Commission v Breyer (Judgment) French Text [2017] EUECJ C-213/15 (18 July 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/C21315.html
Cite as: ECLI:EU:C:2017:563, [2017] EUECJ C-213/15, EU:C:2017:563

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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 juillet 2017 (*)

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Article 15, paragraphe 3, TFUE – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Champ d’application – Demande d’accès aux mémoires déposés par la République d’Autriche dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juillet 2010, Commission/Autriche (C‑189/09, non publié, EU:C:2010:455) – Documents en la possession de la Commission européenne – Protection des procédures juridictionnelles »

Dans l’affaire C‑213/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 mai 2015,

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume d’Espagne, représenté par Mmes M. J. García-Valdecasas Dorrego et S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Colas, R. Coesme et F. Fize, en qualité d’agents,

parties intervenantes au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Patrick Breyer, demeurant à Wald-Michelbach (Allemagne), représenté par M. M. Starostik, Rechtsanwalt,

partie demanderesse en première instance,

République de Finlande, représentée par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk et C. Meyer-Seitz ainsi que par MM. E. Karlsson et L. Swedenborg, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. L. Bay Larsen, T. von Danwitz, E. Juhász, Mmes M. Berger, A. Prechal et M. M. Vilaras, présidents de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), A. Borg Barthet, D. Šváby et E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. T. Millett, greffier-adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 septembre 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 décembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 27 février 2015, Breyer/Commission (T‑188/12, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:124), par lequel celui‑ci a annulé la décision de la Commission, du 3 avril 2012, refusant d’accorder à M. Patrick Breyer l’accès complet aux documents relatifs à la transposition par la République d’Autriche de la directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE (JO 2006, L 105, p. 54), et aux documents relatifs à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juillet 2010, Commission/Autriche (C‑189/09, non publié, EU:C:2010:455), en tant que ladite décision porte refus d’accès aux mémoires déposés par la République d’Autriche dans le cadre de cette affaire.

 Le cadre juridique

2        La cinquième partie du traité CE, qui portait sur « Les institutions de la Communauté », comportait un titre I, intitulé « Dispositions institutionnelles ». Sous le chapitre 2 de ce titre, intitulé « Dispositions communes à plusieurs institutions », l’article 255, paragraphe 2, CE prévoyait :

« Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice du droit d’accès aux documents [du Parlement européen, du Conseil et de la Commission] sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [CE, dite de “codécision”], dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam. »

3        La première partie du traité FUE, qui porte sur « Les principes », comporte un titre II, intitulé « Dispositions d’application générale », comprenant les articles 7 à 17 TFUE. L’article 15, paragraphe 3, premier à quatrième alinéas, TFUE énonce :

« Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément au présent paragraphe.

Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire.

Chaque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux et élabore dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l’accès à ses documents, en conformité avec les règlements visés au deuxième alinéa.

La Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement ne sont soumises au présent paragraphe que lorsqu’elles exercent des fonctions administratives. »

4        Le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) a été adopté sur le fondement de l’article 255, paragraphe 2, CE.

5        Aux termes de l’article 1er, sous a), de ce règlement :

« Le présent règlement vise à :

a)      définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci‑après dénommés “institutions”) prévu à l’article 255 [CE] de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ».

6        L’article 2 dudit règlement, intitulé « Bénéficiaires et champ d’application », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par [le Parlement européen, le Conseil ou la Commission], c’est-à-dire établis ou reçus par [ces institutions] et en [leur] possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. »

7        L’article 3 du même règlement, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      “document” : tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution ;

b)      “tiers” : toute personne physique ou morale ou entité extérieure à l’institution concernée, y inclus les États membres, les autres institutions et organes communautaires ou non communautaires, et les pays tiers. »

8        Aux termes de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, intitulé « Exceptions » :

« [...]

2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        [...]

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        [...]

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

4.      Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe [...] 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5.      Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.

[...]

7.      Les exceptions visées [au paragraphe 2] s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. [...] »

9        L’article 6 de ce règlement, relatif aux « Demandes d’accès », régit les modalités de dépôt des demandes d’accès aux documents au titre dudit règlement.

