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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Poland (Opinion) French Text [2018] EUECJ C-127/17_O (19 September 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C12717_O.html Cite as: [2018] EUECJ C-127/17_O |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 19 septembre 2018 (1)
Affaire C‑127/17
Commission européenne
contre
République de Pologne
« Manquement d’État – Directive 96/53/CE – Articles 3 et 7 – Transport – Trafic routier international – Véhicules – Poids maximaux autorisés par essieu – Limitations sur certaines routes ou certains ouvrages d’art – Régime d’autorisation spéciale »
1. Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en imposant aux entreprises de transport l’obligation d’être en possession d’autorisations spéciales pour pouvoir circuler sur certaines routes publiques, la République de Pologne a manqué aux obligations lui incombant au titre des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53/CE du Conseil, du 25 juillet 1996, fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international (2), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/719 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015 (3), lus en combinaison avec les points 3.1. et 3.4. de l’annexe I de la directive 96/53.
2. Cette requête revêt une importance particulière en raison, d’une part, de son caractère inédit, alors que la directive 96/53 est en vigueur depuis plus de vingt ans, et, d’autre part, des enjeux économiques que représente l’obligation de respecter des normes harmonisées dans l’Union européenne dès l’année 1985, visant à faciliter la circulation entre États membres, dans un contexte de croissance rapide du transport routier européen de marchandises (4). En effet, il est crucial pour le développement du commerce international et national que les marchandises puissent être transportées rapidement, en toute sécurité et à des coûts maîtrisés, spécialement en raison de certaines pratiques économiques, dont la délocalisation. Ainsi, une vigilance particulière s’impose quant au fondement des contraintes auxquelles sont soumis les transporteurs, dès lors qu’elles ne doivent pas entraver la réalisation des objectifs européens, notamment en matière d’environnement et de concurrence.
3. Dans les présentes conclusions, nous indiquerons les raisons pour lesquelles nous pensons que ce recours en manquement est fondé.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 96/53
4. Les considérants 1, 2, 3, 5, 7 et 12 de la directive 96/53 énoncent :
« (1) [...] la directive 85/3/CEE du Conseil, du 19 décembre 1984, relative aux poids, aux dimensions et à certaines autres caractéristiques techniques de certains véhicules routiers[ (5)], a établi, dans le cadre de la politique commune des transports, des normes communes qui permettent de mieux utiliser les véhicules routiers dans le trafic entre États membres ;
(2) [...] la directive 85/3 [...] a été modifiée de façon substantielle à maintes reprises ; [...] à l’occasion de la nouvelle modification de cette directive, il convient de procéder, pour des raisons de clarté et de rationalisation, à sa refonte, en la réunissant en un seul texte avec la directive 86/364/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la preuve de la conformité des véhicules à la directive 85/3[ (6)] ;
(3) [...] les différences de normes en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les poids et les dimensions des véhicules routiers utilitaires pourraient avoir un effet préjudiciable sur les conditions de concurrence et constituer un obstacle à la circulation entre États membres ;
[...]
(5) [...] les normes susmentionnées sont le reflet d’un équilibre entre l’utilisation rationnelle et économique des véhicules routiers utilitaires et les exigences d’entretien de l’infrastructure, de sécurité routière et de protection de l’environnement et du cadre de vie ;
[...]
(7) [...] des conditions techniques complémentaires connexes aux poids et dimensions des véhicules peuvent s’appliquer aux véhicules utilitaires immatriculés ou mis en circulation dans un État membre ; [...] ces conditions ne doivent pas constituer un obstacle à la circulation des véhicules utilitaires entre les États membres ;
[...]
(12) [...] en ce qui concerne les autres caractéristiques des véhicules, les États membres sont autorisés à appliquer sur leur territoire des valeurs différentes de celles prévues dans la présente directive uniquement pour les véhicules utilisés en trafic national. »
5. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive :
« La présente directive s’applique :
a) aux dimensions des véhicules à moteur des catégories M2 et M3 et de leurs remorques de catégorie 0 et des véhicules à moteur des catégories N2 et N3 et de leurs remorques de catégorie 03 et 04, tels qu’ils sont définis à l’annexe II de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil [du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (7)] ;
b) aux poids et à certaines autres caractéristiques des véhicules définis au point a) et spécifiés à l’annexe I[,] point 2.[ (8),] de la présente directive. »
6. L’article 2 de ladite directive énonce :
Aux fins de la présente directive, on entend par :
– [...]
– « ensemble de véhicules » :
– soit un train routier constitué d’un véhicule à moteur attelé à une remorque,
– soit un véhicule articulé constitué d’un véhicule à moteur couplé à une semi-remorque,
– [...]
– « poids maximal autorisé » : le poids maximal pour l’utilisation en trafic international d’un véhicule chargé,
– « poids maximal autorisé par essieu » : le poids maximal pour l’utilisation en trafic international d’un essieu ou d’un groupe d’essieux chargé,
– « charge indivisible » : la charge qui ne peut, aux fins du transport par route, être divisée en deux ou plusieurs chargements sans frais ou risque de dommage inconsidéré et qui ne peut, du fait de ses dimensions ou masses, être transportée par un véhicule à moteur, une remorque, un train routier ou un véhicule articulé qui réponde à tous égards aux dispositions de la présente directive,
[...] »
7. L’article 3, paragraphe 1, de la même directive prévoit :
« Un État membre ne peut refuser ou interdire l’usage sur son territoire :
– en trafic international, de véhicules immatriculés ou mis en circulation dans tout autre État membre pour des raisons concernant les poids et les dimensions,
– en trafic national, de véhicules immatriculés ou mis en circulation dans tout autre État membre pour des raisons concernant les dimensions,
si ces véhicules sont conformes aux valeurs limites spécifiées à l’annexe I.
Cette disposition est applicable nonobstant le fait que :
a) lesdits véhicules ne sont pas conformes aux dispositions de la législation de cet État membre concernant certaines caractéristiques de poids et de dimensions non visées à l’annexe I ;
b) l’autorité compétente de l’État membre dans lequel les véhicules sont immatriculés ou mis en circulation a autorisé des limites non visées à l’article 4[,] paragraphe 1[,] dépassant celles qui sont fixées à l’annexe I. »
8. L’article 7 de la directive 96/53 est libellé comme suit :
« La présente directive ne fait pas obstacle à l’application des dispositions en vigueur dans chaque État membre en matière de circulation routière permettant de limiter les poids et/ou les dimensions des véhicules sur certaines routes ou certains ouvrages d’art, quel que soit l’État d’immatriculation ou de mise en circulation de ces véhicules.
Il est possible, notamment, d’imposer des restrictions au niveau local concernant les dimensions maximales et/ou les poids maximaux autorisés des véhicules qui peuvent être utilisés dans des zones ou sur des routes spécifiées, lorsque l’infrastructure n’est pas adaptée pour les véhicules longs et lourds, telles que les centres des villes, les petits villages ou les lieux présentant un intérêt naturel particulier. »
9. L’annexe I de cette directive est intitulée « Poids et dimensions maximaux et caractéristiques connexes des véhicules » (9).
10. Le point 3. de cette annexe est intitulé « Poids maximal autorisé par essieu des véhicules visés à l’article 1er[,] paragraphe 1[,] [sous] b) (en tonnes) ». Les points 3.1. et 3.4. précisent :
« 3.1. | Essieux simples Essieu non moteur simple | 10 t |
[...]
