Telefonica v Commission (Judgment) French Text [2017] EUECJ C-487/16 (13 December 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/C48716.html
Cite as: [2017] EUECJ C-487/16, EU:C:2017:961, ECLI:EU:C:2017:961

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

13 décembre 2017 (*)

« Pourvoi – Ententes – Marchés portugais et espagnol des télécommunications – Clause de non-concurrence contenue dans un accord conclu entre deux sociétés – Restriction par objet – Droits de la défense – Refus d’audition de témoins – Amendes – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire C‑487/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 septembre 2016,

Telefónica SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Folguera Crespo et P. Vidal Martínez, abogados,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. S. Rodin et E. Regan, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Telefónica SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2016, Telefónica/Commission (T‑216/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:369), par lequel celui-ci n’a fait que partiellement droit à son recours tendant à l’annulation de la décision C (2013) 306 final de la Commission, du 23 janvier 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire COMP/39.839 – Telefónica/Portugal Telecom) (ci‑après la « décision litigieuse »), et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les faits à l’origine du présent litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 59 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

3        Telefónica, ancien monopole d’État espagnol des télécommunications, a été privatisée au cours de l’année 1997. Elle est le premier opérateur de télécommunications en Espagne.

4        Portugal Telecom SGPS SA (ci-après « PT ») est le premier opérateur de télécommunications au Portugal et fait partie du groupe Portugal Telecom dont l’État portugais détenait, pendant la période en litige, des actions privilégiées lui conférant un droit de veto pour certaines décisions importantes.

5        Vivo Participações SA (ci-après « Vivo ») est l’un des principaux opérateurs de télécommunications mobiles au Brésil. Au cours de ladite période, Vivo était contrôlée conjointement par Telefónica et PT par l’intermédiaire de Brasilcel NV.

6        Le 6 mai 2010, Telefónica a lancé une première offre publique d’un montant de 5,7 milliards d’euros visant l’acquisition de la participation de 50 % détenue par PT dans Brasilcel. Cette offre, qui contenait une disposition selon laquelle « Telefónica n’imposerait aucune clause de non-concurrence ou de non‑sollicitation à Portugal Telecom », a été rejetée par le conseil d’administration de PT.

7        Le 1er juin 2010, à 2 h 53, à la suite d’une réunion qui avait eu lieu entre les parties le 31 mai 2010, PT a adressé à Telefónica un courrier électronique avec un projet relatif à une deuxième offre qui contenait une clause de non-concurrence. Cette clause était rédigée comme suit :

« Non-concurrence

Chaque partie s’abstiendra de participer ou d’investir [...] dans tout projet relevant du secteur des télécommunications [...] susceptible d’être en concurrence avec l’autre partie sur le marché ibérique, pendant une période qui débute au jour de la date de l’acceptation de l’offre et qui prend fin i) le 31 décembre 2011 ou ii) à la date du transfert effectif de la dernière partie des actions alternatives B. »

8        Par un courriel du même jour, Telefónica a proposé à PT que cette clause ne s’applique pas aux activités existantes de chaque partie sur le marché national de l’autre. Cette modification a été intégrée dans la deuxième offre également formulée le 1er juin 2010, laquelle prévoyait, en outre, une augmentation du prix à 6,5 milliards d’euros.

9        Dans la soirée du 1er juin 2010, le conseil d’administration de PT a rejeté la deuxième offre au motif qu’elle ne reflétait pas la valeur réelle de Vivo.

10      Le 29 juin 2010, Telefónica a présenté une troisième offre d’un montant de 7,15 milliards d’euros, qui comportait les mêmes termes et conditions que la deuxième offre. Cette troisième offre a été acceptée par PT. Toutefois, le gouvernement portugais a exercé son droit de veto pour bloquer la transaction.

11      Dans son arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal (C‑171/08, EU:C:2010:412), la Cour a considéré que, en maintenant dans PT des droits spéciaux, la République portugaise avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 56 CE.

12      Le 27 juillet 2010, Telefónica a proposé à PT, d’une part, d’ajouter l’expression « dans la mesure autorisée par la loi » au début de la clause de non-concurrence et, d’autre part, de fixer sa durée de « la date [de la conclusion définitive de la transaction le 27 septembre 2010] au 31 décembre 2011 ».

