouté que, même en admettant que le libellé de l’objet social « fabrication et vente de tous articles cadeaux et souvenirs – tous articles liés aux arts de la table » soit imprécis, la dénomination sociale de la demanderesse méritait la protection, à tout le moins dans les secteurs où elle avait effectivement exercé ses activités avant le dépôt de la marque LAGUIOLE.
10 À cet égard, la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait démontré avoir exercé une activité commerciale, dès avant le dépôt de la marque LAGUIOLE, pour le commerce des produits relevant des « arts de la table », des « arts de la maison », de l’univers du vin, de la cisellerie et des articles pour fumeurs, pour le golfeur, pour le chasseur et pour les loisirs, ainsi que d’autres accessoires. En revanche, l’intervenante n’aurait pas démontré une activité commerciale en ce qui concerne les produits de luxe et les articles de voyage, par ailleurs non visés par son objet social. Enfin, elle a considéré que, à l’exception des services de télécommunication relevant de la classe 38, tous les produits désignés par ladite marque empiétaient sur les secteurs d’activité de l’intervenante ou se situaient dans des secteurs d’activité connexes.
11 S’agissant des signes en conflit, la chambre de recours a considéré que le terme « laguiole », quoique descriptif et non distinctif pour les couteaux, était néanmoins l’élément dominant, ou du moins codominant, de la dénomination sociale Forge de Laguiole, même lorsque cette dernière était utilisée pour des couteaux. Dans une appréciation globale, les signes en conflit présenteraient une certaine similitude sur les plans phonétique, visuel et conceptuel, qui ne saurait être contrebalancée par la seule adjonction de l’expression générique « forge de ».
12 La chambre de recours en a conclu, d’une part, qu’il existait un risque de confusion pour les consommateurs français, si la marque LAGUIOLE était utilisée pour des produits ou des services identiques ou similaires, destinés à la même clientèle et vendus dans les mêmes négoces que la « coutellerie, cisellerie, objets de cadeau ou destinés aux arts de la table » qui relèvent des secteurs d’activités de l’intervenante. D’autre part, elle a considéré que les activités de l’intervenante seraient affectées si ladite marque était utilisée pour des produits complémentaires, indissociablement liés à ces activités, voire relevant de secteurs d’activités connexes où ces activités peuvent naturellement avoir des développements.
13 Enfin, selon la chambre de recours, en raison de son prestige, voire de sa réputation, la dénomination sociale Forge de Laguiole possédait un caractère distinctif fort et pouvait jouir d’une protection exceptionnelle même pour des secteurs d’activités différents de ceux relevant de son objet social.
Conclusions des parties
14 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens ainsi que les siens.
15 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
16 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– confirmer la décision de la chambre de recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
1. Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal
17 Il convient de constater que le requérant et l’intervenante, dans le cadre respectivement du mémoire en réplique et du mémoire en duplique, ont produit un certain nombre de pièces qui ne faisaient pas partie du dossier de procédure devant l’OHMI.
18 Ainsi, le requérant a produit :
– trois extraits d’un dictionnaire (annexes 34, 35 et 39 du mémoire en réplique) ;
– un extrait d’un catalogue d’enchères (annexe 36 du mémoire en réplique) ;
– deux extraits de résultats d’un moteur de recherche sur Internet (annexes 37 et 40 du mémoire en réplique) ;
– un extrait d’une encyclopédie en ligne (annexe 38 du mémoire en réplique) ;
– deux articles de presse (annexe 41 du mémoire en réplique) ;
– des extraits de résultats de recherche de marques dans la base de données de l’institut national français de la propriété intellectuelle (INPI) (annexe 42 du mémoire en réplique) ;
– quatre copies de décisions de la division d’opposition de l’OHMI (annexes 34 bis, 34 ter, 37 bis et 38 bis du mémoire en réplique).
19 Quant à l’intervenante, elle a produit :
– des jugements de différents tribunaux français (annexes 55, 57, 58, 67, 68, 69, 70, 73, 74 du mémoire en duplique) ;
– trois décisions de chambres de recours et de la division d’opposition de l’OHMI (annexes 56, 59 et 66 du mémoire en duplique) ;
– des extraits des directives de l’OHMI relatives à la procédure d’opposition (annexe 60 du mémoire en duplique) ;
– quatre articles de presse, extraits de l’Internet (annexe 61 du mémoire en duplique) ;
– trois extraits de sites de vente par Internet (annexes 63 à 65 du mémoire en duplique) ;
– un extrait du Code français de la consommation (annexe 71 du mémoire en duplique) ;
– des extraits du bilan d’activité 2011 de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes française (DGCCRF) (annexe 72 du mémoire en duplique).
20 En outre, l’OHMI a fait valoir, dans ses observations complémentaires du 21 février 2014, que l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (C.Cass. Ch. Com., Cœur de princesse/Mattel France, n° 08‑2012.010), invoqué par le requérant, devrait être écarté des débats comme étant irrecevable.
21 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les annexes 34 à 42 du mémoire en réplique, ainsi que les annexes 61, 63 à 65 et 72 du mémoire en duplique de l’intervenante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].
22 En revanche, les annexes 34 bis, 34 ter, 37 bis et 38 bis du mémoire en réplique et les annexes 56, 59, 60 et 66 du mémoire en duplique, bien qu’elles n’aient été produites pour la première fois que devant le Tribunal, ne sont pas des preuves proprement dites, mais concernent la pratique décisionnelle de l’OHMI, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’OHMI, une partie a le droit de se référer (arrêt ARTHUR ET FELICIE, point 21 supra, point 20).
23 Il en va de même des annexes 55, 57, 58, 67 à 71, 73 et 74 du mémoire en duplique, ainsi que de l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra), qui doivent être déclarés recevables, car elles concernent la législation nationale, ainsi que la pratique juridictionnelle des tribunaux nationaux, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’OHMI, une partie a le droit de se référer. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit national auquel, comme c’est le cas en l’espèce, le droit de l’Union fait référence (voir point 29 ci-après), d’éléments tirés de la législation ou de la jurisprudence nationale, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt d’une juridiction française précis, mais qu’il s’agit d’invoquer des dispositions légales ou des jugements à l’appui d’un moyen tiré de la mauvaise application par les chambres de recours d’une disposition du droit national [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, points 70 et 71].
24 Par ailleurs, dans la mesure où l’OHMI se prévaut de l’arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, Rec. p. I‑5853, points 46 à 57), pour contester la recevabilité en tant qu’élément de preuve de l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (supra, point 20), il suffit de constater qu’il ne ressort pas de cet arrêt que le Tribunal soit empêché de prendre en compte des éléments présentés pour la première fois devant lui par une partie en vue de démontrer que la chambre de recours a appliqué incorrectement le droit national invoqué devant elle. En effet, dans cet arrêt, la Cour a uniquement examiné, d’une part, si le Tribunal avait violé une règle nationale appliquée au fond d’un litige et, d’autre part, si elle était compétente pour constater l’existence d’une telle violation (arrêt Edwin/OHMI, précité, point 44). Dans ce contexte, elle a, certes, indiqué qu’une partie qui demandait l’application d’une règle nationale était tenue de présenter à l’OHMI les éléments établissant le contenu de celle-ci (voir arrêt Edwin/OHMI, précité, point 50). Toutefois, cela ne signifie pas que l’application de la règle nationale effectuée par l’OHMI ne puisse pas être contrôlée par le Tribunal à la lumière d’un arrêt national postérieur à l’adoption de la décision de l’OHMI et invoqué par une partie à la procédure.
25 Enfin, il y a lieu de rejeter l’argument de l’OHMI selon lequel le fait, pour le requérant, d’avoir présenté l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) seulement à l’audience et non auparavant, constitue une « manœuvre procédurale dilatoire ». En effet, il convient tout d’abord de rappeler, à cet égard, que ledit arrêt est intervenu quelques jours après le dépôt du mémoire en duplique de l’intervenante, à un moment où la procédure écrite, quoique non encore formellement clôturée, était en principe terminée. Le requérant n’aurait donc pas utilement pu invoquer l’arrêt du 10 juillet 2012 dans ses écritures. Ensuite, il convient de souligner que, contrairement aux affirmations de l’OHMI, le requérant s’est prévalu de l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012, point 20 supra, déjà dans le cadre de la motivation de sa demande de tenue d’une audience, déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2012 et notifiée à l’OHMI le 11 septembre 2012, et non seulement lors de l’audience.
2. Sur le fond
26 Le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.
27 En vertu de ces deux dispositions, l’existence d’un signe autre qu’une marque permet d’obtenir la nullité d’une marque communautaire si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ; enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces quatre conditions limitent le nombre des signes autres que les marques qui peuvent être invoqués pour contester la validité d’une marque communautaire sur l’ensemble du territoire communautaire, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, Rec. p. II‑649, point 32].
28 Les deux premières conditions, c’est‑à‑dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement n° 207/2009 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (arrêt GENERAL OPTICA, point 27 supra, point 33).
29 En revanche, il résulte du membre de phrase « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 207/2009, constituent des conditions fixées par ledit règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est tout à fait justifié, étant donné que le règlement n° 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque communautaire la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque communautaire. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque communautaire et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêt GENERAL OPTICA, point 27 supra, point 34).
30 En l’espèce, il n’est pas contesté que la dénomination sociale Forge de Laguiole est un signe utilisé dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, et que sa portée dépasse le cadre local. Les parties n’ont pas non plus contesté, ni lors de la procédure devant l’OHMI, ni dans leurs écritures devant le Tribunal, que les droits sur cette dénomination sociale ont été acquis, selon le droit français, antérieurement au 20 novembre 2001, date de dépôt de la marque LAGUIOLE.
31 Dans la mesure où, lors de l’audience, le requérant, par référence à ses marques françaises LAGUIOLE, déposées en 1993, a tenté de remettre en cause le caractère antérieur de la dénomination sociale de l’intervenante sous sa forme actuelle, par rapport à la marque communautaire LAGUIOLE, il suffit d’observer que seule est pertinente, en l’espèce, la date de dépôt de ladite marque communautaire, à savoir le 20 novembre 2001 (voir point 1 ci-dessus).
