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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> DTS Distribuidora de Television Digital v Commission (Judgment of the Court of First Instance) (French Text) [2014] EUECJ T-533/10 (11 July 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/T53310.html Cite as: ECLI:EU:T:2014:629, [2014] EUECJ T-533/10, EU:T:2014:629 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
11 juillet 2014 (*)
« Aides d’État – Service public de radiodiffusion – Aide envisagée par l’Espagne en faveur de la RTVE – Modification du système de financement – Remplacement des revenus de la publicité par de nouvelles taxes sur les opérateurs de télévision et de télécommunications – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Mesure fiscale constituant le mode de financement de l’aide – Existence d’un lien d’affectation nécessaire entre la taxe et l’aide – Influence directe du produit de la taxe sur l’importance de l’aide – Proportionnalité »
Dans l’affaire T-533/10,
DTS Distribuidora de Televisión Digital, SA, établie à Tres Cantos (Espagne), représentée par Mes H. Brokelmann et M. Ganino, avocats,
partie requérante,
soutenue par
Telefónica de España, SA, établie à Madrid (Espagne),
Telefónica Móviles España, SA, établie à Madrid,
représentées par Mes F. González Díaz et F. Salerno, avocats,
parties intervenantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Valero Jordana et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Royaume d’Espagne, représenté initialement par MM. J. Rodríguez Cárcamo et M. Muñoz Pérez, puis par M. Muñoz Pérez, puis par Mmes S. Centeno Huerta et N. Díaz Abad, puis par Mme Díaz Abad et enfin par M. M. Sampol Pucurull, abogados del Estado,
et par
Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), établie à Madrid, représentée par Mes A. Martínez Sánchez et J. Rodríguez Ordóñez, avocats,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/1/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/09) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public espagnol de radiodiffusion (RTVE) (JO 2011, L 1, p 9),
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,
greffier : Mme T. Weiler, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 octobre 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par le présent recours, la requérante, DTS Distribuidora de Televisión Digital, SA, demande l’annulation de la décision 2011/1/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/09) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public espagnol de radiodiffusion (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9, ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a constaté que le système de financement de la Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), modifié par le Royaume d’Espagne par la Ley 8/2009, de 28 de agosto, de financiación de la Corporación de Radio y Televisión Española (loi n° 8/2009, du 28 août 2009, relative au financement de la RTVE, BOE n° 210, du 31 août 2009, p. 74003, ci-après la « loi n° 8/2009 »), portant modification de la Ley 17/2006, de 5 de junio, de la radio y la televisión de titularidad estatal (loi n° 17/2006, du 5 juin 2006, relative à la radio et à la télévision publiques, BOE n° 134, du 6 juin 2006, p. 21270, ci-après la « loi n° 17/2006 »), était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.
Antécédents du litige et décision attaquée
2 La requérante est une société spécialisée dans la gestion et l’exploitation, sur le marché espagnol, d’une plateforme payante de télévision numérique par satellite (Digital +) ainsi que dans la mise au point de chaînes thématiques.
3 La RTVE est l’organisme public de radiodiffusion et de télédiffusion espagnol, qui a été investi d’une mission de service public dans ces domaines par la loi n° 17/2006.
4 La loi n° 17/2006 prévoyait un régime de financement mixte de la RTVE. En vertu de cette loi, d’une part, la RTVE disposait de recettes provenant de ses activités commerciales, notamment de la vente d’espaces publicitaires. D’autre part, elle recevait une compensation de l’État espagnol pour l’accomplissement de la mission de service public. Ce système de financement (ci-après le « régime de financement existant de la RTVE ») a été approuvé par la Commission des Communautés européennes dans ses décisions C (2005) 1163 final, du 20 avril 2005, relative à une aide d’État en faveur de la RTVE (E 8/05) (résumé au JO 2006, C 239, p. 17), et C (2007) 641 final, du 7 mars 2007, relative au financement de mesures de réduction des effectifs à la RTVE (NN 8/07) (résumé au JO 2007, C 109, p. 2).
5 Le 22 juin 2009, la Commission a été saisie d’une plainte relative au projet de loi ayant donné lieu à la loi n° 8/2009. Le 5 août 2009, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne de lui fournir des renseignements sur ce projet de loi.
6 La loi n° 8/2009, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2009, a modifié le régime de financement existant de la RTVE.
7 Tout d’abord, la loi n° 8/2009 prévoyait que, à compter de la fin 2009, la publicité, le télé-achat, le soutien financier et les services d’accès ne constituaient plus des sources de financement pour la RTVE. Les seules recettes commerciales dont la RTVE continuait à disposer après cette date étaient celles provenant de la prestation de services à des tiers ainsi que de la vente de ses propres productions [article 2, paragraphe 1, sous e), de la loi n° 8/2009]. Ces recettes se limitaient à un montant de près de 25 millions d’euros (considérant 9 de la décision attaquée).
8 Ensuite, afin de compenser la perte des autres recettes commerciales, la loi n° 8/2009 a introduit ou modifié, à son article 2, paragraphe 1, sous b) à d), et à ses articles 4 à 6, les trois mesures fiscales suivantes :
– une nouvelle taxe de 3 % sur les recettes des opérateurs de télévision gratuite et de 1,5 % sur les recettes des opérateurs de télévision payante établis en Espagne ; la contribution de cette taxe au budget de la RTVE ne pouvant dépasser 15 % (en ce qui concerne la télévision en libre accès) et 20 % (en ce qui concerne la télévision payante) de l’aide totale destinée chaque année à la RTVE et toute recette fiscale supérieure étant versée au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous d), et article 6 de la loi n° 8/2009] ;
– une nouvelle taxe de 0,9 % sur les recettes brutes d’exploitation (à l’exclusion des recettes obtenues sur le marché de gros en cause) des opérateurs de services de télécommunication établis en Espagne, inscrits au registre des opérateurs de la commission du marché des télécommunications et ayant une couverture géographique correspondant au territoire de l’État espagnol ou supérieure à celle d’une communauté autonome, fournissant des services audiovisuels ou tout autre type de service comportant de la publicité, pour l’un des services suivants : service de téléphonie fixe, service de téléphonie portable et fournisseur d’accès à Internet ; la contribution à l’aide totale destinée chaque année à la RTVE ne pouvant être supérieure à 25 % et toute recette fiscale supérieure à ce pourcentage étant versée au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous c), et article 5 de la loi n° 8/2009] ;
– un pourcentage de 80 %, jusqu’à un montant maximal de 330 millions d’euros, du rendement de la taxe existante sur l’utilisation du spectre radioélectrique, le reste étant versé au budget général de l’État espagnol et ce pourcentage pouvant être modifié dans le respect des lois relatives au budget général de l’État espagnol [article 2, paragraphe 1, sous b), et article 4 de la loi n° 8/2009].
9 Par ailleurs, la compensation pour l’accomplissement des obligations de service public, prévue par la loi n° 17/2006, a été maintenue [article 2, paragraphe 1, sous a), de la loi n° 8/2009]. Ainsi, si les sources de financement susmentionnées [et quelques autres sources sans grande importance prévues à l’article 2, paragraphe 1, sous f) à i), de la loi n° 8/2009] ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE pour l’accomplissement des obligations de service public, l’État espagnol était obligé, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 et de l’article 33 de la loi n° 17/2006, de combler cet écart. Partant, le système de financement mixte de la RTVE se trouvait transformé en un système de financement quasi uniquement public (ci-après le « régime de financement quasi uniquement public »).
10 Enfin, l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoyait un plafond pour les recettes de la RTVE. Au cours des deux années 2010 et 2011, le total desdites recettes ne pouvait pas dépasser 1 200 millions d’euros par an, ce qui correspondait également au plafond de ses dépenses pour chaque exercice. Pendant les trois années 2012 à 2014, l’augmentation maximale de ce montant était fixée à 1 % et, pour les années suivantes, la hausse était déterminée par l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation.
11 La loi n° 8/2009 a modifié également la définition de la mission de service public de radiodiffusion dont la RTVE était investie. Notamment, elle a établi des obligations supplémentaires pour la RTVE relatives à la programmation pour enfants. Par ailleurs, elle a prévu des limites pour l’acquisition de droits de retransmission d’évènements sportifs ainsi que pour la diffusion de films réalisés par de grandes sociétés internationales de production cinématographique aux heures de grande audience.
12 Le 2 décembre 2009, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108 TFUE concernant la modification du régime de financement de la RTVE (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ») (résumé au JO 2010, C 8, p. 31). Elle a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.
13 Le 18 mars 2010, la Commission a ouvert la procédure de manquement d’État prévue à l’article 258 TFUE, considérant que la taxe imposée sur les communications électroniques était contraire à l’article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO L 108, p. 21). Le 30 septembre 2010, dans un avis motivé, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne d’éliminer cette taxe en raison de son incompatibilité avec ladite directive.
14 Le 20 juillet 2010, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a déclaré que la modification du système de financement de la RTVE prévue par la loi n° 8/2009 était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Elle s’est fondée notamment sur la constatation que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante des nouveaux éléments d’aide prévus par cette loi et qu’une éventuelle incompatibilité de ces mesures fiscales avec la directive autorisation n’affectait donc pas l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Par ailleurs, elle a considéré que le régime financier modifié de la RTVE était conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, puisqu’il était proportionnel.
Procédure devant le Tribunal
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.
16 Par deux actes séparés déposés au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a sollicité, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision attaquée en vertu de l’article 278 TFUE et, d’autre part, une demande de procédure accélérée, sur le fondement de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.
17 La demande de procédure accélérée a été rejetée par décision du Tribunal du 18 janvier 2011.
18 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2011, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission.
19 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2011, la RTVE a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission.
20 Par ordonnances des 21 et 23 mars 2011, le Royaume d’Espagne et la RTVE, respectivement, ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
21 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2011, Telefónica de España, SA et Telefónica Móviles España, SA ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la requérante.
22 Par ordonnance du 28 juin 2011, Telefónica de España et Telefónica Móviles España ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.
23 Par ordonnance du président du Tribunal du 9 juin 2011, la demande en référé a été rejetée et les dépens de cette procédure ont été réservés.
24 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 15 octobre 2013.
25 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens de la présente procédure ;
– condamner la RTVE aux dépens ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
26 Telefónica de España et Telefónica Móviles España concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– faire droit aux prétentions de la requérante et, par conséquent, annuler la décision attaquée ;
– en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.
27 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours partiellement irrecevable ;
– en tout état de cause, rejeter le recours comme étant dénué de fondement ;
– condamner la requérante aux dépens ;
– condamner Telefónica de España et Telefónica Móviles España aux dépens.
