Groningen Seaports and Others v Commission (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-160/16 (31 May 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T16016.html
Cite as: [2018] EUECJ T-160/16, EU:T:2018:317, ECLI:EU:T:2018:317

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

31 mai 2018 (*)

« Aides d’État – Exonération de l’impôt sur les sociétés accordée par les Pays-Bas en faveur des six ports maritimes publics néerlandais – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur – Obligation de motivation – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑160/16,

Groningen Seaports NV, établie à Delfzijl (Pays-Bas), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées initialement par Mes E. Pijnacker Hordijk et I. Kieft, puis par Mes A. Kleinhout et C. Zois, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Royaume des Pays-Bas, représenté par M. J. Langer et Mme M. Bulterman, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. S. Noë, B. Stromsky et J. ‑F. Brakeland, puis par MM. Noë et Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/634 de la Commission, du 21 janvier 2016, concernant l’aide d’État SA.25338 (2014/C) (ex E 3/2008 et ex CP 115/2004) mise à exécution par les Pays-Bas – Exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques (JO 2016, L 113, p. 148),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich et P. G. Xuereb (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Droit national en cause

1        En vertu de la Wet Vennootschapsbelasting (loi relative à l’impôt sur les sociétés) de 1969 (ci-après la « Wet Vpb 1969 »), les entreprises étaient assujetties à l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas. Toutefois, les entreprises publiques n’étaient assujetties à cet impôt que si elles relevaient de la liste limitative figurant à l’article 2, paragraphe 3, de la Wet Vpb 1969 ou si elles étaient citées à l’article 2, paragraphe 7, de cette loi.

2        La Wet modernisering vennootschapsbelastingplicht overheidsondernemingen (loi modernisant l’assujettissement des entreprises publiques à l’impôt sur les sociétés) de 2015 (ci-après la « Wet Vpb 2015 ») a modifié la Wet Vpb 1969.

3        En particulier, la Wet Vpb 2015 a modifié l’article 2 de la Wet Vpb 1969 afin d’assujettir les entreprises publiques à l’impôt sur les sociétés.

4        Cependant, la Wet Vpb 2015 a inséré un nouvel article 6 c à la Wet Vpb 1969. Cet article maintient expressément l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour, notamment, six entreprises qui gèrent des ports maritimes publics néerlandais, à savoir Groningen Seaports NV ainsi que les cinq autres entités dont les noms figurent en annexe (ci-après les « requérantes » ou les « ports maritimes publics néerlandais »).

 Procédure administrative

5        En 1997, les services de la Commission des Communautés européennes ont ouvert une enquête sur les règles d’imposition particulières s’appliquant aux entreprises publiques dans les États membres et ont, dans le cadre de cette enquête, envoyé des questionnaires aux États membres.

6        Par lettre du 23 janvier 1998, en réponse à un questionnaire de la Commission, les autorités néerlandaises ont communiqué des informations sur la Wet Vpb 1969, qui prévoyait que les entreprises publiques bénéficiaient, en principe, d’une exonération de l’impôt sur les sociétés.

7        Le 2 juillet 2004, les services de la Commission ont ouvert une procédure d’office concernant cette exonération. Ils ont adressé aux autorités néerlandaises plusieurs demandes de renseignements.

8        Le 4 mai 2006, les services de la Commission ont reçu des plaintes concernant, notamment, l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques par la Wet Vpb 1969. Ces plaintes, en ce qu’elles concernaient cette exonération, ont été jointes à la procédure d’office ouverte par les services de la Commission.

9        Par lettre du 9 juillet 2008, les services de la Commission ont engagé la procédure de coopération, prévue à l’article 17 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), applicable aux aides existantes, dans la mesure où les dispositions en cause de la Wet Vpb 1969 figuraient déjà dans la législation fiscale néerlandaise de 1956, soit avant l’entrée en vigueur du traité CE au Royaume des Pays-Bas, le 1er janvier 1958. Dans cette lettre, la Commission a informé le Royaume des Pays-Bas qu’elle estimait, à titre préliminaire, que l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques, prévue par la Wet Vpb 1969, constituait une aide d’État incompatible au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et a invité les autorités néerlandaises à formuler des observations. En septembre 2010 et en janvier 2011, les services de la Commission ont reçu des plaintes concernant l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques par la Wet Vpb 1969. Ces plaintes ont été jointes à la procédure de coopération ouverte par les services de la Commission.

10      Par décision du 2 mai 2013, la Commission a proposé, conformément à l’article 18 du règlement no 659/1999, des mesures utiles au Royaume des Pays-Bas afin de supprimer l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques néerlandaises.

11      Par lettre du 24 mai 2013, les autorités néerlandaises ont informé la Commission que, sous réserve d’une approbation parlementaire, le gouvernement néerlandais avait l’intention d’adopter une loi, dans un délai de 18 mois, afin de garantir que les entreprises publiques qui exerçaient des activités économiques soient soumises au même régime d’imposition des sociétés que les entreprises privées.

12      La Commission a estimé que la déclaration figurant dans la lettre du 24 mai 2013 adressée par le Royaume des Pays-Bas ne valait pas approbation inconditionnelle, puisqu’elle n’exprimait qu’une intention conditionnelle d’adopter une législation.

13      Ainsi, par lettre du 11 mars 2014, les services de la Commission ont soulevé le caractère conditionnel de l’acceptation et demandé aux autorités néerlandaises de leur faire savoir, dans un délai de trois semaines après réception de ladite lettre, si le Royaume des Pays-Bas acceptait les mesures utiles sans réserve ni équivoque. Le Royaume des Pays-Bas n’a pas répondu à cette lettre.

14      Par lettre du 9 juillet 2014, la Commission a informé le Royaume des Pays-Bas qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concernait l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques néerlandaises. La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, C 280, p. 68).

15      Le Royaume des Pays-Bas et les requérantes ont présenté leurs observations en réponse à cette décision.

16      Le 4 juin 2015, le roi des Pays-Bas a sanctionné la Wet Vpb 2015, qui a modifié la Wet Vpb 1969, afin de soumettre les entreprises publiques à l’impôt sur les sociétés de la même manière que les entreprises privées. La Wet Vpb 2015, qui prévoyait que l’exonération fiscale était maintenue pour les requérantes jusqu’à une date à déterminer par les autorités néerlandaises par décret royal, devait prendre effet à compter du 1er janvier 2016. Cette loi n’a pas été notifiée par le Royaume des Pays-Bas à la Commission.

17      Le 27 août 2015, une réunion s’est tenue entre les services de la Commission et les autorités néerlandaises.

18      Par lettre du 10 septembre 2015, les autorités néerlandaises ont exposé les raisons pour lesquelles elles estimaient qu’une période transitoire était justifiée pour l’assujettissement des ports maritimes publics néerlandais à l’impôt sur les sociétés.