32 En revanche, les parties s’opposent sur la quatrième condition énoncée au point 27 ci-dessus, relative à la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la dénomination sociale de l’intervenante lui permet d’interdire au requérant l’utilisation de la marque plus récente LAGUIOLE. Conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, la réponse à cette question dépend du seul droit français.
33 En l’espèce, la chambre de recours, à la lumière de la jurisprudence française existant à la date de l’adoption de la décision attaquée, a fondé son raisonnement sur deux piliers, dont chacun était censé suffire, à lui seul, pour fonder sa conclusion, selon laquelle la dénomination sociale de l’intervenante était protégée pour la totalité des activités énoncées dans son objet social.
34 Premièrement, la chambre de recours a considéré, en substance, que le libellé de l’objet social de l’intervenante était défini de manière suffisamment précise pour qu’il puisse être admis que la protection conférée par la dénomination sociale de celle-ci s’étende à toutes les activités qui y sont énoncées (décision attaquée, points 87 à 90). Deuxièmement, elle a considéré que, même en admettant que cela ne fut pas le cas pour l’activité de « fabrication et vente de […] tous articles cadeaux et souvenirs – tous articles liés aux arts de la table », l’intervenante avait établi avoir diversifié ses activités, avant la date du 20 novembre 2001, vers les « arts de la table », les « arts de la maison », « l’univers du vin », la cisellerie, les articles pour fumeurs, pour le golfeur, pour le chasseur et pour les loisirs ainsi que les « autres accessoires » (décision attaquée, points 91 à 94).
35 Il convient donc d’examiner chacun des deux piliers sur lesquels repose la décision attaquée.
Sur l’étendue de la protection conférée par la dénomination sociale Forge de Laguiole
36 Les articles L. 714‑3 et L. 711‑4 du Code de la propriété intellectuelle français (ci-après le « CPI ») sont libellés comme suit :
L. 714‑3
« Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711‑1 à L. 711‑4.
[…]
Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L. 711‑4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans.
La décision d’annulation a un effet absolu. »
L. 711‑4
« Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
[…]
b) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
[…] »
37 Il n’est pas contesté que le droit d’obtenir l’annulation d’une marque plus récente sur le fondement d’une dénomination sociale comprend a fortiori le droit de s’opposer à l’utilisation de cette marque, au sens de la quatrième condition énoncée au point 27 ci-dessus.
38 Le requérant fait valoir que, en droit français, la protection de la dénomination sociale ne s’étend qu’aux activités réellement exploitées, en particulier lorsque les activités indiquées dans l’objet social sont définies de manière trop large.
39 L’OHMI considère, pour sa part, que, en droit français, la portée de la protection de la dénomination sociale est définie par le libellé des activités précises dans l’objet social, sauf si ce libellé est excessivement large ou imprécis et que, dans un tel cas, ladite portée de la protection serait limitée aux seules activités concrètes exercées par la société en cause.
40 L’intervenante avance, en substance, que la dénomination sociale est protégée pour toute activité mentionnée dans l’objet social, même si ce dernier est rédigé de manière large, et indépendamment des activités effectivement exercées. Elle ajoute que la protection s’étend également aux activités relevant de secteurs économiques non encore exercés par son titulaire, mais connexes à ceux mentionnés dans l’objet social.
41 Il convient de rappeler que, selon l’interprétation de l’article L. 711‑4, sous b), CPI, proposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, une dénomination sociale est protégée par principe pour toutes les activités couvertes par son objet social, la protection étant toutefois limitée aux activités effectivement et concrètement exercées lorsque l’objet social est imprécis ou lorsque les activités exercées ne sont pas couvertes par celui-ci.
42 La chambre de recours s’est fondée, pour cette interprétation, sur la jurisprudence française pertinente, telle qu’elle existait à la date de l’adoption de la décision attaquée, le 1er juin 2011. Cette jurisprudence n’était pas uniforme et avait donné lieu à une controverse dans la doctrine spécialisée, amplement citée par les parties, tant devant l’OHMI que devant le Tribunal.
43 Or, cette jurisprudence divergente ainsi que la controverse qu’elle a suscitée dans la doctrine ont été recadrées par l’arrêt de la Cour de cassation française, du 10 juillet 2012 (point 20 supra). En effet, dans cet arrêt, rendu après l’adoption de la décision attaquée, il a été jugé que « la dénomination sociale ne [bénéficiait] d’une protection que pour les activités effectivement exercées par la société et non pour celles énumérées dans ses statuts ».
44 Contrairement à ce que l’OHMI et l’intervenante allèguent dans leurs observations écrites complémentaires présentées, respectivement, le 24 et le 25 février 2014, le principe énoncé dans l’arrêt de la Cour de cassation française, du 10 juillet 2012 (point 20 supra) est dépourvu de toute ambiguïté quant au périmètre de la protection conférée à une dénomination sociale et a vocation à être appliqué de manière générale. Il est certes vrai que l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne concernait pas un recours introduit sur le fondement de l’article L. 711‑4 du CPI, mais l’annulation d’une marque pour dépôt frauduleux et une demande en matière de concurrence déloyale. Toutefois, il convient de relever que le passage cité au point 43 ci-dessus figure dans la section de cet arrêt rejetant un moyen invoqué contre l’annulation pour dépôt frauduleux de la marque cœur de princesse, tiré de ce que ladite marque ne faisait que reprendre la dénomination sociale de la société demanderesse, antérieure à la commercialisation par la société Mattel France de poupées sous la dénomination « cœur de princesse ». C’est dans ce contexte que la Cour de cassation française a rédigé ledit passage, pour ensuite relever que les produits et services désignés par la marque cœur de princesse dépassaient largement les activités jusque-là effectivement exploitées par la société concernée, rejetant ainsi comme inopérant le moyen soulevé par cette dernière. En conclusion, ce passage ne contient donc aucune limitation, ni dans son libellé ni dans son contexte factuel ou procédural, qui pourrait porter à croire que son applicabilité serait réservée aux circonstances particulières de l’affaire jugée.
45 Par ailleurs, contrairement à l’avis de l’OHMI, l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) peut être pris en compte par le Tribunal dans son examen de la légalité de la décision attaquée, même s’il est postérieur à cette dernière.
46 En effet, mis à part les considérations d’ordre procédural visées aux points 23 et 24 ci-dessus, il convient de relever, premièrement, que cet arrêt n’a pas procédé à un revirement de la jurisprudence, mais a simplement clarifié une question juridique litigieuse. En effet, ainsi qu’en témoignent les nombreux arrêts antérieurs des juridictions françaises produits par les parties tant devant l’OHMI que devant le Tribunal, la jurisprudence des juridictions inférieures antérieure à l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra), tout en n’étant pas uniforme, permettait la conclusion que la protection de la dénomination sociale était limitée aux activités effectivement exercées par la société en cause.
47 Deuxièmement, même à considérer qu’il faille comprendre l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) comme opérant un revirement de la jurisprudence, de tels revirements, en principe, s’appliquent rétroactivement aux situations existantes.
48 Ce principe se justifie par la considération que l’interprétation jurisprudentielle d’une norme à un moment donné ne peut être différente selon l’époque des faits considérés et nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée. S’il est vrai que ce principe est susceptible d’être atténué en ce que, dans des situations exceptionnelles, les juridictions peuvent s’en départir pour moduler l’effet dans le temps de la rétroactivité d’un revirement, la rétroactivité des revirements reste le principe. Or, en l’espèce, l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) ne contient aucune modulation ou limitation en ce sens.
49 Il convient d’ajouter, à cet égard, que le principe analogue est appliqué par les juridictions de l’Union (arrêt de la Cour du 11 août 1995, Roders e.a., C‑367/93 à C‑377/93, Rec. p. I‑2229, points 42 et 43).
50 Dès lors, même si l’arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 2012 (point 20 supra) est en tant que tel un fait nouveau, il se borne à dire le droit français tel qu’il aurait dû être appliqué par la chambre de recours dans la décision attaquée, datant du 1er juin 2011, et tel qu’il doit être appliqué par le Tribunal, conformément au principe rappelé au point 29 ci-dessus.
51 Il s’ensuit que, en l’espèce, la protection de la dénomination sociale Forge de Laguiole s’étend exclusivement aux activités effectivement exercées par l’intervenante à la date de la demande de la marque LAGUIOLE, le 20 novembre 2001.
52 Par conséquent, le premier pilier du raisonnement de la chambre de recours, prenant appui sur les activités énoncées dans l’objet social de l’intervenante, n’est pas susceptible de fonder la décision attaquée, sans qu’il soit démontré que lesdites activités aient effectivement été exercées.
53 Il reste donc à examiner le bien-fondé du second pilier du raisonnement de la chambre de recours, fondé sur les activités effectivement exercées par l’intervenante.
Sur les activités effectivement exercées par l’intervenante avant la date de dépôt de la marque LAGUIOLE
54 Il est constant, en l’espèce, que l’intervenante est active dans la fabrication et la vente de produits de coutellerie.
55 Selon les constatations de la chambre de recours, l’intervenante a en outre établi avoir diversifié ses activités vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie, avant la date de dépôt de la marque LAGUIOLE (à savoir le 20 novembre 2001).
56 Le requérant fait valoir, à cet égard, d’une part, que l’activité de l’intervenante est en réalité limitée au commerce de couteaux, la prétendue diversification consistant en la commercialisation de couteaux équipés d’un accessoire, et, d’autre part, que ladite diversification est, en tout état de cause, dans une large mesure postérieure à la date de dépôt de la marque LAGUIOLE.
57 L’OHMI soutient que les domaines d’activité d’une société se définissent par rapport à la clientèle à laquelle elle destine ses produits ou ses services. Or, les couteaux équipés d’un accessoire s’adresseraient à une clientèle différente de celle des simples couteaux, ce qui serait démontré par la différence des canaux de distribution des différents couteaux équipés d’accessoires. Par ailleurs, la diversification des activités de l’intervenante vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie aurait débuté avant le dépôt de la marque LAGUIOLE.
58 L’intervenante ajoute qu’un produit peut avoir deux fonctions distinctes, la fonction de couteau ne supprimant pas la fonction de l’accessoire.
