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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Poland v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-257/13 (25 February 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T25713.html Cite as: [2015] EUECJ T-257/13, EU:T:2015:111, ECLI:EU:T:2015:111 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
25 février 2015(*)
« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Développement rural – Dépenses effectuées par la Pologne – Article 7 du règlement (CE) n° 1258/1999 – Article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 – Efficacité des contrôles – Obligation de motivation – Principe de subsidiarité »
Dans l’affaire T‑257/13,
République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna et D. Krawczyk, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. P. Rossi et Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 67, p. 20), en ce qui concerne l’action « Retraite anticipée » mise en œuvre par la République de Pologne,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,
greffier : Mme C. Heeren, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2014,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Du 15 au 19 décembre 2008, la Commission des Communautés européennes a effectué une mission de contrôle en Pologne en ce qui concerne les dépenses effectuées au titre des mesures de développement rural dans le cadre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », ainsi que du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Dans le cadre de cette visite, les auditeurs de la Commission ont rencontré trois exploitants bénéficiant de l’action « Retraite anticipée ».
2 Le 22 avril 2009, la Commission a adressé à la République de Pologne, en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), une communication dans laquelle elle concluait que les autorités polonaises ne s’étaient pas entièrement acquittées des exigences établies par le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le FEOGA et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80), et le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO L 277, p. 1).
3 Par un courrier du 22 juin 2009, la République de Pologne a répondu à la communication de la Commission.
4 Par un courrier du 14 octobre 2009, la Commission a convoqué une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006.
5 Le 10 novembre 2009 s’est tenue la réunion bilatérale.
6 Le 18 février 2010, la Commission a adressé à la République de Pologne le procès-verbal de la réunion bilatérale.
7 Par un courrier du 13 mai 2010, la République de Pologne a transmis des informations complémentaires à la Commission.
8 Le 13 avril 2011, la Commission a adressé une communication officielle à la République de Pologne, conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 885/2006. Elle y a indiqué les montants des corrections qu’elle envisageait d’appliquer.
9 Par un courrier du 19 mai 2011, la République de Pologne a présenté une demande de conciliation à l’organe de conciliation, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006.
10 Le 26 octobre 2011, l’organe de conciliation a tenu une audience de conciliation.
11 Le 3 novembre 2011, la République de Pologne a adressé des informations complémentaires à la Commission.
12 Le 7 novembre 2011, l’organe de conciliation a adopté son rapport final. Il y a conclu qu’il lui était impossible de concilier les points de vue des parties dans le délai prévu.
13 Le 2 décembre 2011, la Commission a adressé à la République de Pologne le rapport final de l’organe de conciliation.
14 Par un courrier du 28 mars 2012, la Commission a exprimé sa position finale à la suite des conclusions de l’organe de conciliation.
15 Par décision d’exécution 2013/123/UE, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Feader (JO L 67, p. 20, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué, aux dépenses déclarées par la République de Pologne au titre du soutien à la préretraite en agriculture, les corrections de 28 763 238,60 euros et de 5 688 440,96 euros.
Décision attaquée
16 Le soutien au développement rural était régi, pendant la période de programmation 2004-2006, par le règlement n° 1257/1999. Le chapitre IV du titre II de ce règlement, intitulé « Préretraite », prévoyait qu’un soutien était accordé à la préretraite en agriculture. Ainsi, le cédant agricole qui partait en préretraite et cédait son exploitation bénéficiait d’une rente structurelle.
17 L’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 prévoyait que les nouveaux États membres, dont la République de Pologne, étaient tenus de présenter un plan de développement rural. Le 8 janvier 2004, la République de Pologne a présenté son plan (ci-après le « PDR 2004-2006 »), lequel précisait notamment les conditions et les critères d’éligibilité pour le soutien au développement rural applicables au cédant et au repreneur agricole. Le PDR 2004-2006 a été approuvé par une décision du 6 septembre 2004 de la Commission, en application de l’article 44, paragraphe 2, du règlement n° 1257/1999.
18 La période de programmation 2007-2013 était régie par le règlement n° 1698/2005. La section I du chapitre I du titre IV de ce règlement, intitulée « Axe 1 – Amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers », prévoyait qu’une mesure d’aide était accordée à la préretraite en agriculture. Ainsi, le cédant agricole qui partait en préretraite et cédait son exploitation bénéficiait d’une telle aide pour une durée de quinze ans au maximum.
19 Le PDR 2004-2006 et le plan de développement rural 2007-2013 (ci-après le « PDR 2007-2013 ») prévoyaient la mise en œuvre de l’action « retraite anticipée ».
20 Au cours de la procédure d’examen, la Commission a souligné que, en ce qui concerne la période de programmation 2004-2006, elle avait l’intention d’appliquer des corrections relatives à trois manquements. Premièrement, elle a reproché à la République de Pologne de ne pas avoir contrôlé si le cédant agricole qui partait en préretraite avait exercé une activité agricole à des fins commerciales pendant la période précédant la cession de l’exploitation à un repreneur agricole. Deuxièmement, elle a constaté que, dans le cadre du contrôle des qualifications demandées au repreneur agricole, la République de Pologne avait accepté des attestations écrites établies par des membres de la famille ou des proches du repreneur agricole comme preuve de la pratique professionnelle de celui-ci. Troisièmement, elle a relevé que la République de Pologne n’avait pas prévu de sanctions en cas de non-respect, par le repreneur agricole, de l’obligation de maintenir l’activité agricole pendant au moins cinq ans.
21 Considérant qu’il s’agissait de manquements à des contrôles nclés, la Commission a proposé l’application d’une correction forfaitaire de 5 % en application des orientations contenues dans son document VI/5330/97, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »).
22 En ce qui concerne la période de programmation 2007-2013, la Commission a modifié son approche au cours de la procédure d’examen et a estimé devoir retenir un taux de correction plus faible, à savoir 2 %, au motif que le premier manquement présentait un risque moindre pour le FEOGA ou le FEADER (ci-après les « Fonds »). En effet, elle a constaté que la République de Pologne avait considéré qu’une activité agricole à des fins commerciales était exercée sur une exploitation agricole lorsque l’exploitation présentait une superficie minimale de trois hectares (au lieu d’une superficie minimale d’un hectare exigée au cours de la période de programmation 2004-2006).
23 Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué des corrections dont le taux a été fixé à 5 % pour la période de programmation 2004-2006 et à 2 % pour la période de programmation 2007-2013. L’annexe de la décision attaquée détaille ces corrections en indiquant le motif tiré de l’« [i]nsuffisance dans la gestion du régime de préretraite ». Le tableau constituant cette annexe ventile le montant des corrections selon, d’une part, les périodes de programmation (2004-2006 et 2007-2013) et, d’autre part, les sources de financement (la section « Garantie » du FEOGA pour les versements antérieurs au 3 juillet 2008, le Feader pour les versements ultérieurs à cette date). Les dépenses de la République de Pologne ainsi écartées par la Commission du financement de l’Union européenne sont d’un montant de 28 763 238,60 euros et de 5 688 440,96 euros.
Procédure et conclusions des parties
24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 2013, la République de Pologne a introduit le présent recours.
25 La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée en tant qu’elle a écarté du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par elle au titre du FEOGA, section « Garantie », et du Feader, à savoir les sommes de 28 763 238,60 euros et de 5 688 440,96 euros ;
– condamner la Commission aux dépens.
26 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours dans son intégralité comme non fondé ;
– condamner la République de Pologne aux dépens.
En droit
27 À l’appui de son recours la République de Pologne invoque quatre moyens, tirés, en premier lieu, de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), en deuxième lieu, de la violation de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que du principe de proportionnalité, en troisième lieu, de la violation de l’article 296 TFUE et, en dernier lieu, de la violation du principe de subsidiarité.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005
28 Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, la République de Pologne soutient que l’application de la correction financière en cause repose sur des constatations factuelles inexactes et sur une interprétation erronée du règlement n° 1257/1999. Elle conteste les trois manquements dans le système de gestion de l’action « Retraite anticipée » que lui reproche la Commission, à savoir, tout d’abord, l’absence de vérification de l’exercice d’une activité agricole à des fins commerciales par l’agriculteur bénéficiant d’une aide à la préretraite avant la cession de l’exploitation, ensuite, le caractère insuffisant des preuves de la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes pour ce qui concerne le PDR 2004-2006 et, enfin, l’absence de sanction en cas de non-respect, par le repreneur agricole, de ses obligations pour ce qui concerne le PDR 2004-2006.
29 Au préalable, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1290/2005, dont les violations sont invoquées, prévoient que la Commission décide des dépenses à écarter du financement de l’Union lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles du droit de l’Union, évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité et tient compte, à cet égard, de la nature et de la gravité de l'infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.
