Codorniu v EUIPO - Bodegas Altun (ANA DE ALTUN) (Intellectual, industrial and commercial property : Trade marks Intellectual, industrial and commercial property - Judgment) [2017] EUECJ T-86/16 (18 September 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T8616.html
Cite as: EU:T:2017:627, [2017] EUECJ T-86/16, ECLI:EU:T:2017:627

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 septembre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ANA DE ALTUN – Marque nationale figurative antérieure ANNA – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑86/16,

Codorníu SA, établie à Esplugues de Llobregat (Espagne), représentée par Mes M. Ceballos Rodríguez et J. Güell Serra, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Zaera Cuadrado, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Altun, SL, établie à Baños de Ebro (Espagne), représentée par Me M. Escribano Uzcudun, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 9 décembre 2015 (affaire R 199/2015‑2), relative à une procédure d’opposition entre Codorníu et Bodegas Altun,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mai 2013, l’intervenante, Bodegas Altun, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspond à la description suivante : « Vin blanc de Rioja ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 124/2013, du 4 juillet 2013.

5        Le 1er octobre 2013, la requérante, Codorníu SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour le produit visé au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque espagnole figurative déposée le 14 septembre 2009 et enregistrée le 4 mars 2010 sous le numéro 2891666, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », telle que reproduite ci-après :

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–        la marque espagnole verbale ANNA DE CODORNIU, déposée le 6 août 1963 et enregistrée le 20 février 1964 sous le numéro 1044621, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Cava et, en général, des vins spiritueux et des liqueurs » ;

–        la marque de l’Union européenne verbale ANNA DE CODORNIU, déposée le 3 mars 1999 et enregistrée le 7 février 2000 sous le numéro 1093921, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 28 novembre 2014, la division d’opposition a accueilli l’opposition formée par la requérante dans son intégralité.

9        Le 22 janvier 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 9 décembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’opposition. En particulier, elle a considéré que, pour des raisons d’économie de procédure, l’opposition pouvait n’être examinée qu’au regard de la marque espagnole antérieure enregistrée sous le numéro 2891666 (ci-après la « marque antérieure examinée »). La chambre de recours a estimé que les produits concernés étaient identiques. Elle a considéré que les signes en cause étaient faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique et clairement différents sur le plan conceptuel. Elle a donc conclu à l’absence de risque de confusion et a rejeté l’opposition, en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’opposition fondée sur les deux autres marques, espagnole et de l’Union européenne, antérieures ANNA DE CODORNIU, car elles présentaient encore plus de différences avec la marque demandée que la marque antérieure examinée. Enfin, la chambre de recours a également rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Elle a estimé sur ce point que la marque demandée ne présentait ni d’identité ni de similitude avec l’une des marques antérieures et qu’il n’existait pas de lien pertinent entre les signes en cause.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009, le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement. Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord les deuxième et troisième moyens et ensuite le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

14      La requérante soutient que les marques en conflit sont similaires dès lors qu’elles contiennent le même prénom Ana ou Anna, que les éléments graphiques sont secondaires et que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que le terme « altun » serait perçu comme un nom de famille. Il s’agirait du nom de la cave de production du vin en cause et ce nom serait donc secondaire. Dès lors, les marques en cause seraient similaires sur les plan visuel, phonétique et conceptuel. Elle souligne en outre l’importance de la similitude phonétique dans le secteur des boissons alcooliques. Elle conclut que ces marques coïncident dans leur élément initial et le plus fort « ana » ou « anna » et que l’expression « de altun » ne neutralise pas la similitude conceptuelle desdites marques.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation. L’expression « de altun » serait un nom de famille plutôt inhabituel, plus distinctif que l’élément « ana », et, même s’il est associé au nom de la cave de production, il ne serait pas secondaire. L’EUIPO soutient que l’élément « de altun » est le plus distinctif et dominant de la marque contestée. Selon lui, les marques en conflit, qui n’ont en commun que les trois lettres « a », « n » et « a », ne seraient donc que très faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique et très différentes sur le plan conceptuel. Les signes seraient donc globalement différents, comme l’a estimé la chambre de recours, et il n’y aurait donc pas de risque de confusion. L’intervenante souligne que le terme « ana » est très courant dans le secteur des boissons alcooliques et que la différence conceptuelle contribue à compenser la similitude sur le plan phonétique.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14 , point 42 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner l’appréciation par la chambre de recours relative à l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit.