10      L’article 7 du même règlement, intitulé « Traitement des demandes initiales », prévoit, à son paragraphe 2, que, « [e]n cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle‑ci révise sa position ».

 Les antécédents du litige

11      Les antécédents du litige ont été exposés aux points 6 à 10 et 15 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 6      Par lettre du 30 mars 2011, [...] M. Patrick Breyer a saisi la Commission [...] d’une demande d’accès à des documents, conformément à l’article 6 du règlement n° 1049/2001.

7      Les documents demandés concernaient des procédures en manquement engagées, en 2007, par la Commission à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne et de la République d’Autriche, s’agissant de la transposition de la directive [2006/24]. Plus précisément, [M. Breyer] a demandé l’accès à l’ensemble des documents relatifs aux procédures administratives menées par la Commission ainsi qu’à l’ensemble des documents relatifs à la procédure juridictionnelle ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juillet 2010, Commission/Autriche (C‑189/09, EU:C:2010:455).

8      Le 11 juillet 2011, la Commission a rejeté la demande présentée par [M. Breyer] le 30 mars 2011.

9      Le 13 juillet 2011, [M. Breyer] a, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, présenté une demande confirmative.

10      Par décisions des 5 octobre et 12 décembre 2011, la Commission a, s’agissant des procédures en manquement ouvertes à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne, accordé [à M. Breyer] l’accès à une partie des documents demandés. Dans ces décisions, la Commission a en outre informé [M. Breyer] de son intention d’adopter une décision distincte s’agissant des documents relatifs à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [du 29 juillet 2010,] Commission/Autriche [...] (EU:C:2010:455).

[...]

15      Le 3 avril 2012, la Commission a, en réponse à la demande confirmative [de M. Breyer] du 13 juillet 2011, adopté la décision référencée Ares (2012) 399467 (ci-après la “décision du 3 avril 2012”). Par cette décision, la Commission a statué sur l’accès [de M. Breyer], d’une part, aux documents du dossier administratif relatif à la procédure en manquement, visée au point 7 ci-dessus, engagée à l’encontre de la République d’Autriche et, d’autre part, aux documents relatifs à la procédure juridictionnelle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [du 29 juillet 2010,] Commission/Autriche [...] (EU:C:2010:455). À ce dernier titre, la Commission a, notamment, refusé l’accès aux mémoires déposés par la République d’Autriche dans le cadre de ladite procédure juridictionnelle (ci-après les “mémoires litigieux”), au motif que ces mémoires ne relevaient pas du champ d’application du règlement n° 1049/2001. En effet, premièrement, selon la Commission, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne prise en sa qualité d’institution n’est soumise aux règles relatives à l’accès aux documents que dans l’exercice de ses fonctions administratives. Deuxièmement, la Commission précise que les mémoires litigieux étaient adressés à la Cour, tandis que la Commission, en tant que partie à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [du 29 juillet 2010,] Commission/Autriche [...] (EU:C:2010:455), n’en a reçu que des copies. Troisièmement, la Commission estime que l’article 20 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne prévoit la communication des écritures relatives à une procédure juridictionnelle qu’aux parties à cette procédure et aux institutions dont les décisions sont en cause. Quatrièmement, selon la Commission, dans son arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, [...]EU:C:2010:541), la Cour n’aurait pas abordé la question de savoir si les institutions devaient accorder l’accès aux mémoires d’une autre partie à une procédure juridictionnelle. Dès lors, s’agissant des mémoires déposés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, seuls les mémoires des institutions, à l’exception de ceux déposés par d’autres parties, relèveraient du champ d’application du règlement n° 1049/2001, étant précisé que, si une interprétation différente devait être retenue, les dispositions de l’article 15 TFUE et des règles spécifiques issues du statut de la Cour [de justice de l’Union européenne] et du règlement de procédure de la Cour seraient contournées. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2012, M. Breyer a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision du 3 avril 2012, en tant que, par cette décision, la Commission lui a refusé l’accès aux mémoires litigieux. À l’appui de son recours, il a soulevé un moyen unique, tiré de la violation par la Commission de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Il a soutenu que le motif figurant dans cette décision, selon lequel les mémoires litigieux ne relèvent pas du champ d’application de ce règlement, était erroné.