13      Le 28 juillet 2010, Telefónica et PT ont conclu un accord d’achat d’actions en vertu duquel Telefónica, grâce à l’acquisition de 50 % du capital de Brasilcel, prenait le contrôle exclusif de Vivo pour un prix de 7,5 milliards d’euros (ci-après l’« accord relatif à l’acquisition de Vivo »). L’article 9 de cet accord comportait la version finale de la clause de non-concurrence (ci-après la « clause de non‑concurrence ») qui était ainsi rédigée :

« Neuf – Non-concurrence

Dans la mesure autorisée par la loi, chaque partie s’abstiendra de participer ou d’investir, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de toute filiale, dans tout projet relevant du secteur des télécommunications (y compris les services de téléphonie fixe et de téléphonie mobile, les services d’accès à Internet et les services de télévision, à l’exception de tout investissement ou de toute activité en cours au jour de la signature du présent accord) susceptible d’être en concurrence avec l’autre partie sur le marché ibérique, pendant une période qui débute au jour de la date [de la conclusion définitive de la transaction le 27 septembre 2010] et qui prend fin le 31 décembre 2011. »

14      La transaction a été notifiée aux autorités brésiliennes compétentes les 29 juillet et 18 août 2010 et la conclusion définitive de la transaction a eu lieu le 27 septembre 2010.

15      Dans un article de presse paru le 23 août 2010, Telefónica a confirmé que l’accord comportait une clause de non-concurrence. Celle-ci a été découverte, au mois de septembre 2010, par l’autorité de la concurrence espagnole, qui en a informé l’autorité de la concurrence portugaise et la Commission européenne. Cette dernière a adressé des demandes d’informations à PT et à Telefónica, notamment, le 5 janvier 2011.

16      Le 4 février 2011, Telefónica et PT ont signé un accord en vue de supprimer la clause de non-concurrence.

17      Le 21 octobre 2011, la Commission a adopté une communication des griefs. Le 13 janvier 2012, Telefónica et PT ont répondu à la communication des griefs mais n’ont pas demandé d’audition. Le 23 janvier 2013, la Commission a adopté la décision litigieuse.

18      Par cette décision, la Commission a considéré que la clause de non-concurrence revenait à un accord de partage des marchés ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur, en violation de l’article 101 TFUE.

19      S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a estimé que celle-ci couvrait la période comprise entre la date de conclusion définitive de la transaction, soit le 27 septembre 2010, et celle de résiliation de la clause, soit le 4 février 2011.

20      Quant au calcul du montant des amendes, la Commission a fixé à 2 % le pourcentage de la valeur des ventes à prendre en considération pour les deux entreprises. En outre, la Commission n’a retenu aucune circonstance aggravante, considérant au contraire que la fin anticipée de la clause, le 4 février 2011, constituait une circonstance atténuante. La clause n’étant, par ailleurs, pas secrète, la Commission a réduit le montant de base de l’amende de 20 %.

21      Le montant définitif des amendes a ainsi été fixé à 66 894 000 euros pour Telefónica et à 12 290 000 euros pour PT (considérant 512 de la décision litigieuse).

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2013, Telefónica a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse en ce qui la concerne et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de la sanction imposée.

23      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision litigieuse, au motif que la Commission avait fixé le montant de l’amende sur la base d’un calcul erroné de la valeur des ventes de Telefónica, et a rejeté le recours pour le surplus.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

24      Par son pourvoi, Telefónica demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        à titre encore plus subsidiaire, d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué et de déterminer le pourcentage de réduction de l’amende, et

–        en toute hypothèse, de condamner la Commission aux dépens exposés tant devant le Tribunal que devant la Cour.

25      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Telefónica aux dépens.

