Air France v Commission (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-63/11 (16 December 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T6311.html
Cite as: [2015] EUECJ T-63/11, ECLI:EU:T:2015:993, EU:T:2015:993

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 décembre 2015 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen du fret aérien – Accords et pratiques concertées sur plusieurs éléments des prix des services de fret aérien (instauration de surtaxes carburant et de surtaxes sécurité, refus de payer une commission sur les surtaxes) – Article 101 TFUE, article 53 de l’accord EEE et article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑63/11,

Société Air France SA, établie à Roissy-en-France (France), représentée par Mes A. Wachsmann et S. Thibault-Liger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. C. Giolito, S. Noë et N. von Lingen, en qualité d’agents, assistés de Me B. Lebrun, avocat, puis par MM. Giolito et A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón, Mmes M. Simm et M. Belta, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C (2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 – Fret aérien), en ce qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de l’article 5, sous b), de cette décision, en ce qu’il impose à cette dernière une amende, ou à la réduction de celle-ci,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, la Société Air France SA, est une compagnie de transport aérien active sur le marché du fret aérien (ci-après le « fret »).

2        Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu une demande d’immunité au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 ») introduite par Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa ») et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels existaient entre plusieurs entreprises actives sur le marché du fret (ci‑après les « transporteurs ») portant, notamment, sur :

–        la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

–        la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

3        Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées, conformément à l’article 20 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 1, p. 1).

4        Après les inspections, plusieurs transporteurs, ainsi que la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication sur la clémence de 2002.

5        Le 19 décembre 2007, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord suisse »), en participant à une entente mondiale portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »). En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites. Une audition orale s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

6        Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 7694 final relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord suisse (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée a été adressée aux 21 transporteurs suivants (ci-après les « transporteurs incriminés ») :

–        Air Canada ;

–        Air France-KLM ;

–        la requérante ;

–        Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;

–        British Airways plc ;

–        Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;

–        Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;

–        Japan Airlines Corp. ;

–        Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines ») ;

–        Lan Airlines SA (ci-après « LAN ») ;

–        Lan Cargo SA (ci-après « LAN Cargo ») ;

–        Lufthansa Cargo ;

–        Lufthansa ;

–        Swiss ;

–        Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

–        Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;

–        SAS AB ;

–        SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo ») ;

–        Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « Scandinavian Airlines ») ;

–        Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») ;

–        Singapore Airlines Ltd.

7        Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés.

8        La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord suisse, couvrant le territoire de l’EEE et la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

9        Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne la requérante, se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

b)       [la requérante], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

c)       [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

[…]

c)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord […] suisse […] en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union […] et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

[…]

b)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1[er] à 4 :

[…]

b)      Air France-KLM et [la requérante] conjointement et solidairement : 182 920 000 [euros] ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1[er] à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1[er] à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 7

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[la requérante]

[…] »

 Procédure

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a introduit le présent recours. La Commission a déposé le mémoire en défense le 1er juin 2011.

11      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 29 mars et 6 mai 2011, le Conseil de l’Union européenne et Schenker AG ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 17 juin et 11 juillet 2011, la requérante a demandé qu’un traitement confidentiel à l’égard de Schenker soit réservé à certains passages de la requête, des annexes à la requête, de la défense et des annexes à celle-ci.

13      Par décision du 24 juin 2011, le Tribunal a décidé, conformément à l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure du 2 mai 1991, de ne pas accorder un second échange de mémoires. Par conséquent, la demande subséquente de la requérante d’un second échange de mémoires, datée du 11 juillet 2011, n’a pas été accueillie.

14      Par ordonnance du 25 juillet 2011, le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention présentée par le Conseil.

15      Le 27 septembre 2011, le Conseil a déposé un mémoire en intervention. Le 22 novembre 2011, la requérante a déposé des observations sur le mémoire en intervention du Conseil. La Commission a, quant à elle, renoncé à déposer des observations sur ce mémoire.

16      Par ordonnance du 25 octobre 2011, le président de la sixième chambre du Tribunal a rejeté la demande d’intervention présentée par Schenker. Le 21 novembre 2011, Schenker a formé un pourvoi contre cette ordonnance devant la Cour de justice. Ledit pourvoi a été enregistré sous la référence C‑589/11 P(I).

17      Par décision du président du Tribunal du 2 décembre 2011, l’un des juges de la sixième chambre du Tribunal, formation de jugement à laquelle était affecté le juge rapporteur, a été remplacé par un autre juge.

