Compagnie des fromages & Richesmonts v OHMI - Grupo Lactalis Iberia and blanc) (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-327/14 (03 December 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T32714.html
Cite as: [2015] EUECJ T-327/14, ECLI:EU:T:2015:929, EU:T:2015:929

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 décembre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative représentant un motif vichy rouge et blanc – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑327/14,

Compagnie des fromages & Richesmonts, établie à Puteaux (France), représentée par Mes T. Mollet-Viéville et T. Cuche, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme V. Melgar, puis par M. J. Crespo Carillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Grupo Lactalis Iberia SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me D. Masson, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 mars 2014 (affaire R 1295/2012‑4), relative à une procédure de nullité entre Grupo Lactalis Iberia SA et la Compagnie des fromages & Richesmonts,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2014,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2014,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2014,

vu le mémoire en duplique de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 février 2015,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2015,

à la suite de l’audience du 9 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 août 2008, SODIAAL International, a obtenu auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), l’enregistrement de la marque communautaire figurative suivante, décrite comme un « motif ‘vichy’ de couleur rouge et blanc », sous le numéro 6 059 687 :

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2        La propriété de cette marque a été transférée le 30 juin 2009 au sein du groupe à la requérante, la Compagnie des fromages & Richesmonts.

3        Les produits pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, à la description suivante : « lait et produits laitiers à l’exclusion des entremets et desserts lactés ».

4        Le 3 juin 2010, l’intervenante, Grupo Lactalis Iberia SA, a présenté à l’OHMI une demande en nullité de cette marque au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), aux motifs qu’elle avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), c), et d), de ce règlement, et ce, au regard de tous les produits visés.

5        Par décision du 18 mai 2012, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité.

6        Le 13 juillet 2012, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 3 mars 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’annulation et déclaré la marque communautaire nulle au regard de tous les produits visés, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        La chambre de recours a considéré que la marque était une représentation graphique de formes géométriques banales, à savoir un entrelacement répétitif de carreaux rouges et blancs, et qu’il était un fait établi que ce motif était la disposition graphique habituelle plus connue sous le nom de motif vichy ou vichy. Elle a rappelé la jurisprudence selon laquelle un signe dont la forme était d’une grande simplicité tel un parallélogramme, ne pouvait remplir une fonction d’identification que s’il comportait des éléments de nature à l’individualiser par rapport à d’autres représentations de parallélogrammes. Elle a considéré cette jurisprudence applicable au signe de la présente espèce et a conclu qu’au regard de tous les produits désignés, la représentation en cause ne contenait pas d’éléments permettant de l’individualiser par rapport aux autres représentations de quadrilatères dans un entrelacement répétitif ou aux autres représentations de motif vichy, et qu’elle était donc dépourvue de caractère distinctif.

9        La chambre de recours a ajouté qu’aux termes de la jurisprudence, un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base (par exemple un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone) n’était pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs pouvaient se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considèreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage. Or, à cet égard, la chambre de recours a noté que la titulaire de la marque avait indiqué devant la division d’annulation ne pas revendiquer les dispositions de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, relatives à l’acquisition par une marque d’un caractère distinctif par l’usage.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la marque contestée est valable pour désigner les fromages ;

–        à titre principal, annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle a prononcé la nullité de la marque contestée pour désigner les fromages ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      Lors de l’audience, la requérante a précisé que son premier chef de conclusions demandant au Tribunal de constater que la marque contestée était valable pour désigner les fromages, était en réalité contenu dans son deuxième chef de conclusions, et qu’il n’était donc pas nécessaire que le Tribunal statue explicitement sur ce premier chef de conclusions.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer recevables ses mémoires ainsi que les annexes qui y sont visées ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        en tant que de besoin, juger nulle la marque contestée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement n° 207/2009 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Lors de l’audience, l’intervenante a confirmé que son troisième chef de conclusions, demandant au Tribunal de constater la nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement n° 207/2009, était formulé à titre subsidiaire.