13      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ce moyen et a, par conséquent, annulé la décision du 3 avril 2012.

14      Aux points 35 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, dans un premier temps, si les mémoires litigieux étaient des documents « détenus par une institution », au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, lu en combinaison avec l’article 3, sous a), de celui‑ci.

15      À ces fins, le Tribunal a considéré, aux points 40 à 48 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’article 2, paragraphe 3, et à l’article 3, sous b), du règlement n° 1049/2001, le droit d’accès aux documents détenus par une institution de l’Union porte sur les documents reçus, notamment, d’États membres, et que la définition large de la notion de « document », figurant à l’article 3, sous a), de ce règlement, « est fondée [...] sur l’existence d’un contenu conservé, susceptible de reproduction ou de consultation postérieures à sa production, étant précisé [...], [notamment], [...] [que ce] contenu doit concerner une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution en cause ». Constatant, d’une part, que, en l’occurrence, la Commission n’a pas contesté être en possession de copies des mémoires litigieux et relevant, d’autre part, que cette institution a reçu ces mémoires dans l’exercice de ses compétences en vue de son activité contentieuse, il a estimé que lesdits mémoires devaient être qualifiés de documents détenus par une institution, au sens de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, lu en combinaison avec l’article 3, sous a), de celui-ci.

16      Par la suite, le Tribunal a rejeté, aux points 50 à 61 de l’arrêt attaqué, les différents arguments de la Commission visant à contester la qualification des mémoires litigieux en tant que documents détenus par cette institution, au sens des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 3, sous a), de celui‑ci. Ces arguments étaient tirés de ce que ces mémoires auraient été adressés à la Cour, n’auraient été transmis à la Commission que sous forme de copies et, en tant que documents juridictionnels, ne relèveraient ni de l’activité administrative de la Commission ni, partant, de la compétence de celle‑ci, étant entendu que le règlement n° 1049/2001 ne concernerait pas l’activité contentieuse de cette institution.

17      À cet égard, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 ne subordonnait pas l’application de celui‑ci à la condition que le document « reçu » par l’institution en cause lui ait été adressé et directement transmis par son auteur. Ensuite, aux points 53 et 54 de cet arrêt, le Tribunal, rappelant que la notion de « document », au sens de l’article 3, sous a), de ce règlement, fait l’objet d’une définition large, a estimé qu’il était sans incidence à cet égard que les mémoires litigieux aient été transmis à la Commission sous forme de copies et non d’originaux. Par ailleurs, au point 57 dudit arrêt, le Tribunal a constaté qu’il résultait des objectifs en matière de transparence fixés par le règlement n° 1049/2001, qui ressortaient notamment du considérant 2 de celui‑ci, de la définition large de la notion de « document », au sens de l’article 3, sous a), de ce règlement, ainsi que de la formulation et de l’existence même, à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, de celui‑ci, d’une exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, que le législateur de l’Union n’avait pas voulu exclure du champ d’application du droit d’accès aux documents détenus par les institutions l’activité contentieuse de ces dernières.

18      Enfin, le Tribunal a considéré, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, que les mémoires litigieux avaient été transmis à la Commission dans le cadre d’un recours en constatation de manquement, qu’elle avait intenté dans l’exercice de ses compétences au titre de l’article 226 CE (devenu article 258 TFUE) et que, partant, c’était à tort que la Commission soutenait qu’elle n’avait pas reçu ces mémoires dans l’exercice de ses compétences.

19      Dans un second temps, le Tribunal a examiné, aux points 63 à 112 de l’arrêt attaqué, l’incidence de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE sur l’application du règlement n° 1049/2001.

