Carrera Brands v EUIPO - Autec (Carrera) (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-419/16 (16 November 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T41916.html
Cite as: EU:T:2017:812, ECLI:EU:T:2017:812, [2017] EUECJ T-419/16

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 novembre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale Carrera – Article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Recevabilité de la demande en déchéance – Accord de non-contestation – Décisions des juridictions nationales – Abus de droit – Règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) n° 2868/95 [devenue article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué (UE) 2017/1430] – Demande de suspension de la procédure devant l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑419/16,

Carrera Brands Ltd, établie à Hong Kong (Chine), représentée par Me C. Markowsky, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Autec AG, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par Me C. Früchtl, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 6 juin 2016 (affaire R 278/2015‑4), relative à une procédure de déchéance entre Autec et Carrera Brands,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2016,

à la suite de l’audience du 22 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 mars 2005, Lutter & Partner GmbH et l’intervenante, Autec AG, ont conclu un accord de cession et de vente en vertu duquel cette dernière cédait à la première de nombreuses marques Carrera et s’engageait, dans le cadre d’un accord de non-contestation, à tolérer les nouvelles demandes de ces marques ou de marques similaires.

2        Le 13 septembre 2005, Lutter & Partner a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Carrera.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 8, 9, 10, 11 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Aspirateurs portables pour 12 et 24 volts ; aspirateurs portables rechargeables pour le ménage ; brosses à la vapeur pour l’entretien et le lissage de vêtements ; repasseuses ; postes de repassage ; moulins à café autres qu’à main ; machines de cuisine électriques ; robots de cuisine ; couteaux électriques ; couteaux de cuisine électriques ; mixeurs ; mixeurs électriques pour le ménage ; moulins pour le ménage ; appareils électromécaniques pour la préparation d’aliments ; moulins à poivre ; presse-fruits électriques à usage ménager ; batteurs électriques ; appareils électromécaniques pour la cuisine ; machines à couper le pain ; cireuses électriques pour chaussures ; appareils et machines de broyage électriques pour le ménage ; machines à coudre ; tous les produits précités compris dans la classe 7 ; mélangeurs pour le ménage » ;

–        classe 8 : « Rasoirs non électriques ; lames de rasoirs ; rasoirs ; nécessaires de rasage ; rasoirs mécaniques ; rasoirs cosmétiques ; appareils d’épilation, compris dans la classe 8 ; appareils pour l’épilation électriques et non électriques ; tondeuses pour la coupe des cheveux non électriques ; machines pour couper les cheveux et machines à raser en tant qu’instruments manuels ; couteaux à barbe ; appareils pour couper les poils des oreilles ; machines pour enlever les peluches ; sets de manucure ; sets de pédicure ; limes à ongles ; instruments de mise en forme des sourcils ; appareils électriques et non électriques pour vernir les ongles ; appareils à friser manuels ; appareils pour l’épilation, électriques et non électriques ; pinces à envies ; coupe-ongles non électriques ; brucelles ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; couteaux ; couteaux de cuisine » ;

–        classe 9 : « Thermomètres ; hygromètres ; bigoudis électrothermiques ; fers à boucler électrothermiques ; appareils d’affichage électriques, en particulier moniteurs pour bébés et moniteurs respiratoires pour bébés ; fers à repasser ; appareils de surveillance de bébé ; appareils de surveillance pour les petits enfants ; détecteurs de mouvements ; miroirs ; indicateurs de température ; balances ; appareils de mesure de la teneur en graisse du corps humain ; piles et batteries » ;

–        classe 10 : « Thermomètres pour la détermination de la température corporelle ; sphygmomanomètres ; biberons ; porte-biberons ; anneaux pour calmer ou faciliter la dentition ; tétines de biberons ; thermomètres pour tétines de biberons ; appareils de massage ; appareils de massage du corps et du visage ; appareils pour massage esthétique ; gants pour massages ; préservatifs ; fermetures de biberons ; tétines » ;

