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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Apimab Laboratoires and Others v Commission (Approximation of laws - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-14/16 (11 September 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T1416.html Cite as: EU:T:2018:524, [2018] EUECJ T-14/16, ECLI:EU:T:2018:524 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
11 septembre 2018 (*)
« Protection des consommateurs – Fixation de teneurs maximales en hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les compléments alimentaires – Règlement (CEE) no 315/93 – Analyse des risques – Règlement (CE) no 178/2002 – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Principe de non-discrimination »
Dans l’affaire T‑14/16,
Apimab Laboratoires, établie à Clermont-l’Hérault (France), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Me A. de Brosses, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes K. Herbout-Borczak et C. Valero, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle du règlement (UE) 2015/1933 de la Commission, du 27 octobre 2015, modifiant le règlement (CE) no 1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en hydrocarbures aromatiques polycycliques dans la fibre de cacao, les chips de banane, les compléments alimentaires, les herbes séchées et les épices séchées (JO 2015, L 282, p. 11),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur) et B. Berke, juges,
greffier : Mme N. Schall, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 novembre 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Les requérants, Apimab Laboratoires et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, sont des opérateurs économiques, à savoir des fabricants et des commerçants, dans le secteur des compléments alimentaires.
2 Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont une sous-catégorie de contaminants.
3 Le règlement (CEE) no 315/93 du Conseil, du 8 février 1993, portant établissement des procédures communautaires relatives aux contaminants dans les denrées alimentaires (JO 1993, L 37, p. 1), dans sa version applicable au présent litige, constitue le règlement de base sur les contaminants.
4 L’article 1er, deuxième alinéa, du règlement no 315/93 définit les contaminants comme suit :
« On entend par “contaminant” toute substance qui n’est pas intentionnellement ajoutée à la denrée alimentaire, mais qui est cependant présente dans celle-ci comme un résidu de la production (y compris les traitements appliqués aux cultures et au bétail et dans la pratique de la médecine vétérinaire), de la fabrication, de la transformation, de la préparation, du traitement, du conditionnement, de l’emballage, du transport ou du stockage de ladite denrée, ou à la suite de la contamination par l’environnement. Les matières étrangères telles que, par exemple, débris d’insectes, poils d’animaux et autres ne sont pas couvertes par cette définition. »
5 Aux termes de l’article 2 du règlement no 315/93 :
« 1. La mise sur le marché de denrées alimentaires contenant une quantité inacceptable, du point de vue de la santé publique et en particulier sur le plan toxicologique, d’un contaminant est interdite.
2. Les teneurs en contaminants doivent en outre être maintenues aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques au cours de toutes les étapes visées à l’article 1er.
3. Afin de protéger la santé publique et en application du paragraphe 1, la Commission peut, le cas échéant, fixer des tolérances maximales en ce qui concerne certains contaminants. Ces mesures, qui visent à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 8, paragraphe 3. »
6 L’article 3 du règlement no 315/93 dispose ce qui suit :
« Les dispositions pouvant avoir des effets sur la santé publique doivent être adoptées après consultation du comité scientifique de l’alimentation humaine. »
7 L’article 8, paragraphe 3, du règlement no 315/93 précise que, dans le cas où il est fait référence audit paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23), s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de cette décision.
8 Sur la base de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, la Commission européenne a adopté des règlements d’exécution définissant des teneurs maximales en HAP dans des denrées alimentaires.
9 Dans ce contexte, le règlement (CE) no 1881/2006 de la Commission, du 19 décembre 2006, portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires (JO 2006, L 364, p. 5), a, notamment, été adopté.
10 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1881/2006 prévoit l’interdiction de la mise sur le marché des denrées alimentaires visées en annexe de ce règlement lorsqu’elles contiennent un contaminant, mentionné à ladite annexe, ayant une teneur dépassant la teneur maximale prévue par celle-ci.
11 L’annexe du règlement no 1881/2006 contient une section 6 fixant des teneurs maximales en HAP pour certaines denrées alimentaires.
12 Le 19 août 2011, la Commission, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, a adopté le règlement no 835/2011 modifiant le règlement no 1881/2006 (JO 2011, L 215, p. 4). L’adoption du règlement no 835/2011 a été précédée par l’adoption d’un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 9 juin 2008, intitulé « Polycyclic Aromatic Hydrocarbons in Food, Scientific Opinion of the Panel Contaminants in the Food Chain » (Hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les denrées alimentaires, opinion scientifique du groupe sur les contaminants dans la chaine alimentaire) (ci-après l’« avis de l’EFSA de 2008 »).
13 Le règlement no 835/2011 ne réglementait pas les teneurs en HAP dans les compléments alimentaires. À cet égard, son considérant 21 énonçait ce qui suit :
« Des teneurs élevées en HAP ont été décelées dans certains compléments alimentaires. Néanmoins, les niveaux sont variables et dépendent du type spécifique de compléments alimentaires. Des données supplémentaires les concernant sont nécessaires et devraient être collectées. Une fois ces données disponibles, la nécessité de fixer des teneurs maximales pour les HAP sera évaluée. »
14 Le 27 octobre 2015, la Commission, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, a adopté le règlement (UE) 2015/1933 modifiant le règlement no 1881/2006 (JO 2015, L 282, p. 11, ci-après le « règlement attaqué »).
15 Le règlement attaqué modifie la section 6 de l’annexe du règlement no 1881/2006, qui contient la liste des denrées alimentaires visées par l’établissement de teneurs maximales en HAP, en ajoutant dans cette liste, notamment, certains compléments alimentaires. Ainsi, pour deux catégories de compléments alimentaires, à savoir pour les compléments alimentaires contenant des substances botaniques et leurs préparations ainsi que les compléments alimentaires contenant de la propolis, de la gelée royale, de la spiruline ou leurs préparations, le règlement attaqué fixe les teneurs maximales suivantes :
– benzo(a)pyrène : 10 microgrammes/kg ;
– somme du benzo(a)pyrène, du benz(a)anthracène, du benzo(b)fluoranthène et du chrysène : 50 microgrammes/kg.
16 L’article 3, deuxième alinéa, du règlement attaqué prévoit que celui-ci s’applique, en principe, à partir du 1er avril 2016. Néanmoins, il ressort de l’article 2 de ce règlement que les compléments alimentaires ne respectant pas les teneurs maximales susvisées, légalement mis sur le marché avant le 1er avril 2016, peuvent rester sur le marché après cette date jusqu’à leur date de durabilité minimale ou leur date limite de consommation.
17 Les considérants 1, 2, 5 et 6 du règlement attaqué contiennent les considérations suivantes :
« (1) Le règlement (CE) no 1881/2006 de la Commission […] fixe, pour certains contaminants, des teneurs maximales dans les denrées alimentaires.
(2) Selon le règlement précité, les teneurs maximales en [HAP] doivent être sûres et aussi basses que raisonnablement possible sur la base des bonnes pratiques de fabrication, de séchage, d’agriculture et de pêche […]
(5) Des teneurs élevées en HAP ont été détectées dans certains compléments alimentaires qui contiennent des ingrédients végétaux ou qui en sont dérivés. La présence de teneurs élevées dans ces compléments alimentaires a été mise en corrélation avec les mauvaises pratiques de séchage appliquées à ces ingrédients végétaux. Ces teneurs élevées peuvent être évitées par l’application de bonnes pratiques. Il y a donc lieu de fixer pour ces produits des teneurs maximales en HAP que l’utilisation de méthodes de séchage appropriées permet de respecter et qui garantissent un niveau élevé de protection de la santé humaine.
(6) Des teneurs élevées en HAP ont également été décelées, dans certains cas, dans des compléments alimentaires contenant ou dérivés de la propolis, de la gelée royale et de la spiruline et ces teneurs ont été associées à l’application de mauvaises pratiques. Comme l’application de bonnes pratiques permet d’obtenir des teneurs moins élevées, il convient de fixer des teneurs maximales en HAP pour ces produits. »
Procédure et conclusions des parties
18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2016, les requérants ont introduit le présent recours.
19 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
20 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à déposer certains documents. Les parties ont déféré à ces invitations dans le délai imparti.
21 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 novembre 2017.
22 La phase orale de la procédure a été close par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 20 décembre 2017, à la suite, d’une part, du dépôt par les requérants des explications écrites sur le contenu des documents versés par eux en réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal et des éléments de preuve appuyant certaines allégations contenues dans leurs réponses fournies dans le cadre des mesures susvisées et, d’autre part, du dépôt par la Commission des observations sur l’ensemble de ces documents soumis par les requérants.
23 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué en ce qui concerne les dispositions sur les compléments alimentaires ;
– condamner la Commission aux dépens.
24 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérants aux dépens.
En droit
Observations liminaires
25 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission a exprimé des doutes sur la recevabilité du recours en ce qui concerne l’ensemble des requérants à l’exception de Apimab Laboratoires, eu égard à la condition tenant à l’affectation directe et à celle tenant à l’existence d’un intérêt à agir. Par ailleurs, dans ses observations mentionnées au point 22 ci-dessus, la Commission a demandé au Tribunal de conclure à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise la fixation, dans le règlement attaqué, des teneurs maximales en HAP pour les compléments alimentaires à base de spiruline.