18      Par ordonnance du 24 janvier 2012, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 8 juin 2012, Schenker/Air France [C‑589/11 P(I), EU:C:2012:332]. À la suite de cette dernière ordonnance, qui a rejeté le pourvoi formé par Schenker, la procédure dans la présente affaire a repris.

19      Par décision du président du Tribunal du 4 décembre 2012, le juge rapporteur a été remplacé par un nouveau juge et la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la sixième chambre.

20      À la suite d’une demande du Tribunal formulée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requérante a présenté, par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2013, des observations sur le mémoire en défense. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2013, la Commission a présenté des observations sur ces observations.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 7 octobre 2013.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. En outre, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, qui y ont répondu dans le délai imparti.

23      Le 18 février 2015, le Tribunal a invité la requérante à lui faire savoir si le rapport d’audience comportait des données confidentielles à l’égard du public. Par deux courriers du 2 mars 2015, la requérante a, d’une part, demandé à ce que certaines données du rapport d’audience ne soient pas portées à la connaissance du public et, d’autre part, présenté des observations sur ledit rapport, ce dont le Tribunal a partiellement tenu compte.

24      Lors de l’audience du 19 mars 2015, seules la requérante et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal, le Conseil n’étant pas représenté. La requérante a renoncé au premier moyen qu’elle avait invoqué dans la requête, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 Conclusions des parties

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne, ainsi que les motifs qui, dans cette mesure, sous-tendent le dispositif ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 5, sous b) et d), de la décision attaquée, qui lui inflige une amende, ainsi que les motifs qui sous-tendent cette partie dudit article ou réduire, sur le fondement de l’article 261 TFUE, cette même amende à un montant approprié ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer de manière appropriée sur les dépens.

 En droit

28      La requérante invoque neuf moyens à l’appui du recours, tirés, le premier, d’une violation de la communication sur la clémence de 2002 et des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime, en ce que la décision attaquée a octroyé une immunité d’amende à Lufthansa, le deuxième, d’un défaut de motivation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, en ce que les poursuites engagées à l’encontre des destinataires de la communication des griefs ont été abandonnées, le troisième, d’une violation des principes de non-rétroactivité des peines plus sévères et de protection de la confiance légitime, en ce que l’amende a été calculée, à tort, sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2), le quatrième, d’une violation du droit d’être entendu et du principe de l’égalité des armes, le cinquième, d’un calcul erroné de l’amende, le sixième, de l’appréciation erronée de la gravité de l’infraction, le septième, d’une part, d’une violation du principe de proportionnalité des peines et d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le calcul de l’amende prend erronément en compte un montant additionnel, et, d’autre part, d’une absence de motivation, en ce qui concerne l’application du taux de 16 % au titre du montant additionnel, le huitième, d’une erreur dans le calcul de la durée de l’infraction et, le neuvième, du caractère manifestement insuffisant de la réduction générale de 15 % de l’amende.

29      Par ailleurs, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 22 ci-dessus, ainsi qu’à l’audience, la requérante a relevé l’existence d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée, laquelle traduirait un défaut de motivation que le Tribunal, en tant que moyen d’ordre public, devrait relever d’office. Par conséquent, la requérante a prétendu que la décision attaquée devait être annulée pour ce motif, en ce qui la concerne.

30      À l’audience, la requérante a indiqué que l’existence d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée est une question qui présente un intérêt pour elle, plus particulièrement en ce qui concerne les recours indemnitaires éventuels et l’égalité de traitement entre les transporteurs incriminés. Notamment, cette contradiction ne serait pas sans conséquences sur les recours indemnitaires introduits devant les juridictions nationales, puisque certains transporteurs qui auraient dû figurer sous tous les articles de ladite décision, du fait de leur participation à l’infraction unique et continue, seraient absents de certains articles de cette décision. La requérante a précisé que le premier contact anticoncurrentiel retenu à son égard, daté du 7 décembre 1999, concernait également Japan Airlines. Or, le nom de ce transporteur ne figurerait pas sous l’article 1er dudit dispositif. Dès lors, selon la requérante, s’il fallait conclure, sur la base de ce dispositif, à l’existence de quatre infractions distinctes, il n’y aurait pas de cohérence entre les motifs et le dispositif de la même décision.

31      Par ces arguments, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, dans la mesure où les motifs et le dispositif de cette décision sont contradictoires, ce que la Commission conteste.

32      À cet égard, il convient rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union européenne (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).