28 Le Royaume d’Espagne et la RTVE concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours partiellement irrecevable ;
– en tout état de cause, rejeter le recours ;
– en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens.
En droit
29 Le recours est fondé sur trois moyens, tirés, premièrement, d’une erreur concernant la notion d’aide, deuxièmement, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et, troisièmement, d’une violation des articles 49 TFUE et 63 TFUE.
1. Sur la recevabilité du recours
30 Le Royaume d’Espagne soutient que le recours est irrecevable, la requérante n’ayant pas de qualité pour agir. Son recours viserait le bien-fondé de la décision attaquée. La requérante devrait donc être individuellement concernée par la décision attaquée. Or, sa position sur le marché ne serait pas substantiellement affectée par la loi n° 8/2009.
31 Par ailleurs, la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, avance que le recours est partiellement irrecevable. La requérante disposerait uniquement d’un intérêt à agir pour sa demande d’annulation en ce qui concerne les éléments de la décision attaquée qui seraient liés aux apports devant être effectués par elle, à savoir les apports qu’elle devrait effectuer en tant qu’opératrice de télévision payante par satellite. En revanche, elle n’aurait pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle concernerait soit des apports qu’elle devrait payer de toute façon, indépendamment de l’affectation des montants, soit des apports qu’elle ne devrait pas payer. Chacun des apports prévus respectivement aux articles 4 à 6 de la loi n° 8/2009 serait dissociable des autres apports. L’annulation de l’un d’entre eux n’aurait donc pas d’incidence sur les autres apports.
32 La requérante conteste ces arguments.
33 À cet égard, il suffit de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C-23/00 P, Rec. p. I-1873, points 51 et 52).
34 Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée la conclusion en annulation de la requérante, sans statuer préalablement sur la recevabilité du recours, celui-ci étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.
2. Sur le fond
35 Il convient d’examiner, tout d’abord, le premier moyen, tiré d’une erreur concernant la notion d’aide, ensuite, le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 49 TFUE et 64 TFUE, et, enfin, le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de la notion d’aide au sens de l’article 107 TFUE en ce qui concerne la dissociabilité des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009
36 Le premier moyen vise les motifs figurant aux considérants 61 à 66 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a constaté que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de la mesure d’aide introduite par celle-ci.
37 Au considérant 61, la Commission a retenu que, selon la loi n° 8/2009, le passage d’un régime de financement mixte de la RTVE à un régime de financement quasi uniquement public était accompagné de l’introduction ou de la modification de trois mesures fiscales, dont l’objectif était de prélever les recettes nécessaires. Au considérant 62, elle a rappelé que, dans le cas où une taxe fait partie intégrante de l’aide, elle devait prendre en compte le mode de financement de l’aide et ne pouvait déclarer le régime d’aide compatible avec le marché intérieur que si le régime d’aide était conforme au droit de l’Union. Au considérant 63, elle a retenu que, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il devait exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées, en ce sens que le produit de la taxe était nécessairement affecté au financement de l’aide et influençait directement l’importance de celle-ci.
38 Au considérant 64 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le montant de l’aide destinée à la RTVE était fixé en prenant en compte les seuls besoins de financement de la RTVE et les coûts nets estimés de la fourniture du service public de radiodiffusion. Dans la pratique et selon la loi, le financement perçu par la RTVE serait indépendant des recettes provenant des taxes, car il dépendrait uniquement des coûts nets de l’obligation de service public. Le financement global prévu de la mission de service public de la RTVE ne dépendrait pas du montant des recettes fiscales spécifiques, mais serait issu, dans tous les cas, du budget général de l’État espagnol. À cet égard, la Commission a constaté, d’une part, que le produit des taxes qui était affecté au financement de la RTVE ne pouvait excéder les coûts nets de l’obligation de service public, tout excédent de recettes devant être réaffecté audit budget général. D’autre part, elle a retenu que, si les coûts nets de l’obligation de service public étaient supérieurs aux recettes provenant des taxes, la différence serait comblée grâce à des contributions de ce budget général. Le montant plus ou moins important de ces recettes n’entraînerait pas de changements en ce qui concerne les montants prévus. Si les recettes provenant des nouvelles bases d’imposition devaient s’avérer insuffisantes pour combler le déficit de financement provoqué par la suppression de la publicité, le même budget général fournirait les ressources nécessaires, conformément à l’article 33 de la loi n° 17/2006.
39 Par ailleurs, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le fait que le lien entre les taxes et l’objectif de leur introduction soit mentionné dans l’exposé des motifs et dans la loi n° 8/2009 elle-même n’affectait pas cette conclusion. Dans le texte de ladite loi, la qualité du lien entre les taxes et l’aide ne serait pas définie.
40 Enfin, au considérant 66 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 ne faisaient pas partie intégrante de l’aide et que leur non-conformité avec la directive autorisation n’affecterait donc pas sa décision sur la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.
41 La requérante ainsi que Telefónica de España et Telefónica Móviles España estiment que cette conclusion de la Commission est erronée. Les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 et notamment celle prévue à l’article 6 de ladite loi feraient partie intégrante des éléments d’aide introduits par cette loi. Dans la décision attaquée, la Commission aurait donc dû examiner la compatibilité des trois nouvelles mesures fiscales avec le droit de l’Union.
42 Le présent moyen s’articule en trois branches. En premier lieu, la requérante ainsi que Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission n’a pas suffisamment pris en compte le lien entre les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 et les éléments d’aide introduits par cette loi. En deuxième lieu, la requérante soutient que, en l’espèce, le caractère indissociable des éléments d’aide et des mesures fiscales résulte également du fait que l’avantage concurrentiel de la RTVE par rapport aux entreprises concurrentes devant payer les taxes augmente en fonction des montants prélevés. En troisième lieu, la requérante invoque que la motivation de la décision attaquée est contradictoire.
Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte suffisante du lien entre les trois mesures fiscales et les éléments d’aide
43 La requérante avance que, en application des conditions que la Commission a retenues dans la décision attaquée, à savoir que le produit de la taxe doit nécessairement être affecté au financement de la RTVE et doit affecter le montant de l’aide, la Commission aurait dû constater que la mesure fiscale prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009 faisait partie intégrante de l’aide en faveur de la RTVE. S’agissant de cette taxe, les conditions susmentionnées seraient réunies. Tout d’abord, il ressortirait de l’article 6, paragraphe 8, de ladite loi que la taxe devrait nécessairement être affectée au financement de la RTVE. Il suffirait qu’une partie de la taxe fasse partie intégrante de l’aide. Ensuite, contrairement à ce qu’avancerait la Commission, les prélèvements de la taxe prévue à l’article 6 de cette loi affecteraient directement le montant de l’aide. Premièrement, le produit cette taxe serait toujours affecté dans sa totalité au financement de la RTVE. Deuxièmement, il ressortirait de l’exposé des motifs de la loi en question que, lorsque les revenus des opérateurs augmentent, les montants prélevés augmenteraient également. Puisque la RTVE serait une concurrente des entreprises qui devraient payer la taxe, plus la taxe serait élevée, plus l’avantage de la RTVE serait grand, en raison du paiement de la taxe par ses concurrents. Troisièmement, dans sa pratique, la Commission se serait elle-même prononcée en faveur d’une indissociabilité des taxes et de la mesure d’aide.
44 Pour leur part, Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission a utilisé des critères erronés pour apprécier le caractère dissociable de la mesure d’aide et de son financement. Elles estiment que, pour que le mode de financement fasse partie intégrante de l’aide, il est suffisant que le prélèvement fiscal prévu pour le financement de l’aide soit affecté à son bénéficiaire. Contrairement à ce qu’avancerait la Commission, il ne serait pas nécessaire qu’une mesure fiscale ait une influence directe sur l’importance de la mesure d’aide. Il ne s’agirait là que d’un indice parmi d’autres. Selon Telefónica de España et Telefónica Móviles España, non seulement les arguments de la requérante démontrent que le prélèvement fiscal est affecté au bénéficiaire, mais l’interdépendance entre l’aide et la taxe est également confirmée par d’autres éléments. Dans ce contexte, elles mentionnent que la RTVE s’est plainte que les défauts de paiement des opérateurs privés ou le calcul erroné de leurs contributions lui causent un problème de trésorerie et que l’État espagnol n’est pas prêt à éponger ce déficit à l’aide de fonds provenant de son budget général. Par ailleurs, Telefónica de España et Telefónica Móviles España estiment que la Commission, qui aurait elle-même considéré que la taxe imposée aux opérateurs de télécommunications par la loi n° 8/2009 était contraire au droit de l’Union, aurait dû démontrer que l’État espagnol s’est engagé à financer la totalité du budget de la RTVE dans l’hypothèse où la taxe serait illégale. Or, il ressortirait de cette loi que les opérateurs privés devaient supporter la charge économique. Dès lors, la suppression du prélèvement aurait comme conséquence d’entraîner la perte de la source spécifique de financement de l’aide, ce qui démontrerait le lien entre celle-ci et la taxe.
45 La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments.
46 À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler les conditions qui doivent être réunies afin que le mode de financement d’une aide puisse être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci, avant d’examiner si, en l’espèce, la Commission a commis une erreur s’agissant de l’application de ces conditions.
– Sur les conditions qui doivent être réunies pour que le mode de financement d’une aide puisse être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci
47 Au considérant 63 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, pour que le mode de financement puisse être considéré comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, premièrement, le produit du prélèvement en cause devait nécessairement être affecté au financement de l’aide et, deuxièmement, il doit influencer directement l’importance de celle-ci.
48 Dans ce contexte, il convient de rappeler que le traité FUE instaure une délimitation précise entre, d’une part, les règles concernant les aides d’État, qui sont prévues aux articles 107 TFUE à 109 TFUE, et, d’autre part, les règles concernant les distorsions résultant de disparités entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres, et notamment leurs dispositions fiscales, qui sont prévues aux articles 116 TFUE et 117 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Streekgewest, C-174/02, Rec. p. I-85, point 24).
49 Il s’ensuit que, en principe, les mesures fiscales qui servent à financer une mesure d’aide n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité FUE concernant les aides d’État (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 janvier 2005, Pape, C-175/02, Rec. p. I-127, point 14, et Streekgewest, point 48 supra, point 25).
50 Toutefois, lorsque les mesures fiscales constituent le mode de financement d’une mesure d’aide de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure, la Commission ne peut pas séparer l’examen d’une aide des effets de son mode de financement, puisque, dans une telle situation, l’incompatibilité du mode de financement avec le droit de l’Union peut affecter la compatibilité du régime d’aide avec le marché commun (arrêts Pape, point 49 supra, point 14, et Streekgewest, point 48 supra, point 25).
