Casasnovas Bernad v Commission (Order) French Text [2016] EUECJ T-826/16_CO (16 December 2016)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/T82616_CO.html
Cite as: EU:T:2016:752, ECLI:EU:T:2016:752, [2016] EUECJ T-826/16_CO

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ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

16 décembre 2016 (*)

« Référé – Fonction publique – Agents contractuels – Résiliation d’un contrat à durée indéterminée – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑826/16 R,

Luis Javier Casasnovas Bernad, demeurant à Saint Domingue (République dominicaine), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision de la Commission du 27 septembre 2016 résiliant le contrat du requérant,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

remplaçant le président du Tribunal, conformément à l’article 157, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Luis Javier Casasnovas Bernad, est fonctionnaire à la Commission européenne.

2        Depuis le 28 mars 2009, le requérant bénéficie d’un congé de convenance personnelle au titre de l’article 40 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), afin de suivre sa compagne, également fonctionnaire, au Nicaragua. Ce congé a été renouvelé chaque année pour une année supplémentaire, conformément à l’article 40, paragraphe 2 du statut.

3        En juillet 2011, le requérant a présenté sa candidature et passé les épreuves de sélection pour le recrutement d’un agent contractuel au sein de la délégation de l’Union européenne en République dominicaine.

4        Le 17 février 2012, après avoir été autorisé par l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») à exercer une activité professionnelle rémunérée pendant son congé de convenance personnelle, le requérant a conclu un contrat d’agent contractuel au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») avec l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement de la Commission (ci-après l’ « AHCC »), pour une durée initiale de trois ans, et a été affecté à la délégation de l’Union en République dominicaine en tant qu’agent de coopération.

5        Le 25 février 2016, après un premier renouvellement pour une année supplémentaire, le contrat du requérant a été renouvelé pour une durée indéterminée, conformément à l’article 85 du RAA. À l’occasion de ce renouvellement, l’AHCC a inséré une clause de résiliation dans le contrat, selon laquelle celui-ci serait résilié si les conditions d’octroi du congé de convenance personnelle n’étaient plus réunies.

6        Par note du 24 août 2016, l’AHCC a informé le requérant de son intention de résilier le contrat de ce dernier, conformément à la clause de résiliation, compte tenu de la réaffectation de son ex-compagne à Bruxelles (Belgique), à partir du 1er septembre 2016. Afin de justifier sa décision, l’AHCC a invoqué, d’une part, l’article 3 de la décision de la Commission, du 2 mars 2011, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 79, paragraphe 2, du RAA, régissant les conditions d’emploi des agents contractuels engagés par la Commission en vertu des articles 3 bis et 3 ter dudit régime, et, d’autre part, l’article 17 de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 relative aux activités extérieures.

7        L’article 3 de la décision de la Commission du 2 mars 2011 prévoit ce qui suit :

« 1. Nul ne peut être engagé en tant qu’agent contractuel s’il n’a pas satisfait aux modalités de sélection telles que définies dans l’annexe II, ou agent contractuel auxiliaire s’il n’a pas satisfait aux modalités de sélection telles que définies dans l’annexe III.

[…]

3. Par dérogation au paragraphe 1, le directeur général de la direction générale chargée des ressources humaines peut autoriser l’engagement en tant qu’agent contractuel ou agent contractuel auxiliaire d’un fonctionnaire qui s’est vu accorder un congé de convenance personnelle conformément à l’article 40, paragraphe 2, point ii), du statut. »

8        L’article 17 de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 stipule ce qui suit :

« 1. Un fonctionnaire en congé de convenance personnelle ne peut se voir confier un mandat de quelque nature que ce soit donnant lieu à une rémunération autre qu’une indemnité journalière et/ou un remboursement de frais, à moins qu’une dérogation n’ait été accordée en vertu des paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

[…]

2. Le directeur général des ressources humaines peut octroyer des dérogations dans les cas relevant du paragraphe 1 du présent article, lorsqu’un fonctionnaire s’est vu accorder un congé de convenance personnelle conformément à l’article 40, paragraphe 2, 2e tiret, du statut (fonctionnaire suivant son conjoint, également fonctionnaire) […]. »

9        Le 12 septembre 2016, le requérant a communiqué ses observations sur la note du 24 août 2016 et manifesté son souhait de poursuivre l’exécution de son contrat d’agent contractuel.