26 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 50 à 52). En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de se prononcer, tout d’abord, sur le fond du recours.
27 Il convient également de préciser que, parmi les éléments d’information et les documents déposés par les requérants et visés au point 22 ci-dessus, seuls sont recevables ceux qui concernent la demande du Tribunal formulée lors de l’audience et exposée au procès-verbal de celle-ci. Il s’ensuit que sont recevables les documents contenus dans l’annexe G.1 qui sont en rapport avec le point D de la partie 1 de la réponse des requérants ainsi que les documents contenus dans l’annexe G.3. Les autres éléments d’information et documents sont déclarés irrecevables en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, dans la mesure où ils n’ont aucun rapport avec la demande susvisée du Tribunal et où les requérants n’ont fourni aucune explication convaincante quant à la raison pour laquelle ils n’ont pas été déposés antérieurement.
28 À l’appui de leurs recours, les requérants ont soulevé six moyens.
29 Le premier moyen est tiré de la violation des règles de procédure en ce que l’EFSA n’aurait pas été consultée préalablement à l’adoption du règlement attaqué ainsi que l’exigeraient l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, et l’article 3 du règlement no 315/93.
30 Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 2 du règlement no 315/93 en ce que l’adoption du règlement attaqué ne serait pas justifiée par l’évolution des connaissances scientifiques sur un plan toxicologique et ne serait pas nécessaire pour l’amélioration des bonnes pratiques de fabrication.
31 Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), en ce que le règlement attaqué aurait été adopté sans consultation préalable de l’EFSA et, dès lors, sans évaluation préalable des risques.
32 Le quatrième moyen est tiré des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission lors de la fixation des teneurs maximales en HAP pour des compléments alimentaires dans le règlement attaqué.
33 Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce que la fixation des teneurs maximales dans le règlement attaqué dépasserait ce qui serait nécessaire pour protéger la santé publique et ne serait pas susceptible de répondre à l’objectif tenant à la nécessité d’améliorer les bonnes pratiques de fabrication.
34 Le sixième moyen est tiré de la violation du principe de non-discrimination en ce que la fixation des teneurs maximales en HAP dans le règlement attaqué n’aurait pas tenu compte de la situation différente dans laquelle se trouveraient les compléments alimentaires par rapport à d’autres denrées alimentaires.
35 Ces moyens doivent être examinés à la lumière du principe général de la législation alimentaire relatif à l’analyse des risques, tel qu’il est consacré à l’article 6 du règlement no 178/2002.
36 À cet égard, il importe de préciser que le règlement attaqué, tout en ayant comme base légale le règlement no 315/93, doit aussi être conforme au règlement no 178/2002. En effet, conformément à son article 1er, paragraphe 2, ledit règlement établit les principes généraux régissant les denrées alimentaires et l’alimentation animale en général, et la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux en particulier, au niveau de l’Union européenne et au niveau national. En outre, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 178/2002 dispose que les principes généraux définis dans les articles 5 à 10 de ce règlement forment un cadre général de nature horizontale à respecter lorsque des mesures sont prises.
37 Il ressort des dispositions susvisées du règlement no 178/2002 que celui-ci a une application générale et horizontale dans le domaine de la législation alimentaire au niveau de l’Union et au niveau national (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Queisser Pharma, C‑282/15, EU:C:2017:26, points 47 à 50). Il s’ensuit que le règlement attaqué, qui fixe des teneurs maximales en HAP pour certains compléments alimentaires, doit se conformer non seulement aux dispositions du règlement no 315/93, mais également à celles du règlement no 178/2002.
Sur le concept de l’analyse des risques au sens de l’article 6 du règlement no 178/2002
38 L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 178/2002 pose le principe selon lequel la législation alimentaire, afin d’atteindre l’objectif général d’un niveau élevé de protection de la santé et de la vie des personnes, se fonde sur l’analyse des risques, sauf dans les cas où cette approche n’est pas adaptée aux circonstances ou à la nature de la mesure.
39 Selon l’article 3, point 10, du règlement no 178/2002, l’analyse des risques constitue un processus comportant trois volets interconnectés : l’évaluation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques.
40 L’évaluation des risques et la gestion des risques sont les deux volets pertinents en l’espèce.
41 Selon l’article 3, point 11, du règlement no 178/2002, l’évaluation des risques est un processus reposant sur des bases scientifiques et comprenant quatre étapes : l’identification des dangers, leur caractérisation, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des risques.
42 L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 178/2002 précise que l’évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles, et elle est menée de manière indépendante, objective et transparente.
43 Dans l’annexe III de sa communication du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution [COM(2000) 1 final], la Commission a défini les quatre étapes de l’évaluation du risque comme suit :
« L’“identification du danger” consiste à déceler les agents biologiques, chimiques ou physiques susceptibles d’avoir des effets défavorables […]
La “caractérisation du danger” consiste à déterminer, en termes quantitatifs et/ou qualitatifs, la nature et la gravité des effets défavorables liés aux agents ou à l’activité en cause. C’est à ce stade qu’il y a lieu d’établir une relation entre la quantité de la substance dangereuse et l’effet […]
L’“évaluation de l’exposition” consiste en une évaluation quantitative ou qualitative de la probabilité d’exposition à l’agent étudié. En plus d’informations sur les agents eux-mêmes (source, distribution, concentrations, caractéristiques etc.), il est nécessaire d’obtenir des données sur la probabilité de contamination ou d’exposition de la population ou de l’environnement au danger.
La “caractérisation du risque” correspond à l’estimation qualitative et/ou quantitative tenant compte des incertitudes inhérentes à cet exercice, de la probabilité, de la fréquence et de la gravité des effets défavorables, potentiels ou connus, susceptibles de se produire pour l’environnement ou la santé. Elle est établie sur la base des trois volets qui précèdent et est étroitement liée aux incertitudes, variations, hypothèses de travail et conjectures faites à chaque phase du processus. »
44 Selon l’article 3, point 12, du règlement no 178/2002, la gestion des risques est le processus, distinct de l’évaluation des risques, consistant à mettre en balance les différentes politiques possibles, en consultation avec les parties intéressées, à prendre en compte de l’évaluation des risques et d’autres facteurs légitimes, et, au besoin, à choisir les mesures de prévention et de contrôle appropriées.
45 L’article 6, paragraphe 3, du règlement no 178/2002 précise, notamment, que la gestion des risques tient compte des résultats de l’évaluation des risques, et notamment des avis de l’EFSA, d’autres facteurs légitimes pour la question en cause et du principe de précaution lorsque les conditions pour son application sont réunies, afin d’atteindre les objectifs généraux de la législation alimentaire énoncés à l’article 5 du même règlement ayant trait, notamment, à la protection de la vie et de la santé des personnes, à la protection des intérêts des consommateurs et la réalisation de la libre circulation, dans l’Union, des denrées alimentaires.
Sur l’intensité du contrôle juridictionnel
46 Il ressort des considérants du règlement no 315/93, qui constitue la base légale du règlement attaqué, que celui-ci vise à l’élimination des entraves aux échanges sur le marché intérieur de denrées alimentaires pouvant contenir des contaminants, tout en maintenant un niveau élevé de protection de la santé. Dans ce cadre, afin de pouvoir poursuivre efficacement l’objectif qui lui est assigné, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 150 et jurisprudence citée).
47 Ce large pouvoir d’appréciation et ces évaluations complexes impliquent que le contrôle par le juge du bien-fondé des appréciations opérées par la Commission se limite à examiner si l’exercice par les institutions de l’Union de leurs compétences n’est pas entaché d’une erreur manifeste, s’il n’y a pas eu un détournement de pouvoir ou encore si elles n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 151 et jurisprudence citée).
48 S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de la décision (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 152 et jurisprudence citée).
49 Les limites au contrôle du juge mentionnées ci-dessus n’affectent cependant pas son devoir de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 153 et jurisprudence citée).
50 En outre, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Le juge de l’Union a eu l’occasion de préciser que, parmi ces garanties, figurent notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 154 et jurisprudence citée).
51 Ainsi, il a déjà été jugé que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constitue une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 89 et jurisprudence citée).
52 C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier les moyens et arguments des requérants.
Sur le plan d’examen des moyens invoqués
53 Les moyens invoqués par les requérants à l’appui de leur recours visent, à l’exception du premier moyen, soit l’évaluation soit la gestion des risques opérées par la Commission aux fins de l’adoption du règlement attaqué.
54 Plus spécifiquement, le deuxième moyen, en ce qui concerne sa branche tirée du fait que l’adoption du règlement attaqué ne serait pas justifiée par l’évolution des connaissances scientifiques sur un plan toxicologique, vise l’évaluation des risques opérée par la Commission. Sa deuxième branche, tirée du fait que cette adoption ne serait pas nécessaire pour l’amélioration des bonnes pratiques de fabrication, vise la gestion des risques.