 Décision attaquée

19      Le 21 janvier 2016, la Commission a adopté la décision (UE) 2016/634, concernant l’aide d’État SA.25338 (2014/C) (ex E 3/2008 et ex CP 115/2004) mise à exécution par les Pays-Bas – Exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux entreprises publiques (JO 2016, L 113, p. 148, ci-après la « décision attaquée »).

20      Dans la décision attaquée, la Commission a examiné l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée à la majorité des entreprises publiques en vertu de la Wet Vpb 1969 ainsi que l’exonération de l’impôt sur les sociétés maintenue pour les requérantes en vertu de la Wet Vpb 2015.

21      Tout d’abord, la Commission a rappelé que, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.

22      À cet égard, premièrement, la Commission a relevé que les entreprises publiques qui exerçaient des activités économiques pouvaient être qualifiées d’entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que tel était notamment le cas des ports maritimes.

23      Deuxièmement, la Commission a estimé qu’une exonération d’impôt était imputable à l’État et était accordée au moyen de ressources d’État, dans la mesure où une perte de revenus fiscaux était équivalente à une utilisation de ressources d’État sous la forme de dépenses fiscales.

24      Troisièmement, la Commission a considéré que, en vertu de la Wet Vpb 1969, les entreprises publiques étaient en principe exonérées de l’impôt sur les sociétés, tandis que les entreprises privées y étaient en principe assujetties. Elle a estimé, par conséquent, que les entreprises publiques qui exerçaient des activités économiques bénéficiaient d’un avantage fiscal par rapport aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés. La Commission a ajouté que, puisque la Wet Vpb 2015 maintenait expressément l’exonération pour certains ports maritimes publics néerlandais, ceux-ci auraient continué à bénéficier de l’avantage fiscal.

25      Quatrièmement, la Commission a relevé que les entreprises publiques qui exerçaient des activités économiques et bénéficiaient de l’exonération de l’impôt sur les sociétés étaient susceptibles de prendre part aux échanges dans l’Union européenne et que les requérantes qui restaient exonérées, après les modifications de la Wet Vpb 1969 introduites par la Wet Vpb 2015, étaient à l’évidence des entreprises publiques qui participaient aux échanges entre les États membres. La Commission a donc estimé que l’exonération fiscale pour des entreprises publiques prévue par la Wet Vpb 1969 et le maintien de cette exonération pour les requérantes prévu par la Wet Vpb 2015 affectaient les échanges entre les États membres et faussaient ou menaçaient de fausser la concurrence.

26      Cinquièmement, la Commission a relevé que l’exonération de l’impôt sur les sociétés, prévue par la Wet Vpb 1969 pour les entreprises publiques et maintenue par la Wet Vpb 2015 pour les requérantes, constituait une dérogation au régime général d’imposition des sociétés en vigueur au Royaume des Pays-Bas et accordait un avantage sélectif aux entreprises publiques qui exerçaient des activités économiques. En réponse à l’argument des requérantes, invoqué devant elle, selon lequel l’exonération de l’impôt sur les sociétés, ayant été appliquée de façon uniforme aux ports maritimes néerlandais, n’était pas sélective la Commission a rappelé que l’évaluation du caractère sélectif se fondait sur une comparaison à l’intérieur d’un État membre, entre les entreprises qui, eu égard à l’objectif assigné à la législation fiscale concernée, se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable. Or, selon la Commission, les requérantes bénéficiaient d’un avantage sélectif par rapport aux entreprises actives dans le même secteur, mais aussi dans d’autres secteurs, et ces deux groupes d’entreprises se trouvaient, eu égard à l’objectif assigné à la législation concernée relative à l’impôt sur les sociétés, qui était d’imposer les bénéfices des sociétés, dans une situation factuelle et juridique comparable. La Commission a également relevé que les autorités néerlandaises n’avaient avancé aucun argument de nature à justifier l’exonération sur la base de l’économie du régime néerlandais d’imposition des sociétés et qu’elle-même n’avait pas pu trouver un tel motif de justification.

27      La Commission a, par conséquent, estimé que l’exonération accordée aux entreprises publiques par la Wet Vpb 1969 et celle maintenue pour les requérantes par la Wet Vpb 2015 constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

28      En outre, la Commission a souligné que les autorités néerlandaises n’avaient pas présenté d’arguments visant à démontrer que l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée à certaines entreprises publiques était compatible avec le marché intérieur en application de l’article 106, paragraphe 2, ou de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE. La Commission a, en tout état de cause, estimé que ces dispositions n’étaient pas applicables en l’espèce.

29      Par ailleurs, la Commission a rejeté la demande des autorités néerlandaises visant à ce qu’une période transitoire soit accordée avant que les ports maritimes publics néerlandais soient soumis à l’impôt sur les sociétés. Elle a notamment estimé, en substance, que le fait que d’autres États membres accordaient des aides comparables à leurs ports maritimes ne permettait pas de justifier l’octroi d’une période transitoire.

30      Enfin, la Commission a souligné que l’exonération prévue par la Wet Vpb 1969 existait déjà dans la législation fiscale néerlandaise de 1956 et donc avant l’entrée en vigueur du traité CE aux Pays-Bas, le 1er janvier 1958. Elle a donc considéré que cette exonération était une aide existante. Elle a en outre estimé que la Wet Vpb 2015, qui avait maintenu l’exonération fiscale pour les requérantes, n’avait pas fondamentalement modifié le système d’exonération de l’impôt sur les sociétés prévu par la Wet Vpb 1969, étant donné qu’elle n’avait pas introduit de nouveaux éléments d’aide ni augmenté le nombre de bénéficiaires. La Commission a donc estimé que, ainsi prolongée, l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes avait conservé son caractère d’aide existante.

31      La Commission en a conclu que l’exonération de l’impôt sur les sociétés maintenue par la Wet Vpb 2015 pour les ports maritimes publics néerlandais était une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et qu’elle devait être abolie.

32      Le dispositif de la décision attaquée prévoit ce qui suit :

« Article premier

L’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée à Groningen Seaports NV, Havenbedrijf Amsterdam NV, Havenbedrijf Rotterdam NV, Havenschap Moerdijk, NV Port of Den Helder et Zeeland Seaports constitue, pour ce qui est des activités économiques des ports maritimes concernés, une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

[Le Royaume des] Pays-Bas aboli[t] l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux ports maritimes cités à l’article 1er dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision et le régime d’imposition des sociétés modifié entre en vigueur au plus tard à partir de l’exercice fiscal suivant l’adoption de la présente décision.

Article 3

[Le Royaume des] Pays-Bas communiqu[e] à la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les mesures prises pour en assurer l’exécution.

