Calberson GE v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-164/14 (18 February 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T16414.html
Cite as: [2016] EUECJ T-164/14, ECLI:EU:T:2016:85, EU:T:2016:85

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 février 2016 (*)

« Clause compromissoire – Programme d’approvisionnement en produits agricoles de la Russie – Fourniture de viande bovine – Inexécution du contrat par l’organisme d’intervention – Droit applicable – Prescription – Libération tardive de certaines garanties de fourniture – Paiement partiel d’une facture de transport – Paiement insuffisant en devises étrangères de certaines factures – Intérêts moratoires »

Dans l’affaire T‑164/14,

Calberson GE, établie à Villeneuve-Garenne (France), représentée par Mes T. Gallois et E. Dereviankine, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme I. Galindo Martín, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. D. Colas et Mme C. Candat, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours, au titre de l’article 272 TFUE, visant à obtenir la condamnation de la Commission à réparer le préjudice que la requérante aurait subi à la suite de fautes prétendument commises par l’organisme d’intervention dans le cadre de l’exécution d’un marché portant sur le transport de viande bovine à destination de la Russie conformément au règlement (CE) nº 111/1999 de la Commission, du 18 janvier 1999, portant modalités générales d’application du règlement (CE) nº 2802/98 du Conseil relatif à un programme d’approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie (JO L 14, p. 13), et au règlement (CE) nº 1799/1999 de la Commission, du 16 août 1999, relatif à la fourniture de viande bovine à la Russie (JO L 217, p. 20),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 2802/98 du Conseil, du 17 décembre 1998, relatif à un programme d’approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie (JO L 349, p. 12), il a été procédé, dans les conditions fixées par ledit règlement, à la fourniture gratuite en faveur de la Fédération de Russie de certains produits agricoles, la Commission des communautés européennes ayant été chargée de l’exécution de l’opération conformément à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement et les frais de fourniture, y compris de transport jusqu’aux ports ou aux points frontières, déchargement exclu, et, le cas échéant, de transformation dans la Communauté ayant été déterminés par une procédure d’adjudication conformément à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement.

2        Dans le cadre de la procédure d’adjudication ouverte par le règlement (CE) nº 1799/1999 de la Commission, du 16 août 1999, relatif à la fourniture de viande bovine à la Russie (JO L 217, p. 20), la requérante, la société Calberson GE, a soumis le 14 septembre 1999 à l’Office national interprofessionnel des viandes, de l’élevage et de l’aviculture (Ofival), devenu l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) (ci-après l’« organisme d’intervention »), une offre pour la détermination des frais de fourniture du transport de 5 000 t de viande bovine en carcasses, constituant le lot nº 8 décrit à l’annexe II dudit règlement.

3        Par décision du 24 septembre 1999, la Commission a notamment adjugé à la requérante la fourniture du lot nº 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999. 

4        En application du règlement (CE) nº 111/1999 de la Commission, du 18 janvier 1999, portant modalités générales d’application du règlement nº 2802/98 (JO L 14, p. 13), et du règlement nº 1799/1999, la mise en œuvre pratique des obligations incombant à la Commission dans le cadre de ce marché a été confiée à l’organisme d’intervention. Concrètement, l’organisme d’intervention devait assurer l’exécution des obligations contractuelles de paiement et de mainlevée de la garantie financière.

5        Après avoir effectué la fourniture de la viande bovine en carcasses, visée dans le lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999, la requérante a demandé à l’organisme d’intervention la libération des garanties de fourniture qu’elle avait dû constituer conformément audit règlement et le paiement des frais de transport.

6        Estimant n’avoir pas obtenu complète satisfaction, la requérante a saisi, le 10 juillet 2000, le tribunal de grande instance de Paris (France) d’une demande d’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi du fait du retard pris par l’organisme d’intervention pour satisfaire à ses demandes. Plus particulièrement, elle reprochait audit organisme, d’une part, d’avoir tardivement acquitté certaines factures et libéré certaines garanties, et, d’autre part, d’avoir payé en francs français (FRF) des factures payables en dollars des États-Unis (USD) sur la base d’un taux de change inapplicable. Par décision du 19 décembre 2001, ledit tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige au profit des juridictions administratives. Saisi le 22 janvier 2002, le tribunal administratif de Paris (France) a rejeté, par jugement du 30 juillet 2007, la demande introduite aux mêmes fins par la requérante. Saisie le 28 septembre 2007, la cour administrative d’appel de Paris (France) a rejeté, par arrêt du 6 avril 2010, la demande introduite aux mêmes fins par la requérante.

7        La requérante ayant formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (France), cette juridiction a saisi la Cour d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation à donner à l’article 16 du règlement nº 111/1999. Par sa question, elle demande, en substance, si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle attribue compétence à la Cour pour statuer sur tous les litiges relatifs à une adjudication telle que celle en cause au principal, notamment sur les actions tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de fautes commises par l’organisme d’intervention dans l’exécution du paiement dû à l’adjudicataire et dans la libération de la garantie de fourniture constituée par ce dernier en faveur de cet organisme.