59 S’agissant des preuves de la diversification des activités de l’intervenante vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie, la chambre de recours s’est fondée, au point 94 de la décision attaquée, sur certaines pièces produites par l’intervenante devant l’OHMI, qui datent de la période antérieure au dépôt de la marque LAGUIOLE, à savoir :
– la liste de prix de l’intervenante du 1er janvier 2001 (pièce 38.1), qui fait état de couteaux avec différents accessoires – à savoir tire-bouchon, poinçon, décapsuleur, coupe-cigares, bourre-pipe, porte-clés –, de « fourchettes » ainsi que du modèle « Couteau de chasse »,
– deux factures du 15 octobre 1998 et du 30 mars 2000, adressées à des clients au Luxembourg et en Autriche, mentionnant le modèle « Sommelier », incluant tire-bouchon et décapsuleur, ainsi que des « Relève-pitch », le modèle « Laguiole du routard » et un « fourreau » en cuir,
– une facture du 22 novembre 2000, adressée à un client en France, mentionnant une « fourchette », ainsi que les modèles « Sommelier » et « Calumet », qui incluent lame grattoir, bourre-pipe et broche ainsi qu’un « étui ».
60 Il convient de constater, à cet égard, premièrement, que les « coffrets cadeaux » et « boîtes » ne sont mentionnés dans aucune de ces pièces. En revanche, au bas de certaines pages de la liste des prix de l’intervenante au 1er janvier 2001 se trouve la mention « Les couteaux sont livrés avec un emballage cadeau et un certificat d’origine. » Les pièces prises en compte par la chambre de recours font donc état d’une commercialisation d’emballages cadeau par l’intervenante uniquement pour servir à emballer ses propres produits et non en tant que produits autonomes. Dans ces circonstances, c’est par erreur que la chambre de recours a considéré, au point 93 de la décision attaquée, que les « coffrets cadeaux » et « boîtes » avaient été offerts à la vente par l’intervenante dans le cadre de la diversification de ses activités dans le secteur des « autres accessoires ».
61 Deuxièmement, le modèle « Laguiole du routard » consiste en un couteau pliant, sans accessoire. De même, le modèle « Couteau de chasse » est, selon la description figurant dans la liste des prix au 1er janvier 2001, un « [m]odèle non fermant, livré avec un étui cuir ». Par conséquent, il convient de considérer que ces modèles ne sauraient servir à démontrer une diversification des activités de l’intervenante vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie, même à supposer qu’ils soient destinés à être utilisés dans le cadre de « loisirs » ou par des chasseurs, ainsi que la chambre de recours l’a allégué au point 93 de la décision attaquée.
62 Troisièmement, les « fourreaux » et « étuis » mentionnés dans les factures et dans la liste des prix sont, de par leur conception et leur présentation, exclusivement destinés à contenir les couteaux fabriqués par l’intervenante. Tout au plus pourraient-ils, le cas échéant, servir pour contenir d’autres couteaux, selon la taille et la forme de ceux-ci, mais pas des produits étrangers à la coutellerie. En outre, lesdits fourreaux et étuis sont exclusivement vendus ensemble avec les couteaux et non séparément. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’ils ne constituent que des accessoires à la coutellerie commercialisée par l’intervenante, sans présenter le caractère d’une gamme de produits indépendante et, de ce fait, ne sauraient servir à démontrer une diversification de ses activités vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie.
63 Quatrièmement, les fourchettes ne relèvent clairement pas de la coutellerie. Toutefois, la commercialisation de fourchettes ne permet pas d’établir une activité de l’intervenante dans tout le secteur des « arts de la table ». En effet, s’il est vrai que les fourchettes pourraient être perçues comme relevant des « arts de la table », il s’agit là d’une catégorie trop large et regroupant des ensembles de produits trop hétéroclites pour qu’ils puissent faire l’objet d’une comparaison, aux fins de l’appréciation de leur similitude, par rapport aux produits et aux services désignés par la marque LAGUIOLE. En revanche, la commercialisation de fourchettes démontre une diversification concrète et effective des activités de l’intervenante vers les couverts en général, en tant que sous-catégorie des « arts de la table » [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 23].
64 Cinquièmement, s’agissant des divers (autres) articles consistant en un couteau assorti d’un ou de deux accessoires (tire-bouchon, poinçon, décapsuleur, coupe-cigares, bourre-pipe, porte-clés, relève-pitch), la chambre de recours a considéré, en substance, que ces articles multifonctionnels démontraient la diversification des activités de l’intervenante dans d’autres secteurs que celui de la coutellerie.
65 Or, ainsi que le requérant le fait valoir à bon droit, les articles multifonctionnels commercialisés par l’intervenante ne sont pas caractérisés par la fonction de l’accessoire, mais restent des couteaux malgré la présence d’un ou de deux accessoires. En effet, l’adjonction des différents accessoires ne modifie pas leur caractère en tant que produits relevant du secteur de la coutellerie.
66 À cet égard, d’une part, il convient de relever que, dans les produits multifonctionnels commercialisés par l’intervenante, le couteau reste prépondérant et détermine le caractère du produit dans son ensemble tant s’agissant du matériau utilisé que de toute sa présentation, ce qui est d’ailleurs mis en évidence dans la liste de prix au 1er janvier 2001. Il ressort de cette pièce que l’intervenante, elle-même, considère lesdits produits comme étant des couteaux. En effet, le modèle incluant un tire-bouchon et un décapsuleur y figure sous la désignation « Couteau Sommelier-Décapsuleur » et celui incluant un relève-pitch sous la désignation « Couteau du Golfeur ». En outre, les parties de ces produits autres que la lame, telles que le poinçon et le tire-bouchon, y sont expressément présentées sous la désignation « Accessoires », le matériau de la lame et celui desdits accessoires étant indiqués séparément, en insistant sur la qualité de l’acier de la lame (le modèle « Calumet », avec lame grattoir, broche et bourre-pipe constituant à cet égard une exception). Enfin, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 60 ci-dessus, au bas de certaines pages contenant des modèles incluant des accessoires se trouve la mention « Les couteaux sont livrés avec un emballage cadeau et un certificat d’origine. »
67 D’autre part, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la clientèle à laquelle s’adressent les produits multifonctionnels en cause est composée non de golfeurs ou de fumeurs en général, mais soit d’acheteurs de coutellerie pratiquant également le golf ou étant fumeurs, soit de golfeurs ou de fumeurs ayant une affinité pour la coutellerie. Cela vaut tant sous l’aspect fonctionnel (un relève-pitch ou un coupe-cigare faisant partie d’un couteau sont moins maniables et pratiques que le même instrument sans couteau, surtout si le couteau est lui-même un produit haut de gamme d’une certaine taille, comme c’est le cas pour les produits de l’intervenante) que sous l’aspect financier (surcoût considérable des articles multifonctionnels par rapport au seul accessoire) ou encore sous l’aspect de l’image (un fumeur ou un golfeur ne s’intéressant pas à la coutellerie ne pensera normalement pas aux produits de l’intervenante pour s’approvisionner en articles pour fumeurs ou pour le golf, mais se tournera vers des producteurs spécialisés dans ces secteurs).
68 Il convient donc de rejeter l’argument de l’OHMI, tiré de ce que les secteurs d’activité d’une personne morale sont avant tout définis par les marchés auxquels ils destinent leurs produits ou services. En effet, les produits multifonctionnels commercialisés par l’intervenante ne s’adressent précisément pas à un public sans rapport avec le public cible des produits relevant du secteur de la coutellerie, mais à un public de fumeurs ou de golfeurs également amateurs desdits produits. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que la chambre de recours a soutenu aux points 96 et 97 de la décision attaquée, la circonstance que les articles multifonctionnels commercialisés par l’intervenante aient été vendus non seulement par des couteliers, mais également des armuriers, des tabacs, des boutiques d’articles d’écriture, des commerces de « cadeaux – arts de la table », des grands magasins et des autres entreprises n’est pas susceptible de modifier le caractère de ces articles en tant que produits relevant du secteur de la coutellerie.
69 Sixièmement, s’agissant de l’activité de « fabrication et vente de tous […] articles cadeaux et souvenirs », mentionnés dans l’objet social de l’intervenante, il est vrai que, en principe, tous les produits commercialisés par cette dernière sont susceptibles de servir de cadeau ou de souvenir, ainsi que le requérant l’a fait valoir à juste titre. En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 60 ci-dessus, une partie au moins des produits de l’intervenante sont livrés dans des emballages cadeau, ce qui tend à confirmer leur possible destination en tant que cadeaux. Il en découle que l’intervenante est effectivement active dans le domaine de la commercialisation d’articles de cadeau.
70 Toutefois, il convient de relever que l’intervenante n’a pas démontré qu’elle produirait ou commercialiserait des articles de cadeaux ou de souvenirs ne relevant pas de la coutellerie ou des couverts. Son activité en matière de cadeaux et de souvenirs se limite de toute évidence à offrir ses produits habituels, relevant du secteur de la coutellerie ou des couverts, dans des emballages cadeau. Par conséquent, il y a lieu de constater que, si l’intervenante a démontré avoir exercé une activité en matière de « fabrication et vente de tous articles cadeaux et souvenirs », cette activité est confinée à des cadeaux et à des souvenirs relevant des secteurs de la coutellerie ou des couverts.
71 Par conséquent, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré au point 93 de la décision attaquée, une diversification des activités de l’intervenante vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie, avant la date du 20 novembre 2001, n’était pas démontrée pour la « cisellerie », les « arts de la table » – sauf pour les couverts –, les « arts de la maison », l’« univers du vin », les articles pour fumeurs, les articles pour golfeurs, les articles pour chasseurs, les loisirs ou les accessoires, tels que les coffrets cadeaux, étuis et boîtes.
72 En revanche, il convient de constater qu’une diversification des activités de l’intervenante vers d’autres secteurs que celui de la coutellerie est démontrée pour les « couverts » dont relèvent les « fourchettes », mentionnées dans la liste des prix au 1er janvier 2001, ainsi que pour les « articles cadeaux et souvenirs », dans la mesure où il s’agit de produits relevant des secteurs de la coutellerie ou des couverts. C’est donc uniquement par rapport à ces activités que l’intervenante peut revendiquer la protection de sa dénomination sociale à l’égard de la marque LAGUIOLE.
