Commission v Greece (Opinion) French Text [2018] EUECJ C-93/17_O (16 May 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/C9317_O.html
Cite as: ECLI:EU:C:2018:315, [2018] EUECJ C-93/17_O, EU:C:2018:315

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 16 mai 2018 (1)

Affaire C93/17

Commission européenne

contre

République hellénique

« Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant le manquement – Inexécution – Astreinte – Somme forfaitaire »






I.      Introduction

1.        Le présent dossier a pour origine un recours de la Commission européenne, au titre de l’article 260 TFUE, dirigé contre la République hellénique en raison de l’inexécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395). Dans cet arrêt, la Cour avait constaté qu’en n’ayant pas pris, dans le délai imparti, toutes les mesures nécessaires en vue de l’exécution de la décision 2009/610/CE de la Commission, du 2 juillet 2008, concernant les aides C 16/04 (ex NN 29/04, CP 71/02 et CP 133/05) octroyées par la Grèce à l’entreprise Hellenic Shipyards SA (2) et, en n’ayant pas présenté à la Commission, dans le délai imparti, les informations énumérées à l’article 19 de cette décision, la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2, 3, 5, 6, 8, 9 et 11 à 19 de ladite décision.

II.    Le cadre juridique

2.        L’article 346, paragraphe 1, TFUE dispose :

« Les dispositions des traités ne font pas obstacle aux règles ci-après :

[…]

b)      tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires. »

III. Les antécédents du litige

3.        En 1985, Hellenic Shipyards SA (Ellinika Nafpigeia AE, ci-après « EN »), propriétaire d’un chantier naval (civil et militaire) grec sis à Skaramagkas (Grèce), a cessé ses activités et a été mise en liquidation. En 1985 également, la banque étatique Elliniki Trapeza Viomichanikis Anaptixeos AE (ci-après « ETVA »), a acquis la majorité des actions d’EN. Le 18 septembre 1995, un contrat de vente de 49 % des actions d’EN à ses salariés a été signé.

4.        En 1998, la République hellénique a décidé de moderniser et d’élargir sa flotte de sous-marins. À cette fin, elle a conclu avec EN un contrat pour la construction de quatre sous-marins « HDW classe 214 » (contrat « Archimède ») et un contrat pour la modernisation de trois sous-marins « HDW classe 209 » (contrat « Neptune II »).

5.        Pour la construction et la modernisation de ces sous-marins, EN a conclu des contrats de sous-traitance avec Howaldtswerke-Deutsche Werft GmbH (ci-après « HDW ») et Ferrostaal AG (ci-après, prises ensemble, « HDW-Ferrostaal »).

6.        En 2001, la République hellénique a décidé de privatiser EN dans sa totalité. À la fin de la procédure de privatisation, HDW-Ferrostaal a acquis la totalité des actions d’EN. Au cours de l’année 2005, le groupe allemand ThyssenKrupp AG a racheté HDW ainsi que les actions détenues par Ferrostaal dans EN.

7.        Dans le cadre de la privatisation d’EN, la République hellénique a pris, au cours des années 1996 à 2003, un certain nombre de mesures, consistant en apports en capital, garanties, contre-garanties et prêts en faveur d’EN, qui ont fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission et du Conseil de l’Union européenne.

8.        Les articles 2, 3, 8, 9 et 11 à 15 de la décision 2009/610 stipulent que ces mesures sont des aides incompatibles avec le marché intérieur.

9.        Selon les articles 5 et 6 de cette décision, les aides y spécifiées, bien qu’autorisées auparavant par la Commission, ont été appliquées de manière abusive de sorte qu’il s’imposait de les récupérer.

10.      Aux termes de l’article 16 de la décision 2009/610, la garantie d’indemnisation fournie par ETVA à HDW-Ferrostaal, prévoyant l’indemnisation de cette dernière pour toute aide d’État qui serait récupérée auprès d’EN, constituait une aide mise en œuvre en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, elle aussi incompatible avec le marché intérieur et qu’il fallait immédiatement abolir.

11.      Constatant que les aides à récupérer n’avaient bénéficié qu’aux activités civiles d’EN, la Commission a décidé à l’article 17 de cette même décision que ces aides devaient être récupérées sur les actifs affectés à la partie civile des activités de cette société (3).

12.      L’article 18 de la décision 2009/610 a imposé à la République hellénique de procéder à la récupération immédiate et réelle des aides, telles que définies aux articles 2, 3, 5, 6, 8, 9 et 11 à 15 de cette décision. Selon cette disposition, la République hellénique devait prendre les mesures nécessaires à l’exécution de ladite décision dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification, soit à compter du 13 août 2008.

13.      Au vu de la situation économique difficile d’EN, la République hellénique a fait valoir que la récupération intégrale des aides en cause pouvait entraîner sa faillite et, par-là, affecter ses activités militaires (à savoir les contrats « Archimède » et « Neptune II »), de telle sorte qu’elle était susceptible de porter atteinte à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité au sens de l’article 346 TFUE.

14.      Saisie par la République hellénique, la Commission a reconnu qu’EN n’avait pas les fonds nécessaires pour rembourser l’aide (4) et lui a proposé de considérer sa décision comme exécutée si EN vendait ses actifs affectés aux activités civiles et utilisait les produits de cette vente pour rembourser à l’État grec le montant de l’aide, renonçait à la garantie d’indemnisation visée à l’article 16 de la décision 2009/610 ainsi qu’à ses droits exclusifs d’utilisation d’un terrain appartenant à l’État (il s’agit de la concession d’une cale sèche) qu’elle restituerait à l’État (puisque le terrain ne lui était pas nécessaire pour ses activités militaires) et interrompait ses activités civiles pour dix ans. Sur cette base, la Commission, la République hellénique et EN sont parvenues à un accord de principe le 8 juillet 2009.

15.      Au même moment, le groupe ThyssenKrupp est entré en négociations avec Abu Dhabi Mar LLC (ADM) (5) afin de lui transférer des actions d’EN. Au mois de décembre 2009, ADM a proposé de racheter 75,1 % de ces actions au prix d’un euro, 24,9 % restant la propriété du groupe ThyssenKrupp. Une des conditions de rachat était que la République hellénique amène la question de la récupération des aides d’État à une solution agréée par l’investisseur ADM.

16.      En mars 2010, la République hellénique, ADM, ThyssenKrupp, HDW et EN ont conclu un accord-cadre (« Framework Agreement ») dont l’article 11 se référait à l’obligation de la République hellénique de récupérer l’aide d’État et précisait qu’« une transaction tripartite entre la [Commission], la République hellénique et EN pour les demandes de récupération des aides d’État avait été négocié[e] en juillet 2009 et [que] son exécution définitive [était] en cours ». Selon cet article, « la République hellénique entrepren[nait] par la présente de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la clôture formelle du dossier, la transaction finale et la finalisation de cette procédure considérée par ADM comme une condition préalable à [l’achat des actions] » (6).

17.      Le 17 septembre 2010, les parties à cet accord-cadre ont également signé un accord d’exécution (« Implementation Agreement ») qui devait régler plusieurs différends concernant l’exécution des contrats « Archimède » et « Neptune II » et les modifiaient pour prendre en compte les nouveaux besoins de la marine de guerre. Cet accord prévoyait que la mise en liquidation d’EN ou toute autre procédure de faillite permettrait à la République hellénique de mettre fin à ces contrats. Ledit accord a été sanctionné et a acquis force de loi par la loi nº 3885/2010 (7).

18.      Le 22 septembre 2010, le groupe ThyssenKrupp a vendu 75,1 % des actions à Privinvest, ADM s’étant retirée de l’acquisition d’EN (8).

19.      Le 8 octobre 2010, estimant que la République hellénique ne s’était pas conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu de la décision 2009/610, la Commission a introduit, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, un recours en manquement contre la République hellénique ayant pour objet de faire constater qu’elle n’avait pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires pour se conformer à cette décision.

20.      Durant la période allant du mois de juin au mois d’octobre 2010, la Commission et la République hellénique avaient négocié les engagements que cette dernière ainsi qu’EN devraient prendre et mettre en œuvre pour exécuter la décision 2009/610 sans mettre EN en faillite ou compromettre l’exécution des programmes « Archimède » et « Neptune II » pour la marine de guerre.

21.      Dans leur version définitive (9), ces engagements étaient les suivants :

–        EN interromprait ses activités civiles pour une période de quinze ans, à compter du 1er octobre 2010 ;

–        Les actifs liés aux activités civiles (10) d’EN seraient vendus et le produit de la vente serait versé aux autorités grecques. Si les enchères n’amenaient pas à la vente de la totalité ou d’une partie de ces actifs civils, EN les transférerait à l’État grec à titre d’exécution alternative de l’obligation de récupération de l’aide. Dans ce cas, l’État grec devrait assurer qu’aucun desdits actifs ne serait à nouveau acquis par EN ou ses actionnaires actuels ou à venir pendant la période susmentionnée de quinze ans ;

–        EN renoncerait à la concession de la cale sèche dont l’utilisation n’était pas nécessaire pour la poursuite de ses activités militaires. L’État grec assurerait que cette concession et le terrain concerné par celle-ci ne seraient pas acquis à nouveau par EN ou ses actionnaires actuels ou à venir pendant la période susmentionnée de quinze ans ;

–        EN renoncerait à la garantie d’indemnisation visée à l’article 16 de la décision 2009/610 et n’entamerait aucune procédure basée sur ou en connexion avec celle-ci. La République hellénique devrait invoquer la nullité de cette garantie devant toute instance judiciaire ou extra-judiciaire ;

–        Dans les six mois suivant l’acceptation de la liste des engagements par la Commission, la République hellénique lui fournirait les preuves de la restitution de la cale sèche à l’État grec et les informations mises à jour relatives à la vente aux enchères des actifs civils. De plus, la République hellénique informerait annuellement la Commission sur l’état d’avancement de la récupération des aides incompatibles, y compris en présentant des preuves du fait qu’EN ne poursuivait plus d’activités civiles, des informations sur la propriété et l’utilisation des actifs restitués à l’État grec ainsi que sur l’utilisation du terrain visé par la concession de la cale sèche.