Sur l’absence d’obligation d’exercer une activité agricole à des fins commerciales
30 D’une part, la République de Pologne soutient que l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 – qui était d’application lors de la période de programmation 2004-2006 – ne prévoit pas d’obligation de vérifier si l’agriculteur bénéficiant de la retraite anticipée exerçait l’activité agricole à des fins commerciales pendant la période qui précédait la cession de l’exploitation. Elle estime que tel est également le cas de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1698/2005, applicable lors de la période de programmation 2007-2013. Elle estime ainsi que l’exercice d’une activité agricole à des fins commerciales pendant la période précédant la cession de l’exploitation ne serait pas une condition d’octroi de l’aide dans le cadre de l’action « Retraite anticipée ». Elle souligne que l’obligation de cesser toute activité agricole à des fins commerciales prévue par le droit de l’Union a, avant tout, une dimension préventive et une finalité anticumul et qu’elle ne concerne pas la période d’exercice qui précède la cession aux fins de la retraite anticipée, mais vise à ce que l’exploitant qui perçoit des revenus au titre de l’exercice de l’activité agricole ne bénéficie pas indûment d’un soutien sous forme de prestations sociales de retraite. Par ailleurs, une telle condition ne résulterait ni du droit de l’Union, ni des documents de programmation élaborés par la République de Pologne au cours des deux périodes de programmation.
31 D’autre part, elle fait valoir que la prétendue obligation de prendre en considération des critères liés à la production, tels que le volume et le chiffre d’affaires, serait manifestement contraire aux objectifs du soutien dans le cadre de l’instrument « Retraite anticipée ».
32 En premier lieu, il convient d’examiner si l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1698/2005 peuvent être interprétés en ce sens qu’ils imposent aux États membres concernés de vérifier si l’agriculteur bénéficiant de la retraite anticipée exerçait son activité agricole à des fins commerciales pendant la période qui précédait la cession de l’exploitation.
33 Premièrement, en ce qui concerne la période de programmation 2004-2006, il y a lieu de rappeler que l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 prévoit ce qui suit :
« Le cédant agricole doit :
– cesser définitivement toute activité agricole à des fins commerciales ; il peut néanmoins continuer à pratiquer l’agriculture à des fins non commerciales et conserver l’usage des bâtiments,
– être âgé d'au moins 55 ans, sans avoir atteint l’âge normal de la retraite au moment de la cessation
et
– avoir exercé l’activité agricole pendant les dix ans qui précèdent la cessation. »
34 La République de Pologne et la Commission ne s’accordent pas sur la portée de la condition d’octroi de l’aide dans le cadre de l’action « Retraite anticipée », prévue audit article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999.
35 En effet, la République de Pologne soutient que l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 1257/1999 n’impose pas à l’État membre de contrôler que, pendant la période précédant la cession de l’exploitation aux fins de la retraite anticipée, le cédant a exercé une activité agricole à des fins commerciales. Selon elle, le premier tiret prévoit le type d’activité agricole que l’agriculteur peut exercer à compter de la cession, à savoir une activité agricole à des fins non commerciales, et celle qui lui est interdite à compter de ladite cession, c’est-à-dire toute activité agricole à des fins commerciales. Elle souligne que seul le troisième tiret vise la période qui précède la cession de l’exploitation et que celui-ci impose de vérifier que le cédant a exercé une « activité agricole » durant celle-ci. Elle fait valoir que le troisième tiret ne se réfère pas à l’ « exercice de l’activité agricole à des fins commerciales », mais vise l’ « exercice de l’activité agricole ». Elle souligne en effet que l’ « activité agricole » est une notion plus large qui comprend à la fois l’activité à des fins commerciales et l’activité à des fins non commerciales. Elle estime ainsi que la condition liée à l’exercice, par le cédant agricole, de l’activité agricole à des fins commerciales pendant la période qui précède la cession n’est pas imposée par l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999.
36 La Commission estime au contraire que l’obligation de cesser l’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales, mentionnée au premier tiret, implique que ladite activité à des fins commerciales ait été effectivement exercée lors de la période qui précède la cession.
37 Il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un texte de droit dérivé de l’Union exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions du traité (arrêts du 24 juin 1993, Dr. Tretter, C‑90/92, Rec, EU:C:1993:264, point 11, et du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C‑61/94, Rec, EU:C:1996:313, point 52).
38 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il convient, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).
39 Par ailleurs, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec, EU:C:1998:148, point 168 ; arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec, EU:T:1999:65, point 148).
40 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de déterminer la manière dont l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 doit être interprété.
41 Force est de constater que, d’un point de vue strictement littéral, l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 1257/1999 contient l’expression « cesser définitivement toute activité agricole à des fins commerciales ». Or, l’exigence de cessation de l’activité agricole à des fins commerciales qui y est mentionnée implique que cette activité ait été exercée avant la cession de l’exploitation.
42 Partant, l’interprétation littérale de l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 1257/1999 conduit à considérer que l’obligation de cesser l’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales implique que ladite activité ait été effectivement exercée à des fins commerciales lors de la période qui précède la cession.
43 L’interprétation littérale de l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 1257/1999 est corroborée, au demeurant, par des considérations d’ordre téléologique et est ainsi conforme à l’économie et à la finalité dudit règlement.
44 En effet, tout d’abord, le règlement n° 1257/1999 a pour fondement juridique les articles 36 CE et 37 CE (devenus articles 42 TFUE et 43 TFUE) et a ainsi été adopté dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Ainsi qu’en dispose l’article 39 TFUE, la PAC a pour objectifs primaires notamment d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel et la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, notamment la main-d’œuvre, et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture.
45 Ensuite, le considérant 23 du règlement n° 1257/1999 souligne qu’il convient d’encourager la préretraite en agriculture dans le but d’améliorer la viabilité des exploitations agricoles.
46 Par ailleurs, la Cour a confirmé que l’aide à la préretraite prévue au chapitre IV du titre II du règlement n° 1257/1999 constituait un instrument de la PAC, financé par le FEOGA, qui est destiné à garantir la viabilité des exploitations agricoles (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Soukupová, C‑401/11, Rec, EU:C:2013:223, point 25).
47 Enfin, et en ce sens, il ressort des conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Soukupová (C‑401/11, Rec, EU:C:2012:658, points 32 et 33) que l’aide à la préretraite ne vise pas à fournir un complément à la pension de retraite pour des raisons sociales et ne vise pas non plus directement à fournir un revenu additionnel aux agriculteurs âgés. L’objectif principal du programme d’aide à la préretraite est de fournir une incitation économique aux agriculteurs âgés pour qu’ils cessent leurs activités de manière anticipée et dans des circonstances où ils ne le feraient normalement pas. Le complément à la pension de retraite ou le revenu additionnel ne sont que des conséquences de l’application du règlement n° 1257/1999.
48 Ainsi, le programme d’aide à la préretraite a pour but de faciliter la transformation structurelle du secteur agricole en vue de mieux garantir la viabilité des exploitations agricoles. Il y a en effet une présomption qui sous-tend le règlement n° 1257/1999, à savoir que les agriculteurs plus âgés seront moins enclins que les jeunes agriculteurs à s’engager dans la technologie moderne qui augmentera la productivité des exploitations agricoles (voir conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire Soukupová, point 47 supra, EU:C:2012:658, point 33).
49 Il s’ensuit que l’objectif essentiel d’amélioration de la viabilité économique des exploitations agricoles est un objectif économique. Ainsi que le souligne la Commission, le versement d’une préretraite aux agriculteurs concernés n’a pas pour objectif d’attribuer un certain type d’aide à ces personnes, mais constitue une incitation économique pour qu’ils participent à un programme dont le but principal est d’améliorer la viabilité des exploitations.
50 Partant, c’est à bon droit que la Commission a considéré, en substance, que l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 imposait à la République de Pologne de vérifier si les agriculteurs avaient exercé l’activité agricole à des fins commerciales pendant la période précédant la cessation de ladite activité.
51 Aucun des arguments avancés par la République de Pologne ne permet de remettre en cause ce constat.
52 La République de Pologne soutient en vain que le PDR 2004-2006, approuvé par la Commission, ne prévoit pas la condition selon laquelle le cédant agricole bénéficiant de la retraite anticipée devait auparavant avoir exercé l’activité agricole à des fins commerciales.
53 Tout d’abord, il importe de souligner que l’acceptation par la Commission du PDR 2004-2006 ne confère pas à ce document de programmation une valeur juridique supérieure à celle du règlement n° 1257/1999. Tant la Commission que la République de Pologne restent tenues au respect des dispositions dudit règlement.
54 Ensuite, les points du PDR 2004-2006 qui font référence aux articles 10 à 12 du règlement n° 1257/1999 ne permettent pas de considérer qu’il faille exclure la condition d’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales. Comme le souligne la Commission, le PDR 2004-2006 indique que l’objectif du système des « rentes structurelles » est d’accroître la viabilité économique des exploitations agricoles et il ne fait référence à l’incidence sociale du système de préretraite qu’à titre accessoire.
55 Enfin, le PDR 2004-2006 indique que le premier versement intervient pour le mois au cours duquel le bénéficiaire du système de préretraite a cédé l’exploitation agricole « et » a cessé l’exercice de son activité commerciale. Force est de constater, comme le souligne la Commission, que les conditions prévues par le PDR 2004-2006 sont cumulatives. Il y a donc lieu de considérer que le moment de cessation des activités commerciales est décisif et que cela implique que la cessation se soit effectivement produite.
56 Dans ce cadre, il y a lieu d’examiner l’argument de la République de Pologne selon lequel il découle de l’article 11, paragraphe 1, troisième tiret, du règlement n° 1257/1999 que la seule obligation pouvant incomber aux États membres dans le cadre de la mise en œuvre de l’action « Retraite anticipée » était de vérifier l’exercice de l’activité agricole et la durée de cet exercice. La République de Pologne fait valoir à cet égard que le procès-verbal de la réunion bilatérale du 18 février 2010 mentionne que, s’agissant de la question alors litigieuse de l’exercice de l’activité agricole pendant les dix ans qui précèdent la cession de l’exploitation, les autorités polonaises avaient agi conformément au PDR 2004-2006 et que ce point était donc résolu.
