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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Evonik Degussa v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-341/12 (28 January 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T34112.html Cite as: [2015] EUECJ T-341/12, EU:T:2015:51, ECLI:EU:T:2015:51 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
28 janvier 2015 (*)
« Concurrence – Procédure administrative – Marché européen du peroxyde d’hydrogène et du perborate – Publication d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Rejet d’une demande visant à obtenir le traitement confidentiel d’informations fournies à la Commission en application de sa communication sur la coopération – Obligation de motivation – Confidentialité – Secret professionnel – Confiance légitime »
Dans l’affaire T‑341/12,
Evonik Degussa GmbH, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. Steinle, M. Holm-Hadulla et C. von Köckritz, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito, M. Kellerbauer et G. Meessen, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 3534 final de la Commission, du 24 mai 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par Evonik Degussa, en application de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (affaire COMP/38.620 – Peroxide d’hydrogène et perborate),
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,
greffier : Mme C. Heeren, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 avril 2014,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 3 mai 2006, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C (2006) 1766 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, Eka Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira OYJ, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci-après la « décision PHP »).
2 Dans la décision PHP, la Commission a notamment constaté que Degussa AG, devenue Evonik Degussa GmbH, la requérante, avait participé à une infraction à l’article 81 CE sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), avec seize autres sociétés actives dans le secteur du peroxyde d’hydrogène et du perborate. La requérante ayant été la première société à prendre contact avec la Commission, en décembre 2002, en application de la communication de cette dernière sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »), et ayant, à cette occasion, pleinement coopéré en fournissant à la Commission toutes les informations qu’elle possédait au sujet de l’infraction, elle s’est vu accorder le bénéfice d’une immunité complète d’amende.
3 En 2007, une première version non confidentielle de la décision PHP a été publiée sur le site Internet de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission (ci-après la « DG COMP »).
4 Dans un courrier adressé à la requérante le 28 novembre 2011, la Commission a informé celle-ci de son intention de publier une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, reprenant l’intégralité du contenu de ladite décision à l’exception des informations confidentielles. À cette occasion, la Commission a sollicité de la requérante qu’elle identifie, dans la décision PHP, les informations dont elle entendait solliciter le traitement confidentiel.
5 Estimant que cette version non confidentielle plus détaillée contenait des informations confidentielles ou des secrets d’affaires, la requérante a informé la Commission, dans un courrier daté du 23 décembre 2011, qu’elle s’opposait à la publication envisagée. À l’appui de cette opposition, la requérante a fait valoir, plus particulièrement, que ladite version non confidentielle contenait de nombreuses informations qu’elle avait transmises à la Commission au titre du programme de clémence, de même que le nom de plusieurs de ses collaborateurs ainsi que des indications relatives à ses relations commerciales. Selon la requérante, la publication envisagée méconnaîtrait ainsi, notamment, les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement et serait de nature à porter préjudice aux activités d’enquête de la Commission.
6 Par lettre du 15 mars 2012, la Commission a informé la requérante qu’elle acceptait de supprimer de la nouvelle version non confidentielle destinée à être publiée toutes les informations permettant directement ou indirectement d’identifier la source des informations communiquées au titre de la communication sur la coopération de 2002, de même que les noms de collaborateurs de la requérante. En revanche, la Commission a estimé qu’il n’était pas justifié d’accorder le bénéfice de la confidentialité aux autres informations dont la requérante avait sollicité le traitement confidentiel.
7 Mettant en œuvre la possibilité prévue par la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2001, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO L 275, p. 29, ci-après la « décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur »), la requérante a saisi le conseiller-auditeur afin que ce dernier exclue de la version non confidentielle à publier toute information fournie par elle au titre de la communication sur la coopération de 2002.
Décision attaquée
8 Par décision C (2012) 3534 final, du 24 mai 2012 (ci-après la « décision attaquée »), le conseiller-auditeur a, au nom de la Commission, rejeté les demandes de traitement confidentiel introduites par la requérante et, par conséquent, autorisé la publication d’informations communiquées par celle-ci à la Commission en vue de bénéficier du programme de clémence de cette dernière.
9 Dans la décision attaquée, le conseiller-auditeur a tout d’abord souligné les limites de son mandat, qui lui aurait permis seulement d’examiner si une information devait être considérée comme confidentielle et non de remédier à une violation alléguée des attentes légitimes de la requérante envers la Commission.
10 Il a par ailleurs relevé que la requérante s’opposait à la publication d’une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP au seul motif que celle-ci comportait des informations fournies en application de la communication sur la coopération de 2002 et que la communication de telles informations à des tiers serait susceptible de lui causer préjudice dans le contexte de recours en dommages et intérêts intentés devant des juridictions nationales. Or, selon le conseiller-auditeur, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider de publier davantage que l’essentiel de ses décisions. De surcroît, des références à des documents contenus dans le dossier administratif ne constitueraient pas, en soi, des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles.
11 Selon le conseiller-auditeur, la requérante n’a pas démontré que la publication d’informations qu’elle avait communiquées à la Commission en vue de bénéficier de la clémence de cette dernière était susceptible de lui causer un préjudice grave. L’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mériterait, en tout état de cause, aucune protection particulière. Le conseiller-auditeur a rappelé, sur ce point, que les recours en indemnité faisaient partie intégrante de la politique de l’Union européenne en matière de concurrence et que, dès lors, la requérante ne pouvait faire valoir un intérêt légitime à être protégée contre le risque de faire l’objet de tels recours, en raison de sa participation au cartel visé par la décision PHP.
12 Le conseiller-auditeur a également estimé qu’il n’était pas compétent pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel la divulgation à des tiers des informations qu’elle avait communiquées à la Commission dans le cadre du programme de clémence porterait atteinte audit programme, une telle question dépassant les limites de son mandat. Il a rappelé, à cet égard, que, conformément à la jurisprudence, il appartient à la Commission seule d’apprécier dans quelle mesure le contexte factuel et historique dans lequel s’insère le comportement incriminé doit être porté à la connaissance du public, pour autant qu’il ne contienne pas d’informations confidentielles.
13 Enfin, le conseiller-auditeur a indiqué que, dès lors que le mandat qui lui était confié en vertu de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur se limitait à apprécier dans quelle mesure des informations relevaient du secret professionnel ou devaient bénéficier d’un traitement confidentiel à un autre titre, il n’était pas compétent pour se prononcer sur l’argument de la requérante selon lequel la publication des informations qu’elle avait communiquées au titre du programme de clémence aurait emporté une différence de traitement injustifiée par rapport aux autres participants à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP et aurait ainsi méconnu le principe d’égalité de traitement.
Procédure et conclusions des parties
14 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 août 2012, la requérante a introduit le présent recours.
15 Par ordonnance du 16 novembre 2012, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12 R, non encore publiée au Recueil), le président du Tribunal a décidé, d’une part, de surseoir à l’exécution de la décision attaquée et, d’autre part, d’ordonner à la Commission de s’abstenir de publier une version de la décision PHP qui serait plus détaillée, en ce qui concerne la requérante, que celle publiée sur le site Internet de la DG COMP depuis 2007.
16 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle l’affaire a été, par conséquent, attribuée.
17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a sollicité la production d’un document par la Commission. Cette dernière a produit le document sollicité dans le délai imparti.
18 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 avril 2014.
19 La requérante a déposé, le jour de l’audience, une copie d’une lettre de la Commission datée du 11 février 2014, relative à une procédure d’arbitrage pendante aux États-Unis d’Amérique. Invitée par le président de la troisième chambre à faire connaître ses observations sur cette pièce nouvelle dans un délai d’une semaine à compter de l’audience, la Commission a confirmé, dans un courrier parvenu au greffe du Tribunal le 15 avril 2014, qu’elle s’opposait à sa prise en compte dans la présente procédure, compte tenu de son dépôt tardif.
20 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
21 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
22 La requérante soulève, en substance, cinq moyens à l’appui de son recours. Ceux-ci sont pris, le premier, d’une violation de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, du droit à une bonne administration et du droit à être entendu, le deuxième, d’une insuffisance de motivation, le troisième, d’une violation du secret professionnel protégé par l’article 339 TFUE et par l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que du caractère confidentiel d’informations dont la Commission envisage la publication, le quatrième, d’une violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement et, le cinquième, d’une violation du principe de finalité inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que d’une violation du paragraphe 48 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101 TFUE] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’Accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7, ci-après la « communication sur l’accès au dossier »).
Sur le premier moyen, pris d’une violation de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, du droit à une bonne administration et du droit à être entendu
23 Ce moyen comporte en substance deux branches. Dans une première branche, la requérante reproche au conseiller-auditeur de ne pas avoir examiné au fond les arguments pris de la violation des principes de confiance légitime et d’égalité de traitement qu’elle lui avait présentés, de même que l’argument selon lequel la publication envisagée par la Commission méconnaîtrait le principe inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, selon lequel les informations recueillies en application des articles 17 à 22 dudit règlement ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies. En limitant son examen à la seule question de savoir si les informations à la publication desquelles la requérante s’était opposée étaient confidentielles ou non, le conseiller-auditeur aurait indûment restreint la portée du contrôle qu’il est en mesure d’exercer en application de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.
24 Dans une seconde branche, la requérante soutient que le conseiller-auditeur, en s’abstenant de statuer sur certains des arguments qu’elle avait présentés, a adopté la décision attaquée en méconnaissance du droit de cette dernière à une bonne administration, garanti à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cette omission constituerait également une violation du droit de la requérante à être entendue utilement dans le cadre d’une procédure administrative, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.
25 La Commission conteste cette argumentation.
26 En ce qui concerne la première branche, il convient de relever, à titre liminaire, que, par ce premier moyen, la requérante reproche au conseiller-auditeur, en substance, de s’être abstenu de répondre à trois arguments distincts qu’elle avait soulevés devant lui, chacun d’entre eux étant de nature, selon elle, à faire obstacle à la publication d’une version non confidentielle plus complète de la décision PHP envisagée par la Commission. Ces arguments portent, en premier lieu, sur la méconnaissance du principe de finalité inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, selon lequel les informations recueillies par la Commission en application des articles 17 à 22 dudit règlement ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies, en deuxième lieu, sur la rupture de la confiance légitime placée par la requérante dans le fait que les informations litigieuses ne seraient pas publiées et, en troisième lieu, sur la violation du principe d’égalité de traitement résultant du fait que cette publication aurait pour effet de placer la requérante dans une position moins favorable que d’autres destinataires de la décision PHP n’ayant pas coopéré avec la Commission, dans le contexte d’actions en réparation éventuellement intentées par des victimes de l’infraction au droit de la concurrence sanctionnée dans cette décision.