 Sur le public pertinent

20      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, sans être contestée par la requérante, les produits en cause sont des produits de consommation courante, destinés au grand public en Espagne, dont le niveau d’attention est considéré comme moyen.

 Sur la comparaison des produits

22      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les produits visés par la marque demandée, à savoir des vins, sont identiques aux produits visés par la marque antérieure, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

24      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

25      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

26      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en cause étaient faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique et qu’ils étaient clairement différents sur le plan conceptuel. Elle a estimé que la différence conceptuelle constatée contribuait à compenser la similitude phonétique entre les marques en conflit et en a déduit l’absence de toute similitude entre la marque antérieure examinée et la marque demandée.

–       Sur la comparaison visuelle

27      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause sont faiblement similaires sur le plan visuel et soutient que celles-ci sont similaires, dans la mesure où la marque demandée commence par le prénom Ana, dont les lettres se retrouvent intégralement dans la marque antérieure. Elle ajoute que les marques diffèrent dans leur élément graphique, mais que c’est l’élément verbal qui sert à identifier les vins, les étiquettes étant souvent des éléments décoratifs.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

29      En l’espèce, la marque demandée est une marque complexe, constituée d’une expression, « ana de altun », écrite en lettres majuscules légèrement stylisées sur un fond de forme rectangulaire dont la partie supérieure semble représenter le sommet enneigé d’une montagne stylisée. La marque antérieure examinée se compose du mot « anna » écrit en lettres majuscules légèrement stylisées et au-dessus des lettres majuscules « nn » figure la représentation du buste d’une femme vu de dos et de sa tête vue de profil.

30      Sur le pan visuel, si la comparaison entre les signes en conflit révèle une coïncidence entre les trois lettres « a », « n » et « a », c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 36 de la décision attaquée, qu’ils sont cependant différents en ce qui concerne les autres éléments verbaux et graphiques.

31      En effet, tout d’abord, l’élément « ana » de la marque demandée n’est pas totalement identique à l’élément « anna » de la marque antérieure, qui contient une lettre « n » supplémentaire. Ensuite, alors que l’impression visuelle globale de la marque antérieure examinée est principalement déterminée par l’élément verbal unique « anna », l’impression d’ensemble produite par la marque demandée sur le plan visuel est celle d’un signe nettement plus long, étant donné qu’il résulte de la combinaison de trois mots, à savoir « ana », « de » et « altun ».

32      De plus, les éléments figuratifs des marques en cause, même s’ils peuvent apparaître comme secondaires, ne sont pas négligeables et sont très différents. Bien que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers soient, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci [arrêt du 9 avril 2014, MHCS/OHMI – Ambra (DORATO), T‑249/13, non publié, EU:T:2014:193, point 61], les éléments figuratifs des marques en cause ne sont pas négligeables en l’espèce. Ils doivent donc être pris en considération dans la comparaison des deux signes en conflit et constituent un autre élément de différence visuelle.

33      Dès lors, les marques en conflit apparaissent visuellement comme étant faiblement similaires.

34      Cette appréciation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel l’élément « ana » de la marque demandée devrait être considéré comme dominant.

35      À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il y a lieu de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

36      Contrairement à ce que la requérante soutient, le fait que le terme « ana » se situe au début de l’élément verbal de la marque demandée doit être relativisé. En effet, si, afin d’apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs éléments d’une marque complexe, la position relative des différents composants dans la configuration d’une telle marque peut, de manière accessoire, être prise en compte (arrêt du 23 octobre 2002, MATRATZEN, T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35), cette position relative ne confère pas, en toutes circonstances, un caractère dominant à un élément d’une marque rendant négligeables, dans l’impression d’ensemble, les autres éléments composant cette marque.