51 S’agissant des critères qui régissent la question de savoir si la mesure d’aide et son financement sont indissociables, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun (arrêts de la Cour du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 46, et du 22 décembre 2008, Regie Networks, C-333/07, Rec. p. I-10807, point 99).
52 Il ressort donc de cette jurisprudence, d’une part, que, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit nécessairement exister une disposition contraignante de droit national imposant l’affectation de la taxe au financement de l’aide. Il s’ensuit que, en l’absence d’une telle disposition, une taxe ne peut pas être considérée comme étant affectée à une mesure d’aide et ne constitue donc pas une de ses modalités. D’autre part, la seule circonstance de l’existence d’une telle disposition ne peut pas, à elle seule, constituer une condition suffisante pour établir qu’une taxe fasse partie intégrante d’une mesure d’aide. Lorsqu’une telle disposition de droit national existe, il faut examiner, par ailleurs, si le produit de la taxe influence directement l’importance de l’aide.
53 Contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il ne suffit donc pas que son produit soit nécessairement affecté au financement de celle-ci.
54 S’agissant de la jurisprudence que Telefónica de España et Telefónica Móviles España invoquent au soutien de leurs arguments, force est de constater qu’aucun des arrêts qu’elles mentionnent n’est susceptible d’appuyer leur thèse selon laquelle, pour démontrer que le mode de financement fait partie intégrante de la mesure d’aide, il suffit de démontrer que le prélèvement effectué sur la base de la mesure fiscale est affecté au bénéficiaire de l’aide.
55 Dans ce contexte, Telefónica de España et Telefónica Móviles España invoquent le fait que, dans certains arrêts, la Cour a constaté qu’il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et la mesure d’aide et que, si un tel lien existe, le produit de la mesure fiscale influence directement l’importance de l’aide.
56 Or, contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, il ne peut pas être déduit des arrêts qu’elles ont invoqués (arrêts de la Cour Streekgewest, point 48 supra, point 26 ; Pape, point 49 supra, point 15 ; du 14 avril 2005, AEM et AEM Torino, C-128/03 et C-129/03, Rec. p. I-2861, points 46 et 47, et du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C-266/04 à C-270/04, C-276/04 et C-321/04 à C-325/04, Rec. p. I-9481, point 40) que l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide n’est pas une condition nécessaire, mais uniquement un indice parmi d’autres. Au contraire, dans l’arrêt Streekgewest, point 48 supra (point 28), la Cour ne s’est pas limitée à examiner s’il existait un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et la mesure d’aide, mais a également examiné si le produit de ladite mesure fiscale influençait directement le montant de ladite mesure d’aide.
57 Il convient également de rappeler que, dans les arrêts dans lesquels la Cour a constaté un lien indissociable entre la mesure d’aide et son financement sans évoquer explicitement l’exigence d’une influence directe de la mesure fiscale sur le montant de l’aide (arrêts de la Cour du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, point 55, et du 27 novembre 2003, Enirisorse, C-34/01 à C-38/01, Rec. p. I-14243, point 47), il s’agissait de cas de figure où cette condition était remplie.
58 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que, pour que le mode de financement puisse être considéré comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il devait exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées, en ce sens que le produit de la taxe était nécessairement affecté au financement de l’aide et influençait directement l’importance de celle-ci.
59 Partant, les arguments de Telefónica de España et de Telefónica Móviles España qui visent les conditions que la Commission a retenues pour pouvoir considérer que le mode de financement d’une aide fait partie intégrante de celle-ci doivent être rejetés.
– Sur l’application de ces conditions
60 Tout en ne remettant pas explicitement en cause les conditions retenues par la Commission, la requérante avance que la Commission aurait dû arriver à la conclusion que, s’agissant de la taxe prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009, elles étaient remplies.
61 Pour leur part, Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent tout d’abord des arguments visant à démontrer qu’il existait un lien d’affectation nécessaire entre les mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 et les éléments d’aide introduits par cette loi.
62 Or, comme il a été exposé aux points 51 à 58 ci-dessus, pour qu’une mesure fiscale fasse partie intégrante de l’aide, il ne suffit pas qu’il existe un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale et la mesure d’aide. Encore faut-il que l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide soit établie.
63 Dans ce contexte, le Tribunal constate que non seulement la requérante avance des arguments visant à démontrer une influence directe des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 sur le montant de l’aide dont bénéficie RTVE, mais que certains des arguments avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España peuvent également être compris comme visant non seulement la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et le financement de la RTVE, mais également celle liée à la preuve de l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide.
64 Partant, il convient d’examiner, dans un premier temps, si les arguments avancés par la requérante ainsi que par Telefónica de España et Telefónica Móviles España sont susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle le produit des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 n’influence pas directement l’importance de l’aide destinée à la RTVE.
65 À cet égard, il convient de retenir que, en vertu de la loi n° 8/2009, le montant de l’aide destiné à la RTVE est fixé en prenant en compte les coûts nets de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion qui lui a été confiée. Le montant de l’aide qu’elle reçoit ne dépend donc pas du montant des prélèvements effectués sur la base des mesures fiscales introduites ou modifiées par ladite loi.
66 En effet, d’une part, en vertu de l’article 33 de la loi n° 17/2006, tel que modifié par la loi n° 8/2009, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE excèdent les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’excédent sera réattribué. Dans la mesure où cet excédent ne dépasse pas 10 % des frais annuels budgétés de la RTVE, il sera versé à un fonds de réserve et, dans la mesure où il dépasse cette limite, il sera transféré au trésor public.
67 S’agissant du capital versé au fonds de réserve, il ressort de l’article 8 de la loi n° 8/2009 que celui-ci ne pourra être utilisé qu’avec l’autorisation expresse du ministère de l’Économie et des Finances espagnol et que, s’il n’est pas utilisé pendant quatre ans, il doit servir à réduire les compensations à la charge du budget général de l’État espagnol. Dès lors, le capital versé au fonds de réserve ne peut pas être considéré comme influençant directement l’importance de l’aide destinée à la RTVE.
68 Par ailleurs, l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoit une limite absolue pour les recettes de la RTVE qui est fixée à 1 200 millions d’euros pour les années 2010 et 2011. Tout excédent à cette limite sera directement réattribué au budget général de l’État espagnol.
69 D’autre part, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE ne suffisent pas pour couvrir les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’écart sera comblé grâce à des contributions du budget général de l’État espagnol.
70 La Commission a donc constaté à juste titre que le montant des prélèvements effectués sur la base des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 n’était pas susceptible d’influencer directement le montant de l’aide perçue par la RTVE qui était déterminé en fonction des coûts nets de la fourniture du service public de radiodiffusion.
71 Aucun des arguments avancés par la requérante ou Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’est susceptible de remettre en cause ce constat.
72 Premièrement, contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, la seule circonstance que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 aient été conçues de manière à compenser la perte des recettes commerciales de la RTVE (voir considérant 13 de la décision attaquée) ne suffit pas pour démontrer que le mode de financement fait partie intégrante de la mesure d’aide. En effet, la Cour a déjà constaté que cette circonstance ne suffit pas en elle-même pour démontrer l’existence d’un lien contraignant entre la taxe et l’avantage fiscal (arrêt Streekgewest, point 48 supra, points 26 et 27).
73 Deuxièmement, Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que, même si une telle obligation existait en théorie, en pratique, l’État espagnol ne serait pas prêt à compléter le budget de la RTVE par des fonds provenant de son budget général.
74 Cet argument doit également être rejeté.
75 En effet, dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Dès lors, les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7).
76 Or, force est de constater que Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’ont soumis aucun élément qui serait susceptible de démontrer que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission disposait d’informations démontrant que l’État espagnol n’était pas prêt à compléter le budget de la RTVE en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009. En effet, l’ensemble des documents qu’elles ont soumis à cet égard sont postérieurs au jour de l’adoption de la décision attaquée, donc postérieurs au 20 juillet 2010.
77 Troisièmement, Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent qu’une mesure fiscale destinée à financer une mesure d’aide ne peut être considérée comme ne faisant pas partie intégrante de cette dernière que dans le cas où la Commission démontre que, dans l’hypothèse où la mesure fiscale est incompatible avec le droit de l’Union, l’État membre concerné s’est engagé à financer la totalité de la mesure d’aide.
78 Cet argument doit également être rejeté.
79 Certes, dans un cas où, en application des deux critères susmentionnés, à savoir la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre la mesure fiscale et le financement de la RTVE et celle liée à la preuve de l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide, la mesure fiscale doit être considérée comme faisant partie intégrante de la mesure d’aide – comme dans le cas d’une mesure parafiscale, où l’ensemble ou une partie déterminée d’un prélèvement fiscal est attribué au bénéficiaire de l’aide de manière directe et inconditionnelle – l’incompatibilité du volet fiscal a un impact direct sur la mesure d’aide. En effet, dans un tel cas, l’incompatibilité totale ou partielle du volet fiscal de la mesure parafiscale a pour conséquence de supprimer la mesure d’aide ou de réduire son montant.
80 Or, en l’espèce, l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 et l’article 33 de la loi n° 17/2006 prévoyaient que, si les sources financières ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE prévus pour l’accomplissement de ses obligations de service public, l’État espagnol était obligé de combler cet écart. Dans le présent cas, le montant de l’aide ne dépendait donc pas directement de la mesure fiscale.
81 Quatrièmement, la requérante avance que, dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen dans une autre affaire, la Commission s’est elle-même prononcée en faveur d’une indissociabilité des taxes et de la mesure d’aide, alors que cette affaire et la présente affaire auraient été similaires.
82 Ce grief doit également être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner le contenu de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en cause. En effet, d’une part, il convient de rappeler que les appréciations de la Commission contenues dans une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen n’ont qu’un caractère provisoire (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T-190/00, Rec. p. II-5015, point 48). D’autre part, la notion d’aide et donc également le caractère dissociable des modalités de financement doivent être déterminés en application de critères objectifs. Ils ne sauraient donc dépendre d’une appréciation subjective de la Commission. Dès lors, même si une telle pratique administrative antérieure existait, elle serait contraire à la jurisprudence et ne pourrait donc pas lier la Commission.
83 Cinquièmement, la requérante avance que l’importance de l’aide augmente en raison de ce prélèvement, parce qu’elle est une concurrente de la RTVE et que l’avantage concurrentiel de cette dernière augmente en fonction du montant de la taxe prélevée chez elle.
84 Cet argument doit être rejeté dans la mesure où il vise à démontrer que la Commission a commis une erreur concernant l’application des deux conditions, selon lesquelles le produit de la taxe doit nécessairement être affecté au financement de l’aide et doit influencer directement l’importance de celle-ci. En effet, selon ces conditions, il n’est pas suffisant d’établir que le prélèvement de la taxe a une influence sur l’avantage concurrentiel du bénéficiaire de l’aide.