33      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec, EU:T:1998:140, point 89, et du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, Rec, EU:T:2012:333, point 117). L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec, EU:T:2000:77, point 469).

34      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, point 33 supra, EU:C:1998:154, point 63, et du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, EU:T:2012:48, point 91).

35      Il n’en demeure pas moins que, aux fins de la motivation d’une décision adoptée pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission est tenue, en vertu de l’article 296 TFUE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, permettant ainsi à la juridiction compétente et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, point 34 supra, EU:T:2012:48, point 91).

36      En outre, la motivation doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec, EU:C:2008:392, point 169, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 151).

37      Il convient d’ajouter que, nonobstant les dispositions de l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, dont il ressort que les décisions infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal, la violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord suisse suppose un comportement qui est généralement considéré comme déloyal, au détriment du public en général, qui engendre un réel opprobre et qui est susceptible d’entraîner, pour les entreprises responsables, des amendes pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires annuel, donc indéniablement sévères (voir conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, Rec, EU:C:2011:63, point 64). Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent (voir arrêt du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, Rec, EU:T:2014:160, point 78 et jurisprudence citée), celles-ci relèvent de la matière pénale au sens de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi qu’il ressort notamment de l’arrêt de la Cour EDH, A. Menarini Diagnostis c. Italie (n° 43509/08, § 39 à 44, du 27 septembre 2011).

38      De plus, aux points 58 et 59 de son arrêt A. Menarini Diagnostis c. Italie, point 37 supra, la Cour EDH a rappelé que, si « une peine » était imposée par une décision d’une autorité administrative, l’intéressé devait pouvoir saisir d’une telle décision prise à son égard un tribunal offrant les garanties prévues à l’article 6 de la CEDH (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, Rec, EU:C:2013:522, point 34).

39      Or, le principe de protection juridictionnelle effective, principe général du droit de l’Union qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, Rec, EU:C:2014:2062, point 57 et jurisprudence citée), implique que le dispositif d’une décision adoptée par la Commission, constatant des violations aux règles de la concurrence, soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif.

40      En effet, il convient de rappeler que c’est par le dispositif des décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. Il doit être relevé que, en principe, s’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision. Comme l’a estimé le juge de l’Union, en vue de définir les personnes faisant l’objet d’une décision constatant une infraction, il convient de s’en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui-ci ne prête pas au doute (arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec, EU:C:1975:174, point 315, et du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, Rec, EU:T:2003:335, point 43).

41      Par ailleurs, il y a aussi lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables exigeant qu’une personne puisse demander la réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Il incombe donc aux juridictions nationales chargées d’appliquer, dans le cadre de leurs compétences, cette disposition, d’assurer non seulement son plein effet, mais également de protéger ces droits (arrêt du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C‑536/11, Rec, EU:C:2013:366, points 21 et 22). Ainsi, toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 101 TFUE (arrêts du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec, EU:C:2006:461, point 61, et du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, Rec, EU:C:2012:684, point 43).

42      Or, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 101 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent le faire dans un sens qui irait à l’encontre de cette décision.

43      À cet égard, il y a lieu de considérer qu’une juridiction nationale prendrait une décision contraire à celle adoptée par cette institution, non seulement si elle qualifiait juridiquement, de manière différente, les comportements anticoncurrentiels examinés, mais également si sa décision était différente de celle de la Commission, quant à l’étendue temporelle ou géographique des comportements examinés ou quant à la responsabilité ou à l’absence de responsabilité des personnes ayant fait l’objet de l’enquête portant sur les comportements en cause et pour lesquelles la responsabilité a été examinée dans la décision attaquée.

44      Il en résulte que les juridictions nationales sont liées par la décision adoptée par la Commission, pour autant qu’elle n’est pas annulée ou invalidée, ce qui exige que son dispositif puisse être compris de manière univoque.

45      En particulier, les juridictions nationales doivent être en mesure, à partir des termes clairs du dispositif d’une décision constatant l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence, de comprendre la portée de cette infraction, ainsi que d’identifier les personnes qui en sont responsables, afin de pouvoir tirer les conséquences nécessaires en ce qui concerne les demandes de réparation des dommages causés par l’infraction, introduites par les personnes qui ont été lésées par cette même infraction.