22.      Par lettre du 1er décembre 2010 (ci-après la « lettre du 1er décembre 2010 »), la Commission a informé la République hellénique que si ces engagements étaient entièrement respectés et mis en œuvre dans un délai de six mois à partir de sa lettre, elle considérerait la décision 2009/610 comme pleinement exécutée. Pour dissiper tout doute, la Commission a explicitement précisé que les actifs d’EN, affectés à ses activités civiles, devaient être vendus ou transférés à l’État grec dans les six mois suivant ladite lettre.

23.      Par son arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), la Cour a jugé qu’en n’ayant pas pris, dans le délai imparti, toutes les mesures nécessaires en vue de l’exécution de la décision 2009/610 et, en n’ayant pas présenté à la Commission, dans le délai imparti, les informations énumérées à l’article 19 de cette décision, la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2, 3, 5, 6, 8, 9 et 11 à 19 de ladite décision.

24.      En ce qui concernait la lettre du 1er décembre 2010, la Cour a jugé qu’« il ne ressort[ait] aucunement [de son] contenu […] qu’elle aurait remplacé la décision 2009/610, ainsi que le prétend[ait] [la République hellénique]. En effet, ladite lettre ne fai[sait] que prendre acte des derniers engagements des autorités helléniques et indiquer que, s’ils étaient effectivement mis à exécution, la Commission considérerait que la décision 2009/610 a[vait] été pleinement exécutée » (11).

IV.    La procédure précontentieuse

25.      À la suite du prononcé de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), la Commission et la République hellénique ont échangé plusieurs courriers sur l’état d’avancement de la récupération des aides incompatibles.

26.      La République hellénique a, dans ce contexte, adopté plusieurs mesures législatives concernant EN.

27.      En ce qui concerne la concession de la cale sèche, l’article 169, paragraphe 2, de la loi nº 4099/2012 (12) est libellé comme suit :

« Respect de la [lettre du 1er décembre 2010].

Dès l’entrée en vigueur de la présente loi, le droit d’usage exclusif, octroyé à [EN] à l’article 1, paragraphe 15, de la loi nº 2302/1995 […] tel que complété àl’article 6, paragraphe 1, de la loi nº 2941/2011, est aboli dans la mesure où il concerne la partie du terrain de l’État ABK 266 d’une surface de […] (216 663,985 m2) indiquée [sur le plan topographique publié à l’annexe I de la présente loi] ainsi que la zone littorale située devant le terrain public ABK susmentionné. »

28.      L’article 12 de la loi nº 4237/2014 (13) a introduit un moratoire suspendant toute forme d’exécution forcée contre le patrimoine mobilier et immobilier d’EN « [parce que ou dans la mesure où (14)] elle affecte la construction et l’entretien des sous-marins de la marine de guerre ».

29.      À l’article 26 de la loi nº 4258/2014 (15), l’État grec, en raison de la circonstance qu’EN n’avait pas respecté ses engagements contractuels pris à son égard dans le cadre des contrats « Archimède » et « Neptune II », a attribué à la marine de guerre le projet relatif à la construction et à la modernisation des sous-marins. Cette disposition prévoyait également que la marine de guerre poursuivrait sans contrepartie les travaux sur les sous-marins dans les installations d’EN et verserait les salaires et cotisations sociales des employés à titre d’indemnité pour leur travail.

30.      Le 27 novembre 2014, considérant que la décision 2009/610 n’avait pas encore été exécutée, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure aux autorités grecques conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE leur octroyant un délai d’exécution de deux mois.

31.      Par la lettre de mise en demeure, la Commission a noté qu’à cette date les autorités grecques n’avaient nullement récupéré le montant des aides incompatibles et ne lui avaient pas donné d’informations sur l’exécution de la décision 2009/610, ajoutant que ni elles ni EN n’avaient respecté leurs engagements repris dans ladite lettre.

32.      Plus spécifiquement, la Commission a considéré que la vente des actifs affectés aux activités civiles n’avait pas eu lieu et remarqué qu’EN contestait la liste des actifs devant faire l’objet d’une vente.

33.      En ce qui concerne la concession de la cale sèche, la Commission a estimé que, même si la loi nº 4099/2012 visait la restitution à l’État grec du terrain concerné par celle-ci, les autorités grecques n’avaient pas fourni à la Commission une carte délimitant le terrain restitué à l’État grec et des preuves qu’il n’était plus utilisé par EN ni prouvé la cessation des activités civiles, sauf à citer une décision que son conseil d’administration aurait prise à cet effet le 14 avril 2010 lors de sa 130e réunion.

34.      Selon la Commission, les autorités grecques n’avaient ni fourni de preuves démontrant que la garantie d’indemnisation avait été abolie et n’avait jamais été utilisée ni soumis à la Commission des rapports annuels concernant l’exécution de la décision 2009/610.

35.      Enfin, la Commission reprochait aux autorités grecques de ne pas avoir respecté leur obligation de ne pas octroyer de nouvelles aides à EN en accordant une aide monétaire aux salariés d’EN à la suite de la cessation du paiement des salaires à ses employés.

36.      En conclusion, la Commission a rappelé que, plus de six ans après la décision 2009/610, la République hellénique ne l’avait toujours pas exécutée et donc ne s’était pas conformée à l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

37.      Les autorités grecques ont répondu à la lettre de mise en demeure par la lettre du 23 janvier 2015. D’une part, elles y ont fait état de l’attitude d’obstruction et de l’absence de toute coopération de la part d’EN dans la mise en œuvre des engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010. D’autre part, elles ont invoqué le besoin qu’EN reste opérationnelle pour encore dix-huit à vingt mois afin que la marine de guerre puisse terminer, dans les installations d’EN, la construction et la modernisation des sous-marins prévues par les contrats « Archimède » et « Neptune II ».

38.      Le 4 décembre 2015, les autorités grecques ont adressé à EN un ordre de recouvrement s’élevant à 523 352 889,23 euros, ce qui représentait environ 80 % du montant à récupérer, y compris les intérêts jusqu’à la date du 30 novembre 2015. Au cours du mois de mars 2016, les autorités fiscales grecques ont adopté des actes d’exécution de l’ordre de recouvrement. Les juridictions grecques ont rejeté la demande de sursis à exécution présentée par EN. Lors de l’audience, la République hellénique a confirmé que les recours initiés par EN contre ces actes étaient toujours pendants.

39.      Ce n’est que le 3 février 2017 que les autorités fiscales ont engagé une procédure d’exécution forcée contre les actifs d’EN affectés à ses activités civiles dans le cadre de laquelle elles ont saisi deux cales flottantes le 21 mars 2017. Par ailleurs, le 6 février 2017, les autorités grecques ont procédé à des saisies-arrêts entre les mains de trois banques auprès desquelles EN détenait des comptes. Toutefois, aucune somme n’a été récupérée en raison de l’absence de fonds.

40.      Le 29 juin 2017, les autorités grecques ont envoyé une lettre à EN l’invitant à régler les 20 % restants du montant d’aide à récupérer (y compris les intérêts jusqu’au 30 juin 2017), à savoir 95 098 200,99 euros. Ce règlement n’ayant pas été effectué, les autorités fiscales ont été chargées de récupérer ce montant par lettre du 31 juillet 2017 du ministère de l’Économie.

41.      Le 13 octobre 2017, les autorités grecques ont engagé une procédure devant les juridictions grecques pour soumettre EN à la procédure de gestion spéciale instaurée à l’article 68 de la loi n° 4307/2014 (16). Par son arrêt nº 725/2018, du 8 mars 2018, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce) a fait droit à la demande des autorités grecques, a mis EN en gestion spéciale et a nommé un gestionnaire spécial.

V.      La procédure devant la Cour

42.      Le 22 février 2017, la Commission a introduit le présent recours sur la base de l’article 260, paragraphe 1, TFUE. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        constater que, faute d’avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;

–        condamner la République hellénique à verser une astreinte de 37 974 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), à compter du jour où sera rendu l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’au jour où sera exécuté l’arrêt rendu dans ladite affaire ;

–        condamner la République hellénique à verser une somme forfaitaire de 3 828 euros par jour, à compter du jour du prononcé de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ou jusqu’au jour où sera exécuté l’arrêt rendu dans ladite affaire, si cette exécution intervient avant ledit prononcé, et

–        condamner la République hellénique aux dépens.

43.      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le recours de la Commission, et

–        condamner la Commission aux dépens.

VI.    Les procédures arbitrales

A.      Les procédures arbitrales de la Chambre de commerce internationale (CCI)

44.      L’accord-cadre et l’accord d’exécution (17) contiennent des clauses compromissoires en vertu desquelles tout différend les concernant doit être réglé par voie d’arbitrage conformément au règlement d’arbitrage CCI. Ces clauses prévoient que le tribunal arbitral siégera à Athènes (Grèce) et statuera conformément au droit grec.