85 Dans la mesure où cet argument vise à démontrer qu’il existe une autre hypothèse, dans laquelle le mode de financement d’une aide doit être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci, il sera examiné dans le cadre de la deuxième branche.
86 Partant, la Commission a constaté à juste titre que le montant de l’aide destinée à la RTVE ne dépendait pas directement du montant des prélèvements réalisés sur la base des mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009.
87 Comme il a été exposé au point 62 ci-dessus, pour que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 puissent être considérées comme faisant partie intégrante de l’élément d’aide introduit par ladite loi, la condition liée à l’existence d’un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale et la mesure d’aide et la condition liée à la preuve de l’influence directe de ladite mesure fiscale sur l’importance de ladite mesure d’aide sont cumulatives.
88 Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les arguments que la requérante ainsi que Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent pour démontrer qu’il existe un lien d’affectation nécessaire entre la mesure fiscale prévue à l’article 5 de la loi n° 8/2009 et le financement de la RTVE, ces arguments étant inopérants.
89 Dès lors, il convient d’écarter la première branche.
Sur la deuxième branche, tirée de la relation entre les mesures fiscales et l’avantage concurrentiel de la RTVE
90 La requérante avance que, outre l’hypothèse examiné par la Commission dans la décision attaquée, il existe une autre hypothèse, dans laquelle le mode de financement doit être considéré comme faisant partie intégrante de la mesure d’aide. Dans une situation d’imposition asymétrique, lorsqu’une taxe est imposée uniquement à certains opérateurs économiques afin de compenser des prétendues obligations de service public et pas à d’autres qui seraient dans une situation de concurrence avec les premiers, le lien entre l’aide et la taxe serait encore plus étroit que dans l’hypothèse examinée par la Commission. Dans un tel cas, l’avantage résulterait de l’imposition du paiement d’une taxe sur les concurrentes de l’entreprise bénéficiaire.
91 La requérante estime que, en l’espèce, il existe un tel lien étroit entre la la taxe prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009 et la mesure d’aide. Tout d’abord, ladite taxe lui serait imposée afin de compenser les coûts que la RTVE encourrait pour la fourniture du service public. Dès lors, la RTVE obtiendrait l’aide du fait même qu’un concurrent serait assujetti à une taxe. Plus la taxe serait élevée, plus l’avantage concurrentiel serait important. Ensuite, le fait que l’aide en faveur de la RTVE ne se limite pas au non-assujettissement, mais que le produit de ladite taxe soit versé à la RTVE, ne remettrait pas en cause cette conclusion, mais renforcerait le lien entre ladite taxe et la mesure d’aide, puisque cela renforcerait l’avantage concurrentiel de la RTVE. En outre, dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide, il conviendrait d’examiner les effets de l’aide dans le contexte spécifique du marché concerné, donc en prenant en compte les désavantages concurrentiels des autres entreprises.
92 À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler la distinction que le traité FUE instaure entre les règles régissant les aides d’État, d’une part, et les règles concernant les dispositions fiscales des États membres, d’autre part. Selon une jurisprudence constante, en principe, les redevables d’une contribution obligatoire ne sauraient exciper de ce que l’exonération dont bénéficient d’autres personnes constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite contribution (voir arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Banks, C-390/98, Rec. p. I-6117, point 80, et la jurisprudence citée).
93 Or, l’approche défendue par la requérante vise à remettre en cause ce principe. En effet, selon cette approche, une entreprise pourrait s’opposer au prélèvement de toute taxe pour la seule raison qu’elle sert à financer un avantage dont bénéficie une entreprise avec laquelle elle est dans une relation de concurrence.
94 Certes, dans ce contexte, la requérante avance à juste titre que, dans son arrêt du 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron (C-526/04, Rec. p. I-7529, points 27 et 48), la Cour a considéré que, dans le cas où le prélèvement d’une contribution obligatoire constitue une aide, les entreprises redevables peuvent s’opposer à son paiement.
95 Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne peut pas être déduit de cet arrêt qu’il suffit qu’une entreprise devant payer une taxe contribuant au financement de l’aide soit dans une relation de concurrence avec le bénéficiaire de l’aide, pour que la taxe fasse partie intégrante de l’aide et qu’elle puisse s’opposer à son paiement.
96 En effet, l’approche de la Cour dans l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra, était justifiée au vu des circonstances spécifiques de cette affaire.
97 L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra, concernait la distribution de médicaments en France, où il existait deux circuits de distribution directement concurrent, celui des grossistes répartiteurs et celui des laboratoires pratiquant la vente directe. La taxe en cause se grevait uniquement sur les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques. Elle visait à rééquilibrer les conditions de la concurrence entre les deux circuits de distribution, qui, de l’avis du législateur français, étaient faussées par l’existence d’obligations de service public imposées aux seuls grossistes répartiteurs.
98 Dans l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra, la Cour a retenu deux aspects spécifiques de la taxe en cause dans cette affaire. D’une part, elle a retenu qu’il ne s’agissait pas d’une taxe ayant une portée générale, mais d’un cas d’assujettissement asymétrique d’une taxe à une catégorie d’entreprise et de non-assujettissement de cette taxe à des entreprises directement concurrentes (points 32 à 34 de l’arrêt). D’autre part, elle a constaté que le non-assujettissement des grossistes constituait un objectif délibéré, voire l’objectif principal de la taxe, puisqu’il visait à rééquilibrer les conditions de la concurrence entre les deux circuits de distribution (point 35 de l’arrêt).
99 Les mesures fiscales en cause en l’espèce, à savoir les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009, ne sont pas comparables à celle visée par l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra.
100 En effet, premièrement, l’objectif principal du prélèvement desdites taxes n’est pas de rééquilibrer les conditions de la concurrence entre les autres opérateurs et la RTVE, mais de pourvoir au financement de cette dernière.
101 Deuxièmement, le lien entre les mesures fiscales et la mesure d’aide en cause en l’espèce est moins étroit que celui dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra. Dans cette dernière affaire, il existait un lien intrinsèque entre la mesure fiscale et la mesure d’aide qui ne permettait pas de distinguer l’une de l’autre. Comme l’aide consistait uniquement en l’imposition d’une contribution obligatoire à une certaine catégorie d’entreprise, l’inapplicabilité de la mesure fiscale en raison de son incompatibilité avec le droit de l’Union entraînait directement la disparition de l’aide. En revanche, en l’espèce, une éventuelle inapplicabilité des mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 en raison de leur éventuelle incompatibilité avec le droit de l’Union n’a pas comme conséquence directe de remettre en question l’aide en faveur de la RTVE. En effet, comme il a été exposé au point 80 ci-dessus, dans l’hypothèse où le mode de financement de l’aide en faveur de la RTVE serait incompatible avec le droit de l’Union, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 et l’article 33 de la loi n° 17/2006, l’État espagnol est obligé de combler l’écart entre les sources financières dont dispose la RTVE et l’ensemble des coûts de celle-ci pour l’accomplissement de ses obligations de service public.
102 Troisièmement, il convient de souligner que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra, l’importance de l’aide était déterminée uniquement par le montant de la taxe. En effet, comme l’avocat général M. Tizzano l’a retenu au point 47 de ses conclusions dans cette affaire, l’avantage que les bénéficiaires tiraient de l’assujettissement de leurs concurrents à la taxe litigieuse était en effet nécessairement fonction du taux de celle-ci. En revanche, en l’espèce, le montant de l’aide est déterminé en premier lieu par les coûts nets de l’accomplissement de l’obligation de la mission de service public. Certes, l’obligation de devoir payer les taxes prévues par la loi n° 8/2009 est susceptible d’entraîner un désavantage concurrentiel supplémentaire pour les opérateurs privés en concurrence avec la RTVE. Or, à cet égard, la Cour a déjà décidé que le seul fait qu’une taxe qui a pour objectif de contribuer au financement d’une aide soit imposée à une entreprise et non au bénéficiaire de l’aide qui est en concurrence avec celle-ci ne suffit pas pour considérer que la taxe fait partie intégrante de ladite aide (arrêt Distribution Casino France e.a./Commission, point 56 supra, points 40 à 43).
103 Partant, contrairement à ce qu’avance la requérante, les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 ne sont pas comparables à la mesure fiscale imposée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, point 94 supra.
104 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant, dans la décision attaquée, qu’il n’existait pas de lien suffisamment étroit entre les mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 et les éléments d’aide introduits par cette loi qui permettait de considérer que ces mesures fiscales faisaient partie intégrante de la mesure d’aide.
105 Dès lors, il convient d’écarter la deuxième branche.
Sur la troisième branche, tirée d’une approche contradictoire de la Commission
106 La requérante soutient que la motivation de la décision attaquée est contradictoire, puisque, en constatant que la modification du système de financement de la RTVE devait être notifiée notamment en raison de l’introduction de la taxe prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009, la Commission a admis implicitement que cette taxe faisait partie intégrante de l’aide.
107 À cet égard, il suffit de constater que, contrairement à ce que la requérante avance, la Commission n’a pas retenu, aux considérants 48 à 55 de la décision attaquée, que les trois mesures fiscales introduites par la loi n° 8/2009 devaient être considérées comme des aides nouvelles. En effet, au considérant 50 de ladite décision, la Commission s’est limitée à retenir que les nouvelles sources de financement public introduites par ladite loi constituent de nouveaux éléments d’aide. Or, il n’existe aucune contradiction entre, d’une part, la constatation de la Commission selon laquelle les nouvelles sources de financement public introduites par cette loi constituaient de nouveaux éléments d’aide et, d’autre part, sa constatation, au considérant 66 de cette décision, selon laquelle les trois mesures fiscales introduites par la même loi pour financer ces nouvelles sources de financement ne faisaient pas partie intégrante de cette aide.
108 Dès lors, la troisième branche doit également être écartée et, partant, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 49 TFUE et 63 TFUE
109 Par le troisième moyen, la requérante, soutenue par Telefónica de España et Telefónica Móviles España, avance que la Commission a violé les articles 49 TFUE et 63 TFUE. La taxe prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009, qui ferait partie intégrante de l’aide accordée à la RTVE, serait contraire auxdits articles du traité FUE.
110 La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments. Par ailleurs, la Commission soutient qu’une partie des arguments avancés par la requérante est irrecevable.