55 Le troisième moyen vise l’évaluation des risques.
56 Les quatrième, cinquième et sixième moyens visent la gestion des risques.
57 Le premier moyen, qui est de nature procédurale, sera examiné en premier lieu. Ensuite, seront examinés les moyens et griefs visant l’évaluation des risques et, enfin, les moyens et griefs visant la gestion des risques.
Sur le premier moyen, tiré de la violation des règles de procédure
58 Les requérants soutiennent que la procédure d’adoption du règlement attaqué n’a pas été respectée en ce que l’EFSA n’a pas été consultée préalablement à cette adoption, ainsi que l’exigeraient l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, et l’article 3 du règlement no 315/93. Par conséquent, le règlement attaqué devrait être annulé pour violation de la procédure.
59 La Commission conteste cette argumentation.
60 Il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué a pour base légale le règlement no 315/93 et notamment son article 2, paragraphe 3.
61 Il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, et de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 315/93 que l’adoption du règlement attaqué devait être effectuée en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle régie par l’article 5 bis de la décision 1999/468 dans sa version applicable au présent litige.
62 L’article 5 bis, paragraphe 1, de la décision 1999/468 prévoit que la Commission est assistée par un comité de réglementation avec contrôle composé de représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission.
63 L’article 5 bis, paragraphe 2, de la décision 1999/468 prévoit que le représentant de la Commissionsoumet au comité de réglementation avec contrôle, pour avis, un projet des mesures à prendre. Par ailleurs, il ressort de l’article 5 bis, paragraphes 3 et 4, de la décision 1999/468 que la procédure se poursuit devant les deux branches de l’autorité législative, à savoir le Parlement et le Conseil, selon des modalités qui dépendent de la question de savoir si les mesures envisagées par la Commission sont conformes ou non à l’avis du comité ou si ce comité a rendu un tel avis.
64 Il ressort des dispositions susvisées de la décision 1999/468 que la procédure de réglementation avec contrôle, à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, et qui régissait l’adoption du règlement attaqué, ne prévoit pas la consultation par la Commission de l’EFSA. Il s’ensuit que le fait que l’EFSA n’a pas été consultée par la Commission durant la procédure de réglementation avec contrôle ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué ne constitue pas une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93.
65 Néanmoins, les requérants soutiennent qu’une telle consultation de l’EFSA au cours de la procédure de réglementation avec contrôle devait intervenir sur le fondement, également, de l’article 3 du règlement no 315/93. Pour rappel, cet article prévoit que les dispositions pouvant avoir un effet sur la santé publique doivent être adoptées après consultation du comité scientifique de l’alimentation humaine (ci-après le « CSAH »).
66 Le CSAH a été institué par la décision 74/234/CEE de la Commission, du 16 avril 1974, relative à l’institution d’un comité scientifique de l’alimentation humaine (JO 1974, L 136, p. 1). Le CSAH a été remplacé par l’EFSA, cette dernière autorité ayant été instituée par le règlement no 178/2002. En effet, l’article 62, paragraphe 1, du règlement no 178/2002 prévoit, notamment, que, dans la législation de l’Union, toutes les références au CSAH soient remplacées par une référence à l’EFSA.
67 Ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, l’article 2, paragraphe 3, et l’article 3 du règlement no 315/93 prévoient deux obligations distinctes et indépendantes l’une de l’autre aux fins de la fixation des teneurs maximales concernant certains contaminants. En effet, d’une part, il y a l’obligation pour la Commission, prévue par l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, de suivre la procédure de réglementation avec contrôle aux fins de cette fixation et, d’autre part, il y a l’obligation prévue par l’article 3 du règlement no 315/93 de consultation du CSAH, devenu l’EFSA. Il n’y a pas de référence croisée entre ces deux dispositions permettant d’établir que, du point de vue procédural, la consultation du CSAH, devenu l’EFSA, doit intervenir au cours de la procédure de réglementation avec contrôle et permettant, dès lors, d’établir que, en l’espèce la Commission se trouvait dans l’obligation, du point de vue procédural, de consulter l’EFSA dans le cadre de la procédure de réglementation avec contrôle ayant mené à l’adoption du règlement attaqué.
68 Il résulte de ce qui précède que le défaut de consultation de l’EFSA au cours de la procédure de réglementation avec contrôle ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué ne constitue pas une violation des règles de procédure applicables en l’espèce.
69 La question de savoir si l’obligation posée par l’article 3 du règlement no 315/93 a été remplie en l’espèce s’insère dans une problématique plus générale relative à la question de savoir si le règlement attaqué repose sur une évaluation des risques adéquate. Cette problématique sera abordée aux points 71 à 109 ci-après
70 Eu égard aux développements qui précèdent, le présent moyen, tiré de la violation des règles de procédure, doit être rejeté.
Sur l’évaluation des risques, visée par la première branche du deuxième moyen et par le troisième moyen
71 Les requérants, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen et dans le cadre du troisième moyen, soulèvent des griefs afférents à l’évaluation des risques effectuée par la Commission en l’espèce.
72 Plus spécifiquement, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, les requérants reprochent à la Commission le fait que le règlement attaqué ne précise pas les données scientifiques sur lesquelles il se fonde.
73 Par ailleurs, les requérants contestent que le règlement attaqué se fonde sur l’avis de l’EFSA de 2008 dans la mesure où cet avis aurait déjà donné lieu à un changement de la réglementation en matière de HAP lors de l’adoption du règlement no 835/2011. Les requérants soutiennent également que, en tout état de cause, l’avis de l’EFSA de 2008 ne constitue pas un fondement adéquat pour l’adoption du règlement attaqué, dans la mesure où il exclut expressément les compléments alimentaires de son champ d’application. De plus, les connaissances scientifiques sur les HAP n’auraient pas évolué depuis l’avis de l’EFSA de 2008 justifiant ainsi l’adoption du règlement attaqué. À l’appui de cette thèse, les requérants invoquent le considérant 21 du règlement no 835/2011 ainsi que des avis et des données scientifiques fournis par des autorités scientifiques nationales. Les requérants concluent en soutenant que l’adoption du règlement attaqué constitue une violation de l’article 2 du règlement no 315/93.
74 Dans le cadre du troisième moyen, les requérants soutiennent que l’adoption du règlement attaqué sans consultation préalable de l’EFSA constitue une violation de l’article 6 du règlement no 178/2002, dans la mesure où le règlement attaqué ne reposerait ainsi sur aucune évaluation scientifique préalable.
75 La Commission conteste l’argumentation des requérants.
76 Le grief des requérants exposé au point 72 ci-dessus vise la motivation du règlement attaqué en ce qui concerne l’évaluation des risques effectuée par la Commission, tandis que leurs griefs exposés aux points 73 et 74 ci-dessus visent le bien-fondé de cette évaluation.
Sur la motivation du règlement attaqué
77 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 30 avril 2014, Hagenmeyer et Hahn/Commission, T‑17/12, EU:T:2014:234, point 173 et jurisprudence citée). S’agissant d’actes de portée générale, comme le règlement attaqué, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. À cet égard, le juge de l’Union a itérativement jugé qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution (voir arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 115 et jurisprudence citée).
78 En l’espèce, il convient de constater que le règlement attaqué remplit les conditions posées par la jurisprudence exposée au point 77 ci-dessus. Le renvoi que ledit règlement opère aux règlements no 315/93 et no 1881/2006 permet aux requérants et au juge de l’Union de comprendre la situation d’ensemble ayant conduit à son adoption et les objectifs qu’il vise à atteindre. Par ailleurs, les informations figurant aux considérants 5 et 6 du règlement attaqué contribuent à la meilleure compréhension par les requérants, en tant qu’opérateurs économiques dans le secteur des compléments alimentaires, des raisons de l’adoption de ce règlement. Il convient dès lors de conclure que le règlement attaqué fournit une motivation suffisante au sens de la jurisprudence exposée au point 77 ci-dessus sans que cette conclusion soit remise en cause par le fait que ledit règlement ne mentionne pas explicitement les données scientifiques sur lesquelles il se fonde.
79 En tout état de cause, force est de constater que le règlement attaqué, même s’il ne mentionne pas explicitement les données scientifiques susvisées, démontre sans aucune ambigüité son fondement scientifique, eu égard à la référence au contexte de son adoption.
80 En effet, le règlement attaqué modifie le règlement no 1881/2006. Dans son considérant 2, le règlement attaqué précise que, selon le règlement no 1881/2006, les teneurs maximales en HAP doivent être sûres et aussi basses que raisonnablement possible sur la base des bonnes pratiques de fabrication, de séchage, d’agriculture et de pêche.
81 Le règlement no 1881/2006, auquel le règlement attaqué renvoie, se réfère explicitement, à son considérant 57, à des avis scientifiques ayant précédé l’avis de l’EFSA de 2008 et ayant établi le caractère dangereux, du point de vue toxicologique, de certains HAP en tant que cancérigènes génotoxiques.