 Sur le pourvoi

26      Telefónica soulève trois moyens, tirés d’une violation des droits de la défense, d’une erreur de droit dans l’application de la notion de « restriction par objet » et des erreurs dans l’appréciation de la gravité du comportement de Telefónica et des circonstances atténuantes.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

27      Telefónica soutient que le Tribunal a violé son règlement de procédure et les droits de la défense en refusant d’entendre en qualité de témoins certains de ses dirigeants et un avocat externe, alors que ces personnes avaient connaissance des négociations de l’accord relatif à l’acquisition de Vivo et auraient pu témoigner à ce sujet.

28      Par une application erronée des règles en matière de preuve, le Tribunal l’aurait privée de la possibilité de démontrer que son comportement n’était pas autonome pendant la période de négociation de l’accord relatif à l’acquisition de Vivo et que le gouvernement portugais lui avait imposé la clause de non-concurrence. Conformément à la jurisprudence de la Cour, il incomberait à cette dernière de vérifier si, lors de l’appréciation des éléments de preuve, le Tribunal a commis une erreur de droit (arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 36).

29      Au soutien de son premier moyen, Telefónica présente une série d’arguments.

30      Par son premier argument, Telefónica soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs. En effet, tout en admettant, au point 120 de l’arrêt attaqué, que Telefónica pouvait faire échapper son comportement à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en apportant la preuve que la clause de non‑concurrence avait été imposée par le gouvernement portugais, le Tribunal aurait néanmoins rejeté le seul moyen de nature à permettre de fournir une telle preuve, à savoir le témoignage de certains de ses dirigeants et d’un avocat externe.

31      Par son deuxième argument, Telefónica soutient que le Tribunal a exigé, à tort, une preuve de la valeur probante des témoignages proposés avant de décider s’il y avait lieu d’organiser une audition. Ainsi, dans son appréciation des éléments de preuve versés au dossier, il aurait confondu le niveau de preuve exigé pour admettre une preuve et celui exigé pour considérer qu’une allégation est effectivement prouvée.

32      Par son troisième argument, Telefónica fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en jugeant qu’elle n’avait pas souligné l’importance du témoignage de son avocat externe et qu’elle avait omis de verser au dossier du Tribunal les indices relatifs au rôle joué par cet avocat.

33      Par son quatrième argument, Telefónica reproche au Tribunal d’avoir, au point 362 de l’arrêt attaqué, rejeté la demande d’audition de témoins en s’appuyant sur le contenu hypothétique des témoignages, alors qu’il aurait dû tenir compte des affirmations de Telefónica.

34      Par son cinquième et dernier argument, Telefónica fait valoir que le Tribunal a outrepassé sa marge d’appréciation lors de l’examen des éléments de preuve dont il disposait.

35      Certes, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande d’audition de témoins. Toutefois, son pouvoir d’appréciation ne serait pas absolu dès lors qu’il serait limité par le principe de l’égalité des armes. Il ressortirait, notamment, de l’arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission (C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 324 et 325), que ce principe exige que l’accusé puisse contester de manière adéquate les soupçons qui pèsent sur lui.

36      La Commission conclut au rejet du premier moyen.

 Appréciation de la Cour

37      Par son premier moyen, Telefónica reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs en refusant d’entendre les témoins proposés par la requérante. En substance, Telefónica soutient que l’audition de certains de ses dirigeants et d’un avocat externe aurait permis de prouver que la clause de non-concurrence avait été imposée par le gouvernement portugais.

38      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul juge de la nécessité de compléter les éléments d’information dont il dispose dans les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine, qui, selon une jurisprudence également constante, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi. Il n’en va autrement que dans le cas d’une dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle de ses constatations ressort des pièces du dossier (ordonnance du 12 décembre 2006, Autosalone Ispra/Commission, C‑129/06 P, non publiée, EU:C:2006:775, point 22 et jurisprudence citée).

39      En se bornant à soutenir, d’une part, que l’avocat externe dont elle avait sollicité l’audition aurait pu apporter un témoignage important et, d’autre part, qu’elle n’avait pas oublié de fournir des indices relatifs au rôle joué par cet avocat, Telefónica cherche à remettre en cause l’appréciation faite par le Tribunal de la valeur des preuves apportées sans soutenir que le Tribunal en aurait dénaturé la portée. Son argumentation sur ce point ne peut, dès lors, qu’être rejetée.