57 Il convient toutefois de rejeter cette argumentation. En effet, il résulte de l’interprétation tant littérale que téléologique de l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 1257/1999 que cette disposition – dont l’application prévaut, en tout état de cause, sur les éléments contenus dans le procès-verbal de la réunion bilatérale du 18 février 2010 – impose à l’exploitant qui cède son exploitation agricole en vue de bénéficier de l’aide dans le cadre de l’action « Retraite anticipée » d’avoir exercé une activité agricole à des fins commerciales.
58 Deuxièmement, il convient de déterminer si les considérations relatives à la période de programmation 2004-2006 valent également pour ce qui concerne la période de programmation 2007-2013. La disposition applicable au cours de cette deuxième période, à savoir l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1698/2005, prévoit ce qui suit :
« 2. Le cédant:
a) est âgé d'au moins 55 ans, mais n’a pas encore atteint l’âge normal de la retraite au moment de la cession, ou n’est pas plus de 10 ans plus jeune par rapport à l’âge normal de la retraite dans l’État membre concerné au moment de la cession ;
b) cesse définitivement toute activité agricole commerciale ;
c) a pratiqué l’agriculture pendant les dix années précédant la cession. »
59 Les considérations énoncées aux points 41 à 50 ci-dessus sont pertinentes pour l’interprétation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1698/2005.
60 En effet, force est de constater que l’interprétation littérale de cette disposition tend à considérer que la cessation définitive de « toute activité agricole commerciale » qui y est mentionnée implique forcément que cette activité doit avoir été exercée avant la cession de l’exploitation.
61 Cette conclusion est pleinement corroborée par une interprétation téléologique de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1698/2005. Il y a lieu de souligner à cet égard que le règlement n° 1698/2005 se réfère également aux articles 36 CE et 37 CE (devenus articles 42 TFUE et 43 TFUE) et que l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement est inclus dans une section intitulée « Axe 1 – Amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers ». De même, le considérant 17 du règlement n° 1698/2005 mentionne que la retraite anticipée de la profession agricole devrait permettre une importante transformation structurelle des exploitations faisant l’objet de la cession par le biais d’une cession visant à accroître la taille de l’exploitation.
62 Force est de considérer, ainsi que le souligne la Commission, que, en ayant pour objectif l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole et la transformation de la structure des exploitations, le système de préretraite conserve le but économique qu’il avait au cours de la période de programmation précédente.
63 Il y a également lieu de souligner que le PDR 2007-2013 auquel se réfère la République de Pologne ne permet pas de démontrer que l’exercice d’une activité agricole commerciale pendant la période précédant la cession de l’exploitation n’était pas une condition d’octroi de l’aide à la préretraite.
64 En effet, d’une part, l’aspect économique de l’objectif de l’aide à la préretraite y a été affirmé. D’autre part, le PDR 2007-2013 a indiqué de façon explicite que l’aide à la préretraite atteint son objectif en « assurant une source de revenus aux personnes renonçant à se livrer à une production agricole commerciale » et que l’aide « constituera une source de revenus après la cessation de l’activité agricole exercée ». La Commission souligne à juste titre que la préretraite est donc octroyée pour compenser une perte de revenus et, partant, elle n’est applicable que lorsqu’un revenu est perçu, ce qui ne se produit que dans l’hypothèse de l’exercice d’une activité agricole commerciale.
65 En second lieu, il convient d’examiner l’argument par lequel la République de Pologne fait valoir que la prétendue obligation de prendre en considération des critères liés à la production, tels que le volume et le chiffre d’affaires, serait manifestement contraire aux objectifs du soutien dans le cadre de l’instrument « Retraite anticipée ». Elle relève, à cet égard, qu’aucun des objectifs définis à l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999, auxquels contribue le soutien accordé à la préretraite en agriculture, ne présente un lien avec les critères liés à la production.
66 Les arguments de la République de Pologne ne sauraient prospérer.
67 Il convient de rappeler que, en application de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999, un soutien est accordé à la préretraite en agriculture afin de contribuer aux objectifs d’offrir un revenu aux exploitants agricoles âgés qui décident de cesser l’activité agricole, de favoriser le remplacement de ces exploitants âgés par des agriculteurs qui pourront améliorer, le cas échéant, la viabilité économique des exploitations restantes et de réaffecter des terres agricoles à des usages non agricoles lorsque leur affectation à des fins agricoles n’est pas envisageable dans des conditions satisfaisantes de viabilité économique.
68 D’une part, l’interprétation de ces objectifs par la République de Pologne n’est pas convaincante. Il peut ainsi être raisonnablement considéré, à la lecture du premier objectif, que le « revenu » offert aux exploitants âgés est accordé pour compenser la perte de revenus du fait de la cessation des activités agricoles, et qu’elle n’est envisageable que lorsqu’un revenu est perçu, une telle perception ne pouvant logiquement se concevoir que dans l’exercice d’une activité agricole commerciale.
69 D’autre part, comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt Soukupová, point 46 supra (EU:C:2013:223), le complément à la pension de retraite et le revenu additionnel aux agriculteurs âgés ne sont que les conséquences inhérentes au règlement n° 1257/1999 en tant que moyen d’atteindre l’objectif principal du programme d’aide à la préretraite, qui est de fournir une incitation économique aux agriculteurs âgés pour qu’ils cessent leurs activités de manière anticipée, et dans des circonstances où ils ne le feraient normalement pas. Ainsi, l’objectif de l’aide à la préretraite est un objectif avant tout économique et n’est qu’à titre secondaire social.
70 Dans ce contexte, la République de Pologne tente de démontrer que la prise en considération des critères liés à la production serait en contradiction avec les objectifs de la PAC. Par ce système, la Commission favoriserait la cession des exploitations agricoles les plus dynamiques et porterait ainsi atteinte aux objectifs de renouvellement des générations et d’amélioration de la viabilité économique des exploitations. Le remplacement du gérant au sein d’une exploitation prospère par un gérant inexpérimenté augmenterait en effet de manière significative le risque de faillite. Les agriculteurs d’exploitations plus faibles qui auraient le plus besoin du soutien à la préretraite n’en bénéficieraient pas.
71 Un tel raisonnement est erroné dès lors que la prise en considération des critères liés à la production n’implique pas que seule la cession des exploitations économiques dynamiques puisse être envisageable.
72 La Commission relève à juste titre que les agriculteurs dont l’exploitation est prospère et affiche des bénéfices importants n’auront pas d’intérêt à échanger les revenus qu’ils touchent de leurs activités agricoles à des fins commerciales contre une préretraite d’un montant nettement plus faible. En revanche, les agriculteurs dont les revenus sont faibles seront davantage incités à céder leur exploitation agricole. Les critères liés à la production sont uniquement requis pour déterminer si le cédant percevait un revenu réel, à savoir celui qui est perçu dans le cadre d’une activité agricole à des fins commerciales.
73 À cet égard, la République de Pologne ne démontre pas que, en application de ces critères, la Commission aurait imposé un seuil minimal de dynamisme économique de l’exploitation agricole en dessous duquel les agriculteurs des exploitations agricoles concernées n’auraient pas été éligibles à l’aide à la préretraite, alors même qu’ils exerçaient leur activité à des fins commerciales.
74 Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a, à bon droit, considéré que la République de Pologne était tenue de vérifier que l’agriculteur cédant avait exercé une activité agricole à des fins commerciales avant la cession de l’exploitation agricole.
Sur la preuve de la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes (PDR 2004-2006)
75 Dans la communication officielle et le rapport de synthèse, la Commission souligne avoir constaté que la République de Pologne admettait que la condition relative à la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes était remplie lorsque le repreneur agricole produisait une attestation, délivrée par ses parents ou ses proches, certifiant qu’il avait exercé l’activité agricole, même à temps partiel. Or, les déclarations effectuées par les proches du repreneur agricole aux fins de prouver la possession, par ce dernier, des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes visées à l’article 11, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1257/1999 ne seraient pas fiables.
76 La République de Pologne conteste le point de vue de la Commission. Tout d’abord, elle soutient que les dispositions légales n’excluent pas l’utilisation de déclarations effectuées par des proches à titre d’éléments de preuve de la possession des connaissances et des qualifications professionnelles suffisantes, que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation à cet égard et que la déclaration de témoin est un moyen de preuve communément utilisé dans les États membres. Ensuite, la déclaration n’aurait été utilisée qu’occasionnellement, à savoir dans des cas où les repreneurs n’avaient pas la formation agricole requise. Enfin, lors des visites qu’elle a effectuées, la Commission n’aurait découvert aucun indice sérieux permettant de remettre en cause la valeur probante du moyen de preuve utilisé.
77 Il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1257/1999 prévoit que le repreneur agricole doit posséder des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes.