–        classe 11 : « Casques séchoirs ; appareils de cuisson ; chauffe-biberon pour bébés ; réchauffeurs d’aliments pour bébés ; cuit-œufs ; bouilloires ; machines à expresso ; machines à cappuccino ; grille-pain ; poêles ; chauffe-plats ; gaufriers ; marmites à riz ; yaourtières électriques ; appareils et installations de cuisson ; cuiseurs ; bains pour les pieds ; appareils de stérilisation pour articles de bébé ; pommeaux de douche ; armoires frigorifiques ; ventilateurs et humidificateurs ; machines à popcorn ; glacières ; appareils pour écraser les œufs ; woks électriques ; appareils à fondue électriques ; filtres à eau ; lampes de bâtiments ; appareils de désinfection d’articles pour bébé ; barbecues ; grills de cuisine ; fours à vapeur » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; moulins à café ; chauffe-biberons non électriques ; moules ménagers ; ustensiles de cuisson non électriques ; articles de cuisson ; chaudrons ; casseroles ; woks ; poêles ; cocottes ; friteuses électriques ; appareils de cuisson à la vapeur ; appareils destinés à faire mousser le lait ; tire-bouchons ; boîtes isothermes ; planches à repasser ; dessous de fers à repasser ; brosses ; brosses électriques ; seaux à glace ; moules à glaçons ; ouvre-bouteilles ; chauffe-bouteilles ; pressoirs ; vaisselle de table ; presse-fruits ; boîtes isothermes ; récipients calorifuges ; récipients isothermes ; cafetières ; moulins à café ; poêles à gâteaux ; agitateurs (boîtes) ; mélangeurs pour le ménage ; moulins à poivre ; machines pour cuire du pain ; appareils de nettoyage manuels ; appareils de mélange ; salières ; appareils pour éplucher les fruits ; appareils et machines électriques à polir, à usage domestique ; boules de nettoyage ; appareils pour les soins du corps et les soins de beauté compris dans la classe 21 ; douches buccales ; appareils pour nettoyer le visage ; brosses à chaussures ; cireuses pour chaussures ; porte-blaireaux ; blaireaux à barbe ; ustensiles cosmétiques ; brosses à ongles ; nécessaires de toilette ; nécessaires de cosmétiques ; vaporisateurs de parfum ; éponges de gommage ; peignes électriques ; peignes ; rouleaux anticellulite ; appareils non électriques pour la mise en place et la mise en forme des cheveux, à savoir appareils de mise en forme ; appareils non électriques pour la mise en place et la mise en forme des cheveux, à savoir appareils pour lisser les cheveux ; cafetières ; théières ».

5        Le 9 juillet 2007, le signe verbal Carrera a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 004630711 (ci-après la « marque contestée »).

6        L’enregistrement de la marque contestée a été publié au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2007/034, du 16 juillet 2007.

7        Conformément à l’inscription au registre du 25 octobre 2007, la marque contestée a ensuite été cédée par Lutter & Partner à L+P holding GmbH.

8        Le 15 mars 2008, L+P holding et l’intervenante ont conclu un accord de cession et de vente relatif à plusieurs marques Carrera, analogue à celui visé au point 1 ci-dessus.

9        Le 20 juillet 2012, l’intervenante a présenté à l’EUIPO une demande en déchéance de la marque contestée, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], pour l’ensemble des produits mentionnés au point 4.

10      Le 22 octobre 2012, le transfert de la marque contestée de L+P holding à la requérante, Carrera Brands Ltd, a été inscrit au registre.

11      Le 21 janvier 2015, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenante et a déchu de ses droits la requérante, titulaire de la marque contestée, avec effet au 20 juillet 2012 pour tous les produits visés.

12      Le 27 janvier 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation, qu’elle a motivé le 21 mai 2015. La requérante demandait l’annulation intégrale de la décision de la division d’annulation en soutenant, en substance, que la demande en nullité était irrecevable en raison des obligations contractuelles de l’intervenante et que la preuve de l’usage, propre à assurer le maintien de ses droits, était rapportée. Elle demandait aussi la suspension de la procédure jusqu’à ce qu’une décision ayant autorité de chose jugée ait été rendue dans la procédure pendante entre elle-même et l’intervenante devant le Landgericht München (tribunal régional de Munich, Allemagne).