3.4. | Essieu moteur[ (10)] | |
3.4.1. | Essieu moteur des véhicules visés aux points 2.2.1[ (11)] et 2.2.2[ (12)] | 11,5 t |
3.4.2. | Essieu moteur des véhicules visés aux points 2.2.3[ (13)], 2.2.4[ (14)], 2.3[ (15)] et 2.4[ (16)] | 11,5 t |
[...] »
2. La décision n° 1692/96/CE
11. La décision n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport (17), qui a été remplacée par la décision n° 661/2010/UE (18), cette dernière ayant été remplacée par le règlement (UE) n° 1315/2013 (19), prévoyait à son article 2, intitulé « Objectifs » :
« 1. Le réseau transeuropéen de transport est mis en place progressivement à l’horizon 2010[ (20)], à l’échelle communautaire, en intégrant des réseaux d’infrastructure de transports terrestre, maritime et aérien, conformément aux schémas décrits sur les cartes figurant à l’annexe I et/ou aux spécifications prévues à l’annexe II.
2. Le réseau doit :
a) assurer, dans un espace sans frontières intérieures, une mobilité durable des personnes et des biens, dans les meilleures conditions sociales et de sécurité possibles, tout en concourant à la réalisation des objectifs communautaires, notamment en matière d’environnement et de concurrence, ainsi que contribuer au renforcement de la cohésion économique et sociale ;
[...] »
3. L’acte d’adhésion de 2003
12. L’article 24 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (21), dispose :
« Les mesures énumérées dans la liste figurant aux annexes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV du présent acte sont applicables en ce qui concerne les nouveaux États membres dans les conditions définies par lesdites annexes. »
13. L’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 est intitulée « Liste visée à l’article 24 de l’acte d’adhésion : Pologne ». Le point 8 de cette annexe, intitulé « Politique des transports », contient un paragraphe 3, qui déclare applicable la directive 96/53 dans les termes qui suivent :
« 31996 L 0053 : Directive 96/53 [...], modifiée en dernier lieu par :
– 32002 L 0007 : Directive 2002/7/CE du Parlement européen et du Conseil du [18 février 2002 (22)].
Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1 [...], de la directive 96/53 [...], les véhicules conformes aux valeurs limites spécifiées au point 3.4. de l’annexe I de ladite directive ne peuvent utiliser les portions non modernisées du réseau routier polonais jusqu’au 31 décembre 2010 que s’ils sont conformes aux valeurs limites fixées en Pologne pour le poids par essieu. À compter de la date d’adhésion, aucune restriction ne pourra être imposée à l’utilisation, par des véhicules conformes aux exigences de la directive 96/53 [...], des axes de transit principaux visés à l’annexe I de la décision [n° ]1692/96 [...].
La Pologne doit respecter le calendrier fixé dans les tableaux ci-dessous pour la modernisation de son réseau routier principal, comme figurant à l’annexe I de la décision [n° ]1692/96 [...]. Tout investissement d’infrastructure supposant l’utilisation de fonds provenant du budget de [l’Union] servira à construire/moderniser les axes routiers de sorte qu’ils puissent supporter une charge par essieu de 11,5 tonnes.
Parallèlement à l’achèvement de la modernisation, l’accès au réseau routier polonais, y compris le réseau figurant à l’annexe I de la décision [n° ]1692/96 [...], sera progressivement ouvert aux véhicules en trafic international conformes aux valeurs limites visées à la directive. Aux fins de chargement et de déchargement, dans la mesure des possibilités techniques, l’utilisation des parties non modernisées du réseau routier secondaire doit être autorisée pendant toute la période transitoire.
[...] »
14. Le calendrier pour la modernisation du réseau routier principal polonais visé à l’annexe XII, point 8, paragraphe 3, troisième alinéa, de l’acte d’adhésion de 2003 est fixé dans huit tableaux, couvrant la période allant du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2011.
B. Le droit polonais
15. L’article 41 de l’ustawa o drogach publicznych (loi relative aux routes publiques) (23), du 21 mars 1985, dans sa version en vigueur à la date des faits (24), énonce :
« 1. Est autorisé sur les routes publiques le trafic des véhicules d’un poids autorisé par essieu moteur simple de 11,5 t, sous réserve des paragraphes 2 et 3.
2. Le Minister właściwy do spraw transportu [ministre des Transports, Pologne] dresse, par voie réglementaire, la liste :
1) des routes nationales et régionales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 10 t,
2) des routes nationales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 8 t
compte tenu de la nécessité de protéger les routes et d’assurer le transit.
3. Les routes régionales autres que celles définies conformément au paragraphe 2, point 1), les routes de district et les routes communales constituent un réseau routier sur lequel peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 8 t. »
16. Sur le fondement de l’article 41, paragraphe 2, de la loi relative aux routes publiques, le Minister Infrastruktury i Rozwoju (ministre des Infrastructures et du Développement, Pologne) a arrêté, le 13 mai 2015, le rozporządzenie w sprawie wykazu dróg krajowych oraz dróg wojewódzkich, po których mogą poruszać się pojazdy o dopuszczalnym nacisku pojedynczej osi do 10 t, oraz wykazu dróg krajowych, po których mogą poruszać się pojazdy o dopuszczalnym nacisku pojedynczej osi do 8 t (règlement relatif à la liste des routes nationales et régionales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 10 t et à la liste des routes nationales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 8 t) (25).
17. L’article 2, point 35a), de la prawo o ruchu drogowym (loi sur la circulation routière) (26), du 20 juin 1997, dans sa version en vigueur à la date des faits (27), définit un véhicule non normé comme un véhicule ou un ensemble de véhicules dont les poids par essieu avec ou sans chargement sont plus élevés que ceux autorisés et prévus pour une route donnée par les dispositions relatives aux routes publiques, ou dont les dimensions ou le poids total réel avec ou sans chargement sont plus élevés que ceux autorisés et prévus par les dispositions de cette loi.
18. L’article 2, point 35b), de la loi sur la circulation routière définit une charge indivisible comme une charge qui ne peut être divisée en deux ou plusieurs chargements sans frais ou risques de dommages inconsidérés.
19. L’article 64, paragraphes 1 à 3, de cette loi énonce :
« 1. Les véhicules non normés sont autorisés à circuler sous réserve du respect des conditions suivantes :
1) l’obtention d’une autorisation de circulation pour véhicules non normés de la catégorie correspondante, délivrée par l’autorité compétente par voie de décision administrative [...] ;
2) le respect des conditions de circulation fixées dans l’autorisation visée au point 1) ;
3) la conduite du véhicule non normé par un pilote[ (28)] lorsque le véhicule dépasse au moins l’une des dimensions suivantes :
a) longueur : 23 m ;
b) largeur : 3,2 m ;
c) hauteur : 4,5 m ;
d) poids réel total : 60 t ;
4) une vigilance particulière de la part du conducteur du véhicule non normé.
2. Le transport, par véhicule non normé, de charges autres qu’indivisibles est interdit, exception faite des véhicules non normés autorisés à circuler au titre d’une autorisation de catégorie I ou II.
3. Les dimensions, le poids et les poids par essieu des véhicules non normés autorisés à circuler au titre d’une autorisation des catégories I à VII ainsi que les routes sur lesquelles ces véhicules sont admis à la circulation sont précisés dans le tableau[ (29)] de l’annexe 1 de la présente loi. »
20. Les articles 64a. à 64d. de ladite loi définissent, pour chacune des sept catégories de véhicules non normés, la procédure relative au dépôt d’une demande d’autorisation ainsi que celle relative à sa délivrance. En ce qui concerne les véhicules d’un poids autorisé par essieu moteur simple de 11,5 t, l’autorisation est de catégorie I ou IV selon la catégorie des routes publiques sur lesquelles ces véhicules circuleront.