82 Le règlement no 1881/2006 a été modifié, en 2011, par le règlement no 835/2011. Le règlement no 835/2011 mentionne explicitement l’avis de l’EFSA de 2008 et présente ses principales conclusions dans ses considérants 4 à 6, dont la lecture révèle que cet avis confirme les conclusions des avis scientifiques précédents relatives au caractère dangereux, du point de vue toxicologique, des HAP.
83 Il ressort des considérations qui précèdent que le contenu du règlement attaqué, lu également à la lumière du contexte de son adoption, révèle sans ambiguïté son fondement scientifique, constitué de l’avis de l’EFSA de 2008. Au demeurant, il convient de remarquer que les requérants n’ont pas rencontré de difficulté pour arriver à la même conclusion et faire, ainsi, valoir leurs droits devant le Tribunal, compte tenu du fait que, dans la requête, ils contestent le caractère adéquat de l’avis susvisé en tant que fondement scientifique du règlement attaqué.
84 Sur le fondement des considérations qui précèdent, le grief des requérants présenté au point 72 ci-dessus doit être rejeté.
Sur le bien-fondé de l’évaluation des risques effectuée par la Commission
85 Les griefs des requérants exposés aux points 73 et 74 ci-dessus et l’allégation de la violation de l’article 2 du règlement no 315/93, de l’article 6 du règlement no 178/2002 et, aussi, de l’article 3 du règlement no 315/93 (voir point 69 ci-dessus) concernent le bien-fondé de l’évaluation des risques effectuée par la Commission et, plus spécifiquement, le fondement scientifique de cette évaluation.
86 À cet égard, il importe de rappeler que l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 178/2002 prévoit que l’évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et qu’elle est menée de manière indépendante, objective et transparente. Le juge de l’Union a précisé que l’obligation des institutions de garantir un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement implique que leurs décisions soient prises en pleine considération des meilleures données scientifiques disponibles et qu’elles soient fondées sur les résultats les plus récents de la recherche internationale (arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 74).
– Sur le fondement scientifique du règlement attaqué
87 Il ressort du dossier que, dans un avis du 4 décembre 2002, le CSAH a considéré que 15 des 33 HAP qui avaient été évalués démontraient clairement avoir des effets mutagènes et génotoxiques dans les cellules somatiques dans des expérimentations animales in vivo et que 14 de ces 15 HAP démontraient également avoir des effets cancérigènes. En ce qui concerne ces substances, le CSAH recommandait que l’exposition par voie alimentaire soit aussi basse que ce qui peut être raisonnablement obtenu (« as low as reasonably achievable », ci-après « ALARA »), dans la mesure où il n’était pas possible de fixer un seuil en dessous duquel le risque était inexistant et où une exposition même à faible dose était susceptible de constituer un risque pour la santé. Dans cet avis, le CSAH a également conclu qu’un des HAP, le benzo(a)pyrène, pouvait être utilisé comme marqueur de la présence et des effets des HAP cancérigènes dans les denrées alimentaires, tout en recommandant de continuer de collecter des données supplémentaires sur les HAP afin de tester la pertinence du choix du benzo(a)pyrène comme marqueur.
88 En 2005, un comité mixte Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)/Organisation mondiale de la santé (OMS) d’experts sur les additifs alimentaires a confirmé l’avis du CSAH du 4 décembre 2002.
89 En vue d’obtenir plus de données sur les teneurs de HAP dans les denrées alimentaires et aux fins de permettre la vérification de la pertinence du choix du benzo(a)pyrène comme marqueur représentatif des HAP les plus dangereux, la Commissiona adopté, le 4 février 2005, la recommandation 2005/108/CE sur l’exécution de mesures supplémentaires des teneurs en HAP dans certaines denrées alimentaires (JO 2002, L 34, p. 43). Parmi les recommandations adressées aux États membres figurait la nécessité de mesurer les teneurs en HAP dans les compléments alimentaires. Les données analytiques devaient être fournies à la Commission pour le 31 octobre 2006, « afin d’étayer une révision des teneurs maximales et d’argumenter une réflexion sur la pertinence du maintien du benzo(a)pyrene comme marqueur d’ici au 1er avril 2007 ».
90 Dans un avis du 18 octobre 2005, le comité scientifique de l’EFSA, chargé de proposer une approche harmonisée pour l’évaluation des risques des substances qui sont, à la fois, génotoxiques et cancérigènes, a recommandé une nouvelle approche, dite « de la marge d’exposition » (ci-après la « MOE »). La MOE utilise un point de référence (benchmark), résultant souvent des études sur les animaux et correspondant à une dose qui provoque une réaction faible mais mesurable chez les animaux, et le compare avec des estimations sur le niveau d’exposition alimentaire à ces substances chez les humains en prenant en compte des différences concernant les modes de consommation.
91 Compte tenu des données soumises par les États membres, à la suite de la recommandation 2005/108, relatives aux teneurs en HAP de certaines denrées alimentaires et à l’utilisation du benzo(a)pyrène comme marqueur, la Commission a demandé à l’EFSA d’effectuer une revue complète de l’avis du CSAH de 2002.
92 C’est dans ce contexte que l’EFSA a adopté, le 9 juin 2008, son avis. Dans cet avis, l’EFSA a, notamment, conclu qu’aucune donnée toxicologique nouvelle n’était disponible pour altérer les conclusions précédentes du CSAH et du comité mentionné au point 88 ci-dessus relatives au caractère génotoxique et cancérigène de certains HAP et que les résultats fondés sur l’approche MOE indiquaient une faible préoccupation pour la santé en ce qui concernait les expositions alimentaires moyennes estimées, tandis que, en ce qui concernait les grands consommateurs, les résultats indiquaient une préoccupation potentielle pour la santé et un besoin possible d’adoption de mesures de gestion des risques.
93 Ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 83 ci-dessus) et ainsi que la Commission l’a également fait valoir devant le Tribunal, l’avis de l’EFSA de 2008 constituait le fondement scientifique de l’ensemble de mesures sur les HAP adoptées depuis 2008, y compris du règlement attaqué.
– Sur les arguments des requérants
94 Il y a lieu de rappeler que les requérants contestent que l’avis de l’EFSA de 2008 constitue un fondement scientifique adéquat du règlement attaqué dans la mesure où il exclurait expressément les compléments alimentaires de son champ d’application. À l’appui de cette thèse, les requérants invoquent le passage suivant de cet avis :
« Des niveaux élevés de HAP ont été trouvés dans certains compléments alimentaires. Les niveaux de consommation des compléments alimentaires sont variables en fonction de leur formation et de l’usage auquel ils sont destinés, mais sont souvent faibles aux alentours de 2 g/jour. De même, les épices avec des niveaux élevés de HAP détectés sont consommées en petites quantités. Aucun de ces aliments n’influencera beaucoup l’apport alimentaire global en HAP et ne sera pris en compte dans l’évaluation de l’exposition. »
95 Il convient de relever que l’avis de l’EFSA de 2008, ainsi que son titre l’indique, concerne l’évaluation des risques créés par la présence des HAP dans les denrées alimentaires dans leur ensemble. Dans cet avis, l’EFSA a confirmé les données scientifiques disponibles jusqu’à ce moment-là selon lesquelles certains HAP, parmi lesquels les quatre visés par le règlement attaqué, à savoir le benzo(a)pyrène, le benzo(a)nthracène, le benzo(b)fluoranthène et le chrysène, ont des effets cancérigènes et génotoxiques signifiant ainsi que, pour ces substances, il n’était pas possible de fixer un seuil en dessous duquel le risque pour le consommateur était considéré comme inexistant. Dans ce contexte, l’EFSA a conclu qu’il y avait potentiellement besoin pour le gestionnaire des risques, en l’occurrence la Commission, d’adopter des mesures de gestion du risque (voir point 92 ci-dessus).
96 Ainsi que les parties l’ont confirmé, l’évaluation scientifique des risques fondée sur l’approche MOE, telle qu’elle a été effectuée en l’espèce par l’EFSA dans son avis de 2008, ne s’opère pas pour chaque aliment séparément, puisque, ainsi que la Commission l’a expliqué, c’est la somme de l’exposition globale au contaminant en question, tous aliments confondus, qui permet d’apprécier s’il y a un risque pour la santé justifiant ou non de réglementer la présence de ce contaminant dans les aliments en tenant aussi compte d’autres facteurs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 178/2002.
97 Il résulte des développements qui précèdent que le fait que l’EFSA, dans son avis de 2008, n’a pas pris en compte les compléments alimentaires dans l’évaluation de l’exposition des humains aux HAP ne signifie pas que cet avis a exclu les compléments alimentaires de son champ d’application et, à titre plus général, que cet avis ne pouvait pas constituer une évaluation scientifique adéquate des risques créés par la présence des HAP dans les aliments justifiant l’adoption du règlement attaqué.
98 Cette conclusion n’est remise en cause ni par le considérant 21 du règlement no 835/2011 ni par les avis des autorités scientifiques nationales invoqués par les requérants, eu égard au fait que, ainsi qu’il est exposé aux points 99 à 108 ci-après, aucun de ces textes et de ces documents ne remet en cause le caractère cancérigène et génotoxique des HAP ni l’existence du risque qu’ils créent pour la santé humaine.