8        Par arrêt du 17 janvier 2013, Geodis Calberson GE (C‑623/11, Rec, EU:C:2013:22), la Cour a dit pour droit que l’article 16 du règlement no 111/1999, tel que modifié par le règlement (CE) no 1125/1999 de la Commission, du 28 mai 1999, doit être interprété en ce sens qu’il attribue compétence à la Cour pour statuer sur les litiges relatifs aux conditions dans lesquelles l’organisme d’intervention désigné pour recevoir les offres soumises à l’adjudication de prestations de fourniture gratuite de produits agricoles à la Fédération de Russie procède au paiement dû à l’adjudicataire et à la libération de la garantie de fourniture constituée par l’adjudicataire en faveur de cet organisme, notamment sur les actions tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de fautes commises par l’organisme d’intervention dans l’exécution de ces opérations.

9        Par arrêt du 11 mars 2013, le Conseil d’État a annulé la décision du tribunal administratif de Paris du 30 juillet 2007 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 6 avril 2010 et a constaté l’incompétence de ces juridictions pour statuer sur la demande d’indemnisation du préjudice introduite par la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2014, la requérante a introduit le présent recours.

11      Le 9 juin 2014, la Commission a déposé le mémoire en défense.

12      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, les 22 septembre et 17 décembre 2014.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 juillet 2014, la République française a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien de la Commission.

14      Par ordonnance du 2 septembre 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République française a déposé le mémoire en intervention le 15 octobre 2014. La requérante et la Commission ont déposé des observations sur celui-ci dans les délais impartis.

15      Par lettre du 11 juin 2015, le Tribunal a demandé aux parties de répondre à une question dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

16      La requérante, la Commission et la République française ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 juillet 2015.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 7 691,60 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des frais financiers générés par la libération tardive des garanties de fourniture ;

–        condamner la Commission à lui payer les sommes de 81 817,25 euros hors taxes (HT) et de 6 344,17 USD au titre des intérêts moratoires courus entre la date d’échéance des factures de transport et leur paiement effectif ;

–        condamner la Commission à lui payer des « intérêts moratoires sur intérêts moratoires » correspondant à 2 % par mois de retard de paiement des intérêts moratoires susvisés (81 817,25 euros HT et 6 344,17 USD) ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 17 400 euros TTC au titre d’un reliquat d’une facture de transport ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 30 580,41 euros TTC en raison du différentiel d’un taux de change ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme étant non fondé.

 En droit

 Sur le droit applicable

20      La requérante fait observer que, les parties n’ayant pas explicitement désigné une loi applicable au contrat, il y a lieu de déterminer cette loi en application de l’article 5 du règlement nº 593/2008, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I »). Sur la base des principes posés dans ce règlement, la loi applicable audit contrat serait la loi française.

21      La Commission ne conteste pas que, en vertu du règlement Rome I, la loi applicable au contrat en cause serait la loi française. Cependant, la Commission signale que, dans les arrêts du 9 octobre 2002, Hans Fusch/Commission (T‑134/01, Rec, EU:T:2002:246), et du 10 février 2004, Calberson GE/Commission (T‑215/01, T‑220/01 et T‑221/01, Rec, EU:T:2004:38), tous les deux relatifs à des marchés de fourniture conclus sur la base du règlement n° 111/1999, le Tribunal n’a pas estimé nécessaire de déterminer une loi applicable et a interprété ce règlement sans se référer à une loi nationale. En effet, même si le Tribunal a conclu, dans ces affaires, à l’existence d’une relation contractuelle entre la Commission et chaque adjudicataire, il aurait aussi tenu compte du fait que les règles constituant l’objet du « contrat » figuraient dans des règlements de l’Union européenne, lesquels doivent faire l’objet d’une interprétation uniforme dans tous les États membres.

22      La République française fait valoir que le litige doit être tranché d’abord sur la base des clauses contractuelles prévues, en substance, dans les règlements nº 111/1999 et nº 1799/1999, et que lesdits règlements doivent être interprétés dans leur contexte afin de combler de possibles lacunes. À défaut, elle considère que, s’il fallait désigner une loi applicable au contrat en cause, celle-ci serait le droit français.

23      En vertu de l’article 340 TFUE, « [l]a responsabilité contractuelle de l’Union est régie par la loi applicable au contrat en cause ». Le droit applicable au contrat est celui qui est expressément prévu dans le contrat, les stipulations contractuelles exprimant la commune volonté des parties devant primer sur tout autre critère utilisable seulement dans le silence du contrat (arrêt du 26 novembre 1985, Commission/CO.DE.MI., 318/81, Rec, EU:C:1985:467, points 20 à 22).

24      En l’espèce, comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt Geodis Calberson GE, point 8 supra (EU:C:2013:22, points 26 à 28), il existe une relation de nature contractuelle entre la Commission, en tant qu’adjudicatrice, et la requérante. À l’exception du prix sur lequel les parties se sont accordées, les droits et les obligations respectifs des parties sont définis par les dispositions des règlements n° 111/1999 et n° 1799/1999. Or, aucun de ces deux règlements ne détermine, pour toute question non réglée par lesdits règlements, quelle est la loi applicable au contrat en cause.