21. L’article 64a., paragraphe 3, de la loi sur la circulation routière précise que l’autorisation de catégorie I (30) est délivrée par le gestionnaire routier compétent pour la route sur laquelle doit être effectué le trajet. L’autorisation est délivrée dans un délai de sept jours ouvrables à compter du jour de dépôt de sa demande.
22. Il est indiqué à l’article 64c., paragraphe 3, point 2), de cette loi que l’autorisation notamment de catégorie IV (31) est délivrée par le Generalny Dyrektor Dróg Krajowych i Autostrad (directeur général des routes nationales et des autoroutes, Pologne). Conformément à l’article 64c., paragraphe 4, lors de l’entrée sur le territoire de la République de Pologne, cette autorisation est aussi délivrée par le naczelnik urzędu celno-skarbowego (directeur du bureau des douanes et des impôts, Pologne). Conformément à l’article 64c., paragraphe 7, l’autorisation de catégorie IV est délivrée dans un délai de trois jours ouvrables à compter du jour de dépôt de sa demande.
23. Conformément à l’article 64d., paragraphe 2, point 3), de la loi sur la circulation routière, cité par la République de Pologne, l’autorisation est délivrée notamment lorsqu’il est possible de délimiter un itinéraire garantissant la sécurité et l’efficacité de la circulation routière et, en particulier, lorsque :
« a) l’intensité du trafic permet une circulation sûre du véhicule non normé ;
b) l’état de qualité technique des bâtiments situés le long de l’itinéraire envisagé (cet état étant déterminé sur la base des règles du droit de la construction) permet une telle circulation ;
c) ladite circulation ne met pas en danger l’état technique des bâtiments situés à proximité de l’itinéraire susmentionné. »
24. L’article 64f. de cette loi fixe, pour chaque catégorie, le plafond de la redevance due pour la délivrance de l’autorisation, qui varie entre 240 zlotys polonais (PLN) (environ 55 euros (32)) pour la catégorie I et 5 800 PLN (environ 1 326 euros) pour la catégorie VI. Pour la catégorie IV, le montant maximal est fixé à 3 600 PLN (environ 823 euros).
25. À la section 4 de la même loi, les articles 140aa et suivants prévoient des amendes frappant les véhicules non normés circulant sans autorisation ou en violation des conditions définies dans l’autorisation.
26. La République de Pologne a précisé que le montant précis de la redevance due pour l’autorisation est fixé par le rozporządzenie Ministra Transportu, Budownictwa i Gospodarki Morskiej w sprawie wysokości opłat za wydanie zezwolenia na przejazd pojazdu nienormatywnego (règlement du ministre des Transports, de la Construction et de l’Économie maritime concernant le montant de la redevance due pour l’autorisation de circulation des véhicules hors normes) (33), du 28 mars 2012, et s’élève à :
« 1) pour la catégorie I :
– 50 PLN [environ 11,50 euros] pour une autorisation valable un mois ;
– 100 PLN [environ 23 euros] pour une autorisation valable six mois ;
– 200 PLN [environ 46 euros] pour une autorisation valable douze mois.
[...]
4) pour la catégorie IV :
– 500 PLN [environ 115 euros] pour une autorisation valable un mois ;
– 1 000 PLN [environ 230 euros] pour une autorisation valable six mois ;
– 2 000 PLN [environ 460 euros] pour une autorisation valable douze mois ;
– 3 000 PLN [environ 686 euros] pour une autorisation valable vingt-quatre mois. »
II. La procédure précontentieuse
27. À la suite de plaintes déposées par des entreprises de transport exerçant leur activité sur le territoire polonais et du recueil d’informations auprès de la République de Pologne dans le cadre d’une procédure EU Pilot (34), la Commission a adressé, le 30 avril 2015, à cet État membre une lettre de mise en demeure.
28. Par cette lettre, la Commission a appelé l’attention de la République de Pologne sur le fait que certaines dispositions de sa législation nationale n’étaient pas conformes aux obligations qui lui incombent, d’une part, en vertu de l’article 3 de la directive 96/53, au motif que près de 97 % du réseau routier polonais était fermé à la circulation de véhicules respectant les limites de poids fixées aux points 3.1. et/ou 3.4. de l’annexe I de cette directive, ainsi que, d’autre part, en vertu de l’article 7 de ladite directive, dès lors que cet État membre a invoqué les dérogations prévues à cette disposition sans avoir justifié les raisons pour lesquelles 97 % du réseau routier polonais pouvaient en bénéficier.
29. En outre, par sa lettre de mise en demeure, la Commission remettait en question le régime spécial d’autorisation permettant aux véhicules respectant les limitations de poids fixées aux points 3.1. et/ou 3.4. de l’annexe I de la directive 96/53 de circuler sur des infrastructures habituellement fermées à ces véhicules.
30. Considérant que la réponse de la République de Pologne du 29 juin 2015 était insatisfaisante, la Commission a émis, par lettre du 26 février 2016, un avis motivé. Elle a soutenu que la République de Pologne violait les obligations qui lui incombent, en vertu des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53, en limitant la circulation des véhicules à moteur dont le poids maximal par essieu moteur simple est de 11,5 t aux routes constituant une partie du réseau transeuropéen de transport et à certaines autres routes nationales ainsi qu’en soumettant la circulation de ces véhicules sur d’autres routes publiques à un régime d’autorisation spéciale dont elle contestait également la nécessité.
31. La République de Pologne a présenté à la Commission, le 26 avril 2016, une demande de prolongation du délai de réponse à l’avis motivé, laquelle a été rejetée par la Commission au motif qu’elle ne contenait pas d’informations concrètes sur les modifications législatives envisagées afin de mettre un terme à l’infraction.
32. Dans sa réponse du 30 août 2016 à l’avis motivé, la République de Pologne a informé la Commission de ses efforts pour, principalement, élargir le réseau des routes publiques sur lequel était autorisée la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu est de 11,5 t, ainsi que pour modifier les dispositions législatives et réglementaires applicables visant à réduire le nombre de tronçons des routes nationales et régionales soumis aux limitations de poids des véhicules. La République de Pologne a précisé que ces modifications devaient entrer en vigueur aux mois de mai 2017 et de février 2018.
33. N’étant pas convaincue de la conformité avec le droit de l’Union des modifications annoncées et n’acceptant pas le délai dans lequel devait intervenir les modifications textuelles, la Commission a décidé de saisir la Cour du présent recours en vertu de l’article 258, deuxième alinéa, TFUE.
34. Par un grief unique, la Commission reproche à la République de Pologne d’avoir manqué à ses obligations résultant des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53, lus en combinaison avec les points 3.1. et 3.4. de l’annexe I de celle-ci, en soumettant, en particulier, la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t sur un nombre exorbitant de routes publiques à un régime d’autorisation spéciale.
III. Argumentation des parties
A. La Commission
35. À l’appui de son recours, la Commission fait valoir que la limitation de l’accès aux routes publiques des véhicules et de leurs remorques, visés dans la directive 96/53 (35), respectant le poids maximal autorisé par essieu, à savoir 10 t pour l’essieu non moteur et 11,5 t pour l’essieu moteur, résulte de la combinaison de deux facteurs, à savoir, premièrement, l’ouverture au trafic de véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t des seules routes faisant partie du réseau transeuropéen de transport et de certaines autres routes nationales, résultant de l’article 41, paragraphe 2, de la loi relative aux routes publiques, et, deuxièmement, l’obligation de détenir une autorisation spéciale permettant de circuler sur d’autres routes, conformément aux articles 64 et suivants de la loi sur la circulation routière.