111 À cet égard, il suffit de constater que, dans la mesure où la requérante invoque une violation des articles 49 TFUE et 63 TFUE, elle invoque l’incompatibilité de la mesure fiscale prévue à l’article 6 de la loi n° 8/2009 avec ces dispositions. Or, cette mesure fiscale ne faisant pas partie intégrante de l’aide, la Commission n’était pas obligée d’examiner sa compatibilité avec les articles 49 TFUE et 63 TFUE dans le cadre de la procédure aboutissant à l’adoption de la décision attaquée.
112 Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le grief d’irrecevabilité avancé par la Commission.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE
113 La requérante, soutenue par Telefónica de España et Telefónica Móviles España, avance que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE en autorisant un régime d’aide qui ne respecte pas le principe de proportionnalité. Le régime financier de la RTVE fausserait la concurrence sur le marché d’acquisition de contenus et sur le marché en aval des téléspectateurs d’une façon contraire à l’intérêt général. Elle affirme être en concurrence avec la RTVE sur le marché des téléspectateurs et sur celui d’acquisition de contenus. La loi n° 8/2009, notamment son article 6, fausserait la concurrence sur les marchés concernés d’une façon contraire à l’intérêt commun. La RTVE disposerait d’un double avantage puisque, d’une part, son financement aurait été perpétué et même augmenté et que, d’autre part, la capacité d’investissement de ses concurrents aurait été réduite. Cet avantage lui permettrait d’adopter des comportements anticoncurrentiels qui ne seraient pas nécessaires au respect de ses obligations de service public. Des exemples clairs du comportement anticoncurrentiel de la RTVE dans le domaine des droits cinématographiques seraient l’acquisition d’autres droits que ceux pour l’émission pendant la fenêtre de télévision à accès libre, comme l’acquisition du droit exclusif de reproduire un film ou du droit de l’émettre pendant la fenêtre de télévision payante ainsi que les pressions que la RTVE exercerait pour réduire la durée des fenêtres de télévision payante. S’agissant de la retransmission d’évènements sportifs à forte valeur commerciale, la RTVE proposerait des montants disproportionnés pour l’acquisition des droits, en faisant grimper artificiellement les prix jusqu’à des montants que ses concurrents ne seraient pas en mesure d’égaler. Selon la requérante, ce comportement de la RTVE affecte également sa position sur le marché des téléspectateurs, puisque son offre de programmation s’appauvrit, ce qui affecte ses abonnements. Contrairement aux opérateurs de télévision à libre accès, les opérateurs de télévision payante ne profiteraient pas de la suppression de la publicité pour la RTVE. Par ailleurs, elle n’aurait pas la possibilité de présenter une offre de services « triple play ». Les limites imposées à la RTVE ne seraient pas suffisantes pour supprimer ces distorsions de concurrence disproportionnées. Tout d’abord, l’interdiction pour la RTVE d’utiliser ses revenus pour surenchérir dans le cadre de l’acquisition de droits sur des contenus à forte valeur commerciale ne serait pas effective, la mission de service public assignée à la RTVE incluant l’acquisition de contenus à forte valeur commerciale. Ensuite, le plafond budgétaire pour l’acquisition de droits de retransmission d’évènements sportifs serait inopérant. Par ailleurs, la limite prévue pour la diffusion de films premiums de 52 films récemment sortis réalisés par les grands studios de production cinématographique internationaux par année ne serait pas suffisante. Enfin, la limite selon laquelle la taxe imposée aux opérateurs de télévision privée ne pourrait pas dépasser un plafond de 20 % des revenus prévus chaque année serait inopérante.
114 La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne et la RTVE, conteste ces arguments.
115 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, le contenu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi que le contexte juridique dans lequel il s’inscrit.
116 En vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Par ailleurs, cette disposition exige que le développement des échanges ne doive pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.
117 Pour qu’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les conditions suivantes doivent être réunies : d’une part, l’opérateur concerné doit être chargé d’une mission de service d’intérêt économique général par un acte de puissance publique qui définit clairement les obligations de service d’intérêt économique général en cause ; d’autre part, ledit opérateur ne doit pas percevoir de compensation excessive et le financement étatique ne doit pas affecter la concurrence sur le marché extérieur de manière disproportionnée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T-289/03, Rec. p. II-81, points 181 et 222).
118 En l’espèce, la requérante ne remet pas en cause les constatations de la Commission selon lesquelles la RTVE est chargée d’une mission de service d’intérêt économique général par un acte de puissance publique et que celui-ci définit clairement les obligations de service d’intérêt économique général.
119 Par ailleurs, la requérante ne remet pas spécifiquement en question la conclusion de la Commission sur l’absence de risque de surcompensation. Certes, elle avance que, en vertu de la loi n° 8/2009, la RTVE dispose de recettes plus importantes qu’auparavant. Toutefois, elle invoque cet argument pour démontrer que la capacité de la RTVE à fausser la concurrence a augmenté.
120 En revanche, la requérante soutient, d’une part, que la loi n° 8/2009 permet à la RTVE de procéder à une surenchère sur le marché de l’acquisition de contenus et, d’autre part, que le régime d’aide en faveur de la RTVE fausse la concurrence dans une mesure qui est contraire à l’intérêt commun.
Sur la première branche, visant le risque d’un comportement anticoncurrentiel de la RTVE
121 La requérante avance que la Commission a commis une erreur en approuvant le régime de financement de la RTVE tel que modifié par la loi n° 8/2009, alors qu’il existait un risque de comportement anticoncurrentiel de la RTVE sur le marché de l’acquisition de droits de retransmission d’évènements sportifs et d’émission de films.
122 Dans ce contexte, il convient de rappeler les principes régissant le contrôle du Tribunal sur une décision de la Commission dans le domaine des services publics et, plus spécifiquement, dans le domaine des services de radiodiffusion.
123 En vertu de l’article 14 TFUE, l’Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application des traités, veillent à ce que les services d’intérêt économique général fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. Cet article prévoit également que ces principes et ces conditions seront établis sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.
124 Il ressort du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général complétant les traités UE et FUE qu’une des valeurs communes de l’Union concernant ces services est le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général.
125 En vertu du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE, la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias. Il ressort également de ce protocole que les dispositions du traité FUE sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte.
126 Il s’ensuit que les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la définition de la mission de service public de radiodiffusion et à la détermination de son organisation (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T-568/08 et T-573/08, Rec. p. II-3397, point 139).
127 Dès lors, le contrôle de la Commission sur la définition de la mission de service public de radiodiffusion et la détermination de son organisation est restreint (voir, par analogie, arrêt BUPA e.a./Commission, point 117 supra, point 220).
128 S’agissant du contrôle du Tribunal sur une décision de la Commission dans ce domaine, il convient de retenir que l’appréciation de la Commission porte sur des faits économiques complexes. Partant, le contrôle du Tribunal sur la décision de la Commission est encore plus restreint que celui de la Commission sur la mesure de l’État membre concerné. Il se limite à vérifier si la mesure en cause est manifestement inappropriée par rapport à l’objectif poursuivi (voir, par analogie, arrêt BUPA e.a./Commission, point 117 supra, points 221 et 222).
129 C’est à la lumière des considérations précédentes qu’il convient d’examiner le grief tiré de ce que la Commission n’a pas suffisamment pris en compte le risque d’un comportement anticoncurrentiel de la RTVE sur le marché de l’acquisition de droits de retransmission d’évènements sportifs et d’émission de films.
130 Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que les ressources publiques dont dispose la RTVE en raison de son régime de financement lui permettent d’entrer en concurrence avec les opérateurs privés sur le marché de l’acquisition de contenus, il convient de rappeler que la loi n° 17/2006, telle que modifiée par la loi n° 8/2009, confie une mission de radiodiffusion à la RTVE qui inclut, entre autres, la retransmission d’évènements sportifs et l’émission de films réalisés par de grandes sociétés internationales de production cinématographique. Compte tenu de la large marge d’appréciation dont disposent les États membres en ce qui concerne la définition du service public de radiodiffusion, l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un État membre opte pour une définition large de ce service public et qu’il confie à un organisme de radiodiffusion la mission de fournir une programmation équilibrée et variée, pouvant englober la retransmission d’évènements sportifs et l’émission de films (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T-442/03, Rec. p. II-1161, point 201, et du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T-309/04, T-317/04, T-329/04 et T-336/04, Rec. p. II-2935, points 122 à 124). Dès lors, le seul fait que la RTVE entre en concurrence avec les opérateurs privés sur le marché de l’acquisition de contenus et l’emporte, dans certains cas, sur eux n’est pas susceptible, en lui-même, de démontrer une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.
131 Toutefois, la requérante avance à juste titre qu’il ne serait pas compatible avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE qu’un organisme de radiodiffusion adopte un comportement anticoncurrentiel envers les opérateurs privés sur le marché, en procédant, par exemple, à une pratique de surenchère systématique sur le marché de l’acquisition de contenus. Un tel comportement ne pourrait être considérée comme nécessaire pour l’accomplissement de son mandat de service public.
132 Or, s’agissant d’un tel risque, il convient de constater que l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 dispose que la RTVE ne peut affecter aucun de ses revenus pour surenchérir, par rapport à des concurrents, sur des droits portant sur des contenus à forte valeur commerciale. Cette disposition interdit donc expressément un comportement de surenchère de la part de la RTVE. Cette interdiction est réitérée à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010, qui était en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée et dont la Commission avait connaissance (voir considérant 75 de la décision attaquée).
133 Tout en reconnaissant l’existence de l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009, la requérante avance que cela ne permettait pas d’exclure que la RTVE procède à une surenchère systématique. Cette interdiction ne serait pas effective.
134 À cet égard, premièrement, la requérante avance que l’interdiction de procéder à une surenchère n’est pas effective, parce que la mission de service public de la RTVE inclut l’acquisition de contenus à forte valeur commerciale. Au contraire, l’existence même d’une telle interdiction démontrerait que le comportement de la RTVE serait susceptible de fausser la concurrence.
135 Cet argument ne saurait prospérer.
136 En effet, comme il a été exposé au point 130 ci-dessus, l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne s’oppose ni à ce que la RTVE entre en concurrence avec les opérateurs privés, ni à ce qu’elle acquiert des contenus de forte valeur commerciale, dans la mesure où cela survient dans le cadre de l’accomplissement de sa mission de service public de radiodiffusion.
137 Deuxièmement, la requérante mentionne des exemples d’acquisition de droits par la RTVE qui, selon elle, sont susceptibles de démontrer que la RTVE a procédé à une surenchère.
138 À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission s’est limitée à examiner la compatibilité du régime financier de la RTVE, tel que modifié par la loi n° 8/2009. Partant, dans le cadre d’un contrôle de cette décision par le Tribunal, les exemples mentionnés par la requérante ne peuvent être pris en compte que dans la mesure où ils sont susceptibles de démontrer que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’effectivité de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010.