37      Or, en l’espèce, les termes « de » et « altun » sont écrits sur la même ligne et dans la même écriture que le terme « ana ». De plus, constitués de sept lettres, les termes « de » et « altun » sont quantitativement plus importants. Dès lors, le fait que le mot « ana » se situe avant l’expression « de altun » n’en fait pas l’élément dominant dans l’impression visuelle produite par l’expression « ana de altun ».

38      Les arguments de la requérante selon lesquels le terme « ana » est l’élément dominant de la marque demandée doivent donc être rejetés. La conclusion de la chambre de recours mentionnée au point 38 de la décision attaquée, selon laquelle il est impossible de distinguer dans le signe contesté des composants dominants ou ayant un rôle autonome, doit, dès lors, être approuvée.

39      Au vu de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique

40      La chambre de recours a considéré que les marques en cause étaient faiblement similaires sur le plan phonétique.

41      La requérante soutient que ces marques sont similaires en raison de leur premier élément verbal respectif « anna » et « ana » et malgré l’ajout de l’expression « de altun », qui est le nom de la cave et ne sera pas nécessairement prononcée, en particulier lors de commandes orales.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

43      Sur le plan phonétique, il convient d’observer que la marque antérieure examinée consiste en un mot unique, composé des deux syllabes « a » et « nna », tandis que la marque demandée compte trois mots, représentant un total de cinq syllabes, à savoir « a », « na », « de », « al » et « tun ». Ainsi, les cinq syllabes formées par la marque demandée se distinguent nettement des deux syllabes composant la marque antérieure examinée par la longueur, le rythme et l’accentuation.

44      De plus, le terme « ana » n’apparaissant pas comme étant dominant dans la marque demandée (voir point 38 ci-dessus), il n’y a pas lieu de présumer que l’expression « de altun » ne sera pas prononcée. Il est vrai que, comme l’indique la requérante, lors des commandes orales des produits, les consommateurs pourraient ne prononcer que le premier mot « ana » [voir, par analogie, arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 60]. Toutefois, en particulier dans le secteur des boissons alcooliques, les consommateurs sont habitués à ce que les produits soient fréquemment désignés par des marques comprenant plusieurs éléments verbaux [voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Gala-Salvador Dalí (TG Torre Galatea), T‑8/07, non publié, EU:T:2008:603, points 52 et 53]. Dès lors, en l’espèce, il n’y a aucune raison de présumer que l’expression « de altun » de la marque demandée ne sera pas prononcée.

45      Il s’ensuit que, sur le plan phonétique, du fait de l’élément commun « ana », les signes en conflit présentent un degré de similitude qui doit être qualifié de faible, comme la chambre de recours l’a indiqué.

–       Sur la comparaison conceptuelle

46      Il ressort des points 29 et 30 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que l’expression « ana de altun » dans la marque demandée constituait la combinaison d’un prénom relativement courant et d’un nom de famille plutôt inhabituel dont le consommateur se souviendra plus particulièrement. En outre, sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que les marques en cause étaient clairement différentes, la marque demandée renvoyant à un individu concret et la marque antérieure examinée à un prénom commun, ce qui compensait la similitude phonétique.

47      La requérante conteste l’affirmation selon laquelle la majorité du public espagnol percevra la marque demandée comme la combinaison d’un prénom et d’un nom de famille et, en particulier, que le terme « altun », qui n’est pas le nom de la famille qui exploite les caves Bodegas Altun, puisse être perçu comme un nom de famille. Selon elle, le nom de l’entreprise qui fabrique le produit est secondaire et le premier terme « ana » a un rôle incontestable dans la perception des signes en conflit. Elle fait valoir que les marques en cause sont conceptuellement similaires, dès lors que le public percevra les termes « anna » et « ana » comme étant le même prénom et que ce constat n’est pas neutralisé par la présence de l’expression « de altun » dans la seule marque demandée.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