Article 4

Le Royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision. »

33      La décision attaquée ayant été adoptée le 21 janvier 2016, les requérantes devaient être soumises à l’impôt sur les sociétés au plus tard à partir de l’exercice fiscal commençant le 1er janvier 2017.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2016, les requérantes ont introduit le présent recours.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 juillet 2016, le Royaume des Pays-Bas a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Il a été fait droit à cette demande, les parties principales ayant été entendues à cet égard.

36      Par lettre du 7 juillet 2017, le Royaume des Pays-Bas a informé le Tribunal qu’il ne participerait pas à l’audience du 7 septembre 2017.

37      Par lettre du 4 septembre 2017, les requérantes ont informé le greffe du Tribunal que l’une d’entre elles, Havenschap Moerdijk (ci-après « Havenschap »), avait changé de nom et que, désormais, elle était dénommée Havenbedrijf Moerdijk NV.

38      Lors de l’audience du 7 septembre 2017, les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

42      La phase orale de la procédure a été close le 7 septembre 2017.

43      Par ordonnance du 24 novembre 2017, le Tribunal a rouvert la phase orale de la procédure, en application de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal.

44      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure du 27 novembre 2017, le Tribunal a invité les requérantes à produire des documents et a invité les parties à répondre par écrit à des questions.

45      La Commission a déféré à cette demande le 5 décembre 2017 et les requérantes ainsi que le Royaume des Pays-Bas le 11 décembre 2017.

46      Par décision du 22 janvier 2018, la phase orale de la procédure a été close de nouveau et l’affaire a été mise en délibéré.

 En droit

 Sur la demande de substitution

47      Par lettre, les requérantes ont informé le greffe du Tribunal que l’une d’entre elles, Havenschap, avait changé de nom et qu’elle était désormais dénommée Havenbedrijf Moerdijk. Il ressortait toutefois des documents joints à cette lettre que Havenschap continuait d’exister comme personne morale et qu’elle avait procédé à une restructuration en décembre 2016 en créant une nouvelle personne morale, Havenbedrijf Moerdijk, dont elle était le seul actionnaire.

48      Lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que, bien que Havenschap continuât d’exister, tous les actifs et les obligations de celle-ci avaient été transférés à Havenbedrijf Moerdijk.

49      En réponse à une question écrite du Tribunal visant à clarifier la nature juridique de ce transfert, les requérantes ont indiqué que Havenschap était une personne morale de droit public et que Havenbedrijf Moerdijk était une société anonyme et donc une société de capitaux de droit privé. Elles ont également indiqué que, en vertu de l’article 2 d’un acte notarié d’émission d’actions daté du 30 décembre 2016, joint en annexe à leur réponse, tous les actifs de Havenschap avaient été transférés à Havenbedrijf Moerdijk, ainsi que toutes les obligations de Havenschap à l’égard des tiers, à l’exception de celles découlant de certains contrats de financement. Elles ont précisé que ce transfert incluait tous les droits et obligations découlant de procédures en cours, dont la présente procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 2 dudit acte notarié lu conjointement avec l’article 8.1 de la convention datée du 21 décembre 2016, conclue entre Havenschap et Havenbedrijf Moerdijk, également jointe en annexe à la réponse des requérantes.

50      Les requérantes ont également expliqué que le transfert des actifs et des obligations de Havenschap à Havenbedrijf Moerdijk n’était pas, au sens strict, un transfert à titre universel. En droit néerlandais, la fusion, la scission ou toute autre forme de transmission directe du patrimoine à titre universel d’une personne morale de droit public vers une société de capitaux de droit privé serait impossible.

51      Les requérantes ont toutefois souligné que le transfert des droits et obligations de Havenschap à Havenbedrijf Moerdijk correspondait, dans une large mesure, à un transfert à titre universel et que, si Havenschap existait encore, elle n’exerçait plus d’activité qui, en conséquence de la décision attaquée, serait soumise à l’impôt sur les sociétés.

52      Les requérantes ont ajouté que, dans l’hypothèse où Havenbedrijf Moerdijk ne pourrait pas se substituer à Havenschap dans la présente procédure, l’article 8.2 de la convention du 21 décembre 2016 prévoirait la possibilité pour Havenschap, qui existait encore, de poursuivre la présente procédure de recours, possibilité dans le cadre de laquelle cette dernière donnerait irrévocablement mandat et procuration à Havenbedrijf Moerdijk pour agir en son nom. De surcroît, les requérantes ont indiqué que le Royaume des Pays-Bas avait exécuté la décision attaquée en adoptant l’article II de la Wet modernisering Vpb-plicht overheidsondernemingen (loi modernisant l’assujettissement des entreprises publiques à l’impôt sur les sociétés), qui était entrée en vigueur le 1er janvier 2017 en vertu d’un arrêté royal du 11 avril 2016. Ainsi, selon les requérantes, Havenschap conserverait un intérêt à agir étant donné que la décision attaquée avait été exécutée par une loi et par un arrêté royal adoptés avant que le transfert des actifs et passifs de Havenschap à Havenbedrijf Moerdijk ne fût intervenu, à savoir le 30 décembre 2016.

53      Enfin, selon les requérantes, la solution préconisée par la Commission selon laquelle Havenbedrijf Moerdijk ne peut se substituer à Havenschap dans la présente procédure et selon laquelle Havenbedrijf Moerdijk a perdu son intérêt à agir ne serait pas compatible avec la réalité factuelle, juridique et économique et serait manifestement injuste.

54      La Commission a indiqué, lors de l’audience et en réponse à une question écrite du Tribunal, que, si, en principe, il était possible de transférer la qualité de partie à un procès à une nouvelle personne morale, tel n’était pas le cas si l’ancienne entité continuait d’exister. Elle en a donc conclu que Havenschap était toujours partie à la présente procédure, mais qu’elle n’avait plus d’intérêt direct dans l’issue du présent litige et que le recours était donc irrecevable en ce qui la concernait. La Commission a toutefois souligné que cette irrecevabilité ne concernait qu’une des requérantes et n’avait d’impact que sur les coûts liés à la présente procédure.

55      Il convient de relever que les requérantes demandent, en substance, que Havenbedrijf Moerdijk puisse être substituée à Havenschap dans le cadre de la présente procédure.

56      Il ressort de l’argumentation des requérantes et des documents qu’elles ont produits devant le Tribunal que Havenbedrijf Moerdijk exerce désormais les activités de Havenschap qui auraient été exonérées de l’impôt sur les sociétés si la décision attaquée n’avait pas été adoptée et que les droits et obligations découlant du présent recours ont été transférés à Havenbedrijf Moerdijk.

57      Il y a donc lieu d’accepter la demande des requérantes visant à ce que Havenbedrijf Moerdijk poursuive l’action en justice engagée par Havenschap.

58      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission tiré du fait que Havenschap continue d’exister.