46      Enfin, il y a lieu de relever que la pleine effectivité de l’article 101 TFUE serait remise en cause si le droit d’une personne de demander réparation de son préjudice à une autre personne était subordonné de manière catégorique à l’existence d’un lien contractuel entre ces deux personnes (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a., C‑557/12, Rec, EU:C:2014:1317, point 33). Il ne saurait donc être exclu qu’une personne considérée responsable d’une infraction aux règles de la concurrence constatée par la Commission soit tenue de réparer le dommage causé à des clients d’autres personnes tenues responsables de la même infraction. En pareil cas et si cela est prévu par le droit national, les juridictions nationales peuvent être saisies d’actions récursoires entre ces personnes. Le libellé du dispositif d’une décision constatant une infraction aux règles de la concurrence apparaît, de ce point de vue, déterminant en ce qu’il est de nature à établir des droits et des obligations mutuels entre les personnes visées.

47      Le juge national peut également, si cela est prévu par la loi nationale, être tenu de considérer que l’ensemble des personnes jugées responsables de l’infraction aux règles de la concurrence constatée par la Commission sont tenues de réparer solidairement le dommage causé. Dans ce cas, le libellé du dispositif d’une décision constatant une infraction aux règles de la concurrence peut, quant aux personnes visées, être également déterminant.

48      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient donc de vérifier, avant même d’examiner, le cas échéant, les moyens invoqués par la requérante, si, comme le soutient en substance cette dernière dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 22 ci-dessus, il existe une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée.

49      S’agissant du dispositif de la décision attaquée, les articles 1er à 4 de celle-ci sont rédigés comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

a)      Air France-KLM, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

b)      [la requérante], du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

c)      KLM […], du 21 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

d)      British Airways […], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

e)      Cargolux […], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

f)      Lufthansa Cargo […], du 14 décembre 1999 au 7 décembre 2005 ;

g)      […] Lufthansa […], du 14 décembre 1999 au 7 décembre 2005 ;

h)      Swiss […], du 2 avril 2002 au 7 décembre 2005 ;

i)      Martinair […], du 22 janvier 2001 au 14 février 2006 ;

j)      SAS […], du 17 aout 2001 au 14 février 2006 ;

k)      SAS Cargo […], du 1er juin 2001 au 14 février 2006 ;

l)      Scandinavian Airlines […], du 13 décembre 1999 au 28 décembre 2003.

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union […] et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

a)      Air Canada, du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

b)      Air France-KLM, du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

c)      [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

d)      KLM […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

e)      British Airways […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

f)      Cargolux […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

g)      [CPA], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

h)      Japan Airlines [Corp.], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

i)      Japan Airlines […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

j)      LAN […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

k)      LAN Cargo […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

l)      Lufthansa Cargo […], du 1er mai 2004 au 7 décembre 2005 ;

m)      […] Lufthansa […], du 1er mai 2004 au 7 décembre 2005 ;

n)      Swiss […], du 1er mai 2004 au 7 décembre 2005 ;

o)      Martinair […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

p)      Qantas […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

q)      SAS […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

r)      SAS Cargo […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

s)      [SAC], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

t)      Singapore Airlines […], du 1er mai 2004 au 14 février 2006.

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

a)      Air Canada, du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

b)      Air France-KLM, du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

c)      [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

d)      KLM […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

e)      British Airways […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

f)      Cargolux […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

g)      [CPA], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

h)      Japan Airlines [Corp.], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

i)      Japan Airlines […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

j)      Lufthansa Cargo […], du 19 mai 2005 au 7 décembre 2005 ;

k)      […] Lufthansa […], du 19 mai 2005 au 7 décembre 2005 ;

l)      Swiss […], du 19 mai 2005 au 7 décembre 2005 ;

m)      Martinair […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

n)      Qantas […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

o)      SAS […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

p)      SAS Cargo […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

q)      [SAC], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

r)      Singapore Airlines […], du 19 mai 2005 au 14 février 2006.

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord […] suisse […] en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de fret […] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union […] et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

a)      Air France-KLM, du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

b)      [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

c)      KLM […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

d)      British Airways […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

e)      Cargolux […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

f)      Lufthansa Cargo […], du 1er juin 2002 au 7 décembre 2005 ;

g)      […] Lufthansa […], du 1er juin 2002 au 7 décembre 2005 ;

h)      Swiss […], du 1er juin 2002 au 7 décembre 2005 ;

i)      Martinair […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

j)      SAS […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

k)      SAS Cargo […], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

l)      Scandinavian Airlines […], du 1er juin 2002 au 28 décembre 2003. »

50      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, comme la Commission le fait valoir, notamment, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure visées au point 22 ci-dessus, la division, en quatre articles distincts, de la partie du dispositif d’une décision constatant des infractions aux règles de la concurrence ne traduit pas forcément l’existence de quatre infractions distinctes.