99 Tout d’abord, en ce qui concerne le considérant 21 du règlement no 835/2011, son libellé démontre l’appréciation du gestionnaire des risques, à savoir de la Commission, selon laquelle, à la date de l’adoption dudit règlement, des teneurs maximales en HAP ne pouvaient pas être fixées pour les compléments alimentaires dans la mesure où des données concluantes relatives à la teneur en HAP de ces aliments n’existaient pas encore. Il s’agissait d’une appréciation relative à la gestion des risques et non à l’évaluation des risques.
100 Ensuite, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail française (ANSES, France), dans son avis de 2011 relatif aux résultats de l’étude nationale de surveillance des expositions alimentaires aux substances chimiques, visait à présenter les conclusions d’une étude relative au degré d’exposition de la population française à certains contaminants, dont les HAP. Cet avis ne remettait pas en cause les conclusions de l’EFSA sur la toxicité de certains HAP dans la mesure où il précisait que, « certains HAP comme le benzo[a]pyrène étant cancérogènes génotoxiques sans seuil, le risque même très faible ne [pouvait] être considéré comme nul ».
101 La même conclusion peut être tirée à propos de l’étude de l’agence anglaise Food Standards Agency (FSA, agence des normes alimentaires, Royaume-Uni), de 2005, intitulée « PAHs in dietary supplements » (HAP dans les compléments alimentaires), invoquée également par les requérants. En effet, cette étude, qui est antérieure à l’avis de l’EFSA de 2008, ne remet pas en cause les conclusions de ce dernier sur la toxicité de certains HAP et sur le besoin de réduire leur présence dans les compléments alimentaires si cela s’avère possible techniquement. L’étude de la FSA se réfère, elle aussi, à l’obligation du gestionnaire des risques de maintenir l’exposition aux HAP au niveau le plus faible possible.
102 En outre, les requérants ont déduit l’absence d’évaluation scientifique des risques et l’impossibilité que l’avis de l’EFSA de 2008 constitue un fondement scientifique adéquat du règlement attaqué des courriers adressés à la Commission, en 2014, par l’organisation Food Supplements Europe et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, France) relevant du ministère chargé de l’économie en France.
103 Dans son courrier en date du 18 septembre 2014, l’organisation Food Supplements Europe, qui représente les intérêts de l’industrie européenne des compléments alimentaires, a écrit à la Commission :
« In view of the unusual nature of food supplements in terms of consumption and consumption patterns, Food Supplements Europe would recommend that a detailed exposure and risk assessment should be carried out before maximum PAH levels are set for this category. We would be happy to work with the Commission on such a study » (Compte tenu de la nature inhabituelle des compléments alimentaires en termes de consommation et de modes de consommation, Food Supplements Europe recommanderait qu’une évaluation détaillée de l’exposition et des risques soit effectuée avant que des niveaux maximaux de HAP ne soient fixés pour cette catégorie. Nous serions heureux de travailler avec la Commission sur une telle étude).
104 Ce passage démontre, selon les requérants, que, pour Food Supplements Europe, l’avis de l’EFSA de 2008 ne contenait pas d’évaluation des risques résultant de la présence des HAP dans les compléments alimentaires.
105 Il convient de relever que le courrier susvisé de Food Supplements Europe constitue un document d’orientation (position paper) émanant d’une organisation professionnelle représentant les intérêts de l’industrie européenne des compléments alimentaires et non un document émanant d’une agence scientifique. Ainsi, le contenu de ce courrier n’est ni objectif ni scientifiquement précis et fiable. De manière plus fondamentale, le passage cité ne démontre pas l’absence d’une évaluation scientifique des risques et ne démontre aucunement que l’avis de l’EFSA de 2008 ne constitue pas un fondement scientifique adéquat pour l’adoption du règlement attaqué.
106 Dans son courrier électronique en date du 9 juillet 2014, la DGCCRF s’est référée, à titre introductif, au considérant 21 du règlement no 835/2011. Ensuite, elle a indiqué que des teneurs très élevées en HAP étaient constatées ponctuellement en France, mais que, compte tenu de l’absence de teneurs maximales réglementaires, les opérateurs étaient peu sensibilisés à la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour limiter la contamination des matières premières. La DGCCRF a conclu son courrier par deux questions adressées à la Commission, afin de savoir si celle-ci jugeait opportun d’ouvrir des discussions sur ce dossier et si l’EFSA avait collecté suffisamment de données permettant d’évaluer l’opportunité de fixer des teneurs maximales dans les compléments alimentaires.
107 Selon les requérants, la seconde question révélait que, pour la DGCCRF, l’avis de l’EFSA de 2008 ne contenait pas d’évaluation du risque présenté par les HAP pour les compléments alimentaires.
108 Cette analyse des requérants ne saurait être retenue. En effet, la référence de la DGCCRF au considérant 21 du règlement no 835/2011 démontre que les données auxquelles elle se réfère dans son courrier concernaient la teneur en HAP des compléments alimentaires et non le caractère nocif ou non de ces substances (voir point 99 ci-dessus). Il s’ensuit que la référence par la DGCCRF à l’évaluation de l’opportunité de fixer des teneurs maximales en HAP dans les compléments alimentaires concerne l’évaluation effectuée par le gestionnaire des risques en vertu de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 178/2002 et non l’évaluation des risques effectuée en vertu de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement (voir point 99 ci-dessus).
109 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen et le troisième moyen. Par ailleurs, dans la mesure où il a été conclu que l’avis de l’EFSA de 2008 n’excluait pas les compléments alimentaires de son champ d’application et qu’il constituait un fondement scientifique adéquat du règlement attaqué, il convient de rejeter également le grief des requérants, soulevé dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 3 du règlement no 315/93 (voir point 69 ci-dessus).
Sur la gestion des risques, visée par la deuxième branche du deuxième moyen et par les quatrième, cinquième et sixième moyens
110 Il convient de rappeler que, selon l’article 3, point 12, du règlement no 178/2002, la gestion des risques est le processus, distinct de l’évaluation des risques, consistant à mettre en balance les différentes politiques possibles, en consultation avec les parties intéressées, à prendre en compte l’évaluation des risques et d’autres facteurs légitimes et, au besoin, à choisir les mesures de prévention et de contrôle appropriées.
111 Il convient également de rappeler que la Commission dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation et que le contrôle par le juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si l’institution en l’occurrence n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir points 46 et 47 ci-dessus).
112 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs des requérants visant la gestion des risques effectuée par la Commission.
Sur les griefs des requérants, formulés dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, relatifs à l’application de bonnes pratiques au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 315/93
113 Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, les requérants contestent, en substance, le bien-fondé de la motivation du règlement attaqué, telle qu’exposée dans ses considérants 5 et 6, selon laquelle l’application des bonnes pratiques au cours de toutes les étapes précédant la mise sur le marché de denrées alimentaires, visées à l’article 1er du règlement no 315/93, permet de respecter les teneurs maximales en HAP pour certains compléments alimentaires, fixées par le règlement attaqué. Les requérants soutiennent que les appréciations contenues dans ces considérants sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation.
114 La Commission conteste les arguments des requérants.
115 Il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué a pour base juridique le règlement no 315/93. L’article 2, paragraphe 2, de ce dernier règlement dispose, en substance, que les teneurs en contaminants doivent être maintenues aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques au cours de toutes les étapes précédant la mise sur le marché de denrées alimentaires.
116 Dans ce sens, le considérant 2 du règlement attaqué renvoie au règlement no 1881/2006, lequel indique, dans son considérant 4, que les teneurs maximales en HAP doivent être sûres et aussi basses que raisonnablement possible sur la base des bonnes pratiques de fabrication, de séchage, d’agriculture et de pêche.
117 Dans le considérant 5 du règlement attaqué, il est indiqué que des teneurs élevées en HAP ont été détectées dans certains compléments alimentaires qui contiennent des ingrédients végétaux ou qui en sont dérivés et que la présence de teneurs élevées dans ces compléments alimentaires a été mise en corrélation avec les mauvaises pratiques de séchage appliquées à ces ingrédients végétaux. Il est précisé que ces teneurs élevées peuvent être évitées par l’application de bonnes pratiques, d’où la possibilité de fixer pour ces produits des teneurs maximales en HAP.
118 Dans le considérant 6 du règlement attaqué, il est indiqué que des teneurs élevées en HAP ont été décelées, dans certains cas, dans des compléments alimentaires contenant ou dérivés des produits de la ruche et que ces teneurs ont été associées à l’application de mauvaises pratiques. Il est précisé que, dans la mesure où l’application de bonnes pratiques permet d’obtenir des teneurs moins élevées, il convient de fixer des teneurs maximales en HAP pour ces produits.
119 Sur le fondement de ces considérations, le règlement attaqué procède à la fixation des teneurs maximales en HAP en ce qui concerne les deux catégories de compléments alimentaires susvisées, à savoir ceux contenant des substances botaniques et leurs préparations et ceux contenant de la propolis, de la gelée royale, de la spiruline ou leurs préparations.