45.      Par sa requête d’arbitrage du 11 janvier 2013, EN et ses actionnaires (18) ont initié une procédure arbitrale (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF) contre la République hellénique pour violation de ces accords, ainsi que des contrats de construction et de modernisation des sous-marins conclus dans le cadre de ces accords (non-paiement des sommes dues). Entre autres demandes, EN et ses actionnaires ont demandé des dommages-intérêts pour violation par la République hellénique de son engagement de résoudre la question de la récupération des aides d’État de manière conforme à l’article 11 de l’accord-cadre. À cet égard, EN et ses actionnaires se plaignent de l’interdiction imposée par la République hellénique de prendre des commandes pour la marine de guerre des autres États et d’obtenir à nouveau la concession de la cale sèche.

46.      Par sa requête d’arbitrage du 23 avril 2014, la République hellénique a initié, sur la base de la même clause compromissoire, une procédure arbitrale (affaire CCI nº 20215/AGF/ZF (19)) contre EN et ses actionnaires pour violation de l’accord d’exécution et des contrats pour la construction et la modernisation des sous-marins, et notamment de l’obligation de livrer les sous-marins dans les conditions et les délais prévus. Dans le contexte de cette procédure arbitrale, la République hellénique reproche à EN de ne pas avoir coopéré avec elle pour la mise en œuvre des engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010.

47.      Le 27 mai 2014, EN et ses actionnaires ont introduit devant le tribunal arbitral CCI une demande en référé visant à obtenir la suspension de l’exécution de deux décisions du ministre de la Défense nationale et d’une décision du Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce) relatives au différend concernant la construction et la modernisation des sous-marins.

48.      Par ordonnance provisoire du 14 octobre 2014, le tribunal arbitral CCI a rejeté la demande. Il a jugé que l’article 12 de la loi nº 4237/2014 s’appliquait à tous les créanciers privés et publics, y incluses la République hellénique et ses institutions, et interdisait toute exécution contre les actifs d’EN (20).

49.      Le 12 mai 2016, EN et ses actionnaires ont saisi le tribunal arbitral CCI d’une autre demande en référé visant à obtenir la suspension de l’exécution de l’ordre de recouvrement émis par les autorités grecques le 4 décembre 2015 (21). Ils ont également demandé au tribunal arbitral CCI d’interdire aux autorités grecques d’initier une quelconque procédure de faillite contre EN pendant la procédure arbitrale.

50.      Par ordonnance provisoire du 5 août 2016, le tribunal arbitral CCI a rejeté cette demande d’EN et de ses actionnaires en jugeant qu’il ne pouvait interférer dans l’exécution de la décision 2009/610 (22). Il a, toutefois, jugé que le recouvrement de l’aide pourrait mettre EN en faillite et a donc interdit à la République hellénique de prendre une mesure de nationalisation d’EN, de prendre l’administration d’EN sous son contrôle ou de soumettre EN et ses actifs à une procédure d’insolvabilité, sans l’en informer préalablement (23).

51.      Le 10 avril 2017, EN et ses actionnaires ont de nouveau saisi le tribunal arbitral CCI d’une demande en référé visant à l’adoption de mesures conservatoires qui interdiraient à la République hellénique de soumettre EN à la procédure de gestion spéciale instaurée à l’article 68 de la loi nº 4307/2014.

52.      Par décision du 27 juin 2017, le tribunal arbitral CCI a rappelé que sa sentence était imminente. Il a donc jugé que l’ouverture d’une procédure de gestion spéciale à l’encontre d’EN aurait pour effet de priver les actionnaires d’EN de leur contrôle sur la société et que l’administrateur spécial, choisi par les créanciers, pourrait prendre des décisions affectant la position d’EN dans la procédure arbitrale. Dans ce contexte, le tribunal arbitral CCI a ordonné à la République hellénique de s’abstenir de toute mesure susceptible de changer le contrôle sur EN jusqu’au prononcé de la sentence finale (24).

53.      Par sa sentence définitive, le tribunal arbitral CCI a jugé, en ce qui concerne la présente affaire, qu’EN avait valablement accepté d’être privée de la concession de la cale sèche et que, par conséquent, la République hellénique n’avait pas violé l’article 11 de l’accord-cadre à cet égard. Il a également jugé qu’en n’autorisant pas EN à prendre des commandes pour la construction de navires de guerre pour d’autres pays, la République hellénique avait violé cette disposition. Toutefois, en l’absence d’un lien de causalité entre cette violation et le dommage subi par EN et ses actionnaires, ce tribunal arbitral n’a pas condamné la République hellénique au paiement de dommages-intérêts pour cette violation (25).

54.      Lors de l’audience, la République hellénique a informé la Cour qu’elle avait introduit devant les juridictions grecques un recours en annulation contre cette sentence. Cette procédure est toujours en cours.

B.      La procédure arbitrale devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI

55.      En leur qualité d’investisseurs dans EN, MM. Iskandar et Akram Safa, ressortissants libanais et actionnaires de Privinvest, ont initié une procédure arbitrale contre la République hellénique devant le CIRDI conformément à l’article 9 de l’accord entre la République libanaise et la République hellénique pour l’encouragement et la protection réciproques des investissements, conclu le 24 juillet 1997 (ci-après le « traité bilatéral d’investissement Grèce/Liban ») (26).

56.      MM. Safa estiment que plusieurs actions des autorités grecques, dont l’interdiction de prendre des commandes de navires pour des marines de guerre étrangères, constituent une violation de la protection accordée aux investisseurs libanais en Grèce par le traité bilatéral d’investissement Grèce/Liban.

57.      Cette procédure est actuellement pendante, les requérants ayant déposé leur mémoire sur le fond le 31 octobre 2017. Son contenu a été communiqué à la Commission le 9 mars 2018.

58.      Lors de l’audience, la Commission a informé la Cour des demandes de MM. Safa qui semblent reprendre plusieurs arguments présentés dans le cadre des procédures arbitrales CCI, dont notamment les assurances que la République hellénique leur aurait données concernant la non-récupération de l’aide, les droits d’utilisation de la cale sèche et l’interdiction de prendre des commandes pour la construction de navires pour les marines de guerre d’autres États.

59.      La Commission a demandé à la Cour de préciser dans son arrêt que, compte tenu du caractère fondamental des articles 107 et 108 TFUE pour l’ordre juridique de l’Union, la République hellénique serait tenue de ne pas se conformer à une sentence arbitrale rendue par le tribunal arbitral CIRDI dans la mesure où il condamnerait la République hellénique au paiement de dommages-intérêts pour la récupération éventuelle de l’aide ou les mesures prises à cette fin comme la liquidation d’EN.

VII. Sur le manquement

A.      Argumentation des parties

60.      Selon la Commission, la République hellénique a manqué à son obligation d’exécuter l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), puisqu’elle n’a pas récupéré « un seul euro » auprès d’EN conformément à la décision 2009/610 ni appliqué les mesures d’exécution alternative telles que détaillées dans sa lettre du 1er décembre 2010.

61.      En ce qui concerne la décision 2009/610, la Commission estime que, loin d’exécuter cette décision, la République hellénique a fait obstacle à toute exécution contre EN en instaurant le moratoire prévu à l’article 12 de la loi nº 4237/2014 (27).

62.      En ce qui concerne la lettre du 1er décembre 2010, la Commission soutient que la République hellénique ne s’est conformée à aucun des engagements qu’elle contient (28). Elle ajoute qu’au lieu d’exécuter l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), les autorités grecques semblent avoir octroyé de nouvelles aides à EN sous la forme d’une aide financière accordée à ses employés.

63.      En ce qui concerne l’invocation de l’article 346, paragraphe 1, TFUE par la République hellénique pendant la procédure précontentieuse, la Commission relève que les autorités grecques n’ont jamais invoqué une impossibilité absolue de récupérer les aides mais que, vu la situation économique d’EN, une récupération aurait entraîné la mise en faillite d’EN et sa liquidation, ce qui aurait eu un impact négatif sur les intérêts essentiels de la sécurité de la Grèce puisqu’elle aurait mis en péril l’exécution des contrats « Archimède » et « Neptune II » pour la construction et la modernisation des sous-marins.

64.      Or, selon la Commission, sa lettre du 1er décembre 2010 permettait aux autorités grecques d’exécuter la décision 2009/610 sans mettre en péril les intérêts essentiels de la sécurité de la République hellénique, mais ces mêmes autorités n’ont pas respecté les engagements auxquels se réfère cette lettre.

65.      En outre, la Commission conteste le bien-fondé même à l’heure actuelle des intérêts de sécurité invoqués par la République hellénique, puisque les autorités grecques n’ont jamais expliqué pourquoi la construction et la modernisation des sous-marins devaient nécessairement avoir lieu dans les installations d’EN et non dans celles d’autres chantiers navals grecs, et ce surtout après la mise à charge de la marine de guerre prévue à l’article 26 de la loi nº 4258/2014 du projet de construction et de modernisation des sous-marins.

66.      La République hellénique soutient qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

67.      En ce qui concerne la décision 2009/610, la République hellénique fait état des difficultés qu’elle a rencontrées afin de pouvoir identifier les actifs affectés aux activités civiles et exécuter l’article 17 de cette décision selon lequel l’aide devait être récupérée sur ces actifs d’EN.