49      Il y a lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours selon laquelle, pour le public espagnol pertinent, la marque antérieure examinée sera perçue comme un prénom et la marque demandée comme un prénom et un nom de famille ou une indication de provenance. En effet, il est constant que le terme « ana » est un prénom de femme courant en Espagne. De plus, de nombreux noms de famille se composent de la préposition « de » suivie d’un autre élément. Partant, comme le soutient l’EUIPO, il est logique d’en conclure que le public espagnol considérera que le signe ANA DE ALTUN est un patronyme ou une indication de provenance.

50      En premier lieu, doit être écartée l’argumentation de la requérante fondée sur les pièces produites en annexe à la requête, destinées à démontrer qu’aucun habitant en Espagne ne porte le nom de famille Altun et que l’expression « de altun » ne peut pas être regardée comme un nom de famille. En effet, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, les pièces produites en annexe à la requête n’ont pas été présentées au cours de la procédure devant lui. Produites pour la première fois devant le Tribunal, elles ne peuvent donc pas être prises en considération. À cet égard, il convient de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée]. En tout état de cause, comme l’indique l’EUIPO, ces pièces ne feraient que confirmer que l’expression « de altun » est un nom de famille plutôt inhabituel, qui apparaîtrait plus distinctif que le prénom courant Ana.

51      En second lieu, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’expression « ana de altun » était un patronyme ou une indication de provenance.

52      Selon la jurisprudence, s’il se peut que, dans une partie de l’Union européenne, le nom de famille ait, en règle générale, un caractère distinctif plus élevé que celui du prénom, il convient, cependant, de tenir compte des éléments propres à l’espèce et, en particulier, de la circonstance que le nom de famille en cause est peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur ce caractère distinctif [arrêts du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, EU:C:2010:368, point 36, et du 5 octobre 2011, Cooperativa Vitivinícola Arousana/OHMI – Sotelo Ares (ROSALIA DE CASTRO), T‑421/10, non publié, EU:T:2011:565, point 50].

53      En l’espèce, comme le retient la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée sans être contestée par la requérante, l’expression « de altun » est peu fréquente. En outre, le prénom Ana étant d’usage courant en Espagne, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que l’expression « de altun » permettrait au consommateur d’identifier concrètement la personne qui donne son prénom à la marque contestée.

54      Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel le nom de l’entreprise qui fabrique le produit, en l’espèce De Altun, est secondaire doit être rejeté.

55      En outre, sur le plan conceptuel, même si les marques en conflit renvoient aux prénoms féminins Anna et Ana, identiques quoique écrits différemment, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que la marque demandée identifie et singularise une personne spécifique, à savoir une personne membre de la famille De Altun, ou une indication de provenance, alors que la marque antérieure examinée ne renvoie qu’à un prénom sans identifier une personne précise [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, Giovanni Cosmetics/OHMI – Vasconcelos & Gonçalves (GIOVANNI GALLI), T‑559/13, EU:T:2015:353, point 90].

56      Enfin, les éléments figuratifs des signes en cause, qui, sans être dominants, ne sont cependant pas négligeables en l’espèce, sont également conceptuellement très différents. En effet, l’élément figuratif de la marque antérieure examinée évoque le buste d’une femme vu de dos et sa tête vue de profil alors que celui de la marque demandée renvoie au sommet enneigé d’une montagne. Ces éléments contribuent donc également à différencier les deux marques en cause sur le plan conceptuel.

57      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient conceptuellement différentes.

58      Il résulte de ce qui précède que les signes en conflit présentent une similitude faible sur les plans visuel et phonétique et sont différents sur le plan conceptuel.