27 Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, les compétences et fonctions des conseillers-auditeurs désignés dans les procédures de concurrence sont définies par ladite décision.
28 L’article 8, paragraphes 1 à 3, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dispose comme suit :
« 1. Lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention, ainsi que de sa motivation, par la [DG COMP]. Un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations.
2. Lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller-auditeur. Si le conseiller-auditeur estime que l’information en question peut être divulguée, parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur, cette constatation est exposée dans une décision motivée qui est notifiée à l’entreprise ou à la personne concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.
3. Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne. »
29 S’agissant tout d’abord du reproche fait au conseiller-auditeur de ne pas avoir examiné l’argument relatif à une méconnaissance du principe de finalité, pour peu qu’il puisse être considéré qu’un tel argument a été présenté spécifiquement devant celui-ci par la requérante dans sa demande du 10 avril 2012, il y a lieu d’approuver le point de vue de la Commission selon lequel la décision attaquée y apporte, en substance, une réponse. En effet, au point 19 de la décision attaquée, le conseiller-auditeur a indiqué que, sous réserve du respect dû au secret professionnel, il appartenait à la Commission de déterminer quelles informations elle entendait publier au-delà du contenu essentiel des décisions qu’elle prenait en vertu de l’article 23 du règlement n° 1/2003. Or, aux points 20 et 21 de la décision attaquée, le conseiller-auditeur a par ailleurs rejeté l’argument de la requérante selon lequel une telle publication était exclue s’agissant d’informations qui avaient été communiquées à la Commission en vue de bénéficier du programme de clémence de celle-ci.
30 Ainsi, sans préjudice de l’examen de la validité de cette approche dans le cadre du cinquième moyen, il ressort implicitement mais nécessairement de la décision attaquée que la publication d’informations communiquées par une entreprise sollicitant le bénéfice du programme de clémence, en dépit du désaccord exprimé par ladite entreprise à cet égard, ne méconnaît pas le principe inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, selon lequel les informations obtenues par la Commission au cours d’une enquête portant sur une infraction au droit de la concurrence ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies.
31 S’agissant ensuite des arguments pris de ce que le conseiller-auditeur n’aurait pas répondu aux objections tirées de la rupture de la confiance légitime placée dans le fait que la publication litigieuse n’interviendrait pas ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement, il doit être relevé que ces arguments ont bien été présentés par la requérante dans sa demande introduite auprès du conseiller-auditeur le 10 avril 2012.
32 Il s’agit dès lors de déterminer si c’est à bon droit que ce dernier, aux points 15 et 24 de la décision attaquée, s’est estimé incompétent pour statuer sur ces arguments, compte tenu des limites du mandat qui lui est confié en vertu de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.
33 À cet égard, il convient tout d’abord de relever que le Tribunal a jugé que, lorsque le conseiller-auditeur prenait une décision au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462/CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), remplacé par l’article 8, paragraphe 3, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, il était tenu non seulement d’examiner si la version d’une décision sanctionnant une infraction à l’article 81 CE portée à son examen contenait des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles jouissant d’une protection similaire, mais encore de vérifier si cette version contenait d’autres informations qui ne pouvaient être divulguées au public soit en raison de règles de droit communautaire les protégeant spécifiquement, soit du fait qu’elles relevaient de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel (arrêts du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 34, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 66).
34 Il ressort également de cette même jurisprudence que figurent, parmi ces règles protégeant spécifiquement certaines informations, le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et l’article 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), prévoyant des exceptions au droit d’accès aux documents des institutions établi à l’article 2, paragraphe 1, de ce dernier règlement (arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, point 64).
35 Il y a lieu de souligner ensuite que, à l’époque où ont été prononcés les arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, l’article 9 de la décision 2001/462 faisait référence uniquement à la protection due aux secrets d’affaires des entreprises faisant l’objet d’une enquête en matière d’infraction au droit de la concurrence. Cette disposition différait ainsi, sur ce point, de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, qui la remplace, ledit article se référant quant à lui tant aux secrets d’affaires des entreprises qu’aux autres informations confidentielles.
36 Comme il a été souligné au point 33 ci-dessus, le Tribunal a néanmoins donné de l’article 9, paragraphe 3, de la décision 2001/462, dans la jurisprudence citée audit point, une interprétation dépassant le libellé de cette disposition, reposant sur une analyse du contexte et des objectifs de celle-ci.
37 Ainsi, le Tribunal a tout d’abord relevé que l’article 9 de la décision 2001/462 visait à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection prévue par le droit communautaire des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 28). Rappelant à cet égard la protection des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), le Tribunal a indiqué que, conformément à la jurisprudence, le domaine des informations couvertes par le secret professionnel s’étendait au-delà des secrets d’affaires des entreprises (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 29).
38 Le Tribunal a ensuite indiqué, d’une part, que les deux premiers alinéas de l’article 9 de la décision 2001/462 concernaient la divulgation d’informations à des personnes, des entreprises ou des associations d’entreprises aux fins de l’exercice de leur droit d’être entendues dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence et, d’autre part, que la procédure prévue par ces deux alinéas ne s’appliquait que mutatis mutandis à la divulgation d’informations du fait de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne, visée quant à elle par le troisième alinéa de cette disposition. Cela impliquait notamment que, lorsque le conseiller-auditeur prenait une décision au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, il était tenu de veiller au respect du secret professionnel s’agissant d’informations ne nécessitant pas une protection aussi spéciale que celle accordée aux secrets d’affaires, et notamment des informations qui pouvaient être communiquées à des tiers ayant un droit d’être entendus à leur sujet, mais dont le caractère confidentiel s’opposait à une divulgation au public (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 31).
39 Le Tribunal a encore justifié son interprétation large de l’article 9 de la décision 2001/462 en faisant référence au considérant 9 de ladite décision, aux termes duquel, « [l]ors de la divulgation d’informations concernant des personnes physiques, une attention particulière [devait être] accordée au règlement […] n° 45/2001 » (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 32).
40 De telles constatations demeurent pertinentes sous l’empire de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.
41 Tout comme l’article 9 de la décision 2001/462, l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur vise en effet à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection qu’offre le droit de l’Union aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence, prévue désormais à l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Ainsi, ledit article 8 opère la même distinction que celle rappelée au point 38 ci-dessus entre la protection de la confidentialité d’informations envers les tiers bénéficiant du droit d’être entendus dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence et celle, plus large, à laquelle il convient de veiller lorsqu’une publication au Journal officiel est envisagée. De surcroît, le considérant 23 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur reprend, en substance, le contenu du considérant 9 de la décision 2001/462, en faisant référence à la nécessité pour le conseiller-auditeur de tenir compte, notamment, du règlement n° 45/2001 lorsqu’il divulgue des informations concernant des personnes physiques.
42 En l’espèce, toutefois, les principes de confiance légitime et d’égalité de traitement, invoqués par la requérante devant le conseiller-auditeur, ne constituent pas des règles visant à protéger spécifiquement contre une divulgation au public des informations telles que celles qui ont été communiquées à la Commission par la requérante en vue d’obtenir la clémence de celle-ci.
43 En effet, contrairement, par exemple, aux règles figurant dans le règlement n° 45/2001 s’agissant du traitement des données à caractère personnel par les organes ou institutions de l’Union ou encore à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 s’agissant des exceptions au droit d’accès aux documents, de tels principes n’ont pas pour objet spécifique de protéger la confidentialité d’informations ou de documents. Ces principes ne relevant dès lors pas, comme tels, de la protection prévue par le droit de l’Union des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence, ils dépassent le cadre de la mission dont le conseiller-auditeur est investi en vertu de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.
44 Il s’ensuit que c’est à bon droit que le conseiller-auditeur a, en l’espèce, décliné sa compétence pour répondre aux objections à la publication litigieuse soulevées par la requérante sur le fondement des principes de confiance légitime et d’égalité de traitement.
45 En ce qui concerne par ailleurs le grief selon lequel la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’aucun service de la Commission n’a examiné les objections de principe de la requérante à l’encontre de la publication d’une version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, présenté par la requérante à l’appui du premier moyen, il ne saurait davantage prospérer.
46 En effet, ce grief repose, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, sur la prémisse erronée selon laquelle cette dernière aurait, de manière générale, omis de prendre position à cet égard.
47 Ainsi, dans la lettre adressée par la DG COMP à la requérante le 28 novembre 2011, la Commission a indiqué qu’elle avait décidé de publier une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, pour des motifs de transparence.
48 Par ailleurs, il ressort du courrier qui a été adressé par la DG COMP à la requérante le 15 mars 2012 que, dans le cadre de l’analyse des objections de principe à la publication litigieuse, la Commission a estimé qu’il lui appartenait de mettre en balance, notamment, la protection des objectifs de ses activités d’enquête, visée par l’exception au principe de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, avec les intérêts légitimes des parties. La Commission a par ailleurs indiqué qu’un document, tel qu’une déclaration effectuée par une entreprise, ne bénéficiait pas d’une protection du seul fait qu’il lui avait été communiqué dans le cadre d’une demande de clémence et que la publication envisagée ne portait pas atteinte aux objectifs de ses activités d’enquête. Elle a en outre souligné qu’il convenait de tenir compte, en l’espèce, de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, en vertu duquel les exceptions au droit d’accès aux documents visées aux trois premiers paragraphes de cet article s’appliquaient uniquement au cours de la période durant laquelle la protection qui y était prévue se justifiait au regard du contenu du document. La Commission en a déduit que la publication litigieuse n’emportait pas une rupture de la confiance légitime de la requérante.
49 Partant, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission a bien examiné les objections de principe à la publication litigieuse formulées par la requérante.
50 Enfin, compte tenu des constats opérés aux points 30, 44 et 49 ci-dessus, il y a lieu de rejeter comme non fondée la seconde branche du moyen, par laquelle la requérante soutient que le refus du conseiller-auditeur de répondre à certaines de ses objections à la publication litigieuse emporterait une méconnaissance de son droit à une bonne administration, garanti à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, ainsi que de son droit à être entendue utilement dans le cadre d’une procédure administrative, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.