59      En vertu d’une jurisprudence constante, une action en annulation engagée par une personne morale peut être poursuivie par l’ayant cause à titre universel de celle-ci, notamment dans le cas où cette personne morale cesse d’exister alors que l’ensemble de ses droits et obligations est transféré à un nouveau titulaire et que, dans une telle situation, l’ayant cause à titre universel est nécessairement substitué de plein droit à son prédécesseur (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 21 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, la quasi-totalité des droits et des obligations de Havenschap ayant été transférée à Havenbedrijf Moerdijk, ce transfert peut être assimilé à un transfert à titre universel.

61      En outre, s’il est vrai que, dans certains arrêts rendus en matière de concurrence, le fait que l’ancienne entité eût continué d’exister avait fait obstacle à ce que la nouvelle entité pût poursuivre l’action en justice de l’ancienne entité (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 48, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 73), cette solution était justifiée par des circonstances propres aux affaires ayant donné lieu à ces arrêts. Ainsi, dans ces affaires, l’ancienne entité était le destinataire de la décision attaquée, qui avait introduit le recours en cette qualité, et cette décision infligeait une amende à l’ancienne entité. En l’espèce, les requérantes n’ont pas introduit le recours en tant que destinataires de la décision attaquée, mais en tant que bénéficiaires de l’exonération de l’impôt sur les sociétés, déclarée incompatible avec le marché intérieur et devant être supprimée par le Royaume des Pays-Bas, et la décision attaquée n’inflige pas d’amende.

62      Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, le fait que Havenschap continue d’exister ne s’oppose pas à ce que Havenbedrijf Moerdijk soit admise à se substituer à Havenschap dans le cadre de la présente procédure.

 Sur le fond

63      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent, en substance, trois moyens. Le premier est tiré de la violation des objectifs des règles en matière d’aides d’État. Le deuxième est tiré de la violation des principes généraux du droit de l’Union, en particulier du principe d’égalité de traitement, de « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » et de « l’interdiction de l’arbitraire ». Le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

64      Il conviendra d’examiner le troisième moyen en premier.

 Observations liminaires

65      Les moyens invoqués par les requérantes ne visent pas à contester la conclusion de la Commission selon laquelle l’exonération de l’impôt sur les sociétés qui leur a été accordée constituait, pour ce qui est de leurs activités économiques, une aide incompatible avec le marché intérieur. Par leurs moyens, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission – qui mène en parallèle des enquêtes sur des aides comparables qui seraient accordées aux ports maritimes belges, allemands et français – de ne pas avoir clos ses enquêtes en même temps ou de ne pas avoir assorti la décision attaquée d’une période transitoire afin d’assujettir, au même moment, les ports maritimes publics néerlandais et leurs concurrents directs à l’impôt sur les sociétés.

66      Compte tenu de l’argumentation des requérantes, il convient de présenter brièvement, avant d’examiner les différents moyens soulevés, les enquêtes menées par la Commission à l’égard des mesures accordées par le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et la République française en faveur de leurs ports maritimes respectifs.

67      En juillet 2013, la Commission a envoyé un questionnaire à tous les États membres concernant le fonctionnement et la fiscalité de leurs ports afin d’obtenir une vue d’ensemble en la matière et de clarifier la situation des ports au regard des règles de l’Union sur les aides d’État.

68      À la suite des réponses reçues à son questionnaire et aux demandes de renseignements complémentaires, la Commission a envoyé, le 9 juillet 2014, des lettres au Royaume de Belgique et à la République française, au titre de la procédure de coopération prévue à l’article 17 du règlement no 659/1999.

69      Dans les lettres adressées au Royaume de Belgique et à la République française au titre de la procédure de coopération prévue à l’article 17 du règlement no 659/1999, la Commission estimait, à titre préliminaire, que les exonérations de l’impôt sur les sociétés accordées aux ports maritimes belges et français constituaient des régimes d’aides d’État existants incompatibles au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et annonçait son intention de réexaminer lesdits régimes. Elle informait, en outre, les autorités belges et françaises que ce réexamen pourrait aboutir à une proposition de mesures utiles, en application de l’article 18 du règlement no 659/1999, en vue de la suppression des aides incompatibles.

70      Les autorités belges et françaises ont présenté leurs observations.

71      Le 21 janvier 2016, en vertu de l’article 22 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), la Commission a proposé des mesures utiles au Royaume de Belgique et à la République française afin de garantir que leurs ports maritimes publics ou privés acquittent l’impôt sur les sociétés sur leurs activités économiques selon le même régime que les autres entreprises opérant sur leurs territoires respectifs.

72      Par lettres du 8 juillet 2016, la Commission a informé le Royaume de Belgique et la République française qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concerne les exonérations de l’impôt sur les sociétés accordées aux ports maritimes belges et français. La Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne la lettre adressée au Royaume de Belgique (JO 2016, C 302, p. 5) et la lettre adressée à la République française (JO 2016, C 302, p. 23).

73      Le 27 juillet 2017, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/2115 concernant le régime d’aides SA.38393 (2016/C, ex 2015/E) mis à exécution par la Belgique – Fiscalité des ports en Belgique (JO 2017, L 332, p. 1), ainsi que la décision (UE) 2017/2116 concernant le régime d’aides SA.38398 (2016/C, ex 2015/E) mis à exécution par la France – Fiscalité des ports en France (JO 2017, L 332, p. 24). Dans ces décisions, elle a estimé que les exonérations de l’impôt sur les sociétés accordées aux ports maritimes belges et français constituaient un régime d’aides d’État existant incompatible avec le marché intérieur pour ce qui était de leurs activités économiques, qu’elles devaient être abolies et, enfin, que les ports maritimes belges et français devaient être soumis à l’impôt sur les sociétés au plus tard à compter du 1er janvier 2018.

74      En ce qui concerne les ports maritimes situés en Allemagne, la Commission a relevé, dans un communiqué portant la référence IP/14/794, du 9 juillet 2014, qu’il apparaissait que ces ports étaient soumis à l’impôt sur les sociétés. Elle a souligné qu’elle avait toutefois demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui fournir des informations complémentaires afin de s’assurer que certains ports maritimes allemands ne bénéficiaient d’aucun avantage concurrentiel injustifié.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

75      Les requérantes font valoir que la décision attaquée n’est pas motivée conformément à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À cet égard, elles invoquent deux branches.

76      Par une première branche, elles soutiennent que la Commission n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle traitait les ports maritimes publics néerlandais différemment des ports maritimes concurrents, situés en Belgique, en Allemagne et en France, lesquels auraient reçu des formes comparables d’aides d’État existantes, voire des formes significativement plus dommageables d’aides à l’exploitation.

77      La Commission soutient qu’elle n’avait pas à donner cette explication, parce qu’elle n’était pas tenue d’aborder, dans la décision attaquée, des éléments qui n’étaient pas pertinents.

78      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 88 et jurisprudence citée).