36. Afin d’illustrer l’impact économique de cette obligation sur l’activité d’usines d’importance européenne et internationale, la Commission a notamment cité l’exemple des routes permettant d’accéder à la ville de Kętrzyn (Pologne) où sont implantées les usines Plastivaloire et Philips, dont le régime de circulation obligerait les transporteurs à faire de longs détours pour acheminer les produits fabriqués dans ces usines vers les marchés de l’Europe de l’Ouest.
1. S’agissant de la limitation du trafic international aux seules routes du réseau transeuropéen de transport et à certaines routes nationales
37. La Commission soutient un premier argument selon lequel la limitation prévue par la législation polonaise est contraire à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/53 qui fixe un régime de libre circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t.
38. À cet égard, elle fait valoir, en premier lieu, que, si l’article 41, paragraphe 1, de la loi relative aux routes publiques fixe le principe de la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t sur toutes les routes publiques, les paragraphes 2 et 3 de cet article introduisent des dérogations qui vident le paragraphe 1 de sa substance dès lors qu’elles aboutissent à l’exclusion de près de 97 % du réseau routier pour ces véhicules.
39. Elle souligne, en deuxième lieu, qu’il résulte des informations fournies par la République de Pologne le 29 juin 2015 que moins de 40 % du réseau des autoroutes et routes nationales est ouvert sans restriction à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t, ce qui représente moins de 4 % du réseau routier constitué par les autoroutes, les routes nationales et les routes régionales les plus importantes sur le territoire polonais.
40. En troisième lieu, la Commission conteste l’argument de la République de Pologne selon lequel seules les routes sur lesquelles se concentre le trafic international, à savoir le trafic transfrontalier sur le réseau de transport routier transeuropéen, relèvent des exigences de la directive 96/53. Elle fait valoir, d’une part, en fournissant plusieurs exemples, que des tronçons de routes permettant d’accéder à des villes importantes, concernées par le transport international et spécialement par le chargement et le déchargement (36), ne sont pas librement utilisables.
41. D’autre part, elle relève que, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, aucune restriction ne figure dans la directive 96/53, conformément aux objectifs qu’elle vise, depuis son entrée en vigueur et que son champ d’application n’a pas été modifié après la création du réseau transeuropéen de transport par la décision n° 1692/96, quand bien même celle-ci participe au même objectif de faciliter la circulation des marchandises. Elle précise que, si l’article 2 de cette directive ne comporte pas de définition du trafic international, les considérants 3 et 7 de ladite directive, qui font référence à la circulation entre les États membres, lus à la lumière du considérant 12 de celle-ci, indiquent qu’il convient d’interpréter cette notion comme concernant toute circulation transfrontalière sans considération du type de routes. Toute autre interprétation viderait de son sens l’article 7 de la directive 96/53.
42. En quatrième lieu, s’agissant des arguments de la République de Pologne tirés de l’état de l’infrastructure routière, la Commission souligne que, si la directive 96/53 ne fait pas obligation de construire toutes les routes publiques afin que les critères des points 3.1. et 3.4. de l’annexe I puissent être respectés, les États membres doivent néanmoins les respecter. En outre, les routes pouvant supporter un poids de 10 t pourraient supporter un trafic limité de véhicules dont le poids par essieu moteur est de 11,5 t.
43. Elle ajoute que la République de Pologne ne peut se dispenser de respecter les normes adoptées dans la directive 96/53, relatives au poids maximal autorisé par essieu, en invoquant la recherche de l’équilibre, visé au considérant 5, alors qu’elles en résultent.
44. En ce qui concerne la catégorie et la localisation des routes publiques, en grande partie non goudronnées, invoquées par la République de Pologne, la Commission considère qu’il ne s’agit pas d’un argument opérant, dès lors que le débat porte non pas sur les routes où il n’y a pas de points importants de chargement et de déchargement dont l’état pourrait justifier qu’elles relèvent de l’article 7 de la directive 96/53, mais sur la majorité des routes goudronnées susceptibles d’être utilisées.
45. En cinquième lieu, la Commission conteste l’argument de la République de Pologne tiré de l’annexe XII, point 8, paragraphe 3, de l’acte d’adhésion de 2003 au motif que le premier alinéa de celui-ci exigeait clairement une adaptation au trafic international des autres routes que celles du réseau de transport routier transeuropéen, après le 31 décembre 2010, sans plus attendre la progression de la modernisation du réseau routier national, comme cela avait été admis pendant la période transitoire.
46. À titre complémentaire, elle indique que, à partir de l’année 2004, plusieurs milliers de kilomètres de routes autres que les routes nationales ou du réseau transeuropéen de transport ont été modernisés dans le cadre du programme national de reconstruction des routes locales, financé par des fonds européens. Or, selon la réglementation polonaise, par principe, ces routes communales ou de district relèvent de la limitation de poids par essieu simple de 8 t, sans distinction selon leur modernisation. Il en est encore de même depuis l’entrée en vigueur du rozporządzenie Ministra Infrastruktury i Budownictwa w sprawie wykazu dróg krajowych oraz dróg wojewódzkich, po których mogą poruszać się pojazdy o dopuszczalnym nacisku pojedynczej osi do 10 t, oraz wykazu dróg krajowych, po których mogą poruszać się pojazdy o dopuszczalnym nacisku pojedynczej osi do 8 t (règlement du ministre des Infrastructures et de la Construction relatif à la liste des routes nationales et régionales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 10 t et à la liste des routes nationales sur lesquelles peuvent circuler des véhicules d’un poids autorisé par essieu simple de 8 t) (37), du 21 avril 2017, auquel se réfère la République de Pologne, entré en vigueur postérieurement au dépôt du recours en manquement, par l’effet duquel les véhicules d’un poids maximal par essieu conforme aux exigences de la directive 96/53 ne peuvent toujours pas circuler sans autorisation sur près de 45 % des routes nationales. Elle estime, également, que la circulation étant néanmoins possible moyennant une autorisation payante, le moyen en défense tiré de la modernisation en cours du réseau routier est dénué de fondement.
47. La Commission invoque un second argument selon lequel les restrictions prévues à l’article 41, paragraphes 2 et 3, de la loi relative aux routes publiques sont fondées sur une interprétation erronée de l’article 7 de la directive 96/53, qui prévoit une exception au principe de libre circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t. La Commission rappelle, d’abord, que la République de Pologne ne peut soutenir que la limitation concerne des routes sur lesquelles il n’y a pas de trafic international au motif principal qu’aucun acte de l’Union ne prévoit une telle distinction.
48. Elle précise, ensuite, que la seule dérogation possible au principe de libre circulation sur toutes les routes doit être fondée sur l’inadaptation de celles-ci à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t. Les critères à prendre en considération devraient être la sécurité de ce trafic, la capacité portante des ouvrages d’art et l’intensité du trafic routier. Elle souligne, à cet égard, que l’article 7 de la directive 96/53, qui prévoit la faculté de déroger au principe de libre circulation « sur certaines routes ou certains ouvrages d’art », doit être interprété restrictivement. Dans ces conditions, des dérogations sur 97 % du réseau routier polonais ou, spécialement, sur la totalité des routes locales seraient sans fondement.
49. La Commission observe, enfin, que les restrictions d’accès à certaines routes publiques polonaises ne reposent pas sur des considérations tenant à leur état ou à celui de leurs tronçons, ainsi qu’il résulte du système de délivrance d’autorisations de circulation illimitées.
2. S’agissant de l’exigence relative à la possession d’une autorisation spéciale de circuler sur d’autres routes
50. La Commission fait valoir que le régime d’interdiction de circulation sous condition d’obtention d’une autorisation est contraire à la directive 96/53 en ce qu’il limite et entrave la liberté de circulation des véhicules.