 En droit

 Sur la recevabilité des pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

15      La requérante soulève la nouveauté de certaines pièces déposées pour la première fois devant le Tribunal, à savoir les annexes C8, C8 bis, C9, C9 bis, C9 ter de l’intervenante, qui concernent la définition du mot « gingham » par des dictionnaires en ligne et des résultats de recherches « motif vichy » et « motif vichy rouge » à partir du moteur de recherche Google et du site Wikipédia.

16      La requérante critique aussi l’usage, pour la première fois, d’extraits de son site internet par l’OHMI, aux points 12 et 13 de son mémoire en réponse.

17      Il y a lieu de relever que l’annexe C9 a déjà été produite devant la chambre de recours, contrairement à ce qu’allègue la requérante.

18      Les autres pièces ayant été produites pour la première fois devant le Tribunal, elles ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

19      À l’appui du recours, la requérante soulève en substance deux moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, et deuxièmement, de la violation des articles 52, paragraphe 1, sous a), et 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

20      La requérante fait valoir que, pour retenir la banalité du signe contesté le rendant inapte à exercer une fonction distinctive, la chambre de recours, premièrement, s’est fondée à tort sur les connaissances personnelles de ses membres, et, deuxièmement, a omis de fonder sa décision sur les pièces produites au débat et débattues contradictoirement, notamment celles de l’intervenante.

21      Une telle argumentation consiste à soulever, en substance, une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, selon lequel les décisions de l’OHMI sont motivées, et ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

22      En premier lieu, concernant l’argument tiré de ce que la chambre de recours aurait pris appui sur des connaissances purement personnelles de ses membres, il y a lieu de relever que la chambre de recours a notamment estimé, au point 32 de la décision attaquée, que la marque contestée était « la représentation graphique de formes géométriques banales, à savoir un entrelacement répétitif de carreaux rouges et blancs, [et qu’i]l [était] un fait établi que ce motif [était] la disposition graphique habituelle plus connue sous l’appellation ‘motif vichy’ ou ‘vichy’ ». Elle a également souligné aux points 33 et 35 de la décision attaquée, que le signe en cause ne se caractérisait pas par des éléments de nature à l’individualiser par rapport à d’autres représentations de quadrilatères dans un entrelacement répétitif, ou par rapport à d’autres représentations de motif vichy et que dès lors, il ne saurait remplir une fonction d’identification s’agissant des produits concernés.

23      Il y a lieu de constater que cette formulation exprime l’appréciation de la chambre de recours résultant de son examen de la marque contestée, sur la base de l’acte de dépôt de cette dernière et au regard de la jurisprudence de l’Union européenne, et qu’il ne s’agit donc pas de connaissances personnelles qui n’auraient pas fait l’objet d’un débat contradictoire.

24      En second lieu, la chambre de recours, après avoir procédé à une appréciation de la marque contestée sur la base de l’acte de dépôt de cette dernière et au regard de la jurisprudence de l’Union, a vérifié si les pièces fournies, notamment par la requérante, infirmaient son analyse. Le fait, mentionné aux points 35, 41, 44 et 45 de la décision attaquée, que la chambre de recours n’a pas été convaincue par les arguments et pièces déposées par la requérante visant à démontrer le caractère distinctif de la marque, démontre qu’elle a examiné ces éléments.

25      Concernent plus particulièrement les pièces soumises par l’intervenante, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que semble alléguer la requérante, la chambre de recours n’avait pas à les examiner en détail, dans la mesure où elle a estimé que son appréciation de la grande simplicité de la marque contestée, aux points 32 à 35 de la décision attaquée, était suffisante pour conclure à une absence de caractère distinctif au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

26      Il ressort de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 52, paragraphe 1, sous a), et 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

27      Le second moyen de la requérante peut être subdivisé, en substance, en deux branches.

28      Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir, en substance, plusieurs erreurs de fait en ce que la chambre de recours a constaté que le signe contesté était constitué de formes géométriques bicolores, banales, et d’une grande simplicité, alors que ce signe serait complexe, arbitraire, et aurait des caractéristiques propres à identifier son origine commerciale.