40      Telefónica fait également valoir que, au point 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé ses écritures en méconnaissant les raisons pour lesquelles elle avait demandé l’audition en qualité de témoins de certains de ses dirigeants. Elle souligne que, notamment aux points 104 et 105 de sa requête en annulation, elle avait précisément exposé que le témoignage de ces dirigeants aurait permis d’établir que PT avait refusé de supprimer la clause de non-concurrence au motif qu’elle éprouvait des craintes quant à l’attitude des autorités portugaises chargées de contrôler l’accord relatif à l’acquisition de Vivo qui auraient pu y opposer un refus.

41      À cet égard, il découle, notamment, des points 122 et 136 à 162 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné les éléments avancés par Telefónica pour démontrer que le gouvernement portugais aurait exigé que la clause de non-concurrence soit insérée dans l’accord relatif à l’acquisition de Vivo. C’est dans ce contexte que le Tribunal a constaté, au point 149 de cet arrêt, que Telefónica « [n’avait pas] fait valoir que les témoins dont elle demand[ait] l’audition seraient susceptibles d’affirmer que PT aurait indiqué que son prétendu refus de supprimer la clause était dû à un agissement quelconque de la part du gouvernement portugais. »

42      Partant, c’est à bon droit et sans dénaturer ni les faits ni les éléments de preuve que le Tribunal a rejeté la demande d’audition des dirigeants de Telefónica.

43      Par ailleurs, au point 360 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que Telefónica n’avait pas non plus expliqué en quoi le témoignage de l’avocat externe aurait été de nature à révéler « le lien causal entre les agissements du gouvernement portugais et la clause [de non-concurrence] ». D’une manière plus générale, à ce même point, le Tribunal a relevé que, compte tenu de « l’ensemble des éléments avancés » par Telefónica, elle « n’[avait] pas avancé le moindre indice tendant à démontrer que ledit gouvernement aurait imposé ou, du moins, souhaité la clause [de non-concurrence] ».

44      Il résulte de ce qui précède que les arguments de Telefónica visant à établir que le Tribunal lui aurait imposé une charge de la preuve disproportionnée, qu’il aurait violé les droits de la défense et qu’il aurait effectué une pondération erronée du « principe d’économie procédurale » et des droits de la défense sont dénués de fondement.

45      Pour les mêmes motifs, il convient de rejeter les autres arguments soulevés au soutien du premier moyen, tirés de l’existence d’une contradiction de motifs et d’une « anticipation du résultat de la preuve par témoins ».

46      Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

47      Telefónica soutient que le Tribunal a méconnu l’article 101 TFUE en concluant que la clause de non-concurrence constituait une restriction par objet.

48      Il résulterait du point 102 de l’arrêt attaqué que, pour l’appréciation de la nocivité d’un accord, une expérience réitérée de pratiques similaires serait importante. Étant donné que le présent cas serait inédit, il aurait été, en l’absence de précédents significatifs, traité de manière trop stricte.

49      En outre, la clause de non-concurrence ne présenterait pas nécessairement, par sa nature, un degré de nocivité suffisant pour être qualifiée de restriction par objet. Au regard de la jurisprudence citée aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis des erreurs dans l’appréciation du contexte de la négociation de la clause de non-concurrence, de la teneur et des objectifs de cette clause ainsi que des efforts de la requérante visant à réduire son champ d’application.

50      En ce qui concerne plus particulièrement le contexte de l’adoption de la clause de non-concurrence, Telefónica rappelle qu’il était prévu que cette clause ne s’applique que « dans la mesure autorisée par la loi », ce que le Tribunal aurait lui-même reconnu aux points 144, 147, 149, 152, 153 et 156 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait, dès lors, dû qualifier cette incise de « sauvegarde légale », c’est‑à‑dire d’engagement d’autoévaluation de la légalité de la mise en œuvre de la clause de non‑concurrence. Elle témoignerait de la volonté de Telefónica et de PT non de restreindre la concurrence, mais de se conformer à la loi.