68.      Selon la République hellénique, l’article 12 de la loi nº 4237/2014 ne constitue pas une mesure qui rende plus difficile la récupération de l’aide puisque le moratoire qu’elle a introduit ne fait obstacle à l’exécution forcée de créances que dans la mesure où cette exécution peut affecter les activités militaires d’EN. Elle relève que l’adoption des ordres de recouvrement et l’initiation de la procédure pour leur exécution prouvent que cette disposition ne rend pas plus difficile l’exécution de la décision 2009/610.

69.      En outre, les initiatives prises pour le recouvrement d’abord de 80 % du montant de l’aide à récupérer et ensuite des 20 % restants constituent une exécution de cette décision.

70.      En ce qui concerne la lettre du 1er décembre 2010, la République hellénique a fait état de l’absence de toute coopération de la part d’EN, qui était pourtant nécessaire pour la mise en œuvre des engagements contenus dans ladite lettre.

71.      À cet égard, elle soutient qu’en ce qui concerne la vente de ses actifs affectés aux activités civiles, d’une part, EN n’avait pris aucune mesure à cette fin et, d’autre part, que les autorités grecques ne pouvaient unilatéralement destituer EN de ces actifs sans éviter de sérieuses complications juridiques, notamment dans les procédures arbitrales.

72.      Concernant la concession de la cale sèche, la République hellénique considère qu’elle s’est pleinement conformée, au moyen de l’article 169, paragraphe 2, de la loi nº 4099/2012, à son obligation de l’abolir et de récupérer le terrain concerné. Elle considère que la restitution du terrain en cause à l’État grec est prouvée par les copies de l’enregistrement de cette opération au registre des hypothèques que les autorités grecques ont communiquées à la Commission.

73.      Quant à l’interdiction imposée à EN de poursuivre ses activités civiles pour une période de quinze ans à compter du 1er octobre 2010, la République hellénique considère que la décision prise à cet effet, le 14 avril 2010, par le conseil d’administration d’EN lors de sa 130e réunion suffit pour exécuter l’engagement pris dans la lettre du 1er décembre 2010. La République hellénique relève également qu’il n’existe pas la moindre preuve qu’EN ait poursuivi des activités civiles pendant la période d’interdiction.

74.      En ce qui concerne la garantie visée à l’article 16 de la décision 2009/610, la République hellénique soutient que, selon la lettre du 1er décembre 2010, il incombait à EN de ne pas initier de procédures sur la base ou en connexion avec la garantie d’indemnisation. En ce qui la concerne, la République hellénique n’a pour obligation que d’invoquer la nullité de cette garantie devant toute instance judiciaire ou extra-judiciaire. Pareille opportunité ne s’est pas encore présentée.

75.      Enfin, concernant les preuves que les autorités grecques devaient fournir à la Commission conformément à la lettre du 1er octobre 2010, la République hellénique relève qu’EN n’a pas publié de bilans après le 30 septembre 2011 en raison de sa mauvaise situation économique et de l’absence d’activités civiles. La République hellénique ajoute qu’étant donné l’absence de toute coopération de la part d’EN, elle ne voit pas de quelle manière elle pourrait contraindre EN à fournir à la Commission une liste des travaux effectués au sein du chantier naval.

76.      Enfin, face à l’absence de toute coopération de la part d’EN pour exécuter la décision 2009/610 de la manière prévue dans la lettre du 1er décembre 2010, la République hellénique considère qu’en principe, EN devrait faire l’objet d’une procédure de faillite. Or, en vue de l’exécution des contrats « Archimède » et « Neptune II » au chantier naval d’EN et du fait que l’ouverture d’une procédure de faillite couvrirait tout le patrimoine d’EN, civil et militaire, la République hellénique fait valoir que l’exécution de la décision 2009/610 par voie d’ouverture d’une procédure de faillite et, éventuellement, par liquidation d’EN se heurterait aux intérêts essentiels de sa sécurité protégés par l’article 346, paragraphe 1, TFUE.

B.      Appréciation

77.      D’emblée, il convient de noter que, conformément à une jurisprudence constante, la date de référence à retenir dans le cadre d’une procédure en « double manquement » pour apprécier l’existence d’un manquement est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE (29).

78.      En l’occurrence, la Commission ayant, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, envoyé à la République hellénique une lettre de mise en demeure le 27 novembre 2014, la date de référence pour constater l’existence d’un manquement est celle de l’expiration du délai de deux mois fixé dans cette lettre, à savoir le 27 janvier 2015.

1.      La décision 2009/610

79.      Il est manifeste qu’à cette date la République hellénique n’avait pas exécuté les articles 2, 3, 5, 6, 8, 9 et 11 à 15 de la décision 2009/610 puisqu’elle n’avait procédé à aucune mesure de récupération de l’aide. En effet, un ordre de recouvrement partiel pour un montant s’élevant à 523 352 889,23 euros, ce qui représentait environ 80 % du montant à récupérer, n’a été adopté que le 4 décembre 2015 (30), à savoir plus de dix mois après la date de référence.

80.      À mon avis, la question de savoir si l’article 12 de la loi nº 4237/2014 empêche, comme le soutient la Commission, le recouvrement de l’aide n’est pas pertinente, puisque, même si telle est l’interprétation à donner à ses termes ambigus (31), une loi nationale ne peut justifier la non-exécution d’une décision de la Commission comme celle en cause dans la présente affaire et, a fortiori, d’un arrêt de la Cour.

81.      En ce qui concerne l’article 16 de la décision 2009/610, qui impose à la République hellénique l’obligation d’abolir la garantie octroyée par ETVA à HDW-Ferrostaal, il convient de souligner que cette garantie a été octroyée par ETVA, une banque qui, depuis l’année 2002, n’appartient plus à l’État grec. Dans ce contexte, même si la République hellénique ne peut plus faire en sorte que le successeur en droit d’ETVA renonce à la garantie, lors de l’audience, la République hellénique n’a pas soutenu qu’il lui serait juridiquement impossible d’abolir la garantie en cause par une loi ou une autre mesure législative ayant cet effet. Or, pareille mesure n’avait pas été prise à la date de référence. Elle n’a donc pas exécuté l’article 16 de la décision 2009/610.

82.      Étant donné que l’exécution des articles 17 à 19 de la décision 2009/610 dépend de l’exécution des articles 2, 3, 5, 6, 8, 9 et 11 à 15, il est clair qu’à la date de référence, la République hellénique n’avait pas exécuté les articles 17 à 19 de cette décision et donc l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

2.      L’invocation de l’article 346, paragraphe 1, TFUE par la République hellénique

83.      La République hellénique invoque l’article 346, paragraphe 1, TFUE pour justifier l’inexécution de la décision 2009/610 en soutenant que l’ouverture d’une procédure de faillite à l’encontre d’EN afin de récupérer l’aide incompatible mettrait en cause l’exécution des contrats « Archimède » et « Neptune II » et se heurterait ainsi aux intérêts essentiels de sa sécurité.

84.      Cet argument doit être rejeté pour trois raisons.

85.      En premier lieu, d’une part, l’exécution d’une décision de récupération d’une aide incompatible n’implique pas nécessairement et inévitablement la faillite d’une entreprise en difficulté telle qu’EN. En effet, il existe des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre au niveau national contre les mesures de recouvrement susceptibles de lui permettre d’éviter un préjudice grave et irréparable résultant de la récupération de l’aide, tel que celui qui résulterait d’une liquidation (32). La liquidation n’est en effet qu’une mesure de dernier ressort pour la récupération de l’aide.

86.      D’autre part, à la date de référence, la République hellénique n’avait même pas émis l’ordre de recouvrement de l’aide alors que pareil ordre n’aurait pas mis EN en faillite (33) ni porté atteinte aux intérêts essentiels de sa sécurité. Elle n’avait donc pas pris la mesure la plus essentielle pour initier la récupération de l’aide.

87.      De plus, rien ne l’empêchait de demander auprès des juridictions grecques la mise en gestion spéciale d’EN, ce qui était déjà possible à la date de référence (à savoir le 27 janvier 2015), mais que la République hellénique n’a fait que le 17 octobre 2017 avec plus de deux ans de retard.

88.      En deuxième lieu, l’article 346, paragraphe 1, TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte (34) selon laquelle « les mesures relatives à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ne doivent pas altérer les conditions de concurrence dans le marché intérieur pour ce qui concerne d’autres produits, c’est-à-dire ceux non destinés à des fins spécifiquement militaires » (35).

89.      Or, la non-récupération de l’aide incompatible, octroyée au bénéfice des activités civiles d’EN, a l’effet contraire de celui voulu par cette disposition en ce qu’elle permet à la distorsion de la concurrence de perdurer. À cet égard, le fait qu’EN ne poursuit pas en fait une activité civile n’implique pas qu’il n’y a pas eu une distorsion de la concurrence.

90.      En troisième et dernier lieu, même si l’argument de la République hellénique était fondé, il faudrait encore constater que les engagements détaillés dans la lettre du 1er décembre 2010 ont été convenus, d’un commun accord, par la Commission, la République hellénique et EN pour exécuter la décision 2009/610 sans compromettre les intérêts essentiels de la sécurité de la République hellénique (36). En effet, comme l’a jugé la Cour, cette lettre « [n’a pas] remplacé la décision 2009/610, […] [et] ne fait que prendre acte des derniers engagements des autorités helléniques [ainsi qu’]indiquer que, s’ils étaient effectivement mis à exécution, la Commission considérerait que la décision 2009/610 a été pleinement exécutée » (37). Or, la République hellénique n’a pas respecté ses engagements.