51      Cette division pourrait répondre à la circonstance que l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée ont enfreint trois dispositions interdisant ces mêmes comportements, mais ayant une portée territoriale et temporelle différente.

52      D’ailleurs, la Commission a indiqué, aux points 815 à 817 de la décision attaquée ainsi que dans ses écritures devant le Tribunal, que, jusqu’au 1er mai 2004, elle ne disposait des compétences d’exécution que pour appliquer l’article 101 TFUE aux transports aériens internationaux entre aéroports de l’Union et ne pouvait donc pas appliquer l’article 101 TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant les liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE. En outre, elle a expliqué, aux considérants 818 à 821 de la décision attaquée, que, jusqu’au 19 mai 2005, elle était compétente pour appliquer l’article 53 de l’accord EEE seulement aux transports aériens entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE et que ce n’est qu’à partir de cette date qu’elle est devenue compétente pour appliquer cette disposition en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers. Par ailleurs, il ressort des considérants 822 à 825 de la décision attaquée que la Commission a estimé être compétente pour appliquer l’article 8 de l’accord suisse aux liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union et des aéroports situés en Suisse à partir du 1er juin 2002.

53      Partant, comme la Commission l’a indiqué dans sa réponse citée au point 22 ci-dessus ainsi qu’à l’audience, la violation de trois dispositions, à savoir l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord suisse, chacune fixant la compétence de la Commission pour leur application ratione temporis et ratione loci, l’a conduite à diviser le dispositif de la décision attaquée en sept articles dont les quatre premiers s’articulent comme suit :

–        l’article 1er porte sur la compétence de la Commission pour l’application des articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pour la période qui s’étend du 7 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

–        l’article 2 porte sur la compétence de la Commission pour l’application de l’article 101 TFUE en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pour la période qui s’étend du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

–        l’article 3 porte sur la compétence de la Commission pour l’application de l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pour la période qui s’étend du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

–        et l’article 4 porte sur la compétence de la Commission pour l’application de l’article 8 de l’accord suisse en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union et des aéroports situés en Suisse, pour la période qui s’étend du 1er juin 2002 au 14 février 2006.

54      Ni l’étendue variable de la compétence de la Commission selon les liaisons concernées ni la division du dispositif de la décision attaquée liée à l’étendue variable de la compétence de la Commission ne sont contestées par la requérante.

55      En revanche, la requérante observe, d’une part, que tous les transporteurs incriminés ont participé, selon les motifs de la décision attaquée, aux comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue de portée mondiale, indépendamment des liaisons assurées, et, d’autre part, que les articles 1er à 4 de cette décision établissent quatre infractions distinctes, chacune concernant une catégorie de liaisons différente, auxquelles seul un certain nombre de transporteurs incriminés a participé.

56      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que seuls les noms de onze transporteurs sur 21 transporteurs incriminés, à savoir Air France-KLM, KLM, British Airways, Cargolux, Lufthansa, Lufthansa Cargo, Swiss, Martinair, SAS, SAS Cargo et la requérante, sont cités dans chacun de ses quatre premiers articles. Ainsi que le fait valoir la requérante, les noms des transporteurs Air Canada, CPA, Japan Airlines Corp., Japan Airlines, Qantas, SAC et Singapore Airlines figurent aussi bien à l’article 2 qu’à l’article 3 de ladite décision. Le nom du transporteur Scandinavian Airlines figure aussi bien à l’article 1er qu’à l’article 4 de cette décision. Quant aux noms des transporteurs LAN et LAN Cargo, ils figurent uniquement à l’article 2 de la même décision.

57      Or, il importe de relever que la période, qui s’étend du 1er mai 2004 au 14 février 2006, pour laquelle il est constaté que les transporteurs dont les noms figurent à l’article 2 de la décision attaquée ont participé au comportement anticoncurrentiel ainsi que la période, qui s’étend du 19 mai 2005 au 14 février 2006, pour laquelle il est constaté que les transporteurs dont les noms figurent à l’article 3 de ladite décision ont participé audit comportement sont entièrement comprises dans celle couverte par l’article 1er de cette décision, qui s’étend du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, ainsi que dans celle couverte par l’article 4 de la même décision, qui débute le 1er juin 2002 et se termine le 14 février 2006, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus.