78 Il y a également lieu de souligner que, selon une jurisprudence établie, même si la réglementation de l’Union n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle et, a fortiori, n’a pas défini de manière exhaustive les modalités des contrôles, il n’en reste pas moins que cette obligation peut découler, le cas échéant implicitement, du fait que, en vertu de la réglementation en question, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, Rec, EU:C:1990:241, point 16 ; du 14 avril 2005, Espagne/Commission, C‑468/02, EU:C:2005:221, point 35, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec, EU:C:2008:247, point 70).
79 Il résulte des points 77 et 78 ci-dessus qu’il appartenait à la République de Pologne d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que le repreneur agricole possédait des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes.
80 Ainsi que la République de Pologne le rappelle elle-même, elle a prévu dans le PDR 2004-2006 que le repreneur agricole ne possédant qu’une formation élémentaire ou une formation professionnelle non agricole devait, pour prouver ses connaissances et ses compétences professionnelles suffisantes, démontrer l’exercice d’une activité agricole pendant cinq années. La République de Pologne a admis que la preuve de l’exercice d’une activité agricole du repreneur agricole se fasse au moyen de déclarations des proches de celui-ci.
81 Elle reconnaît ainsi que de telles déclarations ont été utilisées afin de prouver qu’il était satisfait à la condition relative à la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole.
82 Or, il importe de souligner que la République de Pologne ne conteste pas que la moitié des exploitations agricoles ont été transférées au sein du cercle familial. Elle a également admis que les signataires des déclarations attestant des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole pouvaient être des proches parents dudit repreneur. Il ne saurait être exclu que ces proches parents pouvaient eux-mêmes êtres des exploitants agricoles qui souhaitaient bénéficier d’un complément à la pension de retraite et qu’ils étaient donc, à ce titre, des bénéficiaires potentiels des avantages engendrés par le système de l’aide à la préretraite. Ceux-ci pouvaient ainsi être incités à faire de fausses déclarations.
83 Dans ces circonstances, la Commission a pu estimer de façon légitime que la seule prise en compte des déclarations de proches du repreneur agricole, pour démontrer la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes de celui-ci créait un risque pour les Fonds en raison du conflit d’intérêts décrit au point 82 ci-dessus. Doit ainsi être approuvée la considération de la Commission selon laquelle la République de Pologne ne devait pas considérer que les déclarations effectuées par les proches du repreneur agricole constituaient des preuves suffisantes de la possession des connaissances et des compétences requises.
84 Aucun des arguments avancés par la République de Pologne ne peut remettre en cause cette conclusion.
85 Premièrement, la République de Pologne reproche en substance à la Commission d’avoir estimé que de telles déclarations n’étaient pas fiables et ne pouvaient être utilisées comme une preuve de la possession des connaissances et des compétences requises, et d’avoir ainsi porté atteinte à l’autonomie procédurale des États membres dont les systèmes juridiques permettent l’utilisation des dépositions de témoins en tant que moyen de preuve. Dans ce contexte, elle soutient également que la Commission a modifié le grief retenu à l’issue de sa mission de contrôle dans ses écritures. Celle-ci aurait affirmé au cours de la procédure d’enquête que le document établi par les proches ne pouvait être considéré comme la preuve de la possession des connaissances et des compétences requises et aurait soutenu ensuite qu’elle n’avait pas invoqué que la République de Pologne devait refuser ce type de document, mais seulement qu’elle ne devait pas le considérer comme une preuve suffisante de la possession des connaissances et des compétences requises.
86 Ces arguments ne sauraient être retenus.
87 En effet, la Commission n’a pas dit que les repreneurs agricoles ne pouvaient pas produire des déclarations de proches pour tenter de démontrer qu’ils possédaient les connaissances et les compétences requises. La lettre de la Commission du 22 avril 2009 relative aux résultats de la mission de contrôle, à laquelle se réfère la République de Pologne, et la communication officielle du 13 avril 2011 mentionnent uniquement qu’un « simple » document établi par des proches du repreneur agricole ne saurait être considéré comme une preuve que la condition fixée par le Conseil est respectée. Les termes utilisés font apparaître de façon non équivoque que la déclaration de proches n’était pas suffisante en tant que telle pour démontrer que la condition de la possession des connaissances et des compétences requises était respectée, mais qu’elle pouvait constituer un indice, qui, avec d’autres indices, pouvait former un faisceau d’indices permettant de prouver à suffisance de droit que ladite condition était remplie.
88 Dans le même sens, le rapport de synthèse mentionne seulement que la déclaration d’un proche ne pouvait être considérée comme une preuve « suffisante » du respect de la condition fixée par l’article 11, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1257/1999.
89 Quant à l’argument selon lequel il serait porté atteinte à l’autonomie procédurale des États membres dont les systèmes juridiques permettent l’utilisation des dépositions de témoins en tant que moyen de preuve, il importe de rappeler que la procédure en cause est une procédure de l’Union. Les éléments de preuve présentés dans le cadre de celle-ci doivent donc s’apprécier au sein de l’Union. Plus particulièrement, il y a lieu de considérer que le fait que la déclaration d’un proche puisse avoir une certaine valeur probante en vertu du droit national polonais n’empêche pas les instances de l’Union de vérifier si le contrôle effectué par l’État membre sur ladite déclaration permet de conclure que celle-ci est suffisante pour démontrer l’absence de risque pour les Fonds.
90 Pour ces raisons, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas modifié le grief retenu à l’issue de sa mission de contrôle dans ses écritures, d’une part, et qu’il n’a pas été porté atteinte à l’autonomie procédurale des États membres, d’autre part.
91 Deuxièmement, selon la République de Pologne, la Commission a reconnu qu’elle n’avait pas la possibilité de vérifier l’exactitude des déclarations acceptées par les autorités polonaises ni de prouver l’existence de cas concrets de productions de fausses déclarations et a ainsi admis que son grief était purement hypothétique. Elle relève, jurisprudence à l’appui, que la Commission est restée en défaut de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait à l’égard des contrôles conduits par elle.
92 Les arguments avancés par la République de Pologne doivent être rejetés.
93 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, elle doit prouver l’existence desdites violations (arrêt du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, point 6). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (arrêt du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec, EU:C:2003:251, point 46).
94 La Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces données (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec, EU:C:2001:455, point 36, et Espagne/Commission, point 93 supra, EU:C:2003:251, point 47).
95 Il appartient ensuite à cet État membre de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Belgique/Commission, point 94 supra, EU:C:2001:455, point 37). En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, point 7, et Espagne/Commission, point 93 supra, EU:C:2003:251, point 48).
96 Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts Belgique/Commission, point 94 supra, EU:C:2001:455, point 37, et Espagne/Commission, point 93 supra, EU:C:2003:251, point 49).
97 Il résulte de la jurisprudence citée aux points 9393 à 96 ci-dessus que, pour rendre plausible l’existence d’irrégularités, la Commission n’est pas tenue de fournir une preuve exhaustive. Elle doit toutefois produire un ensemble de faits convergents d’où ressort le doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles menés par l’État membre concerné.
98 Si la Commission peut ainsi produire des faits qui révèlent une négligence lors des contrôles effectués à propos des mesures financées par le FEOGA ou le Feader, l’État membre doit fournir la preuve que les constatations de la Commission sont erronées.
99 Ainsi qu’il résulte des points 77 à 83 ci-dessus, la République de Pologne avait l’obligation d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance afin de s’assurer que le repreneur agricole satisfaisait à la condition prévue à l’article 11, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1257/1999. Il a également été souligné que la Commission a pu estimer de façon légitime que la seule prise en compte des déclarations de proches du repreneur agricole, pour démontrer la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes de celui-ci, créait un risque pour les Fonds et que le niveau de contrôle exercé par la République de Pologne était ainsi inapproprié.
100 La Commission a donc satisfait à l’exigence imposée par la jurisprudence de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait à l’égard des contrôles exercés par la République de Pologne.
101 Contrairement à ce que la République de Pologne a pu soutenir, il ne revenait pas à la Commission d’analyser de façon concrète l’exactitude des déclarations acceptées par les autorités polonaises ni, a fortiori, de prouver que certaines d’entre elles étaient fausses. La Commission n’en avait pas l’obligation, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 93 à 96 ci-dessus. Il appartenait à la République de Pologne de lever les doutes sérieux émis par la Commission, puisque, en tant qu’État membre, elle était la mieux placée pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA.
102 Dans ce contexte, il doit être souligné que, contrairement à ce qu’avance la République de Pologne, la Commission n’avait pas à indiquer d’autres solutions valables en matière de preuve de la pratique professionnelle des repreneurs agricoles.
103 À cet égard, la République de Pologne fait valoir que la fiabilité des déclarations pouvait être contrôlée au cas par cas, mais que leur crédibilité ne pouvait d’emblée être remise en cause. Ce faisant, elle reconnaît elle-même qu’un tel contrôle au cas par cas était parfaitement réalisable, mais elle ne présente aucun élément attestant qu’elle y a procédé. En outre, comme exposé précédemment, les auteurs de ces déclarations pouvaient se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, de sorte que la Commission pouvait remettre en cause leur crédibilité.
104 Troisièmement, la République de Pologne soutient en vain que des circonstances particulières caractérisant les premières années de l’adhésion justifiaient le recours aux déclarations des proches du repreneur agricole et que la déclaration n’a été utilisée qu’occasionnellement comme l’un des éléments de vérification de la condition relative à la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole.