120 Aux fins de justifier la fixation des teneurs maximales à la lumière de la question de savoir si le respect de telles teneurs est possible par le biais de l’application des bonnes pratiques, la Commission a invoqué des articles scientifiques pouvant, effectivement, être interprétés comme confirmant que l’application des bonnes pratiques est possible, tant en ce qui concerne les compléments alimentaires contenant des substances botaniques que les compléments alimentaires contenant de la propolis, de la gelée royale, de la spiruline ou leurs préparations.
121 La Commission pouvait également se fonder, de manière légitime, sur le fait que, déjà en 2006, le Royaume des Pays-Bas avait adopté une réglementation fixant une teneur maximale en benzo(a)pyrène pour des compléments alimentaires à base de plantes.
122 De manière plus fondamentale, la Commission avait à sa disposition un document préparé par l’un des requérants et soumis en septembre 2014 dans le cadre de la consultation organisée par elle aux fins de l’adoption du règlement attaqué. Dans ce document, le requérant concerné indiquait notamment que l’absence de réglementation des teneurs n’incitait pas ses fournisseurs à modifier les sources d’approvisionnement en matières premières et les modes de production et que cette absence de réglementation l’avait conduit à fixer, lui-même, des teneurs maximales dans ses relations avec eux, ces teneurs s’avérant être exactement les mêmes que celles fixées dans le règlement attaqué. La Commission avait également à sa disposition le courrier électronique du 9 juillet 2014 de la DGCCRF qui indiquait, dans le même sens que le document susvisé préparé par l’un des requérants, que, en raison de l’absence de teneurs maximales réglementaires, les opérateurs étaient peu sensibilisés à la nécessité de prendre les actions nécessaires pour limiter la contamination des matières premières (voir point 106 ci-dessus).
123 Par ailleurs, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, il importe de relever qu’il ne ressort pas du dossier que l’industrie des compléments alimentaires avait, durant la consultation organisée par la Commission en vue de l’adoption du règlement attaqué, et durant toute la période des discussions tenues au sein du groupe de travail du comité prévu par l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 178/2002, qui a duré plusieurs mois, signalé qu’il était impossible d’appliquer des bonnes pratiques aux fins de respecter les teneurs maximales envisagées, et ce malgré le fait qu’elle avait été invitée à soumettre des observations et qu’elle était régulièrement informée du contenu des discussions susvisées et des orientations adoptées concernant le champ d’application de la future réglementation et des teneurs maximales envisagées.
124 Or, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. En particulier, les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 142 et jurisprudence citée).
125 La constatation contenue au point 123 ci-dessus n’est pas remise en cause par l’allégation des requérants selon laquelle le syndicat national des compléments alimentaires (ci-après le « Synadiet ») avait transmis une note, datée de juillet 2015, à l’European federation of associations of health product manufacturers (EHPM, Fédération européenne des associations de fabricants de produits de santé), le 23 juillet 2015, et à la DGCCRF, le 5 août 2015, indiquant que les teneurs en HAP envisagées dans les compléments alimentaires étaient inappropriées pour certains parmi ceux-ci et expliquant les difficultés des opérateurs économiques à respecter ces teneurs. En effet, même à supposer que l’EHPM et la DGCCRF soient des interlocuteurs fréquents de la Commission, ainsi que les requérants le font valoir, la transmission de la note du Synadiet à ces deux organisations ne signifie pas que cette note est finalement parvenue à la Commission, et les requérants n’ont apporté aucun élément de preuve à cet égard.
126 Eu égard aux considérations contenues aux points 120 à 125 ci-dessus, et à la lumière de la jurisprudence présentée au point 49 ci-dessus, il convient de constater que la Commission avait à sa disposition un ensemble de données fiables, pertinentes et cohérentes sur lesquelles elle pouvait s’appuyer aux fins de conclure que l’application des bonnes pratiques par l’industrie des compléments alimentaires permettrait à celle-ci de respecter les teneurs maximales en HAP fixées dans le règlement attaqué.
127 Aux fins de démontrer que les considérations contenues aux considérants 5 et 6 du règlement attaqué sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation, les requérants ont soulevé une série d’arguments.
128 En premier lieu, s’agissant des compléments alimentaires contenant des produits botaniques, les requérants ont fait valoir que le séchage – identifié dans le considérant 5 du règlement attaqué comme étant lié à des mauvaises pratiques – ne constitue qu’un des procédés pouvant être utilisés pour fabriquer des compléments alimentaires à base de plantes. Par conséquent, le règlement attaqué ne serait pas adapté pour les industriels qui ont recours à des pratiques autres que le séchage.
129 En deuxième lieu, les requérants ont soutenu que le règlement attaqué ne faisait pas suffisamment état du rôle de la contamination en HAP résultant de l’environnement. Or, il serait impossible de maîtriser cette contamination par les pratiques de fabrication.
130 En troisième lieu, les requérants ont contesté la considération contenue au considérant 6 du règlement attaqué selon laquelle la teneur en HAP des produits de la ruche serait due à de mauvaises pratiques de fabrication. En effet, l’origine des HAP dans ce type de produits résulterait de manière quasi exclusive de contaminations environnementales sur lesquelles les pratiques de fabrication ne pourraient avoir aucun effet.
131 En quatrième lieu, les requérants ont allégué que les difficultés analytiques concernant la détermination des HAP dans les compléments alimentaires ne permettaient pas de maîtriser les contaminations pendant la fabrication et de déceler leur origine.
132 En cinquième lieu, les requérants ont fait valoir que les indicateurs HAP retenus, s’ils étaient pertinents pour procéder à l’évaluation des risques liés aux expositions, ne permettaient pas, en revanche, d’identifier l’origine de leur présence dans les compléments alimentaires. Par conséquent, il ne serait pas certain que l’amélioration des bonnes pratiques ait d’incidence sur la teneur en HAP.
133 En sixième lieu, les requérants ont soutenu que, compte tenu du fait que la source de contamination pour les compléments alimentaires visés par le règlement attaqué n’était ni connue ni maîtrisable, l’adoption de limites contraignantes en HAP pour ces compléments alimentaires ne constituait pas une mesure adaptée de gestion des risques par la Commission. D’autres mesures de gestion des risques, comme celle utilisée pour l’acrylamide, auraient été plus appropriées.
134 En septième lieu, les requérants ont soumis devant le Tribunal des résultats d’analyse démontrant que leurs produits dépassaient les teneurs maximales fixées par le règlement attaqué. Les requérants ont soutenu que tel était le cas malgré l’application de leur part des bonnes pratiques. Pour démontrer cette application, ils ont notamment soumis des déclarations provenant de leurs employés attestant cette application et ont fait valoir qu’ils étaient adhérents au Synadiet, ce qui les obligeait à appliquer de bonnes pratiques.
135 L’argumentation des requérants présentée aux points 129 à 131 et 133 ci-dessus serait appuyée par une étude scientifique « sur les risques liés à la présence de [HAP] dans certains compléments alimentaires » d’un expert indépendant en toxicologie, saisi par le Synadiet le 25 novembre 2015, à savoir postérieurement à l’adoption du règlement attaqué, et portant la date du 4 janvier 2016 (ci-après l’« étude de l’expert »). En ce qui concerne cette argumentation, il convient de relever ce qui suit.
136 Tout d’abord, en ce qui concerne les allégations présentées aux points 129 et 130 ci-dessus, il convient de relever que l’étude de l’expert ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission en ce qui concerne la possibilité d’application de bonnes pratiques. L’étude de l’expert consacre la majeure partie des développements à l’évaluation des risques et l’expert affirme dans la dernière partie de son étude que plusieurs sources de contamination sont difficilement maîtrisables du fait de l’origine environnementale diffuse de cette contamination. Or, il convient de constater que l’expert ne conclut pas à une impossibilité de maîtrise de la contamination par de bonnes pratiques mais à une maîtrise difficile. Dès lors, son étude ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission d’autant plus que, d’une part, cette étude a été préparée postérieurement à l’adoption du règlement attaqué et en vue, probablement, du présent contentieux et, d’autre part, la Commission pouvait se fonder sur l’ensemble des données exposées aux points 120 à 126 ci-dessus afin de conclure à la possibilité de l’application de bonnes pratiques.
137 Les allégations présentées aux points 129 et 130 ci-dessus sont également appuyées par la note du Synadiet du mois de juillet 2015 (voir point 125 ci-dessus). Dans cette note, le Synadiet indiquait notamment, documentation à l’appui, que le respect des teneurs maximales n’était pas possible pour les compléments alimentaires contenant les substances botaniques ginkgo, guarana et yerba maté et demandait à la Commission l’exemption de l’application du règlement attaqué pour ces compléments alimentaires ainsi que pour ceux contenant de la propolis et de la gelée royale. Or, il convient de rappeler que les requérants n’ont pas démontré que cette note avait été soumise à la Commission préalablement à l’adoption du règlement attaqué. Par conséquent, et eu égard à la jurisprudence citée au point 124 ci-dessus, il y a lieu de conclure que les informations factuelles contenues dans cette note ne sont pas susceptibles de conduire à l’annulation du règlement attaqué. À titre général, il convient de préciser qu’il appartient à la Commission, dans le cadre de ses compétences tirées de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 315/93, de modifier éventuellement le règlement attaqué en fonction des données portées à sa connaissance postérieurement à son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, EU:C:2006:30, point 40).