51 Il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, pris d’une insuffisance de motivation
52 La requérante reproche au conseiller-auditeur de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée, en méconnaissance, d’une part, de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux, et, d’autre part, de l’article 8, paragraphe 2, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur. Ainsi, la décision attaquée n’exposerait pas ce qui justifie, plus de cinq ans après la publication d’une première version non confidentielle de la décision PHP, la publication d’une version non confidentielle plus complète de cette dernière. Si la requérante reconnaît que la Commission a fait référence à des motifs de transparence dans le courrier qu’elle lui a adressé le 28 novembre 2011, cette seule référence ne permettrait néanmoins pas de comprendre les raisons qui ont conduit celle-ci à considérer que la première version non confidentielle publiée sur son site Internet en 2007 ne satisfaisait pas ou plus à cette exigence. Une motivation spécifique sur ce point, dans la décision attaquée même, aurait été d’autant plus nécessaire que la décision de la Commission de publier une version non confidentielle plus complète de la décision PHP s’écartait de la pratique administrative antérieure.
53 La Commission soutient que la décision attaquée, envisagée dans son contexte, est suffisamment motivée sur ce plan.
54 En vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé toutefois que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 14 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 51).
55 Ainsi, si, en vertu de l’article 296 TFUE, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle-ci, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de cette disposition doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, CF Sharp Shipping Agencies/Conseil, T‑53/12, non encore publié au Recueil, point 37). En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du Tribunal du 15 avril 2011, République tchèque/Commission, T‑465/08, Rec. p. II‑1941, point 163).
56 Cette obligation de motivation est mise en œuvre à l’article 8, paragraphe 2, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, lu conjointement avec le paragraphe 3 de cette disposition, s’agissant des décisions que le conseiller-auditeur est appelé à prendre sur des demandes de traitement confidentiel de certaines informations dans le cadre de procédures d’application des règles de concurrence.
57 En l’espèce, il ressort tant du courrier de la requérante du 23 décembre 2011, adressé à la DG COMP, que du courrier qu’elle a adressé au conseiller-auditeur le 10 avril 2012 que la requérante a soutenu, au cours de la procédure administrative, que la publication d’une nouvelle version de la décision PHP contenant des informations qu’elle avait communiquées volontairement en vue de bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 méconnaîtrait ses attentes légitimes et ne serait de surcroît justifiée par aucun intérêt public supérieur. Il ressort en outre de ces mêmes courriers que la requérante a fait valoir qu’une telle publication s’écarterait de la pratique administrative antérieure de la Commission, consistant à ne pas divulguer à des tiers les informations qui étaient communiquées à celle-ci par des entreprises dans le cadre du programme de clémence.
58 Sur ce point, il convient de relever que, si le conseiller-auditeur n’a pas spécifiquement répondu sur le fond à chacun de ces arguments, c’était, ainsi qu’il ressort en substance de l’examen du premier moyen, en vue de respecter les limites du mandat qui lui avait été conféré par l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.
59 Toutefois, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 49 ci-dessus, la décision attaquée a été adoptée au terme d’une procédure administrative au cours de laquelle la Commission a été appelée à répondre aux objections de principe à la publication envisagée soulevées par la requérante, qui sortaient du cadre des compétences du conseiller-auditeur.
60 Dans ces circonstances et afin de garantir une protection juridictionnelle effective à la requérante, il y a lieu d’envisager la décision attaquée dans le contexte ayant conduit à son adoption et de considérer, partant, que ladite décision inclut implicitement, mais nécessairement, les prises de position de la Commission au sujet de la publication envisagée, exprimées par le biais de la DG COMP, dans la mesure où celles-ci portent sur des aspects qui ne relèvent pas du mandat du conseiller-auditeur.
61 Or, la décision attaquée, envisagée de cette façon, permet à la requérante de comprendre les éléments de fait et de droit dont dépend sa justification légale.
62 Ainsi, en premier lieu, comme il a déjà été souligné au point 47 ci-dessus, la Commission, dans le courrier adressé par sa DG COMP à la requérante le 28 novembre 2011, a justifié son intention de publier une version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP par référence à un objectif de transparence.
63 En deuxième lieu, s’il est exact que le conseiller-auditeur a décliné sa compétence pour examiner une éventuelle violation des attentes légitimes de la requérante, au motif qu’un tel examen aurait dépassé les limites du mandat qu’il tirait de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, la Commission, dans son courrier adressé à la requérante le 15 mars 2012, a toutefois expressément répondu à l’argument de cette dernière selon lequel la publication litigieuse méconnaîtrait ses attentes légitimes.
64 Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 48 ci-dessus, il ressort en effet dudit courrier, en substance, que, dans le cadre de l’analyse des objections de principe à la publication litigieuse, la Commission a estimé qu’il lui appartenait de mettre en balance, notamment, la protection des objectifs de ses activités d’enquête, visée par l’exception au principe de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, avec les intérêts légitimes des parties. La Commission a par ailleurs indiqué qu’un document ne bénéficiait pas d’une protection du seul fait qu’il avait été communiqué dans le cadre d’une demande de clémence et que la publication envisagée ne portait pas atteinte aux objectifs de ses activités d’enquête. Elle a, en outre, souligné qu’il convenait de tenir compte, en l’espèce, de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, en vertu duquel les exceptions au droit d’accès aux documents visées aux trois premiers paragraphes de cet article s’appliquaient uniquement au cours de la période durant laquelle la protection qui y était prévue était justifiée au regard du contenu du document. La Commission en a déduit que la publication litigieuse n’emportait pas une rupture de la confiance légitime de la requérante.
65 En troisième lieu, la décision attaquée mentionne plusieurs éléments au soutien du rejet de la demande de confidentialité formée par la requérante. Le conseiller-auditeur y a souligné, à titre liminaire, que des références à des documents contenus dans le dossier administratif ne constituaient pas, en soi, des secrets d’affaires ou d’autres informations de nature confidentielle. Le rejet des demandes de confidentialité a ensuite été justifié, premièrement, par la large marge d’appréciation dont bénéficierait la Commission pour publier davantage que l’essentiel des décisions qu’elle prenait en application de l’article 23 du règlement n° 1/2003, deuxièmement, par la circonstance que la requérante n’avait pas démontré que la publication des informations qu’elle avait communiquées à la Commission au titre de la communication sur la coopération de 2002 risquerait de lui causer un préjudice grave et, troisièmement, par le fait que, à supposer même qu’un tel risque fût établi, il ressortait de la jurisprudence que l’intérêt de la requérante à ce que les détails de sa participation à une infraction ne fussent pas connus du public n’était pas digne de protection. Le conseiller-auditeur a ajouté que ladite jurisprudence s’appliquait en l’espèce par analogie puisque, en dépit du fait que la requérante n’avait pas été condamnée au paiement d’une amende dans la décision PHP, sa participation à l’infraction unique et continue à l’article 81 CE ainsi qu’à l’article 53 de l’accord EEE visée par ladite décision y avait néanmoins été retenue.
66 Enfin, les constatations opérées au point précédent conduisent également à rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée n’exposerait pas ce qui justifie de déroger en l’espèce à la pratique administrative antérieure de la Commission. En effet, à supposer établie la pratique administrative antérieure à laquelle la requérante fait référence, examinée dans le cadre du quatrième moyen, la décision attaquée, envisagée dans le contexte de son adoption, fournit suffisamment d’éléments de nature à permettre à celle-ci de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de s’en écarter en l’espèce.
67 Partant, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle allègue que la décision attaquée est insuffisamment motivée et le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le troisième moyen, pris d’une violation du secret professionnel ainsi que d’une violation du caractère confidentiel d’informations dont la Commission envisage la publication
68 La requérante allègue que le conseiller-auditeur a méconnu, dans la décision attaquée, le caractère confidentiel des informations transmises volontairement à la Commission au cours de son enquête. La décision attaquée violerait, pour cette raison, tant l’article 339 TFUE que l’article 8 de la CEDH.
69 Selon la requérante, un tel caractère confidentiel résulterait tout d’abord de la circonstance que ces informations proviennent des déclarations effectuées par elle-même ou par d’autres entreprises au titre du programme de clémence, voire de documents transmis volontairement à la Commission au cours de l’enquête. De telles informations relèveraient des activités privées de la requérante, protégées par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, indépendamment même de leur contenu. Il résulterait par ailleurs de l’arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission (145/83, Rec. p. 3539), qu’une protection particulière est due aux informations et documents qui ont été communiqués volontairement à la Commission sous la condition que cette dernière ne les divulgue pas.
70 La requérante soutient ensuite que les informations dont elle sollicite le traitement confidentiel relèvent du secret professionnel protégé par l’article 339 TFUE ainsi que par l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dès lors qu’elles répondent aux trois conditions identifiées à cet effet dans l’arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra. Ainsi, ces informations ne seraient connues que par un nombre restreint de personnes, leur divulgation serait susceptible de causer à la requérante un préjudice sérieux et l’absence de divulgation de ces informations s’imposerait objectivement, même en tenant compte d’intérêts contraires plaidant en faveur de leur divulgation.
71 La requérante relève, à cet égard, que les informations dont la publication est envisagée en l’espèce et qui ne figuraient pas dans la version non confidentielle provisoire de la décision PHP publiée en 2007 font apparaître de manière détaillée non seulement les accords anticoncurrentiels et les échanges d’informations visés par la décision PHP, mais aussi la manière dont elle y a participé. Ces informations seraient accompagnées de nombreuses citations extraites des documents produits par les candidats à la clémence ainsi que d’aides à l’interprétation fournies par la Commission. Une telle publication devrait être assimilée à une publication directe des déclarations de la requérante et des autres entreprises destinataires de la décision PHP qui ont effectué des déclarations au titre de la clémence, de nature à porter gravement atteinte à la réputation de la requérante et à affecter sa position sur le marché. La requérante ajoute que la publication envisagée lui causerait un préjudice plus grave que celui causé aux autres entreprises ayant participé à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP dès lors que, en vue d’obtenir une immunité d’amende, elle n’a eu d’autre choix que de reconnaître sans réserve sa propre participation à l’infraction et de contribuer, dans toute la mesure du possible, à l’éclaircissement des faits par la Commission.
72 Il ressortirait en outre de la jurisprudence que des informations relatives aux relations d’affaires des sociétés, aux prix de leurs produits, à la structure de leurs coûts, aux parts de marché ou à des éléments semblables, telles que les informations dont la publication est envisagée en l’espèce, relèvent des intérêts commerciaux desdites sociétés et sont dignes de protection, même lorsqu’elles concernent des comportements dont l’illégalité a été reconnue. La publication envisagée exposerait de surcroît la requérante à un risque accru de condamnation au paiement de dommages et intérêts dans le cadre de recours intentés devant des juridictions nationales. Or, la requérante a souligné, lors de l’audience, qu’elle devait être protégée contre de telles actions en responsabilité.
