Thun 1794 v EUIPO - Adekor (Symboles graphiques decoratifs) (Judgment) French Text [2016] EUECJ T-420/15 (14 July 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T42015.html
Cite as: [2016] EUECJ T-420/15, ECLI:EU:T:2016:410, EU:T:2016:410

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 juillet 2016 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des symboles graphiques décoratifs – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Absence de nouveauté – Articles 5, 7 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »

Dans l’affaire T‑420/15,

Thun 1794 a.s., établie à Nová Role (République tchèque), représentée par Me F. Steidl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Adekor s.r.o., établie à Loket (République tchèque), représentée par Me V. Dohnalová, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 29 avril 2015 (affaire R 1465/2014‑3), relative à une procédure de nullité entre Thun 1794 et Adekor,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2015,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 décembre 2007, l’intervenante, Adekor s.r.o., a déposé une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré en tant que dessin ou modèle communautaire le 10 décembre 2007, sous le numéro 000840400‑0001, et son enregistrement a été publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 12/2008, du 18 janvier 2008, puis renouvelé le 4 octobre 2012.

4        Le 4 février 2013, la requérante, Thun 1794 a.s., a introduit auprès de l’EUIPO, en vertu de l’article 52 du règlement n° 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté en faisant valoir qu’il n’était pas nouveau et ne remplissait pas les conditions prévues aux articles 4 à 9 du règlement n° 6/2002.

5        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a présenté, à titre de preuve de l’existence et de la divulgation au public d’un dessin ou modèle antérieur identique, notamment, trois séries de documents et d’éléments de preuve, à savoir :

–        trois rapports d’expertise, dont un contient des images d’un service en porcelaine dénommé « Bernadotte » portant le décor BE 201/5309 et une référence à leur publication en 1971 dans le n° 26 du magazine Glasrevue, parmi lesquelles les images suivantes :

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–        un échantillon d’assiette en porcelaine et des images dudit échantillon, dont les images suivantes :

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–        un catalogue non daté contenant notamment des images de services en porcelaine dénommés « Bernadotte » portant les décors E 5309011, E 5220000 et E 1578055, dont les images suivantes :

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6        Par décision du 11 avril 2014, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande en nullité et a déclaré nul le dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 5 du règlement n° 6/2002, en raison de son absence de nouveauté.

7        Le 11 juin 2014, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation. La requérante n’a pas soumis d’observations sur ledit recours.

8        Par décision du 29 avril 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’annulation.

9        À l’appui de cette décision, la chambre de recours a considéré, en substance, que, dans son ensemble, la requérante n’avait pas produit suffisamment de preuves susceptibles de démontrer la divulgation du dessin ou modèle antérieur ainsi que l’absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 (points 27 et 28 de la décision attaquée). Certes, les images de la porcelaine « Bernadotte » figurant dans le catalogue sous les numéros E 5220000 et E 1578055 présenteraient des contours et des reliefs ressemblant très fortement ou étant presque identiques au dessin ou modèle contesté, mais ce catalogue ne serait pas daté. Il en serait de même, notamment, des dessins techniques représentant des détails d’assiettes, de théières et de leurs poignées. S’agissant de l’échantillon d’assiette portant le logo de l’usine Concordia et doté du relief de la porcelaine « Bernadotte », la chambre de recours a relevé que, en dépit du fait que ledit relief ou dessin ou modèle d’assiette ressemblerait fortement ou serait presque identique au dessin ou modèle contesté, il n’apparaissait pas dans le catalogue de ladite porcelaine et il n’existait aucun indice quant à sa divulgation ni quant à la date d’une telle divulgation, même à supposer que l’indication « Czechoslovakia » indique l’origine de cette assiette, voire permette de situer sa date de production à une époque antérieure à 1993. Enfin, dans la mesure où le service en porcelaine « Bernadotte » avec le décor E 5309011 a été publié en tant que service BE 201/5301 à la page 151 du n° 26 du magazine Glasrevue en 1971, c’est-à-dire avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a souligné que seules quelques fleurs sur la théière et sur les autres pièces de vaisselle étaient clairement visibles sur les produits en cause et que celles-ci différaient nettement du dessin ou modèle contesté (points 23 à 26 de la décision attaquée). Enfin, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis étaient également insuffisants pour conclure à la divulgation du dessin et modèle antérieur et, partant, à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 (points 29 à 32 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la requête, ainsi que ses annexes, est recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        « statuer sur le droit de la partie intervenante à une indemnité de procédure dans le cadre de la liquidation des dépens ».