25      En cas de silence dans le contrat, le juge de l’Union doit déterminer le droit applicable en s’inspirant des principes généralement admis dans les États membres et en utilisant les règles du droit international privé, et notamment celles de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, remplacée par le règlement Rome I (voir, en ce sens, arrêts du 11 octobre 2001, Commission/Oder-Plan Architektur e.a., C‑77/99, Rec, EU:C:2001:531, point 28, et du 17 mars 2005, Commission/AMI Semiconductor Belgium e.a., C‑294/02, Rec, EU:C:2005:172, point 60).

26      Conformément aux articles 3 et 5 du règlement Rome I, « l[e] contrat est régi par la loi choisie par les parties » et, « à [d]éfaut de choix exercé conformément à l’article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays ». Si ces conditions ne sont pas satisfaites, « la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique ».

27      En l’espèce, il est constant que le transporteur a sa résidence en France et qu’il ressort de l’annexe II du règlement nº 1799/1999 que le chargement de la viande bovine à destination de la Russie a eu lieu en France.

28      Par conséquent, le présent litige doit être tranché sur la base de ses clauses contractuelles, c’est-à-dire au regard des dispositions des règlements nº 111/1999 et nº 1799/1999 et, pour toute question non réglée par lesdits règlements, au regard du droit français.

 Sur la recevabilité

 Sur la prescription

29      La Commission observe que, pour apprécier la recevabilité du recours, il doit être tenu compte du fait que la question de la compétence des juridictions de l’Union pour statuer sur les litiges relatifs aux adjudications ouvertes dans le cadre de l’aide alimentaire à la Fédération de Russie avait été tranchée par le Tribunal dans l’arrêt Hans Fusch/Commission, point 21 supra (EU:T:2002:246), la réponse donnée ayant été confirmée postérieurement dans l’arrêt Calberson GE/Commission, point 21 supra (EU:T:2004:38), dans lequel la requérante était partie. Or, la requérante n’aurait introduit le présent recours qu’en mars 2014, soit, respectivement, dix et douze ans après ces arrêts, et quatorze ans après les faits. Dès lors, l’action serait prescrite et le recours devrait être déclaré irrecevable.

30      La requérante fait valoir que le contrat conclu avec la Commission est un contrat de droit public dans la mesure où cette dernière agit dans le cadre d’une mission de service d’organisation d’aide alimentaire et que, du fait des tâches qui lui sont confiées par celle-ci, elle participe à la réalisation d’une mission de service public. Elle rappelle que, en droit français, la prescription en matière de responsabilité contractuelle des personnes publiques est régie par la loi nº 68-1250, du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics (ci-après la « loi nº 68-1250 »). Or, sur la base de cette loi, son droit à restitution ne serait pas prescrit.

31      Il y a lieu de relever que, d’une part, ni le règlement n° 111/1999 ni le règlement n° 1799/1999 ne précisent quelles sont les règles applicables au contrat en cause en matière de prescription. Dès lors, ainsi qu’il a été établi au point 28 ci-dessus, le droit français s’applique. D’autre part, en droit français, les dispositions du code civil s’appliquent en l’absence de lex specialis.

32      Le régime général de prescription est prévu par le code civil français. Ce régime a été modifié par la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (ci-après la « loi nº 2008-561 »), entrée en vigueur le 19 juin 2008. Avant cette réforme, le délai général de prescription en matière civile était de 30 ans sur la base de l’ancien article 2262 du code civil. Après la réforme, conformément à l’article 2224 dudit code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent au bout de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. L’article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et qu’il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. En vertu de l’article 2242 de ce code, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. Enfin, l’article 2231 dudit code dispose que l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. Les articles 1er et 2 de la loi nº 68-1250, dont l’application est invoquée par la requérante en tant que lex specialis, prévoient, quant à eux, un délai de prescription de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Ce délai est interrompu par tout recours introduit devant une juridiction même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître. Dans un tel cas, un nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée.

33      En l’espèce, les recours de la requérante devant le tribunal de grande instance de Paris et le tribunal administratif de Paris à l’encontre de l’organisme d’intervention ont été introduits, respectivement, le 10 juillet 2000 et le 22 janvier 2002 (voir point 6 ci-dessus), dans le respect des délais de prescription mentionnés au point 32 ci-dessus. Il en va de même du présent recours introduit le 7 mars 2014, soit moins d’un an après l’arrêt du Conseil d’État qui a mis fin à l’instance devant les juridictions administratives françaises (voir point 9 ci-dessus).

34      Il en résulte que le droit à restitution de la requérante n’est prescrit ni sur la base du code civil français ni dans l’hypothèse préconisée par la requérante où s’appliqueraient les dispositions de la loi n° 68-1250 en matière de prescription.

35      Eu égard à ce qui précède, le recours doit être déclaré recevable, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si, comme le soutient la requérante, le contrat en cause doit être qualifié de droit public et si la loi n° 68-1250 s’applique en tant que lex specialis.