79      Il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure administrative, les requérantes ont soutenu qu’elles étaient en concurrence directe avec d’autres ports maritimes de l’Union, en particulier avec ceux situés entre Hambourg (Allemagne) et Le Havre (France), et que le fait que les enquêtes de la Commission sur l’imposition des ports maritimes de l’Union aient été effectuées à des rythmes différents, se soient trouvées à des stades différents et selon des points de départ différents risquait de conférer un avantage concurrentiel aux ports maritimes des États membres dont l’examen n’en était qu’à un stade précoce. Selon les requérantes, cette situation était contraire au principe d’égalité de traitement et à l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. Les requérantes ont ajouté qu’elles étaient prêtes à respecter les règles en matière d’aides d’État, mais seulement si des conditions de concurrence équitables s’appliquaient à tous les ports maritimes dans tous les États membres.

80      Il ressort également de la décision attaquée que les requérantes ont aussi soutenu, lors de la procédure administrative, qu’il existait des différences significatives s’agissant du montant des aides publiques accordées aux différents ports situés entre Hambourg et Le Havre et que l’exonération en cause n’avait pas pour effet d’avantager les ports maritimes publics néerlandais, mais, tout au plus, de désavantager un peu moins ceux-ci par rapport aux autres ports maritimes européens. Les requérantes en ont conclu que l’exonération de l’impôt sur les sociétés qui leur avait été accordée ne créait pas de distorsion de concurrence au niveau de l’Union.

81      Il ressort enfin de la décision attaquée que les autorités néerlandaises ont soutenu, lors de la procédure administrative, qu’une période transitoire devait être accordée avant que les ports maritimes publics néerlandais ne soient soumis à l’impôt sur les sociétés. Un des arguments avancés par lesdites autorités à cet égard consistait à soutenir qu’il était essentiel que la Commission garantisse des conditions de concurrence équitables entre les ports maritimes concurrents et donc que tous les ports maritimes de l’Union soient soumis à l’impôt sur les sociétés ou, à tout le moins, les ports maritimes concurrents des ports maritimes publics néerlandais.

82      En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel l’exonération de l’impôt sur les sociétés, accordée aux requérantes, ne créait pas de distorsion de concurrence, la Commission a répondu, dans la décision attaquée, qu’il était suffisant que l’aide permette au bénéficiaire de conserver une position concurrentielle plus forte que celle qu’il aurait eue en l’absence d’aide et que, par conséquent, le fait que certains ports maritimes de l’Union reçoivent des aides d’État ne signifiait pas que la concurrence n’était pas faussée par l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes.

83      La Commission a en outre ajouté, après avoir constaté le caractère sélectif de l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes, que, en l’absence d’harmonisation de la fiscalité directe, la situation fiscale des ports maritimes des différents États membres différerait toujours dans une certaine mesure et qu’il était de jurisprudence constante qu’un État membre ne pouvait pas justifier le maintien d’exonérations fiscales qui constituaient des aides d’État en faisant référence à d’autres États membres où des mesures comparables étaient susceptibles d’exister. Ainsi, elle a estimé que l’existence d’exonérations comparables accordées à des entreprises publiques dans d’autres États membres ou l’absence de conditions de concurrence équitables au niveau européen ne justifiaient pas l’absence de mise en œuvre d’une décision de la Commission proposant des mesures utiles.

84      Enfin, s’agissant de la demande de période transitoire pour abolir l’exonération en cause présentée par les autorités néerlandaises lors de la procédure administrative, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que, lorsqu’elle adoptait une décision finale concernant une aide d’État existante et concluait que la mesure en cause était une aide incompatible avec le marché intérieur, la mesure devait être abolie ou modifiée le plus rapidement possible et que, à ce stade de la procédure, les États membres ne devaient pas se voir accorder de période transitoire. Elle a estimé que, en tout état de cause, il n’existait pas de circonstances exceptionnelles, en l’espèce, qui auraient pu justifier l’octroi d’une période transitoire. À cet égard, elle a estimé que l’argument de la nécessité d’assurer des conditions de concurrence équitables au niveau de l’Union ne justifiait pas une période transitoire.

85      Il s’ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné les arguments soulevés devant elle concernant la situation des ports maritimes concurrents des requérantes et les a écartés au motif, d’une part, que la situation de ces ports n’était pas pertinente pour apprécier si l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et, d’autre part, que la situation de ces ports ne permettait au Royaume des Pays-Bas ni de justifier l’octroi d’une aide d’État aux requérantes ni d’obtenir une période transitoire pour abolir cette aide.

86      La Commission a donc clairement expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi elle estimait que la situation des ports maritimes concurrents des requérantes n’était pas pertinente. Or, étant donné que, selon elle, la situation de ces ports n’était pas pertinente, il était normal qu’elle ne donnât pas davantage d’explications quant aux enquêtes qu’elle menait à leur égard. Ainsi, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir expliqué pourquoi elle n’avait pas encore adopté de décisions concernant les aides éventuelles accordées aux ports maritimes situés en Belgique, en Allemagne et en France.

87      Partant, la première branche doit être rejetée.

88      Par une seconde branche, les requérantes, soutenues par le Royaume des Pays-Bas, font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission n’avance aucune donnée dont il ressortirait que les ports maritimes publics néerlandais ne seraient pas principalement en concurrence avec les autres ports maritimes publics situés entre Hambourg et Le Havre. Elles ajoutent que la Commission n’a réalisé aucun examen des marchés géographiques ou des produits pertinents, ni des conditions réelles de concurrence sur les marchés pertinents. Elle se serait limitée à employer quelques phrases types, comme l’affirmation selon laquelle les ports maritimes publics néerlandais seraient en concurrence avec des entreprises privées, sans vérifier ni justifier la pertinence de cette affirmation. La Commission aurait ainsi violé son obligation de motivation.

89      Dans leurs écritures, les requérantes et le Royaume des Pays-Bas reconnaissent expressément que l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes constitue une aide d’État. Lors de l’audience, les requérantes ont également souligné qu’elles ne contestaient pas la qualification d’aide d’État de cette exonération. Partant, il y a lieu de considérer que, par cette argumentation relative aux marchés pertinents, les requérantes et le Royaume des Pays-Bas ne visent pas à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée s’agissant de la qualification d’aide de la mesure en cause, mais reprochent à nouveau à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, du fait que les requérantes étaient en concurrence avec les autres ports maritimes publics situés entre Hambourg et Le Havre, lesquels recevraient également des aides d’État.

90      Or, à cet égard, il suffit de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que les requérantes étaient en concurrence avec d’autres ports publics, situés entre Hambourg et Le Havre, lesquels recevraient potentiellement des aides, mais qu’elle a estimé que ce fait n’était pas pertinent.