13      Par décision du 6 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a annulé partiellement la décision de la division d’annulation. En particulier, elle a considéré que la demande de suspension devait être rejetée et que la demande en déchéance de l’intervenante était recevable.

14      En premier lieu, la chambre de recours a rejeté la demande de suspension de la procédure en raison du fait que l’action formée devant le Landgericht München (tribunal régional de Munich) ne saurait avoir de conséquence sur l’issue de la procédure devant elle.

15      En deuxième lieu, la chambre de recours a estimé que la demande en déchéance était recevable, notamment en raison du fait que l’accord de non-contestation stipulé dans les contrats de cession et de vente ne saurait avoir de conséquence sur l’obligation d’usage qui incombe à la requérante et que les décisions des juridictions nationales ne peuvent lier ni les chambres de recours, ni le juge de l’Union européenne.

16      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé, sur le fond, que l’usage de la marque contestée pouvait être prouvé pour une partie des produits litigieux et que la requérante ne serait donc déchue de ses droits qu’en ce qui concerne les produits à l’égard desquels il n’a pas été prouvé que la marque contestée a été utilisée.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en son point 2 du dispositif, et la réformer en ce sens que la décision de la division d’annulation du 21 janvier 2015 est annulée ;

–        annuler la décision attaquée rejetant sa demande tendant à la suspension de la procédure et ;

–        à titre subsidiaire, la réformer en ce sens qu’il soit fait droit à sa demande du 22 août 2014 tendant à la suspension de la procédure, demande réitérée le 21 mai 2015 dans le cadre de la procédure de recours ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux encourus dans le cadre de la procédure de recours.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux liés à la procédure devant la chambre de recours.

 En droit

 Sur la recevabilité

20      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité des renvois généraux opérés par la requérante aux allégations ou aux mémoires présentés lors de la procédure devant l’EUIPO.

21      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle-même [voir arrêt du 16 février 2017, Jaguar Land Rover/EUIPO – Nissan Jidosha (Land Glider), T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 50 et jurisprudence citée].

22      Cette jurisprudence est transposable au mémoire en réponse de l’autre partie à une procédure de déchéance devant la chambre de recours, intervenant devant le Tribunal (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2017, Land Glider, T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 51 et jurisprudence citée). Il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent (voir arrêt du 16 février 2017, Land Glider, T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 51 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, au point 44 de la requête, la requérante renvoie, s’agissant du comportement prétendument abusif de l’intervenante, à ses mémoires du 22 août 2014, du 21 mai 2015 et du 18 novembre 2015. Il en va de même au point 58 de la requête où, en vue de « fournir la preuve d’une argumentation effective au sujet de la demande en déchéance », la requérante renvoie à ses mémoires du 28 février 2014 et du 22 août 2014, ainsi qu’à ses mémoires du 18 mars 2015 et du 21 mai 2015.

24      De plus, au point 21 de son mémoire en réponse, l’intervenante renvoie aux observations qu’elle a présentées au cours de la procédure devant l’EUIPO, afin de compléter l’argumentation qu’elle développe dans le cadre du présent recours, en particulier à ses écritures des 15 mai 2014, 15 septembre 2015 et 28 janvier 2016.

25      Dès lors, le renvoi global, effectué dans la requête et le mémoire en réponse de l’intervenante, aux écrits déposés devant l’EUIPO est irrecevable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2017, Land Glider, T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 52).

 Sur le fond

26      Au soutien de ses conclusions en annulation et en réformation, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 [devenu article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] et de la violation de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement n° 207/2009 et abrogeant les règlements n° 2868/95 et (CE) n° 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1)].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009

27      La requérante soutient, en substance, que la demande en déchéance est irrecevable dans le mesure où elle serait couverte par un accord de non-contestation qui devrait être interprété à l’aune du droit national. En vertu du contenu et de la portée de cet accord, tel qu’interprété par les juridictions nationales, l’introduction d’une telle demande serait prohibée. Par conséquent, la demande en déchéance serait, en l’espèce, constitutive d’un abus de droit que la quatrième chambre de recours de l’EUIPO aurait négligé d’établir et de sanctionner par l’irrecevabilité de la demande de déchéance.