51      S’agissant du contenu de la « sauvegarde légale », Telefónica considère que, au point 198 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a admis que l’interprétation de cette clause soulevait des doutes en raison de l’existence d’une telle incise. Partant, il aurait dû procéder à une interprétation conforme à la présomption d’innocence et au principe in dubio pro reo.

52      En outre, le point de savoir si le gouvernement portugais a exercé des pressions serait dénué de pertinence afin d’apprécier la finalité de la « sauvegarde légale ». En effet, le Tribunal aurait omis de tenir compte du désaccord entre PT et Telefónica relatif à l’adoption de la clause de non-concurrence. Telefónica aurait même tenté, sans succès, de supprimer cette clause. À la lumière de ce désaccord, la « sauvegarde légale » aurait conservé sa finalité.

53      Telefónica reproche encore au Tribunal d’avoir ignoré les mesures qu’elle avait effectivement adoptées afin de réduire les effets de l’illégalité de la clause de non‑concurrence. Contrairement à ce qui ressortirait de l’arrêt attaqué, le comportement de Telefónica aurait été cohérent et conforme à la finalité de la « sauvegarde légale », ce que le Tribunal ne pouvait nier sans dénaturer les faits.

54      La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.

 Appréciation de la Cour

55      Par son deuxième moyen, Telefónica soutient, en substance, que le Tribunal a commis des erreurs en qualifiant la clause de non-concurrence de restriction par objet.

56      Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que l’appréciation, par le Tribunal, des faits de l’affaire qui lui est soumise ne constitue pas une question de droit qui relève du contrôle de la Cour, à moins que les constatations du Tribunal ne soient entachées d’une erreur matérielle ou d’une dénaturation qui apparaissent de façon manifeste des pièces du dossier (arrêt du 11 janvier 2017, Typke/Commission, C‑491/15 P, EU:C:2017:5, point 58).

57      Telefónica reproche au Tribunal d’avoir dénaturé, au point 152 de l’arrêt attaqué, le contenu de l’un de ses courriels internes, dans lequel la possibilité de proposer à PT une augmentation de la durée d’application de la clause de non-concurrence aurait été évoquée. Dès lors que cette proposition aurait eu pour but de garantir l’approbation de l’accord relatif à l’acquisition de Vivo par le gouvernement portugais, ce courriel ne ferait que confirmer la conviction de Telefónica que la clause de non-concurrence aurait été imposée par ce gouvernement.

58      Toutefois, cet argument ne peut qu’être rejeté dès lors que, ainsi qu’il découle, notamment, des points 122 et 136 à 162 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les éléments avancés par Telefónica pour démontrer que le gouvernement portugais avait exigé que la clause de non-concurrence soit insérée dans l’accord relatif à l’acquisition de Vivo. Corrélativement, l’examen que le Tribunal a effectué au point 152 de l’arrêt attaqué a porté non pas sur l’appréciation par Telefónica de la volonté hypothétique du gouvernement portugais, mais sur l’impossibilité de déduire du courriel en question que le gouvernement portugais avait imposé la clause de non-concurrence.

59      Pour les mêmes motifs, il y a lieu d’écarter l’ensemble de l’argumentation relative aux points 144 à 156 de l’arrêt attaqué, par laquelle Telefónica cherche à démontrer qu’elle était convaincue qu’une modification substantielle de la clause de non-concurrence aurait fait obstacle à l’approbation de l’accord relatif à l’acquisition de Vivo.

60      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’allégation de Telefónica selon laquelle le Tribunal aurait dénaturé les faits en ignorant les mesures prétendument adoptées par elle afin de minimiser l’illégalité de la clause de non-concurrence dès lors qu’aucun élément n’est apporté au soutien de cette allégation.

61      Il en va de même de l’assertion de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait commis des dénaturations en omettant, d’une part, de tenir compte du fait que PT avait insisté pour maintenir la clause de non-concurrence et, d’autre part, de constater que PT avait souligné le caractère essentiel que cette clause présentait pour elle.

62      Quant à l’argument tiré d’une prétendue absence de précédents significatifs, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, des accords portant sur la répartition des marchés constituent des violations particulièrement graves de la concurrence (arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 28 et jurisprudence citée).