73 Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours y a constaté un risque de confusion au sens de l’article L. 711‑4 du CPI, s’agissant de la « cisellerie » et de « tous articles liés aux arts de la table », ainsi que de « tous […] articles cadeaux et souvenirs », pour autant qu’il s’agit d’articles ne relevant pas de la coutellerie ou des couverts.
74 Dès lors, l’examen qui suit du risque de confusion au sens de l’article L. 711‑4 du CPI ne concernera plus que les activités de fabrication et de vente de tous articles relevant des secteurs de la coutellerie ou de couverts, ainsi que des cadeaux et souvenirs, dans la mesure où il s’agit de produits relevant desdits secteurs.
Sur le risque de confusion
75 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, la condition liée à ce que le signe doit reconnaitre à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente doit être appréciée au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe antérieur invoqué, à savoir le droit français.
76 En vertu de l’article L. 711‑4 du CPI (reproduit au point 36 ci-dessus), le titulaire d’une dénomination sociale antérieure a le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente sous condition qu’« il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ».
77 Ainsi que l’OHMI le fait valoir à bon droit, compte tenu de la nature des produits désignés par la marque LAGUIOLE, le public pertinent est le grand public français, doté d’un niveau d’attention moyen.
78 Selon la jurisprudence française, l’appréciation du risque de confusion dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels le degré de ressemblance (visuelle, phonétique et conceptuelle) entre les signes en cause, le degré de similitude entre les secteurs économiques couverts par ces signes et le pouvoir distinctif plus ou moins élevé du signe antérieur (CA Versailles, arrêt du 25 octobre 2001, Flex’cible/SOS Flexibles et Sofirop, et TGI Paris, arrêt du 8 juillet 2011, RG 09/11931).
79 Le risque de confusion est d’autant plus important que la dénomination sociale antérieure possède un pouvoir distinctif fort, notamment en raison de sa connaissance auprès du public. Le préjudice né du risque de confusion ne résulte pas uniquement d’un détournement de clientèle. Il peut s’agir aussi d’une atteinte au crédit ou à la réputation (CA Paris, arrêt du 13 octobre 1962, Ann. propr. ind. 1963, p. 228).
80 La solution du conflit entre une marque et une dénomination sociale antérieure dépendant de l’existence d’un risque de confusion, si la marque est déposée pour plusieurs produits ou services de nature différente, son annulation aura un caractère distributif et n’interviendra que pour les produits ou les services pour lesquels il aura été constaté un risque de confusion avec l’activité de la personne morale (CA Paris, arrêt du 28 janvier 2000, Revue Dalloz 2001, p. 470).
Sur la similitude entre les secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole et par la marque LAGUIOLE
81 Selon la jurisprudence française, afin de déterminer si les secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole et par la marque LAGUIOLE sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (TGI Paris, arrêt du 25 novembre 2009, RG 09/10986).
82 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les produits désignés par la marque LAGUIOLE empiétaient, en grande partie, sur les secteurs d’activités de l’intervenante ou se situaient dans des secteurs d’activités connexes, considération qu’elle a détaillée aux points 107 à 114 de la décision attaquée.
83 Toutefois, cette considération découle d’un examen tenant compte de la totalité des secteurs d’activité énoncés dans l’objet social de l’intervenante. Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 71 à 74 ci-dessus, il convient de tenir compte, au titre du risque de confusion, uniquement des activités de l’intervenante dans les secteurs de la coutellerie et des couverts, ainsi que des cadeaux et des souvenirs, pour autant qu’il s’agit de produits relevant des secteurs de la coutellerie ou des couverts.
84 Dans ces conditions, les constatations faites par la chambre de recours aux points 107 à 114 de la décision attaquée doivent être réexaminées à la lumière de cette restriction des secteurs d’activités protégés par la dénomination sociale Forge de Laguiole.
– Sur le rapport entre les « scies, rasoirs, lames de rasoirs ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles », ainsi que les « trousses de manucure, nécessaires de rasage », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, et les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, et les activités de l’intervenante
85 S’agissant des « scies, rasoirs, lames de rasoirs ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles », relevant de la classe 8, ainsi que des « coupe-papier » relevant de la classe 16, c’est à juste titre que la chambre de recours qui a considéré qu’il s’agissait d’objets tranchants, qui relevaient du secteur de la « coutellerie », visé par l’objet social de l’intervenante. Lesdits produits et les activités de l’intervenante sont donc hautement similaires. De même, les « trousses de manucure, nécessaires de rasage », relevant de la classe 8, ainsi que les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, sont complémentaires ou accessoires auxdits objets tranchants, en ce qu’ils sont utilisés ensemble et sont généralement vendus ensemble dans le même type de négoces et à une même clientèle. Ces produits et les activités de l’intervenante sont donc similaires.
– Sur les « outils et instruments à main entraînés manuellement » et les « tournevis », relevant de la classe 8
86 S’agissant des « outils et instruments à main entraînés manuellement », relevant de la classe 8, désignés par la marque LAGUIOLE, il convient de relever que cette définition inclut les couteaux.
87 Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments invoqués par le requérant et par l’intervenante dans leurs observations écrites complémentaires soumises, respectivement, le 9 et le 8 avril 2014.
88 Premièrement, le fait que l’intitulé de la classe 8 de la classification de Nice est libellé « Outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; armes blanches ; rasoirs » n’implique pas que ces différentes catégories ne présenteraient aucun chevauchement entre elles. En effet, la classification de Nice n’a qu’une finalité administrative et ne vise qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. En revanche, les intitulés des classes ne constituent pas un système dans lequel il serait exclu qu’un produit ou un service contenu dans une classe ou une catégorie puisse également faire partie d’une autre classe ou catégorie, ainsi qu’il ressort notamment de la règle 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1).
89 C’est ainsi que, dans sa décision du 14 mai 2003 concernant la marque LAGUIOLE, l’examinateur de l’OHMI a pu retenir à juste titre qu’« il [était] constant qu’une arme blanche [était] ‘une arme de main dont l’action [résultait] d’une partie en métal’ » et que « ce terme [comprenait] donc les couteaux », alors que ces deux catégories de produits figuraient dans l’intitulé de la classe 8 de la classification de Nice.
90 Deuxièmement, le requérant tire argument de la décision de l’examinateur de l’OHMI du 14 mai 2003 en ce que ce dernier a opéré une distinction entre les « armes blanches » qu’il a assimilées aux couteaux et pour lesquelles il a refusé d’enregistrer ladite marque en raison de son caractère descriptif, et les « outils et instruments à main entraînés manuellement », pour lesquels il a enregistré cette marque.
91 Il convient d’observer, à cet égard, que la décision de l’examinateur de l’OHMI du 14 mai 2003 ne saurait lier le Tribunal dans son appréciation des produits couverts par ladite catégorie (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65, et arrêt ARTHUR ET FELICIE, point 21 supra, point 71). Par ailleurs, il convient de relever que le requérant était conscient, déjà pendant la procédure de nullité devant l’OHMI, du fait que les couteaux pourraient faire partie de la catégorie des « outils et instruments à main entraînés manuellement », puisqu’il s’est déclaré prêt, à plusieurs reprises, à préciser le libellé de la liste des produits relevant notamment de la classe 8, désignés par la marque LAGUIOLE, de la manière suivante : « Outils et instruments à main entraînés manuellement à l’exception des couteaux ». Toutefois, les décisions de la division d’annulation et de la chambre de recours étaient fondées sur des motifs ne nécessitant pas d’examiner cette question et le requérant n’a pas effectivement précisé de cette manière la liste des produits.
92 Il y a donc lieu de conclure que les « outils et instruments à main entraînés manuellement », dans la mesure où il s’agit de couteaux, sont identiques aux activités de l’intervenante dans le secteur de la coutellerie – et non seulement au modèle « Laguiole du routard », ainsi que la chambre de recours l’a considéré.
93 En revanche, contrairement à ce que la chambre de recours a pu considérer, les « tournevis », relevant de la classe 8, ne présentent aucune similitude par rapport au modèle « Laguiole du routard » commercialisé par l’intervenante, qui n’est rien d’autre qu’un simple couteau pliant sans accessoires.
– Sur les « cuillers », relevant de la classe 8
94 Quant aux « cuillers », relevant de la classe 8, elles font partie des « couverts » commercialisés par l’intervenante (voir points 62 et 72 ci-dessus) et relèvent donc d’un secteur économique identique à un des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole.
– Sur les « ustensiles pour la cuisine et la vaisselle en verre, porcelaine, et faïence ; vaisselle non en métaux précieux ; tire-bouchons ; ouvre-bouteilles, boîtes en métal pour la distribution des serviettes en papier ; sabliers », relevant de la classe 21, et les « ustensiles et récipients pour le ménage et la cuisine en métaux précieux ; vaisselle en métaux précieux », relevant de la classe 14
95 S’agissant de ces produits, la chambre de recours les a associés aux « arts de la table » et en a déduit qu’ils empiétaient sur les activités de l’intervenante dans ce domaine.
96 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 63 ci-dessus, la catégorie des « arts de la table » est trop large et imprécise pour servir de point de référence afin d’établir l’existence d’un risque de confusion. Dès lors, contrairement aux constatations opérées par la chambre de recours, lesdits produits ne présentent pas de similitude par rapport aux secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole.
97 Toutefois, les « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles » présentent une forte similitude par rapport au modèle « Sommelier », incluant tire-bouchon et décapsuleur, ainsi que par rapport aux autres modèles de couteau incluant un tire-bouchon, commercialisés par l’intervenante. En effet, même si la commercialisation de ces produits, en tant que « dérivés » de produits relevant du secteur de la coutellerie, ne saurait démontrer une diversification des activités de l’intervenante vers les « arts de la table » ou vers « l’univers du vin », ainsi qu’il a été exposé aux points 65 et 69 ci-dessus, toujours est-il que, en tant que produits isolés, sous l’aspect de la fonctionnalité, ils sont équivalents aux « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles » désignés par la marque LAGUIOLE. Ce fait, outre la commercialisation dans les mêmes magasins, est suffisant pour conclure que lesdits produits relèvent d’un secteur économique identique à un des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole.