 Sur la prétendue extension de l’objet du litige dans la réplique

36      La Commission, soutenue par la République française, fait valoir que la requérante a procédé dans la réplique à une extension indue de l’objet du litige, tel que défini dans la requête. Elle relève, à cet égard, que la requête s’est référée clairement à un « marché » portant sur le transport de « viande bovine » dans le cadre « [du] règlement nº 111/1999 et [du] règlement nº 1799/1999 » et que la requérante a uniquement cité dans la requête, et joint en annexe, son offre du 14 septembre 1999 (voir point 2 ci-dessus) qui concerne le lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement n° 1799/1999. En revanche, dans la réplique, la requérante affirmerait que le marché en cause est le marché « tous lots confondus » portant sur le transport des « produits agricoles » visés par le règlement nº 111/1999 et ne ferait plus référence au règlement n° 1799/1999, qui n’est pertinent que pour le lot n° 8. Selon la Commission, la seule mention dans la requête de certaines factures portant sur d’autres lots n’est pas suffisante, au regard de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, pour considérer que ces lots faisaient partie également de l’objet du litige.

37      La République française ajoute que la requérante a conclu avec la Communauté autant de contrats qu’elle a soumis d’offres acceptées par la Commission. Dans ces conditions, en demandant, dans la requête, l’application du contrat qui l’unit à la Communauté en ce qui concerne le seul lot nº 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999, la requérante a circonscrit l’objet du litige à un seul contrat. La République française fait également observer que, conformément à l’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le recours en responsabilité contractuelle doit être accompagné du contrat contenant la clause compromissoire. Or, si la requête visait d’autres lots, elle aurait dû produire les contrats conclus pour ces derniers.

38      La requérante conteste l’ensemble de ces allégations et soutient que son recours « s’étend à l’ensemble du marché conclu en application du règlement nº 111/1999, tous lots litigieux confondus ». Il résulterait clairement des demandes de paiement formulées dans la requête et des offres de preuve produites à leur soutien, à savoir les factures dont le paiement est demandé qui visent différents lots de différents règlements d’application dudit règlement, que l’objet du litige n’était pas circonscrit au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement n° 1799/1999. La référence à l’offre retenue pour ce lot particulier n’aurait été faite qu’à titre illustratif.

39      Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige et de présenter ses conclusions dans l’acte introductif d’instance.

40      En l’espèce, il y a lieu de relever que, comme le soutiennent à bon droit la Commission et la République française, la requérante indique clairement, au début de la requête, qu’elle a été attributaire d’« un marché de la Commission […] portant sur le transport de la viande bovine du territoire français à destination de [la Russie] dans le cadre du programme de ravitaillement adopté au profit de ce pays par le [r]èglement (CE) n° 111/1999 […] et le [r]èglement n° 1799/1999 » et que, « [e]n application de [ces] [r]règlements », la mise en œuvre pratique des obligations incombant à la Commission « en vertu du présent marché » avaient été confiée à l’organisme d’intervention. La requérante précise en outre que, « [a]u cours de l’exécution du marché », elle avait été confrontée à de nombreuses difficultés liées aux fautes alléguées de l’organisme d’intervention.

41      La seule référence dans la requête à certaines factures portant, en substance, sur des lots autres que le lot n° 8 n’est pas suffisante au regard de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 pour considérer, comme indiqué dans la réplique, que l’objet du litige portait également sur les contrats relatifs aux marchés attribués à la requérante sur la base du règlement (CE) nº 556/1999 de la Commission, du 12 mars 1999, relatif la fourniture de viande bovine à la Russie (JO L 68, p. 19) (lots nos 1, 2 et 3), du règlement (CE) nº 712/1999 de la Commission, du 31 mars 1999, relatif au transport de viande porcine à destination de la Russie (JO L 89, p. 54) (lot n° 6), et du règlement (CE) n° 1133/1999 de la Commission, du 28 mai 1999, relatif à la fourniture de viande bovine à la Russie (JO L 135, p. 64) (lots nos 1 et 2).

42      La circonstance selon laquelle les règlements mentionnés au point 41 ci-dessus, invoqués pour la première fois dans la réplique, sont tous des règlements d’application du règlement nº 111/1999 n’est pas pertinente, dès lors que chaque règlement d’application dudit règlement prévoit un nouvel appel d’offres en vue d’une adjudication d’un nouveau marché. Par ailleurs, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 111/1999, pour être recevable, une offre doit porter sur un seul lot. Ainsi, la requérante n’avait pas la possibilité de faire une offre pour plusieurs lots ni de subordonner l’offre qu’elle soumettait pour l’attribution d’un lot à l’acceptation par la Commission d’autres offres soumises pour d’autres lots au titre dudit règlement ou d’autres règlements.