138 Ensuite, en ce qui concerne les difficultés analytiques mentionnées par les requérants (voir point 131 ci-dessus) et évoquées également par l’étude de l’expert, il ressort du dossier que, dans une lettre du 16 septembre 2014 adressée à la Commission, le laboratoire de référence de l’Union pour les HAP, qui fait partie du centre commun de recherche de la Commission, a indiqué qu’il n’avait pas détecté de lacunes concernant la détermination des HAP dans les compléments alimentaires et que des méthodes d’analyse respectant les critères de performance précisés dans la réglementation pertinente de l’Union étaient disponibles aux fins de cette détermination. Il s’ensuit que la Commission pouvait se fonder sur cette conclusion du laboratoire de référence afin de procéder à la détermination des teneurs maximales. Dès lors, l’allégation des requérants, fondée sur l’étude de l’expert, ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.
139 Par ailleurs, s’agissant de l’argument exposé au point 133 ci-dessus, celui-ci sera abordé dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, tiré des erreurs manifestes d’appréciation.
140 Sur le fondement des considérations contenues aux points 136 et 138 ci-dessus, et compte tenu de la précision apportée au point 139 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’ensemble de l’argumentation des requérants fondée sur l’étude de l’expert.
141 En outre, s’agissant de l’allégation des requérants relative au caractère inapproprié des indicateurs HAP retenus aux fins de l’identification de l’origine de la présence des HAP dans les compléments alimentaires (voir point 132 ci-dessus), elle ne démontre pas non plus que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le respect des teneurs maximales en HAP fixées dans le règlement attaqué était possible par le biais de l’application des bonnes pratiques. En effet, l’approche de la Commission, telle qu’elle est reflétée par le règlement attaqué, était que des bonnes pratiques étaient applicables indépendamment de l’origine de la contamination en HAP.
142 Concernant l’argument des requérants présenté au point 128 ci-dessus, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le fait que le considérant 5 du règlement attaqué ait mis en corrélation les mauvaises pratiques de séchage avec la présence de teneurs élevées en HAP ne signifie pas que les bonnes pratiques visées dans le règlement attaqué concernaient uniquement le procédé du séchage. Cette interprétation du règlement attaqué ressort du tableau sous le point 2 de son annexe, qui fixe des teneurs maximales en HAP pour certains compléments alimentaires sans faire dépendre l’application de ces teneurs de leur mode de fabrication. Cette interprétation ressort aussi du contexte de l’adoption du règlement attaqué et il convient de rappeler, à cet égard, le considérant 4 du règlement no 1881/2006, auquel le règlement attaqué renvoie, qui fait une référence générale au « respect des bonnes pratiques dans le domaine de la fabrication, de l’agriculture et de la pêche ». Il convient de rappeler, également, que l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 315/93, lu avec l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement, fait une référence générale aux bonnes pratiques au cours de la fabrication, de la transformation, de la préparation, du traitement, du conditionnement, de l’emballage, du transport ou du stockage de la denrée alimentaire, ou à la suite de la contamination par l’environnement. Il s’ensuit que l’argument des requérants présenté au point 128 ci-dessus est fondé sur une compréhension erronée du règlement attaqué et doit, dès lors, être rejeté.
143 Enfin, s’agissant des éléments d’information soumis par les requérants devant le Tribunal et exposés au point 134 ci-dessus, force est de constater que la preuve du dépassement des teneurs maximales fixées par le règlement attaqué, prétendument apportée par les requérants en ce qui concerne leurs produits, ne démontre pas l’impossibilité d’application des bonnes pratiques afin de respecter ces teneurs. De même, le fait que les requérants déclarent appliquer de bonnes pratiques ne démontre ni l’application effective de ces pratiques ni que l’appréciation de la Commission relative à l’existence de bonnes pratiques permettant le respect des teneurs maximales fixées est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, il importe également de relever que les éléments d’information susvisés n’ont pas été communiqués à la Commission dans le cadre de la procédure ayant mené à l’adoption du règlement attaqué et de rappeler que la Commission disposait de données fiables, pertinentes et cohérentes lui permettant de considérer que le respect des teneurs maximales était possible par l’application de bonnes pratiques.
144 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.
Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation
145 Dans le cadre du quatrième moyen, les requérants font valoir que le règlement attaqué repose sur des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission.
146 Les requérants observent, tout d’abord, que le règlement attaqué repose implicitement sur le constat selon lequel le consommateur ingérerait des quantités similaires en HAP par les compléments alimentaires et par des aliments courants. Or, tel ne serait pas le cas, les aliments courants contribuant beaucoup plus à l’exposition humaine aux HAP que les compléments alimentaires, lesquels ne sont consommés qu’à de très petites quantités et non à titre permanent, mais pour une période de temps limitée. Il s’ensuivrait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fixant des teneurs qui ne tiennent pas compte de cette différence dans la contribution à l’exposition.
147 Les requérants soutiennent ensuite que, à supposer que des mesures de gestion des risques soient nécessaires pour les compléments alimentaires, quod non, le choix de fixer des teneurs maximales en HAP ne constitue pas la mesure la plus appropriée. Il existerait d’autres mesures possibles, comme celles utilisées pour l’acrylamide, consistant notamment en la mutualisation de la recherche et la constitution d’une « tool box » (boîte à outils). Les requérants s’appuient à cet égard sur l’étude de l’expert, qui énonce in fine que la fixation de limites contraignantes ne « semble » pas être pertinente en termes de gestion et qu’« on pourrait alors penser à une gestion de type acrylamide [où] les recherches des sources pour leur maîtrise [sont] encouragée[s] avec mise en commun des données et constitution d’une “tool box” ».
148 Dans la réplique, les requérants font grief à la Commission d’avoir appliqué la méthode ALARA pour l’évaluation des risques au lieu d’appliquer la méthode MOE qui était recommandée par l’EFSA. Selon les requérants, au lieu d’appliquer une méthode inappropriée, la Commission devait saisir l’EFSA pour appliquer la méthode MOE et évaluer les risques HAP dans les compléments alimentaires avant d’adopter le règlement attaqué.
149 La Commission conteste les allégations des requérants et considère qu’elle n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en adoptant le règlement attaqué.
150 Concernant l’argumentation des requérants présentée au point 146 ci-dessus, il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’il ressort du dossier que les compléments alimentaires peuvent contenir des teneurs élevées en HAP. À cet égard, il est renvoyé, notamment, à l’avis de l’EFSA de 2008, au considérant 21 du règlement no 835/2011 et au courrier électronique de la DGCCRF du 9 juillet 2014 (voir point 106 ci-dessus).
151 Compte tenu de cette constatation et du danger sur le plan toxicologique que représentent les HAP en tant que substances cancérigènes génotoxiques sans effet de seuil, force est de conclure que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, la Commission n’avait pas l’obligation de comparer le niveau de la consommation des compléments alimentaires avec le niveau de la consommation d’autres aliments, tels que les céréales, afin de fixer des teneurs maximales et de déterminer le niveau de ces teneurs. À cet égard, il importe de rappeler le cadre dans lequel la Commission a agi.
152 En effet, la Commission a agi à la suite de l’avis de l’EFSA de 2008, qui a conclu que l’approche MOE révélait que la présence des HAP dans les denrées alimentaires constituait une préoccupation potentielle pour la santé des consommateurs et révélait un besoin possible pour l’adoption de mesures de gestion des risques.
153 Les mesures de gestion des risques que la Commission pouvait adopter devaient être conçues à la lumière du principe ALARA, selon lequel l’exposition aux HAP devait être maintenue au niveau le plus faible possible. Elles devaient également être conçues à la lumière de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 315/93 prévoyant que les teneurs en contaminants doivent être maintenues aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques. Ainsi que la Commission le relève à juste titre, il ressort de ce cadre qu’elle ne pouvait se contenter ni de réglementer uniquement les aliments qui sont des contributeurs majeurs dans l’alimentation, comme les céréales, ni de fixer des teneurs en fonction de la contribution respective de chaque catégorie d’aliments dans l’apport total en HAP.
154 L’existence d’un tel contexte, dans lequel la Commission devait agir, est confirmée par l’étude de l’expert, qui reconnaît la nécessité de la maîtrise des niveaux de contamination en HAP dans la mesure où « l’exposition à des cancérigènes [tels que les HAP] est en général soumis[e] à la procédure ALARA (aussi faible que raisonnablement faisable) qui incite à une maîtrise des niveaux de contamination ». L’expert poursuit en affirmant : « [I]l nous faut donc investiguer les voies possibles de maîtrise en fonction des sources de contaminations spécifiques aux suppléments. »
155 Il s’ensuit que le grief des requérants présenté au point 146 ci-dessus doit être rejeté.
156 En ce qui concerne l’allégation des requérants présentée au point 147 ci-dessus, il convient de constater qu’une telle allégation, même appuyée par l’étude de l’expert, ne suffit pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en optant pour la fixation des teneurs maximales. Il convient de relever à cet égard que les termes employés par l’expert dans son étude ne sont pas suffisamment assertifs et n’emportent pas la conviction du Tribunal quant à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.