73 La requérante allègue, par ailleurs, que le rejet opposé par le conseiller-auditeur à ses demandes de confidentialité méconnaît la présomption générale d’illégalité qui s’attache à la publication d’informations provenant de déclarations effectuées par des entreprises au titre de la communication sur la coopération de 2002 ainsi que de documents volontairement communiqués à la Commission par ces entreprises. Il conviendrait en effet d’éviter que ne soient vidées de leur substance, par le biais de publications au Journal officiel, les règles strictes régissant le traitement d’informations que la Commission obtient dans le cadre de procédures en matière d’entente, en particulier celles découlant de la communication sur la coopération de 2002. De même, la requérante a souligné, lors de l’audience, que la Commission ne saurait, par le biais d’une publication, priver d’effet la protection contre la divulgation de certaines informations qu’offre l’article 4 du règlement n° 1049/2001.
74 La requérante relève encore que la décision attaquée ne fait état d’aucun intérêt public supérieur justifiant la publication envisagée, en dépit du caractère confidentiel des informations litigieuses. Le public ayant déjà été suffisamment informé par le biais de la publication d’une version non confidentielle en 2007, un tel intérêt public serait de toute façon inexistant en l’espèce. Quant à l’intérêt éventuel de victimes de l’infraction sanctionnée dans la décision PHP à ce qu’une version plus détaillée de ladite décision soit publiée, il constituerait un intérêt strictement privé. La requérante a ajouté sur ce dernier point, à l’audience, que la décision attaquée n’exposait de toute façon pas en quoi la publication envisagée serait nécessaire pour ménager le droit des victimes du cartel visé par la décision PHP à un recours effectif.
75 La Commission conteste cette argumentation.
76 Ce moyen comprend en substance trois branches, prises, la première, d’une violation des secrets d’affaires de la requérante ou, à tout le moins, de la confidentialité d’informations commerciales la concernant, la deuxième, d’une violation de la confidentialité d’informations communiquées à la Commission au titre du programme de clémence et, la troisième, d’une violation du droit à la protection de la vie privée.
77 À cet égard, le Tribunal relève, à titre liminaire, que les arguments relatifs à une violation de la confiance légitime prétendument acquise par la requérante du fait de la communication sur la coopération de 2002 ainsi que de la pratique antérieure de la Commission, invoqués au soutien du troisième moyen, se confondent, en substance, avec une partie de l’argumentation développée au titre du quatrième moyen. Ces arguments sont dès lors examinés dans ce cadre.
78 Il convient ensuite de rappeler que, aux termes de l’article 339 TFUE, les membres des institutions de l’Union, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de l’Union sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient.
79 Selon l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, les informations recueillies par la Commission au cours des enquêtes qu’elle mène au titre dudit règlement, en application des articles 17 à 22 de celui-ci, ne peuvent, sans préjudice des articles 12 et 15 de ce même règlement, être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies. L’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, qui complète la règle de conduite édictée à l’article 339 TFUE dans le domaine d’application dudit règlement, précise, notamment, que, sans préjudice de la coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ainsi que de la possibilité donnée aux destinataires d’une communication des griefs de consulter le dossier d’enquête, la Commission et lesdites autorités, leurs fonctionnaires, leurs agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités, ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres, sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application dudit règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.
80 Par ailleurs, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, la Commission publie notamment les décisions par lesquelles elle inflige des amendes aux entreprises ou associations d’entreprises qu’elle tient pour responsables d’une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes. Selon l’article 30, paragraphe 2, de ce règlement, ladite publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées, mais doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.
81 Enfin, l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), prévoit, en substance, que la Commission est tenue de ne pas rendre accessibles ni de communiquer les informations, y compris les documents, contenues dans le dossier d’enquête dans la mesure où elles contiennent des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles appartenant à une personne quelconque.
82 En l’espèce, la requérante ne conteste pas avoir participé à l’entente visée par la décision PHP. Elle soutient en revanche, d’une part, que la confidentialité des informations litigieuses résulte du seul fait que celles-ci ont été communiquées volontairement à la Commission, dans le cadre du programme de clémence, et que la publication envisagée est ainsi susceptible de compromettre la protection des objectifs des activités d’enquête de la Commission.
83 D’autre part, elle invoque, tout d’abord, le fait que la publication de la version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP qu’envisage la Commission porterait indument atteinte à ses intérêts commerciaux au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, dans la mesure où ladite version contient des informations relatives au niveau des prix qu’elle a pratiqués, à des augmentations de prix envisagées, à son rôle lors de réunions entre concurrents, aux lieux dans lesquels se sont tenues de telles réunions ainsi qu’aux dates de celles-ci, aux personnes y ayant participé et à leur contenu. Selon la requérante, la publication envisagée porterait ainsi gravement atteinte à sa réputation et accroîtrait le risque qu’elle soit exposée à des recours en dommages et intérêts intentés par des victimes de l’infraction sanctionnée dans la décision PHP ou à des actions récursoires intentées contre elle par d’autres entreprises ayant participé à ladite infraction. Elle soutient ensuite que les informations litigieuses constituent, en tout état de cause, des secrets d’affaires ou, à tout le moins, des informations commerciales de nature confidentielle, dont la publication est exclue en vertu de l’article 28, paragraphe 2, et de l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Ensuite encore, elle fait valoir que la protection des procédures juridictionnelles consacrée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 fait obstacle à la publication litigieuse dans la mesure où cette dernière aurait pour effet de rompre l’égalité des armes dans le cadre de recours civils portés devant des juridictions nationales, en méconnaissance du principe d’impartialité consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. Enfin, la confidentialité des informations litigieuses résulterait du fait que ces informations, volontairement communiquées à la Commission au cours de l’enquête, relèvent de l’activité privée de la requérante et sont dès lors protégées par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH.
Sur la première branche, prise de ce que les informations litigieuses constitueraient des secrets d’affaires ou, à tout le moins, des informations commerciales de nature confidentielle
84 Il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, ne sont ni secrètes ni confidentielles les informations qui l’ont été, mais datent de cinq ans ou plus et doivent, de ce fait, être tenues pour historiques, à moins, exceptionnellement, que la requérante ne démontre que, malgré leur ancienneté, ces informations constituent toujours des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celle d’un tiers (ordonnance du Tribunal du 15 novembre 1990, Rhône-Poulenc e.a./Commission, T‑1/89 à T‑4/89 et T‑6/89 à T‑15/89, Rec. p. II‑637, point 23 ; voir ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 22 février 2005, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, Rec. p. II‑621, point 60, et la jurisprudence citée ; ordonnances du président de la huitième chambre du Tribunal du 8 mai 2012, Diamanthandel A. Spira/Commission, T‑108/07, non publiée au Recueil, point 65, et du 10 mai 2012, Diamanthandel A. Spira/Commission, T‑354/08, non publiée au Recueil, point 47).
85 En l’espèce, il n’est pas contesté que les informations litigieuses datent toutes de plus de cinq ans, la plupart d’entre elles datant même de plus de dix ans. Or, force est de constater que la requérante n’a avancé aucune argumentation spécifique en vue de démontrer que, en dépit de leur ancienneté, lesdites informations constitueraient encore, à l’heure actuelle, des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celle d’un tiers. Ainsi, elle s’est contentée d’affirmer qu’un grand nombre des passages de la décision PHP dont la publication est envisagée par la Commission, tout en décrivant les faits constitutifs de l’infraction, contenaient des informations relatives à ses relations d’affaires et à sa politique de prix, que la protection des secrets d’affaires n’était pas exclue s’agissant d’informations concernant des comportements illégaux et, enfin, que la protection due aux secrets d’affaires ne saurait être limitée à une période dont la durée serait fixée de manière rigide.
86 Il s’ensuit que, à supposer même que certaines des informations contenues dans la décision PHP dont la publication est envisagée pour la première fois par la Commission aient pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque, elles doivent en tout état de cause être tenues pour historiques et que, de surcroît, il n’a pas été démontré en quoi il serait encore justifié de leur accorder, à titre exceptionnel, la protection offerte à ce titre par l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.
87 Partant, la première branche n’est pas fondée et doit être rejetée.
Sur la deuxième branche, prise de la confidentialité d’informations communiquées à la Commission au titre du programme de clémence
88 Le domaine des informations couvertes par le secret professionnel s’étendant au-delà des secrets d’affaires des entreprises (voir, en ce sens, arrêts Adams/Commission, point 69 supra, point 34, et Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 29), il convient de déterminer, sans préjudice de l’analyse du bien-fondé du quatrième moyen, si, ainsi que le soutient la requérante, des informations doivent bénéficier d’une protection à ce titre du seul fait qu’elles ont été volontairement communiquées par une entreprise à la Commission dans le but de bénéficier du programme de clémence.
89 Aux termes de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, au sein de l’Union, les décisions sont prises dans le plus grand respect du principe d’ouverture. Ce principe se reflète à l’article 15 TFUE, qui garantit, sous certaines conditions, un droit d’accès des citoyens aux documents des institutions. Conformément à ce principe et en l’absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu’elles adoptent est la règle, à laquelle il existe des exceptions dans la mesure où le droit de l’Union, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s’oppose à une divulgation de ces actes ou des informations qu’ils contiennent (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 69).
90 Ni l’article 339 TFUE ni l’article 28 du règlement n° 1/2003 n’indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d’affaires, sont couvertes par le secret professionnel. Or, il ne saurait être déduit de l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 que tel est le cas de toutes les informations recueillies en application dudit règlement, à l’exception de celles dont la publication est obligatoire en vertu de son article 30. En effet, tout comme l’article 339 TFUE, l’article 28 du règlement n° 1/2003, qui complète et met en œuvre cette disposition du droit primaire dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, s’oppose uniquement à la divulgation des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 70).
91 En outre, il est vrai que, selon les points 75 de l’arrêt Bank Austria/Commission, point 33 supra, et 64 de l’arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, dans la mesure où la confidentialité de certaines informations est protégée par une exception au droit d’accès aux documents prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, une telle protection est pertinente en vue d’apprécier le respect par la Commission de l’interdiction qui lui est faite à l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 de divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.