105 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper des dispositions, des pratiques ou des situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑236/05, Rec, EU:C:2006:707, points 28 et 29, et du 8 mai 2008, Commission/Portugal, C‑233/07, EU:C:2008:271, point 33). En particulier, il a été jugé qu’un État membre ne saurait justifier le non-respect d’une obligation qui lui incombe dans le contexte de la réglementation relative au FEOGA en invoquant les carences concernant les procédures nationales et les recours qui en résultent (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, Rec, EU:T:2007:270, point 120). Ensuite, la République de Pologne n’identifie pas quelles sont, en l’espèce, les circonstances particulières auxquelles elle se réfère ni a fortiori en quoi celles-ci justifieraient le recours aux déclarations susmentionnées. Enfin, la République de Pologne n’a pas étayé son affirmation tirée du caractère simplement « occasionnel » du recours à des déclarations de proches pour démontrer que le repreneur agricole satisfaisait à la condition relative à la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes. En effet, elle s’est contentée de souligner qu’il n’était recouru à ces déclarations que dans le cas de repreneurs agricoles n’ayant pas de formation agricole suffisante et d’indiquer que le nombre de ces repreneurs était très faible. Force est de constater qu’elle n’a mentionné aucune référence chiffrée ni n’a présenté le moindre élément de preuve permettant d’attester du nombre prétendument faible desdits repreneurs.
106 Quatrièmement, manque en fait l’argument de la République de Pologne selon lequel la Commission n’aurait jamais évoqué le problème de la faible valeur probante présumée de la déclaration de proches lors de la visite de trois exploitations agricoles effectuées au cours de la mission d’inspection. La lettre de la Commission du 22 avril 2009 informant les autorités polonaises des résultats de la mission de contrôle mentionne explicitement la préoccupation de la Commission quant à l’attitude des autorités polonaises, qui considèrent qu’un tel moyen de preuve est suffisant.
107 En ce sens, est également dénuée de pertinence l’affirmation selon laquelle la Commission n’a jamais étayé la présomption de la faible valeur probante de la déclaration par des constatations factuelles faites au cours de la mission d’inspection. D’une part, il doit être rappelé que la Commission a conclu à juste titre à l’existence d’un doute sérieux en raison d’un contrôle inapproprié par la République de Pologne au motif que cette dernière avait considéré de simples déclarations de personnes susceptibles de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts comme étant des preuves suffisantes de l’expérience professionnelle. D’autre part, comme souligné au point 101 ci-dessus, il revenait à la République de Pologne de lever les doutes émis par la Commission, en analysant concrètement les déclarations.
Sur l’absence de sanctions pour le non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole (PDR 2004-2006)
108 Dans la communication officielle du 13 avril 2011, la Commission souligne que la République de Pologne n’a prévu aucune sanction pour le non-respect de l’obligation pour le repreneur agricole d’exercer l’activité agricole pendant au moins cinq ans en ce qui concerne la période de programmation 2004-2006.
109 La République de Pologne soutient que les sanctions pour le non-respect de l’obligation prévue à l’article 11, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1257/1999 sont prévues au point 11.11.2 du PDR 2004-2006, consacré à l’action « Retraite anticipée ». Il y est indiqué que, si le contrôle révèle que le repreneur n’exerce pas personnellement l’activité agricole sur les terres qu’il a reprises, il perd son droit aux paiements directs pour l’année en cours. Elle souligne également que les dispositions du droit civil polonais prévoient la possibilité d’obtenir devant le juge ordinaire l’exécution de l’obligation incombant au repreneur agricole au titre dudit article 11.
110 Il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1257/1999 prévoit que le repreneur agricole s’engage à exercer l’activité agricole sur l’exploitation pendant au moins cinq ans.
111 Il y a également lieu de relever que, dans la communication officielle du 13 avril 2011, la Commission a estimé que les autorités polonaises n’avaient prévu aucune sanction pour le non-respect, par le repreneur agricole, de l’obligation d’exercer une activité agricole. De même, le procès-verbal de la réunion bilatérale du 10 novembre 2009 indique que la Commission a demandé des informations plus précises, tant pour la période de programmation 2004-2006 que pour la période de programmation 2007-2013, sur les renseignements fournis par les autorités polonaises selon lesquels une loi concernant les versements directs prévoyait l’exécution des sanctions mentionnées par les PDR 2004-2006 et 2007-2013. La Commission a justifié sa demande par le fait que le PDR avait le rang d’un document de programmation et non d’une loi et que les sanctions devaient dès lors être instaurées par des mesures d’exécution.
112 En réponse à cette demande d’informations complémentaires, la République de Pologne a fourni des renseignements concernant la Ustawa z 26 stycznia 2007 r. o platnósciach w ramach systemów wsparcia bezpósredniego (loi du 26 janvier 2007 sur le versement des régimes de soutien direct, Dz U. de 2008, n° 170, position 1051), telle que modifiée. Force est toutefois de constater que cette loi s’applique à la période de programmation 2007-2013 et que la République de Pologne n’a donc fourni aucune information complémentaire concernant la période de programmation 2004-2006.
113 Force est également de relever que la République de Pologne n’a pas remis en cause le fait que le PDR 2004-2006 n’avait que le rang d’un document de programmation et n’avait donc pas la valeur d’une loi.
114 Il s’ensuit que, en ce qui concerne la période de programmation 2004-2006, la Commission n’a pas obtenu de précisions quant aux sanctions pour le non-respect de l’obligation pour le repreneur agricole d’exercer l’activité agricole pendant au moins cinq ans et, partant, n’a pas eu connaissance d’éléments dissuadant les repreneurs de ne plus exercer leurs activités agricoles. Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer à bon droit qu’il existait un risque pour les Fonds.
115 Aucun des arguments de la République de Pologne ne saurait infirmer cette conclusion.
116 Premièrement, elle se contente d’affirmer que les dispositions générales matérielles et procédurales du droit civil polonais prévoyaient la possibilité d’obtenir devant le juge ordinaire l’exécution de l’obligation incombant au repreneur agricole au titre de l’article 11, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1257/1999. Cette allégation particulièrement vague ne permet pas de déterminer s’il existe un mécanisme de sanction effectif, proportionné et dissuasif, visant à assurer le bon fonctionnement du système de l’aide à la préretraite.
117 Deuxièmement, la République de Pologne semble remettre en cause l’opportunité de l’existence de sanctions à l’égard du repreneur agricole en contestant le fait que l’absence de sanction pour le non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole puisse saper le fondement de l’aide à la préretraite. Une telle considération ne saurait être retenue. En effet, il y a lieu d’approuver l’observation de la Commission selon laquelle le fait que le repreneur cesse son activité peut créer un risque pour les Fonds en ce que le versement de certaines préretraites ne se traduirait pas, en fin de compte, par le renouvellement des générations d’agriculteurs et par la redynamisation des exploitations agricoles, alors même que ces effets constituent des objectifs du dispositif en cause.
118 Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que du principe de proportionnalité, en raison d’une correction financière excessive au regard du risque de pertes financières pour les Fonds
119 À l’appui du deuxième moyen, la République de Pologne fait valoir que la Commission a violé l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 au motif que, à les supposer avérés, les trois manquements dans le système de gestion de l’action « Retraite anticipée » seraient négligeables et ne pourraient donc exposer le budget de l’Union à un risque de pertes. Partant, elle considère que le montant de la correction financière appliquée par la Commission excède nettement la perte maximale éventuelle qu’aurait pu subir l’Union. La Commission aurait ainsi commis, pour chacun des trois prétendus manquements, une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences financières pour le budget de l’Union et elle aurait violé le principe de proportionnalité.
120 Tout d’abord, il doit être rappelé que l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999, remplacé par l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, constitue une base légale permettant à la Commission d’imposer des corrections financières, ce que ne conteste pas la République de Pologne.
121 Il convient de relever que l’article 31 du règlement n° 1290/2005 est rédigé en des termes analogues à ceux de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 qu’il a remplacé. En particulier, les deux dispositions mentionnent la nature et la gravité de l’infraction comme critères dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle évalue les montants à écarter au vu de l’importance de la non-conformité constatée.
122 Ensuite, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par ces dispositions, la Commission a prévu le type de correction financière à appliquer dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA et a adopté à cet égard les orientations. Celles-ci prévoient qu’une correction forfaitaire de 2 %, de 5 %, de 10 % ou de 25 %, voire plus, en fonction de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles, pourra être appliquée aux dépenses déclarées par un État membre, lorsque les informations à la disposition de la Commission ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par l’Union du fait desdits manquements.
123 Enfin, selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles du droit de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec, EU:C:2004:589, point 67, et du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec, EU:C:2005:426, point 38).
124 C’est en tenant compte de cette jurisprudence et des orientations qu’il convient d’analyser les trois griefs – qui concernent chacun l’un des manquements retenus par la Commission – tirés de l’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences financières pour le budget de l’Union et de la violation du principe de proportionnalité.
125 Au préalable, il convient de rappeler que le taux de correction appliqué par la Commission pour la période de programmation 2004-2006 est de 5 % tandis que celui appliqué pour la période de programmation 2007-2013 est de 2 %.