20      À cet égard, le Tribunal a rappelé, aux points 67 à 73 de cet arrêt, qu’il ressort tant de l’article 15 TFUE que de l’économie du règlement n° 1049/2001 et des finalités de la réglementation de l’Union en la matière que l’activité juridictionnelle en tant que telle est exclue du champ d’application du droit d’accès aux documents établi par cette réglementation. En outre, selon le Tribunal, les mémoires déposés par la Commission devant les juridictions de l’Union dans le cadre d’une procédure juridictionnelle et ceux déposés par un État membre dans le cadre d’un recours en manquement participent, par leur nature même, de l’activité juridictionnelle desdites juridictions.

21      Or, le Tribunal a déduit, aux points 75 à 80 de l’arrêt attaqué, tant de sa propre jurisprudence (arrêts du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, points 88 à 90 ; du 12 septembre 2007, API/Commission, T‑36/04, EU:T:2007:258, point 60, ainsi que du 3 octobre 2012, Jurašinović/Conseil, T‑63/10, EU:T:2012:516, points 66 et 67), que de celle de la Cour (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 94), que, malgré leur participation à l’activité juridictionnelle des juridictions de l’Union, de tels mémoires ne sont pas exclus, du fait de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, du droit d’accès aux documents. Dans ce contexte, au point 82 dudit arrêt, le Tribunal a estimé qu’« il [convenait] d’opérer une distinction entre, d’une part, l’exclusion, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, de l’activité juridictionnelle de la Cour de justice du droit d’accès aux documents et, d’autre part, les mémoires rédigés en vue d’une [procédure juridictionnelle], lesquels, bien qu’ils participent à ladite activité juridictionnelle, ne relèvent pas pour autant de l’exclusion instituée à ladite disposition et sont, au contraire, soumis au droit d’accès aux documents ».

22      Il a en conséquence jugé, au point 83 de l’arrêt attaqué, que « l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE ne s’oppos[ait] pas à l’inclusion des mémoires litigieux dans le champ d’application du règlement n° 1049/2001 », avant de rejeter les différents arguments de la Commission portant, d’une part, sur une distinction qu’il conviendrait d’opérer entre les mémoires de la Commission et ceux des États membres aux fins de cette analyse et, d’autre part, sur le fait que les règles spécifiques relatives à l’accès aux documents juridictionnels seraient privées de sens et contournées si l’accès, au titre dudit règlement, aux mémoires rédigés par un État membre en vue d’une procédure juridictionnelle devait être admis.

23      S’agissant de ces arguments, le Tribunal a, en premier lieu, estimé, au point 92 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu des différences de contexte entre l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541), rendu à propos d’un litige portant sur la divulgation de mémoires de la Commission relatifs à des procédures juridictionnelles pendantes, et la présente affaire, les considérations relatives à l’égalité des armes, telles que celles exposées aux points 86 et 87 de cet arrêt, n’étaient pas pertinentes en l’espèce.

24      En second lieu, le Tribunal a, d’une part, relevé, au point 102 de l’arrêt attaqué, que, en procédant à l’interprétation de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, dans son arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541), la Cour aurait implicitement reconnu l’applicabilité de ce règlement aux mémoires de la Commission. D’autre part, le Tribunal a souligné, aux points 103 à 105 de l’arrêt attaqué, que l’inclusion des mémoires litigieux dans le champ d’application dudit règlement ne portait pas atteinte à l’objectif des règles spécifiques relatives à l’accès aux documents concernant les procédures juridictionnelles, dans la mesure où la protection de telles procédures pouvait, le cas échéant, être assurée par l’application de l’exception à l’accès, prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du même règlement.

25      Enfin, s’agissant des dépens, le Tribunal a considéré que la publication par M. Breyer sur Internet du mémoire en défense de la Commission et de l’échange de lettres intervenu entre M. Breyer et la Commission quant à cette publication constituait un usage inapproprié des pièces de procédure justifiant un partage pour moitié entre M. Breyer et la Commission des dépens qu’il a exposés.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

26      Par décisions du président de la Cour, respectivement, des 3 septembre et 6 octobre 2015, le Royaume d’Espagne et la République française ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

27      Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de statuer définitivement sur le litige en rejetant le recours formé par M. Breyer et de condamner ce dernier aux dépens.