92 Toutefois, postérieurement au prononcé de ces arrêts, la Cour a interprété l’article 4 du règlement n° 1049/2001 de manière à ce qu’il soit loisible aux institutions de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles d’être opposées à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. Cette interprétation s’impose lorsque la réglementation qui régit la procédure prévoit également des règles strictes quant au traitement des informations obtenues ou établies dans le cadre d’une telle procédure (arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, non encore publié au Recueil, points 108, 116 et 118). Or, tel est précisément le cas des articles 27, paragraphe 2, et 28 du règlement n° 1/2003 et des articles 6, 8, 15 et 16 du règlement n° 773/2004, qui régissent de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (arrêt de la Cour du 27 février 2014, Commission/EnBW Energie Baden-Württemberg, C‑365/12 P, non encore publié au Recueil, point 86). Dans ce contexte, prendre en compte l’article 4 du règlement n° 1049/2001 de manière à interdire à la Commission de publier toute information à laquelle elle serait en droit de refuser l’accès en vertu de cette dernière disposition en invoquant une présomption générale viderait l’article 30 du règlement n° 1/2003 de sa substance. En effet, une telle interprétation aurait pour effet de priver la Commission de la possibilité de publier même l’essentiel de sa décision dans la mesure où celui-ci doit forcément ressortir des éléments du dossier de l’enquête. D’autre part, elle aurait également pour effet pratique de renverser la charge de la preuve, qui, en matière de traitement confidentiel, incombe au demandeur d’un tel traitement, puisqu’il suffirait à ce dernier de faire valoir la présomption générale que les institutions peuvent invoquer dans les conditions décrites ci-dessus et d’obliger de fait la Commission à démontrer que l’information litigieuse peut être incluse dans la version publiée de sa décision.
93 Or, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, la divulgation d’informations au sujet d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union par le biais de la publication d’une décision sanctionnant ladite infraction, sur le fondement de l’article 30 du règlement n° 1/2003, ne saurait, en principe, être confondue avec un accès par des tiers à des documents figurant dans le dossier d’enquête de la Commission relatif à une telle infraction. Ainsi, dans la présente affaire, la publication des informations relatives aux faits constitutifs de l’infraction qui ne figuraient pas dans la version non confidentielle de la décision PHP publiée en 2007, si elle devait avoir lieu, n’aurait pas pour résultat la communication à des tiers de demandes de clémence formées par la requérante auprès de la Commission, de procès-verbaux consignant des déclarations orales de la requérante effectuées au titre du programme de clémence, voire de documents que cette dernière a volontairement soumis à la Commission lors de l’enquête.
94 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner les trois conditions cumulatives qui doivent être remplies pour que des informations tombent, par leur nature, sous le coup du secret professionnel et bénéficient ainsi d’une protection contre la divulgation au public, à savoir, premièrement, que ces informations ne soient connues que par un nombre restreint de personnes, deuxièmement, que leur divulgation soit susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers et enfin, troisièmement, que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de telles informations soient objectivement dignes de protection (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 71, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, point 65).
95 La Commission soutient que la première condition n’est pas remplie en l’espèce, au motif que les informations qui lui ont été transmises par la requérante au cours de l’enquête figuraient dans le dossier auquel les autres destinataires de la décision PHP ont eu accès.
96 Cette argumentation doit être écartée. Une distinction doit en effet être opérée, à cet égard, entre la protection qu’il est nécessaire d’accorder à des informations couvertes par le secret professionnel par rapport à des personnes, des entreprises ou des associations d’entreprises bénéficiant d’un droit d’être entendues dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence et la protection qu’il convient d’accorder à de telles informations par rapport au public en général [arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 29 ; voir également, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), non encore publiée au Recueil, points 56 et 57].
97 Ainsi, l’obligation des fonctionnaires et agents des institutions de ne pas divulguer les informations en leur possession qui sont couvertes par le secret professionnel, énoncée à l’article 339 TFUE et mise en œuvre, dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, par l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, est atténuée à l’égard des personnes auxquelles l’article 27, paragraphe 2, dudit règlement donne le droit d’être entendues. La Commission peut communiquer à de telles personnes certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l’instruction. Dans de telles circonstances, néanmoins, il y a lieu de considérer que ces informations ne sont connues que par un nombre restreint de personnes.
98 Il s’ensuit que la règle prévue à l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, consacrant le droit des parties concernées par l’enquête de la Commission à accéder au dossier administratif, est sans préjudice de la protection contre la divulgation au public en général des informations communiquées à la Commission au cours de l’enquête et couvertes par le secret professionnel.
99 S’agissant de la deuxième condition, le Tribunal constate qu’elle est également remplie en l’espèce.
100 Ainsi qu’il a été indiqué au point 83 ci-dessus, la requérante soutient que la publication envisagée lui causerait un préjudice grave du fait de l’atteinte qu’elle emporterait à sa réputation et du risque accru auquel cette publication l’exposerait d’être condamnée dans le cadre de recours en dommages et intérêts intentés par des victimes de l’infraction sanctionnée dans la décision PHP, voire dans le cadre d’actions récursoires intentées contre elle par d’autres entreprises ayant participé à ladite infraction.
101 À cet égard, il est constant que les informations litigieuses, dont la publication dépend de l’issue du litige, consistent, pour l’essentiel, en la description d’éléments constitutifs de l’infraction à l’article 81 CE sanctionnée par la Commission dans la décision PHP.
102 Or, il y a lieu de constater, d’une part, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la publication des informations litigieuses serait susceptible de porter atteinte à sa réputation et d’affecter sa position dans les relations d’affaires, qu’un certain nombre de passages de la décision PHP dont la publication est envisagée pour la première fois mettent effectivement en lumière de manière sensiblement plus détaillée que la version non confidentielle de ladite décision publiée en 2007 le comportement infractionnel de la requérante. C’est ainsi, par exemple, que les passages contenus aux considérants 115, 116, 123, 126, 130, 140, 147, 149, 150, 151, 169, 170, 188, 189, 201, 211, 233, 260 et 277 de la décision PHP, dont la publication est envisagée par la Commission, permettent de comprendre le rôle important de la requérante non seulement dans la naissance de l’infraction à l’article 81 CE visée par cette décision, mais aussi dans la poursuite de celle-ci durant presque sept années.
103 D’autre part, si la Commission n’a certes pas spécifiquement motivé la décision attaquée par référence à l’objectif de faciliter les recours en dommages et intérêts devant les juridictions nationales, il ressort néanmoins du dossier que, prima facie, la publication de la version non confidentielle plus complète de la décision PHP envisagée par la Commission, en particulier la partie de ladite décision relative au fonctionnement de l’entente, serait de nature à permettre à des tiers qui s’estiment lésés par l’infraction au droit de la concurrence de l’Union qui y a été constatée d’établir plus aisément la responsabilité civile de la requérante et d’autres entreprises ayant participé à celle-ci, de même, le cas échéant, que l’étendue de cette responsabilité.
104 Ainsi que l’illustrent les passages de la version non confidentielle de la décision PHP mentionnés au point 102 ci-dessus, dont la publication est envisagée, ladite version révèle en effet de manière détaillée les contacts collusoires ou accords anticoncurrentiels auxquels la requérante a participé, en mentionnant notamment des noms de produits concernés par lesdits contacts ou accords, des données chiffrées concernant les prix pratiqués ainsi que les objectifs poursuivis par les participants en termes de prix et de répartition des parts de marché. De telles informations sont propres à faciliter la démonstration de leur dommage par des personnes physiques ou morales qui s’estiment victimes de l’infraction à l’article 81 CE sanctionnée dans la décision PHP, de même que le lien causal unissant ladite infraction et le dommage allégué.
105 Partant, sans même qu’il soit nécessaire, à ce stade du raisonnement, de se prononcer sur la question de savoir si, comme le prétend la requérante, la publication des informations litigieuses la défavoriserait par rapport à d’autres entreprises ayant participé à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP, mais qui n’ont pas témoigné le même esprit de coopération, dans le cadre de recours en réparation, il y a lieu de tenir pour établi que la divulgation des informations dont la requérante a sollicité le traitement confidentiel serait de nature à lui causer un préjudice sérieux.
106 S’agissant enfin de la troisième condition, il convient de rappeler que celle-ci implique que l’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et l’intérêt général qui veut que les activités des institutions se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 71, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, point 65).
107 À cet égard, s’agissant tout d’abord de l’argument de la requérante selon lequel la publication envisagée porterait atteinte à sa réputation et, de cette façon, à ses intérêts commerciaux, il convient de relever d’emblée que l’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite en principe aucune protection particulière, compte tenu de l’intérêt du public à connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l’intérêt des opérateurs économiques à savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l’intérêt des personnes lésées par l’infraction à en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées et compte tenu de la possibilité dont dispose cette entreprise de soumettre une telle décision à un contrôle juridictionnel (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 78, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 33 supra, point 72 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour de l’AELE du 21 décembre 2012, DB Schenker/EFTA Surveillance Authority, E‑14/11, Report of the EFTA Court, p. 1178, point 189).
108 Il s’ensuit que la requérante ne saurait légitimement s’opposer à la publication, par la Commission, d’informations révélant de manière détaillée sa participation à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP au motif qu’une telle publication est de nature à altérer l’image dont elle bénéficie dans les relations d’affaires et, de cette manière, à porter atteinte à ses intérêts commerciaux.
109 S’agissant ensuite de l’argument de la requérante selon lequel la publication envisagée interférerait de manière injustifiée dans des recours civils pendants ou futurs dès lors qu’elle priverait les juridictions nationales saisies de tels recours de la possibilité d’apprécier elles-mêmes la nécessité de solliciter de la Commission la communication d’informations telles que celles qui sont au cœur du présent litige, en application de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, il ne saurait non plus être retenu.
110 En effet, force est de constater que, par cet argument, la requérante vise, en substance, à se protéger contre une éventuelle condamnation à des dommages et intérêts par une juridiction nationale, du fait de sa participation à une infraction à l’article 81 CE. Or, l’intérêt d’une société ayant participé à une infraction à l’article 81 CE d’éviter de telles actions ne constitue pas un intérêt digne de protection, eu égard notamment au droit qu’a toute personne de demander réparation du préjudice que lui aurait causé un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C‑453/99, Rec. p. I‑6297, points 24 et 26 ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec. p. I‑6619, points 59 et 61, et du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, non encore publié au Recueil, point 41).
111 Il s’ensuit également que les griefs pris par la requérante d’une éventuelle méconnaissance du principe d’impartialité visé à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux ainsi que du principe d’égalité des armes dans le cadre de procédures nationales ne sont pas fondés et doivent être écartés.