– Sur les « métaux précieux et leurs alliages », les « pierres précieuses » et les « boîtes, bougeoirs », relevant de la classe 14
98 En ce qui concerne les « métaux précieux et leurs alliages » et les « pierres précieuses », relevant de la classe 14, la chambre de recours a considéré que ces produits étaient « très prisés » pour la cisellerie fine et pour de nombreux objets relevant du domaine des « arts de la table » et, dès lors, présentaient une forte complémentarité avec les activités de l’intervenante. En outre, les « boîtes, bougeoirs », relevant de la classe 14, seraient vendus dans le même type d’établissements consacrés aux « arts de la table et de la décoration » que certains articles prétendument commercialisés par l’intervenante.
99 À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, en l’espèce, la « cisellerie » et le domaine des « arts de la table » ne font pas partie des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole (voir points 73 et 74 ci-dessus). Ensuite, le seul fait que les métaux et pierres précieux sont susceptibles d’être employés pour les activités de l’intervenante liées à la coutellerie ne permet pas de conclure qu’ils relèvent d’un secteur économique similaire à un des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole, dans l’esprit des consommateurs français. En effet, d’une part, les métaux et pierres précieux sont essentiellement destinés à l’industrie manufacturière et non aux consommateurs finaux comme la coutellerie. D’autre part, l’emploi de telles matières sur un couteau ne se fera en principe qu’à des fins décoratives et accessoires, sans lien avec la fonctionnalité d’un couteau.
– Sur les « cuir et imitation du cuir » et les « malles, mallettes et valises », relevant de la classe 18, ainsi que les « boîtes »
100 Pour ce qui est des « cuir et imitation du cuir » et des « mallettes et valises », relevant de la classe 18, la chambre de recours a relevé qu’ils étaient communément utilisés pour la fabrication d’étuis, de fourreaux et de boîtes, commercialisés par l’intervenante, ou pouvaient être utilisés pour l’emballage et le transport de produits relevant du secteur de la coutellerie, surtout lorsqu’il s’agissait de produits de luxe, destinés à être offerts comme « objets de cadeau ». Elle en a conclu que ces produits étaient complémentaires aux activités de l’intervenante et « se situaient dans le droit fil du développement de sa gamme d’accessoires ».
101 À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, en l’espèce, les « articles cadeaux » font partie des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole uniquement dans la mesure où il s’agit de coutellerie ou de couverts (voir points 71 à 74 ci-dessus). Deuxièmement, le fait que les « cuir et imitation du cuir » peuvent être utilisés comme matières premières pour produire les étuis et fourreaux commercialisés par l’intervenante avec certains de ses couteaux, ne saurait être suffisant pour créer un lien de similitude par rapport aux activités de l’intervenante dans le secteur de la coutellerie, étant donné notamment que les matières premières s’adressent aux producteurs, alors que la coutellerie vise le consommateur final. Troisièmement, s’agissant, en particulier, des « boîtes » prétendument commercialisées par l’intervenante, il convient de rappeler que les pièces sur lesquelles la chambre de recours a fondé ses constatations quant aux activités de l’intervenante à la date du 20 novembre 2001 (voir point 59 ci-dessus) ne font pas état de tels articles et que, en tout état de cause, étant destinées exclusivement à contenir la coutellerie de l’intervenante, elles ne sauraient avoir qu’un caractère accessoire, voire même d’emballage, par rapport aux activités de l’intervenante dans le secteur de la coutellerie.
102 Il s’ensuit que les « cuir et imitation du cuir » et les « malles, mallettes et valises », relevant de la classe 18, ne sont pas similaires aux activités de l’intervenante dans le secteur de la coutellerie.
– Sur les « fournitures scolaires ; crayons, porte-mine, gommes à effacer ; enveloppes ; classeurs ; albums, livres, almanachs, brochures, cahiers, catalogues ; calendriers, lithographies, affiches », relevant de la classe 16
103 S’agissant de ces produits, la chambre de recours a exposé qu’ils étaient habituellement vendus dans des boutiques d’articles d’écriture et seraient utilisés dans le même contexte que les « coupe-papier » de l’intervenante, à savoir pour l’écriture et la lecture, et empiétaient donc sur ce secteur d’activités de l’intervenante. En outre, tous ces produits seraient communément utilisés dans la vie des affaires pour la communication d’une entreprise avec ses clients et ses relations d’affaires, ou notamment offerts comme cadeaux d’entreprise. Dans la mesure où les imprimés désignés par la marque LAGUIOLE seraient susceptibles d’engendrer, en raison de leur contenu, un risque de confusion avec la dénomination sociale Forge de Laguiole, ladite marque devrait être annulée.
104 À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours, le rapport desdits produits avec les « coupe-papier » commercialisés par l’intervenante est trop faible pour pouvoir donner lieu à une similitude. En effet, d’une part, le seul lien constitué par l’identité partielle des points de vente n’est pas suffisant pour rendre les coupe-papier similaires à un ensemble de produits relevant plutôt du secteur de la papeterie, étant donné que les boutiques d’articles d’écriture offrent en général une grande variété de produits différents, s’adressant à un public non spécialisé. D’autre part, l’utilisation des coupe-papier commercialisés par l’intervenante sera normalement limitée à ouvrir des enveloppes. Cela ne peut donc donner lieu qu’à un faible lien de similitude, en raison d’un usage complémentaire, avec les « enveloppes », mais non avec les autres produits cités au point 103 ci-dessus. Deuxièmement, le seul fait que tous ces produits soient communément utilisés dans la communication d’une entreprise avec ses clients et autres relations d’affaires ou offerts en tant que cadeaux d’entreprise n’engendre aucune similitude avec les activités de l’intervenante dans le secteur de la coutellerie, étant donné que, par leur destination, ils diffèrent totalement desdites activités. Troisièmement, l’affirmation de la chambre de recours quant au risque de confusion susceptible d’être engendré par les imprimés désignés par la marque LAGUIOLE sera traitée au point 166 ci-après, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.
– Sur différents produits qualifiés d’« articles de cadeau », relevant des classes 14, 18 et 20
105 En ce qui concerne les « articles de bijouterie, joaillerie ; coffrets à bijoux en métaux précieux ; instruments chronométriques, boutons de manchette, épingles de cravates, épingles de parure, porte-clés ; porte-monnaie en métaux précieux ; montres et bracelets de montres », relevant de la classe 14, les « cannes ; sacs à main ; sacs de plage ; sac, trousses et coffres de voyage ; portefeuilles ; porte-cartes (portefeuilles), porte-documents ; serviettes (maroquinerie) ; étuis pour clés (maroquinerie) ; porte-monnaie non en métaux précieux », relevant de la classe 18, et les « cadres, objets d’art ou d’ornement en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques », relevant de la classe 20, la chambre de recours s’est bornée à la constatation selon laquelle il s’agissait d’« articles de cadeau » très communément présents dans toutes sortes de magasins ou offerts comme cadeaux d’entreprise et à la conclusion qu’ils pouvaient, dès lors, se trouver dans les mêmes établissements que ceux dans lesquels l’intervenante commercialisait ses propres produits.
106 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que l’activité de « fabrication et vente [d’]articles cadeau » de l’intervenante fait partie des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole uniquement dans la mesure où il s’agit de coutellerie ou de couverts (voir points 71 à 74 ci-dessus). Or, les produits cités au point précédent ne relèvent pas de la coutellerie ou des couverts ni ne sont liés à ce domaine. D’autre part, à supposer même que lesdits produits soient vendus en tant que cadeaux dans un même magasin avec la coutellerie commercialisée par l’intervenante, cette circonstance n’est pas de nature à créer une similitude entre eux et ces derniers, étant donné que les magasins de cadeaux offrent une grande variété de produits hétéroclites, s’adressant au grand public.
– Sur les « gants de golf » et « articles de sport », relevant de la classe 28, les « étuis à cigares », relevant de la classe 14, et les « allumettes, briquets pour fumeurs ; boîtes à cigares et à cigarettes non en métaux précieux ; coupe-cigares ; pipes ; cure-pipes », relevant de la classe 34
107 S’agissant des « gants de golf » et « articles de sport », relevant de la classe 28, des « étuis à cigares », relevant de la classe 14, et des « articles pour fumeurs, allumettes, briquets pour fumeurs ; boîtes à cigares et à cigarettes non en métaux précieux ; pipes », relevant de la classe 34, la chambre de recours a considéré qu’ils s’adressaient à la même clientèle, seraient achetés dans les mêmes magasins et seraient utilisés dans le même contexte que certains « articles de cadeau » développés par l’intervenante. Tel serait le cas, par exemple, pour le modèle « Couteau du golfeur », commercialisé par l’intervenante, par rapport aux « gants de golf » ou aux autres « articles de sport », ainsi que pour le modèle « Calumet » (avec lame grattoir, broche et bourre-pipe) et le coupe-cigare, commercialisés par l’intervenante, par rapport aux « étuis à cigares » et aux « allumettes, briquets pour fumeurs, boîtes à cigares et à cigarettes, pipes », désignés par la marque LAGUIOLE.
108 Il suffit de rappeler, à cet égard, que l’activité de « fabrication et vente [d’]articles cadeau » fait partie des secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole uniquement dans la mesure où il s’agit de coutellerie ou de couverts (voir points 71 à 74 ci-dessus), ce qui n’est pas le cas des produits cités au point 107 ci-dessus.
109 Toutefois, les « coupe-cigares » et « cure-pipes », relevant de la classe 34, présentent une similitude par rapport, respectivement, au modèle « coupe-cigare » et au modèle « Calumet » (avec lame grattoir, broche et bourre-pipe), commercialisés par l’intervenante. En effet, même si la commercialisation de ces modèles, en tant que « dérivés » de la coutellerie, ne saurait démontrer une diversification des activités de l’intervenante vers les « produits pour fumeurs » en général, ainsi qu’il a été exposé aux points 65 à 68 et 71 ci-dessus, toujours est-il que, en tant que produits isolés, ils sont identiques, sous l’aspect fonctionnel, aux « coupe-cigares » et « cure-pipes » désignés par la marque LAGUIOLE. Ce fait, outre la commercialisation dans les mêmes magasins, est suffisant pour conclure à une forte similitude.