43      Certes, le règlement nº 111/1999 prévoit les modalités générales d’application du programme d’approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie et ces modalités générales sont communes et s’appliquent aux différents règlements mentionnés par la requérante au stade la réplique. Cependant, les articles 1 et 2 du règlement nº 111/1999 prévoient que l’ouverture d’une procédure d’adjudication pour l’attribution de fournitures particulières s’effectue par des règlements spécifiques, tels que les règlements nº 1799/1999, nº 556/1999, nº 712/1999 et nº 1133/1999. Dès lors, il ne saurait être considéré que les attributions de fournitures particulières effectuées dans le cadre de ces règlements spécifiques constituent l’exécution d’un seul contrat visant un marché qui comportait sept lots différents.

44      En outre, l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement nº 111/1999 énonce clairement que les offres présentées à l’organisme d’intervention comportent une référence au règlement portant ouverture de l’adjudication pour chaque lot, et que chaque offre doit porter sur un seul lot et la totalité de ce lot. L’offre annexée à la requête est relative au lot nº 8 décrit dans l’annexe II du règlement nº 1799/1999, qui ne peut, en aucun cas, illustrer l’étendue des obligations que la requérante a souscrit dans le cadre du programme d’approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie, chaque offre étant différente et ayant été soumise dans le cadre d’une procédure d’adjudication différente.

45      Partant, la référence à des lots autres que le lot nº 8 du règlement nº 1799/199, dans la réplique, constitue une extension de l’objet du litige qui doit être écartée comme irrecevable.

 Sur le fond

46      À l’appui du recours, la requérante soulève, en substance, quatre demandes. La première demande est tirée de la libération tardive de certaines garanties de fourniture. La deuxième demande est tirée du paiement tardif de certaines factures de transport. La troisième demande est tirée du paiement partiel d’une facture de transport. La quatrième demande est tirée du paiement insuffisant en devises non contractuelles de certaines factures.

47      Le Tribunal estime qu’il est opportun d’analyser les première, troisième et quatrième demandes avant la deuxième demande.

 Sur la première demande, tirée de la libération tardive de certaines garanties de fourniture

48      La requérante soutient que trois garanties de fourniture qu’elle a constituées ont été libérées avec retard sans que l’organisme d’intervention ait fourni de motif permettant de justifier cette libération tardive et demande l’indemnisation des frais engendrés par ledit retard. Elle fait valoir que le refus injustifié de libération des garanties constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration et rappelle que, conformément à l’article 12, paragraphe 2, du règlement nº 111/1999, la garantie de fourniture est libérée lorsque l’adjudicataire fournit la preuve de l’exécution de la fourniture.

49      La Commission fait observer que, en l’absence d’éléments essentiels dans la requête, comme la référence aux opérations spécifiques de fourniture, la demande devrait être déclarée irrecevable sur la base de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. En tout état de cause, elle estime que la requérante ne démontre pas avoir supporté les frais qui auraient été engendrés par ledit retard et rappelle que les frais de garantie bancaire étaient inclus dans le prix mentionné dans l’offre présentée par celle-ci. Par ailleurs, selon elle, si le règlement nº 111/1999 ne prévoit pas de délai pour la libération de garanties, cela n’implique pas que la libération doit être faite le jour même de la réception des justificatifs par l’organisme d’intervention. Elle signale que l’organisme d’intervention doit examiner les justificatifs avant de libérer la garantie et d’effectuer le paiement, sous peine de devoir se retourner contre l’adjudicataire si, après vérification, il s’avère que les conditions de fourniture n’ont pas été respectées. En l’espèce, les délais de retard mentionnés par la requérante, à savoir 18 et 30 jours, ne sauraient d’aucune manière être considérés comme déraisonnables.

50      La République française soulève que les factures produites par la requérante au soutien de sa demande ont été établies à des dates antérieures à la conclusion du contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999 et que, dès lors, elles ne sont pas susceptibles d’être rattachées audit contrat.

51      Il y a lieu de relever, à l’instar de la République française, que les factures portant les références BRU 9132021 et BRU 9132022, produites par la requérante au soutien de sa prétention, ont été établies les 3 et 9 août 1999, c’est-à-dire à des dates antérieures à la soumission de l’offre par la requérante à l’organisme d’intervention, le 14 septembre 1999, et à la décision d’attribution du lot nº 8 décrit dans l’annexe II du règlement nº 1799/1999 par la Commission à la requérante, le 24 septembre 1999. Dès lors, lesdites factures ne sont pas susceptibles d’être rattachées au contrat relatif audit lot.

52      Par conséquent, la première demande doit, en tout état de cause, être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission sur la base de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

 Sur la troisième demande, tirée du paiement partiel d’une facture de transport

53      La requérante soutient que, même si elle a effectué l’ensemble des prestations de transport contractuelles et a justifié ce fait en fournissant à l’organisme d’intervention les documents pertinents, celui-ci, sans donner aucune justification, n’a pas réglé la totalité de la facture portant la référence BRU 9131606. Ainsi, elle demande que la Commission soit condamnée au paiement d’un montant de 17 400 euros correspondant au solde restant dû concernant cette facture.