59      Au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que cette différence conceptuelle contribuait à compenser la similitude phonétique et, bien que sa conclusion sur la similitude globale des signes en conflit ne soit pas expresse, il découle sans équivoque du point 48 de la décision attaquée qu’elle en a déduit que les marques en cause étaient différentes.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, des différences conceptuelles peuvent neutraliser, dans certaines circonstances, les similitudes visuelles et phonétiques entre les signes concernés. Une telle neutralisation requiert cependant qu’au moins l’un des signes en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement [arrêts du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 56, et du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, EU:T:2015:353, point 95].

61      Or, en l’espèce, l’expression « ana de altun » de la marque demandée n’a pas une signification claire et déterminée au sens de la jurisprudence citée au point précédent. Certes, cet élément est capable, comme toute combinaison d’un prénom et d’un nom, de désigner une personne. Cependant, la capacité de désigner n’importe quelle personne (inconnue ou même fictive) ne saurait être qualifiée de signification « claire et déterminée » (arrêt du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, EU:T:2015:353, point 96). Le public pertinent peut considérer, lorsqu’il est confronté à la marque demandée, que le nom Ana de Altun correspond au nom d’une personne réelle, mais inconnue, ou qu’il correspond à une personne fictive. Dans le secteur du vin, il peut également penser qu’il s’agit d’une indication de provenance. Mais la signification de cette expression de la marque demandée est vague et ne saurait être qualifiée de claire et de déterminée, susceptible d’être immédiatement saisie par le public pertinent. En outre, pour le public espagnol pertinent, les marques en conflit ne sauraient être considérées comme inspirées par des personnages célèbres, comme peuvent l’être, par exemple, le peintre Pablo Picasso (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2004, PICARO, T‑185/02, EU:T:2004:189, points 55 et 56) ou le personnage de bande dessinée Obélix [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, EU:T:2005:379, point 79].

62      C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré que les différences conceptuelles constatées en l’espèce pouvaient neutraliser la similitude phonétique entre les marques en conflit.

63      L’EUIPO fait valoir que les prénoms Ana et Anna présents dans les marques en cause s’écrivent différemment et que les éléments figuratifs desdites marques sont différents. Toutefois, ces éléments de différence ont été pris en compte dans le cadre de l’analyse de la similitude entre les signes en conflit, en particulier sur les plans visuel et conceptuel. Ces différences n’ont pas eu pour effet de compenser, au point de les neutraliser, les similitudes visuelles et phonétiques entre les signes concernés.

64      De plus, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, le constat selon lequel les différences conceptuelles relevées en l’espèce ne neutralisent pas la similitude phonétique entre les marques en conflit ne saurait signifier que tout prénom constituant une marque antérieure pourrait être valablement opposé à l’enregistrement d’une marque composée de ce prénom et d’un nom. En effet, l’erreur commise par la chambre de recours concerne l’appréciation globale de la similitude entre les signes en conflit et non l’appréciation du risque de confusion entre les marques en cause.

65      Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que les différences conceptuelles constatées en l’espèce pouvaient neutraliser la similitude phonétique entre les marques en conflit.

66      Dès lors, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qu’a en substance retenu la chambre de recours, les signes en conflit, considérés dans leur ensemble, ne sont pas différents, mais présentent un degré de similitude, bien que celui-ci doive être globalement qualifié de faible.

 Sur le risque de confusion

67      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

68      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20, et du 3 juin 2015, GIOVANNI GALLI, T‑559/13, EU:T:2015:353, point 101).

69      En l’espèce, après avoir relevé que les produits étaient identiques et que l’élément « ana » n’était pas plus important que l’expression « de altun », la chambre de recours a indiqué que, pour des raisons d’économie de procédure, les éléments de preuve présentés par la requérante ne devaient pas être examinés dans le cadre de la présente espèce et que l’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures se fonderait sur leur caractère distinctif intrinsèque, qui devait être considéré comme normal. Elle a indiqué que, en l’absence de toute similitude entre la marque antérieure examinée et la marque demandée, le caractère distinctif élevé de la marque antérieure examinée et l’identité ou la similitude des produits ou des services concernés ne suffisaient pas pour constater le risque de confusion entre les marques en conflit.