29      Dans le cadre de la seconde branche, la requérante fait valoir trois erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en ce que, premièrement, la chambre de recours aurait constaté que la marque contestée n’était pas distinctive au seul motif qu’elle était dépourvue de créativité ou d’imagination artistique ; deuxièmement, que la chambre de recours aurait fait une confusion entre les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et celles de l’article 7, paragraphe 1, sous b) ; et, troisièmement, que les principes de l’article 4 du règlement n° 207/2009 devraient prévaloir sur ceux de l’article 7 de ce même règlement.

30      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

31      Il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec, EU:C:2004:258, point 34 et jurisprudence citée).

32      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec, EU:T:2002:42, point 26] .

33      Quant à la question de savoir si les couleurs ou les combinaisons de couleurs sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, il faut apprécier si elles sont aptes à transmettre des informations précises, notamment quant à l’origine d’un produit ou d’un service. À cet égard, il convient de rappeler que, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à communiquer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les couleurs n’ont pas un caractère distinctif ab initio, mais peuvent éventuellement l’acquérir à la suite d’un usage en rapport avec les produits ou les services revendiqués (arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, Rec, EU:C:2004:384, points 37 à 39).

34      Il ressort également de la jurisprudence qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec, EU:C:2005:547, points 72 et 74, et du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d’un pentagone), T‑304/05, EU:T:2007:271, point 22], et qu’une figure représentant un pentagone, un carré doté de quatre côtés de même longueur légèrement bombés vers l’extérieur, ou un parallélogramme, ne peut remplir une fonction d’identification que si elle comporte des éléments de nature à l’individualiser par rapport à d’autres représentations similaires de telle sorte qu’elle n’apparaisse pas comme une figure géométrique simple [voir, en ce sens, arrêts Représentation d’un pentagone, précité, EU:T:2007:271, points 23 à 25 ; du 9 décembre 2010, Fédération internationale des logis/OHMI (Carré convexe vert), T‑282/09, EU:T:2010:508, point 21, et du 13 avril 2011, Air France/OHMI (Forme de parallélogramme), T‑159/10, EU:T:2011:176, point 24].

35      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec, EU:C:2004:260, point 33).

36      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les produits en question étaient des biens de consommation de masse et que le public pertinent était donc composé du consommateur moyen dont l’attention était moyenne. Cela n’est pas contesté par les parties.

–       Sur la première branche, tirée d’erreurs de fait commises par la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que le signe contesté était dénué de caractère distinctif car constitué de formes géométriques banales, simples, et bicolores.

37      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a tout d’abord considéré, au point 32 de la décision attaquée, que « la marque [était] la représentation graphique de formes géométriques banales, à savoir un entrelacement répétitif de carreaux rouges et blancs [et qu’] il [était] un fait établi que ce motif [était] la disposition graphique habituelle plus connue sous l’appellation ‘motif vichy’ ».

38      En premier lieu, la requérante fait valoir une erreur de fait en ce que la chambre de recours a mal apprécié les couleurs du motif en cause. Premièrement elle conteste que le signe en cause soit bicolore et souligne qu’il est constitué de trois couleurs. Deuxièmement, elle fait valoir que les trois couleurs utilisées ainsi que leur aspect « vieilli » sont très spécifiques et ont été réalisés à sa demande. Elle précise à cet égard qu’il s’agit de deux nuances pleines d’un rouge et d’un blanc spécifique, ne correspondant à aucun code Pantone existant, et d’une nuance particulière obtenue par l’alternance de points rouges sur fond blanc résultant des deux trames de couleurs pleines, disposées en diagonale.