3.      L’inexécution des engagements détaillés dans la lettre du 1er décembre 2010

a)      L’interruption des activités civiles d’EN

91.      En ce qui concerne l’interruption de la part d’EN de ses activités civiles pour une période de quinze ans, il convient d’abord de noter que, dans sa lettre d’engagement du 27 octobre 2010, EN avait accepté cette interruption et avait indiqué qu’elle fournirait, à cet égard, une décision de son conseil d’administration comme preuve de cette interruption (38).

92.      Toutefois, la décision prise le 14 avril 2010 par son conseil d’administration lors de sa 130e réunion et sur laquelle s’appuie la République hellénique ne vise pas cet engagement puisque celle-ci date d’avant la lettre d’engagement d’EN, du 27 octobre 2010, et ne contient aucune décision d’interruption des activités civiles pour une période de quinze ans. Au contraire, elle fait tout simplement état du fait que « l’activité non navale est actuellement entièrement interrompue ».

93.      Ensuite, comme cela ressort de la sentence définitive du tribunal arbitral CCI, Privinvest a clairement exprimé par lettre, du 24 novembre 2010, son désaccord avec les engagements pris par EN dans sa lettre du 27 octobre 2010 signée par l’ancienne direction, dont notamment l’interdiction de réacquisition des actifs civils et de la concession de la cale sèche (39). Vu ce désaccord de la part de son actionnaire majoritaire avec ces engagements, il ne me surprend pas que le conseil d’administration d’EN n’ait jamais pris une décision formelle d’interruption des activités civiles.

b)      La vente des actifs civils ou leur restitution à l’État grec

94.      En ce qui concerne la vente des actifs liés aux activités civiles d’EN, il était convenu entre les autorités grecques et EN que, si les enchères n’amenaient pas à la vente de la totalité ou d’une partie de ces actifs civils, EN les transférerait à l’État grec comme moyen alternatif d’exécution de l’obligation de récupération de l’aide.

95.      Même si EN n’a nullement coopéré avec les autorités grecques afin de mettre en œuvre cet engagement (40), il n’en demeure pas moins que l’État grec n’a pas utilisé les moyens de puissance publique à sa disposition pour saisir et récupérer ces actifs.

96.      À cet égard, la République hellénique fait valoir qu’elle ne pouvait unilatéralement destituer EN desdits actifs sans éviter de sérieuses complications juridiques, et notamment la détérioration de sa position dans la procédure arbitrale CCI lancée contre elle par EN et ses actionnaires (41).

97.      En effet, dans le cadre de leur procédure arbitrale, EN et ses actionnaires lui reprochaient l’intention de procéder, au moyen de l’exécution de la décision 2009/610 ou de la mise en œuvre des engagements contenus dans la lettre du 1er décembre 2010, à l’expropriation ou à la nationalisation d’EN.

98.      Par son ordonnance en référé (42), le tribunal arbitral CCI avait certes interdit à la République hellénique de prendre des mesures de nationalisation, de saisie ou de prise de possession des actifs d’EN sans l’en informer préalablement.

99.      En outre, pareille acquisition des actifs civils d’EN pouvait porter préjudice à la position de la République hellénique dans la procédure arbitrale CIRDI lancée contre elle par MM. Safa pour violation de la protection accordée aux investisseurs libanais en Grèce par le traité bilatéral d’investissement Grèce/Liban.

100. Toutefois, aucune de ces circonstances ne constitue une justification pour ne pas prendre les mesures nécessaires pour exécuter les engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010 afin d’exécuter la décision 2009/610, surtout à la lumière du fait qu’en signant la lettre d’engagement du 27 octobre 2010, EN avait consenti à la reprise par l’État grec de ses actifs affectés aux activités civiles en cas d’impossibilité de les vendre aux enchères.

c)      La concession de la cale sèche

101. La concession de la cale sèche a été octroyée à EN par l’article 1, paragraphe 15, de la loi nº 2302/1995. Par conséquent, elle ne pouvait être abolie que par une disposition législative, ce qui a été fait par l’article 169, paragraphe 2, de la loi nº 4099/2012.

102. Toutefois, tant le tribunal arbitral CCI que le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes) ont constaté qu’EN n’avait jamais restitué le terrain public visé par la concession de la cale sèche (43). En effet, comme EN et ses actionnaires contestaient l’engagement qu’elle avait pris dans la lettre du 27 octobre 2010 de restituer ce terrain à l’État grec, EN n’a jamais restitué ledit terrain

103. Par conséquent, la Commission considère correctement que l’article 169, paragraphe 2, de la loi nº 4099/2012 ne suffit pas par lui-même pour mettre en œuvre l’engagement en cause.

d)      La garantie d’indemnisation

104. Concernant la garantie d’indemnisation visée à l’article 16 de la décision 2009/610, il convient de noter que, selon la lettre du 1er décembre 2010, EN y renoncerait et n’introduirait aucune procédure sur la base de ou en connexion avec celle-ci. Il ne ressort pas du dossier que pareille renonciation ait eu lieu ni que la République hellénique ait aboli cette garantie par voie législative (44). Elle n’a donc pas respecté cet engagement.

e)      Les rapports annuels

105. Enfin, en ce qui concerne les rapports annuels relatifs à la mise en œuvre de la décision 2009/610 que les autorités grecques devaient établir et soumettre à la Commission, ils devaient contenir des preuves démontrant qu’EN ne poursuivait plus aucune activité civile et des informations concernant l’état (propriété et usage) des actifs récupérés par les autorités grecques.

106. Même si on pouvait accepter qu’en l’absence de bilans annuels établis par EN, il était difficile pour les autorités grecques de donner des preuves de l’interruption des activités civiles, il n’en demeure pas moins que les autorités grecques n’ont pas récupéré les actifs d’EN affectés à ses activités civiles conformément à l’engagement détaillé dans la lettre du 1er décembre 2010. Par conséquent, la République hellénique ne pouvait pas non plus respecter l’engagement d’établir les rapports annuels en cause visant la propriété et l’usage des actifs civils récupérés.

107. Il résulte de ce qui précède que la République hellénique n’a pas exécuté ses engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010. Elle s’est donc privée de l’opportunité d’exécuter la décision 2009/610 sans compromettre les intérêts essentiels de sa sécurité. Dans la mesure où elle pouvait mettre en œuvre les engagements contenus dans la lettre du 1er décembre 2010 et qu’elle ne l’a pas fait, elle ne peut se prévaloir de l’article 346, paragraphe 1, TFUE, même si pareil comportement a été dicté, en partie ou en totalité, par sa stratégie de défense dans les procédures arbitrales entre elle, EN et ses actionnaires.

108. Dans ces conditions, il convient de constater qu’en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

VIII. Sur les sanctions pécuniaires

109. Si la Cour juge que la République hellénique ne s’est pas conformée à son arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), elle peut, en application de l’article 260, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, infliger à cet État membre le paiement d’une astreinte et/ou d’une somme forfaitaire.

110. Eu égard à la nature différente des deux sanctions demandées par la Commission, il y a lieu d’examiner séparément la question de l’opportunité d’une condamnation de la République hellénique au paiement d’une astreinte et celle de sa condamnation au versement d’une somme forfaitaire, ainsi que, le cas échéant, la question du montant de ces sanctions.

A.      Sur l’astreinte

1.      Argumentation des parties

111. En se fondant sur sa communication sur l’application de l’article 260 TFUE (45), la Commission demande à la Cour de condamner la République hellénique au paiement d’une astreinte journalière de 34 974 euros.

112. Selon cette communication, le montant de l’astreinte journalière est calculé en multipliant un forfait de base uniforme de 670 euros par un coefficient de gravité et un coefficient de durée (46). Le résultat obtenu est ensuite multiplié par un facteur « n » prenant en compte à la fois la capacité de paiement de l’État membre incriminé et le nombre de voix dont il dispose au Conseil.

113. Afin de déterminer le coefficient de gravité (de « 1 à 20 »), la Commission a tenu compte du caractère fondamental des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, de l’effet préjudiciable que les aides incompatibles et non récupérées ont eu sur le secteur naval, du montant considérable de l’aide à récupérer, du fait que la République hellénique n’a pas, jusqu’à présent, récupéré un seul euro et de la répétition du comportement infractionnel de cet État membre dans le domaine des aides d’État. Sur cette base, elle a fixé le coefficient de gravité de l’infraction à la valeur « 5 ».

114. Quant à la durée de l’infraction, la Commission a tenu compte des 48 mois qui se sont écoulés entre le prononcé de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), et la date à laquelle elle a saisi la Cour, à savoir le 22 juillet 2016. Elle a sur cette base fixé le coefficient de durée au maximum possible, c’est-à-dire à la valeur « 3 ».

115. La République hellénique conteste les coefficients de gravité et de durée de l’infraction retenus par la Commission. À cet égard, elle fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte une série d’éléments qui affaiblissent la gravité de l’infraction, comme le fait qu’EN n’a plus aucune activité civile depuis l’année 2010 et ainsi n’exerce plus aucune pression concurrentielle sur d’autres entreprises du secteur naval. Elle fait également état de plusieurs difficultés qu’elle a rencontrées lors de l’exécution de la décision 2009/610 dont notamment la décision du tribunal arbitral CCI du 27 juin 2017 (47). Enfin, elle conteste la prétendue répétition du comportement infractionnel de sa part dans le domaine des aides d’État. Pour ces raisons, elle considère que les coefficients de gravité et de durée ne peuvent être supérieurs à « 1 ».