110 En revanche, les « gants de golf », relevant de la classe 28, ne présentent pas de similitude par rapport au modèle « couteau du Golfeur » (avec relève-pitch) commercialisé par l’intervenante. Certes, ce dernier peut être utilisé conjointement avec les « gants de golf » désignés par la marque LAGUIOLE. Toutefois, il ne s’agit pas là d’un rapport de complémentarité fondant une similitude, étant donné que ces produits peuvent être utilisés séparément et sont normalement conçus indépendamment l’un de l’autre et non en fonction de critères découlant d’un usage conjoint – contrairement à ce qui pourrait être envisagé, à titre d’exemple, pour les gants de golf par rapport à des clubs de golf.
– Sur les services relevant de la classe 38
111 S’agissant des services en matière de « télécommunications » et de secteurs voisins, relevant de la classe 38, la chambre de recours a constaté, au point 114 de la décision attaquée, qu’ils ne présentaient aucune similitude par rapport aux activités de l’intervenante. Cette constatation, favorable au requérant et non contestée par l’intervenante, ne fait en réalité pas partie de l’objet du présent litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de l’examiner.
– Conclusion sur la similitude entre les secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole et par la marque LAGUIOLE
112 En conclusion, il convient de constater, premièrement, une identité, par rapport aux secteurs couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole, pour les « outils et instruments à main entraînes manuellement » et les « cuillers », relevant de la classe 8, ainsi qu’un degré de similitude élevé, par rapport aux activités de l’intervenante, pour les « scies, rasoirs, lames de rasoirs ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, les « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles », relevant de la classe 21, et les « coupe-cigares » et « cure-pipes », relevant de la classe 34.
113 Deuxièmement, il existe une similitude moyenne, par rapport aux secteurs couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole, pour les « trousses de manucure, nécessaires de rasage », relevant de la classe 8, ainsi que pour les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21.
114 Troisièmement, il existe une similitude faible, par rapport aux secteurs couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole, pour les « enveloppes », relevant de la classe 16.
115 Enfin, quatrièmement, il convient de conclure à une absence de similitude, par rapport aux secteurs couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole, pour tous les autres produits et services désignés par la marque LAGUIOLE.
Sur la similitude des signes en conflit
116 La chambre de recours a considéré que le terme « laguiole », quoique descriptif et donc non distinctif pour les couteaux, ainsi qu’il avait été constaté par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 novembre 1999 (G.T.I.-G.I.L. Technologies internationales/Commune de Laguiole et Association Le couteau de Laguiole), était néanmoins l’élément dominant, ou du moins codominant, de la dénomination sociale Forge de Laguiole, même lorsque cette dernière était utilisée pour des couteaux. Dès lors, selon elle, dans une appréciation globale, les signes en conflit présentaient une certaine similitude phonétique, visuelle et conceptuelle, qui ne saurait être contrebalancée par la seule adjonction de l’expression générique « forge de ».
117 Le requérant fait valoir, en substance, que les signes en conflit présentent des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles.
118 L’OHMI soutient que le terme « laguiole » est dominant dans la dénomination sociale Forge de Laguiole, malgré son caractère générique. Étant donné que la marque LAGUIOLE est intégralement reproduite dans ladite dénomination sociale, le degré de similitude entre les deux signes serait élevé.
119 L’intervenante soutient que les signes en conflit présentent des ressemblances sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.
120 À titre liminaire, il convient d’examiner si, ainsi que la chambre de recours, suivie en cela par l’OHMI et l’intervenante, l’a considéré, le terme « laguiole » constitue l’élément dominant de la dénomination sociale Forge de Laguiole, malgré son caractère descriptif, voire générique, pour les couteaux, constaté par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 novembre 1999 (point 116 supra), ainsi que son caractère descriptif du lieu d’établissement et de production de l’intervenante.
121 En premier lieu, il est vrai, ainsi que la chambre de recours l’affirme au point 119 de la décision attaquée, que le caractère descriptif et non distinctif du terme « laguiole » pour des couteaux n’implique pas nécessairement que ce terme est également descriptif et non distinctif pour des produits qui ne sont pas des couteaux.
122 Il convient toutefois de rappeler, à cet égard, que le présent examen du risque de confusion concerne exclusivement les activités de fabrication et de vente de coutellerie et de couverts, ainsi que de cadeaux et de souvenirs, dans la mesure où il s’agit de coutellerie ou de couverts (voir point 74 ci-dessus). En effet, les activités effectivement exercées de l’intervenante se concentrent quasi exclusivement dans le domaine de la coutellerie, à l’inclusion de certains articles incorporant d’autres fonctions, en plus de celles de couteau, et que la commercialisation d’autres produits – en particulier, des couverts – reste accessoire, voire marginale. Cela ressort tant d’un examen des produits figurant dans la liste de prix de l’intervenante au 1er janvier 2001 que de la lecture des différents articles de presse figurant dans le « press-book » produit par l’intervenante – pour autant qu’ils se rapportent clairement à la période antérieure au 20 novembre 2001 – dans lesquels l’intervenante se présente systématiquement comme une coutellerie spécialisée dans la production de couteaux de type « Laguiole », sans que l’exploitation d’autres activités n’y soit mentionnée. S’il est vrai que certains de ces articles évoquent des intentions de diversification des activités de la part des dirigeants de l’intervenante, cette dernière n’a pas démontré, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, que ces intentions aient été mises en œuvre, avant la date du 20 novembre 2001.
123 Dans ces conditions, il convient de conclure que le terme « Laguiole » présente un caractère descriptif, voire générique, pour la totalité des activités de l’intervenante, pertinentes aux fins de l’examen du risque de confusion.
124 En deuxième lieu, il convient d’approuver la chambre de recours en ce qu’elle a rappelé qu’un élément descriptif d’un signe pouvait néanmoins constituer son élément dominant ou codominant, si, par exemple, les autres éléments étaient également descriptifs ou paraissaient tout aussi faibles ou encore plus faibles. À cet égard, il est vrai que l’élément « Forge de » présente lui-même un caractère descriptif, s’agissant des activités dans les secteurs de la coutellerie et des couverts, exercées par l’intervenante. Toutefois, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, cet élément n’est pas « sémantiquement subordonné au nom ‘Laguiole’, qui identifie la forge spécifique dont il s’agit ». En effet, l’élément descriptif du lieu – et des activités exercées – n’est pas prépondérant par rapport à celui descriptif de la nature de l’établissement. Dans ces circonstances, il n’est pas possible d’identifier un élément dominant au sein de la dénomination sociale Forge de Laguiole, entièrement composée d’éléments de nature descriptive, voire générique, par rapport aux activités et/ou au lieu d’établissement de l’intervenante.
125 En troisième lieu, s’agissant de la comparaison visuelle, la dénomination sociale Forge de Laguiole est composée de trois mots formant un ensemble de quinze lettres, alors que la marque LAGUIOLE ne compte que huit lettres. L’élément « laguiole » est certes présent dans chacun des signes en conflit ; toutefois, il se trouve à la fin de ladite dénomination sociale, de sorte que l’élément « forge de » en attaque atténue l’impression visuelle créée par cette identité partielle. Pour cette raison, il convient de conclure à une similitude visuelle moyenne des signes en conflit.
126 En quatrième lieu, sur le plan phonétique, il y a lieu de relever que la dénomination sociale Forge de Laguiole compte cinq, voire six syllabes, alors que la marque LAGUIOLE en compte deux, voire trois, en fonction de la prononciation du terme « laguiole ». S’agissant de l’incidence de l’identité partielle des signes en conflit, les considérations relatives à la similitude visuelle s’appliquent mutatis mutandis et il y a donc lieu de conclure à une similitude phonétique moyenne.
127 En cinquième lieu, concernant la comparaison conceptuelle, la dénomination sociale Forge de Laguiole évoque un atelier situé dans la commune de Laguiole (France), ainsi que le requérant l’a fait valoir à juste titre, mais également et simultanément, un atelier fabriquant des couteaux de type Laguiole. La marque LAGUIOLE, quant à elle, évoque tant ladite commune que le couteau de type Laguiole. Partant, la chambre de recours a constaté à bon droit que, dans la mesure où les signes en conflit faisaient référence aux mêmes concepts, à savoir la ville ou le couteau, ils étaient similaires sur le plan conceptuel. Le Tribunal considère même que le degré de similitude conceptuelle doit être qualifié d’élevé.
Sur le caractère distinctif élevé de la dénomination sociale Forge de Laguiole en raison de la connaissance qu’en a le public
128 La chambre de recours a considéré, au point 130 de la décision attaquée, que la dénomination sociale Forge de Laguiole possédait un pouvoir distinctif fort en raison du prestige, voire de la réputation dont jouissait l’intervenante en France et à l’étranger pour la qualité de ses couteaux.
129 Le requérant considère que rien dans le dossier ne démontre la prétendue notoriété de la dénomination sociale Forge de Laguiole et que c’est le couteau de type Laguiole qui est réputé et non l’appellation « Forge de Laguiole ».
130 L’OHMI soutient que la dénomination sociale Forge de Laguiole a acquis une réputation dans le domaine de la coutellerie et l’intervenante affirme qu’elle jouit d’une très grande notoriété en France et à l’étranger.
131 À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit des marques français est régi par les directives rapprochant les législations des États membres sur les marques [Première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), remplacée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25)]. Par conséquent, le principe selon lequel le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important et selon lequel, dès lors, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, par exemple en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 20), est également applicable en droit français des marques. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, ce principe est également appliqué en droit français lorsqu’il s’agit d’apprécier le risque de confusion par rapport à une dénomination sociale, et ce dès avant l’entrée en vigueur des directives rapprochant les législations des États membres sur les marques.
132 Ainsi, il convient de considérer que l’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une dénomination sociale sur le marché, suppose nécessairement que cette dénomination sociale soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la dénomination sociale dans les milieux concernés, qu’elle a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une dénomination sociale et du caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la dénomination sociale est connue du public ciblé, plus son caractère distinctif est renforcé. Pour examiner si une dénomination sociale jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la société en cause, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la dénomination sociale ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir, par analogie, arrêt VITACOAT, point 23 supra, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).
133 Dans ces conditions, pour démontrer en l’espèce la connaissance par le public de la dénomination sociale Forge de Laguiole, il est nécessaire de prouver qu’une partie substantielle du public pertinent – à savoir le consommateur moyen français – connaît ladite dénomination sociale.