51. Elle observe que, selon le régime restrictif auquel sont soumises les routes régionales, de district ou communales, des autorisations doivent être sollicitées, pour chacune d’entre elles, auprès de plusieurs autorités pour un seul trajet. Elle considère que, en l’absence de guichet unique et en raison des délais d’obtention de l’autorisation ainsi que des tarifs fixés, le système mis en place s’avère coûteux, chronophage et de nature à créer une discrimination indirecte en défaveur des transporteurs non‑résidents et en provenance des États membres. Elle précise que, conformément à l’article 64, paragraphe 2, de la loi sur la circulation routière, les autorisations de la catégorie IV, qui permettent aux véhicules dont le poids par essieu moteur est de 11,5 t de circuler sur les routes nationales, ne peuvent servir en cas de transport de charges divisibles, alors que celles-ci constituent la majeure partie des chargements transportés par la route. Ainsi, le travail des entreprises de transport est complexifié par l’obligation d’utiliser un nombre plus important de camions. Elle souligne que tous ces inconvénients ont justifié le dépôt de plaintes à l’origine de son recours en manquement. Elle invoque également une grave restriction à la libre prestation de services routiers.
52. Elle soutient que l’argument de la République de Pologne selon lequel ce régime d’autorisation ne serait pas contraire à la directive 96/53, dès lors qu’il est appliqué sans restriction ou discrimination et avec bienveillance, est non seulement inopérant en raison du principe de libre circulation énoncé par cette directive, mais aussi révélateur de ce que la protection de l’infrastructure routière et le contrôle du nombre de véhicules qui y circulent ne sont pas de nature à justifier le système institué par le législateur polonais.
53. La Commission ajoute qu’il ne peut être soutenu par la République de Pologne que l’obligation d’obtenir une autorisation vise à inciter les transporteurs à circuler sur des routes parallèles mieux adaptées au trafic des camions, cette justification étant contraire à l’article 3 de ladite directive.
54. Par ailleurs, elle observe, d’une part, à titre d’exemple, que, pour la route nationale DK 92 entre Berlin (Allemagne) et Varsovie (Pologne), cet objectif a été atteint par un autre moyen, à savoir celui de la perception d’une redevance sur les camions, qui est un mode de gestion raisonnable du trafic, contrairement au régime des autorisations. D’autre part, elle rappelle que, sur certaines routes, pour accéder aux lieux de chargement et de déchargement des marchandises, il n’y a pas d’autre solution que d’obtenir une autorisation.
B. La République de Pologne
55. La République de Pologne considère que le recours de la Commission est fondé sur une interprétation erronée des articles 3 et 7 de la directive 96/53 et demande à la Cour de le rejeter.
1. S’agissant de la violation de l’article 3 de la directive 96/53
a) Sur les routes visées par l’obligation d’admettre à la circulation les véhicules lourds utilisés « en trafic international »
56. Sur ce point, la République de Pologne soutient, à titre principal, que la Commission estime à tort que la notion de « trafic international » vise l’ensemble du réseau routier des États membres, alors qu’elle ne se réfère qu’au trafic transfrontalier et aux routes supportant le trafic sur lesquelles il est concentré. Elle fait valoir que l’interprétation extensive de la Commission du trafic international, qui conduit à ouvrir n’importe quelle route des États membres, même locale, aux véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t ne résulte d’aucune disposition ni d’aucun considérant de la directive 96/53, ni encore de débats en vue de sa modification. Selon cet État membre, cette interprétation viderait de son sens l’article 3, paragraphe 1, second tiret, de cette directive, qui limite le trafic national à raison des dimensions des véhicules.
57. La République de Pologne invoque également l’obligation d’interpréter la directive 96/53 en cohérence avec la décision n° 1692/96 relative au réseau transeuropéen de transport dont les objectifs sont convergents, ces deux instruments étant devenus contraignants concomitamment lors de son adhésion à l’Union.
58. La République de Pologne en déduit qu’elle n’enfreint pas l’article 3 de la directive 96/53 en dérogeant au principe général de libre circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t pour l’utilisation de certaines routes nationales et locales, telles que les routes régionales, de district et communales. Les choix qu’elle a opérés visent à atteindre l’objectif énoncé au considérant 5 de ladite directive. Elle aurait ainsi recherché un équilibre entre l’utilisation rationnelle et économique des véhicules routiers utilitaires et les exigences d’entretien de l’infrastructure, de sécurité routière ainsi que de protection de l’environnement et du cadre de vie.
59. Subsidiairement, la République de Pologne invoque les dispositions transitoires de l’acte d’adhésion de 2003, figurant à l’annexe XII, qui réglementent, au point 8, paragraphe 3, les questions liées à la mise en œuvre de la directive 96/53 et de la décision n° 1692/96, et spécialement les deuxième et troisième alinéas de ce paragraphe dont il résulterait qu’aucun délai ne lui était imposé pour adapter d’autres routes que celles du réseau transeuropéen de transport, au niveau maximal de capacité portante.
60. Elle souligne, d’une part, que, conformément au point 8, paragraphe 3, troisième alinéa, de cette annexe l’ouverture progressive du réseau routier aux véhicules en trafic international devait intervenir parallèlement à l’achèvement du processus de modernisation de ces routes. Elle ne partage pas l’avis de la Commission selon lequel cette interprétation serait contraire aux dispositions de la deuxième phrase de ce troisième alinéa, prévoyant l’autorisation de l’utilisation des parties non modernisées du réseau secondaire aux fins de chargement et de déchargement, pendant toute la période transitoire, au motif qu’il s’agit d’une exception au principe.
61. D’autre part, la République de Pologne conteste l’argument de la Commission selon lequel son interprétation des dispositions transitoires conduirait à accepter que l’ouverture du réseau routier polonais, conformément à la directive 96/53, n’intervienne avant plusieurs décennies. Elle fait valoir que les efforts de modernisation doivent porter sur les routes goudronnées et que, à la suite de ceux déjà déployés, 54,2 % de la totalité des routes nationales sont ouvertes à la circulation des véhicules en cause.
62. À cet égard, elle rappelle, d’abord, qu’environ 91 % des routes publiques ont été construites en Pologne avant son adhésion à l’Union avec la limite, pour les routes nationales, de 10 t pour le poids maximal par essieu simple et de 8 t pour les autres routes et que la législation polonaise a été modifiée afin de respecter les obligations découlant du droit de l’Union.
63. Ensuite, la République de Pologne précise que les routes nationales, qui représentent 5 % des routes publiques, supportent jusqu’à 60 % du trafic. Les 95 % restant des routes publiques sont des routes locales dont 88 % sont des routes de district et communales. Elles sont utilisées pour des besoins locaux et un tiers des routes publiques ne sont pas goudronnées, ainsi qu’il ressort des statistiques officielles d’Eurostat citées par la Commission. La République de Pologne considère, en conséquence, que celle-ci ne peut affirmer que 97 % du réseau routier polonais est fermé à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t, sans tenir compte des caractéristiques de ce réseau.
64. Enfin, elle fait part des efforts constants, depuis son adhésion à l’Union, pour ouvrir de nouvelles routes nationales en tenant compte des besoins du trafic international et de l’environnement et relève la charge financière considérable, à long terme, que représenterait l’adaptation, exceptionnelle dans un État membre de l’Union, de tout son réseau routier à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t.
b) Sur l’exigence relative à la possession d’une autorisation de circuler sur d’autres routes
65. Partant du principe que la restriction de l’utilisation du réseau routier n’est pas contraire à l’article 3 de la directive 96/53, la République de Pologne ajoute que c’est précisément grâce à la contribution financière à la maintenance des routes dégradées par les véhicules lourds qui y circulent, prévue par les articles 64 et suivants de la loi sur la circulation routière, qu’est assurée à long terme la libre circulation des véhicules dont la charge à l’essieu n’est pas adaptée aux possibilités techniques des routes.