157 Par ailleurs, la Commission a précisé devant le Tribunal, sans être contestée, que la « toolbox » préconisée par les requérants comme modèle pour la gestion des risques n’est rien d’autre qu’un ensemble de bonnes pratiques que l’industrie s’engage à respecter, à toutes les étapes de la production, pour diminuer les niveaux d’acrylamide observés dans les denrées alimentaires. Il s’ensuit que, loin de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission, l’argumentation des requérants relative à la possibilité d’application d’une « toolbox » contredit, dans une certaine mesure, leur argumentation relative à l’impossibilité de respecter les teneurs maximales fixées par l’application des bonnes pratiques.
158 Il s’ensuit que l’argument des requérants présenté au point 147 ci-dessus doit être rejeté.
159 S’agissant enfin de l’argument des requérants exposé au point 148 ci-dessus, il a pour fondement une prémisse erronée, à savoir que les approches ALARA et MOE concernent toutes les deux l’évaluation des risques. Or, tel n’est pas le cas, l’approche ALARA concernant la gestion des risques, tandis que l’approche MOE concerne l’évaluation des risques. Par ailleurs, il ressort clairement de l’avis de l’EFSA de 2008 que cette autorité s’est fondée sur l’approche MOE pour effectuer une évaluation scientifique des risques posés par la présence des HAP dans les denrées alimentaires. Il s’ensuit que l’argument susvisé doit être rejeté.
160 Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
161 Les requérants soutiennent que la fixation des teneurs maximales en HAP dans le règlement attaqué enfreint le principe de proportionnalité.
162 D’une part, cette fixation dépasserait ce qui est nécessaire pour protéger la santé publique. L’absence de nécessité de fixer de telles teneurs résulterait de l’absence de risque pour la population du fait de la présence des HAP dans les compléments alimentaires, telle qu’elle est attestée par l’avis de l’EFSA de 2008, l’avis de l’ANSES de 2011, l’étude de la FSA de décembre 2005et de la fiche d’information sur l’enquête alimentaire (food survey information sheet) de la FSA du mois d’avril 2012.
163 D’autre part, la fixation des teneurs maximales en HAP ne serait pas susceptible de répondre à l’objectif tenant à la nécessité d’améliorer les bonnes pratiques, dans la mesure où la présence des HAP dans les compléments alimentaires résulterait essentiellement de pollutions environnementales étrangères aux pratiques des opérateurs économiques. Selon les requérants, le règlement attaqué n’indique pas (sauf pour le séchage), ni ne démontre, que la teneur en HAP dans les compléments alimentaires serait liée à de mauvaises pratiques de fabrication, plutôt qu’à des pollutions environnementales.
164 La Commission conteste l’argumentation des requérants.
165 Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 279 et jurisprudence citée).
166 Il convient en outre de rappeler que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de l’adoption de mesures de gestion des risques impliquant des choix politiques et des évaluations techniques complexes (voir points 46, 47 et 111 ci-dessus). Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que la Commission entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, EU:T:2011:445, point 280 et jurisprudence citée).
167 Le grief des requérants selon lequel la fixation des teneurs maximales dépasse ce qui est nécessaire pour protéger la santé publique est fondé sur l’allégation selon laquelle il n’y a pas de risque pour la population du fait de la présence des HAP dans les compléments alimentaires. Or, cette allégation n’est pas fondée : ainsi qu’il a déjà été constaté, la Commission pouvait se fonder sur l’avis de l’EFSA de 2008 pour fixer les teneurs en cause, car il constituait un fondement scientifique adéquat pour l’adoption du règlement attaqué. En effet, cet avis confirmait le caractère cancérigène et génotoxique, sans effet de seuil, des quatre HAP visés dans le règlement attaqué et concluait que, compte tenu de l’exposition alimentaire des grands consommateurs, il y avait un besoin possible d’adoption de mesures de gestion des risques.
168 Par ailleurs, force est de préciser que, si les documents de l’ANSES et de la FSA indiquent, certes, que l’exposition aux HAP provenant de la consommation des compléments alimentaires n’est pas élevée, aucun de ces documents ne remet en cause le caractère dangereux, du point de vue toxicologique, de ces substances et le besoin que l’exposition à celles-ci soit limitée au maximum possible, en application du principe ALARA.
169 En ce qui concerne l’allégation des requérants selon laquelle la fixation des teneurs maximales ne serait pas susceptible de répondre à l’objectif tenant à la nécessité d’améliorer les bonnes pratiques, il convient de remarquer que ladite fixation a pour objectif la protection de la santé publique, ainsi qu’il ressort du considérant 4 du règlement no 315/93 qui constitue la base légale du règlement attaqué, et non l’amélioration des bonnes pratiques. Il convient également de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 315/93, les teneurs en contaminants doivent être maintenues aux niveaux les plus faibles que permettent raisonnablement de bonnes pratiques et il a été conclu, à cet égard, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la mise en place de telles pratiques par les opérateurs économiques pouvait assurer le respect de ces teneurs.
170 En outre, et à toutes fins utiles, il y a lieu de relever que la Commission, afin de démontrer que le règlement attaqué constituait la mesure la moins contraignante qui pouvait être imposée pour atteindre l’objectif poursuivi, a précisé devant le Tribunal, sans être contestée, que les teneurs maximales retenues ont été fixées à un niveau qui permettait à environ 90 % des échantillons qui étaient à sa disposition d’être déclarés conformes à la réglementation.
171 Sur le fondement des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination
172 Les requérants soutiennent que les quantités ingérées par l’homme placent les compléments alimentaires dans une situation différente de celle des autres denrées alimentaires. En effet, les compléments alimentaires apporteraient « objectivement » beaucoup moins de HAP que les autres denrées alimentaires. Or, le règlement attaqué, en omettant de fixer des teneurs maximales en HAP en adéquation avec le type de denrée concernée, n’aurait pas tenu compte de cette différence. En revanche, en fixant des teneurs quasi identiques pour les compléments alimentaires et les autres denrées alimentaires, il aurait traité de manière similaire deux situations totalement différentes. Les requérants concluent que le règlement attaqué enfreint le principe de non-discrimination.
173 La Commission conteste cette argumentation.
174 Il convient de rappeler que le principe de non-discrimination, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 478 et jurisprudence citée).
175 La prémisse de l’argumentation des requérants est que les compléments alimentaires, du fait qu’ils sont consommés en quantités beaucoup moins importantes, contribueraient beaucoup moins à l’exposition aux HAP que d’autres denrées alimentaires qui sont consommées en quantités beaucoup plus importantes. Le règlement attaqué n’aurait pas tenu compte de cette différence dans le cadre de la fixation des teneurs maximales en HAP et violerait ainsi le principe de non-discrimination en traitant de manière similaire deux situations différentes.
176 Or, cette prémisse n’est pas fondée, puisque, du point de vue du risque pour la santé et de la nécessité de l’adoption de mesures de gestion des risques, les compléments alimentaires contaminés en HAP ne se trouvent pas dans une situation différente de celle des autres denrées alimentaires. La quantité de leur consommation respective par les humains n’est pas pertinente, dans la mesure où les HAP sont des substances dangereuses du point de vue toxicologique, à savoir des substances cancérigènes et génotoxiques, sans effet de seuil. Dans les deux cas, c’est-à-dire dans le cas des compléments alimentaires et dans celui des autres aliments, le gestionnaire des risques doit maintenir les teneurs en HAP aux niveaux les plus bas possibles que permettent raisonnablement les bonnes pratiques. La fixation de ces teneurs est, dès lors, fonction de la possibilité de mise en place des bonnes pratiques et non fonction de la quantité de consommation.
177 Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
Sur les dépens
178 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Apimab Laboratoires et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.
Prek | Buttigieg | Berke |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2018.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. Prek |
Table des matières
Antécédents du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
Observations liminaires
Sur le concept de l’analyse des risques au sens de l’article 6 du règlement n o 178/2002
Sur l’intensité du contrôle juridictionnel
Sur le plan d’examen des moyens invoqués
Sur le premier moyen, tiré de la violation des règles de procédure
Sur l’évaluation des risques, visée par la première branche du deuxième moyen et par le troisième moyen
Sur la motivation du règlement attaqué
Sur le bien-fondé de l’évaluation des risques effectuée par la Commission
– Sur le fondement scientifique du règlement attaqué
– Sur les arguments des requérants
Sur la gestion des risques, visée par la deuxième branche du deuxième moyen et par les quatrième, cinquième et sixième moyens
Sur les griefs des requérants, formulés dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, relatifs à l’application de bonnes pratiques au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n o 315/93
Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.
© European Union
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