54      La Commission soutient que cette demande n’est pas conforme à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, dès lors que la requérante se borne à affirmer que le montant de 17 400 euros n’a pas été payé sans donner d’explications quant à la question de savoir à quoi correspond ledit montant, quant à l’information transmise à l’organisme d’intervention à l’appui de cette demande de paiement et quant à la question de savoir pourquoi ce montant était dû. En tout état de cause, elle fait valoir que l’opération de chargement incombe à l’adjudicataire, comme il a été établi dans l’arrêt Calberson GE/Commission, point 21 supra (EU:T:2004:38, points 147 à 149), et que l’offre de la requérante indiquait, effectivement, les frais relatifs aux opérations de manutention et de chargement. Dès lors, elle estime qu’elle ne saurait être responsable des retards que la requérante aurait prétendument subis lors du chargement de la marchandise.

55      La République française relève que la facture produite par la requérante au soutien de sa prétention a été établie à une date antérieure à la conclusion du contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999.

56      Il y a lieu de constater, à l’instar de la République française, que la facture du 6 juillet 1999, produite par la requérante au soutien de sa demande, a été établie à une date antérieure à celle de la conclusion du contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999, à savoir le 24 septembre 1999. Dès lors, ladite facture n’est pas susceptible d’être rattachée audit contrat.

57      Par conséquent, la troisième demande doit, en tout état de cause, être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission sur la base de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

 Sur la quatrième demande, tirée du paiement insuffisant en devises non contractuelles

58      La requérante fait valoir dans la requête que, en droit français, une dette libellée en monnaie étrangère peut être réglée moyennant un versement en monnaie nationale à condition que la conversion se fasse au jour de paiement. En l’espèce, « un des lots » attribués à la requérante, qui serait payable en dollars des États-Unis, aurait été payé en francs français. Ainsi, elle soutient que « quatre » factures en cause, d’un montant total de 402 281 USD, auraient été payées « moyennant le versement de la somme en francs équivalent à 390 334,62 euros » alors que, si le taux de change appliqué avait été celui en vigueur le jour du versement (« 1,0463/0,9557 »), le versement aurait dû être égal à 420 915,03 euros. Dès lors, elle demande à ce que la Commission soit condamnée à lui verser la différence, soit 30 580,41 euros.

59      La Commission fait valoir que la demande, en raison de certaines contradictions et du manque de clarté, ne répond pas aux exigences posées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991. En tout état de cause, la cour administrative d’appel de Paris aurait déjà constaté dans son arrêt du 6 avril 2000 que les factures de la requérante étaient libellées à la fois en dollars des États-Unis et en francs français.

60      La République française fait observer que la requérante n’a pas identifié la stipulation contractuelle à l’origine de la prétendue obligation de paiement en dollars des États-Unis qu’elle invoque. Au contraire, l’article 5, sous d), du règlement n° 111/1999 imposerait, pour qu’une offre soit recevable, que les différents montants soient exprimés en euros. L’offre de la requérante pour la fourniture du lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999 aurait été effectivement exprimée en euros et non en dollars des États-Unis. En tout état de cause, en application du principe de droit français invoqué par la requérante, il faudrait retenir une différence de 6 705,45 euros.

61      Il convient de rappeler que, selon l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et dudit règlement de procédure (voir, par analogie, arrêts du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T102/92, Rec, EU:T:1995:3, point 68, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, Rec, EU:T:1997:187, point 79). De même, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, celles-ci ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir, par analogie, arrêt du 2 février 2012, Grèce/Commission, T‑469/09, EU:T:2012:50, point 46 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, s’agissant de la dette alléguée dans le cadre de la présente demande, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que la requérante fait valoir dans la requête que l’« un des lots » qui lui avait été attribué avait été stipulé en dollars des États-Unis, sans spécifier lequel. La requérante mentionne ensuite « quatre factures » d’un montant total de 402 281 USD qui relèveraient de ce lot, sans toutefois les produire en annexe ni fournir aucune autre information concernant ces factures.

63      Il ne ressort toutefois pas clairement de la requête si la requérante conteste le fait que les factures en cause ont été payées en francs français au lieu de dollars des États-Unis ou si elle se limite, au contraire, à critiquer le taux de conversion qui a été appliqué. En effet, la requérante observe qu’« il est de principe, en droit français, qu’une dette libellée en monnaie étrangère puisse être réglée moyennant un versement en monnaie nationale à condition que la conversion se fasse le jour du paiement », ce qui laisse entendre qu’elle se limite à contester le taux de change entre francs français et dollars des États-Unis. De surcroît, au lieu d’indiquer quel aurait été ce taux de change, elle se réfère au taux de change entre dollars des États-Unis et euros, sans apporter aucune précision dans la requête sur le jour précis qu’elle utilise comme référence.

64      Dans ces conditions, la présente demande n’est pas conforme à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 et doit être rejetée comme irrecevable.

65      En toute hypothèse, il convient de relever que, parmi les quatre factures qui ont été annexées à la réplique, seule la facture portant la référence BRU 0135699 mentionne la fourniture du lot nº 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999 et, par conséquent, est susceptible d’être rattachée au contrat relatif audit lot.