66. À cet égard, la République de Pologne relève que la Commission a présenté le système d’autorisation de manière partiellement inexacte et précise que les autorisations sont délivrées par le gestionnaire routier, en ce qui concerne les autorisations de catégorie I (38), ou par le directeur général des routes nationales et des autoroutes, s’agissant des autorisations de catégorie IV destinées aux routes nationales concernées. Les autorisations de catégorie I sont délivrées au transporteur, selon la demande, pour une durée d’un mois, de six mois ou de douze mois, sans indication des véhicules concernés. L’autorisation est délivrée dans un délai maximal de sept jours ouvrables à compter du jour de dépôt de la demande. Les mêmes règles s’appliquent aux autorisations de catégorie IV, ces dernières pouvant toutefois être également délivrées pour une durée de vingt-quatre mois, et ce dans un délai maximal de trois jours ouvrables à compter du jour de dépôt de la demande.
67. Selon la République de Pologne, afin de garantir aux intéressés la sécurité juridique, le montant maximal de la redevance pour les autorisations de catégorie I a été fixé à 240 PLN (environ 55 euros), tandis que, pour les autorisations de catégorie IV, il s’élève à 3 600 PLN (environ 850 euros). Toutefois, le montant réel de la redevance, fixé par le règlement du ministre des Transports, de la Construction et de l’Économie maritime concernant le montant de la redevance due pour l’autorisation de circulation des véhicules hors normes, diffère selon la durée de chaque autorisation. En conséquence, selon ce barème inchangé depuis 2012, l’autorisation la plus chère de la catégorie I, valable douze mois, coûte 200 PLN (environ 50 euros), tandis que l’autorisation de catégorie IV, valable douze mois, coûte 2 000 PLN (environ 470 euros) et celle valable vingt-quatre mois 3 000 PLN (environ 710 euros) (39).
68. La République de Pologne conclut sur ce point, dans son mémoire en défense, en indiquant qu’elle ne partage pas l’analyse de la Commission selon laquelle ce système est coûteux et chronophage, dès lors qu’il est transparent et facilite le déplacement des transporteurs sur l’ensemble du réseau. Elle réfute, en outre, la thèse de la Commission selon laquelle une interdiction de circuler est encourue en cas de défaut d’autorisation, dès lors qu’il est possible de choisir la route sur laquelle s’effectuera le transport international.
69. Dans son mémoire en duplique, elle soulève l’irrecevabilité, à raison de leur nouveauté, des moyens tirés d’une discrimination indirecte à l’égard des transporteurs en provenance d’autres États membres et d’une restriction à la libre prestation de services routiers, invoqués par la Commission dans ses observations en réplique (40). Elle ajoute que, en tout état de cause, ils sont dénués de fondement dès lors que les demandes d’autorisation peuvent être obtenues facilement via un site Internet, qu’elles sont délivrées pour une période déterminée, indépendamment du nombre d’opérations de transport, et que leur coût est relativement faible au regard des besoins des transporteurs. Elle fait valoir que ce système transparent et pratique est conforme à leurs attentes et n’avait pas fait l’objet de critique avant la plainte dont a été saisie la Commission.
2. S’agissant de la violation de l’article 7 de la directive 96/53
70. La République de Pologne présente ses arguments, également à titre subsidiaire, au motif qu’elle considère que sa réglementation est conforme à l’article 3 de la directive 96/53.
71. Elle soutient que le grief tiré de la violation de l’article 7 de la directive 96/53 découle d’une interprétation excessivement restrictive de cette disposition qui est contraire à son libellé, dès lors que, d’une part, le champ d’application du premier alinéa de celle-ci ne limite pas les restrictions au caractère inadapté des routes aux véhicules en cause, ainsi qu’à « des tronçons de route déterminés », et que, d’autre part, les cas visés au second alinéa ne constituent que des exemples.
72. Elle en déduit qu’elle peut limiter la circulation non seulement sur des routes inadaptées au trafic de véhicules lourds, mais aussi sur des parties du réseau routier sur lesquelles, en raison de leur aménagement, le passage de tels véhicules serait dangereux ou encore en raison de l’existence de nombreux ponts dont la faible capacité portante dans la limite de charge de 20 t et 30 t a été ignorée par la Commission.
73. En outre, la République de Pologne considère que, s’agissant d’une petite partie des routes locales, qui ont déjà été adaptées au trafic des véhicules dont le poids autorisé par essieu moteur simple est de 11,5 t, la possibilité d’introduire des limitations relève de l’article 7, premier alinéa, de la directive 96/53, au motif qu’il n’y a aucun intérêt pratique à y permettre leur circulation dès lors qu’il s’agit généralement de tronçons qui ne sont pas liés au reste du système routier et ne peuvent assurer la fluidité du trafic.
74. Elle précise, s’agissant des exemples de limitations sur le territoire polonais du trafic des véhicules lourds, fournis par la Commission, que leur circulation est désormais autorisée dans la plupart de ces situations et que, si tel n’était pas le cas, au jour du dépôt des observations (41), des modifications appropriées sont prévues.
75. Par ailleurs, elle observe que le trafic international, au sens de l’article 3 de la directive 96/53, n’est pas concentré sur ces tronçons et rappelle que les dispositions transitoires de l’acte d’adhésion de 2003 n’imposent qu’une ouverture progressive des routes qui ne font pas partie du réseau transeuropéen de transport au trafic des véhicules lourds.
IV. Notre analyse
76. Le recours en manquement introduit par la Commission porte, en substance, sur les conditions de mise en œuvre, au 26 avril 2016, par la République de Pologne du principe de libre circulation des véhicules lourds visés par la directive 96/53 (42), énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, pour le trafic international, dans les limites spécifiées à l’annexe I de celle-ci.
77. La discussion entre les parties a essentiellement pour objet la portée de cette disposition, la réglementation polonaise subordonnant à une autorisation spéciale l’accès des véhicules lourds à toutes les routes publiques, à l’exception de celles faisant partie du réseau transeuropéen de transport et de certaines autres routes nationales.
78. Selon nous, il résulte clairement du libellé de l’article 3 de la directive 96/53 et des objectifs poursuivis, exposés aux considérants 3, 7 et 12 de celle-ci, que les termes « trafic international » visent la circulation entre États membres et non les déplacements sur certaines routes nationales ou du réseau transeuropéen. Les seules limites à ce trafic portent sur les poids et les dimensions dont les valeurs sont précisées à l’annexe I de cette directive, résultant de la recherche de l’équilibre visé au considérant 5 de celle-ci.
79. Cette absence de distinction entre le type de routes a ainsi conduit le législateur de l’Union à envisager qu’il soit fait exception au principe de libre circulation afin de tenir compte du défaut d’adaptation de certaines d’entre elles ou de certains ouvrages d’art. L’article 7 de la directive 96/53 vise à atteindre cet objectif. Très classiquement, s’agissant d’une dérogation, celle-ci doit être interprétée de manière restrictive.
80. En raison de l’objet de cette disposition, son application requiert également des justifications précises pour chaque cas particulier et doit conduire à choisir des mesures destinées à protéger l’infrastructure lorsqu’elle n’est pas adaptée à la circulation des véhicules dont les dimensions ou les poids atteignent les valeurs limites les plus hautes. En conséquence, s’il est juste de considérer, comme le soutient la République de Pologne, que l’article 7, second alinéa, ne fournit qu’un exemple des mesures susceptibles d’être prises, celui-ci vient néanmoins confirmer ce qui est énoncé à l’article 7, premier alinéa, à savoir que ces mesures doivent consister seulement à limiter les poids ou les dimensions des véhicules en fonction de l’inadaptation de certains lieux à leur circulation.