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens, à savoir une violation des formes substantielles, une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 et un « abus de pouvoir ».

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des formes substantielles

14      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante relève que, lors de la procédure devant la chambre de recours, elle n’a pas reçu signification de la motivation du recours de l’intervenante dans un délai qui lui aurait permis de présenter des observations sur l’ensemble des affirmations qui y étaient avancées, ce qui serait constitutif d’une violation des formes substantielles. Elle n’aurait reçu qu’« une communication relative au recours le 13 juin 2014 », alors que la décision attaquée lui serait parvenue par télécopie du 21 mai 2015. Entre-temps, la requérante n’aurait reçu aucun courrier de la part de l’EUIPO ni la motivation dudit recours, de sorte qu’elle n’aurait pas été en mesure de réfuter toutes les affirmations trompeuses, fausses et non prouvées de l’intervenante.

15      Selon la requérante, tous les courriers antérieurs relatifs à la procédure devant l’EUIPO lui sont parvenus tout d’abord par télécopie puis sous format papier. Or, aucun de ces courriers n’aurait visé des informations relatives au recours, que la requérante n’aurait reçu que par télécopie. Étant donné qu’une telle communication se ferait uniquement à des fins d’information et ne serait pas liée à un droit ou à une obligation procédurale, la requérante n’aurait pas « jugé essentiel d’examiner plus en avant cette circonstance ». Toutefois, la motivation du recours de l’intervenante du 10 août 2014, conjointement avec une invitation à présenter des observations, ne lui serait pas parvenue avant l’adoption de la décision attaquée, « que ce soit par télécopie ou par la poste ». Elle n’aurait obtenu ces deux documents que le 1er juillet 2015, à la suite de son invitation formelle du 18 juin 2015.

16      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut au rejet du présent moyen, notamment au motif qu’il aurait envoyé, le 9 septembre 2014, le recours de l’intervenante au numéro de télécopie du représentant légal de la requérante, à l’instar de toutes les notifications précédentes et ultérieures de l’EUIPO que la requérante déclare avoir reçues.

17      Il convient de rappeler que la jurisprudence distingue entre, d’une part, la communication d’un acte à son destinataire, requise aux fins d’une notification régulière, et, d’autre part, la connaissance effective de cet acte. L’existence d’une notification valable au destinataire n’est donc pas subordonnée à la prise de connaissance effective du contenu dudit acte, celui-ci étant notifié dans des conditions régulières lorsqu’il est communiqué à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance. Autrement dit, seul est ainsi pris en compte, aux fins d’apprécier la régularité de la notification, son aspect externe, c’est-à-dire la transmission régulière à son destinataire, et non son aspect interne, qui a trait au fonctionnement interne de l’entité destinataire. S’agissant plus spécifiquement d’une notification par télécopie de l’EUIPO, il a été jugé que la production de rapports de transmission d’une télécopie comportant des éléments leur conférant un caractère probant suffisait à établir la réception de ladite télécopie par son destinataire. En effet, les télécopieurs sont conçus de telle sorte que tout problème de transmission, mais également de réception, est signalé par un message d’erreur, indiquant à l’expéditeur le motif précis de non-réception, tel qu’il lui est communiqué par le télécopieur du destinataire, et que, en l’absence de communication d’un tel problème, un message de transmission effective est généré. Ainsi, en l’absence de message d’erreur et en présence d’un rapport de transmission comportant la mention « OK », il peut être considéré que la télécopie envoyée a été reçue par son destinataire [voir, en ce sens, ordonnance du 22 janvier 2015, GEA Group/OHMI (engineering for a better world), T‑488/13, EU:T:2015:64, points 19 à 21 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, au regard de ces principes jurisprudentiels, il suffit de constater que l’EUIPO a produit un ensemble d’éléments démontrant qu’il avait communiqué, par télécopie du 9 septembre 2014, les motifs du recours de l’intervenante au représentant légal de la requérante en l’invitant à soumettre ses observations dans un délai de deux mois. En effet, la requérante ne conteste pas, de manière circonstanciée, avoir reçu cette télécopie, ni d’ailleurs l’existence d’un rapport de transmission de ladite télécopie comportant la mention « OK », mais se limite essentiellement à se plaindre de l’absence d’envoi consécutif, conformément à la pratique habituelle de l’EUIPO, dudit recours sous forme papier par courrier ordinaire. Or, il résulte des considérations exposées au point 17 ci-dessus que, dans de telles circonstances, en l’absence de message d’erreur, une télécopie envoyée de manière régulière est censée avoir été reçue par son destinataire.