91      À titre surabondant, il convient de relever qu’il ressort des points 55 à 84 de la décision attaquée, qui sont résumés aux points 22 à 28 ci-dessus, que la Commission a suffisamment motivé sa conclusion selon laquelle l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux ports maritimes publics néerlandais constituait une aide d’État et qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’il suffit que la Commission établisse que les aides considérées sont de nature à affecter les échanges entre les États membres et menacent de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter le marché en cause et d’analyser sa structure ainsi que les rapports de concurrence en découlant (voir arrêt du 16 septembre 2013, British Telecommunications et BT Pension Scheme Trustees/Commission, T‑226/09 et T‑230/09, non publié, EU:T:2013:466, point 156 et jurisprudence citée).

92      Partant, la seconde branche doit également être rejetée.

93      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des objectifs des règles en matière d’aides d’État

94      Les requérantes soulignent que la Commission a déclaré dans plusieurs communiqués de presse que la concurrence transfrontalière jouait un rôle important dans le secteur portuaire et qu’elle s’engageait à garantir des conditions de concurrence équitables entre tous les ports maritimes de l’Union.

95      Or, selon les requérantes, soutenues par le Royaume des Pays-Bas, la Commission ne se serait pas acquittée de cette mission. En adoptant la décision attaquée, la Commission aurait, au contraire, perturbé les conditions de concurrence dans le secteur portuaire, qui étaient déjà inéquitables avant l’adoption de la décision attaquée, au détriment des ports maritimes publics néerlandais. En effet, dans cette décision, la Commission interviendrait seulement sur la position concurrentielle des ports maritimes publics néerlandais et pas sur celle des entreprises avec lesquelles ils sont en concurrence.

96      La Commission conteste les arguments des requérantes et du Royaume des Pays-Bas.

97      Il convient de relever que, selon la jurisprudence, la violation éventuelle par un État membre d’une obligation lui incombant en vertu du traité, notamment de l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne saurait être justifiée par la circonstance que d’autres États membres manqueraient également à cette obligation et que l’effet de plusieurs distorsions de concurrence sur les échanges entre États membres n’est pas de se neutraliser mutuellement, mais il est, au contraire, de nature cumulative, ce qui augmente les conséquences nuisibles pour le marché intérieur (arrêt du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 24).

98      Ainsi, à supposer que d’autres États membres accordent des aides d’État à leurs ports maritimes, il n’en demeure pas moins que la Commission, dans la décision attaquée, en déclarant l’aide accordée aux ports maritimes publics néerlandais incompatible avec le marché intérieur et en ordonnant qu’elle soit abolie, vise à rétablir des conditions de concurrence équitables dans le secteur portuaire et donc à remplir les objectifs des règles en matière d’aides d’État.

99      En effet, des conditions de concurrence équitables sont nécessairement des conditions de concurrence sans aides d’État, puisque ce sont ces aides qui créent des distorsions de concurrence.

100    C’est donc à tort que les requérantes soutiennent que la décision attaquée viole les objectifs des règles en matière d’aides d’État.

101    Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes généraux du droit de l’Union, en particulier du principe d’égalité de traitement, de « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » et de « l’interdiction de l’arbitraire »

102    Les requérantes relèvent que, à la différence d’une aide nouvelle non notifiée, une aide existante n’est pas illicite et la Commission est la seule à pouvoir déclarer une telle aide incompatible avec le marché intérieur ex nunc. En outre, elles font valoir que la Commission avait connaissance du fait que les ports maritimes belges, français et néerlandais bénéficiaient d’une exonération de l’impôt sur les sociétés, ce qui constituait des aides existantes au sens de l’article 108, paragraphe 1, TFUE. Elle avait également connaissance du fait que les ports maritimes allemands bénéficiaient d’une exonération fiscale et d’autres formes dommageables d’aides à l’exploitation, qui leur ôtaient toute incitation à appliquer des tarifs permettant de couvrir leurs coûts.

103    Selon les requérantes et le Royaume des Pays-Bas, dans ces circonstances, il appartenait à la Commission d’ouvrir, dans le secteur des ports maritimes, l’enquête sectorielle visée à l’article 25 du règlement 2015/1589. À défaut, la Commission aurait au moins pu joindre les enquêtes sur les mesures d’aides aux ports maritimes de l’Union ou en coordonner les déroulements et les termes. La Commission aurait en outre pu assortir la décision attaquée d’une période transitoire afin de coordonner la suppression de l’impôt sur les sociétés des ports maritimes publics néerlandais avec des mesures analogues à l’égard des exonérations équivalentes des ports maritimes belges, français et allemands et à l’égard des formes gravement anticoncurrentielles d’aides à l’exploitation accordées aux ports allemands. Enfin, les requérantes relèvent que la Commission est investie d’une compétence discrétionnaire pour agir contre les mesures d’aides existantes, notamment pour établir son calendrier, mais, dès lors que l’exonération accordée aux ports maritimes publics néerlandais existait depuis très longtemps, il n’y avait aucune raison pour que la Commission dût apprécier à un moment différent la situation des ports maritimes publics néerlandais et celle des ports maritimes concurrents des pays voisins. Enfin, rien n’empêchait la Commission, selon les requérantes, de clore l’enquête en cours sur les exonérations fiscales pour les entreprises publiques néerlandaises et d’en ouvrir une autre relative au maintien temporaire de cette exonération spécifique aux ports maritimes.

104    La Commission se serait pourtant abstenue de le faire, et les ports maritimes publics néerlandais seraient les seuls à en subir les conséquences négatives. Par la décision attaquée, la Commission aurait, par conséquent, enfreint les principes généraux du droit de l’Union, plus particulièrement le principe d’égalité de traitement, « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » et « l’interdiction de l’arbitraire ». De plus, elle récompenserait, par sa manière de procéder, les États membres – et les entreprises qui y sont établies – qui, en violation du principe de coopération loyale consacré par l’article 4 TUE, ne seraient pas transparents s’agissant de la manière dont ils soutiennent leurs ports.

105    En outre, selon les requérantes, les ports maritimes publics néerlandais se trouvent dans la même situation que les ports maritimes belges, français et allemands.

106    En ce qui concerne les ports maritimes belges, les requérantes relèvent, en s’appuyant sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen concernant les ports maritimes belges, prise par la Commission le 8 juillet 2016, qu’il ressort du code des impôts sur les revenus belge qu’un certain nombre de ports belges ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés, mais qu’ils sont assujettis à un autre type d’impôt, l’impôt des personnes morales. Il ressortirait également de ce code que l’impôt des personnes morales ne prévoit pas la taxation de l’ensemble des bénéfices, mais seulement de certains types de revenus, et que les taux applicables aux revenus imposables en vertu de l’impôt des personnes morales sont généralement inférieurs aux taux applicables en matière d’impôt sur les sociétés. Selon les requérantes, la pression fiscale effective résultant de l’impôt des personnes morales serait négligeable pour les ports maritimes belges, qui se trouveraient donc dans une situation similaire à celle des ports maritimes publics néerlandais.