39      Premièrement, il y a lieu de constater, que le fait que la chambre de recours n’ait mentionné que deux couleurs, le rouge et le blanc, aux points 32 et 35 de la décision attaquée, n’affecte pas son appréciation d’ensemble du caractère distinctif du signe contesté. En effet, le fait qu’une des nuances de rouge résulte de points rouges sur fond blanc, et apparaisse donc comme plus claire, constitue un détail à peine visible à l’œil nu, surtout au regard de la taille réduite des carreaux. Ces détails sont encore plus difficilement perceptibles pour le consommateur moyen, qui ne mémorisera du signe vu dans son ensemble et à distance, que deux grands types de couleurs : le rouge (dans une tonalité foncée et une tonalité plus claire) et le blanc.

40      Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue spécificité des teintes ainsi que leur aspect « vieilli », il convient de constater, d’une part, qu’il ne ressort pas de l’examen du signe en cause tel que reproduit dans l’acte de dépôt de la demande de marque auprès de l’OHMI, dont la requérante a fourni des copies certifiées conformes à l’original à la suite de l’audience, que la singularité des couleurs utilisées ou leur aspect « vieilli » soient perceptibles, et d’autre part, que, au regard de l’attention moyenne du consommateur achetant un produit de grande consommation comme des produits laitiers, ou du fromage, et du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire, ce dernier n’est en tout état de cause pas susceptible de relever ces prétendues spécificités et de se souvenir d’elles.

41      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le motif en cause n’est pas une « représentation graphique de formes géométriques banales », ni un motif d’une « grande simplicité », ainsi que l’a estimé la chambre de recours, mais résulte au contraire d’une sélection arbitraire, distinctive, et attractive pour les produits désignés. Elle considère, premièrement, que le motif en cause n’est pas un simple damier bicolore, mais qu’il résulte d’un agencement spécifique des trois teintes particulières de carreaux, en ce que chaque carré peut avoir plusieurs dispositions constantes, et, deuxièmement, que la chambre de recours a erronément assimilé le signe contesté, au point 36 de la décision attaquée, au motif vichy comme s’il n’en existait qu’un seul, utilisé à titre de décoration depuis de nombreuses années, alors qu’il existe justement plusieurs motifs vichys différents, et que le signe en cause se distinguerait des autres signes comportant un motif vichy, même parmi ceux alternant des nuances de rouge et de blanc.

42      En ce qui concerne la forme et l’agencement des éléments du motif, il ressort en substance de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, sur laquelle se fonde la chambre de recours aux points 33, 34 et 42 de la décision attaquée, qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base telle qu’un carré n’est pas susceptible, en l’absence d’éléments de nature à l’individualiser par rapport à d’autres représentations géométriques similaires, de remplir une fonction d’identification au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

43      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater, que la description complexe par la requérante de l’agencement prétendument spécifique de simples carrés de couleurs, selon laquelle chaque carré de couleur peut avoir plusieurs dispositions constantes dans le motif en cause, consiste en réalité à décrire un motif vichy classique. À cet égard, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours n’a pas non plus analysé le signe en cause comme un simple « damier » dans la mesure où il ressort des points 32, 35 et 45, de la décision attaquée, qu’elle l’a correctement qualifié de motif vichy.

44      Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel il n’existe pas un seul motif vichy, mais plusieurs motifs vichys qui se distinguent les uns des autres par leurs couleurs, leur taille, la présence de hachures ou non, ne remet pas en question la constatation de la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle le signe en cause ne comporte pas d’éléments permettant de l’individualiser par rapport aux autres représentations de motif vichy, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas considéré par-là que le signe en cause correspondait au seul motif vichy existant, mais simplement qu’il n’était pas suffisamment spécifique pour se distinguer par rapport aux autres représentations de motif vichy existantes.

45      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, en substance, aux points 33 à 35 de la décision attaquée, que l’agencement de carrés de couleurs dans le motif en cause, ne constituait pas une configuration spécifique qui la distinguerait d’autres représentations de quadrilatères dans un entrelacement répétitif, ou encore que, au regard de tous les produits désignés, cette représentation ne contenait pas d’éléments permettant de l’individualiser par rapport aux autres représentations de motif vichy, et d’attirer l’attention du public.