58      Par conséquent, dans l’hypothèse où les comportements anticoncurrentiels seraient considérés comme constitutifs d’une seule infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord suisse, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle l’ensemble des transporteurs incriminés ont participé, les noms des transporteurs cités à l’article 2 de la décision attaquée devraient également figurer aux articles 1er et 4 de ladite décision. En outre, les noms de tous les transporteurs ayant, selon l’article 2 de cette décision, participé aux comportements visés par cet article pour une période allant au-delà du 19 mai 2005 devraient également figurer à l’article 3 de la même décision.

59      Ainsi, la lecture des quatre premiers articles de la décision attaquée ne peut pas conduire à interpréter ceux-ci comme consacrant l’hypothèse d’une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle tous les transporteurs incriminés ont participé. Compte tenu de l’absence de mention des noms de plusieurs transporteurs incriminés dans les articles 1er, 3 et 4 de la décision attaquée, la lecture des articles 1er à 4 de ladite décision conduit en revanche, et nécessairement, à lire lesdits articles comme retenant l’une des deux constatations suivantes :

–        soit le dispositif de la décision attaquée retient la constatation de quatre infractions uniques et continues distinctes, chacune concernant une catégorie de liaisons différente, ce qui pourrait par ailleurs expliquer l’emploi du mot « infractions », au pluriel, aux articles 5 et 6 de ladite décision, tels que cités au point 9 ci-dessus ;

–        soit ledit dispositif retient la constatation de l’existence d’une seule infraction unique et continue, dont la responsabilité serait imputée aux seuls transporteurs qui ont, sur les liaisons concernées par chacun des articles 1er à 4 de la décision attaquée, directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque.

60      Cette dernière lecture s’explique par le fait que la Commission n’est pas en droit d’imputer à une entreprise ayant directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue la responsabilité pour les comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les participants à cette infraction auxquels elle n’a pas directement participé, à moins qu’il ne soit établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, Rec, EU:C:2012:778, point 44).

61      Cependant, comme les parties elles-mêmes le relèvent, il découle d’une lecture d’ensemble des motifs de la décision attaquée et, en particulier, des considérants 1, 95 à 97, 100, 101, 855, 856 et 864 à 879 de cette décision que la Commission décrit une seule entente, qualifiée d’infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord suisse, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle aurait participé l’ensemble des transporteurs incriminés. Ceux-ci, dans le cadre d’un seul plan global et par le biais d’un seul réseau de contacts, bilatéraux et multilatéraux, auraient coordonné leur comportement en ce qui concerne, d’une part, l’évolution de la STC et de la STS et, d’autre part, le refus de paiement de commissions. Cette coordination aurait eu lieu à l’échelle mondiale et concernerait donc simultanément toutes les liaisons visées par ladite décision.

62      Au considérant 892 de la décision attaquée, la Commission a même souligné que l’entente décrite au point 61 ci-dessus constituait une infraction unique et que, en l’espèce, il serait « artificiel de scinder » les comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue en infractions séparées.

63      Il y a donc lieu de constater l’existence d’une contradiction entre les motifs de la décision attaquée, qui décrivent une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle tous les transporteurs incriminés auraient participé, et le dispositif de ladite décision, qui constate soit quatre infractions uniques et continues distinctes soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la décision attaquée, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons dont ils acceptaient le risque.

64      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la Commission, présenté dans la réponse aux mesures d’organisation de la procédure visées au point 22 ci-dessus, selon lequel l’absence de mention de certains transporteurs incriminés dans les articles 1er, 3 et 4 de la décision attaquée pourrait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constatent des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

65      En effet, la lecture alternative du dispositif de la décision attaquée, telle que proposée par la Commission, irait à l’encontre de l’idée même de l’existence d’une seule infraction unique et continue composée d’un ensemble de comportements anticoncurrentiels pour lesquels tous les participants seraient responsables, et ce quelles que soient les liaisons concernées, ainsi qu’il résulte notamment des observations de la Commission aux considérants 862 et 873 de ladite décision, desquels il ressort qu’elle appliquerait, en l’espèce, les principes découlant de la jurisprudence selon laquelle une personne peut être tenue pour responsable de la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue même s’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de cette infraction, dès lors qu’elle savait ou devait savoir que la collusion à laquelle ladite entreprise participait s’inscrivait dans un plan global et que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction (arrêts du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T‑295/94, Rec, EU:T:1998:88, point 121, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec, EU:T:2002:70, point 231).