19      Par conséquent, l’EUIPO a établi à suffisance de droit que la notification du recours de l’intervenante à la requérante a été effectuée en bonne et due forme ainsi qu’en temps utile pour lui permettre de présenter ses observations.

20      Dès lors, la requérante n’a pas établi que l’EUIPO a violé des formes substantielles et le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002

21      Par le deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, en ce qu’elle aurait méconnu que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau au sens de l’article 5 du même règlement. Ainsi que la division d’annulation l’aurait reconnu à juste titre, la requérante aurait produit suffisamment de preuves pertinentes pour démontrer qu’il existait un dessin ou modèle antérieur identique désignant des produits en porcelaine fabriqués et commercialisés sous la dénomination « Bernadotte » sur, notamment, le territoire de l’ancienne République socialiste tchécoslovaque. La requérante conteste l’affirmation selon laquelle le catalogue des produits « Bernadotte » ne serait pas daté. La chambre de recours n’aurait ni apprécié ni même pris en considération la circonstance que ce catalogue avait été établi pour la société Karlovarský porcelán a.s. qui avait cessé ses activités en 2008, de sorte que ledit catalogue doit avoir été imprimé au plus tard en 2007. En outre, le catalogue n’aurait pas été daté du fait qu’il était censé porter sur plusieurs saisons, les produits « Bernadotte » étant de la porcelaine classique, non soumise aux tendances de la mode. S’agissant de l’assiette portant le logo de l’usine Concordia et la mention de l’année de sa fabrication (1993), la requérante allègue que la chambre de recours a omis de prendre en considération la preuve indiquant que le décor non pertinent figurant sur ladite assiette – des ornements en couleur, et non un relief – ne correspondait à aucun des décors ornant les assiettes du catalogue de porcelaine « Bernadotte ». Selon la requérante, la chambre de recours a également manqué d’apprécier d’autres preuves soumises par elle, dont un rapport d’expertise intitulé « Service Bernadotte dans les documents en images de l’époque », accompagné d’images issues du n° 26 du magazine Glasrevue, de 1971, ainsi qu’un rapport d’expertise exposant l’histoire de la porcelaine « Bernadotte » avec son relief typique. Or, ces éléments de preuve auraient été considérés « comme étant suffisants et donc [...] de bonne qualité, pour ce qui est de la documentation en images, et [ils auraie]nt servi de base à la décision de la division d’annulation ayant annulé le dessin ou modèle contesté ».

22      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conclut au rejet du présent moyen comme non fondé.

23      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire est conditionnée par la nouveauté et par le caractère individuel dudit dessin ou modèle.

24      Selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée.

25      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, aux fins de l’application notamment dudit article 5, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public s’il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

26      Le règlement (CE) n° 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 341, p. 28), ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), de ce règlement se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de nouveauté du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, elle doit comporter l’indication et la reproduction du dessin ou modèle du demandeur en nullité susceptible de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée ainsi que des documents prouvant la précédente divulgation du dessin ou modèle antérieur. Par ailleurs, ni le règlement n° 6/2002 ni le règlement n° 2245/2002 ne spécifient une forme obligatoire pour les éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée. Ainsi, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement n° 2245/2002 se limite à exiger que la demande en nullité contienne « les documents prouvant l’existence [du dessin ou modèle antérieur] » ainsi que « les faits, preuves et observations présentés à [son] appui ». De même, l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 ne prévoit qu’une liste non exhaustive de mesures d’instruction possibles dans les procédures devant l’EUIPO. Il s’ensuit que, d’une part, le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et, d’autre part, l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 21 à 23, et du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 24].

27      Ainsi, lors de l’examen de l’absence de caractère nouveau d’un dessin ou modèle, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Par ailleurs, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché. En outre, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments pourraient être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation. Enfin, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Flacon, T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 24 à 26 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la chambre de recours a fondé le rejet de la demande de la requérante notamment sur le fait que celle-ci n’avait pas apporté la preuve de la divulgation au public du dessin ou modèle antérieur avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 (points 27 et 28 de la décision attaquée). En outre, il n’est pas disputé entre les parties que le dessin ou modèle antérieur dont se prévaut la requérante ressemble fortement, sinon est identique, au dessin ou modèle contesté.