46      Partant, la chambre de recours n’a pas fait d’erreur dans son appréciation d’ensemble du signe en cause.

47      La requérante fait également valoir, au stade de la réplique, que la chambre de recours s’est prononcée sur la base d’une copie du signe contesté qui ne serait pas fidèle à l’original du signe déposé auprès de l’OHMI.

48      À cet égard, il convient de constater que cet argument n’a pas été soulevé lors de la procédure devant la chambre de recours, et que celle-ci ne s’est donc pas prononcée à cet égard. Or, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. En application de l’article 76 du règlement n° 207/2009, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. De même, un requérant n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenant [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec, EU:C:2007:252, point 43, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec, EU:C:2008:739, point 122]. Cet argument doit par conséquent être déclaré irrecevable.

49      En troisième lieu, la requérante fait valoir diverses pièces afin de démontrer, en substance, que le signe contesté est frappant et retient l’attention du consommateur de manière à lui permettre de reconnaître son produit immédiatement parmi les produits de ses concurrents, et ce depuis plus de quarante ans. À cet égard, elle reproche notamment à la chambre de recours d’avoir mal apprécié les sondages dont elle se prévaut.

50      Les pièces dont se prévaut la requérante sont des photographies des fromages de la requérante avec et sans le motif en cause (annexe 13), des photos comparant le signe contesté avec d’autres motifs vichys rouges et blancs (annexe 19), la photographie de linéaires de fromages en France (annexe 22), des brochures de supermarchés en France et en Allemagne (annexe 23), deux sondages (annexes 24 et 25) ainsi que des photographies de linéaires en France et en Allemagne et un plan de supermarché (annexes 178 et 179). Or, il convient de constater que, hormis le fait que ces pièces sont non datées ou postérieures à la date de dépôt de la marque, elles ne permettaient pas à la chambre de recours, en tout état de cause, de conclure que, à lui seul, le motif vichy en cause distinguait les fromages qu’il désignait de ceux des concurrents et indiquait leur origine commerciale.

51      Premièrement, en ce qui concerne l’annexe 13, qui présente des fromages dans leurs emballages avec et sans la toile en vichy (au fond de la boîte ainsi que sur des étiquettes, ou encore sur l’emballage), la pièce de la requérante confirme seulement que, si impact visuel sur le consommateur il y a, celui-ci ne percevra la toile en vichy que comme un élément décoratif de l’emballage du produit, qui, en l’absence d’autres éléments verbaux et figuratifs, notamment la mention « Le Rustique » associée au dessin de voiture à cheval conduite par un personnage, est dénué de caractère distinctif. La même analyse résulte des photos de linéaires et des brochures de supermarché produites devant la chambre de recours, jointes en annexes 22 et 23 par la requérante.

52      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 35 de la décision attaquée, qu’il n’était pas un fait établi et qu’il ne ressortait pas des arguments et pièces soumises par les parties que les consommateurs avaient pour habitude de présumer l’origine des produits désignés par la marque en question en se basant sur une reproduction répétée de quadrilatères rouges et blancs en l’absence de tout autre élément graphique ou textuel.

53      Deuxièmement, en ce qui concerne le sondage des 4 et 5 août 2010 (annexe 24 de la requérante), il y a lieu de relever que celui-ci démontre seulement qu’un tiers des sondés associe le signe de la requérante, pris isolément, au fromage en général, mais pas spécifiquement aux fromages de la requérante. Cette analyse est confortée par le sondage de mars 2013, produit initialement par l’intervenante, mais dont se prévaut également la requérante (annexe 25 de la requérante), qui démontre seulement que 39 % des personnes interrogées associent le motif vichy rouge et blanc pris isolément aux produits laitiers en général.