63      Certes, dans le cas d’espèce, la clause de non-concurrence contient l’incise « dans la mesure autorisée par la loi ». Toutefois, ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 200 de l’arrêt attaqué, « la requérante n’a pas démontré que, au vu de l’ensemble des circonstances, la clause [de non-concurrence] ne constituait pas une restriction de la concurrence par objet, puisque [cette incise] l’avait transformée en une clause d’autoévaluation de la légalité d’un engagement de non-concurrence ».

64      Par les autres arguments présentés au soutien du deuxième moyen, Telefónica conteste le bien-fondé du constat reproduit au point précédent du présent arrêt, en remettant en cause l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 121 à 200 de l’arrêt attaqué, des circonstances qui ont entouré l’adoption de la clause de non‑concurrence, du comportement des parties à l’accord relatif à l’acquisition de Vivo, des prétendues pressions exercées par le gouvernement portugais, des prétendus efforts de Telefónica visant à minimiser l’illégalité de la clause de non‑concurrence et, enfin, du contenu et de la finalité de la « sauvegarde légale ».

65      Ces arguments, reposent, en partie, sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

66      En effet, contrairement à ce qui est allégué au point 68 du pourvoi, le Tribunal n’a pas jugé, au point 196 de l’arrêt attaqué, « que la clause [de non-concurrence] n’était pas “essentielle” pour PT car il ne s’agissait pas d’une restriction accessoire au sens du droit de la concurrence ». Il a simplement constaté, au vu des moyens de preuve avancés, que Telefónica n’avait présenté aucun élément permettant de démontrer le caractère essentiel de cette clause.

67      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a pas admis, au point 198 de l’arrêt attaqué, que l’interprétation de la clause de non‑concurrence soulevait des doutes, mais il a rejeté l’allégation selon laquelle cette clause était l’expression claire de la volonté des parties à l’accord relatif à l’acquisition de Vivo de se conformer à la loi.

68      Du reste, la requérante se borne à critiquer l’appréciation des faits sans alléguer de dénaturation. Partant, ces arguments sont irrecevables.

69      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

70      Telefónica soutient que le Tribunal a commis des erreurs dans l’appréciation du montant de l’amende.

71      Dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, le Tribunal aurait méconnu les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2), en omettant de tenir compte de la circonstance que l’accord de répartition des marchés n’avait jamais été appliqué.

72      À cet égard, Telefónica fait valoir que, au point 323 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, à tort, que l’inapplication de cet accord n’avait pas été prouvée. Le fait que Telefónica et PT sont restées sur leurs marchés nationaux respectifs ne signifierait pas que l’accord a été mis en œuvre. En outre, des « preuves concordantes » mettraient en évidence que Telefónica et PT ne pouvaient pas se concurrencer sur ces marchés en raison, notamment, de barrières à l’entrée importantes. En présence de telles « preuves concordantes », réclamer une preuve directe d’un fait négatif équivaudrait à exiger une preuve impossible et donc à porter atteinte aux droits de la défense.

73      Telefónica considère que, notamment au point 334 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les faits établis aux points 144, 147 et 148 de cet arrêt qui démontrent que la clause de non-concurrence a été autorisée par le gouvernement portugais. Le Tribunal aurait dû, par conséquent, conclure à l’existence d’une circonstance atténuante.

74      Le Tribunal aurait également dénaturé les faits en jugeant que Telefónica n’avait pas démontré qu’elle avait essayé de limiter l’impact de la clause de non‑concurrence. À cet égard, il ressortirait des points 11 et suivants de l’arrêt attaqué que PT a proposé cette clause, que Telefónica en a réduit le champ et la durée d’application et a fait introduire la « sauvegarde légale ». Outre ces faits établis par le Tribunal, d’autres preuves mettraient en évidence, « documents à l’appui », que PT a tenté d’augmenter la durée de la clause de non‑concurrence, que la requérante s’y est opposée et que PT a refusé de supprimer cette clause la veille de la signature de l’accord relatif à l’acquisition de Vivo.