Sur le premier grief, relatif au manquement à l’obligation de contrôler l’exercice de l’activité à des fins commerciales
126 Dans le cadre du premier grief, la République de Pologne soutient n’avoir commis aucun manquement dans l’affectation des ressources dans le cadre de l’action « Retraite anticipée » en raison de la structure particulière du régime fiscal appliqué à l’agriculture. Elle souligne que le droit polonais prévoit que les agriculteurs ne sont pas assujettis à l’impôt classique sur le revenu au titre de l’exercice d’une activité agricole et ne sont, de ce fait, pas tenus de déclarer leurs revenus calculés sur la base de critères liés à la production (tels que le volume ou le chiffre d’affaires). Elle indique que l’exercice de l’activité agricole est en revanche soumis aux prélèvements agricoles si cette activité est exercée sur une surface minimale d’un hectare et que l’exercice sur cette surface minimale entraîne, outre l’obligation d’acquitter lesdits prélèvements, celle de cotiser au régime de sécurité sociale des agriculteurs. Or, le respect de l’obligation d’acquitter les contributions susmentionnées nécessiterait de percevoir certains revenus et partant, d’exercer une activité commerciale. Le législateur polonais partirait ainsi du principe que tout agriculteur exerçant l’activité agricole sur une exploitation agricole d’une superficie minimale d’un hectare l’exercerait à des fins commerciales. La République de Pologne en conclut que, en appliquant comme critère d’éligibilité au soutien accordé dans le cadre de l’action « Retraite anticipée » la possession d’une exploitation agricole d’une superficie minimale d’un hectare, elle a respecté la condition liée à l’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales. Ainsi, les Fonds n’auraient encouru aucun risque.
127 Comme le fait observer la Commission, force est relever que la République de Pologne « part du principe » que tout agriculteur exerçant l’activité agricole sur une exploitation agricole d’une superficie minimale d’un hectare l’exerce à des fins commerciales. Il ne s’agit donc que d’une supposition qui demande à être étayée.
128 En effet, il y a lieu d’approuver la position de la Commission selon laquelle la superficie de l’exploitation ne saurait suffire à elle seule à apprécier l’exercice d’une activité à des fins commerciales et il est nécessaire d’exercer un contrôle sur un autre facteur, à savoir les résultats de l’exploitation. Deux observations de la Commission renforcent cette conclusion.
129 Premièrement, il ressort de la communication officielle du 13 avril 2011 que les services de la Commission ont indiqué aux autorités polonaises que les exploitations ne dépassant pas la taille minimale des exploitations de semi-subsistance – à savoir celles qui, selon l’article 33 ter du règlement n° 1257/1999, produisent en premier lieu pour leur consommation propre, mais qui commercialisent également une partie de leur production – n’écoulaient pas leur production sur le marché. La Commission précise que, pour déterminer si une exploitation peut être qualifiée de semi-subsistante et pour déterminer sa taille en unité de dimension européenne (UDE), il convient de prendre en compte non seulement la superficie de l’exploitation, mais encore d’autres facteurs tels que le type et le volume des cultures et le type d’animaux et la quantité de ceux-ci. La République de Pologne n’a présenté aucun élément visant à remettre en cause ces considérations.
130 Deuxièmement, des chiffres non contestés par la République de Pologne soulignent à l’évidence que la seule prise en compte de la superficie minimale d’un hectare comme critère unique de contrôle de l’exercice d’une activité agricole comporte le risque réel de faire bénéficier du système de préretraite des exploitants agricoles n’ayant pas exercé cette activité agricole à des fins commerciales.
131 D’une part, le PDR 2004-2006 indique lui-même que les exploitations qui produisent exclusivement pour leur consommation propre sont des petites exploitations d’une superficie moyenne de 2,8 hectares de terres agricoles, ce qui apparaît contradictoire avec le critère de la superficie d’un hectare. D’autre part, le même document de programmation souligne que les exploitations produisant principalement pour leurs propres besoins représentaient 26 % de l’ensemble des exploitations.
132 Les arguments de la République de Pologne relatifs à la structure particulière du régime fiscal appliqué à l’agriculture ne sauraient infirmer ces conclusions.
133 Dès lors, la République de Pologne n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur quant à la nécessité de tirer des conséquences financières en raison du risque encouru par les Fonds du fait du manquement relatif à l’obligation de contrôler l’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales.
134 Quant aux taux de correction appliqués, elle n’a présenté aucun élément dans le cadre du premier grief afin de démontrer que le taux de 5 % appliqué pour la période de programmation 2004-2006 et celui de 2 % appliqué pour la période de programmation 2007-2013 auraient été disproportionnés.
135 Partant, le premier grief doit être rejeté.
Sur le deuxième grief, relatif au manquement à l’obligation de contrôler la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole
136 La République de Pologne réitère l’argumentation développée dans le cadre du premier moyen. Elle fait valoir que le manquement à l’obligation de contrôler adéquatement la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole ne portait pas atteinte au droit de l’Union et ne pouvait donc entraîner de risque de pertes financières pour les Fonds. Par ailleurs, la République de Pologne souligne qu’il y a un pourcentage très faible de cas de repreneurs ayant cessé d’exercer l’activité agricole, qui est lié au manquement à l’obligation de contrôler la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole. La pérennité des exploitations agricoles qui ont été reprises et la survie de celles-ci attesteraient des compétences et des connaissances des repreneurs.
137 D’une part, il convient de constater que la République de Pologne réitère en vain ce qu’elle a soutenu dans le cadre du premier moyen. L’examen de celui-ci a permis en effet de conclure que la République de Pologne n’avait pas réussi à remettre en cause les conclusions de la Commission selon lesquelles les Fonds encouraient un risque en raison du manquement à l’obligation de contrôler la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole.
138 D’autre part, l’argument reposant sur la pérennité et la survie des exploitations agricoles qui ont été reprises ne saurait prospérer. En effet, outre le fait que la réalité de cette affirmation n’a pas été démontrée à suffisance par la République de Pologne, la prise en compte d’un tel raisonnement reviendrait à remettre en cause le critère autonome que constitue l’obligation de contrôler la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole. À supposer que le repreneur agricole qui ne possède pas les connaissances et les compétences professionnelles suffisantes soit talentueux et devienne ainsi suffisamment expérimenté pour conduire l’exploitation agricole, cette « régularisation » de la situation n’a pas d’incidence sur le constat que le contrôle initiale de la République de Pologne était défaillant.
139 Par ailleurs, la République de Pologne se prévaut en vain du pourcentage très faible de cas de repreneurs ayant cessé d’exercer l’activité agricole en raison de la possession de connaissances et de compétences professionnelles insuffisantes. Par son raisonnement, la République de Pologne semble vouloir assimiler les repreneurs ayant cessé leur activité agricole – dont le nombre est faible – à ceux n’ayant pas les connaissances et les compétences requises. Comme le souligne à juste titre la Commission, la République de Pologne ne présente aucun élément de preuve qui tendrait à démontrer que le groupe d’agriculteurs n’ayant pas respecté l’obligation de maintenir une activité agricole pendant cinq ans était le même que le groupe des repreneurs ayant présenté une déclaration de proches en vue de certifier les connaissances et les compétences professionnelles suffisantes.
140 Partant, le deuxième grief doit être rejeté.
Sur le troisième grief, relatif à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole
141 D’une part, la République de Pologne soutient, comme elle l’a fait dans le cadre du premier moyen, que le manquement dû à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole ne portait pas atteinte au droit de l’Union et ne pouvait donc entraîner de risque de pertes financières pour les Fonds. D’autre part, elle fait valoir que, à supposer avéré le manquement dû à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation pour le repreneur d’exercer l’activité agricole, l’impact de ce manquement serait marginal. En effet, sur l’ensemble des parcelles contrôlées, le nombre de repreneurs agricoles ayant cessé l’activité ne serait que de 0,49 %, soit dix fois inférieur à la correction forfaitaire de 5 % imposée par la Commission. Elle aurait, au demeurant, appliqué la sanction d’exclusion du mécanisme de soutien direct aux exploitants des parcelles contrôlées sur lesquelles l’activité agricole n’était pas exercée.
142 D’une part, il convient de souligner que la République de Pologne réitère en vain ce qu’elle a soutenu dans le cadre du premier moyen. L’examen de celui-ci a permis en effet de conclure qu’elle n’avait pas réussi à remettre en cause les conclusions de la Commission selon lesquelles les Fonds encouraient un risque en raison de ce manquement constaté par la Commission.
143 D’autre part, l’argument tiré de l’impact marginal du manquement dû à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation du repreneur d’exercer l’activité agricole est inopérant au motif que les services de la Commission ont déjà accepté la recommandation de l’organe de conciliation. En effet, le rapport final indique que l’organe de conciliation a pris acte du fait que la Commission avait souligné être disposée à réévaluer la correction proposée en tant qu’elle était justifiée par l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation d’exercer l’activité commerciale pendant cinq années.
144 Dès lors que la Commission a admis qu’il convenait de réévaluer la correction en tant qu’elle était justifiée par le motif susmentionné, se pose d’autant plus la question de savoir si la correction forfaitaire de 5 % était excessive. En effet, force est de constater que la réévaluation de la correction annoncée par la Commission n’a impliqué aucun changement, le taux de correction demeurant identique avant et après la réévaluation, à savoir 5 %.