28      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a déclaré recevable la demande de déchéance en considérant, au point 26 de la décision attaquée, ce qui suit :

« L’accord de non-contestation stipulé dans les contrats de cession et de vente ne saurait avoir de conséquence sur l’obligation d’usage qui incombe à la requérante. Il ressort du texte de la convention qu’ils obligent la défenderesse, en tant que vendeuse, à ne pas faire valoir de droits contre les marques “Carrera” cédées à [Lutter & Partner], sur la base de l’enregistrement et de l’usage des marques “Carrera” demeurées en sa possession, et à tolérer de nouveaux enregistrements de ces marques ou de marques similaires. L’accord de non-contestation est censé garantir que l’acheteur puisse faire usage des marques acquises, sans risquer de contestations de la part du vendeur, y compris en ce qui concerne la possibilité d’effectuer de nouvelles demandes d’enregistrement. Elle ne poursuit pas l’objectif d’exempter l’acheteur de son obligation d’usage, conformément à l’article 15 du [règlement n° 207/2009], dans le cas d’une nouvelle demande de marque de l’Union européenne, et de faire définitivement enregistrer la marque malgré une absence d’usage. La position contraire exprimée dans l’arrêt de l’Oberlandesgericht de München ne peut être pertinente, parce que l’arrêt concerne des actions en nullité qui étaient dirigées contre des marques allemandes, et que les décisions de juridictions nationales ne peuvent lier les chambres de recours ni le juge de l’Union […] ».

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne prétend nullement avoir fait un quelconque usage de la marque contestée en ce qui concerne les produits pour lesquels le recours devant la chambre de recours a été rejeté. L’argumentation contenue dans la requête s’articule exclusivement autour du contenu de l’accord de non-contestation, son interprétation par les juridictions nationales, le comportement de l’intervenante, un prétendu abus de droit et les conséquences de ces différents éléments sur l’appréciation de la demande de déchéance par l’EUIPO et le juge de l’Union. Il convient donc d’examiner successivement ces différents éléments afin de se prononcer sur le bien-fondé du premier moyen.

30      Premièrement, en ce qui concerne la prise en considération de l’accord de non-contestation, il y a lieu de déterminer dans quelle mesure un tel accord est susceptible d’avoir un effet sur la recevabilité d’une demande de déchéance, formulée dans le cadre de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. En d’autres termes, il y a lieu de déterminer si un tel accord est susceptible d’affecter l’intérêt à agir du demandeur en déchéance.

31      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant d’une demande en déchéance introduite sur la base de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, cette disposition ne fait mention d’aucun intérêt à agir (arrêt du 25 février 2010, Lancôme/OHMI, C‑408/08 P, EU:C:2010:92, point 38).

32      En effet, ladite disposition prévoit qu’une demande en nullité ou en déchéance fondée, respectivement, sur une cause de nullité absolue ou une cause de déchéance, peut être présentée par toute personne physique ou morale ou par tout groupement constitué pour la représentation des intérêts de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs et qui a la capacité d’ester en justice. En revanche, l’article 56, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement [devenu article 63, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], concernant les demandes en nullité fondées sur une cause de nullité relative, réserve le droit de former une telle demande à certaines personnes déterminées qui possèdent un intérêt à agir. Il ressort, par conséquent, de l’économie de cet article que le législateur a entendu restreindre le cercle des personnes pouvant présenter une demande en nullité fondée sur une cause de nullité relative, mais non le cercle des personnes pouvant présenter une demande en nullité fondée sur une cause de nullité absolue ou une demande en déchéance [voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, ultra air/OHMI – Donaldson Filtration Deutschland (ultrafilter international), T‑396/11, EU:T:2013:284, point 17].