54      Dès lors, contrairement à ce qu’allègue la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 41 de la décision attaquée, qu’il ne ressortait pas de la lecture des sondages fournis par la requérante, et notamment du sondage d’août 2010, que le public percevait le signe contesté, en l’absence de tout autre élément graphique ou verbal, comme une indication de l’origine commerciale des produits laitiers désignés, notamment des fromages.

55      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les sondages susvisés ne concernaient que certains États membres. Dès lors, ces éléments ne seraient pas suffisants, en tout état de cause, pour démontrer que la marque est distinctive dans l’intégralité des États membres de l’Union. Or, conformément au paragraphe 2 de l’article 7 du règlement n° 207/2009, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

56      Troisièmement, concernant la comparaison faite, en annexe 19 de la requête, entre le motif contesté et d’autres motifs, dont des motifs vichys rouges et blancs, il ne ressort pas de ce document que le motif contesté diverge particulièrement par rapport aux autres motifs présentés, au surplus pour un consommateur ayant un degré d’attention moyen, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours aux points 33 et 35 de la décision attaquée.

57      Enfin, les annexes 178 et 179 de la requête ne sont pas pertinentes pour apprécier le caractère distinctif de la marque contestée pour des produits laitiers, notamment des fromages, dans la mesure où elles représentent, en substance, des rayons distincts de charcuterie et de fromages dans des grandes surfaces.

58      Il ressort de ce qui précède que la première branche doit être rejetée, les arguments et les pièces dont la requérante se prévaut n’étant pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du constat effectué par la chambre de recours dans la décision attaquée tenant à l’absence de caractère distinctif de la marque en cause. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments de la requérante visant à rejeter les pièces de l’intervenante.

–       Sur la seconde branche, tirée d’erreurs de droit relatives à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

59      Par son premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu que la marque contestée n’était pas distinctive au seul motif qu’elle était dépourvue de créativité ou d’imagination artistique, et s’appuie à cet égard sur l’arrêt du 31 janvier 2001, Taurus-Film/OHMI (Cine Action) (T‑135/99, Rec, EU:T:2001:30, point 31). La requérante estime qu’un signe du domaine public peut légitimement être approprié à titre de marque si son déposant l’a précisément détourné de sa fonction habituelle, et souligne que ce serait le cas en l’espèce du motif vichy en cause, qui ne présente aucun lien direct et concret avec les produits laitiers, notamment les fromages.

60      Il y a toutefois lieu de relever que, même si l’enregistrement d’un signe en tant que marque n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec, EU:C:2004:532, point 41), il est subordonné au fait que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 37 à 58 ci-dessus.

61      Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante.

62      Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une confusion entre l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009, qui prévoit que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce, et l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, qui prévoit que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif .

63      Elle souligne, à cet égard, que les divers éléments, aux points 32 à 36, et 40, de la décision attaquée, mettant en lumière le caractère connu, habituel, et banal du signe contesté, ainsi que les affirmations, aux points 36 et 38 de la décision attaquée, selon lesquelles l’aspect simple du motif vichy a été utilisé à titre de décoration depuis de nombreuses années, et était reproduit sur de nombreux clichés et articles promotionnels de produits alimentaires soumis par les parties, font partie des éléments d’appréciation pertinents au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009 et non au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

64      Selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (voir arrêt BioID/OHMI, point 34 supra, EU:C:2005:547, point 59 et jurisprudence citée).

65      En premier lieu, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas considéré en l’espèce que le motif vichy en cause était devenu usuel pour désigner des produits laitiers, notamment des fromages, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009.