66      La lecture alternative du dispositif de la décision attaquée, telle que proposée par la Commission, contredit également certaines affirmations de celle-ci contenues dans ladite décision, comme celle figurant au considérant 881, aux termes de laquelle il n’était pas nécessaire, pour conclure à l’existence de l’infraction unique et continue constatée, « que les transporteurs soient des concurrents réels ou potentiels de tous les participants à l’entente, ou des concurrents réels ou potentiels uniquement sur une liaison spécifique », ou celle issue du considérant 825, selon laquelle il n’était pas nécessaire d’établir l’existence d’une infraction pour une liaison spécifique, mais il suffisait de fournir des preuves de l’existence d’une entente mondiale, « [t]ous les évènements décrits sous [le point] 4 de la décision attaquée [faisant] partie des preuves de l’entente mondiale décrite dans [cette] décision ».

67      Il découle ainsi des motifs de la décision attaquée que ceux-ci décrivent une infraction unique et continue non seulement par rapport aux trois éléments constitutifs de l’infraction, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, mais également par rapport à toutes les liaisons assurées par les transporteurs incriminés.

68      Partant, la lecture alternative du dispositif de la décision attaquée, telle que proposée par la Commission, conduirait, elle aussi, à constater l’existence d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de cette décision.

69      Ensuite, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission (voir point 64 ci-dessus), les transporteurs mentionnés aux articles 1er à 4 de la décision attaquée sont considérés responsables de la totalité de l’infraction visée dans chaque article, sans qu’il soit fait, pour chacun des articles en cause, de distinction entre les liaisons assurées par lesdits transporteurs pendant la période infractionnelle et celles qu’ils n’assuraient pas.

70      En définitive, la lecture du dispositif de la décision attaquée, telle que proposée par la Commission, conduit à ce que ce dispositif repose sur deux logiques contradictoires. En effet, d’une part, le transporteur mentionné dans tel ou tel des quatre premiers articles de ladite décision est tenu responsable pour des comportements anticoncurrentiels auxquels il aurait participé, même s’il n’assurait pas l’intégralité des liaisons couvertes par l’article en question. D’autre part, le même transporteur, non mentionné dans tel ou tel autre article, échappe à toute responsabilité pour des comportements anticoncurrentiels auxquels il aurait pourtant participé, s’il n’assurait aucune des liaisons couvertes par ledit article.

71      Il importe de constater, enfin, que les motifs de la décision attaquée eux-mêmes ne sont pas exempts de toute incohérence interne. Ces motifs contiennent, en effet, des appréciations difficilement conciliables avec l’existence d’une entente unique, telle que décrite dans ces mêmes motifs (voir point 61 ci-dessus).

72      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait valoir la requérante, en substance, lors de l’audience que, au considérant 1124 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir pris en compte, comme date de début de la participation à l’infraction de chaque transporteur incriminé, le premier contact anticoncurrentiel auquel chaque transporteur avait pris part, sauf dans le cas de certains transporteurs qui, selon elle, ne devaient pas être tenus pour responsables de l’infraction en ce qui concerne les liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, à savoir Air Canada, CPA, Japan Airlines, LAN Cargo et SAC. Pour ces transporteurs, elle a retenu le 1er mai 2004 comme date de début de l’infraction, même si elle a parallèlement indiqué qu’ils avaient participé à l’entente unique, décrite au point 61 ci‑dessus avant cette date. Elle a justifié le choix de cette date par le fait que « ce n’[était] qu’à partir [de celle-ci] que le règlement n° 1/2003 [était] devenu applicable aux services concernés et qu’une infraction [avait été] constatée en ce qui concern[ait] [les transporteurs en cause] ».

73      Or, il a été montré précédemment (voir point 65 ci-dessus) que, dans les motifs de la décision attaquée, la Commission avait spécifiquement indiqué qu’elle appliquerait les principes découlant de la jurisprudence selon laquelle, dans le cadre de l’existence d’une infraction unique et continue, une personne peut être tenue pour responsable de la participation d’une entreprise à une infraction même lorsqu’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de cette infraction, dès lors qu’elle savait ou devait savoir que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global qui recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction.

74      Il y a ainsi lieu de considérer que, si les motifs de la décision attaquée constatent l’existence d’une seule infraction unique et continue relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, ils contiennent néanmoins des contradictions internes importantes.

75      Il résulte donc de ce qui précède que la décision attaquée est entachée de contradictions, d’une part, entre les motifs et le dispositif et, d’autre part, au sein même des motifs.