112 Cependant, indépendamment du quatrième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée, en dissuadant les entreprises de dénoncer les infractions au droit de la concurrence de l’Union dont elles ont connaissance et de coopérer avec la Commission en vue de bénéficier du programme de clémence de celle-ci, est de nature à nuire à l’efficacité de la politique de lutte contre les infractions au droit de l’Union en matière d’ententes. Or, cet intérêt serait digne de protection dès lors que le programme de clémence a un impact essentiel sur l’effectivité globale du droit de l’Union en matière d’ententes. Elle ajoute dans ce contexte, en substance, que, dès lors que les informations dont la publication est envisagée la concernent davantage que d’autres entreprises n’ayant pas sollicité la clémence, une telle publication la désavantagerait de manière disproportionnée dans le cadre de procédures devant les juridictions nationales, ce qui mettrait en péril l’efficacité du programme de clémence.
113 À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que l’efficacité des programmes de clémence pourrait être affectée par la communication des documents relatifs à une procédure de clémence aux personnes désirant intenter une action en dommages et intérêts, même si les autorités nationales de concurrence ou la Commission accordent au demandeur de clémence une exonération totale ou partielle de l’amende qu’elles auraient pu imposer (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 juin 2011, Pfleiderer, C‑360/09, Rec. p. I‑5161, point 26). En effet, une personne impliquée dans une violation du droit de la concurrence, face à l’éventualité d’une telle communication, pourrait être dissuadée d’utiliser la possibilité offerte par de tels programmes de clémence, compte tenu notamment du fait que les documents communiqués à la Commission ou les déclarations effectuées auprès de cette dernière à ce titre sont susceptibles de présenter un caractère auto-incriminant.
114 D’autre part, le droit à obtenir réparation des dommages causés par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence est de nature à contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union (voir arrêt Otis e.a., point 110 supra, point 42, et la jurisprudence citée) et participe ainsi à la réalisation d’un objectif d’intérêt public (voir, en ce sens et par analogie, arrêt DB Schenker/EFTA Surveillance Authority, point 107 supra, point 132).
115 C’est en application de ces principes que la Cour, interrogée par voie préjudicielle dans le cadre de litiges relatifs à des demandes d’entreprises s’estimant lésées par des infractions au droit de la concurrence d’accéder à des dossiers d’enquête détenus par des autorités nationales de la concurrence, a invité les juridictions nationales saisies de ces litiges à mettre en balance les intérêts justifiant la communication des informations fournies volontairement par des demandeurs de clémence et la protection de celles-ci (arrêts de la Cour Pfleiderer, point 113 supra, point 30, et du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C‑536/11, non encore publié au Recueil, points 30 et 31).
116 Il importe d’apprécier la portée de cette jurisprudence dans le cas d’espèce.
117 Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 93 ci-dessus, la présente affaire concerne non la contestation d’un refus d’accès à des documents relevant d’une procédure en matière de concurrence, au cœur des affaires ayant donné lieu aux arrêts Pfleiderer, point 113 supra, et Donau Chemie e.a., point 115 supra, mais la publication qu’envisage la Commission de certaines informations contenues dans des documents ou déclarations qui lui ont été soumis volontairement par la requérante, en vue de bénéficier du programme de clémence.
118 En l’espèce, la requérante se borne à soutenir, en des termes généraux, que la publication des informations qu’elle a communiquées volontairement au cours de l’enquête dans l’espoir de bénéficier du programme de clémence porterait atteinte à l’objectif des activités d’enquête de la Commission.
119 Dans ces conditions, force est de constater que, à supposer même la véracité de cette affirmation, cette dernière ne fait pas apparaître l’existence d’une règle de droit que la Commission aurait enfreinte du seul fait que la publication envisagée des informations fournies dans le cadre de la clémence pourrait avoir un impact sur la mise en œuvre dudit programme au regard des futures enquêtes. En outre, cet argument particulier implique l’intérêt du public à connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, celui des opérateurs économiques à s’informer des comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et, enfin, celui de la Commission de préserver l’effet utile de son programme de clémence. Or, ces intérêts spécifiques ne sont pas propres à la requérante, si bien qu’il incombe à la seule Commission de mettre en balance, dans les circonstances de l’espèce, l’efficacité du programme de clémence, d’une part, et l’intérêt du public et des opérateurs économiques à s’informer du contenu de sa décision et d’agir afin de protéger leurs droits, d’autre part.
120 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en substance, les informations dont elle a sollicité le traitement confidentiel ne sont pas essentielles pour la compréhension du dispositif de la décision PHP et ne relèvent dès lors pas de l’obligation de publication qui pèse sur la Commission en vertu de l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. En effet, sans même qu’il soit nécessaire d’apprécier si tel est le cas, il suffit de constater que, eu égard au constat figurant au point 107 ci-dessus, cette disposition ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 79).
121 Quant à la référence faite par la requérante à l’arrêt de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C‑67/91, Rec. p. I‑4785), l’analyse de sa pertinence dans la présente affaire relève du cinquième moyen et est dès lors examinée à ce titre.
122 Il s’ensuit que la deuxième branche n’est pas fondée et doit dès lors être rejetée.
Sur la troisième branche, prise d’une violation du droit à la protection de la vie privée
123 La requérante invoque, enfin, une violation de son droit à la protection de la vie privée garanti à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH et désormais consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux.
124 À cet égard, il convient de relever avec la requérante qu’il ressort de l’arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, précité, point 76), que la Commission a admis que les renseignements qui lui sont soumis par les entreprises parties à une opération de concentration doivent être considérés comme relevant de leur activité privée et soumis comme tels au respect des dispositions de l’article 8 de la CEDH.
125 Toutefois, si un tel respect s’impose également à la Commission, en principe, lorsqu’elle recueille des informations auprès d’entreprises dans le cadre d’une enquête portant sur une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes, une personne ne peut, selon une jurisprudence bien établie de la Cour européenne des droits de l’homme, invoquer l’article 8 de la CEDH pour se plaindre d’une atteinte à sa réputation qui résulterait de manière prévisible de ses propres actions, telle une infraction pénale (voir Cour eur. D. H., arrêts Sidabras et Džiautas c. Lituanie du 27 juillet 2004, req. nos 55480/00 et 59330/00, § 49, Recueil des arrêts et décisions, 2004-VIII, p. 367, Taliadorou et Stylianou c. Chypre du 16 octobre 2008, req. nos 39627/05 et 39631/05, § 56, et Gillberg c. Suède du 3 avril 2012, req. n° 41723/06, § 67).
126 Il s’ensuit que, comme le fait valoir à juste titre la Commission, le droit à la protection de la vie privée garanti par l’article 8 de la CEDH ne saurait faire obstacle à la divulgation d’informations qui, comme celles dont la publication est envisagée en l’espèce, ont trait à la participation d’une entreprise à une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes, constatée dans une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003 et destinée à être publiée en conformité avec l’article 30 du même règlement.
127 Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche comme étant non fondée et, avec elle, le troisième moyen dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement
128 La requérante soutient que la décision attaquée rompt la confiance légitime qu’elle allègue avoir acquise sur le fondement de la communication sur la coopération de 2002 ainsi que de plusieurs déclarations de la Commission, en ce sens que les informations volontairement communiquées à cette dernière dans le cadre du programme de clémence ne seraient pas divulguées. L’attente légitime de la requérante à ce que les informations qu’elle a communiquées volontairement à la Commission soient traitées de manière confidentielle concernerait autant l’accès direct, par des tiers, à des documents ou déclarations figurant dans le dossier d’enquête que la divulgation de tout ou partie du contenu de tels documents ou déclarations par le biais de la publication d’une version plus détaillée de la décision PHP.
129 C’est, dès lors, en méconnaissance de cette attente légitime et de sa pratique administrative antérieure que la Commission aurait pris la décision de publier les informations litigieuses plusieurs années après la clôture de la procédure ayant donné lieu à l’adoption de la décision PHP. Une telle publication non seulement dissuaderait les entreprises de coopérer volontairement avec la Commission dans le cadre de la recherche et de la poursuite des infractions à l’article 81 CE, mais, de surcroît, violerait le principe d’égalité. Il serait sans importance, à cet égard, que les informations litigieuses datent de plus de cinq ans.
130 La requérante soutient par ailleurs que la confiance légitime qu’elle a acquise dans le fait que les informations litigieuses ne seraient pas publiées procède également du fait que la Commission a déjà publié sur son site Internet, en 2007, une version non confidentielle de la décision PHP et que cette publication tenait compte de la plupart de ses demandes de confidentialité. Il résulterait dès lors de cette publication une décision implicite de la Commission de faire droit aux demandes de confidentialité présentées par la requérante. En remettant en cause cette décision implicite, la décision attaquée méconnaîtrait non seulement la confiance légitime de la requérante, mais aussi le principe de sécurité juridique.
131 La Commission conteste cette argumentation.
132 À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que, conformément au raisonnement exposé aux points 58 à 60 ci-dessus, la décision attaquée doit être envisagée dans le contexte de la procédure administrative ayant donné lieu à son adoption et que ladite décision inclut dès lors les prises de position de la Commission au sujet de la publication envisagée, dans la mesure où elles portent sur des aspects qui ne relèvent pas du mandat du conseiller-auditeur.
133 Il s’ensuit que la seule circonstance que le conseiller-auditeur n’était pas compétent pour se prononcer sur les arguments pris par la requérante d’une violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement, laquelle ressort en substance de l’examen du premier moyen, est sans préjudice de la compétence du juge de l’Union pour se prononcer sur de tels arguments dans le cadre du présent recours.
134 Sur le fond, il y a lieu de rappeler que, en adoptant des règles de conduite telles que celles contenues dans les communications sur la coopération de 2002 et de 2006 et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sans justification, sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 211 ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 71).
135 Il est en outre de jurisprudence constante que peut se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies [arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, Rec. p. I‑12917, point 63].
136 En l’espèce, en premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’interdiction pour la Commission de rendre publiques en toutes circonstances des informations contenues dans des demandes de clémence ou des déclarations effectuées au titre du programme de clémence résulterait de la communication sur la coopération de 2002, voire de celle de 2006.