28      M. Breyer, la République de Finlande et le Royaume de Suède demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

 Argumentation des parties

29      Par son moyen unique, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE ne s’opposait pas à l’application du règlement n° 1049/2001 à une demande d’accès à des documents établis par un État membre en vue d’une procédure juridictionnelle qui se trouvent en la possession de la Commission, tels que les mémoires litigieux, compte tenu de la nature particulière de tels documents.

30      Selon la Commission, un mémoire déposé par une institution de l’Union devant les juridictions de celle‑ci a une « double nature » en ce qu’il relève à la fois du droit d’accès général aux documents des institutions, consacré à l’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE, et de l’exception concernant les documents liés à l’activité juridictionnelle de la Cour de justice de l’Union européenne, prévue au quatrième alinéa de cette disposition. La Cour aurait tenu compte de cette « double nature » lorsqu’elle s’est prononcée, sous l’angle du règlement n° 1049/2001, sur l’accès aux mémoires de la Commission en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541). La Commission estime que, en revanche, les documents en rapport avec l’activité juridictionnelle de la Cour de justice de l’Union européenne, qui n’ont pas été établis par une institution, n’ont pas une telle « double nature » et que la présente affaire s’inscrit dans un contexte différent de celui ayant donné lieu à cet arrêt, tant du point de vue factuel, en ce qu’elle porte sur des mémoires établis par un État membre, que du point de vue juridique, le cadre juridique ayant été modifié avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

31      La Commission souligne, à ce dernier égard, que l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE pose l’interdiction pour le législateur de l’Union d’étendre, au moyen d’un règlement fondé sur le deuxième alinéa de cette disposition, le droit d’accès aux documents des institutions à des documents ayant un rapport avec l’activité juridictionnelle de la Cour de justice de l’Union européenne. Sans soutenir que le règlement n° 1049/2001 est invalide, la Commission, tout en admettant que la validité des actes de l’Union doit s’apprécier en fonction des éléments de fait et de droit existants à la date à laquelle ils ont été adoptés, estime néanmoins que, compte tenu de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal aurait dû interpréter l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 de manière restrictive. Il aurait ainsi dû considérer que ce règlement ne s’applique pas aux documents liés à ladite activité juridictionnelle, dès lors que ceux‑ci n’ont pas été établis par une institution.

32      Le Royaume d’Espagne et la République française soutiennent l’argumentation de la Commission, tandis que M. Breyer, soutenu par la République de Finlande et le Royaume de Suède, parties intervenantes en première instance, défendent la thèse contraire.

 Appréciation de la Cour

33      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par son moyen unique, la Commission conteste l’appréciation du Tribunal relative à l’applicabilité même du règlement n° 1049/2001 à la demande d’accès aux mémoires litigieux faite auprès de cette institution par M. Breyer, sans viser la question, différente et non soumise à la Cour dans le cadre de ce pourvoi, de savoir si l’accès à ces mémoires devrait être accordé ou, le cas échéant, refusé, en application des dispositions de ce règlement.

34      Ce moyen unique vise l’incidence de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE sur l’interprétation du champ d’application du règlement n° 1049/2001. Avant d’apprécier le bien-fondé des arguments soulevés par la Commission à cet égard, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, le champ d’application dudit règlement, tel qu’il résulte des termes de celui‑ci.

35      Selon l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, lu en combinaison avec l’article 1er, sous a), de ce dernier, ce règlement s’applique à tous les documents détenus par le Parlement, le Conseil et la Commission, c’est‑à‑dire aux documents établis ou reçus par ces institutions et en leur possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union. Aux termes de l’article 3, sous a), dudit règlement, il y a lieu d’entendre par « document » « tout contenu quel que soit son support [...] concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution ».