66      Or, force est de constater, d’une part, que cette facture a été libellée tant en dollars des États-Unis (108 173,76 USD) qu’en francs français (717 289,39 FRF) et que la requérante n’apporte pas la preuve que cette facture aurait dû être payée en dollars des États-Unis. À cet égard, il y a lieu d’observer que, si l’article 5 du règlement nº 111/1999 exige que, pour que l’offre soit recevable, elle soit exprimée en euros, ledit règlement est muet quant aux modalités de paiement des factures. En effet, les dispositions du règlement nº 111/1999 ne prévoient pas que le paiement des fournitures soit effectué dans une devise particulière. Par ailleurs, il convient de rappeler que la devise en vigueur au moment de la conclusion du contrat, le 24 septembre 1999, était le franc français.

67      D’autre part, il convient de constater que la requérante n’allègue pas que l’organisme d’intervention aurait payé en francs français un montant différent du montant de 717 289,39 FRF indiqué dans la facture.

68      Sur cette base, la quatrième demande, pour autant qu’elle puisse être comprise par le Tribunal, doit, en tout état de cause, être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième demande, tirée du défaut de paiement des intérêts de retard

69      La requérante soulève que, même si elle a effectué l’ensemble des prestations de transport prévues par le contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999 et a fourni à l’organisme d’intervention les documents justificatifs, ce dernier a tardé à régler les factures litigieuses sans aucune justification. Elle demande, par conséquent, que la Commission soit condamnée à lui verser des intérêts de retard ainsi que des intérêts moratoires sur lesdits intérêts. Elle fait valoir également que le règlement nº 111/1999 ne contient aucune disposition quant aux délais de paiement des prestations de transport et aux taux des intérêts de retard applicables. Par conséquent, elle considère qu’il y a lieu de se référer aux principes du droit administratif français régissant ces questions. Conformément à ces principes, elle observe que le paiement aurait dû être effectué sur présentation de la facture au moment de l’enlèvement ou de la livraison de la marchandise ou à la réception de la facture lorsqu’il n’a pas été encaissé au moment de l’enlèvement ou de la livraison et que le retard de paiement fait courir des intérêts de retard de plein droit et sans autre formalité.

70      La Commission, soutenue par la République française, estime, en substance, que la présente demande doit être rejetée pour toutes les factures, soit parce qu’elles n’auraient pas dû être payées, soit parce que l’organisme d’intervention les aurait réglées avant qu’une mise en demeure de la requérante ne lui soit adressée, soit parce qu’elles ne seraient pas rattachées à l’objet du litige, soit parce que les justificatifs nécessaires pour le paiement des factures n’auraient pas été produits. Par ailleurs, en l’absence de délai fixé pour le paiement définitif dans les règlements n° 111/1999 et n° 1799/1999, il ne saurait être considéré que ces factures devaient être payées au comptant. En effet, il serait nécessaire d’accorder un délai raisonnable à l’organisme payeur pour vérifier les demandes qui lui sont adressées. La République française ajoute que le code civil français prévoit également que les intérêts de retard ne sauraient courir de plein droit, mais uniquement après mise en demeure du débiteur de l’obligation de paiement.

71      En premier lieu, à l’instar de la Commission et de la République française, il convient d’écarter la demande de paiement d’intérêts moratoires pour les factures dont la date de facturation est antérieure à celle de la conclusion du contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999, c’est-à-dire au 24 septembre 1999, ces factures ne pouvant pas être rattachées à l’objet du litige, tel que défini dans la requête. Par conséquent, il convient de rejeter la présente demande concernant les factures portant les références BRU 9131230, BRU 9131356, BRU 9131823, BRU 9131824, BRU 9132738, BRU 9132739, BRU 9132764, BRU 9132021, BRU 9132022, BRU 9131606, BRU 9132744 et BRU 9132743.

72      En deuxième lieu, la requérante ne conteste pas que les factures portant les références BRU 9132954, BRU 9133012, BRU 9133148, BRU 9133149, BRU 9133152, BRU 9133153, BRU 9133286, BRU 9134237, BRU 9133287, BRU 9133917, BRU 0135094, BRU 0135699 et BRU 0136077 ont été payées avant les mises en demeure qu’elle a adressées à l’organisme d’intervention le 3 avril 2000. Elle fait toutefois valoir que, sur la base du droit administratif français, une telle mise en demeure ne serait pas nécessaire pour que les intérêts de retard commencent à courir.

73      À cet égard, comme il a été rappelé au point 28 ci-dessus, le droit français ne trouve à s’appliquer au contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999 que lorsque les règlements n° 111/1999 et n° 1799/1999 tels qu’ils ont été interprétés par la jurisprudence ne fournissent aucun indice quant à l’application concrète des modalités contractuelles.