134 Pour constater le pouvoir distinctif fort de la dénomination sociale Forge de Laguiole, en raison du prestige et de la réputation dont l’intervenante jouissait prétendument en France, la chambre de recours s’est fondée sur des éléments du dossier de procédure devant elle, exposés aux points 63 à 66 de la décision attaquée.
135 Il s’agit, en premier lieu, d’un article paru dans une revue économique française, en octobre 2004, et intitulé « Laguiole – Une production traditionnelle devenue tendance ».
136 À cet égard, il suffit de rappeler que le moment pertinent pour l’appréciation de la connaissance par le public de la dénomination sociale Forge de Laguiole est la date de l’introduction de la demande de la marque LAGUIOLE, à savoir le 20 novembre 2001. Or, l’article en cause, datant de 2004, ne contient aucune information permettant de démontrer que ladite dénomination sociale bénéficiait d’une connaissance particulière par le public avant la date du 20 novembre 2001.
137 En deuxième lieu, la chambre de recours se réfère à une lettre du 9 mars 1999, erronément désignée comme datant du 20 mars 1999. Dans cette lettre, le gérant de l’intervenante confirme un « accord de réalisation d’un nouveau moule permettant une production plus importante et des pièces de meilleure qualité », en précisant les conditions financières.
138 D’une part, il convient de relever que le destinataire de la lettre du 9 mars 1999 n’est pas clairement identifié. D’autre part, dans la mesure où la chambre de recours a fait référence à cette lettre pour étayer sa constatation selon laquelle l’intervenante avait engagé une collaboration avec un restaurateur connu, il y a lieu de constater qu’il n’y figure que la mention d’une réunion « en présence de Messieurs [B. et C.] », ce qui ne suffit pas pour identifier le restaurateur en question ni pour attester de la collaboration effective de celui-ci avec l’intervenante ou de la forme de cette collaboration.
139 Par conséquent, la lettre du 9 mars 1999 ne saurait servir à démontrer, fut-ce de manière indirecte, la connaissance par le public de la dénomination sociale Forge de Laguiole.
140 En troisième lieu, la chambre de recours affirme, au point 65 de la décision attaquée, que les produits de l’intervenante ont obtenu de nombreux prix et distinctions au niveau européen et au niveau international en 1992 et en 1996. En réponse à une question écrite du Tribunal, l’OHMI a indiqué que la chambre de recours s’était fondée, à cet égard, sur les mentions figurant dans l’article mentionné au point 135 ci-dessus, sur une présentation de « la stratégie de la création » de l’intervenante, tirée en 2005 de son site Internet (page 234 du dossier de procédure devant l’OHMI), et d’autres publications concernant l’intervenante (page 169 du dossier de procédure devant l’OHMI).
141 La page 169 du dossier de procédure devant l’OHMI contient un extrait d’un article non daté en italien qui mentionne le fait que le couteau conçu par un créateur célèbre fait partie de la collection de design du Musée d’art moderne de New York (MoMA), et que le modèle « Sommelier » a obtenu le prix « Design plus » de l’exposition « Ambiente » de Francfort en 1996.
142 La liste la plus complète des prix et distinctions se trouve sur l’extrait du site Internet figurant à la page 234 du dossier de procédure devant l’OHMI, qui mentionne, outre le couteau figurant au MoMA et le prix « Design plus » de 1996, le « Grand prix français de l’objet design » en 1991 (sans mentionner clairement pour quel objet il aurait été décerné), le « Blade Magazine Award » 1992 pour un modèle créé par un architecte connu et le Prix européen du Design 1992 « pour [l]a démarche créative » de l’intervenante, tous également cités dans la décision attaquée.
143 Le Tribunal considère que ces prix et distinctions constituent un indice de la connaissance par le public des produits de l’intervenante et, partant, de celle de sa dénomination sociale, puisque l’attribution de prix et de distinctions à une entreprise pour ses produits est susceptible d’attirer l’attention du grand public sur cette entreprise. Toutefois, il convient également de tenir compte du fait que la publicité générée par de tels prix reste limitée à un public particulièrement intéressé par le design et que son impact sur le grand public français, seul pertinent en l’espèce (voir point 77 ci-dessus), est limité. Cette observation vaut à plus forte raison pour le « Blade Magazine Award », décerné par un magazine spécialisé aux États-Unis et qui ne sera connu que par des consommateurs français spécialement intéressés par la collection de couteaux.
144 En quatrième lieu, la chambre de recours renvoie au « catalogue » figurant à la « pièce 21 » produite par l’intervenante devant l’OHMI, en tant que preuve du fait que l’intervenante a développé des efforts constants pour se différencier par la qualité et l’image de ses produits, notamment par l’engagement de personnel hautement qualifié et par des collaborations avec des dessinateurs et des créateurs prestigieux. Ladite pièce fait effectivement mention de modèles dessinés par ou créés en coopération avec deux partenaires connus.
145 Or, il ressort du dossier, ainsi que de la réponse de l’intervenante à une question écrite du Tribunal, que la « pièce 21 » regroupe en fait trois documents différents, à savoir un prospectus diffusé à partir de 1997, un document promotionnel diffusé à partir de 2004 et un catalogue diffusé en 2000.
146 Étant donné qu’une référence à un restaurateur connu se trouve uniquement dans le document promotionnel de 2004 et non dans les deux autres documents, cette référence ne saurait servir à démontrer l’existence d’une collaboration avec lui à la date du 20 novembre 2001.
147 En revanche, les références à un créateur célèbre se trouvent dans le catalogue de 2000, qui atteste donc d’une collaboration avec lui avant la date du 20 novembre 2001. Par ailleurs, il ressort des éléments examinés au point 143 ci-dessus qu’une coopération a eu lieu, avant cette date, avec un architecte connu.
148 Il convient de considérer que ces collaborations avec des partenaires disposant eux-mêmes d’un certain prestige et d’une réputation sont susceptibles de faire bénéficier l’intervenante et sa dénomination sociale, sous laquelle ces produits sont commercialisés, de l’attention au moins de la partie du public qui connaît les partenaires en cause. Néanmoins, cette circonstance ne suffit pas pour démontrer que ladite dénomination sociale était connue par le grand public en général.
149 En cinquième lieu, la chambre de recours cite un article paru dans une revue française en décembre 1999, intitulé « Péril sur le mythe du couteau Laguiole ».
150 La chambre de recours a considéré que cet article était « particulièrement éloquent à propos de la réputation acquise par la dénomination [sociale] Forge de Laguiole avant le dépôt [de la marque LAGUIOLE] », puisqu’il y était conseillé, pour choisir un couteau Laguiole, de se fier à la marque. L’article cite ensuite trois « marques » comme étant les plus réputées, parmi lesquelles la dénomination sociale de l’intervenante dont il esquisse ensuite brièvement l’histoire et le développement.
151 Il y a lieu de constater que cet article constitue certes un indice de la connaissance par le public de la dénomination sociale Forge de Laguiole, mais ne suffit pas, à lui seul, pour la démontrer. En effet, il convient de tenir compte du fait que cet article ne fait que citer l’intervenante, avec deux autres producteurs, comme étant plus réputée que d’autres. Cependant, cet avis émis par l’auteur de l’article ne permet pas, sans plus, de tirer de conclusions sur le degré de connaissance par le grand public de ladite dénomination sociale en l’absence, notamment, d’indications sur le tirage et la distribution de la revue dans laquelle il est paru.
152 En sixième lieu, la chambre de recours cite un article paru dans une revue française gratuite, en février 1999, et intitulé « L’Aveyron : un terroir en ébullition », où il serait affirmé que « le Laguiole, made in Laguiole, dont le marché a été multiplié par vingt, commence à se tailler une belle réputation à l’étranger ».
153 Il convient de relever, à cet égard, premièrement, que la phrase en cause, citée de manière incomplète par la chambre de recours, est en réalité libellée comme suit : « Le Laguiole ‘made in Laguiole’, dont le marché a été multiplié par vingt avec l’émergence de petits ateliers locaux, commence à se tailler une belle réputation à l’étranger. » Il en découle que, si l’intervenante est expressément présentée dans cet article, la phrase rapportée par la chambre de recours concerne néanmoins la totalité de la production de couteaux dans la commune de Laguiole et non seulement les produits de l’intervenante. Deuxièmement, la phrase en cause se prononce sur la réputation à l’étranger des couteaux fabriqués dans ladite commune et non sur la connaissance par le public français de la dénomination sociale Forge de Laguiole, qui seule est pertinente en l’espèce (voir point 133 ci-dessus).
154 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’article en cause constitue surtout un indice de la réputation des couteaux de type Laguiole, fabriqués « sur place » – encore convient-il de tenir compte du fait, constaté par la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, que les couteaux de ce type sont également fabriqués, de longue date et de manière traditionnelle, dans la commune de Thiers (France) – et, dans une moindre mesure, de la dénomination sociale Forge de Laguiole.
155 En conclusion, il convient de constater que les pièces mises en avant par la chambre de recours font certes apparaître certains efforts publicitaires et de communication de la part de l’intervenante pour se faire connaître, auprès du grand public français, et pour se démarquer de ses concurrents par une image de qualité ou de luxe. Étant donné que ces efforts ont été maintenus sur plusieurs années, il ne semble pas exclu que la dénomination sociale Forge de Laguiole puisse avoir acquis une certaine connaissance auprès du public, dans le domaine des couteaux de type Laguiole.
156 Néanmoins, il convient également de tenir compte du fait que certains des éléments sur lesquels la chambre de recours s’est fondée concernent les couteaux de type Laguiole en général plutôt que la dénomination sociale de l’intervenante.
157 En outre, les articles de presse auxquels la chambre de recours s’est référée comme indices de la connaissance par le public de la dénomination sociale Forge de Laguiole concernent soit des médias spécialisés – tels que l’article mentionné au point 135 ci-dessus, qui s’adresse à des professionnels de la gestion d’entreprise, et le « Blade Magazine », qui s’adresse à des collectionneurs de couteaux essentiellement américains –, soit des médias dont l’étendue de la diffusion n’est pas démontrée – tel que l’article mentionné au point 150 ci-dessus –, soit encore des magazines à caractère essentiellement publicitaire qui, de ce fait, sont moins susceptibles de retenir l’attention du lecteur – tel que l’article mentionné au point 153 ci-dessus. Cette circonstance distingue d’ailleurs la présente affaire de celle ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 16 décembre 2010, Rubinstein et L’Oréal/OHMI – Allergan (BOTOLIST et BOTOCYL), T‑345/08 et T‑357/08, non publié au Recueil, invoqué par l’OHMI dans le cadre de sa réponse aux questions écrites du Tribunal. En effet, s’il est vrai que, aux points 50 à 53 de cet arrêt, le Tribunal s’est fondé sur des articles de presse pour établir l’existence d’une large couverture médiatique du produit en cause, toujours est-il qu’il s’agissait de médias à grande diffusion et bénéficiant d’une réputation à l’échelle internationale.