36      Il importe d’ajouter que l’article 3, sous b), du règlement n° 1049/2001 prévoit expressément que le droit d’accès aux documents détenus par le Parlement, le Conseil et la Commission couvre non seulement les documents établis par ces institutions elles-mêmes, mais également ceux qu’elles ont reçus de tiers, au nombre desquels figurent tant les autres institutions de l’Union que les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 55).

37      Ainsi, le champ d’application du règlement n° 1049/2001 est défini par référence aux institutions énumérées par celui‑ci, et non à des catégories de documents spécifiques ni, ainsi qu’il a déjà été relevé par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 56), à l’auteur du document détenu par l’une de ces institutions.

38      Dans ce contexte, la circonstance que les documents détenus par l’une des institutions visées par le règlement n° 1049/2001 aient été établis par un État membre et présentent un lien avec des procédures juridictionnelles n’est pas de nature à exclure de tels documents du champ d’application de ce règlement. En effet, d’une part, le fait que le règlement n° 1049/2001 n’est pas applicable aux demandes d’accès à des documents en la possession de la Cour de justice de l’Union européenne ne signifie pas que les documents liés à l’activité juridictionnelle de cette institution échappent, par principe, au champ d’application de ce règlement, lorsque de tels documents se trouvent en la possession des institutions de l’Union énumérées par ledit règlement, telles que la Commission.

39      D’autre part, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que la protection des intérêts légitimes des États membres en ce qui concerne de tels documents est susceptible d’être assurée au titre des exceptions au principe du droit d’accès aux documents prévues dans le règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 83).

40      À cet égard, le règlement n° 1049/2001 prévoit des dispositions s’attachant à définir les limites objectives d’intérêt public ou privé susceptibles de justifier un refus de divulgation de documents (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 57), parmi lesquelles figure, en particulier, l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement, aux termes duquel les institutions refusent l’accès à un document, notamment, dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

41      Il convient de rappeler, dans ce contexte, que, dans l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541), la Cour a reconnu l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des mémoires déposés par une institution dans le cadre d’une procédure juridictionnelle porte atteinte à la protection d’une procédure juridictionnelle au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 tant que ladite procédure est pendante. Cette présomption générale de confidentialité s’applique également aux mémoires déposés par un État membre dans le cadre d’une telle procédure.

42      Cela étant, comme la Cour l’a précisé, l’existence d’une telle présomption n’exclut pas le droit de l’intéressé de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par ladite présomption (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 103).

43      S’agissant, en outre, de mémoires rédigés par un État membre, il convient de rappeler, ainsi que l’a fait le Tribunal au point 97 de l’arrêt attaqué en se fondant sur la jurisprudence pertinente à cet égard, que l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, qui dispose qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable, ouvre à l’État membre concerné la possibilité de participer à la décision qu’il incombe à l’institution d’adopter et institue, à cet effet, un processus décisionnel aux fins de déterminer si les exceptions matérielles qui sont énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, de ce règlement s’opposent à ce qu’un accès soit accordé au document considéré, y compris lorsqu’il s’agit de mémoires rédigés en vue d’une procédure juridictionnelle. Toutefois, l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 ne confère pas à cet État membre un droit de veto général et inconditionnel à l’effet de s’opposer discrétionnairement à la divulgation de documents qui émanent de lui et sont détenus par une institution.

44      En l’occurrence, il n’est pas contesté que les mémoires litigieux se trouvent en la possession de la Commission. En outre, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, la circonstance que la Commission a reçu ces mémoires de la Cour de justice de l’Union européenne, et non de l’État membre concerné, n’a aucune incidence sur la détermination de l’applicabilité même du règlement n° 1049/2001.

45      Quant au fait, invoqué par la Commission, que ni le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ni les règlements de procédure des juridictions de l’Union ne prévoient de droit d’accès des tiers aux mémoires déposés dans le cadre de procédures juridictionnelles, s’il est, certes, de nature à devoir être pris en compte aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (voir arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 100), il ne saurait, en revanche, conduire à l’inapplicabilité dudit règlement aux demandes d’accès aux mémoires établis par un État membre en vue d’une procédure juridictionnelle devant le juge de l’Union, qui se trouvent en la possession de la Commission.