29      Il suffit donc de vérifier si les preuves invoquées par la requérante tant devant l’EUIPO qu’en cours d’instance, prises dans leur ensemble, sont susceptibles d’établir, à suffisance de droit, conformément aux principes énoncés aux points 26 et 27 ci-dessus, que ledit dessin ou modèle antérieur a été effectivement divulgué au public au sens des dispositions précitées.

30      Or, force est de constater que la chambre de recours a refusé à bon droit de reconnaître la valeur probante suffisante, aux fins de la preuve d’une telle divulgation, d’une part, des images de la porcelaine « Bernadotte », y compris celles issues du n° 26 du magazine Glasrevue, de 1971, reproduites dans un catalogue présentant ladite porcelaine, et, d’autre part, de l’échantillon d’assiette dotée du relief correspondant à celui du dessin ou modèle contesté, au motif que ni ledit catalogue ni ledit échantillon n’étaient datés et qu’il n’existait aucun indice quant à la date de leur éventuelle divulgation au public, même à supposer que l’indication « Czechoslovakia » fût susceptible d’indiquer l’origine de cette assiette, voire de situer sa date de production à une époque antérieure à 1993 (points 23 à 25 de la décision attaquée), ce que l’intervenante conteste.

31      À cet égard, l’EUIPO avance à juste titre que la chambre de recours a effectivement tenu compte de ce que ledit catalogue avait été produit pour la société Karlovarský porcelán (point 26 de la décision attaquée), qui, selon les propres dires de la requérante, avait mis fin à ses activités en 2008 et déposé, le 22 septembre 2008, devant la juridiction tchèque compétente une déclaration de faillite. Ainsi, il ne saurait être exclu que ce catalogue ait pu être imprimé et publié durant la période allant du 10 décembre 2007, date du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté, au 22 septembre 2008. Dès lors, la chambre de recours était fondée à ne pas reconnaître ce catalogue comme preuve suffisante de la divulgation au public, avant le 10 décembre 2007, du prétendu dessin ou modèle antérieur, quand bien même celui-ci est clairement visible sur les assiettes dotées des numéros E 5220000 et E 1578055 qui y sont exposées.

32      À l’instar de ce qu’a considéré la chambre de recours, la conclusion visée au point 30 ci-dessus n’est pas non plus remise en cause par la publication des images reproduites, dans ledit catalogue, parmi celles issues du n° 26 du magazine Glasrevue, de 1971, étant donné que, sur les produits de porcelaine qui y sont exposés, le relief du prétendu dessin ou modèle antérieur ne figure pas ou du moins n’est pas visible (point 25 de la décision attaquée). En outre, comme le relève à juste titre l’EUIPO, il ne peut être présumé qu’un tel éventuel relief figure sur chacun des produits de porcelaine « Bernadotte » présentés sur ces images ou, même à supposer que tel soit le cas, soit identique à celui présent sur l’échantillon d’assiette, voire à celui du dessin ou modèle contesté. Cela est d’autant plus vrai qu’aucune image de l’échantillon d’assiette ne figure soit parmi les images issues du n° 26 du magazine Glasrevue, de 1971, soit dans le catalogue non daté exposant des assiettes portant, notamment, les décors E 5309011, E 5220000 et E 1578055. Ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours, la requérante n’a donc pas démontré que le décor BE 201/5309 correspondait, du moins pour partie, à l’un de ces autres décors et moins encore à celui de l’échantillon d’assiette ou à celui du dessin ou modèle contesté (point 26 de la décision attaquée). Il convient d’ajouter que ni la date de production ni celle de divulgation de l’assiette en cause ne sont établies avec certitude par la requérante. En effet, la seule présence de l’indication « Czechoslovakia » dans le logo apposé au verso de ladite assiette ne permet pas de déduire qu’elle avait été produite et divulguée avant 1993, c’est-à-dire avant la dislocation de l’ancienne République socialiste tchécoslovaque (point 25 de la décision attaquée).

33      Dans la mesure où la requérante invoque, de manière vague, un rapport d’expertise exposant l’histoire de la porcelaine « Bernadotte » avec son relief typique, il suffit de relever que la chambre de recours était fondée à considérer, en substance, que ledit rapport d’expertise – qui ne contient aucune information précise et fiable à cet égard – n’était pas non plus susceptible de démontrer que les images du service en porcelaine « Bernadotte » avec, notamment, le décor E 5309011 correspondaient à celles du service portant le décor BE 201/5309 et avaient été divulguées avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté (point 26 de la décision attaquée).