137 Certes, il ressort des paragraphes 32 et 33 de la communication sur la coopération de 2002 que « toute déclaration écrite faite à la Commission [à ce titre] ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article 81 [CE] » et que « [l]a Commission considère d’une manière générale que la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus [dans le cadre d’une demande de clémence] porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1049/2001 ». Certes également, la Commission a précisé dans sa communication sur la coopération de 2006, dont l’adoption est postérieure à la période au cours de laquelle la requérante a coopéré à l’enquête ayant abouti à la décision PHP, d’une part, que les initiatives prises par certaines entreprises de lui soumettre spontanément ce qu’elles savaient d’une entente, ainsi que de leur rôle dans cette entente, « ne devraient pas être découragées par des décisions ordonnant la communication de pièces dans des procédures civiles » (paragraphe 6) et, d’autre part, que « [l]es autres parties, telles que les plaignants, n’[avaie]nt pas accès aux déclarations des entreprises » effectuées au titre de la clémence (paragraphe 33).
138 Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, ces divers engagements ne portent que sur la divulgation des documents qui lui sont soumis volontairement par les entreprises souhaitant bénéficier du programme de clémence, de même que sur celle des déclarations effectuées par ces mêmes entreprises à ce titre. C’est d’ailleurs, notamment, à la lumière de ces engagements qu’il convient de comprendre la décision de la Commission, à laquelle cette dernière fait référence dans ses écritures, de refuser à EnBW Energie Baden-Württemberg AG l’accès à l’ensemble des documents figurant dans le dossier administratif relatif à la procédure dans l’affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse.
139 Ces engagements fournissent de surcroît un éclairage sur le motif qui sous-tend la décision de la Commission de supprimer, dans la version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP dont la publication est envisagée, toutes les informations de nature à permettre d’identifier directement ou indirectement la source des informations qui lui ont été communiquées par la requérante en vue de bénéficier du programme de clémence.
140 En deuxième lieu, il convient de relever que la distinction reflétée aux points 136 à 139 ci-dessus n’est pas contredite par les déclarations ou prises de position de la Commission auxquelles se réfère la requérante.
141 Ainsi, s’agissant, tout d’abord, du passage du courrier adressé par le directeur général de la DG COMP à un magistrat des États-Unis d’Amérique repris dans l’article de presse du 22 décembre 2011, produit par la requérante, celui-ci n’a pu créer chez cette dernière la confiance légitime dont elle se prévaut. En effet, aux termes dudit passage, le directeur général de la DG COMP a fait valoir que la divulgation, dans le cadre d’une procédure pendante devant une juridiction des États-Unis d’Amérique, de la version confidentielle d’une décision par laquelle la Commission avait constaté une infraction à l’article 81 CE porterait atteinte aux intérêts publics de l’Union et affecterait de manière significative son aptitude à détecter et à réprimer les ententes. Or, il est constant qu’une telle version confidentielle, à la différence de la version non confidentielle de la décision PHP dont la publication est envisagée en l’espèce, contient notamment des indications quant à la source des informations volontairement communiquées par des entreprises à la Commission, en vue de bénéficier du programme de clémence, et qu’une telle version est dès lors susceptible de refléter des déclarations auto-incriminantes effectuées par ces entreprises. Une telle version confidentielle est, de surcroît, susceptible de contenir les noms d’employés des entreprises dont la participation à l’infraction a été retenue.
142 Dans ces circonstances, il ne saurait être déduit du passage du courrier du directeur général de la DG COMP auquel se réfère la requérante, cité dans l’article de presse mentionné au point précédent, une politique de la Commission garantissant la confidentialité de toute information volontairement communiquée par une entreprise sollicitant le bénéfice du programme de clémence, notamment dans le cadre de la publication des décisions que la Commission prend sur le fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003.
143 Le raisonnement exposé aux points 141 et 142 ci-dessus s’applique également, par analogie, au courrier relatif à une procédure d’arbitrage pendante aux États-Unis, adressé par la DG COMP à un cabinet d’avocats le 11 février 2014 et produit par la requérante le jour de l’audience. En effet, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, contestée par la Commission, force est de constater que celle-ci, à l’image du courrier auquel il a été fait référence au point 141 ci-dessus, reflète l’opposition de la Commission à la seule divulgation de la version confidentielle d’une décision par laquelle elle a constaté une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes et sanctionné plusieurs entreprises à ce titre. De surcroît et en tout état de cause, le Tribunal relève que ledit courrier, daté du 14 février 2014, est sans pertinence aux fins d’apprécier si la décision attaquée, adoptée en mai 2012, emporte une rupture de la confiance légitime de la requérante.
144 S’agissant ensuite des observations présentées par la Commission en tant qu’amicus curiae devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute cour de justice (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] en novembre 2011, produites dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, elles n’ont pas pu davantage créer une confiance pour la requérante en ce sens que la Commission ne publierait pas une version non confidentielle de la décision PHP plus détaillée que celle publiée en 2007.
145 En effet, dans ces observations, la Commission s’est uniquement opposée à la divulgation à des tiers, d’une part, de la version confidentielle d’une décision par laquelle elle avait constaté une infraction au droit de la concurrence de l’Union et, d’autre part, de documents qui lui avaient été communiqués volontairement par des entreprises dans le cadre de l’enquête ayant abouti à l’adoption de ladite décision, en vue de bénéficier de son programme de clémence, ainsi que de déclarations effectuées au titre de la clémence au cours de cette enquête. Ainsi, dans la mesure où ces observations portent sur la divulgation de la version confidentielle d’une décision constatant une infraction au droit de la concurrence de l’Union, le raisonnement exposé aux points 141 et 142 ci-dessus est applicable mutatis mutandis. Quant à l’opposition manifestée par la Commission à la divulgation à des tiers de documents et de déclarations qui lui ont été volontairement soumis par des entreprises en vue de bénéficier du programme de clémence, il ne saurait en être déduit l’existence d’une politique de la Commission réservant, de manière générale, un traitement confidentiel à l’ensemble des informations relatives à une infraction au droit de la concurrence de l’Union communiquées par une entreprise sollicitant le bénéfice du programme de clémence.
146 En tout état de cause, il convient de relever que, aux considérants 20, 21 et 23 des observations en question, la Commission a notamment étayé son point de vue selon lequel il serait disproportionné de divulguer à des tiers la version confidentielle de la décision concernée par la circonstance que ladite version ne comprenait que peu d’informations supplémentaires relatives au fonctionnement de l’entente visée au Royaume-Uni, par rapport à la version non confidentielle de ladite décision accessible au public. La Commission a estimé, dans ce cas particulier, qu’une divulgation de la version confidentielle de la décision en question n’était pas justifiée compte tenu de l’intérêt très limité qu’aurait présenté une telle divulgation pour la victime présumée de ladite entente, qui entendait obtenir, devant les juridictions du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la réparation du dommage qu’elle soutenait avoir subi.
147 Par contraste, le présent litige concerne la publication par la Commission d’une version non confidentielle de la décision PHP comprenant un grand nombre d’informations détaillées sur le fonctionnement de l’entente sanctionnée dans ladite décision, qui ne figuraient pas dans la version de cette dernière publiée sur le site Internet de la DG COMP en 2007. Ainsi qu’il a été souligné au point 103 ci-dessus, une telle publication serait de nature, prima facie, à permettre à des tiers qui s’estiment lésés par ladite entente d’établir plus aisément la responsabilité civile de la requérante et d’autres entreprises ayant participé à celle-ci, de même, le cas échéant, que l’étendue de cette responsabilité. Il s’ensuit que le point de vue exprimé par la Commission dans les observations citées au point 144 ci-dessus portait sur une situation à ce point différente de celle qui caractérise la présente affaire que lesdites observations n’ont en aucun cas pu faire naître chez la requérante l’attente légitime qu’elle invoque.
148 S’agissant par ailleurs de l’argument pris de la conception défendue par la Commission dans le cadre de procédures civiles engagées aux États-Unis, selon laquelle des entreprises qui coopèrent volontairement avec elle en révélant l’existence d’ententes ne peuvent pas être placées, dans le cadre de telles actions, dans une position moins favorable que d’autres participants aux ententes qui n’ont pas fait preuve d’un tel esprit de coopération, il ne saurait non plus être retenu.
149 À cet égard, premièrement, dès lors que l’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite en principe aucune protection particulière (voir point 107 ci-dessus), la requérante ne saurait demander une telle protection sous prétexte qu’elle doive bénéficier d’une position spéciale devant le juge national comparée à la position des entreprises qui n’ont pas fait preuve du même degré de coopération avec la Commission. Ensuite, dans la mesure où la décision publiée relate les faits fondant la responsabilité de chacun de ses destinataires pour violation de l’article 101 TFUE, la requérante n’est pas désavantagée à cet égard par rapport aux autres participants à l’infraction. Enfin, il importe de rappeler que la coopération de la requérante avec la Commission dans les termes décrits au point 2 ci-dessus a donné lieu à une immunité complète d’amende, ce qui constitue la conséquence normale selon la communication sur la coopération de 2002. En toute hypothèse, la requérante n’a avancé aucun élément de nature à démontrer que la publication des informations dont elle sollicite le traitement confidentiel en l’espèce, qui ont trait au fonctionnement de l’entente dans son ensemble, la désavantagerait par rapport à d’autres entreprises destinataires de la décision PHP, dans le cadre d’actions en dommages et intérêts. Il s’ensuit qu’il n’existe aucune contradiction entre cette prise de position, reflétée par ailleurs dans les observations présentées devant la High Court of Justice en novembre 2011, mentionnées au point 144 ci-dessus, et le point de vue défendu par la Commission dans la présente affaire.
150 Quant aux références faites par la requérante au point de vue défendu par la Commission dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 22 mai 2012, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission (T‑344/08, non encore publié au Recueil), et à l’arrêt de la Cour Commission/EnBW Energie Baden-Württemberg, point 92 supra, elles manquent de pertinence en l’espèce dès lors que, comme le souligne à juste titre la Commission, était en cause dans cette affaire une décision portant rejet d’une demande d’accès à l’ensemble des documents figurant dans un dossier de la Commission relatif à une infraction au droit de la concurrence. Il en découle que le point de vue défendu par la Commission dans ce cadre n’a pu créer chez la requérante l’attente légitime que la Commission s’abstiendrait de porter à la connaissance du public toute information qu’elle lui avait volontairement communiquée lors de l’enquête en vue de bénéficier du programme de clémence.
151 Enfin, en troisième lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel la rupture de sa confiance légitime trouverait également sa source dans la pratique antérieure de la Commission ayant consisté à ne pas divulguer les informations qui lui étaient communiquées volontairement par des entreprises au titre de demandes de clémence et dont lesdites entreprises avaient sollicité le traitement confidentiel. Cette pratique serait illustrée par la version non confidentielle de la décision PHP publiée en 2007, laquelle tient largement compte des demandes de traitement confidentiel présentées par la requérante et, à la différence d’autres versions publiées de décisions sanctionnant des infractions au droit de la concurrence de l’Union, n’a pas été qualifiée de provisoire par la Commission.