70      Elle a ainsi procédé à l’examen du risque de confusion sans prendre en compte le caractère distinctif éventuellement élevé de la marque antérieure examinée en raison de la connaissance qu’en a le public, invoqué par la requérante.

71      Or, ainsi qu’il a été conclu au point 66 ci-dessus, le constat de l’absence de toute similitude entre les marques en conflit est erroné.

72      Dès lors, la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle, en l’absence de toute similitude entre la marque antérieure examinée et la marque demandée, le caractère distinctif élevé de ladite marque antérieure ne pouvait pas avoir d’incidence au regard du risque de confusion entre les marques en conflit, repose sur une prémisse erronée. Le fait que la marque antérieure examinée pouvait le cas échéant prétendre à une protection plus étendue en application de la jurisprudence précitée (voir point 68 ci-dessus) pouvait avoir une incidence sur l’appréciation du risque de confusion en l’espèce.

73      Par conséquent, il convient d’accueillir le deuxième moyen et donc d’annuler la décision attaquée en ce que la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure examinée en se fondant sur l’absence de toute similitude entre les signes et sans tenir compte des autres facteurs pertinents.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

74      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, du même article la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est similaire ou identique à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services pour lesquels elle est demandée sont similaires ou non similaires ou identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

75      En l’espèce, la chambre de recours a en substance considéré que, les signes étant globalement différents, il n’existait aucun risque que les consommateurs effectuent un rapprochement entre les signes au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, indépendamment, d’une part, de l’identité ou de la similitude des produits en cause et, d’autre part, du niveau de caractère distinctif prétendument élevé de la marque antérieure examinée, ou même des autres marques antérieures ANNA DE CODORNIU.

76      La requérante soutient que, du fait de la similitude des marques en cause, le public pertinent pourra établir un lien entre les marques antérieures et la marque contestée. L’intervenante tirerait donc indûment profit de la renommée des marques antérieures et porterait préjudice à cette renommée.

77      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation au motif que les marques en conflit ne sont pas globalement similaires.

78      Il convient de rappeler qu’il ne ressort ni du libellé de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 ni de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que la notion de similitude revêt un sens différent dans chacun de ces paragraphes.

79      Or, ainsi qu’il a été jugé précédemment, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit n’étaient aucunement similaires en l’espèce (voir point 66 ci-dessus).

80      Dès lors, c’est également à tort que la chambre de recours a estimé que l’une des conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 faisait défaut en l’espèce.

81      Il s’ensuit que le troisième moyen doit également être accueilli.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 75 et 76 du règlement n° 207/2009

82      En vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Selon une jurisprudence constante, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296 TFUE. La motivation exigée par cet article doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation de motivation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 19 avril 2016, Novomatic/EUIPO – Granini France (HOT JOKER), T‑326/14, non publié, EU:T:2016:221, point 22 et jurisprudence citée].

83      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée à deux égards.

84      Premièrement, elle fait valoir l’insuffisance de motivation de la décision attaquée au motif que, pour des raisons d’économie de procédure, la chambre de recours n’a pas procédé à l’analyse de la renommée des marques invoquées à l’appui de l’opposition.

85      Il convient de rappeler que, comme l’indiquent l’EUIPO et l’intervenante, en l’absence de toute similitude entre la marque antérieure examinée et la marque demandée, la notoriété ou la renommée de ladite marque antérieure ne suffit pas pour constater l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit ou d’un lien entre celles-ci dans l’esprit du public concerné (arrêts du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 53, et du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 64 et 65).

86      Dans la mesure où la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient différents, elle a pu, pour des raisons d’économie de procédure, ne pas examiner de manière exhaustive les autres arguments, notamment ceux relatifs à la renommée de la marque antérieure, ceux-ci ne pouvant pas avoir d’effet sur sa décision.

87      Dès lors, dans la logique de la décision attaquée, cette motivation n’apparaît pas comme étant insuffisante et ce grief doit être rejeté. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 22 septembre 2016, Pensa Pharma/EUIPO, C‑442/15 P, non publié, EU:C:2016:720, point 35 et jurisprudence citée).