145 Il ressort des orientations que, lorsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble. En l’espèce, la Commission a considéré que les deux autres manquements retenus par elle pour la période de programmation 2004-2006, à savoir l’absence de contrôle de l’exercice requis d’une activité à des fins commerciales et le contrôle inapproprié de la possession des connaissances et des compétences requises, devaient donner lieu à une correction forfaitaire de 5 %. Ainsi, il aurait fallu considérer que le taux de correction en ce qui concerne ces deux manquements était excessif. Or, ainsi qu’il ressort des points 127 à 134 et 137 à 139 ci-dessus, il n’a pas été démontré que le taux de correction forfaitaire de 5 % appliqué pour les deux manquements susmentionnés aurait été excessif et que la Commission aurait ainsi violé l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999, l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et le principe de proportionnalité.
146 Le troisième grief doit donc être rejeté.
147 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999, de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et du principe de proportionnalité, doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE en raison d’une motivation insuffisante
148 Premièrement, la République de Pologne soutient que la Commission n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que l’aide à la retraite anticipée devait être limitée aux grandes exploitations au détriment des exploitations moins développées et moins rentables. Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle les déclarations des proches des repreneurs agricoles pourraient être fausses et les autorités polonaises auraient dû rejeter ce moyen de preuve n’aurait pas été étayée. Troisièmement, elle relève en substance une contradiction dans les motifs de la décision attaquée en ce que la Commission a déclaré que le risque de perte pour les Fonds en raison du manquement dû à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation du repreneur d’exercer l’activité agricole était inférieur à 5 % alors qu’elle a appliqué un taux forfaitaire de correction de 5 %. Elle constate également que deux taux différents (5 % et 2 %) ont été appliqués selon la période de programmation. Elle souligne aussi que, dans la décision attaquée, les corrections sont motivées par les motifs superficiels déduits de l’« [i]nsuffisance dans la gestion du régime de préretraite ». Quatrièmement, elle fait valoir que la Commission assimile le respect de l’obligation de motivation au simple exposé des manquements qui lui sont reprochés. Il n’y aurait pas de démonstration du lien entre les dispositions de droit de l’Union, la violation de ces dispositions par la République de Pologne, l’existence d’un risque réel pour les Fonds et le montant de la correction compensant les pertes subies.
149 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait toutefois être exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec, EU:T:2000:8, point 92, et du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, EU:T:2013:262, point 143).
150 Il y a lieu de rappeler que les décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes des fonds sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, Rec, EU:C:2002:168, point 39 ; arrêt du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, Rec, EU:T:2013:305, point 51). Dans ce contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge des fonds en cause les sommes litigieuses (voir, en ce sens, arrêts Belgique/Commission, point 94 supra, EU:C:2001:455, point 98 ; du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec, EU:C:2004:496, point 67, et Bulgarie/Commission, point 149 supra, EU:T:2013:262, point 144).
151 En premier lieu, il ressort du dossier que le gouvernement polonais a été associé au processus d’élaboration de la décision attaquée. En effet, tout d’abord, les manquements relevés par la Commission ont été mentionnés dans sa lettre du 22 avril 2009 informant les autorités polonaises des résultats de la mission de contrôle effectuée du 15 au 19 décembre.
152 Ensuite, les manquements ont été exposés lors de la réunion bilatérale du 10 novembre 2009 qui a fait l’objet d’un procès-verbal adressé aux autorités polonaises par lettre de la Commission du 18 février 2010.
153 Par ailleurs, dans la communication officielle du 13 avril 2011, la Commission a rappelé les trois manquements qu’elle reprochait à la République de Pologne et a indiqué les conséquences financières qu’elle considérait devoir en tirer. Elle a, à cet égard, justifié le taux de correction qu’elle estimait devoir appliquer tant pour la période de programmation 2004-2006 que pour la période de programmation 2007-2013.
154 En outre, le rapport final de l’organe de conciliation adressée par lettre du 2 décembre 2011 à la République de Pologne rappelle également les trois motifs ayant conduit la Commission à vouloir appliquer une correction financière.
155 Enfin, quant à la position finale de la Commission du 28 mars 2012 et au rapport de synthèse, ils contiennent également les motifs relatifs aux trois manquements reprochés à la République de Pologne ainsi que les taux de correction pour les deux périodes de programmation que la Commission comptait appliquer.
156 Dans ce contexte, force est de reconnaître que la motivation donnée par la Commission était suffisante pour permettre à la République de Pologne de connaître clairement les motifs de la décision attaquée et de préparer sa défense.
157 D’une part, cela est confirmé par le fait que, comme le souligne à juste titre la Commission, les remarques formulées par la République de Pologne au cours de la procédure d’examen portaient essentiellement sur le bien-fondé des motifs et que celle-ci avait donc bien compris les manquements retenus par la Commission.
158 D’autre part, les arguments développés dans le cadre du premier moyen montrent également que la République de Pologne a compris ce qui lui était reproché et qu’elle a pu présenter une argumentation en vue de réfuter ces griefs.
159 En second lieu, aucun des arguments avancés par la République de Pologne ne permet de remettre en cause les considérations qui précèdent.
160 Premièrement, il ne ressort pas des documents de la procédure d’examen que la Commission ait indiqué que l’aide à la retraite anticipée devait être limitée aux grandes exploitations. L’argument tiré de l’absence de motivation des raisons de cette limitation est donc dénué de toute pertinence.
161 Deuxièmement, la République de Pologne fait valoir en vain que la Commission aurait dû étayer son affirmation selon laquelle les déclarations de proches du repreneur agricole pour démontrer la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes pouvaient être fausses et les autorités polonaises auraient donc dû rejeter ces éléments de preuve.
162 D’une part, comme relevé aux points 87 et 88 ci-dessus, la Commission n’a pas considéré que la déclaration d’un proche en tant qu’élément de preuve devait être rejetée, mais a souligné que celle-ci ne pouvait être considérée comme une preuve suffisante par elle-même du respect de la condition fixée par l’article 11, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1257/1999. D’autre part, la lettre de la Commission du 22 avril 2009 et sa position finale du 28 mars 2012 indiquent de façon non équivoque que le repreneur présentait une attestation délivrée par ses proches, qu’une exploitation sur deux était transmise dans le cercle familial et qu’il existait ainsi un risque réel, puisque les proches en situation de conflit d’intérêts pouvaient essayer de profiter des pratiques des autorités polonaises pour obtenir des avantages indus.
163 Comme souligné au point 101 ci-dessus, il ne revenait pas à la Commission d’analyser de façon concrète l’exactitude des déclarations acceptées par les autorités polonaises ni, a fortiori, de prouver que certaines d’entre elles étaient fausses. Elle n’avait donc pas à présenter une motivation indiquant qu’elle avait des preuves concrètes de l’existence de fausses déclarations.
164 Force est donc de considérer que la motivation relative à ce manquement est suffisante.
165 Troisièmement, la République de Pologne estime en substance qu’il existe une insuffisance et une contradiction dans les motifs de la décision attaquée. D’un côté, la Commission aurait admis que le risque encouru par les Fonds en raison du manquement dû à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation du repreneur d’exercer l’activité agricole était inférieur à 5 %. De l’autre côté, elle aurait maintenu ce taux forfaitaire de correction de 5 % sans aucune justification pour la période de programmation 2004-2006, tout en appliquant un taux de 2 % pour la période de programmation 2007-2013. De surcroît, elle n’aurait pas mentionné le taux de correction appliqué au titre du manquement concernant l’absence de sanction pour les repreneurs ne respectant pas l’obligation d’exercer l’activité agricole pendant cinq ans.
166 Cet argument doit être rejeté. La motivation contenue dans les documents transmis au cours de la procédure d’examen – à savoir la communication officielle, le rapport final de l’organe de conciliation, la position finale de la Commission et le rapport de synthèse – rappelle le contenu des orientations et notamment, ainsi qu’il a été rappelé au point 145 ci-dessus, que la carence la plus grave est considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble. Elle mentionne que, en application des orientations, la Commission prévoyait un taux de correction de 5 % pour chacun des trois manquements qui concernaient des contrôles clés, qu’une diminution du taux de correction n’était envisageable que si les services de la Commission estimaient qu’une réévaluation de chacun des trois manquements retenus était possible et que la Commission admettait que le risque du fait de l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation du repreneur d’exercer l’activité agricole était inférieur à 5 %, mais qu’elle maintenait ledit taux pour les autres manquements.
167 Compte tenu de ces éléments, est dénué de pertinence l’argument de la République de Pologne selon lequel les corrections seraient motivées par les motifs superficiels déduits de l’« [i]nsuffisance dans la gestion du régime de préretraite ». Les « insuffisances » mentionnées dans le tableau annexé à la décision attaquée sont celles explicitées dans les motifs contenus dans la correspondance entre la Commission et la République de Pologne ainsi que dans le rapport de synthèse, conformément à la jurisprudence rappelée au point 150 ci-dessus.
168 De même, l’argument tiré de l’absence de mention du taux de correction au titre du manquement concernant l’absence de sanction pour les repreneurs ne respectant pas l’obligation d’exercer l’activité agricole est inopérant. En effet, l’absence d’indication du taux de correction relatif à ce manquement n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, la correction financière de 5 %, au titre des deux autres manquements, appliquée par la Commission aux dépenses engagées pour la période de programmation 2004-2006 étant suffisamment motivée.