139 Or, comme l’a reconnu la requérante, une grande partie des exemples qu’elle a mentionnés concernent des exemples d’acquisition de droits par la RTVE qui étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009.
140 Partant, même à supposer que ces exemples d’acquisition de droits par la RTVE démontrent un comportement anticoncurrentiel de cette dernière, ils ne seraient pas susceptibles de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’appréciation de l’effectivité de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010.
141 Dans ce contexte, il convient également de rejeter l’argument de la requérante tiré du fait que, même si les exemples d’acquisition de droits par la RTVE étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010, ils continueraient à avoir des effets pour le futur. En effet, comme il a été exposé au point 138 ci-dessus, l’objet de la décision attaquée est le régime de financement de la RTVE, tel que modifié par la loi n° 8/2009, et la compatibilité de ce régime n’est pas susceptible d’être affectée par ces acquisitions.
142 Parmi les exemples d’acquisition de droits par la RTVE que la requérante avance pour démontrer un comportement anticoncurrentiel de la RTVE, le seul qui est postérieur à l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010 concerne les droits de la diffusion en clair de la Ligue des champions de l’Union des associations européennes de football (UEFA) pour les années 2012 à 2015. À cet égard, la requérante mentionne qu’un opérateur privé a déposé une plainte auprès des autorités espagnoles, parce qu’il estimait que, s’agissant de l’acquisition de ces droits, la RTVE avait procédé à une surenchère. Elle estime que ces circonstances sont susceptibles de démontrer l’inefficacité de l’interdiction en cause.
143 Or, cet exemple d’acquisition de droits par la RTVE n’est pas susceptible de démontrer que, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, elle a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’appréciation de l’effectivité de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010.
144 En effet, d’une part, il convient de retenir que l’acquisition en cause est survenue non seulement après l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010, mais également après l’adoption de la décision attaquée. Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Dès lors, les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêt France/Commission, point 75 supra, point 7).
145 D’autre part et en tout état de cause, la circonstance qu’un opérateur privé ait déposé une plainte devant les autorités espagnoles ne saurait démontrer en elle-même que l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010 n’est pas effective. Au contraire, le fait qu’un opérateur privé puisse demander aux autorités espagnoles de contrôler le respect, par la RTVE, de ladite interdiction plaide plutôt en faveur du caractère effectif de cette interdiction.
146 Dès lors, les exemples d’acquisition de droits par la RTVE qui ont été mentionnés par la requérante pour exposer une pratique de surenchère interdite de la RTVE ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’effectivité de l’interdiction prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, de la loi n° 8/2009 et à l’article 43, paragraphe 7, de la loi n° 7/2010.
147 Partant, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation concernant le risque d’un comportement anticoncurrentiel de la RTVE sur le marché de l’acquisition de droits de retransmission d’évènements sportifs et d’émission de films.
148 Il s’ensuit que la première branche doit être écartée.
Sur la seconde branche, tirée d’une affectation ou d’une altération des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union
149 La requérante avance que le régime de financement de la RTVE fausse la concurrence en affectant les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.
150 Dans ce contexte, il convient de distinguer, d’une part, les arguments de la requérante visant les effets des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 et, d’autre part, ses arguments visant les effets des éléments d’aide prévus par le régime de financement de la RTVE, tel que modifié par ladite loi.
151 Les arguments de la requérante visant les effets des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 sur la concurrence et les échanges dans l’Union doivent être rejetés comme non fondés. À cet égard, il suffit de rappeler que ces mesures fiscales ne faisaient pas partie intégrante des mesures d’aide introduites par cette loi et que la Commission n’était donc pas obligée de prendre en compte leurs effets dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, qui porte uniquement sur la compatibilité du régime d’aide en faveur de la RTVE (voir point 111 ci-dessus).
152 Quant aux arguments de la requérante visant les effets des éléments d’aide prévus par le régime de financement de la RTVE tel que modifié par la loi n° 8/2009, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort de l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE que l’accomplissement de la mesure de service public ne doit pas affecter les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union et qu’il ressort du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE que le financement d’un organisme public de radiodiffusion ne doit pas altérer, dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, les conditions des échanges ni la concurrence dans l’Union.
153 Il résulte de l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE et des dispositions du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE qu’un régime d’aide ne peut pas être justifié en application de l’article 106, paragraphe 2, première phrase, TFUE s’il affecte les échanges et la concurrence dans une mesure qui est contraire à l’intérêt de l’Union, et ce même si le caractère nécessaire de ce régime n’a pas été remis en cause.
154 Comme il ressort du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE, lors de l’appréciation des conditions prévues à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la réalisation du mandat de service public de radiodiffusion doit être prise en compte, étant entendu que celle-ci est définie par les États membres et est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias.
155 Il s’ensuit que, pour qu’un régime d’aide en faveur d’un opérateur chargé d’une mission de service public de radiodiffusion puisse être considéré comme ne remplissant pas la condition prévue à l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE, il doit altérer les échanges et la concurrence de manière substantielle et dans une mesure manifestement disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis par les États membres.
156 C’est à la lumière des considérations précédentes qu’il convient d’examiner le bien-fondé des arguments avancés par la requérante.
157 En premier lieu, dans la mesure où la requérante avance que le régime de financement de la RTVE fausse la concurrence parce qu’il permet à cette dernière d’entrer en concurrence avec des opérateurs privés concernant la retransmission d’évènements sportifs et l’émission de films réalisés par de grandes sociétés internationales de production cinématographique, il suffit de rappeler que l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne s’oppose pas à une définition large de la mission de service public de radiodiffusion. Cette circonstance en elle-même n’est donc pas susceptible de démontrer que la condition prévue par l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE n’est pas remplie.
158 En second lieu, la requérante soutient que son activité est affectée par le régime de financement de la RTVE, ce qui aurait mené à un appauvrissement de son offre et irait au détriment de ses abonnements.
159 Or, même à supposer, d’une part, que les préjudices invoquées par la requérante soient établis et, d’autre part, qu’ils soient imputables à la RTVE et non au comportement d’autres opérateurs privés qui sont en concurrence avec la requérante sur le marché espagnol, ils ne seraient pas susceptibles de démontrer une altération de la concurrence et des échanges manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par le Royaume d’Espagne.
160 En effet, pour qu’il puisse être conclu à l’existence d’une telle altération, il conviendrait d’établir qu’une activité en tant qu’opérateur privé sur le marché espagnol de radiodiffusion est exclue ou rendue excessivement difficile par le régime de financement de la RTVE, tel que modifié par la loi n° 8/2009.
161 Or, à cet égard, il convient de constater que la loi n° 8/2009 prévoit des limites à l’activité de la RTVE qui visent à assurer que l’activité des opérateurs privés ne soit pas affectée de manière disproportionnée.
162 En effet, tout d’abord, l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoit une limite maximale de 1 200 millions d’euros pour le budget de la RTVE. Partant, indépendamment de la définition de la mission de service public et de son organisation, la dimension économique de la RTVE doit rester limitée. S’agissant de cette limite, la Commission a constaté, au considérant 71 de la décision attaqué, que ce montant correspondait au budget moyen dont la RTVE avait disposé sous le régime de financement mixte et que rien ne pouvait laisser croire que la suppression de la publicité puisse entraîner une réduction considérable des coûts effectifs de la RTVE.
163 Ensuite, il convient de relever que l’article 9, paragraphe 1, sous i), de ladite loi prévoit que la RTVE doit plafonner à 10 % du budget annuel total des approvisionnements, achats et services extérieurs, l’acquisition de droits de diffusion d’évènements sportifs officiels, classés comme étant d’intérêt général et de grand intérêt pour la société, qui seront fixés dans le contrat-programme, à l’exclusion des Jeux olympiques et paralympiques.
164 Par ailleurs, l’article 9, paragraphe 1, sous m), de cette loi prévoit que la RTVE ne pourra pas diffuser, chaque année, sur l’ensemble de ses chaînes, aux heures de grande écoute, plus de 52 films récemment sortis réalisés par les grands studios de production cinématographique internationaux. Il s’agit là de films déjà sortis dans les salles de cinéma et dont l’ancienneté est de deux à quatre ans à compter de leur date de sortie.
165 Or, la requérante n’a pas exposé dans quelle mesure, en dépit des limites mentionnées aux points 162 à 164 ci-dessus, l’activité d’un opérateur privé sur le marché espagnol de radiodiffusion serait exclue ou rendue excessivement difficile.
166 Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré d’erreur manifeste d’appréciation de la Commission concernant la condition de l’affectation de la concurrence ou des échanges dans une manière contraire à l’intérêt de l’Union prévue à l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE et au protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres complétant les traités UE et FUE.
167 Dès lors, la branche tirée d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, seconde phrase, TFUE doit être écartée.
Sur les autres griefs avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España au vu du deuxième moyen
168 Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que, en violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de l’article 296 TFUE, la Commission a autorisé le régime de financement de la RTVE tel que modifié par la loi n° 8/2009, alors qu’il impliquait un risque de surcompensation sans avoir fourni de motivation suffisante à cet égard. Malgré les doutes exprimés par des autorités nationales quant au risque de surcompensation, la Commission se serait limitée, au considérant 71 de la décision attaquée, à constater que la RTVE devrait continuer à attirer un grand nombre de téléspectateurs et que la suppression de la publicité rendrait nécessaire le financement et la diffusion de productions supplémentaires. Notamment, elle n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles le montant prévu dans le budget de la RTVE semblait « prudent ».
169 La Commission avance qu’il s’agit de nouveaux moyens, qui sont étrangers à l’objet du recours et, par conséquent, irrecevables. Au demeurant, ils ne seraient pas fondés.
170 S’agissant du grief d’irrecevabilité soulevé par la Commission, qui se fonde sur l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut et de l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T-171/02, p. II-2123, point 155).
171 Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé des griefs que Telefónica de España et Telefónica Móviles España ont invoqués au vu du deuxième moyen, sans statuer préalablement sur leur recevabilité, ces griefs étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvus de fondement.