81. Dès lors, c’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier le bien‑fondé du grief de la Commission.
82. En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de la limitation du trafic international à certaines routes, il convient de constater que, si l’article 41, paragraphe 1, de la loi relative aux routes publiques énonce le principe de libre circulation sur les routes publiques des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t, en conformité avec les exigences de la directive 96/53, celui-ci est assorti de réserves qui en réduisent considérablement la portée.
83. En effet, il résulte de l’article 41, paragraphes 2 et 3, de ladite loi que :
– sur certaines routes nationales pourra circuler tout véhicule avec « essieu simple » de 10 t ou seulement 8 t ;
– sur certaines routes régionales pourra circuler tout véhicule avec « essieu simple » de 10 t ;
– sur d’autres routes régionales, les routes de district et les routes communales pourra circuler tout véhicule avec « essieu simple » de 8 t.
84. Dès lors, ainsi que la République de Pologne l’a confirmé lors de l’audience, en l’absence de distinction, dans le libellé de l’article 41, paragraphes 2 et 3, de la loi relative aux routes publiques, entre essieu moteur et essieu non moteur, l’interdiction de circulation porte sur tout essieu de plus de 8 t ou de 10 t.
85. Or, d’une part, dans l’annexe I de la directive 96/53, qui fixe les valeurs limites du poids autorisé par essieu des véhicules en cause, il est fait une distinction entre le poids par « essieu moteur » et le poids par « essieu non moteur simple » ou « essieu[x] simple[s] ». D’autre part, le poids maximal autorisé pour l’essieu moteur est fixé à 11,5 t et, pour l’essieu non moteur simple, la valeur est de 10 t. La limite ne peut donc être fixée pour les essieux moteurs à 10 t et pour les essieux non moteurs simples à 8 t. Autrement dit, en reprenant la terminologie de la législation polonaise, les véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t ne peuvent être considérés comme étant non normés (43), alors que ce poids est conforme à celui prévu dans l’annexe I de la directive 96/53. Il en est de même des véhicules dont le poids maximal par essieu non moteur simple est de 10 t, soumis sur certaines routes à la limitation fixée à 8 t.
86. En outre, ainsi qu’il a été également confirmé lors de l’audience, en cas de chargement divisible, l’interdiction de circulation concernant le transport par véhicule « non normé », au sens de la législation polonaise, est absolue s’agissant de certaines routes nationales (44), par l’effet de l’article 64, paragraphe 2, de la loi sur la circulation routière qui organise le régime des autorisations de circulation sur les routes soumises aux restrictions d’accès, fondées sur l’article 41, paragraphe 2, de la loi relative aux routes publiques.
87. De surcroît, il est constant que, par l’effet de la législation polonaise, 97 % des routes publiques sont interdites à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t, sous réserve d’obtenir une autorisation spéciale (45). Afin d’apprécier le bien‑fondé du présent recours, il n’est pas nécessaire de trancher la question, soulevée par la République de Pologne, de l’opportunité de retenir une telle proportion, en raison de l’état du réseau routier. Il suffit d’exposer les conséquences des dispositions légales polonaises en matière de circulation sur le réseau des routes susceptibles d’être fréquemment utilisées.
88. Selon les statistiques de la fin de l’année 2015, fournies par la République de Pologne, moins de 40 % du réseau des autoroutes et des routes nationales était ouvert sans restriction à la circulation des véhicules en cause, ce qui représente moins de 4 % (46) du réseau routier constitué par les autoroutes, les routes nationales et les routes régionales les plus importantes sur le territoire polonais. À cet égard, à titre d’illustration, il ressort du mémoire en réponse de la République de Pologne que le libre accès aux villes de Łomża, Nowy Sącz, Piła, Koszalin, Poznań (Pologne), citées par la Commission dans sa requête, par des routes nationales permettant la libre circulation des véhicules dont le poids autorisé par essieu moteur est de 11,5 t n’est possible que depuis l’entrée en vigueur du règlement du ministre des Infrastructures et de la Construction du 21 avril 2017 cité au point 46 des présentes conclusions. De plus, il n’est pas contesté que, aux abords de Wrocław et Cracovie (Pologne), il n’y a pas de libre accès aux points de chargement et de déchargement, alors qu’ils sont primordiaux en matière de transport routier international de marchandises. De même, n’est pas discuté le constat de la Commission selon lequel subsiste, après l’année 2017, sur le trajet depuis Kętrzyn vers l’Europe de l’Ouest, l’obligation de demander deux ou trois autorisations à deux autorités différentes pour un montant de 100-150 PLN (environ 23-35 euros) pour effectuer une seule fois un trajet d’environ 25 kilomètres.
89. En outre, il y a lieu de constater que, si des routes autres que les routes nationales ou du réseau transeuropéen de transport ont été modernisées dans le cadre du programme national de reconstruction des routes locales, financé par des fonds européens, elles sont, par principe, interdites à la circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t s’il s’agit de routes communales ou de district.
90. Au surplus, il peut être observé que l’extension du réseau par l’effet de sa modernisation continue à avoir des conséquences limitées, dès lors que, selon les précisions de la République de Pologne relatives à la réforme intervenue en 2017, seulement 54,2 % des routes nationales, qui représentent 5 % des routes publiques, sont ouvertes à la libre circulation des véhicules dont le poids maximal par essieu moteur est de 11,5 t.
91. Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’accès à l’ensemble du réseau routier polonais est limité dans des conditions contraires au principe énoncé à l’article 3 de la directive 96/53.
92. En second lieu, s’agissant des arguments, soutenus à titre subsidiaire par la République de Pologne, selon lesquels les restrictions à l’ouverture de son réseau routier au trafic international qu’elle a instituées et leur régime pourraient être fondés sur une interprétation des dispositions de l’acte d’adhésion de 2003 ou de l’article 7 de la directive 96/53, il peut être relevé, à titre liminaire, que, concrètement, par leur ampleur et leur caractère général, ces restrictions aboutissent à une situation qui pourrait être rapprochée de celle de la période transitoire, prévue par l’acte d’adhésion de 2003. Or, d’une part, il ne peut être déduit des termes de l’annexe XII, point 8, paragraphe 3, de cet acte que le régime dérogatoire qu’il prévoyait avait vocation à perdurer. Cette disposition visait, au contraire, à aménager la période allant de la date d’adhésion de la République de Pologne jusqu’au 31 décembre 2010 afin que le principe fixé par la directive 96/53 puisse être respecté après cette date (47). Cet objectif a d’ailleurs justifié que des fonds européens soient affectés à sa réalisation.
93. D’autre part, il apparaît que, pour les mêmes motifs tenant au caractère excessif de leurs conséquences, ces dérogations ne peuvent pas non plus être fondées sur l’article 7 de ladite directive, quand bien même elles seraient justifiées par la vétusté de l’infrastructure routière, invoquée par la République de Pologne.
94. En effet, un tel motif général n’est pas prévu par la directive 96/53 et l’inadaptation du réseau routier n’est envisagée à l’article 7 de cette directive que pour des situations particulières.