74      Or, en l’espèce, comme le souligne la Commission, le Tribunal a déjà établi, dans le cadre de l’exécution d’un marché de fourniture de transport attribué également par la Commission à la requérante sur la base du règlement n° 111/1999, qu’il ne saurait être conclu à un retard de paiement qu’à partir du moment de la mise en demeure du débiteur et que le contrat de fourniture ne prévoit pas qu’une mise en demeure intervient de plein droit par la seule échéance du terme (voir, en ce sens, arrêt Calberson GE/Commission, point 21 supra, EU:T:2004:38, point 144 et jurisprudence citée). Ainsi, le Tribunal n’a pas renvoyé à une disposition du droit national, mais s’est référé à une jurisprudence précédente, qui interprétait également le règlement n° 111/1999 (arrêt Hans Fusch/Commission, point 21 supra, EU:T:2002:246, point 78). En effet, étant donné la nature particulière du contrat relatif au lot n° 8 décrit à l’annexe II du règlement nº 1799/1999, les droits et les obligations respectifs des parties étant définis par les dispositions des règlements n° 111/1999 et n° 1799/1999, il convient de garantir, autant que possible, une interprétation uniforme des contrats qui découlent de cette réglementation. Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le droit français, qui n’est applicable au contrat qu’en cas de silence, ne saurait régir la question relative aux intérêts moratoires.

75      Il en résulte que, la requérante n’ayant pas mis l’organisme d’intervention en demeure de payer avant le 3 avril 2000, date de la première mise en demeure de la requérante, il y a lieu de rejeter sa demande relative au paiement des intérêts de retard des factures dont le paiement a été effectué antérieurement à cette date, c’est-à-dire les factures portant les références BRU 9132954, BRU 9133012, BRU 9133148, BRU 9133149, BRU 9133152, BRU 9133153, BRU 9133286, BRU 9134237, BRU 9133287, BRU 9133917, BRU 0135094, BRU 0135699 et BRU 0136077.

76      En troisième lieu, s’agissant de la facture portant la référence BRU 0137658, datée du 18 mai 2000, il ne ressort pas du dossier qu’elle ait fait l’objet d’une mise en demeure. En effet, il y a lieu de révéler que la mise en demeure du 29 mai 2000, qui figure dans le dossier, ne fait pas référence à ladite facture mais à une autre facture, datée du 2 février 2000. Par conséquent, compte tenu de l’absence de mise en demeure, il convient également d’écarter la demande de la requérante concernant la facture portant la référence BRU 0137658.

77      En quatrième lieu, s’agissant de la facture portant la référence BRU 0135473, il y a lieu de rappeler que l’article 10, paragraphe 2, du règlement nº 111/1999 dispose qu’une demande de paiement doit être accompagnée de différentes pièces justificatives (copie des documents de transport, certificat de prise en charge, copie du certificat d’exportation, etc.), en l’absence desquelles aucun paiement ne saurait être effectué. Par conséquent, le simple établissement d’une facture ne donne pas droit au paiement.

78      En l’espèce, il ressort de la requête que la facture portant la référence BRU 0135473, datée du 2 février 2000, a été payée en deux tranches, respectivement, le 23 mai et le 13 juin 2000. Comme souligné par la Commission, il ressort toutefois des annexes de la requête que le paiement n’a pas pu être effectué avant, au motif que l’organisme d’intervention n’avait pas reçu l’ensemble des documents requis. Ces derniers ont été demandés à la requérante par l’organisme d’intervention par courrier du 18 mai 2000. Il ressort de l’annexe 14 de la requête que, par lettre du 22 mai 2000, la requérante a transmis certains documents, mais qu’elle a omis de transmettre, au moins, l’un des documents demandés, à savoir le document de transport (CMR) correspondant au formulaire douanier portant la référence EX1 294905. En l’absence de preuve de la transmission par la requérante, avant le 13 juin 2000, de l’ensemble des documents nécessaires pour effectuer le paiement, il y a lieu de rejeter sa demande concernant ladite facture. En effet, en l’absence de dette exigible les intérêts de retard ne pourraient commencer à courir.

79      Enfin, s’agissant des factures portant les références BRU 0135095, BRU 0136486 et BRU 9133916, elles correspondent à des frais supplémentaires de stationnement en Russie. Or, il ressort des annexes de la requête que l’organisme d’intervention, concernant lesdites factures, avait indiqué qu’elles ne pouvaient être réglées jusqu’à l’approbation des services de la Commission et la requérante avait marqué son accord à cet égard. Dès lors, la requérante ne saurait faire valoir que ces factures auraient dû être réglées huit jours après leur envoi à l’organisme d’intervention. La requérante ne démontre pas non plus que le paiement de ces factures, intervenu le 13 juin 2000, a été effectué en retard par rapport à la date où les services de la Commission ont donné leur accord pour le règlement de ces factures. Par conséquent, il convient de rejeter la demande d’intérêts moratoires en tant qu’elle porte sur les mêmes factures, dès lors que la requérante n’établit pas la date à laquelle le paiement de ces factures était exigible.

80      Il s’ensuit que la deuxième demande doit être rejetée dans son ensemble.

81      À la lumière de ce qui précède, toutes les demandes de la requérante, pour autant qu’elles puissent être comprises par le Tribunal, doivent être rejetées comme étant non fondées.

82      Il y a lieu, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

84      En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. Il s’ensuit que la République française supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Calberson GE est condamnée aux dépens.

3)      La République française supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 février 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le français.

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