172 Les griefs avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España concernent les motifs figurant aux considérants 67 à 73 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a examiné s’il existait un risque de surcompensation et a conclu que rien n’indiquait que la compensation annuelle estimée pour l’obligation de service public incombant à la RTVE excèderait les coûts raisonnablement prévisibles de ce service ou dépasserait en fin de compte les coûts nets du service public. Au considérant 71, la Commission a indiqué ce qui suit :
« [L]’Espagne a démontré que le budget prévu était toujours conforme aux dépenses annuelles budgétisées des exercices précédents et que rien ne pouvait laisser croire que la simple suppression de la publicité puisse, actuellement ni dans un avenir proche, entraîner une réduction considérable des coûts. La RTVE devra continuer à attirer un grand nombre de téléspectateurs et la suppression de la publicité rendra nécessaire le financement et la diffusion de productions supplémentaires. Par rapport aux chiffres des exercices précédents (1,177 milliard EUR en 2007, 1,222 milliard EUR en 2008 et 1,146 milliard EUR en 2009) et en prenant en compte tant le coût supplémentaire (104 millions EUR) des productions nécessaires pour remplir le temps d’antenne réservé antérieurement à la publicité que les recettes commerciales restantes (selon les estimations, à peine quelque 25 millions EUR), un plafond de 1,2 milliard EUR pour les coûts prévus dans le budget semble prudent ; il constituerait le montant des dépenses annuelles budgétisées qu’il est raisonnable de prévoir pour la compensation accordée pour l’accomplissement d’une mission de service public. En outre, le principe de compensation des coûts nets d’un organisme public de radiodiffusion comprend nécessairement la protection de ce dernier face aux fluctuations des recettes sur le marché publicitaire. »
173 Telefónica de España et Telefónica Móviles España invoquent, d’une part, une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et, d’autre part, une violation de l’obligation de motivation.
– Sur le grief tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE
174 Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE en autorisant le régime financier de la RTVE sans avoir garanti qu’il ne comportait pas un risque de surcompensation.
175 En premier lieu, Telefónica de España et Telefónica Móviles España soutiennent que, au considérant 71 de la décision attaquée, la Commission n’a pas procédé à un contrôle suffisamment détaillé.
176 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été exposé au point 117 ci-dessus, pour qu’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, l’opérateur chargé de la mission de service d’intérêt économique général ne doit pas percevoir de compensation excessive.
177 En l’espèce, Telefónica de España et Telefónica Móviles España ne remettent pas en cause les constatations de la Commission selon lesquelles la RTVE est chargée d’une mission de service d’intérêt économique général par un acte de puissance publique qui définit clairement les obligations de service d’intérêt économique général.
178 En revanche, Telefónica de España et Telefónica Móviles España estiment que la constatation de la Commission figurant au considérant 73 de la décision attaquée, selon laquelle rien n’indiquait que la compensation annuelle estimée pour l’obligation publique incombant à la RTVE excéderait les coûts raisonnablement prévisibles de ce service ou dépasserait en fin de compte les coûts nets du service public, est entachée d’une erreur, parce que la Commission n’a pas suffisamment examiné le risque de surcompensation.
179 À cet égard, à titre liminaire, il convient de constater que Telefónica de España et Telefónica Móviles España se bornent à ne remettre en cause qu’un seul des mécanismes de contrôle prévus par le régime de financement de la RTVE, alors que ce régime prévoit toute une série de mécanismes de contrôle visant à garantir que la RTVE ne reçoive que les moyens qui sont nécessaires pour accomplir sa mission.
180 Dans ce contexte, tout d’abord, il convient de relever que la dimension économique de l’activité de la RTVE est déterminée en vue des obligations de service public qui lui ont été confiées. Ainsi, il ressort de l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 que l’activité de la RTVE est déterminée par une mission-cadre, approuvée par le pouvoir législatif et ayant une durée de neuf ans (voir article 4, paragraphe 1, de la loi n° 17/2006), et par des contrats-programmes, concrétisant la mission-cadre, approuvés par le gouvernement et ayant une durée de trois ans (voir article 4, paragraphe 2, de la loi n° 17/2006). Ces actes doivent contenir des indications sur la dimension économique de l’activité de la RTVE ainsi que sur les limites de sa croissance annuelle, ladite dimension économique devant être déterminée en prenant en compte les obligations de service public qui lui ont été confiées.
181 Ensuite, il convient de rappeler que les sources de financement de la RTVE sont conçues de manière à exclure une surcompensation. Comme il a été exposé aux points 6 à 9 ci-dessus, la RTVE est financée par différentes sources, qui sont énumérées à l’article 2, paragraphe 1, de la loi n° 8/2009. Les sources principales sont, d’une part, les recettes provenant des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par les articles 4 à 6 de ladite loi et, d’autre part, la compensation annuelle issue du budget général de l’État espagnol, qui est mentionnée à son article 2, paragraphe 1, sous a). La détermination du montant de la compensation annuelle permet donc d’adapter le montant prévisionnel des recettes dont la RTVE disposera pour un exercice donné. Or, à l’égard du montant de la compensation annuelle, l’article 33, paragraphe 1, de la loi n° 17/2006 prévoit qu’elle doit être déterminée de sorte que la somme combinée de cette compensation et des autres revenus dont dispose la RTVE ne soit pas supérieure aux coûts des obligations de service public qu’elle doit accomplir pendant l’exercice budgétaire en cause.
182 Par ailleurs, l’article 33, paragraphe 2, de la loi n° 17/2006, telle que modifié par la loi n° 8/2009, prévoit que, si, à la clôture d’un exercice, il est constaté que la compensation que la RTVE a reçue est supérieure aux coûts nets encourus pour l’accomplissement de l’obligation de service public de radiodiffusion pendant l’exercice en cause, l’excédent qui ne sera pas versé au fonds de réserve sera déduit des sommes assignées dans le budget général de l’État espagnol pour l’exercice suivant.
183 Enfin, le régime financier de la RTVE prévoit également des éléments de contrôle ex post. Comme la Commission l’a indiqué au considérant 72 de la décision attaquée, le régime de financement de la RTVE prévoit, premièrement, des mécanismes de contrôle budgétaire consistant en un audit interne, un examen effectué par le contrôle général de l’administration de l’État espagnol et un audit externe effectué par une entreprise privée spécialisée, deuxièmement, un contrôle de l’accomplissement de la mission de service public et des comptes annuels de la RTVE par le Parlement espagnol et l’autorité audiovisuelle espagnole, et, troisièmement, un contrôle de la Cour des comptes espagnole.
184 Certes, les mécanismes de contrôle mentionnés aux points 180 à 183 ci-dessus revêtent un caractère abstrait. Toutefois, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a contrôlé la compatibilité d’un régime d’aide. Partant, elle pouvait se limiter à contrôler s’il existait des mécanismes de contrôle suffisants pour garantir que le montant total de l’aide que la RTVE reçoit pour un exercice donné en application de ce régime n’excède pas les coûts nets de l’accomplissement de la mission de service de radiodiffusion qui lui a été confiée.
185 Force est de constater que Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’avancent pas d’arguments visant spécifiquement à remettre en cause l’effectivité des mécanismes de contrôle mentionnés aux points 180 à 183 ci-dessus. Dans la mesure où elles avancent que, dans la décision attaquée, la Commission ne pouvait pas se référer à ses décisions antérieures concernant le financement de la RTVE, il convient de rappeler qu’elle n’était obligée de procéder à un examen de la compatibilité des éléments du régime de financement existant de la RTVE que dans la mesure où ils étaient affectés par la loi n° 8/2009. Partant, dans la mesure où l’effectivité des mécanismes de contrôle prévus dans l’ancien régime de financement de la RTVE n’était pas remise en cause par les modifications apportées par la loi n° 8/2009, rien ne s’opposait à ce que la Commission renvoie à son analyse antérieure de ces mécanismes.
186 En second lieu, s’agissant plus spécifiquement des griefs de Telefónica de España et de Telefónica Móviles España visant les appréciations de la Commission au considérant 71 de la décision attaquée, il convient d’examiner la fonction du montant de 1 200 millions d’euros prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 avant d’analyser si le contrôle exercé par la Commission était insuffisant.
187 Quant à la fonction du montant de 1 200 millions d’euros, il convient de rappeler, tout d’abord, que la Commission n’a pas approuvé un régime de financement selon lequel, pour un exercice donné, la RTVE dispose d’un budget à cette hauteur. En effet, comme il a été exposé aux points 180 à 183 ci-dessus, la loi n° 8/2009 prévoit des mécanismes visant à assurer que l’aide en faveur de la RTVE corresponde aux coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public. L’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoit donc une limite absolue de 1 200 millions d’euros pour le budget de la RTVE, donc une limite qui ne peut être dépassée quand bien même le budget de la RTVE pourrait être plus élevé si le seul critère pertinent était celui des coûts de l’accomplissement de ses obligations de service public. En application de cette limite, le budget de la RTVE ne peut pas dépasser le montant maximal de 1 200 millions d’euros, mais il peut être inférieur, lorsque les coûts de l’accomplissement de la mission de service public pour un exercice donné sont moins élevés.
188 Il s’ensuit, tout d’abord, qu’il y a lieu de rejeter le grief de Telefónica de España et de Telefónica Móviles España tiré de ce que les coûts de la RTVE pour l’accomplissement des obligations de service public pourraient éventuellement être inférieurs au montant de 1 200 millions d’euros. En effet, les mécanismes de contrôle mentionnés aux points 180 à 183 ci-dessus assurent que, dans un tel cas, le montant de l’aide pour un exercice donné se limitera aux coûts nets encourus par l’accomplissement des obligations de service public de radiodiffusion.
189 Ensuite, s’agissant des griefs de Telefónica de España et de Telefónica Móviles España visant la densité insuffisante du contrôle de la Commission quant à la limite maximale de 1 200 millions d’euros, il convient de rappeler que les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de la compensation pour l’exécution d’un service public de radiodiffusion et que, s’agissant du contrôle du caractère proportionnel de la compensation pour une obligation de service public de radiodiffusion, le contrôle de la Commission est restreint et celui du Tribunal sur une décision de la Commission est encore plus restreint (voir points 126 à 128 ci-dessus). Le contrôle du Tribunal se limite donc à examiner si la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
190 Or, en l’espèce, aucun argument avancé par Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’est susceptible de démontrer que les considérations développées au considérant 71 de la décision attaquée, selon lequel un plafond de 1 200 millions d’euros semblait prudent, étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.
191 Premièrement, comme la Commission l’a indiqué au considérant 71 de la décision attaquée, le montant de 1 200 millions d’euros correspondait au budget moyen dont la RTVE disposait sous le régime de financement mixte.
192 Deuxièmement, il ressort du considérant 71 de la décision attaquée que la Commission, d’une part, a pris en compte l’existence de coûts supplémentaires de 104 millions d’euros pour remplir le temps d’antenne réservé antérieurement à la publicité et de coûts générés par l’accomplissement des obligations de service public supplémentaires en matière de programmation imposées à la RTVE par la loi n° 8/2009 et, d’autre part, a retenu que rien ne pouvait laisser croire que la suppression de la publicité puisse entraîner une réduction considérable des coûts effectifs de la RTVE.