116. En ce qui concerne la capacité à payer, la Commission propose d’utiliser le facteur spécial « n » le plus récent au moment auquel l’arrêt sera rendu. Selon la communication de la Commission, ce facteur est calculé conformément à la formule suivante (48) :


117. En ce qui concerne la Grèce, la communication de la Commission la plus récente fixe ce facteur à 3,17 (49).

118. La République hellénique estime que le facteur spécial « » appliqué doit être le plus récent possible afin de tenir compte de la réduction considérable du PIB en Grèce. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte l’état réel de l’économie grecque et le fait que le pays est toujours soumis à un programme d’ajustement macroéconomique parce qu’il ne peut se financer efficacement sur les marchés financiers. Enfin, elle estime que le facteur spécial « n » n’est pas correctement calculé puisque, à partir du 1er avril 2017, le traité FUE a définitivement abandonné le système des voix pondérées au sein du Conseil (50) et l’a remplacé par un système de double majorité d’États membres et de populations selon lequel chaque État membre n’a qu’une seule voix au sein du Conseil. La République hellénique considère ainsi que les États membres dont la population et le PIB sont comparables aux siens ont subi une baisse sérieuse de leur influence au sein du Conseil.

2.      Appréciation

119. Selon une jurisprudence constante, « l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour » (51). De plus, l’astreinte ne doit être infligée que dans l’hypothèse où le manquement persisterait à la date du prononcé de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire (52).

120. En l’occurrence, j’estime que le manquement tiré de l’inexécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395) a au moins perduré jusqu’à la présentation des présentes conclusions. En effet, la République hellénique n’a exécuté ni la décision 2009/610, ni l’intégralité des engagements détaillés dans la lettre du 1er décembre 2010. Si la mise en gestion spéciale d’EN (53) est une étape nécessaire pour la récupération de l’aide déclarée incompatible par la décision 2009/610, elle n’est pas en soi suffisante pour considérer que la République hellénique a exécuté les obligations lui incombant en vertu de cette décision.

121. Dans ces conditions, j’estime que la condamnation de la République hellénique au paiement d’une astreinte constitue un moyen approprié d’assurer l’exécution complète de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

122. S’agissant du montant et de la forme de cette astreinte, la Cour a jugé qu’« il [lui] appartient […], dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, conformément à une jurisprudence constante, de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction constatée, ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [...]. Les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour […]. En effet, dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE, relative à un manquement qui persiste dans le chef d’un État membre nonobstant le fait que ce même manquement a déjà été constaté à l’occasion d’un premier arrêt rendu au titre […] de l’article 258 TFUE, la Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet État membre à mettre fin à l’inexécution des obligations découlant de ce premier arrêt de la Cour » (54).

123. Selon cette même jurisprudence, « [a]ux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence qu’il y a à amener l’État membre concerné à se conformer à ses obligations » (55).

124. En ce qui concerne, en premier lieu, la gravité de l’infraction, il convient de rappeler que les dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État ont un caractère fondamental puisqu’elles constituent l’expression d’une des missions essentielles conférées à l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous c), TFUE (56).

125. En l’occurrence, il suffit de constater que les autorités grecques n’ont pas, jusqu’à présent, récupéré un seul euro de l’aide incompatible afin de se conformer à l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395). Tout au contraire, le montant à récupérer augmente continuellement des intérêts applicables et excède, au moment de l’audience, 670 millions d’euros, soit plus de 2,6 fois le montant initial.

126. Le fait que, selon la République hellénique, EN ne poursuive plus d’activités civiles n’a aucune incidence sur la gravité de l’infraction, puisqu’il n’enlève en rien l’avantage économique qu’elle a obtenu sous la forme des aides d’État incompatibles pendant la période où elle poursuivait pareille activité.

127. Dans ces conditions, j’estime qu’en retenant un coefficient de gravité de « 5 », la Commission n’a pas correctement pris en compte la gravité de l’infraction dans sa proposition d’astreinte.

128. Si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, EU:C:2009:428), la Cour a imposé une astreinte journalière de 16 000 euros, somme qui selon la Commission correspond dans la présente affaire à un coefficient de gravité de « 3 », la Cour avait accepté que « les montants d’aide pour lesquels la [République hellénique] n’a[vait] pas rapporté la preuve d’une restitution ne constitu[aient] qu’une partie relativement faible par rapport à la somme totale ayant fait l’objet de la décision [de la Commission] » (57).

129. Or, en l’occurrence, l’absence de toute récupération de l’aide ou de mise en œuvre des engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010 est totale. Il me semble donc qu’un coefficient de gravité de « 5 » n’est pas du tout adapté aux circonstances de la présente affaire (58).

130. S’agissant, en deuxième lieu, de la durée de l’infraction qui doit être évaluée au moment de l’appréciation des faits par la Cour (59), je constate que presque six ans se seront écoulés depuis la date du prononcé de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395). La durée de l’infraction est donc considérable.

131. En effet, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible (60).

132. En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de la République hellénique, la Cour a constamment accepté, afin de calculer les sanctions financières, de tenir compte du PIB de l’État membre concerné et du nombre de voix dont il dispose au Conseil (61).

133. Concernant le PIB, la Cour a déjà jugé par rapport à la République hellénique, dont le PIB a fortement chuté depuis l’année 2010 à la suite de la crise de sa dette souveraine, qu’il fallait tenir compte de l’évolution récente de ce PIB (62).

134. À cette fin, il y a lieu de tenir compte du fait que le PIB grec a diminué de 25,5 % entre l’année 2010 et l’année 2016 (63).

135. En ce qui concerne le critère du nombre de voix dont dispose la République hellénique au sein du Conseil, il faut prendre en compte le fait que, comme le relève cet État membre, le système de pondération des voix n’y existe plus.

136. En revanche, le système de double majorité mis en place par l’article 16, paragraphe 4, TUE prévoit que « la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d’entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union ».

137. Toutefois, aucun de ces nouveaux critères n’est susceptible de remplacer adéquatement celui du nombre de voix dans le mécanisme de décision du Conseil.

138. En effet, s’agissant de la majorité des États membres, contrairement au système de pondération des voix, tous les États membres sont égaux en ce sens que chacun d’eux a une seule voix. Dans ces conditions, la formule utilisée par la Commission (64) ne peut plus s’appliquer.

139. À propos de la population, il n’est pas exclu que certains États membres ayant une population déterminée aient une moindre capacité de paiement que d’autres États membres ayant une population moins nombreuse. Ce critère est également dépourvu de pertinence pour le calcul de l’astreinte.

140. Pour ces raisons, je conclus qu’il faut abandonner le critère du nombre de voix dont l’État membre concerné dispose au Conseil, comme cela a déjà été fait par la Cour dans son arrêt du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98), puisque le nombre de voix n’intervient plus dans le processus de décision du Conseil et que la nouvelle règle de l’article 16, paragraphe 4, TUE ne fournit aucun critère satisfaisant de détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné (65).

141. Au vu de ces circonstances, dont notamment le montant considérable de l’aide à récupérer et la durée de l’infraction, et compte tenu de la nécessité d’inciter la République hellénique à mettre fin au manquement reproché, j’estime opportun de fixer une astreinte semestrielle au lieu d’une astreinte journalière.

142. En effet, je constate que pour l’exécution de la décision 2009/610 la Commission avait fixé un délai de quatre mois (66) et que, pour la mise en œuvre des engagements détaillés dans la lettre du 1er décembre 2010, la Commission avait donné un délai de six mois à la République hellénique et à EN. Cela me paraît évident étant donné que les mesures à prendre pour exécuter cette décision ou pour mettre en œuvre les engagements détaillés dans cette lettre, comme la vente des actifs aux enchères ou la prise de mesures législatives pour abolir la concession de la cale sèche, ne peuvent être prises d’un jour à l’autre. Cela revêt une importance particulière à présent puisque EN a été mise en gestion spéciale, procédure qui, selon l’article 69 de la loi nº 4307/2014, peut durer jusqu’à douze mois.

143. En ce qui concerne le montant de l’astreinte, je note que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405) et qui concernait l’environnement, la Cour a fixé une astreinte semestrielle de 14 520 000 euros puisque la République hellénique n’avait pris aucune mesure d’exécution de l’arrêt du 6 octobre 2005, Commission/Grèce (C‑502/03, non publié, EU:C:2005:592), alors que la Commission avait proposé une astreinte journalière de 71 193,60 euros (ce qui aurait correspondu à une astreinte semestrielle de 12 814 848 euros).

144. Compte tenu de ce qui précède et plus particulièrement de la gravité et de la durée de l’infraction, mais aussi de la diminution du PIB grec ces dernières années, je propose de fixer l’astreinte semestrielle à 9 500 000 euros, soit environ 1,5 % du montant de l’aide à récupérer (67).

145. Si la Cour peut fixer une astreinte dégressive pour tenir compte du progrès éventuellement réalisé par l’État membre concerné, j’estime qu’une astreinte progressive peut aussi être fixée dans l’éventualité où l’État membre continuerait à ne pas se conformer au premier arrêt de la Cour. En l’occurrence, l’astreinte pourrait augmenter de 2 000 000 euros par semestre jusqu’au moment où la République hellénique se sera conformée pleinement et entièrement à l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

146. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de condamner la République hellénique à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne », à compter du jour du prononcé de l’arrêt à venir dans la présente affaire et jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), une astreinte semestrielle de 9 500 000 euros qui sera augmentée de 2 000 000 euros pour chaque semestre suivant le premier semestre après le prononcé de l’arrêt à venir dans la présente affaire et jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

B.      Sur la somme forfaitaire

1.      Argumentation des parties

147. Pour ce qui est du montant d’une somme forfaitaire, la Commission propose à la Cour de la déterminer en multipliant un montant journalier par le nombre de jours de persistance de l’infraction.