76      Il convient de vérifier, en second lieu, si les contradictions internes à la décision attaquée portent atteinte aux droits de la défense de la requérante, en ce qu’elles ne lui ont pas permis de comprendre la nature et la portée de l’infraction ou des infractions constatées, et empêchent le Tribunal d’exercer son contrôle.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la simple existence d’une contradiction entre les motifs et le dispositif d’une décision ne suffit pas à considérer que celle-ci est entachée d’un vice de motivation, pour autant que, premièrement, l’ensemble de la décision permette au requérant d’identifier et d’invoquer cette incohérence, deuxièmement, le libellé du dispositif soit suffisamment clair et précis pour lui permettre de comprendre la portée exacte de la décision et, troisièmement, les preuves retenues pour démontrer la participation du requérant aux infractions lui étant attribuées dans le dispositif soient clairement identifiées et examinées dans les motifs (voir, en ce sens, arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 40 supra, EU:T:2003:335, points 49 à 52).

78      Or, en l’espèce, aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision attaquée, visées au point 59 ci-dessus, n’est conforme aux motifs de ladite décision. Partant, dans la mesure où le Tribunal ne peut privilégier l’une ou l’autre de ces lectures sans substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, il suffit d’examiner, dans le cadre de l’une au moins des deux lectures possibles, si les contradictions internes à la décision attaquée ont été de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et empêchent le Tribunal d’exercer son contrôle.

79      S’agissant de la première lecture, à savoir celle retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, il y a lieu de constater que, si la requérante a pu relever l’existence d’une contradiction, notamment entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée, et déduire du libellé du dispositif que celui-ci constatait quatre infractions distinctes, elle n’a pas été, pour autant, en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence de quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et elle n’a donc pas été davantage en situation de pouvoir contester leur suffisance.

80      En effet, aux considérants 692 à 806 de la décision attaquée, la Commission a choisi de ne pas différencier les preuves retenues à l’encontre de chaque transporteur incriminé en fonction des liaisons ou des catégories de liaisons auxquelles ces preuves se rattachaient. La Commission s’est limitée à apprécier si ces preuves étaient susceptibles d’établir la participation de ces transporteurs à l’entente unique décrite dans les motifs de cette décision, sans examiner si l’existence de chacune des quatre infractions uniques et continues qu’elle a constatées dans le dispositif de la décision attaquée était étayée par des preuves. Une différenciation des preuves n’a été effectuée que par rapport aux coordinations affectant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions.

81      En outre, dans le cadre de la première lecture possible du dispositif, la requérante se trouve dans l’impossibilité de comprendre la logique qui a conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision attaquée et, partant, de comprendre si elle a fait l’objet d’une discrimination par rapport aux transporteurs incriminés qui auraient été considérés responsables de deux infractions seulement, voire d’une seule, au motif qu’ils n’assuraient pas certaines liaisons.

82      À cet égard, il y a lieu de relever que les raisons de l’absence de mention des noms de certains transporteurs dans certains articles de la décision attaquée n’apparaissent pas clairement à la lecture de ladite décision. Ce n’est qu’à la suite de la mesure d’organisation de la procédure citée au point 22 ci-dessus que la Commission a précisé au Tribunal que les noms de certains transporteurs n’étaient pas cités dans certains articles de la même décision soit parce que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons définies par ces articles, soit parce que leur chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons était, pour l’année 2005, inférieur à 30 000 euros.

83      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec, EU:C:1981:284, point 22, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec, EU:C:2005:408, point 463).

84      À défaut, l’obligation de motiver une décision individuelle risque de ne pas répondre à son but, qui, selon une jurisprudence constante, est de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rorindustri e.a./Commission, point 83 supra, EU:C:2005:408, point 462 et jurisprudence citée).

85      De plus, le Tribunal se verrait dans l’impossibilité de contrôler la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’il ne serait pas en mesure d’apprécier si les preuves réunies par la Commission, pour établir l’existence d’une infraction unique et continue, suffisaient à établir l’existence des quatre infractions constatées dans le dispositif de ladite décision.

86      Il s’ensuit que la décision attaquée est entachée d’un vice de motivation justifiant son annulation.

87      La décision attaquée doit donc être annulée, en ce que la requérante est concernée, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens qu’elle a invoqués dans la requête.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

89      En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, il convient de décider que le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 – Fret aérien), est annulée, en ce qu’elle vise la Société Air France SA.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Société Air France.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

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