46      Dans ces conditions, aux termes du règlement n° 1049/2001, les mémoires litigieux relèvent du champ d’application de celui‑ci en tant que « documents détenus par une institution », au sens de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement.

47      S’agissant, en second lieu, de l’argument de la Commission selon lequel l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, inséré dans le droit primaire à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, empêche le législateur de l’Union de prévoir un droit d’accès pour des documents liés à l’activité juridictionnelle de la Cour de justice de l’Union européenne qui n’ont pas été établis par une institution, de sorte que la seule interprétation admissible de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 consisterait à exclure de tels documents du champ d’application de ce règlement, il y a lieu d’examiner l’économie générale et les objectifs de l’article 15, paragraphe 3, TFUE.

48      Aux termes de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne n’est soumise au régime d’accès aux documents des institutions, visé au premier alinéa de la même disposition, que lorsqu’elle exerce des fonctions administratives. Il s’ensuit que les conditions régissant l’accès aux documents détenus par cette institution qui se rapportent à son activité juridictionnelle ne peuvent pas être établies par des règlements adoptés en vertu de l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, l’accès aux documents de nature administrative de celle‑ci étant par ailleurs régi par sa décision du 11 décembre 2012 relative à l’accès du public aux documents détenus par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’exercice de ses fonctions administratives (JO 2013, C 38, p. 2), remplacée par une décision du 11 octobre 2016 (JO 2016, C 445, p. 3).

49      Toutefois, le caractère inapplicable du régime d’accès aux documents, prévu à l’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE, à la Cour de justice de l’Union européenne lorsque celle‑ci exerce des fonctions juridictionnelles ne fait pas obstacle à l’application de ce régime à une institution, à laquelle les dispositions de l’article 15, paragraphe 3, TFUE et du règlement n° 1049/2001 sont pleinement applicables, telle que la Commission, lorsque celle‑ci détient des documents établis par un État membre, tels que les mémoires litigieux, en rapport avec des procédures juridictionnelles.

50      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a précisé, à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, que l’introduction de l’article 15 TFUE, qui a remplacé l’article 255 CE, a élargi le champ d’application du principe de transparence en droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 81).

51      En effet, à la différence de l’article 255 CE, dont le champ d’application était limité aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission, l’article 15, paragraphe 3, TFUE prévoit désormais un droit d’accès aux documents des institutions, des organes et des organismes de l’Union, y compris la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement, lorsque celles‑ci exercent des fonctions administratives. Contrairement à ce que soutient en substance la Commission, aucun élément ne permet d’affirmer que l’élargissement dudit droit en vue de couvrir les activités administratives de ces dernières irait de pair avec l’introduction d’une quelconque restriction au champ d’application du règlement n° 1049/2001 en ce qui concerne les documents émanant d’un État membre, tels les mémoires litigieux, qui sont détenus par la Commission en rapport avec une procédure juridictionnelle devant la Cour de justice de l’Union européenne.

52      L’interprétation large du principe d’accès aux documents des institutions de l’Union est, par ailleurs, corroborée, d’une part, par l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit, notamment, que les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture, principe également réaffirmé à l’article 1er, second alinéa, TUE et à l’article 298 TFUE, ainsi que, d’autre part, par la consécration du droit d’accès aux documents à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Au regard de ces dispositions du droit primaire consacrant l’objectif d’une administration européenne ouverte, l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE ne saurait être interprété, contrairement à ce que fait valoir la Commission, comme exigeant l’adoption d’une lecture restrictive du champ d’application du règlement n° 1049/2001 avec pour conséquence que les documents établis par un État membre, tels que les mémoires litigieux, n’entreraient pas dans le champ d’application de ce règlement lorsqu’ils sont détenus par la Commission.