148. La Commission propose d’appliquer, pour le calcul de la somme forfaitaire, le même coefficient de gravité, à savoir « 5 », et le même facteur « n » que dans le cadre de l’astreinte. En revanche, le forfait de base pour calculer la somme forfaitaire serait fixé à 220 euros par jour. À la différence du calcul de l’astreinte, un coefficient de durée ne serait pas appliqué.

149. Sur cette base, la Commission propose l’adoption d’une somme forfaitaire calculée en multipliant le montant de 3 828 euros par le nombre de jours écoulés entre le prononcé de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), et la date de l’exécution par la République hellénique de ses obligations ou, à défaut, celle du prononcé de l’arrêt à venir dans la présente affaire.

150. La République hellénique n’a pas présenté d’arguments spécifiques à la somme forfaitaire. Dans la mesure où, pour son calcul, la Commission utilise des critères identiques à ceux utilisés pour le calcul de l’astreinte, comme la gravité et la durée de l’infraction, il s’impose de tenir compte des arguments présentés par la République hellénique par rapport à l’astreinte.

2.      Appréciation

151. La Cour a déjà jugé qu’elle était habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (68).

152. Selon la Cour, « [l]e principe de la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose essentiellement sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période, postérieurement au prononcé de l’arrêt qui l’a initialement constaté » (69).

153. Par ailleurs, « [c]ette condamnation doit, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non de cette sanction » (70).

154. Dans le présent litige, comme le relève la Commission, il existe un comportement infractionnel répété de la part de la République hellénique dans le domaine des aides d’État (71). Cet élément et, notamment dans la présente affaire, l’absence de récupération d’un seul euro afin de se conformer à l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), constituent des indicateurs suffisants de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire (72).

155. Dans ces circonstances, la Cour fixe le montant de cette somme de façon à ce qu’elle soit adaptée aux circonstances de l’espèce et proportionnée à l’infraction commise (73). Dans ce contexte, elle tient compte de la gravité constatée, de sa durée ainsi que de la capacité de paiement de l’État membre concerné (74).

156. Le présent dossier contient plusieurs éléments qui font douter de l’existence d’une véritable volonté de la part des autorités grecques d’exécuter la décision 2009/610 ou de mettre pleinement en œuvre leurs engagements contenus dans la lettre du 1er décembre 2010.

157. À cet égard, il convient de noter qu’à l’article 11 de l’accord-cadre, la République hellénique avait, pour l’essentiel, promis à EN et à ses actionnaires (anciens et nouveaux) d’obtenir d’une manière définitive de la Commission que l’exécution de la décision 2009/610 intervienne sans qu’EN soit obligée de rembourser les montants des aides, et ce au mois de mars 2010, c’est-à-dire avant même que la Commission ait approuvé la liste des engagements repris dans la lettre du 1er décembre 2010 et avant même qu’EN ne les ait formellement acceptés.

158. Or, la République hellénique ne pouvait valablement faire cette promesse à EN et ses acquéreurs, même si elle était exigée par ADM (et ensuite par Privinvest) comme condition préalable au rachat de 75,1 % des actions d’EN (75). En effet, pareille promesse qui méconnaît le caractère impératif du droit de l’Union en matière des aides d’État est invalide.

159. De plus, les autorités grecques n’ont pas considéré la récupération de l’aide incompatible comme une priorité et ont au contraire agi de telle sorte que finalement la récupération traîne, en prenant des mesures certes nécessaires à cette fin mais insuffisantes et, en outre, de façon extrêmement lente. En raison de ce comportement dilatoire, le montant d’aide à récupérer est passé avec les intérêts de retard, de 256 000 000 euros à 670 000 000 euros.

160. Par exemple, les autorités grecques n’ont adressé à EN le premier ordre de recouvrement de l’aide incompatible que le 4 décembre 2015 (76), à savoir onze mois après la lettre de mise en demeure de la Commission et plus de trois ans après l’arrêt en manquement du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395). Elles n’ont demandé la mise en gestion spéciale d’EN que le 13 octobre 2017, à savoir presque deux ans après l’émission du premier ordre de recouvrement.

161. De plus, même lorsqu’il est apparu qu’EN et ses actionnaires ne coopéreraient pas à la mise en œuvre des engagements contenus dans la lettre du 1er décembre 2010, la République hellénique n’a pris aucune mesure pour ouvrir une procédure de faillite ou de gestion spéciale contre EN afin de récupérer l’aide, et ce même si les juridictions grecques ont rejeté la demande de sursis à l’exécution présentée par EN à l’encontre des ordres de recouvrement (77).

162. Certes, par l’ordonnance provisoire du 5 août 2016, le tribunal arbitral CCI avait interdit à la République hellénique d’ouvrir une procédure de faillite à l’encontre d’EN sans l’informer préalablement et, par la décision du 27 juin 2017, avait ordonné à la République hellénique de s’abstenir de toute mesure susceptible de changer le contrôle sur EN jusqu’au prononcé de la sentence finale, interdiction qui incluait la procédure de gestion spéciale.

163. Toutefois, le droit applicable au différend entre EN, ses actionnaires et la République hellénique est le droit grec et la procédure arbitrale CCI est soumise à ce droit puisque le siège du tribunal arbitral CCI a été fixé à Athènes (Grèce). Étant donné que le droit de l’Union fait partie du droit grec (78), d’une part, ce tribunal ne pouvait valablement empêcher la République hellénique d’ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’EN en tant que mesure de dernier ressort pour récupérer l’aide incompatible et, d’autre part, la République hellénique ne peut justifier la non-exécution de la décision 2009/610 en s’appuyant sur les ordonnances dudit tribunal.

164. Sur la base de ce qui précède et tenant compte de la diminution du PIB grec de 25,5 % entre les années 2010 et 2016, j’estime approprié de proposer à la Cour de condamner la République hellénique au paiement d’une somme forfaitaire de 13 000 000 euros, soit environ 2 % de l’aide à récupérer.

IX.    Remarque finale

165. Lors de l’audience, la Commission a demandé une clarification de la part de la Cour concernant l’exécution par la République hellénique d’une sentence arbitrale qui serait rendue dans la procédure arbitrale CIRDI et la condamnerait au paiement de dommages-intérêts pour la récupération éventuelle de l’aide ou les mesures prises à cette fin comme la liquidation d’EN (79).

166. Dans l’arrêt à venir dans la présente affaire, la Cour ne peut traiter que les griefs invoqués par la Commission dans sa lettre de mise en demeure adressée à la République hellénique. Pareille qualification ne peut être retenue pour la demande de clarification de la Commission.

167. Par conséquent, cette demande de la Commission ne pourrait être traitée que dans le cadre d’un recours en manquement distinct visant à constater qu’en se conformant à pareille sentence, la République hellénique aurait méconnu ses obligations découlant du traité FUE.

168. Enfin, de toute façon, il n’y a pas à l’heure actuelle aucune sentence dans la procédure arbitrale CIRDI en cause.

X.      Sur les dépens

169. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

XI.    Conclusion

170. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

1)      En n’ayant pas pris les mesures en vue de l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet arrêt et de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

2)      La République hellénique est condamnée à payer à la Commission européenne, sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne », à compter du jour du prononcé de l’arrêt à venir dans la présente affaire et jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), une astreinte semestrielle de 9 500 000 euros qui sera augmentée de 2 millions d’euros pour chaque semestre suivant le premier semestre après le prononcé de l’arrêt à venir dans la présente affaire jusqu’à l’exécution de l’arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395).

3)      La République hellénique est condamnée à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de l’Union européenne », une somme forfaitaire de 13 000 000 euros.

4)      La République hellénique est condamnée aux dépens.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2009, L 225, p. 104.


3      Selon la Commission, le montant des aides (hors intérêts) à récupérer avait été alors estimé, de façon provisoire, à environ 256 millions d’euros.


4      Au mois d’octobre 2010, le montant total à récupérer, y inclus les intérêts, s’élevait à environ 539 millions d’euros.


5      ADM est un groupe de sociétés spécialisées dans la construction de bateaux de guerre et de yachts de loisir dont 70 % des actions appartiennent au groupe Al-Ain contrôlé par le sheikh Hamdan Bin Zayed Al Nahyan et 30 % au groupe Privinvest contrôlé par un ressortissant libanais, M. Safa.


6      « A tripartite settlement between the European Commission, the Hellenic Republic and [EN] for the state aid recovery claims has been negotiated in July 2009 and currently its final execution is pending. The Hellenic Republic is herewith undertaking to immediately take all necessary measures to secure the formal closing of the file and final settlement and completion of this procedure which is regarded by ADM as a condition precedent for the [share purchase]. »


7      FEK A’ 171/29.9.2012.


8      Il semble que la raison du retrait d’ADM était le fait que la République hellénique ne pouvait permettre à EN d’utiliser la cale sèche et n’avait pas pu garantir qu’EN recevrait des commandes de construction d’un nombre important de navires pour la marine de guerre grecque.


9      EN a signé sa lettre d’engagement le 27 octobre 2010 et la République hellénique a signé la sienne le 29 octobre 2010.


10      Il s’agissait de deux cales sèches flottantes, d’une grue flottante, de deux remorqueurs, de seize parcelles de terre dont le propriétaire était EN et de la cale sèche nº 5 avec le terrain adjacent (parcelle nº 8) concédés à EN par l’État grec.