66      En second lieu, le fait que le signe demandé ne remplit pas la fonction d’indication de l’origine commerciale résulte en l’espèce de la simplicité même du motif en cause. C’est à bon droit que la chambre de recours a, au regard de la jurisprudence relative aux formes simples citée au point 34 ci-dessus, décrit la marque contestée comme une « représentation graphique de formes géométriques banales », une « disposition graphique habituelle plus connue sous l’appellation ‘motif vichy’ », ou encore un « motif décoratif d’une grande simplicité », et qu’elle a constaté que le signe contesté ne se distinguait pas par rapport aux autres représentations de motif vichy, de sorte qu’il était dès lors dépourvu de caractère distinctif, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

67      Quant à l’allusion, au point 36 de la décision attaquée, au fait que l’aspect simple du motif vichy a été utilisé à titre de décoration depuis de nombreuses années, elle n’a été faite que pour expliquer qu’il n’était pas surprenant de voir que, parmi les nombreuses pièces soumises, beaucoup de photos, de catalogues et de matériels promotionnels révélaient l’apposition de ce motif sur différents produits. La chambre de recours n’en a tiré aucune conclusion, et a même rappelé, au point 37 de la décision attaquée, que le simple fait que le motif vichy soit utilisé pour des motifs décoratifs n’avait pas d’influence sur l’appréciation de son caractère distinctif. De même, la phrase critiquée par la requérante, au point 38 de la décision attaquée, se limite à constater que les pièces contiennent de nombreux clichés et articles promotionnels de produits alimentaires qui révèlent l’utilisation du motif vichy et qui ont été interprétés de façon contradictoire par les parties afin d’illustrer leurs arguments. Elle n’a pas de rapport avec l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009.

68      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième grief de la requérante.

69      Par son troisième grief, la requérante fait valoir, en substance, que les principes de l’article 4 du règlement n° 207/2009 doivent prévaloir sur ceux de l’article 7 de ce même règlement. Elle estime, en substance, qu’un signe capable de distinguer le produit qu’il désigne des produits concurrents, mais cependant incapable d’indiquer l’origine commerciale du produit – c’est-à-dire, selon la requérante, d’indiquer l’identité véritable de la requérante en tant que fabricant ou fournisseur du produit – n’est pas dépourvu de caractère distinctif.

70      L’article 4 du règlement n° 207/2009 dispose :

« Peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment […], à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »

71      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, et que, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêt du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec, EU:C:2002:377, point 30).

72      Selon la jurisprudence, le fait qu’une marque, en l’absence d’éléments graphiques supplémentaires, ne permet pas d’identifier, à elle seule, la partie requérante en tant que fournisseur des produits concernés, est sans incidence sur son caractère distinctif, puisqu’il n’est pas nécessaire que le signe demandé transmette une information précise quant à l’identité du fournisseur du produit. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale [voir, en ce sens, concernant des services, arrêt du 9 octobre 2002, KWS Saat/OHMI (Nuance d’orange), T‑173/00, Rec, EU:T:2002:243, point 44].

73      Il ressort de la jurisprudence citée aux points 31, 71 et 72 ci-dessus que c’est à tort que la requérante tente d’opposer les principes de l’article 4 du règlement n° 207/2009 et ceux de l’article 7 de ce même règlement, puisque c’est parce qu’une marque permet d’identifier le produit comme provenant d’une entreprise déterminée que ledit produit peut être distingué des produits d’autres entreprises.

74      En l’espèce, la chambre de recours a correctement appliqué cette jurisprudence en estimant, notamment aux points 35, 41, 45 et 46 de la décision attaquée, que la marque contestée ne permettait pas d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement était demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Par ailleurs, il ne ressort pas de la décision attaquée que le fait que la marque contestée ne donnerait pas d’information sur l’identité véritable de la requérante en tant que fournisseur des produits ait été pris en compte par la chambre de recours afin de conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

75      Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la requérante.

76      Il ressort de ce qui précède que la seconde branche doit être rejetée.

77      Partant, le second moyen doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, le second chef de conclusions de la requête.

78      Les fromages étant inclus dans les produits à l’égard desquels la chambre de recours a constaté à juste titre que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif, il y a également lieu de rejeter le troisième chef de conclusions de la requête.

79      Il résulte de ce qui précède que le recours dans son ensemble doit être rejeté. Partant, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le troisième chef de conclusions de l’intervenante.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Compagnie des fromages & Richesmonts est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

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