10      Par décision du 27 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), l’AHCC a résilié le contrat du requérant au motif que, dans la mesure où son ancienne compagne avait été réaffectée à Bruxelles, la raison pour laquelle il s’était vu offrir ce contrat avait disparu. Afin de respecter le délai de préavis de quatre mois en application de l’article 47 du RAA, l’AHCC a invité le requérant à demander le renouvellement de son congé de convenance personnelle, lequel s’achevait en principe le 30 novembre 2016, jusqu’au 15 février 2017.

11      Le 29 septembre 2016, le requérant a demandé un nouveau congé de convenance personnelle, fondé sur un autre motif, à savoir le souhait de poursuivre ses études par un doctorat en République dominicaine. Il a par ailleurs demandé à être autorisé à exercer une activité extérieure en précisant qu’il désirait continuer à exercer ses fonctions au sein de la délégation de la Commission.

12      Par courriel du 27 octobre 2016, le requérant a été informé du fait que son actuel congé de convenance personnelle serait prolongé jusqu’au 15 février 2017 afin de lui permettre de se conformer à son délai de préavis.

13      Le 22 novembre 2016, l’AIPN a fait droit à la demande du requérant et lui a accordé un nouveau congé de convenance personnelle, jusqu’au 30 novembre 2017, afin de lui permettre de poursuivre ses études en République dominicaine.

14      Le 28 novembre 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 novembre 2016, le requérant a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE tendant, principalement, à l’annulation de la décision attaquée.

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au vice-président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée ;

–        réserver les dépens.

17      Dans une lettre d’accompagnement de sa demande en référé, le requérant demande en outre au vice-président du Tribunal de statuer sur cette demande avant même que la partie défenderesse ait présenté ses observations, conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure.

18      Dans ses observations sur la demande en référé, la Commission conclut à ce qu’il plaise au vice-président du Tribunal de rejeter la demande du requérant et de réserver les dépens.

 En droit

21      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 11 novembre 2013, CSF/Commission, T‑337/13 R, non publiée, EU:T:2013:599, point 23 et jurisprudence citée).

22      Eu égard aux éléments du dossier, le vice-président du Tribunal estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

23      Dans les circonstances de l’espèce, il convient d’examiner, d’abord, si la condition relative à l’urgence est satisfaite.

24      Sur ce point, le requérant fait valoir que le sursis à l’exécution de la décision attaquée est nécessaire afin de garantir la pleine efficacité d’un arrêt constatant l’illégalité de cette décision. Il estime que l’exécution de cette décision, par laquelle il sera mis fin à son contrat d’agent contractuel à la fin de la période de préavis, à savoir le 15 février 2017, risque de lui causer au moins deux préjudices irréparables distincts.

25      D’une part, compte tenu de la nature et de l’importance des fonctions qu’il exerce en qualité d’agent contractuel au sein de la délégation de l’Union en République dominicaine, il est évident, selon le requérant, qu’un autre agent sera recruté avant l’issue de la procédure au principal et qu’il sera dès lors impossible de le réintégrer dans ces mêmes fonctions en cas d’annulation de la décision attaquée compte tenu, notamment, de la nécessité de protéger la confiance légitime de l’agent nouvellement recruté. Il ajoute que, même si un nouvel avis de vacance était publié, cet autre agent pourra justifier, au moment de l’exécution de l’arrêt d’annulation, d’une expérience professionnelle récente et pertinente qui lui donnera dès lors un avantage concurrentiel.

26      D'autre part, le requérant souligne que, en exécution de la décision attaquée, il sera contraint de quitter le territoire de la République dominicaine pour revenir à Bruxelles, privant dès lors d’effet utile la décision du 22 novembre 2016 par laquelle l’AIPN a accepté de prolonger son congé de convenance personnelle afin de lui permettre de poursuivre des études à Saint-Domingue.

27      Dans ces circonstances, le requérant estime que la condition relative à l’urgence est satisfaite.

28      La Commission estime, en revanche, que le requérant n’a pas établi l’urgence.

29      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir personnellement un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice allégué ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du 17 décembre 2015, Lysoform Dr. Hans Rosemann e.a./ECHA, T‑543/15 R, non publiée, EU:T:2015:1008, point 29 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel son poste au sein de la délégation de l’Union en République dominicaine risque d’être pourvu avant qu’une décision ne soit adoptée par le Tribunal sur son recours au principal, il y a lieu de rappeler que, en raison de leur caractère exceptionnel, le sursis à l’exécution et les autres mesures provisoires ne peuvent être accordées que si les affirmations du requérant s’appuient sur des éléments de preuve concluants [ordonnance du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), EU:T:2010:164, point 39]. Or, le requérant reste en défaut de produire de tels éléments et rien n’indique que l’absence de sursis à l’exécution de la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice professionnel grave et irréparable.