11      Arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395, point 38).


12      FEK A’ 250/20.12.2012.


13      FEK A’ 36/12.2.2014.


14      La disposition en cause utilise le mot « καθόσον » qui peut être compris dans les deux sens.


15      FEK A’ 94/14.4.2014.


16      FEK A’ 246/15.11.2014.


17      Voir points 16 et 17 des présentes conclusions.


18      Le groupe ThyssenKrupp n’est pas partie à cette procédure.


19      Affaire en cours.


20      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF), ordonnance provisoire du 14 octobre 2014, points 111 à 114. Voir, également, en ce sens, Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF/AYZ) sentence définitive du 29 septembre 2017, points 619 à 620.


21      Voir point 38 des présentes conclusions.


22      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF), ordonnance provisoire du 5 août 2016, points 75, 76 et 92(1).


23      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF), ordonnance provisoire du 5 août 2016, points 84 à 86 et 92(2).


24      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI n° 18675/GZ/MHM/AGF/ZF/AYZ), décision du 27 juin 2017, points 19 à 24.


25      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI n° 18675/GZ/MHM/AGF/ZF/AYZ) sentence définitive du 29 septembre 2017, points 1427 à 1634 (sous « Claim 4 : EU State aid »).


26      Voir Iskandar Safa et Akram Safa c/ République hellénique (affaire CIRDI nº ARB/16/20) enregistrée par le secrétaire général du CIRDI le 5 juillet 2016.


27      Voir point 28 des présentes conclusions.


28      Voir points 20 et 22 des présentes conclusions.


29      Voir arrêts du 17 octobre 2013, Commission/Belgique (C‑533/11, EU:C:2013:659, point 32) ; du 13 mai 2014, Commission/Espagne (C‑184/11, EU:C:2014:316, point 35) ; du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 27), et Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 45), ainsi que du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 49).


30      Voir point 38 des présentes conclusions.


31      Le tribunal arbitral CCI partage le même avis que la Commission sur l’interprétation de l’article 12 de la loi nº 4237/2014. Voir points 28 et 48 des présentes conclusions.


32      Voir ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/CommissionAlcoa Trasformazioni/CommissionAlcoa Trasformazioni/Commission [C‑446/10 P(R), non publiée, EU:C:2011:829, point 46 et jurisprudence citée].


33      Voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Commission/France (C‑63/14, EU:C:2015:458, point 54).


34      Voir arrêts du 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimiInsinööritoimisto InsTiimiInsinööritoimisto InsTiimi (C‑615/10, EU:C:2012:324, point 35), et du 28 février 2013, Ellinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/Commission (C‑246/12 P, non publié, EU:C:2013:133, point 17).


35      Arrêt du 28 février 2013, Ellinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/CommissionEllinika Nafpigeia/Commission (C‑246/12 P, non publié, EU:C:2013:133, point 20).


36      Voir points 20 et 21 des présentes conclusions.


37      Arrêt du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395, point 38).


38      Cette question est distincte de celle de savoir si EN a de facto interrompu ses activités civiles en raison de l’absence de travail.


39      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF/AYZ) sentence définitive du 29 septembre 2017, points 341 à 348.


40      Voir point 93 des présentes conclusions.


41      Les procédures arbitrales lancées dans la présente affaire démontrent que les juridictions arbitrales commerciales sont amenées à traiter des questions du droit de l’Union, y compris en matière d’aides d’État. L’impossibilité de principe pour elles de poser des questions préjudicielles à la Cour (que celle-ci a récemment confirmée pour des juridictions arbitrales établies par des accords entre États membres [voir, notamment, arrêt du 6 mars 2018, Achmea, (C‑284/16, EU:C:2018:158, points 45 à 49)]) pose problème pour l’unité d’application et d’interprétation du droit de l’Union, surtout dans des domaines les plus sensibles comme celui du droit de la concurrence et des aides d’État.


42      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF), ordonnance provisoire du 5 août 2016, points 79 à 86 et 92(2).


43      Voir Hellenic Shipyards e.a. c/ République hellénique (affaire CCI nº 18675/GZ/MHM/AGF/ZF/AYZ) sentence définitive du 29 septembre 2017, points 373, 374, 422,424 et 573 à 578, ainsi qu’arrêt nº 725/2018, du 8 mars 2018, du Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes), p. 13.


44      Voir point 81 des présentes conclusions.


45      Voir communication de la Commission SEC(2005) 1658 du 13 décembre 2005 (JO 2007, C 126, p. 15), telle que mise à jour par la communication de la Commission — Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction (JO 2017, C 431, p. 3). Dans la présente affaire, la Commission a utilisé sa communication C(2015) 5511 final du 5 août 2015.


46      Le coefficient de gravité va de « 1 à 20 ». Le coefficient de durée est de « 0,10 » par mois de durée de l’infraction.


47      Voir points 51 et 52 des présentes conclusions.


48      PIB n = produit intérieur brut (PIB) de l’État membre concerné, en millions d’euros, PIB Lux = PIB du Luxembourg, Voix n = nombre de voix dont dispose l’État membre concerné au Conseil selon la pondération établie à l’article 205 du TCE, Voix Lux = nombre de voix du Luxembourg.


49      Voir communication de la Commission — Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice dans le cadre de procédures d’infraction (JO 2017, C 431, p. 3).


50      Voir article 16, paragraphe 4, TUE et article 3, paragraphe 3, du protocole (nº 36) sur les dispositions transitoires (JO 2012, C 326, p. 322).


51      Arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 47) et jurisprudence citée. Voir également, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 87), et arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471, point 61).


52      Voir arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 51).


53      Voir point 41 des présentes conclusions.


54      Arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 52 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, points 95 et 96 ainsi que jurisprudence citée).


55      Arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 53 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 97) ; du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471, point 70), ainsi que du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 92).


56      Voir arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, EU:C:2009:428, points 118 à 121 et jurisprudence citée). Voir également, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne (C‑610/10, EU:C:2012:781, points 125 à 127).


57      Voir arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, EU:C:2009:428, point 122).


58      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France (C‑304/02, EU:C:2005:444), la Commission avait retenu un coefficient de gravité de « 10 ». Elle reprochait à la République française un défaut de conformité de la mesure du maillage minimal des filets à la réglementation de l’Union, l’insuffisance des contrôles permettant la mise en vente de poissons sous-taille, et une attitude permissive des autorités françaises dans la poursuite des infractions. Lors de l’audience, la Commission a affirmé que, dans certaines affaires de « double manquement » en matière d’aides d’État, elle avait utilisé des coefficients de gravité allant jusqu’à « 7 ou 8 ».


59      Voir arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 57 et jurisprudence citée).


60      Voir arrêts du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471, point 77 et jurisprudence citée), et du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 100).


61      Voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Commission/Grèce (C‑387/97, EU:C:2000:356, point 88) ; du 25 novembre 2003, Commission/Espagne (C‑278/01, EU:C:2003:635, point 59) ; du 10 janvier 2008, Commission/Portugal (C‑70/06, EU:C:2008:3, point 48), ainsi que du 4 juin 2009, Commission/Grèce (C‑109/08, EU:C:2009:346, point 42).


62      Voir arrêts du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 58), et du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 101).


63      Voir arrêt du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 101). Lors de l’audience, ni la Commission ni la République hellénique n’ont donné de chiffres plus récents.


64      Voir point 116 des présentes conclusions.


65      Il serait opportun que la Commission adapte sa communication à la nouvelle règle de décision à la majorité qualifiée au Conseil.


66      Voir article 18, paragraphe 5 de cette décision.


67      La proposition de la Commission donnerait lieu à un montant semestriel d’environ 6 300 000 euros.


68      Voir arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 71 et jurisprudence citée), ainsi que du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 116 et jurisprudence citée).


69      Arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 72 et jurisprudence citée).


70      Arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 73 et jurisprudence citée), et du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 117 et jurisprudence citée).


71      Voir arrêts du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, EU:C:2009:428) ; du 1er mars 2012, Commission/Grèce (C‑354/10, non publié, EU:C:2012:109) ; du 17 octobre 2013, Commission/Grèce (C‑263/12, non publié, EU:C:2013:673) ; du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845), ainsi que du 17 janvier 2018, Commission/Grèce (C‑363/16, EU:C:2018:12).


72      Voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 74) et Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, points 115 et 116).


73      Voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, point 75) et Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 117) ; du 22 juin 2016, Commission/Portugal (C‑557/14, EU:C:2016:471, point 94), ainsi que du 22 février 2018, Commission/Grèce (C‑328/16, EU:C:2018:98, point 119).


74      Voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2014, Commission/Grèce (C‑378/13, EU:C:2014:2405, points 76 et 77 et jurisprudence citée) et Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 118 et jurisprudence citée).


75      Voir points 15 et 16 des présentes conclusions. Le tribunal arbitral CCI a ainsi complètement méconnu que la République hellénique ne pouvait permettre à EN de prendre des commandes de construction de navires de guerre pour d’autres pays, puisque l’article 346, paragraphe 1, TFUE ne protège que les intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre concerné. Ainsi, pareilles commandes, surtout pour des pays tiers, constitueraient une activité civile interdite par la lettre du 1er décembre 2010 et abandonnée par EN dans sa lettre d’engagement du 27 octobre 2010.


76      Voir point 38 des présentes conclusions.


77      Voir point 38 des présentes conclusions.


78      Voir arrêt du 6 mars 2018, Achmea (C‑284/16, EU:C:2018:158, point 41).


79      Voir points 58 et 59 des présentes conclusions.

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