169 Quant à la motivation relative au taux de correction de 2 % appliqué pour la période de programmation 2007-2013, elle ressort des différents documents échangés au cours de la procédure d’examen, tels que la communication officielle, le rapport final de l’organe de conciliation – mentionnant dûment la position de la Commission – et la position finale de la Commission. La Commission a indiqué de façon claire que le risque résultant de l’absence d’activité agricole à des fins commerciales avant le transfert diminuait avec l’augmentation de la taille minimale des exploitations agricoles et que, s’agissant de la période de programmation 2007-2013, la taille prise en compte par la République de Pologne pour présumer l’existence d’une activité agricole à des fins commerciales avait augmenté et était désormais de trois hectares au minimum (au lieu d’un hectare pour la période de programmation 2004-2006). Force est de considérer qu’une telle motivation a permis à la République de Pologne de comprendre les raisons qui ont conduit la Commission à appliquer un taux différent pour la période de programmation 2007-2013.
170 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la République de Pologne était en mesure de comprendre les motifs ayant conduit la Commission à appliquer des corrections d’un taux respectivement de 5 % et de 2 % et que ces motifs n’étaient pas contradictoires.
171 Quatrièmement, la République de Pologne fait valoir que la Commission assimile le respect de l’obligation de motivation au simple exposé des manquements qui lui sont reprochés. Il n’y aurait pas de démonstration du lien entre les dispositions du droit de l’Union, la violation de ces dispositions par la République de Pologne, l’existence d’un risque réel pour les Fonds et le montant de la correction compensant les pertes subies.
172 Ce faisant, la République de Pologne réitère de manière différente les arguments, déjà présentés dans le cadre du présent moyen, qui ont été rejetés. Au surplus, force est de constater que les documents cités au point 166 ci-dessus rappellent sans équivoque que la République de Pologne n’a pas rempli les obligations de contrôle prévues à l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1257/1999 et que la Commission a ainsi appliqué une correction en application de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005.
173 Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de subsidiarité
174 Dans le cadre du quatrième moyen, la République de Pologne soutient que la Commission a violé le principe de subsidiarité au motif que cette dernière se serait livrée à une interprétation des documents de programmation, qu’elle aurait formulé des exigences concernant les modalités de mise en œuvre du programme et qu’elle aurait remis en cause presque tous les mécanismes institutionnels spécifiques du droit polonais.
175 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu du principe de subsidiarité tel que consacré à l’article 5, deuxième alinéa, TUE, l’Union n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés à l’échelle de l’Union (arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, EU:T:2009:206, point 105).
176 En premier lieu, la Commission n’a pas violé le principe de subsidiarité en vérifiant si les contrôles effectués par la République de Pologne étaient suffisants.
177 En effet, il y a lieu de constater qu’il ressort expressément du considérant 5 du règlement n° 1258/1999 que, si la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA, section « Garantie », incombe en premier lieu aux États membres, il n’en demeure pas moins que la Commission, en sa qualité de responsable de l’exécution du budget de l’Union, d’une part, doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués et, d’autre part, ne peut financer les dépenses que lorsque ces conditions offrent toutes les assurances nécessaires quant à la conformité aux règles de l’Union. Il est en outre précisé que, dans le cadre d’un système décentralisé de gestion des dépenses de l’Union, il est essentiel que la Commission, en sa qualité d’institution chargée du financement, ait le droit et les moyens d’effectuer toutes les vérifications relatives à la gestion des dépenses qu’elle juge nécessaires (arrêt Portugal/Commission, point 175 supra, EU:T:2009:206, point 106).
178 De même, il ressort de la jurisprudence constante visée au point 78 ci-dessus que, en vertu des règles de l’Union relatives au FEOGA, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir, en ce sens, arrêt Portugal/Commission, point 175 supra, EU:T:2009:206, point 107).
179 C’est en se fondant sur le pouvoir de contrôle prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 que la Commission a apprécié si les Fonds octroyés dans le cadre des programmes nationaux avaient été bien utilisés et a vérifié, dans ce contexte, si le contrôle et la surveillance exercés par la République de Pologne avaient été suffisants et efficaces.
180 En second lieu, la République de Pologne soutient en vain que la Commission aurait violé le principe de subsidiarité en se livrant à une interprétation des documents de programmation et en remettant en cause presque tous les mécanismes institutionnels spécifiques du droit polonais.
181 Premièrement, la République de Pologne affirme en substance de façon erronée que la Commission a imaginé une obligation non prévue par les plans de développement rural, à savoir celle de vérifier que l’activité agricole pendant la période qui précède la cession de l’exploitation aux fins de la retraite anticipée a été exercée à des fins commerciales.
182 D’une part, l’examen du premier moyen révèle que l’exercice de l’activité agricole à des fins commerciales pendant la période qui précède la cession de l’exploitation aux fins de la retraite anticipée était bien une condition d’octroi de l’aide dans le cadre de l’action « Retraite anticipée » et qu’il appartenait donc à la République de Pologne de contrôler si ladite condition était remplie.
183 D’autre part, contrairement à ce que soutient en substance la République de Pologne, la Commission n’a pas remis en cause les dispositions des plans de développement rural qu’elle avait auparavant approuvées. Il faut en effet souligner que ces dispositions sont analogues à celles prévues dans les règlements n°s 1258/1999 et 1290/2005, ce que ne conteste d’ailleurs pas la République de Pologne. La Commission souligne à juste titre qu’elle ne pouvait pas prévoir au stade de l’appréciation des plans de développement rural que les autorités polonaises n’allaient pas contrôler si cette exigence de l’exercice d’une activité agricole à des fins commerciales était remplie.
184 Deuxièmement, en ce qui concerne les déclarations effectuées par les proches du repreneur agricole aux fins de prouver la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes, force est d’admettre que le PDR 2004-2006 s’est limité à indiquer que les pièces jointes à la demande devaient comprendre un « document attestant des qualifications agricoles ». Le PDR 2004-2006 a seulement précisé que, selon le niveau de la formation du repreneur agricole, celui-ci était tenu de démontrer l’exercice d’une activité agricole pendant trois ou cinq ans. Aucune précision n’était toutefois apportée quant aux documents requis à cet égard.
185 Partant, en considérant que la simple déclaration de proches n’était pas suffisante pour démontrer la possession des connaissances et des compétences professionnelles du repreneur agricole, la Commission n’a en rien porté atteinte au principe de subsidiarité.
186 Troisièmement, quant à l’obligation de prévoir des sanctions en cas de non-respect de l’obligation pour le repreneur agricole d’exercer l’activité agricole pendant cinq ans, la Commission ne pouvait pas prévoir de quelle manière la République de Pologne allait y satisfaire.
187 À cet égard, il est utile de rappeler que la Commission a demandé à la République de Pologne de lui transmettre la législation pertinente sur les sanctions et qu’elle n’a pas reçu de réponse satisfaisante pour ce qui concerne la période de programmation 2004-2006. Les doutes exprimés par la Commission sur ce point n’ayant pas été levés, celle-ci a pu légitimement considérer, sans violer le principe de subsidiarité, que la République de Pologne ne satisfaisait pas à son obligation de contrôle.
188 La République de Pologne tente en vain de faire valoir que l’approche de la Commission est sélective. D’un côté, la Commission soutiendrait que, s’agissant des déclarations confirmant la pratique professionnelle au sein d’une exploitation, elle n’avait aucune possibilité de vérifier la crédibilité des documents et qu’un contrôle adéquat ne pouvait être effectué que par des organes compétents de l’État membre. D’un autre côté, la Commission ferait valoir que, en ce qui concerne le caractère commercial de l’activité agricole, elle était compétente pour déterminer quelles exploitations, au cours des années 2004-2006, devaient « au minimum » être considérées comme « commerciales ».
189 Cette argumentation est dénuée de pertinence. En qui concerne les déclarations des proches, force est de considérer que la République de Pologne n’a même pas indiqué avoir contrôlé l’authenticité ne fût-ce que d’une seule desdites déclarations.
190 Quant à l’exercice d’une activité agricole à des fins commerciales, la Commission souligne à juste titre qu’elle ne s’est pas arrogé le droit de vérifier dans des cas concrets si l’activité sur l’exploitation agricole était exercée à des fins commerciales. Elle a cependant constaté qu’un tel contrôle n’avait jamais été effectué par la République de Pologne.
191 Partant, le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de subsidiarité, doit être rejeté.
192 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours.
Sur les dépens
193 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Pologne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.
Prek | Labucka | Kreuschitz |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 février 2015.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Décision attaquée
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005
Sur l’absence d’obligation d’exercer une activité agricole à des fins commerciales
Sur la preuve de la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes (PDR 2004-2006)
Sur l’absence de sanctions pour le non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole (PDR 2004-2006)
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que du principe de proportionnalité, en raison d’une correction financière excessive au regard du risque de pertes financières pour les Fonds
Sur le premier grief, relatif au manquement à l’obligation de contrôler l’exercice de l’activité à des fins commerciales
Sur le deuxième grief, relatif au manquement à l’obligation de contrôler la possession des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes du repreneur agricole
Sur le troisième grief, relatif à l’absence de sanction en cas de non-respect de l’obligation d’exercer l’activité agricole
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE en raison d’une motivation insuffisante
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de subsidiarité
Sur les dépens
* Langue de procédure : le polonais.
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