33      Alors que les motifs relatifs de refus d’enregistrement protègent les intérêts des titulaires de certains droits antérieurs, les motifs absolus de refus d’enregistrement et les causes de déchéance ont pour objet la protection de l’intérêt général qui les sous-tend, ce qui explique que l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009 n’exige pas du demandeur qu’il démontre un intérêt à agir (voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, ultrafilter international, T‑396/11, EU:T:2013:284, point 18).

34      Cette analyse est corroborée par le dixième considérant du règlement n° 207/2009, selon lequel il n’est justifié de protéger les marques de l’Union européenne que dans la mesure où ces dernières sont effectivement utilisées. En effet, à la lumière d’une telle considération, apparaît la finalité de l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, qui est d’offrir la possibilité de contester une marque de l’Union européenne n’ayant pas fait l’objet d’un usage sérieux, pendant une durée déterminée, au plus large éventail de personnes. C’est la raison pour laquelle cette disposition se limite à exiger du demandeur en déchéance qu’il ait la personnalité juridique ou la capacité d’ester en justice, mais n’exige pas de ce dernier qu’il démontre un intérêt à agir [arrêt du 3 décembre 2009, Iranian Tobacco/OHMI – AD Bulgartabac (TIR 20 FILTER CIGARETTES), T‑245/08, non publié, EU:T:2009:482, point 23].

35      Au vu de ce qui précède, un accord de non-contestation n’est donc pas susceptible d’influer sur la recevabilité d’une demande en déchéance conformément aux conditions définies à l’article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Dès lors, le contenu d’un tel accord est indifférent.

36      Deuxièmement, en ce qui concerne la prise en considération des décisions des juridictions nationales interprétant l’accord de non-contestation, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 65).

37      Par conséquent, la pertinence éventuelle d’un accord de non-contestation dans le cadre d’une procédure de déchéance ne doit être appréciée que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente et les décisions nationales ne sauraient en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision litigieuse de la chambre de recours (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 66).

38      Dès lors, le fait que des accords de non-contestation puissent être pris en considération par le juge national sur la base du droit national est dépourvu de pertinence pour la présente procédure.

39      Il est vrai que si l’intervenante venait à retirer sa demande en déchéance, il n’y aurait plus lieu pour l’EUIPO ou pour le Tribunal de se prononcer quant à une telle demande. Toutefois, contrairement à ce qu’affirme la requérante, les juridictions nationales n’ont pas compétence en vertu du droit national pour enjoindre à l’intervenante de retirer sa demande en déchéance d’une marque de l’Union européenne introduite devant l’EUIPO. Quant à l’EUIPO et au juge de l’Union, ainsi qu’il ressort du point 38 ci-dessus, ils ne sauraient être liés par l’interprétation du contenu d’un accord de non-contestation retenue par le juge national.

40      Troisièmement, la requérante soutient également que le comportement de l’intervenante serait constitutif d’un abus de droit qui aurait entraîné l’irrecevabilité de la demande de déchéance. À cet égard, elle s’appuie sur différents mémoires présentés au cours de la procédure devant l’EUIPO et se trouverait confortée, selon elle, dans sa position par différents jugements des tribunaux nationaux.

41      Il ressort respectivement des points 23 et 25 ci-dessus ainsi que du point 39 ci-dessus que le renvoi effectué par la requérante auxdits mémoires au soutien de son argumentation est irrecevable et que ni l’EUIPO, ni le juge de l’Union ne sauraient être liés par les différents jugements des tribunaux nationaux invoqués.

42      Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante relative à la pertinence du concept de l’abus de droit dans le cadre des procédures de déchéance et au comportement prétendument abusif de l’intervenante.

43      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en déclarant la demande de déchéance recevable.