53      Quant au risque, mis en exergue par la Commission, de contournement des règles procédurales visées au point 45 du présent arrêt, il convient de rappeler que les limitations concernant l’accès aux documents à caractère juridictionnel, qu’elles soient prévues au titre de l’article 255 CE, auquel a succédé l’article 15 TFUE, ou en vertu du règlement n° 1049/2001, poursuivent la même finalité, à savoir celle visant à garantir que le droit d’accès aux documents des institutions soit exercé sans porter préjudice à la protection des procédures juridictionnelles, cette protection impliquant, en particulier, que soit assuré le respect des principes de l’égalité des armes ainsi que celui de la bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 84 et 85).

54      Compte tenu du fait que le règlement n° 1049/2001 permet de refuser, le cas échéant, la divulgation des documents liés aux procédures devant les juridictions de l’Union et, à ce titre, de garantir la protection de telles procédures juridictionnelles, ainsi qu’il ressort des points 40 à 42 du présent arrêt, il convient de considérer que l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE n’exige pas, contrairement à ce que fait valoir en substance la Commission, une interprétation selon laquelle les mémoires établis par un État membre et détenus par la Commission, tels que les mémoires litigieux, doivent être nécessairement exclus du champ d’application de ce règlement. En effet, dans la mesure où la protection des procédures juridictionnelles est ainsi assurée, conformément à la finalité de l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE, l’effet utile de cette disposition n’est pas susceptible d’être compromis.

55      Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal a estimé, notamment au point 80 de l’arrêt attaqué, que les mémoires litigieux ne relevaient pas, à l’instar de ceux établis par la Commission elle‑même, de l’exclusion du droit d’accès aux documents visée à l’article 15, paragraphe 3, quatrième alinéa, TFUE.

56      Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 113 de cet arrêt, que les mémoires litigieux relevaient du champ d’application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 et qu’il a, dès lors, annulé la décision de la Commission du 3 avril 2012 portant refus d’accorder à M. Breyer un accès auxdits mémoires.

57      Il s’ensuit que le pourvoi de la Commission doit être rejeté.

 Sur les dépens

58      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

59      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      Conformément à l’article 138, paragraphe 3, dudit règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

61      En l’espèce, s’il n’a pas été fait droit au pourvoi formé par la Commission, il est constant que M. Breyer, qui a conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, a publié sur Internet des versions anonymisées des mémoires échangés dans le cadre de la présente procédure de pourvoi.

62      Or, ainsi qu’il ressort de l’article 171, paragraphe 1, du règlement de procédure, le pourvoi est signifié aux autres parties de l’affaire en cause devant le Tribunal. Les pièces de procédure qui sont ainsi communiquées aux parties à l’affaire devant la Cour ne sont pas accessibles au public. Partant, la publication sur Internet, par M. Breyer, des mémoires afférents à la présente procédure, sans y être autorisé, constitue un usage inapproprié des pièces de procédure, susceptible de nuire à la bonne administration de la justice, et dont il convient de tenir compte lors de la répartition des dépens exposés dans le cadre de la présente procédure (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 92, 93 et 97 à 99).

63      Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens afférents au présent pourvoi exposés par M. Breyer, l’autre moitié restant à la charge de ce dernier.

64      Par ailleurs, pour autant que M. Breyer conteste, par son mémoire en réponse au pourvoi, le raisonnement du Tribunal relatif à l’allocation des dépens en première instance, figurant au point 119 de l’arrêt attaqué, notamment en ce que cette juridiction a considéré qu’une partie qui se voit accorder l’accès aux actes de procédure des autres parties ne pourrait utiliser ce droit qu’aux fins de la défense de sa propre cause, à l’exclusion de tout autre but, tel que celui de susciter des critiques du public concernant les arguments soulevés par les autres parties à l’affaire, il suffit de rappeler que, conformément à l’article 174 du règlement de procédure, les conclusions du mémoire en réponse tendent à l’accueil ou au rejet, total ou partiel, du pourvoi.

65      Or, les conclusions du pourvoi de la Commission ne visant pas la question de la répartition de dépens dans l’arrêt attaqué, ce chef de conclusions de M. Breyer est irrecevable.

66      Enfin, l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Finlande et le Royaume de Suède supporteront leurs propres dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par M. Patrick Breyer.

3)      Le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Finlande et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand

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