152 À cet égard, il y a lieu de relever que, à supposer même une telle pratique établie, celle-ci n’aurait pas été susceptible de créer chez la requérante une confiance légitime dans le fait que la Commission ne la modifierait pas à l’avenir.
153 En effet, si le respect du principe de la confiance légitime fait partie des principes fondamentaux du droit de l’Union, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (arrêt de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27 ; voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, Rec. p. II‑4077, point 426, et la jurisprudence citée).
154 En l’espèce, il ressort de l’examen du troisième moyen ci-dessus que les informations à la publication desquelles s’oppose la requérante ne peuvent être considérées, au vu de l’argumentation présentée par celle-ci au cours de la procédure administrative et dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle, comme étant par nature confidentielles.
155 Or, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider ou non de publier de telles informations. En effet, compte tenu des principes rappelés aux points 89 et 90 ci-dessus, il y a lieu d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce sens qu’il limite l’obligation de publication qui pèse sur la Commission à la seule mention des parties intéressées et de l’essentiel des décisions auxquelles il est fait référence au premier paragraphe de cette disposition, en vue de faciliter la tâche de la Commission d’informer le public de l’existence et du contenu de ces dernières, compte tenu notamment des contraintes linguistiques liées à une publication au Journal officiel. En revanche, cette disposition ne restreint pas la faculté de la Commission, si elle l’estime opportun et si ses ressources le lui permettent, de publier le texte intégral ou, à tout le moins, une version très détaillée de ses décisions, sous réserve de la protection due aux secrets d’affaires et aux autres informations confidentielles (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 76).
156 Bien que la Commission soit donc soumise à une obligation générale de ne publier que des versions non confidentielles de ses décisions, il n’est pas nécessaire, pour garantir le respect de celle-ci, d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce sens qu’il accorderait un droit spécifique aux destinataires des décisions adoptées au titre des articles 7 à 10 et des articles 23 et 24 dudit règlement leur permettant de s’opposer à la publication par la Commission au Journal officiel et, le cas échéant, sur le site Internet de cette institution, des informations qui, quoique non confidentielles, ne sont pas essentielles pour la compréhension du dispositif de ces décisions (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 77). Ainsi, l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 79).
157 Il résulte dès lors de cette marge d’appréciation que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 153 ci-dessus, la requérante, à supposer établie la pratique administrative antérieure à laquelle elle fait référence, ne pouvait acquérir aucune confiance légitime dans le maintien de celle-ci.
158 Cette conclusion s’impose d’autant plus en l’espèce que la publication d’informations détaillées sur une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes est de nature à faciliter l’établissement de la responsabilité civile des entreprises responsables d’une telle infraction et, de cette façon, à renforcer l’application dudit droit dans la sphère privée. Il y a lieu également de tenir compte, à cet égard, du fait que la Commission a souligné, au paragraphe 31 de sa communication sur la coopération de 2002 et au paragraphe 39 de sa communication sur la coopération de 2006, que « [l]e fait qu’une entreprise bénéfici[ait] d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la prot[égeait] pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 81 [CE] ».
159 Quant à l’argument de la requérante selon lequel sa confiance légitime dans le fait que la Commission ne divulguerait pas les informations communiquées volontairement au cours de l’enquête trouve sa source dans la publication d’une première version non confidentielle de la décision PHP en 2007, tenant compte des demandes de confidentialité qu’elle avait présentées, il ne saurait davantage prospérer.
160 Certes, la Commission n’a pas expressément qualifié cette première version non confidentielle de la décision PHP, publiée en 2007, de provisoire.
161 Toutefois, il convient de rappeler que, à cette époque, le Tribunal avait déjà interprété l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui correspond, en substance, à l’article 30, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, en ce sens que cette disposition ne visait pas à restreindre la liberté dont disposait la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’était pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 33 supra, point 79). Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que la seule circonstance que la Commission a publié une première version non confidentielle de la décision PHP en 2007 et qu’elle n’a pas qualifié celle-ci de provisoire n’a pu fournir à la requérante aucune assurance précise qu’une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de ladite décision ne serait pas publiée ultérieurement, au sens de la jurisprudence rappelée au point 135 ci-dessus.
162 De surcroît, les demandes de confidentialité présentées par la requérante en juillet 2006 étaient motivées, notamment, par la circonstance que la version confidentielle de la décision PHP révélait, selon elle, un nombre important d’informations commerciales sensibles la concernant. Or, au moment de la publication de la première version non confidentielle de la décision PHP, la jurisprudence était déjà bien établie en ce sens que ne sont ni secrètes ni confidentielles les informations qui l’ont été, mais datent de cinq ans ou plus et doivent, de ce fait, être tenues pour historiques, à moins, exceptionnellement, que l’entreprise concernée ne démontre que, malgré leur ancienneté, ces informations constituent toujours des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celle d’un tiers (voir la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus). Par conséquent, la requérante était en mesure de comprendre, dès cette époque, que le caractère éventuellement confidentiel de ces informations ne pouvait, en principe, être garanti indéfiniment.
163 La requérante n’ayant par ailleurs présenté aucun élément de nature à établir que la Commission se serait spécifiquement engagée vis-à-vis d’elle à ne pas publier une version non confidentielle de la décision PHP contenant davantage d’informations que celle publiée sur le site Internet de la DG COMP en septembre 2007, elle ne saurait se fonder sur cette seule publication pour en déduire une confiance légitime en ce sens.
164 Enfin, les griefs tirés d’une méconnaissance des principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement doivent également être écartés, le raisonnement avancé par la requérante à l’appui de ceux-ci se confondant, en substance, avec celui tiré d’une violation du principe de confiance légitime.
165 Il s’ensuit que le quatrième moyen n’est pas fondé et doit dès lors être rejeté.
Sur le cinquième moyen, pris d’une violation du principe de finalité inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ainsi que d’une violation du paragraphe 48 de la communication sur l’accès au dossier
166 La requérante soutient que la décision attaquée, pour autant qu’elle implique la publication de déclarations et de documents provenant de candidats à la clémence, méconnaît le principe de finalité inscrit à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003. Conformément à cette disposition, les informations obtenues dans le cadre de procédures menées au titre des articles 17 à 22 du règlement n° 1/2003 ne pourraient être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies. Or, la divulgation d’informations provenant du dossier de la Commission par le biais de la publication d’une version non confidentielle plus complète de la décision PHP, adoptée il y a plusieurs années, serait étrangère aux objectifs pour lesquels lesdites informations ont été recueillies. Cette conclusion serait confirmée par le paragraphe 48 de la communication sur l’accès au dossier, dont il résulte qu’un tel accès n’est accordé qu’à la condition que les documents obtenus ne soient utilisés qu’aux fins de procédures judiciaires ou administratives ayant pour objet l’application des règles de concurrence de l’Union en cause dans la procédure administrative connexe.
167 La Commission conteste cette argumentation.
168 À cet égard, il convient tout d’abord de relever que la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle entend fonder sa critique de la décision attaquée, au titre du présent moyen, sur le paragraphe 48 de la communication sur l’accès au dossier.
169 En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il résulte du libellé du paragraphe 48 de la communication sur l’accès au dossier que l’interdiction qu’il édicte, s’agissant de l’utilisation de documents figurant dans le dossier d’enquête à d’autres fins que les procédures judiciaires ou administratives ayant pour objet l’application des règles de concurrence de l’Union en cause dans la procédure administrative connexe, s’adresse aux personnes, entreprises et associations d’entreprises auxquelles la Commission a adressé une communication des griefs et qui bénéficient d’un accès audit dossier, au sens du paragraphe 3 de la communication sur l’accès au dossier. Ledit paragraphe 48 n’a dès lors pas pour objet d’encadrer l’utilisation, par la Commission, de déclarations ou documents recueillis dans le cadre d’une enquête relative à une infraction à l’article 81 CE.
170 Ensuite, s’agissant du grief pris d’une violation du principe de finalité édicté à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, les informations recueillies en application des articles 17 à 22 dudit règlement ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies, et ce sans préjudice de ses articles 12 et 15, relatifs à l’échange d’informations avec les autorités de concurrence des États membres et à la coopération entre la Commission et les juridictions des États membres.
171 Ce grief ne saurait toutefois prospérer, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question, débattue par les parties, de savoir si les informations volontairement communiquées à la Commission au cours d’une enquête relèvent du champ d’application de ladite disposition, en dépit du fait que les articles 17 à 22 du règlement n° 1/2003 visent à encadrer les pouvoirs d’enquête de la Commission.
172 En effet, la publication des décisions prises par la Commission en application de l’article 23 du règlement n° 1/2003 constitue en principe, ainsi qu’en atteste l’article 30 dudit règlement, l’ultime étape de la procédure administrative par laquelle la Commission constate et réprime les infractions à l’article 81 CE.
173 Il s’ensuit que, sans préjudice de la protection qui doit être accordée aux informations confidentielles contenues dans les dossiers d’enquête de la Commission, la publication par cette dernière d’une version non confidentielle de telles décisions, contenant des informations qui lui ont été communiquées volontairement par des entreprises en vue de bénéficier du programme de clémence, ne saurait être qualifiée d’étrangère au motif pour lequel lesdites informations ont été recueillies.
174 Cette constatation permet, au demeurant, de distinguer la présente affaire de celle ayant donné lieu à l’arrêt Asociación Española de Banca Privada e.a., point 121 supra, citée par la requérante. En effet, sans même qu’il soit nécessaire de rappeler les différences existant entre l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 17 et l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, qui le remplace, il suffit de constater que cet arrêt concernait l’utilisation par des autorités nationales, comme moyens de preuve, d’informations recueillies par la Commission auprès d’entreprises et qui n’avaient pas été mentionnées dans une décision de celle-ci sanctionnant une infraction au droit de la concurrence, publiée dans les conditions prévues par l’article 21 du règlement n° 17, la Cour ayant jugé qu’une telle utilisation était interdite, car étrangère au motif pour lequel de telles informations avaient été recueillies (arrêt Asociación Española de Banca Privada e.a., point 121 supra, points 35 à 38 et 47 à 54).
175 Partant, le cinquième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté, de même que le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
176 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
177 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Evonik Degussa GmbH est condamnée aux dépens y compris à ceux afférents à la procédure de référé.
Papasavvas | Forwood | Bieliūnas |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2015.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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