158 Dès lors, si les éléments pris en compte par la chambre de recours constituent certes des indices d’une certaine connaissance auprès du public de la dénomination sociale Forge de Laguiole, ils ne suffisent pas à démontrer cette dernière avec certitude. Il convient de souligner, à cet égard, que ce n’est pas l’effort publicitaire de l’intervenante, afin d’augmenter sa notoriété auprès du public, qui est déterminant en fin de compte, mais bien la connaissance effective du public qui résulte de cet effort, mesuré par le biais des critères énoncés par la jurisprudence VITACOAT, citée au point 132 ci-dessus.
159 Or, la décision attaquée ne contient aucune indication démontrant l’existence, en l’espèce, de ces critères, en particulier, quant à la partie du public français qui aurait connaissance de la dénomination sociale Forge de Laguiole, quant à la part de marché détenue par l’intervenante sur le marché de la coutellerie en général ou sur celui, plus restreint, des couteaux de type Laguiole, quant à l’importance des investissements réalisés par l’intervenante pour promouvoir la connaissance de sa dénomination sociale auprès du public, quant à la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant de l’intervenante grâce à sa dénomination sociale ou quant à des déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles indépendantes de l’intervenante. De telles indications ne ressortent pas non plus des autres pièces du dossier ni, en particulier, des éléments soumis par l’intervenante.
160 Dans ces circonstances, c’est de manière erronée que la chambre de recours a considéré que, à la date du 20 novembre 2001, la dénomination sociale Forge de Laguiole avait acquis, pour les couteaux, un caractère distinctif supérieur à la norme en raison de la connaissance qu’en avait le public français.
Conclusion sur le risque de confusion
161 En conclusion, les signes en conflit présentent une certaine similitude sur les plans visuel et phonétique et une similitude élevée au niveau conceptuel. Il convient de tenir compte du fait que la dénomination sociale Forge de Laguiole présente un caractère distinctif intrinsèque faible, puisqu’elle est composée exclusivement d’éléments descriptifs des activités de l’intervenante. Ce caractère distinctif faible n’est pas contrebalancé par une connaissance acquise auprès du public concerné.
162 Eu égard à l’identité, par rapport aux activités de l’intervenante, des « outils et instruments à main entraînés manuellement » et des « cuillers », relevant de la classe 8, ainsi qu’au degré élevé de similitude, par rapport aux activités de l’intervenante, des « scies, rasoirs, lames de rasoirs ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, les « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles », relevant de la classe 21, et les « coupe-cigares » et « cure-pipes », relevant de la classe 34, désignés par la marque LAGUIOLE, il convient de constater qu’il existe un risque de confusion entre cette dernière et la dénomination sociale Forge de Laguiole, puisque le public concerné pourrait croire que ces produits ont la même origine commerciale que la coutellerie et les couverts commercialisés par l’intervenante.
163 De même, eu égard au degré moyen de similitude, par rapport aux activités de l’intervenante, des « trousses de manucure, nécessaires de rasage », relevant de la classe 8, ainsi que des « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, désignés par la marque LAGUIOLE, il convient de constater qu’il existe un risque de confusion entre cette dernière et la dénomination sociale Forge de Laguiole, puisque le public concerné pourrait croire que ces produits ont la même origine commerciale que la coutellerie et les couverts commercialisés par l’intervenante.
164 En revanche, étant donné le degré faible de similitude, par rapport aux activités de l’intervenante, des « enveloppes », relevant de la classe 16, désignées par la marque LAGUIOLE, il convient de constater qu’il n’existe pas de risque de confusion à cet égard, puisque le public concerné ne pensera pas que ces produits puissent avoir la même origine commerciale que la coutellerie ou les couverts commercialisés par l’intervenante.
165 De même, étant donné l’absence de similitude, par rapport aux activités de l’intervenante, pour tous les autres produits et services désignés par la marque LAGUIOLE, il convient de constater qu’il n’existe pas de risque de confusion à cet égard. En particulier, c’est de manière erronée que la chambre de recours a constaté, au point 111 de la décision attaquée, que les imprimés (albums, livres, almanachs, brochures, catalogues, calendriers, lithographies, affiches, relevant de la classe 16), désignés par ladite marque, étaient susceptibles d’engendrer, « en raison de leur contenu », un risque de confusion avec la dénomination sociale Forge de Laguiole. En effet, il n’apparaît pas comment des « imprimés » désignés par cette marque, quels que soient leur nature et leur contenu, pourraient être susceptibles de créer l’impression, auprès du public concerné, d’avoir la même origine commerciale que la coutellerie et les couverts commercialisés par l’intervenante, mis à part dans l’hypothèse où de tels imprimés auraient pour sujet spécifiquement les produits de l’intervenante. Or, un tel cas de figure spécifique et exceptionnel ne saurait fonder un risque de confusion à l’égard de toute une catégorie de produits. Dans l’alternative, la désignation d’« imprimés » par une marque présentant des similitudes avec une autre devrait être considérée comme présentant un risque de confusion par rapport à n’importe quel produit désigné par cette autre marque.
166 Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le moyen unique et d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a constaté un risque de confusion, entre la dénomination sociale Forge de Laguiole et la marque LAGUIOLE, pour les produits autres que les « outils et instruments à main entraînés manuellement ; cuillers ; scies, rasoirs, lames de rasoirs ; nécessaires de rasage ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles ; trousses de manucure », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, les « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles » et les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, et les « coupe-cigares » et « cure-pipes », relevant de la classe 34.
167 Pour le surplus, il convient de rejeter le recours.
Sur les dépens
168 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 3, premier alinéa, du même article, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
169 En l’espèce, l’OHMI et l’intervenante succombent partiellement, dans la mesure où il y a lieu d’annuler partiellement la décision attaquée, conformément aux conclusions du requérant. Cependant, le requérant n’a pas conclu à la condamnation aux dépens de l’OHMI, mais à celle de l’intervenante.
170 Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner l’intervenante à supporter un quart des dépens du requérant, ainsi que trois quarts de ses propres dépens. Le requérant supportera un quart des dépens respectifs de l’intervenante et de l’OHMI, ainsi que trois quarts de ses propres dépens. Enfin, l’OHMI supportera les trois quarts de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 1er juin 2011 (affaire R 181/2007‑1) est annulée dans la mesure où elle déclare la nullité de la marque communautaire verbale LAGUIOLE, pour les produits autres que les « outils et instruments à main entraînés manuellement ; cuillers ; scies, rasoirs, lames de rasoirs ; nécessaires de rasage ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles ; trousses de manucure », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, les « tire-bouchons ; ouvre-bouteilles » et les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, et les « coupe-cigares » et « cure-pipes », relevant de la classe 34.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Forge de Laguiole SARL supportera un quart des dépens du requérant, ainsi que trois quarts de ses propres dépens.
4) M. Gilbert Szajner supportera un quart des dépens de la Forge de Laguiole et un quart des dépens de l’OHMI, ainsi que trois quarts de ses propres dépens.
5) L’OHMI supportera les trois quarts de ses propres dépens.
Kanninen | Pelikánová | Buttigieg |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 octobre 2014.
Signatures |
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
1. Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal
2. Sur le fond
Sur l’étendue de la protection conférée par la dénomination sociale Forge de Laguiole
Sur les activités effectivement exercées par l’intervenante avant la date de dépôt de la marque LAGUIOLE
Sur le risque de confusion
Sur la similitude entre les secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole et par la marque LAGUIOLE
– Sur le rapport entre les « scies, rasoirs, lames de rasoirs ; limes et pinces à ongles, coupe-ongles », ainsi que les « trousses de manucure, nécessaires de rasage », relevant de la classe 8, les « coupe-papier », relevant de la classe 16, et les « blaireaux à barbes, nécessaires de toilettes », relevant de la classe 21, et les activités de l’intervenante
– Sur les « outils et instruments à main entraînés manuellement » et les « tournevis », relevant de la classe 8
– Sur les « cuillers », relevant de la classe 8
– Sur les « ustensiles pour la cuisine et la vaisselle en verre, porcelaine, et faïence ; vaisselle non en métaux précieux ; tire-bouchons ; ouvre-bouteilles, boîtes en métal pour la distribution des serviettes en papier ; sabliers », relevant de la classe 21, et les « ustensiles et récipients pour le ménage et la cuisine en métaux précieux ; vaisselle en métaux précieux », relevant de la classe 14
– Sur les « métaux précieux et leurs alliages », les « pierres précieuses » et les « boîtes, bougeoirs », relevant de la classe 14
– Sur les « cuir et imitation du cuir » et les « malles, mallettes et valises », relevant de la classe 18, ainsi que les « boîtes »
– Sur les « fournitures scolaires ; crayons, porte-mine, gommes à effacer ; enveloppes ; classeurs ; albums, livres, almanachs, brochures, cahiers, catalogues ; calendriers, lithographies, affiches », relevant de la classe 16
– Sur différents produits qualifiés d’« articles de cadeau », relevant des classes 14, 18 et 20
– Sur les « gants de golf » et « articles de sport », relevant de la classe 28, les « étuis à cigares », relevant de la classe 14, et les « allumettes, briquets pour fumeurs ; boîtes à cigares et à cigarettes non en métaux précieux ; coupe-cigares ; pipes ; cure-pipes », relevant de la classe 34
– Sur les services relevant de la classe 38
– Conclusion sur la similitude entre les secteurs économiques couverts par la dénomination sociale Forge de Laguiole et par la marque LAGUIOLE
Sur la similitude des signes en conflit
Sur le caractère distinctif élevé de la dénomination sociale Forge de Laguiole en raison de la connaissance qu’en a le public
Conclusion sur le risque de confusion
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
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