34      Il ressort donc d’une appréciation de l’ensemble des preuves pertinentes, y compris des rapports entre elles, que la requérante est restée en défaut d’établir, éléments concrets et objectifs à l’appui, la divulgation effective du prétendu dessin ou modèle antérieur à une date antérieure à celle du dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.

35      Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un « abus de pouvoir »

36      Par le présent moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis un « abus de pouvoir » en ce que « l’ensemble de la décision [attaquée], et notamment certaines parties relatives à l’appréciation des preuves », reposerait sur « quelques affirmations non étayées, et de plus trompeuses ou avancées à des fins détournées, de l’intervenante ». De même, l’EUIPO n’aurait avancé aucun élément de preuve à l’appui de ses affirmations. Il serait toutefois inacceptable que la chambre de recours, dans le cadre de son examen du recours, se limite à répéter les affirmations de l’intervenante qui avaient « été logiquement formulées dans le but de remettre en cause les éléments de preuve avancés par la requérante quant au fait que le dessin ou modèle contesté ne rempli[ssai]t pas une des conditions visées à l’article 5 du règlement [n° 6/2002], à savoir qu’il ne s’agi[ssai]t pas d’un dessin ou d’un modèle nouveau ». À l’instar de la division d’annulation, la chambre de recours aurait été tenue d’examiner, de manière impartiale, l’ensemble des éléments de preuve avancés par la requérante, de « les apprécier, d’abord, de manière distincte et, ensuite, dans leurs rapports réciproques ». En revanche, la chambre de recours se serait limitée à apprécier certains éléments de preuve, majoritairement ceux contestés par l’intervenante, pour ensuite ne retenir que les affirmations de cette dernière. Enfin, elle aurait omis d’apprécier l’ensemble des éléments de preuve avancés par la requérante, dont le rapport d’expertise exposant l’histoire de la porcelaine « Bernadotte ».

37      L’EUIPO estime, à titre principal, que le présent moyen doit être déclaré irrecevable au motif qu’il ne satisfait pas aux exigences de clarté et de précision lui permettant de préparer sa défense et au Tribunal de procéder au contrôle de la légalité. À titre subsidiaire, l’EUIPO, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet dudit moyen comme non fondé et relève que, loin de se limiter à répéter les affirmations de cette dernière, la chambre de recours a procédé à une appréciation globale des éléments de preuve en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce.

38      Force est de constater que, dans le cadre du présent moyen, sous couvert d’un prétendu « abus de pouvoir », la requérante vise essentiellement à contester une nouvelle fois l’appréciation globale par la chambre de recours des éléments de preuve soumis aux fins de la démonstration de la divulgation effective au public du dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 29 à 34 ci-dessus, cette appréciation non seulement vise l’ensemble des preuves pertinentes versées au dossier de l’EUIPO, y compris le rapport d’expertise exposant l’histoire de la porcelaine « Bernadotte » avec son relief typique, mais est également dépourvue d’erreur, de sorte qu’elle doit être entérinée. En effet, comme l’avancent à bon droit l’EUIPO et l’intervenante, il n’existe aucun indice quant à une éventuelle omission ou partialité de la part de la chambre de recours dans sa prise en compte ou dans son examen des éléments de preuve du dossier.

39      Ces considérations suffisent pour rejeter le présent moyen comme manifestement non fondé, sans qu’il soit besoin d’apprécier s’il a été invoqué de manière recevable, ce que l’EUIPO conteste.

40      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

42      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

43      En tant que les conclusions de l’intervenante sont susceptibles d’être interprétées comme visant la condamnation de la requérante aux dépens exposés par l’intervenante devant l’EUIPO, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure que le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur les dépens exposés devant la division d’annulation, de sorte qu’une telle demande est irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2014, Atlas Transport/OHMI, T‑145/08 DEP, EU:T:2014:361, point 17 et jurisprudence citée). En revanche, dans la mesure où ces conclusions ont trait aux dépens exposés devant la chambre de recours, il suffit de constater que la décision attaquée doit être entérinée dans sa totalité et qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de se prononcer une nouvelle fois sur lesdits dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Thun 1794 a.s. est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le tchèque.

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