193 Contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, ces considérations ne sont pas manifestement erronées. En effet, il n’est pas acquis que les coûts pour l’accomplissement de la mission de service public encourus par la RTVE allaient être substantiellement inférieurs aux coûts qu’elle avait encourus sous le régime de la loi n° 17/2006. Certes, au considérant 59 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le fait de retirer la RTVE du marché de la publicité pouvait contribuer au renforcement de la mission de service public, en rendant la programmation moins dépendante de considérations commerciales et des fluctuations des recettes commerciales. Toutefois, contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, le seul fait que la RTVE soit devenue un opérateur n’étant plus soumis à la pression commerciale associée à la participation au marché de la publicité ne permet pas de tirer la conclusion qu’elle allait pouvoir proposer une programmation différente qui lui permettrait d’opérer à des coûts substantiellement inférieurs. En effet, l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un État procède à une définition large de la mission de service public de radiodiffusion qui permet à l’organisme public de radiodiffusion de fournir une programmation équilibrée et variée tout en conservant un certain taux d’audience (arrêt SIC/Commission, point 130 supra, point 201).
194 Troisièmement, contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en n’examinant pas davantage si le passage à un système de financement quasi uniquement public et la modification des obligations de service public pouvaient avoir des effets sur les coûts encourus par la RTVE. En effet, eu égard au fait que le montant de 1 200 millions d’euros prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 constitue uniquement une limite maximale pour le budget de la RTVE et que les mécanismes exposés aux points 180 à 183 ci-dessus garantissent que le montant de l’aide pour la RTVE ne dépasse pas les coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public, la Commission n’était pas obligée de procéder à un examen plus détaillé.
195 Quatrièmement, dans la mesure où Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission aurait dû réagir aux observations de certaines autorités nationales, il convient de constater que, au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission a elle-même exposé des doutes quant à la proportionnalité de la mesure, mais a conclu, après son examen, qu’il n’existait pas de risque de surcompensation. En tout état de cause, le fait qu’elle n’ait pas examiné en détail toutes les observations critiques des autorités administratives nationales concernant un projet de loi n’est pas en lui-même susceptible de démontrer une erreur manifeste d’appréciation de sa part, notamment lorsqu’il s’agit d’un domaine dans lequel les États membres disposent d’un large pouvoir discrétionnaire et le contrôle de la Commission est restreint.
196 Dès lors, Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’ont pas démontré que la constatation de la Commission, figurant au considérant 71 de la décision attaquée, selon laquelle un plafond de 1 200 millions d’euros semblait prudent était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
197 Compte tenu des considérations précédentes, il convient de rejeter le grief tiré de l’absence d’un contrôle ex ante suffisamment détaillé.
– Sur le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation
198 Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission a violé l’obligation de motivation au sens de l’article 296 TFUE. Elle n’aurait pas motivé suffisamment la constatation selon laquelle il n’y avait pas de risque de surcompensation.
199 Dans ce contexte, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T-81/07 à T-83/07, Rec. p. II-2411, points 61 et 62, et la jurisprudence citée).
200 En l’espèce, la motivation de la décision attaquée était suffisante.
201 En effet, tout d’abord, contrairement à ce qu’avancent Telefónica de España et Telefónica Móviles España, la motivation de la décision attaquée sur laquelle la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle il n’existait pas de risques de surcompensation n’était pas limitée au considérant 71 de la décision attaquée. En effet, aux considérants 67 à 73 de ladite décision, la Commission a également fait référence aux mécanismes de contrôle mentionnés aux points 180 à 183 ci-dessus. Dans ce contexte, il convient également de retenir que, aux considérants 14, 16 et 17 de cette décision, la Commission a également fait référence à ces mécanismes.
202 Ensuite, s’agissant du grief de Telefónica de España et de Telefónica Móviles España tiré du caractère abstrait de certaines de ces considérations, il suffit de rappeler qu’il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission s’est limitée à approuver un régime d’aide permettant de faire bénéficier la RTVE d’une aide correspondant aux coûts nets de l’accomplissement de ses obligations de service public et qu’elle ne s’est pas prononcée sur la compatibilité d’une aide d’un montant de 1 200 millions d’euros.
203 En outre, dans la mesure où Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission aurait dû réagir aux observations de certaines autorités nationales, il convient de constater qu’elle a suffisamment motivé une décision si celle-ci fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, mais qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. Après avoir mentionné, aux considérants 67 à 76 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles la mesure était proportionnelle, la Commission n’était donc pas obligée de répondre spécifiquement à toutes les observations critiques des autorités administratives nationales concernant un projet de loi. Cela vaut d’autant plus pour un domaine où les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation et où le contrôle de la Commission est, dès lors, restreint.
204 Dès lors, ce grief doit également être rejeté.
205 Partant, il convient également de rejeter les autres griefs avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España au vu du deuxième moyen.
206 Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi que les griefs avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España au vu du deuxième moyen doivent être rejetés dans leur ensemble.
Sur les autres moyens avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España
207 Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent deux moyens supplémentaires.
208 En premier lieu, Telefónica de España et Telefónica Móviles España soutiennent que la Commission a violé leurs droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE en constatant, dans sa décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que les trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 étaient dissociables du régime d’aide existant, alors qu’il aurait existé des doutes à cet égard.
209 En second lieu, Telefónica de España et Telefónica Móviles España avancent que la Commission a violé l’article 108 TFUE en constatant, au considérant 53 de la décision attaquée, que les trois mesure fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009 étaient dissociables de l’actuel régime de financement de la RTVE.
210 En revanche, la Commission estime que ces moyens doivent être rejetés comme irrecevables et, en tout état de cause, non fondés.
211 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. Selon l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Selon la jurisprudence, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours le soutien des conclusions présentées par cette dernière (arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 37).
212 En l’espèce, le litige tel qu’il a été constitué entre la requérante et la Commission a pour objet l’annulation de la décision attaquée. Le cadre de ce litige est délimité par les trois moyens avancés par la requérante, tirés, premièrement, d’une erreur concernant la notion d’aide en ce qui concerne la dissociabilité des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009, deuxièmement, d’une violation de l’article 49 TFUE et 64 TFUE et, troisièmement, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.
213 En revanche, ni la requête ni le mémoire en défense ne contiennent de développements concernant une éventuelle violation des droits procéduraux garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ou de la notion d’aide nouvelle au sens de de l’article 108, TFUE et de l’article 1er, sous c), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1). Ces prétendues violations ont été soulevées, pour la première fois, dans le mémoire en intervention.
214 Il s’ensuit que les deux moyens supplémentaires invoqués par Telefónica de España et Telefónica Móviles España ne se rattachent pas à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales et modifient donc le cadre du présent litige. Ces moyens doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.
215 Aucun argument avancé par Telefónica de España et Telefónica Móviles España n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
216 En effet, d’une part, dans la mesure où les intervenantes invoquent le point 36 de l’arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil (C-150/94, Rec. p. I-7235), il convient de constater que, dans cet arrêt, la Cour a retenu que l’argument qui avait été avancé par la partie intervenante et dont la recevabilité était en cause dans cette affaire concernait un moyen avancé par la partie principale et tendait à soutenir les conclusions présentées par cette dernière. Comme il a été exposé aux points 212 à 214 ci-dessus, ce n’est pas le cas en l’espèce.
217 D’autre part, Telefónica de España et Telefónica Móviles España invoquent le point 55 de l’arrêt de la Cour du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C-334/08, Rec. p. I-6869). Certes, dans cet arrêt, la Cour a constaté qu’un moyen, qui n’avait pas été invoqué par la partie principale soutenue par la partie intervenante, mais uniquement par cette dernière, était recevable. Toutefois, il s’agissait d’un moyen de défense qui avait été invoqué dans une procédure en manquement en vertu de l’article 260 TFUE. Or, dans une procédure en manquement, la Cour doit procéder à toutes les constatations nécessaires pour conclure au manquement, par l’État membre concerné, de ses obligations. Partant, un moyen de défense qui vise un élément de fait ou de droit que la Commission doit nécessairement examiner dans le cadre de son analyse n’est pas susceptible de modifier le cadre du litige. En revanche, en l’espèce, Telefónica de España et Telefónica Móviles España interviennent dans un recours en annulation dont le cadre est délimité notamment par les moyens invoqués par la requérante.
218 Partant, il convient de rejeter les deux moyens supplémentaires avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España comme irrecevables.
219 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours.
Sur les dépens
220 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.
221 S’agissant de l’affaire au principal, la requérante a succombé en toutes ses conclusions et la Commission ainsi que la RTVE ont demandé de condamner la requérante aux dépens. Partant, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter ses propres dépens, ceux de la RTVE ainsi que ceux de la Commission, à l’exclusion des dépens qui ont été occasionnés à cette dernière par l’intervention. Telefónica de España et Telefónica Móviles España ayant succombé en toutes leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens et, conjointement, les dépens occasionnés à la Commission par leur intervention, conformément aux conclusions de cette dernière. Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.
222 S’agissant de la procédure de référé, la requérante a succombé en toutes ses conclusions. Partant, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ceux de la RTVE ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de ces dernières. Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) DTS Distribuidora de Televisión Digital, SA supportera ses propres dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé, les dépens de la Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), en ce compris ceux afférents à la procédure de référé, ainsi que les dépens de la Commission européenne, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé, à l’exclusion des dépens occasionnés à cette dernière par l’intervention de Telefónica de España, SA et de Telefónica Móviles España, SA.
3) Telefónica de España et Telefónica Móviles España supporteront leurs propres dépens et, conjointement, les dépens occasionnés à la Commission par leur intervention.
4) Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé.
Czúcz |
Labucka |
Gratsias |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2014.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige et décision attaquée
Procédure devant le Tribunal
En droit
1. Sur la recevabilité du recours
2. Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de la notion d’aide au sens de l’article 107 TFUE en ce qui concerne la dissociabilité des trois mesures fiscales introduites ou modifiées par la loi n° 8/2009
Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte suffisante du lien entre les trois mesures fiscales et les éléments d’aide
– Sur les conditions qui doivent être réunies pour que le mode de financement d’une aide puisse être considéré comme faisant partie intégrante de celle-ci
– Sur l’application de ces conditions
Sur la deuxième branche, tirée de la relation entre les mesures fiscales et l’avantage concurrentiel de la RTVE
Sur la troisième branche, tirée d’une approche contradictoire de la Commission
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 49 TFUE et 63 TFUE
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE
Sur la première branche, visant le risque d’un comportement anticoncurrentiel de la RTVE
Sur la seconde branche, tirée d’une affectation ou d’une altération des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union
Sur les autres griefs avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España au vu du deuxième moyen
– Sur le grief tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE
– Sur le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation
Sur les autres moyens avancés par Telefónica de España et Telefónica Móviles España
Sur les dépens
* Langue de procédure : l’espagnol.
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