75      En outre, Telefónica soutient que le Tribunal n’a pas tenu compte du caractère inédit de l’infraction ainsi que de l’absence de dol de sa part. Le Tribunal aurait jugé que l’absence de précédents ne saurait exonérer une entreprise de sa responsabilité. Or, cet argument ne répondrait pas à la demande de la requérante qui visait seulement à démontrer l’existence d’une circonstance atténuante. Partant, l’arrêt attaqué serait entaché d’une violation de l’obligation de motivation.

76      De même, au point 335 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé la requête. En effet, Telefónica aurait demandé au Tribunal de constater que, au vu du caractère inédit de l’infraction, son comportement n’avait pas été dolosif et de qualifier ce fait de circonstance atténuante.

77      La Commission conclut au rejet du troisième moyen.

 Appréciation de la Cour

78      Il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié dans chaque cas particulier la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière de l’article 101 TFUE et de l’article 23 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de suppression de l’amende ou de réduction du montant de celle-ci (arrêt du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 58).

79      En ce qui concerne l’examen de la gravité de l’infraction, il y a lieu de relever que, si Telefónica reproche au Tribunal d’avoir, au point 323 de l’arrêt attaqué, en dépit des « preuves concordantes », considéré qu’il n’était pas avéré que la clause de non-concurrence avait ou non été mise en œuvre, la requérante se borne, à l’appui de cette argumentation, à renvoyer à certains points de sa requête en annulation. Dès lors que, ce faisant, elle cherche uniquement à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, son argumentation est irrecevable.

80      Par ailleurs, l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait violé les droits de la défense en exigeant une preuve impossible repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait ignoré les « preuves concordantes » mentionnées au point précédent du présent arrêt et dont l’appréciation ne relève que de lui. Elle est, par conséquent, également irrecevable.

81      S’agissant de l’allégation de dénaturation des faits, notamment, au point 334 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne le rôle du gouvernement portugais dans l’insertion de la clause de non-concurrence, elle ne peut qu’être rejetée.

82      En effet, Telefónica ne conteste pas que le courriel évoqué au point 147 de l’arrêt attaqué ne mentionne pas la clause de non-concurrence. Les faits établis aux points 144 et 148 de cet arrêt ne permettent pas non plus de conclure que le gouvernement portugais a autorisé cette clause. Partant, c’est sans dénaturation que le Tribunal a constaté, aux points 144 et 334 de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve et les indices avancés par Telefónica n’attestaient ni « d’une quelconque action » ni « d’un intérêt quelconque » du gouvernement portugais au regard de la clause de non-concurrence.

83      De surcroît, devant le Tribunal, Telefónica a uniquement cherché à établir que le gouvernement portugais avait imposé la clause de non-concurrence ou, à tout le moins, incité les parties à l’accord relatif à l’acquisition de Vivo à l’insérer. Il s’ensuit que les allégations relatives à la prétendue autorisation, par ce gouvernement, de la clause de non-concurrence constituent un argument nouveau qui doit, en tout état de cause, être rejeté comme irrecevable.

84      En effet, dès lors que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 43, et du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 50).

85      En ce qui concerne les prétendus efforts afin de minimiser l’impact de la clause de non‑concurrence, Telefónica invoque des documents qu’elle n’identifie pas et dont le contenu demeure, par conséquent, inconnu. Elle se borne, du reste, à critiquer l’appréciation des faits par le Tribunal, notamment aux points 167 à 174 de l’arrêt attaqué, sans toutefois démontrer une quelconque dénaturation à cet égard.

86      Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue Telefónica, le Tribunal n’a pas, dans l’arrêt attaqué, constaté qu’elle avait inséré la clause de non-concurrence dans l’accord relatif à l’acquisition de Vivo.

87      Quant au caractère prétendument inédit de l’infraction ainsi qu’à l’absence de dol qui en résulterait, il suffit de constater que le Tribunal a rejeté l’argumentation de la requérante, aux points 327 et 328 de l’arrêt attaqué, en jugeant que la clause de non-concurrence était un accord de répartition des marchés dont l’illégalité ne faisait pas de doute.

88      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

89      Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

90      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

91      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

92      La Commission ayant conclu à la condamnation de Telefónica et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Telefónica SA est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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