107    En ce qui concerne les ports maritimes français, les requérantes soulignent, en s’appuyant sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen concernant les ports maritimes français, prise par la Commission le 8 juillet 2016, que, en vertu de deux décisions ministérielles françaises, la plupart des ports français sont exonérés de l’impôt sur les sociétés.

108    En ce qui concerne les ports maritimes allemands, les requérantes soutiennent que lesdits ports ne sont soumis à l’impôt sur les sociétés ni en droit ni en fait. Ils n’y seraient pas soumis en droit, dès lors que les personnes morales de droit public allemandes ne sont pas concernées par les prélèvements liés aux prestations économiques lorsqu’il n’est pas question d’activités économiques lucratives et durables et que, même si les ports généraient des bénéfices, le prélèvement d’impôts sur de nombreuses activités portuaires serait évité grâce à l’exonération pour les missions de pur service public, pour les activités d’intérêt général et pour la simple gestion d’actifs. Les ports maritimes allemands ne seraient pas non plus soumis à l’impôt sur les sociétés en fait, dans la mesure où leurs modalités structurelles de financement et la manière dont ils fixent leurs tarifs rendent leur fonctionnement durablement déficitaire, raison pour laquelle ils ne payent aucun impôt sur les revenus tirés d’activités qui, en principe, relèvent bien du champ d’application de l’impôt sur les sociétés. Les requérantes soutiennent en outre que les ports maritimes allemands bénéficient d’aides à l’exploitation.

109    Enfin, les requérantes soutiennent que le simple fait que les procédures dirigées contre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et la République française se trouvaient à un stade différent de celui de la procédure dirigée contre le Royaume des Pays-Bas n’exclurait pas une violation du principe d’égalité de traitement.

110    La Commission conteste les arguments des requérantes et du Royaume des Pays-Bas.

111    À titre liminaire, il convient de relever que les requérantes invoquent une violation des principes généraux du droit de l’Union de façon générale, en particulier une violation du principe d’égalité de traitement, de « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » et de « l’interdiction de l’arbitraire ».

112    Toutefois, dans la requête, les requérantes avancent, au soutien du présent moyen, seulement des arguments visant à démontrer une violation des trois principes qu’elles ont invoqués en particulier et n’avancent donc aucun argument pour démontrer qu’un autre principe général du droit de l’Union aurait été violé.

113    Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant irrecevable en ce que les requérantes invoquent une violation des principes généraux du droit de l’Union de façon générale. En effet, il ressort de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, EU:T:2009:453, point 150 et jurisprudence citée).

114    Le présent moyen est cependant recevable en ce qu’il est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, de « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » et de « l’interdiction de l’arbitraire ».

115    En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, il convient de rappeler que, s’agissant des aides existantes, l’article 108, paragraphe 1, TFUE donne compétence à la Commission pour procéder à leur examen permanent avec les États membres. Dans le cadre de cet examen, la Commission propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur. En outre, l’article 108, paragraphe 2, TFUE dispose que, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE ou que cette aide est appliquée de manière abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

116    Il convient également de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 6 mars 2012, FLSmidth/Commission, T‑65/06, non publié, EU:T:2012:103, point 95 et jurisprudence citée).

117    Ainsi, les requérantes ne sauraient, pour obtenir l’annulation de la décision attaquée, se prévaloir du fait que la Commission n’a pas, à tort, demandé, au même moment, au Royaume de Belgique, à la République fédérale d’Allemagne et à la République française d’abolir les aides accordées à leurs ports.

118    De plus, si, certes, ainsi que le soulignent les requérantes, une aide existante doit être considérée comme étant légale aussi longtemps que la Commission n’a pas constaté son incompatibilité avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins que, dès lors que la Commission a constaté que l’exonération de l’impôt sur les sociétés accordée aux requérantes était une aide d’État incompatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE, cette aide devait être supprimée et les requérantes ne sauraient tirer du principe d’égalité de traitement le droit de pouvoir continuer à bénéficier d’une aide incompatible.

119    En tout état de cause, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, le respect du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 11 décembre 2014, Autriche/Commission, T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 124 et jurisprudence citée). Selon une jurisprudence également constante, la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent (voir arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, C‑26/15 P, non publié, EU:C:2016:132, point 63 et jurisprudence citée).

120    Or, en l’espèce, il existait des raisons objectives justifiant que la Commission adoptât la décision attaquée et ordonnât que l’exonération en cause fût abolie avant les exonérations accordées aux ports maritimes concurrents des requérantes.

121    En effet, d’une part, il convient de relever que la Commission a ouvert une procédure d’office concernant la fiscalité applicable aux entreprises publiques néerlandaises en 2004, engagé la procédure de coopération, prévue à l’article 17 du règlement no 659/1999, à l’égard du Royaume des Pays-Bas, le 9 juillet 2008 et proposé, conformément à l’article 18 du règlement no 659/1999, des mesures utiles au Royaume des Pays-Bas, le 2 mai 2013.

122    La procédure engagée à l’encontre du Royaume des Pays-Bas se trouvait donc à un stade très avancé lorsque la Commission a reçu les réponses du Royaume de Belgique, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française à son questionnaire envoyé en juillet 2013 sur le fonctionnement et la fiscalité de leurs ports.

123    Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cela justifiait que la Commission eût clos son enquête sur les entreprises publiques néerlandaises en premier.

124    D’autre part, les législations fiscales applicables aux ports maritimes français, belges et allemands diffèrent de celle applicable aux ports maritimes publics néerlandais.

125    En effet, premièrement, en ce qui concerne les ports maritimes français, il ressort des décisions ministérielles françaises invoquées par les requérantes que l’exonération de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient la plupart des ports maritimes français s’applique aux « immeubles et services nécessaires à l’exploitation des ports ou qui dépendent directement de cette exploitation » (gestion des entrepôts des douanes ou de magasins généraux situés dans les ports, exploitation de l’outillage des quais, fourniture d’eau douce aux navires, etc.). Les « produits financiers perçus par les ports autonomes et les chambres de commerce et d’industrie maritimes au titre du placement de sommes provenant de l’exploitation d’installations industrielles et commerciales maritimes » sont également exonérés de l’impôt sur les sociétés (voir points 15 et 16 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen concernant les ports maritimes français, prise par la Commission le 8 juillet 2016 et citée par les requérantes).

126    Ainsi, les ports maritimes français ne bénéficient pas, contrairement aux ports maritimes publics néerlandais, d’une exonération totale de l’impôt sur les sociétés.

127    Deuxièmement, il ressort de la présentation faite par les requérantes elles-mêmes de la législation belge applicable aux ports maritimes que, si ceux-ci ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés, ils sont soumis à un autre type d’impôt, l’impôt des personnes morales.

128    Ainsi, même si les ports maritimes français et belges ne subissent pas de pression fiscale effective sur leurs bénéfices, cela ne remet pas en cause le fait que les législations fiscales applicables aux ports maritimes français et belges diffèrent de celle applicable aux requérantes.