31      En effet, tout d’abord, il ne ressort aucunement de l’argumentation du requérant qu’un avis de vacance relatif à son poste aurait été publié par la Commission.

32      Ensuite, quand bien même un tel avis serait publié et il serait pourvu au poste du requérant avant qu’une décision ne soit adoptée par le Tribunal sur son recours au principal, il n’est pas exclu que la Commission conclue avec le nouvel agent un contrat à durée déterminée, comme ce fut le cas avec le requérant pour la période de 2012 à 2016. En cas d’annulation de la décision attaquée, la Commission pourrait alors exécuter l’arrêt du Tribunal en décidant de ne pas renouveler le contrat de l’agent en question et en réaffectant le requérant à son poste. Par ailleurs, rien ne permet d’écarter la possibilité pour la Commission de recruter le requérant pour un poste équivalent au sein de la délégation de l’Union en République dominicaine, dans la mesure où il n’est pas exclu qu’il existe un autre emploi correspondant aux compétences qui sont les siennes au sein de cette délégation.

33      Enfin, en tout état de cause, quand bien même il apparaîtrait probable que le requérant perde de manière irréversible toute chance d’être recruté à nouveau sur le poste qu’il occupe ou sur un poste équivalent au sein de la délégation de l’Union en République dominicaine, le préjudice professionnel qui en résulterait pourrait donner lieu à une réparation pécuniaire adéquate (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2011, , F‑61/11 R, EU:F:2011:183, point 49).

34      En second lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel, en exécution de la décision attaquée, il serait contraint de quitter la République dominicaine, il y a lieu de rappeler que, par décision du 22 novembre 2016, l’AIPN lui a accordé un nouveau congé de convenance personnelle afin de lui permettre de poursuivre ses études dans ce pays. Contrairement à ce qu’affirme le requérant, l’exécution de la décision attaquée ne saurait dès lors le contraindre à quitter le territoire de la République dominicaine, dans la mesure où la poursuite d’un doctorat au sein d’une université dominicaine au cours de son nouveau congé de convenance personnelle lui permettra de continuer à séjourner sur ce territoire. Le requérant n’a en effet apporté aucun élément susceptible d’établir que son séjour en République dominicaine ne peut être justifié que par l’existence d’un contrat tel que celui qui a été résilié par la décision attaquée.

35      Par ailleurs, si l’argumentation du requérant devait être interprétée en ce sens que la résiliation de son contrat le priverait d’une ressource financière qui lui est nécessaire pour poursuivre ses études en République dominicaine et que l’exécution de la décision attaquée le forcerait dès lors à renoncer à son projet et à rentrer à Bruxelles afin de réintégrer un poste en tant que fonctionnaire au sein de la Commission, cette argumentation devrait également être rejetée.

36      En effet, il ressort d'une jurisprudence constante qu'un préjudice d'ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d'un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

37      Or, en l’espèce, l’obligation pour le requérant de quitter le territoire dominicain ne s’expliquerait que par l’impossibilité pour ce dernier de subvenir à ses besoins en l’absence des ressources dont il bénéficie en vertu de son contrat d’agent contractuel et résulterait donc de circonstances purement matérielles. De plus, le requérant ne prétend pas se trouver dans une situation exceptionnelle où une compensation pécuniaire ne serait pas susceptible de le rétablir dans la situation antérieure à la survenance du préjudice.

38      Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, le préjudice invoqué par le requérant ne saurait être considéré comme irréparable.

39      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la condition d’urgence n’est pas remplie. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 20 ci-dessus, il s’agit de l’une des conditions cumulatives qui doivent être remplies pour permettre au vice-président du Tribunal d’ordonner l’adoption de mesures provisoires.

40      Ainsi, la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il y ait lieu d’examiner la condition relative au fumus boni juris ni de procéder à la mise en balance des intérêts en présence.

Par ces motifs,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.



2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2016.

Le greffier

 

Le vice-président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.

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