44      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95

45      Par son second moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95 en décidant de rejeter sa demande de suspension de la procédure dans l’attente de la décision d’une juridiction nationale visant à contraindre l’intervenante à retirer sa demande de déchéance. Elle indique à cet égard que les juridictions nationales sont compétentes pour condamner l’intervenante à se désister de sa demande de déchéance et que, si tel devait être le cas, la procédure pendante devant l’EUIPO deviendrait sans objet.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

47      Il ressort de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, applicable aux procédures devant la chambre de recours conformément à la règle 50, paragraphe 1, dudit règlement, que l’EUIPO dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour suspendre la procédure d’opposition lorsque les circonstances justifient une telle suspension. La suspension demeure ainsi une faculté pour la chambre de recours qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée. La procédure devant la chambre de recours n’est donc pas automatiquement suspendue à la suite d’une demande formulée en ce sens par une partie devant ladite chambre [voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2017, Unilever/EUIPO – Technopharma (Fair & Lovely), T‑811/14, non publié, EU:T:2017:98, point 54].

48      La circonstance que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de suspendre la procédure en cours devant elle ne soustrait pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union. Cette circonstance restreint cependant ledit contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt du 17 février 2017, Fair & Lovely, T‑811/14, non publié, EU:T:2017:98, point 55).

49      En effet, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la suspension de la procédure, la chambre de recours doit respecter les principes généraux régissant une procédure équitable au sein d’une Union de droit. Par conséquent, lors dudit exercice, elle doit tenir compte non seulement de l’intérêt de la partie dont la marque de l’Union européenne est contestée, mais également de celui des autres parties. La décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure doit être le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause (arrêt du 17 février 2017, Fair & Lovely, T‑811/14, non publié, EU:T:2017:98, point 56).

50      À supposer que la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95 relative aux procédures d’opposition, soit applicable par analogie aux procédures de déchéance, tout comme aux procédures de nullité [voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2011, Atlas Transport/OHMI – Atlas Air (ATLAS), T‑145/08, EU:T:2011:213, points 66 et 68], et que, partant, la jurisprudence visée aux points 47 à 49 ci-dessus soit transposable dans le cadre du présent litige, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la chambre de recours a rejeté la demande de suspension formulée par la requérante en considérant, au point 25 de la décision attaquée, que la juridiction nationale n’avait pas compétence pour condamner l’intervenante à renoncer à sa demande de déchéance et que, dès lors, l’action formée devant la juridiction nationale ne saurait avoir de conséquence sur l’issue de la procédure devant elle.

51      Ainsi qu’il ressort des points 36 à 39 ci-dessus, une juridiction nationale ne saurait ordonner le retrait d’une demande de déchéance de marque de l’Union européenne introduite devant l’EUIPO. Dès lors, l’existence d’un recours pendant devant une juridiction nationale visant à ordonner un tel retrait, à supposer qu’il soit établi, ne saurait avoir d’influence sur l’issue de la procédure devant l’EUIPO. Une suspension serait ainsi apparue, en l’espèce, dénuée de sens et n’aurait fait que prolonger inutilement la procédure. La chambre de recours a donc ainsi pu considérer à bon droit qu’une mise en balance des intérêts en présence appelait, en tout état de cause, au rejet de la demande de suspension.

52      Il en découle que la décision de la chambre de recours de ne pas suspendre la procédure devant elle n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

53      Au vu de ce qui précède, le second moyen doit être rejeté.

54      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions, tant en annulation qu’en réformation n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante [voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2015, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX), T‑368/13, non publié, EU:T:2015:81, point 97].

57      En outre, l’intervenante a conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens qu’elle a exposés au titre de la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Or, le remboursement de ces derniers doit être obtenu sur la base de la décision de la chambre de recours relative aux dépens, décision demeurée valide après le rejet du recours de la requérante [voir, en ce sens, ordonnances du 13 mars 2006, AVEX/OHMI, T‑115/02 DEP, non publiée, EU:T:2006:72, point 11, et du 2 mars 2012, PVS/OHMI, T‑270/09 DEP, non publiée, EU:T:2012:97, points 17 à 19].

58      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens engagés devant l’EUIPO, dans la mesure où ils ont été fixés dans la décision attaquée, laquelle forme titre exécutoire et que l’intervenante pourra donc faire exécuter le cas échéant à l’encontre de la requérante [voir, en ce sens, ordonnance du 2 mars 2012, PVS/OHMI, T‑270/09 DEP, non publiée, EU:T:2012:97, point 20].


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Carrera Brands Ltd est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand

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