129    Enfin, en ce qui concerne les ports maritimes allemands, il suffit de relever qu’il ressort de la présentation de la législation fiscale applicable aux ports allemands faite par les requérantes elles-mêmes que cette législation est beaucoup plus complexe que celle applicable aux ports maritimes publics néerlandais. De plus, selon les requérantes, les ports allemands bénéficient, en outre, d’aides à l’exploitation, alors que les ports néerlandais n’en bénéficient pas. La situation des ports allemands diffère donc de celle des ports néerlandais.

130    Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission d’avoir traité différemment des situations comparables.

131    Par ailleurs, il convient de relever que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen adressée à la République française, prise par la Commission le 8 juillet 2016, la Commission a observé qu’aucune logique universelle à l’exonération des ports ne se détachait des résultats de l’enquête sur le fonctionnement et la fiscalité des ports lancée en juillet 2013 et a indiqué qu’il apparaissait au contraire que plus de la moitié des États membres soumettaient leurs ports aux règles normales de l’impôt sur les sociétés.

132    Or, retenir l’argumentation des requérantes conduirait à ce que la Commission dût attendre de terminer toutes ses enquêtes à l’égard de tous les États membres qui accordent des aides à leurs ports maritimes pour prendre ses décisions finales et ordonner la suppression desdites aides, au détriment des États membres qui n’accordent pas d’aides à leurs ports maritimes.

133    Il y a lieu également de relever que la Commission a activement mené ses enquêtes sur la fiscalité des ports maritimes belges et français, ainsi que cela ressort des points 68 à 74 ci-dessus, et qu’elle mène en parallèle une enquête sur la fiscalité des ports allemands. C’est donc à tort que les requérantes soutiennent que la Commission a fait preuve de négligence.

134    Il résulte de ce qui précède que les requérantes soutiennent à tort que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement et « l’interdiction de l’arbitraire ».

135    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

136    En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission aurait dû ouvrir une enquête sectorielle dans le secteur des ports maritimes sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2015/1589, il convient de relever, tout d’abord, que la possibilité, pour la Commission, de mener des enquêtes par secteur a été introduite par le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013, modifiant le règlement no 659/1999 (JO 2013, L 204, p. 15), qui est entré en vigueur le 20 août 2013. Or, la Commission a ouvert son enquête sur la fiscalité applicable aux entreprises publiques néerlandaises bien avant cette date. Cette enquête ne pouvait donc pas se fonder sur une disposition non encore entrée en vigueur.

137    De plus, il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2015/1589 dispose que, lorsque les informations disponibles donnent des motifs raisonnables de penser que des mesures d’aides d’État dans un secteur particulier ou reposant sur un instrument d’aide particulier sont susceptibles de restreindre ou de fausser sensiblement la concurrence dans le marché intérieur dans plusieurs États membres, ou que des aides existantes dans un secteur particulier dans plusieurs États membres ne sont pas ou ne sont plus compatibles avec le marché intérieur, la Commission peut mener une enquête dans différents États membres sur le secteur économique ou l’utilisation de l’instrument d’aide concerné. Ainsi, l’ouverture d’une enquête sectorielle par la Commission est une possibilité et non une obligation.

138    En ce qui concerne l’argument selon lequel rien n’empêchait la Commission de clore l’enquête en cours sur les exonérations fiscales pour les entreprises publiques néerlandaises et d’en ouvrir une autre relative au maintien temporaire de cette exonération spécifique aux ports maritimes, il convient de relever que la question de la fiscalité des ports maritimes publics néerlandais relevait du champ de l’enquête relative à la fiscalité des entreprises publiques et que la Commission n’avait aucune raison de clore cette enquête, dès lors que la modification introduite par le Royaume des Pays-Bas à la Wet Vpb 1969 par la Wet Vpb 2015 ne répondait pas entièrement à la demande faite par la Commission à cet État de supprimer l’exonération de l’impôt sur les sociétés à l’égard de toutes les entreprises publiques néerlandaises en bénéficiant.

139    En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission récompenserait, par sa manière de procéder, les États membres et les entreprises établies dans ces États qui, en violation du principe de coopération loyale consacré par l’article 4 TUE, ne feraient pas preuve de transparence s’agissant de la manière dont ils soutiendraient leurs ports, il suffit de relever que, même à supposer que le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne et la République française aient violé le principe de coopération loyale en ne fournissant pas à la Commission des renseignements concernant les aides existantes qu’ils auraient accordées à leurs ports maritimes plus tôt, la violation par ces États membres dudit principe ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

140    Par ailleurs, les requérantes, soutenues par le Royaume des Pays-Bas, ajoutent que, dans la décision attaquée, la Commission n’a réalisé aucun examen des marchés géographiques ou des produits pertinents, ni des conditions réelles de concurrence sur les marchés pertinents. Elle se serait limitée à employer quelques phrases types, comme l’affirmation selon laquelle les ports maritimes publics néerlandais seraient en concurrence avec des entreprises privées – ce qui serait à l’évidence inexact –, sans vérifier ni justifier la pertinence de cette affirmation. Contrairement à ce que la Commission ferait croire dans la décision attaquée, les ports maritimes publics néerlandais ne seraient pas en concurrence avec des entreprises privées néerlandaises, ils seraient en concurrence principale et directe avec les autres ports maritimes publics situés entre Hambourg et Le Havre. La Commission aurait ainsi violé « l’exigence de préparation minutieuse des décisions » sur ce point.

141    Il convient de rappeler que cette argumentation a déjà été rejetée dans le premier moyen en ce qu’elle vise à reprocher à la Commission un défaut de motivation.

142    En ce que cette argumentation vise à reprocher à la Commission une violation de « l’exigence de préparation minutieuse des décisions », c’est-à-dire du principe de bonne administration, il convient de relever, ainsi que l’a fait la Commission dans la duplique, que les requérantes ont admis, dans la réplique, être en concurrence marginale avec un port maritime privé néerlandais. Elles sont donc au moins en concurrence avec une entreprise privée néerlandaise. En outre, la Commission n’a jamais contesté l’argument soulevé devant elle selon lequel elles étaient en concurrence avec d’autres ports maritimes publics, situés entre Hambourg et Le Havre, elle a simplement estimé que cette argumentation n’était pas pertinente.

143    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient soutenir que la Commission a violé le principe de bonne administration.

144    Enfin, en ce qui concerne le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité invoqué pour la première fois lors de l’audience, il convient de relever qu’il n’a pas été étayé, les requérantes n’ayant pas expliqué en quoi ce principe avait été violé. Il doit donc être rejeté.

145    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

147    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume des Pays-Bas supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Havenbedrijf Moerdijk NV est admise à se substituer à Havenschap Moerdijk en tant que partie requérante.

2)      Le recours est rejeté.

3)      Groningen Seaports NV et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

4)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 mai 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

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