88      Cela est sans préjudice du fait que, ainsi qu’il a été relevé précédemment (voir point 66 ci-dessus), le constat de l’absence de toute similitude entre les marques en conflit est erroné et qu’il incombe à présent à la chambre de recours d’en tirer les conséquences.

89      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné l’opposition en ce que celle-ci était fondée sur les marques antérieures ANNA DE CODORNIU et invoque un défaut de motivation à cet égard.

90      L’EUIPO soutient que la chambre de recours a motivé, quoique « succinctement », sa décision de conclure à l’absence de risque de confusion avec la marque espagnole et la marque de l’Union européenne ANNA DE CODORNIU, dès lors qu’elle a indiqué que celles-ci présentaient plus de différences avec la marque demandée que la marque antérieure examinée.

91      En l’espèce, après avoir conclu à l’absence du risque de confusion entre la marque antérieure examinée et la marque demandée, la chambre de recours a ajouté, au point 53 de la décision attaquée, que l’opposition était également fondée sur la marque espagnole antérieure enregistrée sous le numéro 1044621 ANNA DE CODORNIU et sur la marque de l’Union européenne antérieure enregistrée sous le numéro 1093921 ANNA DE CODORNIU, mais qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’opposition à cet égard, car ces marques présentaient plus de différences avec la marque demandée que la marque antérieure examinée. Elle a ajouté que, concrètement, dans la partie la plus distinctive des marques en conflit, les noms de famille De Codorníu et De Altun étaient complètement différents.

92      Or, ce faisant, la chambre de recours a insuffisamment motivé sa décision de conclure à l’absence de risque de confusion avec les marques verbales antérieures ANNA DE CODORNIU.

93      En effet, d’une part, dans sa motivation, la chambre de recours n’a aucunement pris en compte le fait que, pour la marque de l’Union européenne verbale enregistrée sous le numéro 1093921 ANNA DE CODORNIU, le public pertinent était plus large que le seul public espagnol.

94      D’autre part, sa conclusion repose sur le fait que les noms de famille De Codorniu et De Altun constitueraient la partie la plus distinctive des marques et seraient complètement différents.

95      Toutefois, il n’est pas démontré que ces noms de famille constituent la partie la plus distinctive des marques en cause. D’ailleurs, cette affirmation apparaît en contradiction avec le fait que, pour la marque demandée ANA DE ALTUN, aux points 37 et 38 de sa décision, la chambre de recours a considéré que, pour les consommateurs qui ne perçoivent pas la marque comme la combinaison d’un prénom et d’un nom de famille, ce qui pourrait être le cas des consommateurs non espagnols, il n’y avait pas d’élément dominant ou ayant un rôle autonome dans la marque contestée. De même, l’affirmation selon laquelle ces noms de famille constituent la partie la plus distinctive des marques en cause paraît également s’opposer au constat effectué au point 51 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours a considéré que « le caractère distinctif de la marque demandée résulte de manière déterminante de la combinaison d[u] term[e] “ana” et [de l’expression] “de altun”, qui constituent ensemble une unité logique et conceptuelle propre ».

96      Dès lors, la motivation de la décision attaquée concernant l’absence de risque de confusion entre, d’une part, la marque demandée et, d’autre part, la marque espagnole verbale enregistrée sous le numéro 1044621 ANNA DE CODORNIU et la marque de l’Union européenne verbale enregistrée sous le numéro 1093921 ANNA DE CODORNIU ne permet pas aux intéressés de connaître les justifications de la solution de la chambre de recours, ni au juge de l’Union d’exercer son contrôle. La décision attaquée doit donc également être annulée comme étant insuffisamment motivée à cet égard.

97      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son ensemble.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié de ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 décembre 2015 (affaire R 199/20152) est annulée.

2)      L’EUIPO et Bodegas Altun, SL supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié de ceux exposés par Codorníu SA.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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