95. En conséquence, aucune restriction par type de routes ne peut être fondée sur cette disposition. A fortiori, un système d’autorisations générales visant à aménager de telles limitations ne peut être admis. Au surplus, il est permis de douter de la justification concrète des restrictions de circulation sur les routes désignées par le ministre des Transports, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la loi relative aux routes publiques, si elles peuvent être levées par l’obtention d’une autorisation générale, payante, réservée aux charges indivisibles pour les routes les plus fréquentées, avec une seule limitation de durée, et, partant, sans relation avec le degré d’endommagement des routes (48) ainsi qu’avec les besoins de financements, allégués par la République de Pologne pour justifier l’opportunité du système. En d’autres termes, soit la route peut supporter des passages dont le nombre n’est pas contrôlé pour une période pouvant aller de un à vingt-quatre mois, soit la voie de circulation est inadaptée et, dans un tel cas, le paiement d’une autorisation dont le montant est peu élevé n’est pas de nature à y remédier.
96. Il résulte de ce qui précède que, en limitant la circulation des véhicules à moteur dont le poids par essieu moteur est de 11,5 t aux routes constituant une partie du réseau transeuropéen de transport et à certaines autres routes nationales ainsi qu’en soumettant la circulation de ces véhicules sur d’autres routes publiques à un régime d’autorisation spéciale, la République de Pologne a violé les obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53.
97. Dès lors, il y a lieu de constater que, en imposant aux entreprises de transport l’obligation d’être en possession d’autorisations spéciales pour pouvoir circuler sur certaines routes publiques, la République de Pologne a manqué aux obligations lui incombant au titre des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53, lus en combinaison avec les points 3.1. et 3.4. de l’annexe I de la directive 96/53.
V. Sur les dépens
98. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
VI. Conclusion
99. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :
1) En imposant aux entreprises de transport l’obligation d’être en possession d’autorisations spéciales pour pouvoir circuler sur certaines routes publiques, la République de Pologne a manqué aux obligations lui incombant au titre des dispositions combinées des articles 3 et 7 de la directive 96/53/CE du Conseil, du 25 juillet 1996, fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international, telle que modifiée par la directive (UE) 2015/719 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015, lus en combinaison avec les points 3.1. et 3.4. de l’annexe I de la directive 96/53.
2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.
1 Langue originale : le français.
2 JO 1996, L 235, p. 59.
3 JO 2015, L 115, p. 1, ci-après la « directive 96/53 ».
4 En 2016, il avait augmenté de 5,1 % par rapport à 2015, selon les statistiques fournies par Eurostat.
5 JO 1985, L 2, p. 14.
6 JO 1986, L 221, p. 48.
7 JO 2007, L 263, p. 1. La catégorie M correspond, aux termes de l’annexe II, partie A, point 1.1., de la directive 2007/46, aux « [v]éhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues ». La catégorie N2 correspond, aux termes de l’annexe II, partie A, point 1.2.2., de cette directive, aux « [v]éhicules [conçus et construits pour le transport de marchandises] ayant une masse maximale supérieure à 3,5 tonnes, mais n’excédant pas 12 tonnes ». La catégorie N3 correspond, aux termes de l’annexe II, partie A, point 1.2.3., de ladite directive, aux « [v]éhicules [conçus et construits pour le transport de marchandises] ayant une masse maximale excédant 12 tonnes ».
8 Voir note en bas de page 9 des présentes conclusions.
9 Le point 1. est intitulé « Dimensions maximales autorisées des véhicules visés à l’article 1er[,] paragraphe 1[,] [sous] a) ». Le point 2. est relatif au « [p]oids maximal autorisé des véhicules (en tonnes) ».
10 Le poids maximal autorisé des véhicules concernés varie de 18 t à 44 t.
11 « Trains routiers à 5 ou 6 essieux [...] »
12 « Véhicules articulés à 5 ou 6 essieux [...] »
13 « Trains routiers à 4 essieux composés d’un véhicule à moteur à 2 essieux et d’une remorque à 2 essieux. »
14 « Véhicules articulés à 4 essieux composés d’un véhicule à moteur à 2 essieux et d’une semi-remorque à 2 essieux, [avec une distinction selon] l’écartement des essieux de la semi-remorque [...] »
15 « Véhicules à moteur [...] »
16 « Autobus articulés à 3 essieux. »
17 JO 1996, L 228, p. 1.
18 Décision du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport (JO 2010, L 204, p. 1).
19 Règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision n° 661/2010 (JO 2013, L 348, p. 1).
20 Par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision n° 884/2004/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, modifiant la décision n° 1692/96/CE sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport (JO 2004, L 167, p. 1), cette date a été remplacée par « 2020 ». Voir également considérants 1, 4 et 5 de cette décision.
21 JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’« acte d’adhésion de 2003 ».
22 JO 2002, L 67, p. 47.
23 Dz. U. n° 14, position 60.
24 Soit le 26 avril 2016, ainsi qu’il a été confirmé lors de l’audience.
25 Dz. U. de 2015, position 802.
26 Dz. U., n° 98, position 602.
27 Soit le 26 avril 2016, ainsi qu’il a été confirmé lors de l’audience.
28 L’article 2, point 35c), de la loi sur la circulation routière, cité par la République de Pologne, définit le terme « pilote » comme désignant la personne responsable de garantir la sécurité de la circulation routière et de réduire au minimum les entraves à la circulation routière, lors de la circulation du véhicule concerné.
29 Ce tableau précise les dimensions (longueur, largeur et hauteur) et les poids par essieu pour chacune de ces catégories.
30 À savoir l’autorisation d’emprunter les routes communales, de district et régionales.
31 À savoir l’autorisation d’emprunter les routes nationales.
32 Au taux de change du 26 avril 2016. Celui-ci sert de référence pour les sommes citées ultérieurement.
33 Dz. U. de 2012, position 366.
34 Dossier EU Pilot n° 5913/13/MOVE. La République de Pologne a précisé dans ses observations en duplique que l’Ogólnopolski Związek Pracodawców Transportu Drogowego (Association nationale des employeurs du secteur du transport routier, Pologne) a déposé une plainte auprès de la Commission.
35 Voir points 5 et 10 des présentes conclusions.
36 La Commission précise que ce lieu est aussi appelé « premier et dernier mille ».
37 Dz. U. de 2017, position 878.
38 À savoir pour les tronçons de routes relevant de sa compétence, soit les routes communales, de district ou régionales.
39 Au taux de change du 26 avril 2016 (voir note en bas de page 32 des présentes conclusions), ces sommes s’élevaient à environ 55 euros, 823 euros, 46 euros, 460 euros et 686 euros.
40 Voir points 51 et 52 des présentes conclusions.
41 À savoir le 25 mai 2017.
42 Pour le rappel des catégories, voir points 5 et 10 des présentes conclusions.
43 Voir points 17 et 19 des présentes conclusions.
44 Dans un tel cas, l’autorisation requise est de catégorie IV. Or la seule exception prévue en cas de chargement divisible concerne les véhicules autorisés à circuler au titre d’une autorisation de catégorie I ou II.
45 Sauf en cas de chargements divisibles de véhicules circulant sur certaines routes nationales.
46 Selon la réponse écrite à la quatrième question adressée par la Cour à la République de Pologne, la proportion était de 6 % sur la base des chiffres de la fin de l’année 2016.
47 Voir, en ce sens, Kronenberger, V., « Transport Policy », Die Verträge zur EU-Osterweiterung. Kommentar mit systematischen Erläunterungen, Berliner Wissenschafts-Verlag, Berlin, 2008, p. 297 à 322, en particulierpoints 33 à 36 et 54 (article en langue anglaise).
48 Il convient, à cet égard, de rappeler que certaines routes modernisées sont soumises au régime de circulation sous condition d’obtention d’une autorisation (voir point 89 des présentes conclusions).
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